Aigle noir
NOTICE EXPLICATIVE :
Oiseau en plein viol
Animal formant partie du quatuor diabolique de mon Dictionnaire (aux côtés du taureau, de l’araignée, et de la panthère), l’aigle noir symbolise en général deux choses dans les œuvres homosexuelles : soit le viol (comme l’a discrètement chanté Barbara à propos de l’inceste qu’elle a subi), soit un éloignement de la Réalité (éloignement pouvant se révéler également dangereux parce qu’il s’oriente vers la déshumanisation et la désincarnation). En effet, l’humain qui se rêve oiseau n’a pas les pieds sur terre, vit dans les fantasmes de divinité royale et d’extase qui se mutent parfois en élan fusionnel agressif, en poussée prédatrice vers tout ce qui excite ses instincts. C’est la raison pour laquelle l’aigle noir, en temps normal figure de noblesse et de force, apparaît beaucoup plus négativement dans les fictions traitant d’homosexualité comme le messager/acteur du viol, de l’inceste, notamment à travers le symbolisme homo-érotique bien connu du rapt de Ganymède par l’aigle Zeus.
N.B.: Je vous renvoie également aux codes « Se prendre pour Dieu », « Planeur », « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » », « Femme au balcon », « Animaux empaillés », « Icare », « Hitler gay », « Voleurs », « Pédophilie », « Quatuor », « Douceur-poignard », et à la partie sur la femme-paon du code « Homosexuels psychorigides » , dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) L’aigle noir homosexuel est souvent funèbre ou carnassier :
L’oiseau noir apparaît dans le roman 31, Rue de l’Aigle (1998) d’Abdelkader Djemaï, la pochette de l’album « L’Autre » de Mylène Farmer (avec le corbeau), la chanson « L’Aigle noir » de Barbara (racontant l’inceste qu’elle a subi de la part de son propre père), la pièce L’Aigle à deux têtes (1943) de Jean Cocteau, la pièce Journal d’une autre (2008) de Lydia Tchoukovskaïa, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, le film « The Eagle Shooting Heroes » (1994) de Jeffrey Lau, le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford (comme par hasard, le héros s’appelle George Falconer…), la chanson « Flower Power » de Nathalie Cardone (avec les aigles à deux têtes), la chanson « Always » d’Anggun, le film « Les Mille et une Nuits » (1974) de Pier Paolo Pasolini, le roman L’Aigle de fer (1949) de Jean Orieux, la chanson « Tempête » d’Alizée, le film « Le Faucon maltais » (1941) de John Huston, le roman Les Aigles foudroyés (1997) de Frédéric Mitterrand, le film « Le Rideau déchiré » (1966) d’Alfred Hitchcock (avec le rapt de Ganymède au Musée de Berlin), la pièce El Vals De Los Buitres (1996) d’Hugo Argüelles, le poème « My Mother Would Be A Falconress » (1968) de Robert Duncan, la pièce Les Indélébiles (2008) d’Igor Koumpan et Jeff Sirerol, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato (avec l’amant-aigle), le film « Le Corbeau » (1935) de Louis Friedlander, le film « Alice au pays des merveilles » (2010) de Tim Burton (avec l’aigle noir), le film « L’Alpagueur » (1975) de Philippe Labro (avec le personnage gay de l’Épervier), le film « L’Aigle noir » (1925) de Clarence Brown (avec Rudolph Valentino), le dessin L’Ange à l’envers (1976) d’Endre Rozsda, la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, le tableau Osman (1972) de Jacques Sultana, le tableau Ganymède (1970) d’Hannes Steinert, les vautours dans les tableaux de Pierre-André Guérin, la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, la chanson « Cap Falcon » d’Étienne Daho, le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (avec le vautour), la chanson « J’ai demandé à la lune » d’Indochine (représentée par l’aigle sur écran géant pendant la tournée Météor Tour 2010 à Paris Bercy), le tableau Chiron et Achilles (1922-1924) de John Singer Sargent, la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro (avec l’aigle), la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël » ; avec les ailes d’aigle sur Gérard Depardieu), le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin avec Skip, un des héros homosexuels, et l’aigle sur son blouson), le film « L’Aigle de la neuvième légion » (2011) de Kevin Macdonald, le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant, le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic (avec le tag de l’aigle à deux têtes sur la voiture), etc.
Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, il est fait référence à saint Jean en aigle : « L’aigle qui devait porter sur ses ailes les Saintes Écritures et dont l’expression ordinaire était inquiète, avait, lui aussi, l’air tout à fait joyeux. » (p. 117) Dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, par exemple, Laurie rêve qu’elle est attaquée par des vautours. Dans sa pièce Des Lear (2009), Vincent Nadal parle d’un « abominable vautour ». Dans le générique du film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, on nous signale par écrit que « le corbeau blanc » est une expression employée pour désigner « quelqu’un qui est différent des autres ». L’aigle n’est pas souvent une figure de douceur dans la fantasmagorie homo-érotique, comme on peut le constater par exemple dans le roman de James Purdy Je suis vivant dans ma tombe (1975) : « Un matin, je vis un aigle poursuivre un échassier, et tous deux, je le jure, plongèrent dans les eaux sans en resurgir. » (Garnet Montrose, p. 151) Il est plutôt oiseau de mauvais augure, figure de mort : « Ô notre funèbre Oiseau noir ! » (Arthur Rimbaud, « Les Corbeaux », dans Poésies 1869-1872, p. 48) ; « Un vautour accroché à une antenne se balance entre le vide et le vide. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 91) ; « Nanou dit que je fais des cauchemars. Une fois, j’ai réveillé tout le monde tellement j’ai crié fort. Je me rappelle que c’était à cause d’une pluie d’oiseaux morts qui tombaient sur moi. » (le narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 14) ; etc. Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, les oiseaux sont en réalité une foule d’outre-tombe, une allégorie de la mort, une armée de morts-vivants en quelque sorte. Dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, l’aigle, c’est le héros homosexuel lui-même, ou bien ceux qui l’observent : « On a la vue rapace, à ces hauteurs. Tout est proie, vu d’en haut. Tout ce qui grouille et gigote en bas, Vincent Garbo compris, c’est insecte à gober, rampant repas frugal pour aigle de haute volure. » (p. 91) ; etc. Dans la chanson « Pas d’access » de Mylène Farmer, la voix se décrit comme un rapace : « Je suis Birdy. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Vita Sackville-West, dans une lettre qu’elle adresse depuis l’Égypte à son amante Virginia Woolf, fait une liste de mots renvoyant à l’égyptologie. Et les deux derniers, ce sont : « Vautours. Virginia. » Un peu plus tard, elle se rend compte que Virginia est amoureuse d’elle… ce qui amuse Dorothy, l’amie de Vita, qui s’adresse à cette dernière en ces termes : « Tu as enfin attrapé ta proie ? » À la fin, Virginia voit des hallucinations, notamment un vol de corbeaux qui fond sur elle au point de la faire tomber. Dans le téléfilm Under the Christmas Tree (Noël, toi et moi, 2021) de Lisa Rose Snow, les deux amantes lesbiennes Charlotte et Alma se rendent à une fête de Noël démoniaque où l’une est déguisée en démon et l’autre en ange, et toutes deux se rendent ensemble voir une cartomancienne qui leur tire les cartes et associe Charlotte à « 4 oiseaux (le faucon, l’aigle, hiboux et la perdrix).
L’aigle noir peut être l’animalisation de l’amant(e) homosexuel(le). Par exemple, dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, Veronika, la (fausse) amante lesbienne, est la femme-aigle qui s’abat sur sa proie. Elle porte d’ailleurs des ailes d’aigle tatouées sur le dos : on les voit au moment où elle fait le cunnilingus à Nina (Natalie Portman). Dans le film « Darkroom – Tödliche Tropfen » (« Backroom – Drogue mortelle », 2019) de Rosa von Praunheim, Roland, l’amant de Lars, lui parle de l’aigle. On retrouve bien évidemment ici le mythe du rapt de Ganymède et de l’aigle violeur, en parallèle avec la légende du Lac des Cygnes.
Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Konrad, l’un des héros homosexuels, porte à la place du cœur un tatouage énorme d’un aigle. Et à la fin du film, alors que les trois héros homosexuels sont aux bords de la mer dans un abri de secouristes vitrés et sans toit, on voit quelques autocollants d’aigles noirs mis sur les vitres. L’aigle est clairement un symbole d’enfermement narcissique invisible.
Ganymède kidnappé par l’aigle Zeus est un topos homosexuel dans l’iconographie universelle (je vous renvoie notamment aux calligraphies de Michel-Ange, qui a pris pour modèle le beau Tommaso de Cavalieri pour représenter cette scène mythique : Le Rêve de la vie humaine (1533), L’Enlèvement de Ganymède (1532), La Chute de Phaéton (1533) et La Peine de Tityus. « Quelle honte secrète caches-tu, Ganymède ? » (Scrotes, l’amant d’Anthony, s’adressant au jeune Jim, homosexuel aussi, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill)
Pour en revenir à l’association du rapace aquilin à l’amant homosexuel, on l’observe dans le film « Un Mariage à trois » (2009) de Jacques Doillon : à un moment, Stéphane dit à Théo : « Des rapaces de ton genre, ça niche dans des endroits inaccessibles. » Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan demande à son amant Kévin d’ « arrêter de le regarder comme s’il était un oiseau de mauvais augure qui porte malheur » (p. 444). Dans son one-man-show Ali au pays des merveilles (2011), Ali Bougheraba rentre dans la peau de Fayssal, un homosexuel, qui raconte ses histoires de cœur sur un air de chanson bien connu : « Un beau jour, ou peut-être une nuit, près d’un Black je m’étais endormi. » L’oiseau est invoqué comme un double amoureux ou une source d’inspiration : « Mais où donc es-tu, vieux corbeau ? Viens donc me délivrer de l’ennui comme tu l’as fait ce soir-là ! » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 48) Dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, quand le jeune Frédéric demande à Saint Loup « C’est quoi un sodomite ? », ce dernier lui répond par cette jolie pirouette : « C’est un oiseau. Un drôle d’oiseau. » Dans la chanson « Éden Éden » d’Alizée, il est signalé que « toutes les jeunes filles sont des faucons ». Dans le best-seller lesbien La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, il est curieux de voir comme les personnages lesbiens diabolisent les oiseaux avant de s’y identifier. C’est ce qui transparaît clairement dans ces mots de Ronit : « C’est incongru […] de voir des mouettes tourbillonner là-haut dans le ciel, avec leurs ailes immenses, blanches et grises et leur bec étonnamment grand et menaçant, descendre en piqué et s’emparer d’un morceau de bagel abandonné. J’ai été surprise de les voir en pleine nuit tracer des cercles dans le ciel tandis que je marchais samedi soir dans Hendon. […] J’ai rêvé des mouettes de Hendon, cette nuit-là, de la pointe acérée de leur bec et de la souplesse de leurs griffes. De cette façon qu’elles ont de tourner la tête sur le côté et de vous regarder d’un œil unique, perçant et impénétrable. Un rêve digne de Tippi Hedren, lorsqu’elle s’enfuit, poursuivie par des hordes de mouettes, sauf que ces oiseaux-là ne faisaient rien, n’attaquaient pas, n’entraient pas par la cheminée ni ne cassaient les vitres. Ils regardaient seulement. » (pp. 161-162) ; « La nuit dernière, j’ai rêvé que je volais au-dessus de Hendon. Le vent m’entourait de tous les côtés, mes poumons en étaient remplis. Hendon s’étalait sous moi. » (idem, p. 301) À la fin du roman, Esti et Ronit observent deux sombres rapaces s’attaquer à un déchet urbain abandonné au sol, comme s’il s’agissait d’une métaphore de leur propre action destructrice face à l’amour : « Les deux oiseaux noirs en avaient terminé avec leur hamburger. » (p. 252)
L’aigle est également associé à une Muse, à une actrice ou à une maîtresse symbolique exerçant un fort pouvoir sur la conscience qui la décrit (d’ailleurs, il n’est pas anodin qu’en héraldique, l’aigle soit féminin). « Rosa Luwembourg, malgré ses erreurs, restera un aigle. » (cf. pièce Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi) ; « J’ai été fasciné par ‘Black Swan’. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; etc. C’est le cas par exemple dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, quand le personnage d’Yvon parle de la vénéneuse Groucha : « Pendant ce temps-là, cette sorcière continuait à pérorer, comme un oiseau sur son perchoir, très haut, tout en haut de sa cage, tandis que j’étais vautré au fond, au milieu des chiures de volatile. » (p. 267) Dans le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, c’est la mère oppressante qui endosse le costume de l’aigle avilissant : « Cahoté par la vieille voiture à deux roues, la tête renversée, l’enfant voyait couler un trouble ciel d’octobre entre les noires cimes pressées et il criait quand, d’une rive mouvante à l’autre, passait un triangle d’oiseaux. Si quelque courant d’eau vive faisait s’infléchir la route et se décelait par une fraîcheur brusque, sa mère le couvrait de son manteau comme d’une aile noire. » (pp. 105-106)
Dans l’œuvre de Copi, l’aigle est particulièrement présent. C’est une figure symbolique étrange. On dirait une idole totémique qui fait changer de sexe. « Une vieille légende africaine disait que le dieu de l’Univers à venir naîtrait de l’accouplement d’un roi noir et de deux femmes identiques à cheveux dorés qui auraient un pénis et qui arriveraient dans le royaume avec un oiseau métallique. » (Copi, la nouvelle « Les vieux travelos » (1978), p. 93) ; « Son petit oiseau semble vouloir déployer ses ailes dans ma cage dorée… » (Jefferey Jordan parlant du sexe de son amant et de la sodomie, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; etc. L’aigle chez Copi peut représenter le fantasme de l’actrice : c’est le cas dans Le Bal des Folles (1977) : « À côté du hibou sur la cheminée je vois une photo de Marilyn petite, avec le hibou (celui qui est à présent empaillé ou bien un autre qui lui ressemble beaucoup) accroché à son épaule. C’est une petite fille maigre au nez crochu, on dirait un aigle, elle ressemble beaucoup à sa mère d’à présent. » (pp. 81-82) ; ou bien l’être désiré et craint à la fois : « Silvano était toujours assis les yeux froncés sous le figuier. Lezama pensa au profil d’un aigle. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 160) Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978), le vieux Largui se fait attaquer par un vautour dans le désert. Chez Copi, le volatile peut figurer aussi le sexe : « Oui, la bite est un oiseau ! Mais c’est un oiseau plongeur ! Il aime bien se baigner ! » (Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur, 1986, p. 340)
En général, dans les œuvres homosexuelles, l’aigle est signe de viol. Dans la pièce Le Frigo (2011) de Copi, par exemple, Mr Alouette est le violeur de « Madame ». Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, Azem l’Albanais, fait du trafic de drogues, et d’héroïne, grâce à de vrais aigles qui lui rapportent la marchandise : « Notre aigle apporte des cadeaux. » Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel, le violeur homo, porte comme par hasard un tee-shirt avec l’insigne « EAGLE 00 ». Dans les fictions homosexuelles, très souvent, c’est la femme violée qui excite les oiseaux dans les boutiques de volatiles et les animaleries. C’est le cas dans le film « Pas de printemps pour Marnie » (1964) d’Alfred Hitchcock, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-araignée, 1979) de Manuel Puig, dans le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, etc.
« Il n’est qu’un oiseau de mauvais augure. Cet homme est froid comme la mort. » (le Père 2 par rapport à son futur gendre, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; « J’ai vu les aigles fondre sur les lapins. » (le fiancé de Gatal, idem) ; « Jane commençait à aimer l’agression des oiseaux. Ils étaient d’une constance rassurante, comme une tante bien-aimée qui vous accueillait toujours avec une menace, mais n’allait jamais plus loin. » (Jane, l’héroïne lesbienne parlant des corbeaux et des oiseaux de proie à côté de chez elle près du cimetière, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 46) ; etc.
b) Parfois, l’homosexuel se prend pour un oiseau :
Il est question d’oiseau en lien avec l’homosexualité dans le film « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barassat, le roman Doux oiseau de la jeunesse (1959) de Tennessee Williams, le roman Oiseau de la nuit (1998) de Guy Hocquenghem, le tableau L’Homme à l’oiseau (2000) de Luan Xiaojie, le film « Des oiseaux petits et gros » (1966) de Pier Paolo Pasolini, la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (vers 1650) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le film « Les Ailes » (1927) de William Wellman, la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, le film « L’Oiseau au plumage de cristal » (1968) de Dario Argento, le film « Pequeña Paloma Blanca » (2003) de Christian Barbé, le poème « Oiseau privé » d’Armand Guibert, le film « The Bridge » (2005) de George Barbakadze (avec la sculpture d’oiseau), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (et un oiseleur avec des canaris), l’album I Am A Bird Now d’Anthony’s and the Johnsons, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec les oiseaux en plein cœur de New-York), etc.
Il arrive que le personnage homosexuel rêve d’échapper à sa condition humaine en s’identifiant à un oiseau (avec parfois un petit jeu de mot sur l’expression « gai comme un pinson »). « Quand j’étais enfant, j’ai longtemps rêvé de trouver la formule magique de l’envol. Oui, je voulais voler comme les oiseaux. » (Audric dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, p. 30) ; « J’ai jamais eu les pieds sur terre, j’aimerais mieux être un oiseau. » (cf. la chanson « S.O.S. d’un terrien en détresse » de Johnny Rockfort dans le spectacle musical Starmania) ; « Jean-Luc… ? Il faisait des PDF dans une société d’élevage de pinsons… » (un femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc, converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Ça fait quoi que votre fils soit pédé comme un pinson ? » (Max s’adressant à la mère de son petit ami, dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « J’adore tous les oiseaux. » (Océane Rose Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; etc. Par exemple, dans le film « The Burning Boy » (2000) de Kieran Galvin, Ben dit à son ami qu’il aurait rêvé d’être un oiseau. Dans son one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba, Faissal, le personnage homosexuel imite souvent les mouvements des ailes de l’oiseau. Mais la revendication d’être un « volant voleur » ne dure qu’un temps, car le héros homosexuel veut tout de même retrouver sa liberté d’Homme : « Je ne suis pas qu’un petit piaf. » (Janine dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) Sans doute la peur de se faire plumer ou d’être pris pour un pigeon… « Je fais la chasse aux pigeons dans les toilettes des gares. » (Herbert, homosexuel, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) Le couple homosexuel est décrit parfois comme un duo d’oiseaux, même si celui-ci ne vole pas haut, empêché qu’il serait par la société de surplomber le ciel de l’Amour : « Qui arrête les colombes en plein vol à deux au ras du sol ? Une femme avec une femme. » (cf. la chanson « Une femme avec une femme » du groupe Mecano) Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, les danseurs homosexuels de danse contemporaine simulent d’être des oiseaux. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, les deux amantes Kena et Ziki regardent le vol des oiseaux planant dans le ciel de Nairobi (Kenya).
Par exemple, dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, la rencontre entre Antonietta, la femme au foyer soumise, et Gabriele, le héros homosexuel, se fait grâce à l’escapade de sa cage du mainate d’Antonietta, « Rosemonde », un perroquet mâle mais qui porte un prénom de femme.
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
Je vous renvoie au documentaire « Les Oiseaux de nuit » (1977) de Luc Barnier et Alain Lasfargues, traitant du monde de la prostitution masculine.
Il existe quelques coïncidences troublantes entre le monde homosexuel réel et l’aigle noir. Par exemple Léonard de Vinci (connu pour être homosexuel), alors qu’il est encore au berceau, croit qu’un vautour se pose sur lui. Freud se penchera d’ailleurs sur cette histoire et y consacrera une étude psychanalytique approfondie. Sous l’Allemagne nazie, les mouvements de jeunesse des Wandervögel (littéralement : Oiseaux migrateurs) étaient imprégnés d’homosexualité. « Comment comprendre le succès du mouvement Wandervogel ? Par la composante homosexuelle, tout simplement. De même que les chefs étaient attirés par les garçons, les garçons étaient attirés par les chefs. Dans les deux cas, l’attraction était érotique. Plus tard le nom de Wandervogel deviendrait synonyme de pédérastie. » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 144) L’image de l’oiseau est omniprésente dans l’œuvre de Tennessee Williams ; de plus, ce dernier a été surnommé de son vivant « l’Oiseau Magnifique » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 237). Sarah Bernhardt s’est travestie en homme dans la pièce L’Aiglon (1900) d’Edmond Rostand. Plus proche de nous, Eagle est le nom du groupe gay IBM. À Montréal (Québec), il y a un bar gay qui s’appelle l’Aigle noir. Et en France, il existe une association homo appelée AIGLE (Amicale ISAE Gay et Lesbien des Étudiants).
Beaucoup d’auteurs homosexuels parlent de la personne qu’ils désirent homosexuellement comme d’un aigle. Par exemple, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), Alexandre Delmar, en évoquant l’un de ses amants, écrit qu’« il est un aigle au milieu des corbeaux ». (p. 15) C’est le cas également de certains militants pour la « Cause gay », comme Beatriz Gimeno, qui décrit la communauté homosexuelle comme une armada volante : « Nous avons rêvé de voler très haut, et nous avons volé. » (citée dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 38) On retrouve les aigles-rapaces de la « Lesbian Nation » chez les quatre chouettes saphiques baptisées les OWLs (Older Wiser Lesbians = Lesbiennes de plus de 40 ans) dans le film « The Owls » (2010) de Cheryl Dunye. Le monde gay tout entier est associé aux oiseaux par l’écrivain cubain Reinaldo Arenas dans El Color Del Verano (1982). Être un oiseau serait la condition homosexuelle même ! : « Un homosexuel est un être aérien, sans attache, sans lieu fixe qui lui soit propre […]. Nous sommes toujours suspendus en l’air, aux aguets. Notre condition aérienne est parfaite et c’est très bien que l’on nous ait affublés de noms d’oiseaux. Nous sommes des oiseaux parce que nous sommes toujours en l’air, un air qui n’est pas non plus à nous – rien n’est à nous, d’ailleurs – mais au moins il est sans frontières. » (p. 480) ; « Quand je m’observais, quand je dépouillais l’enfant en moi pour me placer sur le terrain absolu des autres, je me trouvais fier et beau de ressembler à un oiseau prestigieux à qui la nature a attribué l’élégance et cette couleur qui lui va à merveille. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 11-12) ; « J’ai commencé à faire bouger mes p’tites ailes. Des p’tites ailes qui sont devenues démesurées. » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, en parlant de mai 68 et de sa propre émancipation sexuelle, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; etc. Je vous renvoie au choix du pseudonyme de la journaliste lesbienne Ursula del Águila ainsi qu’au chanteur bisexuel péruvien David del Águila. Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte la fascination de son ami Jacques pour les soldats : « Je les aime, parce qu’ils sont purs avec leur regard triste, mélancolique… leurs pas incertains, timides, perdus dans cette grande ville… s’attendrissant devant les aigles et les lions en cage… » Dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon, la position « cambrée » » en parachutisme est la position de l’oiseau. Dans l’émission Aventures de la médecine spéciale « Sexualité et Médecine » de Michel Cymes diffusée sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, en écoutant Léonie, homme transsexuel M to F de 29 ans, on voit qu’il envisage son opération de changement de sexe comme une angélisation : « Maintenant, je me sens pousser des ailes. »… même s’il pleure à l’intérieur.
En remontant aux origines littéraires du désir homosexuel, on trouve déjà dans le monde platonicien les traces de cet aigle autrement appelé l’androgyne : « On connaît le discours d’Aristophane – celui que Platon lui a fait tenir dans Le Banquet sur la nature et l’origine de l’amour ou encore celui qu’il nous donne dans Les Oiseaux et qui fait naître Éros bisexué d’un œuf sans germe, fruit du vent, pondu par la nuit aux ailes noires, avant toute chose’. » (Pierre Fédida, « D’une essentielle dissymétrie dans la psychanalyse », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 220)
Le motif de l’aigle violeur n’est pas qu’une image d’Épinal anodine et toujours désincarnée. Elle peut exprimer chez certaines personnes homosexuelles le fantasme de viol ou un viol qu’elles ont réellement vécu (une relation parfois pédophile, ou infantilisante) : « Je devins distant avec mes camarades, de même qu’avec le père Basile, nos rapports s’orientèrent sur la voie des remises en question. Je lui reprochais de s’être épris de moi d’une manière excessive, et pensais que c’était une faute de m’avoir fait découvrir ses pulsions sexuelles ; je lui reprochais également l’initiative, qu’il avait prise de me combler de petits cadeaux, de me parler souvent avec douceur par rapport aux autres élèves, et de s’appliquer à m’expliquer que j’étais beau et tout rose, comme un bébé qui vient de naître. […] Cet amour était devenu une abjection qui m’étouffait à la manière d’une proie exposée aux griffes de son prédateur. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 40-41)
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