Femme allongée
NOTICE EXPLICATIVE :
Couchée, inanimée, panier !
Elle est là, posée horizontalement, comme une diva sur son canapé en velours, comme une star portée aux nues par ribambelles d’hommes en costard qu’elle a piégés, comme une femme endormie ayant mystérieusement capturé le désir de son fan homosexuel qui l’observe sans la toucher (surtout pas ! la déesse-sphinx ne doit se toucher qu’avec les yeux !). La femme allongée est la momie déifiée mais aussi massacrée par la communauté homosexuelle, car elle est veillée comme une femme-vampire qui peut se réveiller à tout moment et attaquer sans crier gare. Dort-elle vraiment ? Est-elle morte ? On a un gros doute. Pourquoi l’égérie gay tombe-t-elle souvent pour finir comme une sainte reposant dans sa chasse ? Certainement pour magnifier les chutes et pour prouver qu’elle y survivra. En tout cas, elle conserve un grand pouvoir et sex-appeal, même en état de repos. Dans les fictions homo-érotiques, les femmes sont souvent représentées en train de tomber, de dormir, ou à l’horizontal, parce qu’elles sont remplacées par la femme-objet cinématographique inconsciente, évanouie, assassinée, violée, passive, exposée, suspendue, inerte, inaccessible. La femme allongée est la marque esthétisée de l’idolâtrie et de la misogynie homosexuelles à l’égard des femmes réelles. Et aussi, je crois, la preuve que le désir homosexuel est un élan lâche, inhumain, bourgeois, de viol, irréel, matriarcal et peu paternel, endormi.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Dilettante homo », « Eau », « Sommeil », « Regard féminin », « Mort = Épouse », « Bergère », « Matricide », « Vierge », « Femme au balcon », « Sirène », « Femme fellinienne géante et Pantin », « Tante-objet ou Maman-objet », « Oubli et Amnésie », « Grand-mère », « Carmen », « Cercueil en cristal », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Voyeur vu », « Espion gay », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Actrice-Traîtresse », « Femme étrangère », « Mariée », « Viol », « Planeur », « Un Petit Poisson Un Petit Oiseau », « Destruction des femmes », « Talons aiguilles », « Poupées », « Pygmalion », « Femme et homme en statues de cire », à la partie « Chute » du code « Icare », à la partie « Je suis mort » du code « Mort », et à la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) Marie, couche-toi là !
La femme allongée ou endormie est un cliché homosexuel très présent dans les fictions : cf. le film « Swimming Pool » (2002) de François Ozon, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, la chanson « Aurore » de Bruno Bisaro, le film « Ostia » (1970) de Sergio Citti, le film « L’Arrière-Pays » (1997) de Jacques Nolot, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, le vidéo-clip de la chanson « Ma Révolution » de Cassandre, le film « Le Roi Jean » (2009) de Jean-Philippe Labadie, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio (avec Alicia), le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec Julia observant son amante Helena endormie et allongée), le tableau La Blanche et la Noire (1913) de Félix Valotton, le film « Il ou elle » (2012) d’Antoine et Pascale Serre, etc. Par exemple, dans le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier, on ne voit que les héroïnes lesbiennes allongées, en train de comater pendant l’été, de lézarder sur le lit, prenant leur bain. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, les deux héroïnes lesbiennes sont presque tout le temps filmées endormies ou ensommeillées ; d’ailleurs, l’un des tableaux que fait Emma de son amante Adèle est justement une femme allongée. Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil se met en position fœtale dans une baignoire inclinée.
La femme endormie est souvent la mère du héros homosexuel : cf. le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec la maman de Paul et Élisabeth), le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz (avec la maman de Mathieu endormie), le roman Willowra (2008) de Kadyan (avec le corps allongé de la grand-mère de Gabrielle), etc. « Dans l’un de ces lits gisait sa mère. Le blanc de son visage se fondait dans la blancheur des draps. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 31) Par exemple, dans le film « El Beso De La Mujer-Araña » (« Le Baiser de la Femme-Araignée », 1985) d’Hector Babenco, Molina, le héros homosexuel, parle à sa mère endormie, qui ne lui répond pas. Cette mère n’est pas forcément la génitrice biologique. C’est plutôt la mère cinématographique, fantasmée, l’actrice dans sa vitrine : cf. le film « La Fille dans la vitrine » (1961) de Luciano Emmer. « Si je me lève tôt, suis plus la même : la vie a bon dos. » (c.f. la chanson « Get up Girl » de Mylène Farmer) ;
La femme adulée par le personnage homosexuel apparaît parfois allongée en lévitation entre terre et eau, comme la fameuse Ophélie : cf. la pièce Sainte Geneviève dans sa baignoire (1966) de Copi, le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne (où est revisité le conte de La Belle au bois dormant), le tableau Ophélie (1852) de John Everett Millais, le poème « Ophélie » d’Arthur Rimbaud, la chanson « Ophélie » de Dave, les toiles d’Ophélie de Gustave Moreau, etc.
C’est le fait qu’elle soit allongée qui, aux yeux du héros homosexuel, contribue à la beauté et au charme de la femme : « Et cette nuit, dans ce lit, tu es si jolie. » (cf. la chanson « Les Yeux noirs » du groupe Indochine) ; « Lady Gaga, elle n’a plus qu’à aller se coucher. » (le narrateur homosexuel imitant la chanteuse sur « Bad Romance », dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Sentinelle idolâtre et gardien du temple de tes nuits, je monte la garde et tu commences à vivre ton autre vie. » (cf. la chanson « Jalousies » d’Étienne Daho) ; « J’ai comme une envie de voir ma vie au lit. » (cf. la chanson « Je t’aime Mélancolie » de Mylène Farmer) ; « Mme Yank allongée sur son lit… » (Pretorius parlant de Madame Yank, la comptable de 80 ans de l’Hôtel du Transylvania, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « J’aimerais être là à vous regarder dormir. » (Marianne s’adressant à son amante Isabelle, dans le concert d’Oshen – Océane Rose-Marie – à L’Européen, à Paris le 6 juin 2011) ; « Allongé, le corps est mort. Pour des milliers, c’est un homme qui dort. » (cf. la chanson « C’est une belle journée » de Mylène Farmer) ; « ‘Elle dort’, se dit-il. » (Paul Esménard à propos de Berthe, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 112) ; « Tu étais si jolie, couchée, là, les cheveux étalés sur le tapis. » (Rachel s’adressant à son amante Ninette dans la pièce Three Little Affairs (2010) d’Adeline Piketty) ; « Tu es très mignonne couchée là. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 20) ; etc.
Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Rosa, la jolie prostituée, a couché avec le jeune Moustique qu’elle a dépucelé sur sa demande, et lui fait un reproche une fois qu’elle s’est réveillée : « Pourquoi tu m’as laissée dormir ? » Le jeunot lui rétorque : « Pour te regarder. Pour mieux me rappeler plus tard. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf regarde avec tristesse son amante Vita Sackville-West endormie.
Le personnage homosexuel cherche à imiter cette femme allongée et considère son amant pour celle-ci. Visiblement, « faire la planche » (sur l’eau, entre autres), cela revient symboliquement à s’homosexualiser. Par exemple, le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma s’achève par l’image d’Anne et de Marie allongées sur le dos dans l’eau de la piscine déserte. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny a peur de s’abandonner, et donc son amant Romeo lui apprend à faire « la planche » dans la mer : « Pour flotter, il faut lâcher prise et tout oublier. » Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam apprend aussi à Lukacz à faire la planche pour qu’il sache nager.
b) Le sommeil ambigu et inquiétant :
L’adoration laisse très vite place au soupçon. La femme allongée a un drôle de sommeil qu’elle a l’air de contrôlé ou qui semble exercer un pouvoir sur ceux qui l’observent : cf. la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi (avec Agathe), la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro (avec la femme endormie aux yeux mi-clos), le tableau Rolph Panteross… The Drak Cat – Like Mutant de Lorenn le Loki, les films « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq, le film « Le Secret de Veronika Voss » (1982) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat, le film « Lifeboat » (1944) d’Alfred Hitchcock (avec Constance, la bourgeoise, qui fait semblant de dormir), le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot (avec la Duchesse de Polignac contemplée par Sidonie, également lesbienne), etc.
Magiquement, le veau d’or féminin s’anime : « Une femme est endormie. Une femme sort du sommeil. » (cf. une réplique du film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver) ; « Laëtitia jouait l’indifférence, mais l’était-elle vraiment ? » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 45) ; « La maîtresse des lieux, Pauline Bonaparte, couchée sur son divan de marbre, vous reçoit, hautaine et secrète, avec l’air de vous susurrer des choses inavouables, tant elle est sensuelle et provocante. » (Éric, l’un des héros homosexuels, en parlant de la statue de Canova à la Villa Borghese, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 19) ; « Je suis stoïque mais plus pour longtemps. » (cf. la chanson « Pas de doute » de Mylène Farmer) ; « I can’t wake up Daphnée, she is sleeping ! » (Jean, le héros homosexuel s’adressant à John, le mari de Daphnée, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Oh putain, cette fille-là, elle marche pieds nus dans la rue. Elle mord les garçons. C’est là qu’elle m’a convaincu. […] Oh ! Regardez comme elle dort. » (cf. la chanson « Alertez Managua » d’Indochine) ; etc.
Par exemple, la première image du film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca montre Saïd, le héros homo, qui dort ; un peu plus tard, Noria, la sœur de Saïd, qui a très bien vu que Karim, l’autre héros homo, rentrait dans sa chambre, simule le sommeil profond. Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Jean-Pierre, face à Catherine (l’héroïne lesbienne) endormie, dit qu’il fait de la narcolepsie. Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, Malik, le héros homosexuel, réveille avec angoisse sa mère qui sommeillait : « Tu m’as fait peur. J’ai cru que t’étais morte. » Dans le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, Williams, le héros homosexuel, passe ses nuits à veiller en secret Leonora endormie : il finira par mourir à cause des rayons oculaires dorés que lui envoie son irradiante idole ensommeillée. Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, Raymond, le personnage homo refoulé, observe Caroline endormie sur son canapé, et exprime son attirance autant que sa crainte : « Elle est mignonne quand elle dort. Dommage qu’elle soit… enfin, passons. » Elle sort de son sommeil et le prend en flagrant délit d’aveu : elle insiste pour qu’il termine sa phrase !
La femme allongée homosexualise parfois le héros à son insu, par sa fausse passivité ou parce qu’elle lui fait peur en l’impressionnant (il a peur de la casser !). « Ethan ne sait pas depuis combien de temps il regarde Hillary dormir. Les draps blancs ne recouvrent que la moitié de son corps. Le reste, Ethan le caresse doucement, du bout des doigts, comme une œuvre d’art trop fragile. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 13) Par exemple, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Alice fait semblant de dormir et espionne Julien et Fred en train de coucher ensemble. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc, le héros homosexuel vivant une liaison homosexuelle secrète, regarde sa femme enceinte Bettina dormir, rester indifférente à sa « mutation » homosexuelle. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, observe sa meilleure amie Zoé endormie et allongée dans une fascination muette : celle-ci, sortant de son sommeil, s’en inquiète (« Ben pourquoi tu me regardes comme ça ? »).
Fernand (parlant de Mathilde Cazenave) – « Elle dort.
La mère de Fernand (incestueuse et castratrice) – Elle fait semblant. Viens. »
(cf. les premières lignes du roman Génitrix (1928) de François Mauriac, p. 7)
La belle vestale qu’est la femme allongée n’est pas tellement une femme : elle est une icône de l’hyperféminité et de l’hypermasculinité confondues, une allégorie de l’androgyne asexué (incarné imparfaitement par le héros transgenre ou transsexuel ou homosexuel) : « Une infirmière apparût. Elle resta immobile quelques secondes, fascinée par le grand sourire de la jeune femme qui se trouvait dans le coma il y avait à peine une demi-heure. […] Maria-José [le héros transsexuel M to F] fit semblant de se rendormir. » » (Copi, « Le Travesti et le Corbeau » (1983), p. 34) La femme allongée est en réalité un leitmotiv de la fantasmagorie sadomasochiste et fétichiste : « Elle est là, ma Vénus allongée, le corps et les poignets sanglés. Dans son imper en latex elle m’observe comme la proie de ses projets. Attitude polaire de surface, sourire de Joconde apaisé. Elle est la main qui me cherche et me frôle du bout de ses ongles laqués. » (cf. la chanson « Les Liens d’Éros » d’Étienne Daho)
c) Femme couchée = femme violée et à violer :
Inaccessible, indifférente, immatérielle, la femme allongée finit par n’engendrer que frustration chez son fan homosexuel, qui va finir par la détruire pour l’immortaliser encore davantage.
On doute encore pour savoir si elle dort ou si elle s’est suicidée, car l’eau de sa baignoire se teinte de rouge : cf. le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec la mère de Romain, le héros homo, dans sa baignoire pleine d’eau rouge), le film « X2000 » (2000) de François Ozon, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « De la chair pour Frankenstein » (1974) d’Antonio Margheriti et Paul Morrissey, le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg (avec Pia, la femme – peut-être morte – dans sa baignoire), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon (avec Mousse, la femme peut-être morte dans sa baignoire), etc. « Comme d’un cercueil vert en fer-blanc, une tête de femme à cheveux bruns fortement pommadés d’une vieille baignoire émerge, lente et bête, avec des déficits assez mal ravaudés. » (cf. l’extrait du poème « Vénus Anadyomène » d’Arthur Rimbaud) ; « Ses beaux yeux sont fermés. J’ose pas demander qu’on les ouvre. Et je le regretterai après le trop-tard : c’était ses yeux que je voulais voir. » (le jeune narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 71) ; « Jane s’éveilla en sursaut, son bras droit projetant des éclaboussures en cherchant une prise sur la paroi de la baignoire. Elle avait de l’eau dans le nez et elle s’étouffa, toussa, tandis qu’elle se redressait à grand-peine. Pendant un moment, elle crut que c’était une répétition de son rêve de la nuit précédente qui l’avait réveillée, puis elle entendit les cris, durs et gutturaux, dans la cage d’escalier. L’eau était froide, ses membres s’étaient raidis, et elle eut du mal à sortir de la baignoire. Elle éprouva un bref instant de désarroi en voyant que la bougie avait diminué de plus de deux centimètres. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 42) ; etc. Par exemple, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, fait son Ophélie dans l’eau pendant que son groupe de camarades s’éclate vulgairement (le prof de voile, dans un premier temps, s’imagine même qu’elle est morte noyée sur la plage). Dans le film « Le Naufragé » (2012) de Pierre Folliot, à travers une hallucination vraisemblable, la mère d’Adrien, le héros homosexuel suicidé par noyade, voit en vrai son fils mort dans sa baignoire.
La femme vénérée par le personnage homosexuel est souvent inerte voire morte : cf. le film « Laura » (1944) d’Otto Preminger, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le film « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman, le poème « Canción A Una Muchacha Muerta » de Vicente Aleixandre, etc. Le veilleur homosexuel embaume son idole féminine : cf. le film « Habla Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar (avec Benigno s’occupant de sa patiente dans le coma… et qu’il finira par violer dans son sommeil), la nouvelle « Adiós A Mamá » (1981) de Reinaldo Arenas, le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec Odetta, inanimée et morte à cause d’une photographie, ou bien encore la servante enterrée vivante), le film « Juste un peu de réconfort » (2004) d’Armand Lameloise (avec la mère à l’hôpital), le film « Les Chansons d’amour » (2007) de Christophe Honoré (avec Julie), le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau (avec Eurydice), les vidéo-clips des chansons « Tristana » et « Fuck Them All » de Mylène Farmer, le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues (avec Odete qui s’allonge sur une tombe), la comédie musicale Fame (2008) de David de Silva (avec l’enterrement de la grande tante de Joe), la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec l’enterrement de la grand-mère de Louis), le roman Un Goûter d’anniversaire (2004) de Jean-Claude Tapie (avec l’enterrement de la mère), la chanson « Dead In The Water » d’Ellie Goulding, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec l’enterrement de la mère de la fleuriste), le film « La Déchirure » (2007) de Mikaël Buch (avec la veillée mortuaire), le film « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar, le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald (avec la mère de Prentice, en phase terminale de cancer), le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek (avec l’enterrement final de la grand-mère), etc.
Le personnage homosexuel exerce une forme de violence (incestueuse, ou carrément de l’ordre de la profanation qu’est le viol) sur la femme étendue qui l’a/l’aurait « trahi » : cf. le film « Ma Mère » (2003) de Christophe Honoré (avec la mère sous cercueil), le poème « El Cadáver » de Néstor Perlongher (avec la dépouille caricaturée d’Eva Perón), la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas (avec Léo, le héros homosexuel, croque-mort et embaumeur de femmes mortes), etc. Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Danny, le jeune héros homosexuel, vient de perdre sa mère et n’en semble pas du tout affecté : « Je l’ai trouvée morte il y a 10 jours sur le canapé. Elle avait bu. »
Souvent, il la maltraite, la rêve morte. « J’aime voir ce que font les gens qui se croient seuls. Parfois, j’espionne ma sœur dans sa chambre. Je la regarde dormir. » (Tommy dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Son cadavre est couché sur le divan de votre loge. » (Vicky en parlant de Madame Lucienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Mamie nous avait quittés l’an passé pour un cercueil couvert d’exorbitantes fleurs, confectionnées dans la soie laiteuse du lys et le lin chiffonné d’écarlates pavots. » (cf. un extrait d’une nouvelle « L’Encre » (2003) d’un ami angevin, p. 59) ; « C’est beau de sublimer, mais je commence à être pas mal vieux pour rêver que Jean Besré se meurt d’amour pour moi ou que Guy Provost m’enterre sous des tonnes de fleurs coupées parmi les plus rares et les plus odorantes. Ce petit théâtre ne suffit pas à remplir ma vie ni à combler mon besoin d’amour. » (le narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 19) ; « On sort le cadavre dans le couloir dans un brancard couvert d’un drap. […] Le drap glisse et laisse voir une figure boursouflée qui est celle de Marilyn. Je pousse un cri, je me réveille couvert d’une sueur froide. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 50) ; « Je ne vais pas me faire violer dans une baignoire. » (Micheline, le héros travesti M to F de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Je suis absolument bouleversée, il vient de m’arriver une chose atroce ! Je me suis fait violer par mon chauffeur, c’est le mari de ma gouvernante, ce sont des gens terrifiants, elle s’habille en gitane pour me faire honte lors de mes réceptions. Elle surveille tous mes gestes, je l’ai surprise à me photographier dans ma baignoire ! Et son mari est un colosse qui m’a violée à deux reprises ! » (« L. », le héros transgenre M to F, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Je vous raccompagne chez vous et je vous mets dans votre baignoire ! » (Martin s’adressant à Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Jane pensait avoir rêvé de Greta, la mère d’Anna, qui reposait sous le plancher du deuxième étage, mais dans son rêve Greta se mélangait avec des putes d’Alban et la fille assassinée du film ; la façon dont ses yeux s’étaient écarquillés quand le couteau s’était enfoncé. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 79) ; « L’obscurité commençait à filtrer à l’intérieur de l’église, les ombres des arbres du cimetière entraient par les fenêtres en vitrail et s’allongeaient sur les dalles de pierre. » (idem, p. 204) ; « Greta aimait bien boire l’après-midi et après elle s’endormait sur notre canapé. Elle était très belle quand elle dormait, comme une petite fille. » (Frau Heike Becker parlant de Greta la prostituée-mère, op. cit., p. 247) ; « Je me souviens de la couverture dans laquelle nous l’avons enveloppée, du bruit des planches qui couinaient quand tu les soulevais. Quelqu’un pleurait. Par moments, je crois que c’était moi, mais à d’autres, je crois que c’était toi, ou peut-être Greta/ Peut-être qu’elle n’était pas morte quand tu l’as clouée là-dessous. » (Karl Becker s’adressant à sa femme Heike, qui ont planqué et enterré secrètement le corps de Greta, op. cit., p. 248) ; etc.
Le héros homosexuel aime bien faire tomber la femme-objet à la renverse (couchée ! panier !) et la montrer comme prisonnière des carcans de sa féminité d’accessoire (maquillage coulant, talons aiguilles trop hauts, robe moulante, chirurgie esthétique grossière, robe à crinoline, etc.). Elle DOIT chuter : cf. le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec Lena chutant dans les escaliers), le début du vidéo-clip de la chanson « Like A Prayer » de Madonna, la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet (avec Octavia, le sublime transsexuel M to F se cassant la gueule dans les escaliers), Le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, le film « Patrik 1.5 » (« Les Joies de la famille » (2009) d’Ella Lemhagen (avec le générique final), le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot (avec Sidonie, l’héroïne lesbienne trébuchant dans sa robe du XVIIIe siècle), etc. Par exemple, dans le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, les princesses se prennent les pieds dans leur robe. Dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier, Lourdes (sosie obèse de Marilyn Monroe, version hippopotame en tutu), chute sans arrêt : « On n’est pas toujours en équilibre avec son corps. […] Encore un mythe qui s’écroule. » Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Isabelle est en fauteuil depuis qu’elle a eu un dramatique accident de vélo et s’est fait renverser par une voiture.
« Tout le restaurant éclata de rire lorsqu’elle trébucha sur le pas de la porte et s’écroula par terre. » (Copi, « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 31) ; « Sans lunettes, à la place des visages elle ne voyait que des taches lumineuses. D’où sa crise de nerfs quand elle tomba à terre. Elle croyait à un coup monté par une actrice rivale pour la ridiculiser en public. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 15) ; « Greta est une pute. Je l’attends. Quand elle descendra l’escalier, je lui ferai un croche-patte et je lui enfoncerai les yeux dans les orbites. » (Frau Becker s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 213) ; « Anna bascula et tomba dans la cage d’escalier. Elle se cogna au mur une fois dans sa chute, puis atterrit sur le sol avec un bruit sourd discret et définitif. » (Jane, op. cit., p. 245) ; « Et là, je me voyais courir dans les champs, cheveux au vent, comme dans la Petite Maison dans la prairie, avec la petite fille qui se cassait la gueule. » (Fabien Tucci, homosexuel, s’identifiant à Laura Ingals, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « J’ai été obligé de laisser Cécile étendue sur le sol. C’est pas grave, c’est qu’une fille. On s’en fiche. » (idem) ; etc.
La femme allongée est cette femme collabo hétérosexuelle qui consent à se faire manipuler par les hommes qui la portent, pour mieux les asservir par son charme et son action statique : cf. le vidéo-clip de la chanson « Too Much » des Spice Girls (avec Geri Halliwell en vamp se laissant porter par des marins), le film « Les Hommes préfèrent les blondes » (« Gentlemen Prefer Blondes », 1953) d’Howard Hoaks, etc. La pute encore à son stade larvé, c’est-à-dire la pin-up, quoi.
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) Marie, couche-toi là !
Une fois ramenée au réel, la femme allongée adulée par les personnes homosexuelles est davantage une posture ou une attitude (asexuée et hypersexualisée) qu’une femme réelle : « Je passe l’essentiel de ma vie allongé. » (Christian Giudicelli dans son autobiographie Parloir (2002), p. 42)
La femme allongée (et en particulier dans l’eau), symboliquement, c’est vraiment l’icône narcissique de l’indifférenciation des sexes, de l’immaturité sexuelle (= rester dans le liquide amniotique éternellement, en fusion incestueuse avec maman), du désir hermaphrodite de toute-puissance (d’ailleurs, dans le mythe grecque d’Hermaphrodite, on retrouve vraiment cette idée), de la bisexualité. Bruno Gaccio ne me contredira pas sur ce point.
Je vous renvoie par exemple au film expérimental « Le Sang d’un poète » (1930) de Jean Cocteau (avec l’hermaphrodite allongé sur un sofa).
La femme allongée est, à mon avis, le témoin d’un complexe d’Œdipe absolument pas géré par les personnes homosexuelles (autrement dit un trouble de l’attachement avec la mère et le père, principalement) : « Nous sommes entrées dans la pièce des consultations, ma mère a été allongée sur la table. […] D’un seul coup, ce fut comme si c’était moi, exhibée ainsi. […] Jamais femme ne sera plus proche de moi, jusqu’à être comme en moi. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), pp. 20-22) ; « Elle était couchée sur un chariot, calme, parfaitement sereine. » (Denis Daniel en parlant de sa mère, dans son autobiographie Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 44) ; etc. Elle est une sublimation fantasmatique du viol ou de l’inceste. Par exemple, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias s’extasie devant sa grand-mère chérie, « une très belle femme vieillissante aux cheveux très longs : une sorte de vieille Mélisande étendue sur un lit voilé de dentelles » (p. 192).
b) Le sommeil ambigu et inquiétant :
C’est la raison pour laquelle la femme allongée est un leitmotiv de la fantasmagorie sadomasochiste et fétichiste : cf. les écrits de Léopold Von Sacher-Masoch). Elle représente cette femme maternelle inaccessible, la femme-objet dominatrice et hypnotisante. « Ernestito parvint à ouvrir les yeux, à se décoller du matelas et à récupérer la liberté de ses mouvements. Tiré par un fil invisible, il se retrouva au pied du lit de sa mère. Cecilia [la mère d’Ernestito] dormait, un sourire aux lèvres. Il crut qu’elle ronflait. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 263)
c) Femme couchée = femme violée et à violer :
En toile de fond, on lit chez ce fantasme homosexuel d’incarner la femme allongée une phobie de la sexualité, une atrophie du désir, et une réelle misogynie (haine des femmes). Je vous renvoie à l’affiche du concert de Mylène Farmer au Stade de France pour sa tournée 2009 (avec la chanteuse couchée au sol telle une poupée désarticulée et inanimée), aux femmes endormies dans le documentaire « Mamá No Me Lo Dijo » (2003) de Maria Galindo, au récit de la veillée autour du sarcophage de la grand-mère dans l’autobiographie La Mauvaise Vie (2005) de Frédéric Mitterrand (p. 266), aux films du cadavre de Candy Darling réalisés par Andy Warhol, à l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias (avec la femme allongée momifiée), etc. Le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, racontant le parcours affreux de Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, pour changer de sexe, démarre et finit sur des images de lui endormi, mais réveillé doucement par son nouveau prénom « Lara » susurré.
Un certain nombre de personnes homosexuelles trouvent la chute de la femme-objet drôle et surtout sexy : cf. la chute de Frigide Barjot, de Mylène Farmer, de Madonna, etc. « La Chola [homme transsexuel M to F] avançait d’un pas décidé, malgré le déséquilibre que provoquaient ses talons aiguilles qui s’enfonçaient dans le chemin de terre battue. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 233) Par exemple, dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), le travesti M to F David Forgit se ramasse plusieurs fois sur scène, et ce, dès son entrée en talons hauts. Elle permet de donner une touche glam à leur pulsion de mort et de perdition.
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