Ils sont gentils. Ils sont trentenaires. Ils sont pleins de bons sentiments. C’est eux maintenant qui amusent bébé en temps de crise (économique et spirituelle), parce que ses parents ont quitté le bateau, parce qu’eux-mêmes ont parfois des mômes (par accident), ou parce qu’il faut bien gagner la croûte d’éternels intermittents précaires du spectacle vivant (youpi !). Les bobos débarquent comme nouveaux éducateurs sociaux, principaux amuseurs d’ados, animateurs de centre aéré déguisés en Ronald MacDonald version Tim Burton, formateurs et écrivains jeunesse. Et comme ils ont dit « merde » à l’Église, à la foi, à la différence des sexes et à la beauté, ils n’ont pas grand-chose à transmettre… à part leurs farces, leurs cris, leur agressivité, leurs imitations de sales gosses sauvageons asociaux, leur « monde enchanté » désenchanté, leurs facéties vulgaires ou provocatrices, leurs larmes, leurs pirouettes. Aucun message dans leurs pièces ou leurs contes sinon le nihilisme esthétisé (« La vie ne vaut rien et rien ne vaut la vie ») et quelques rares morales nazes de « tolérance » (« L’important, c’est le respect. »), quand ce n’est pas carrément une prise en otage des bambins dans les considérations politiques et sexuelles des adultes (exemple : les livres vantant l’« homoparentalité », le naturisme, l’anti-Sarkozisme, ou bien les spectacles étiquetés « scolaires » mais ne s’adressant pas du tout à un public infantile). Quasiment aucune valeur transmise, aucune promotion de l’amitié, de la fidélité et de l’amour.
Le divertissement jeunesse actuel, à cause des bobos trentenaires hédonistes et désabusés, souvent bien sympathiques mais peu nourrissants, a perdu son innocence et sa beauté. Il est devenu moribond et vaguement amusant (« vaguement » car on rit très peu en le voyant ; et franchement, pour éteindre le rire des enfants, particulièrement bon public, il faut le faire !). Il défend des enfants turbulents (joués par des adultes), facétieux, qui pètent, qui rotent (quand ça ne va pas plus loin…), qui désobéissent, qui jouent les femmes fatales « libérées délivrées » de The Voice, ou les p’tits mecs crades et incivilisés.
Je n’en doute pas : certains de ces « artistes baby-sitters improvisés » veulent bien faire, jouent techniquement très bien, et donc font ce qu’ils peuvent, les pauvres : au milieu de leur concert cacophonique de la laideur et du cri, ils s’efforcent de rajouter une petite touche de tendresse-chienne à la « Mistral Gagnant » de Renaud, pour masquer in extremis leur déprime, leur manque d’Espérance et d’idéaux, par la nostalgie. Je crois même qu’ils ne se rendent pas compte de la terreur qu’ils ont inspiré aux plus petits, du manque de messages qu’ils leur ont délivré. Ils ont juste oublié d’être doux et profonds. Comme il me tarde que les artistes bobos rencontrent Dieu et sa douceur de Vérité !
J’ai eu la chance d’assister, il n’y a peu, à de vrais spectacles pour enfants, au moment de Noël, à l’église saint Nicolas des Champs (pas du Chardonnet, hein). J’étais épaté de voir comment ces spectacles délivraient à la seconde une quantité impressionnante de messages (de bonté, de beauté, de combat pour la Vérité), sans tomber dans un moralisme desséchant ni au contraire dans la guimauve. Ces petites saynètes avaient le souci de préserver l’innocence des enfants et leur goût du beau, et la sagesse de contourner le bon sentiment cucul, l’éloignement du Réel et des épreuves de la vie, la mièvrerie spirituelle. Comme il est bon que les grands n’entraînent pas trop vite les enfants dans leurs préoccupations d’adultes (adultères), dans leurs propres tourmentes, questionnements qui tournent en rond, ignorances, croyances désabusées. Je n’ai absolument rien contre l’impertinence ou l’insolence, bien au contraire. La preuve : pour moi, le spectacle pour enfants que j’ai le plus aimé – car il mêlait humour d’adultes très moderne et décalé (plein de références télé commerciales et de vannes débiles) et humour d’enfants (avec des gags bon enfant, des mimiques clownesques, une intrigue avec une belle morale où l’on apprend des choses, une défense du vrai, du juste, du beau, du doux, des histoires d’amour, d’amitié et de foi) – c’est le spectacle Le Bossu de Notre-Dame de Thomas Soliveres (joué au Point Virgule à Paris). Tout est une question de dosage. Tout est une question aussi de respect du fonctionnement des enfants. Il faut se mettre à leur hauteur, c’est-à-dire ni les infantiliser (= les tirer vers le bas, leur proposer du trop lisse, du pudibond et du politiquement correct) ni les prendre pour les adultes qu’ils ne sont pas (= les dresser ou les pervertir). C’est tout bête. Il suffit de se mettre à leur service tout en leur proposant des bonnes choses. Les artistes bobos ne leur proposent pas ces bonnes choses, car tout simplement ils ont cessé de croire à ces bonnes choses. Et à la fin de la représentation, ils se mettent à gueuler contre l’enfant de 3 ans du premier rang qui a fait une scène pour rentrer chez lui (et contre sa mère qui n’a pas su le calmer)… sans comprendre que cet enfant, qui a eu peur de leur agressivité réelle, avait entièrement raison.