Cela fait un moment que je regarde l’émission de télé-crochet The Voice, et j’avais envie, au moins une fois dans ma vie, de vous proposer ce petit décryptage fait maison, non pour vous décourager à la suivre, mais pour que vous la regardiez peut-être autrement, plus librement et lucidement. La preuve qu’on peut trouver dans un programme médiatique un intérêt et un plaisir certains (sans pour autant s’enchaîner à ceux-ci), voire même une toute nouvelle dimension universelle, sans doute plus authentique et universaliste que la dimension mondialiste proposée par les marchands télévisuels et les concepteurs de The Voice ! Fort de ma fidélité de 5 années de visionnage, je vais essayer de vous montrer en quoi l’émission The Voice tue les âmes en sacralisant les voix.
1) L’Empire de la Voix :
Quoi de plus immatériel, invisible, fragile, et pourtant concret, perceptible, puissant, charmant, divin que la voix humaine ? On comprend pourquoi Dieu a choisi d’être une voix. D’être la Voix du Christ et du Père. Au commencement était le Verbe, et le Verbe s’est fait chair. La Voix du Père est à la fois imposante parce qu’Il est Dieu, et délicate, mélodieuse, subtile parce qu’il est Dieu d’Amour, Il est Fils.
Le diable, lui, a très bien compris cela vu qu’il essaie de devenir la Voix, mais de La déchristianiser (tout en L’angélisant), de La dépersonnaliser, de L’indéfinir, de L’éclater (pour qu’Elle perde sa douceur et devienne cacophonique), de La mondialiser (pour La disperser et L’écarteler). The Voice, ok ! … but not Jesus ! Satan se travestit en chant et essaie de ravir la voix de chacun d’entre nous juste avant de nous ravir l’âme. Si vous remarquez bien, les deux – âme et voix – sont quasiment synonymes, même inconsciemment. « Je n’ai que mon âme pour te parler de moi. Ô juste mon âme, mon âme et ma voix. » chante Natasha St-Pier pour le concours Eurovision (D’ailleurs, la chanteuse québécoise est présentatrice de The Voice Belgique). Alors faites attention à qui vous donnez votre voix. Cela peut, sans que vous vous en rendiez compte, vous faire perdre votre âme. On le voit bien en politique. On le voit en science (avec le mentalisme, l’hypnose et le lavage de cerveau). On le voit dans le boboïsme (cf. le code sur la voix-off dans mon livre Les Bobos en Vérité). On le voit également dans cette lubie mondiale qui veut faire de tous les habitants de la terre des chanteurs ou au moins des mélomanes casqués.
The Voice s’insinue partout : dans notre quotidien, dans notre tête, dans notre cœur. Et déjà à la tête de la présidence des Nations (genre Michelle Obama fait du rap).
Avec le temps, la Voix est devenue le trophée et l’Eldorado du Gouvernement Mondial néo-communiste. Le sceptre de l’émission The Voice, avec le « V » de la Victoire et de la Voix, en témoigne. Le chef d’État ne gouverne plus : il chante. Le prêtre prie moins : il soigne son image de rockeur. L’élève ne veut plus être pompier ou archéologue mais chanteur. L’agriculteur ne cultive plus : il fait un clip pour sensibiliser sur l’écologie. On n’a même pas besoin d’avoir la télé pour rencontrer The Voice : l’émission vient à nous et nous rejoint là où nous sommes (métro, supermarché, etc.). La Voix, avec les applis I-phone (telles que « Ok Google ») et les loopers, peut reconnaît notre propre voix naturelle et fait semblant de s’y soumettre/calquer pour ensuite la devancer, la remplacer, la robotiser (cf. le cas du chanteur au nom de robot, MB14, qui a justement participé à l’émission The Voice du 20 février 2016).
Le statut de star s’ubérise, se démocratise à vitesse grand V (c’est le cas de le dire…). Chacun se fait son petit clip ou son petit concert ou son trip musical mais avec « le monde » pour témoin, avec une salle de concert et un public hystérisé qui est venu applaudir un chanteur sans disques. Grâce aux avancées technologiques, la télé a la possibilité d’offrir à son public un karaoké amélioré, un concert personnalisé en duplex. Que rêver de mieux ?
C’est ce qu’on peut déjà observer dans l’émission The Voice qui est devenu, en l’espace de cinq ans, la plus puissante multinationale télévisuelle après Facebook. À travers ce type de programmes – mêlant téléréalité et compétition par le talent vocal – on veut nous persuader que l’action existentielle peut se limiter au chant, que la musique est notre vie et sera notre travail, que la Voix est notre identité profonde et notre Salut, que nos talents vont nous faire vivre et vont occulter tout le reste (nos défauts, nos efforts, nos limites, nos devoirs d’état, notre handicap et nos imperfections, notre travail, et même nos relations), que la reconnaissance sociale ne peut passer que par la célébrité vocale, que si on veut vraiment exister sur cette terre on doit se lancer dans la musique, qu’on a tous droit à notre quart d’heure de gloire pendant lequel on est traité comme des plus grandes stars que les 4 stars qui nous jugent (elles-mêmes se battent pour nous avoir, c’est dire !), que nous allons tous faire carrière et que nous sommes tous des stars et que nous allons tous faire des disques (même si ce n’est pas dans le cadre de l’émission The Voice). Le miroir embellissant qu’est The Voice a donc tout du miroir narcissique déréalisant dans lequel l’Humanité s’admire et se noie, sans se rendre compte de la perversion de la captation spéculaire dont elle fait l’objet puisque celle-ci se base apparemment sur le meilleur de nous-même (famille, amis, beauté, sensibilité, bien-être, plaisir, savoir-faire, performance, simulation d’action, talents réels, originalité, engagement politique, spiritualité, etc.).
En réalité, ce programme est un mensonge sincère mondialisé, un formatage au nom de l’anti-formatage, une mégalomanie altruiste phénoménale, le pilori doré des artistes et des âmes, un individualisme de masse où chacun est invité à rester dans sa bulle, dans « son univers » comme ils se plaisent à le dire (« Garde ton âme, ton univers, ta couleur, ton grain de voix, ton identité, ta sensibilité, ta fêlure, etc. »)… mais cette liberté dans l’autonomie ne peut résister au temps qu’au prix d’un enchaînement à une grande bulle qui englobe et formate toutes les petites bulles, un système global mercantile. C’est le principe des poupées gigogne : « On ne va pas de sortir de ton monde. » promet Garou à un de ses chanteurs (le 20 février 2016). Mais ce qui n’est pas dit à la graine de star, c’est que son petit monde va être supplanté par une bulle plus grande qui va éclipser et étouffer à petit feu son microcosme, microcosme respecté seulement au départ, ou uniquement le temps d’une année. Tu es chanteur-fromager ? Ok, c’est cool, c’est exotique, on respectera ton univers… mais pendant un an et seulement si tu montes une super-fromagerie musicale… Sinon, tu sais où est la sortie !
2) La Voix avant la Personne :
L’appareil The Voice (à l’instar de Danse Avec Les Stars ou de X-Factors ou La France a un incroyable talent ou La Nouvelle Star) se veut être un générateur d’émotions pures, un immense centre névralgique de sensations, une batterie imposante façon Blockbuster qui enregistre, donne corps et condense tout ce qu’on ressent (sens, souvenirs, sentiments, affection, élan de solidarité, compassion). En réalité, l’Humain (et la beauté qu’Il génère) est un alibi pour justifier l’existence et l’activité de la machine. Et sa voix ou son talent constitue l’essence pour faire tourner cette même machine. « C’est les talents qui font l’émission. » déclare Zazie (le 20 février 2016). Les artistes de The Voice y sont progressivement déshumanisés : ils deviennent des numéros pour lesquels voter, des « voix » ou des « talents (appartenant à leur prof) » plus que des personnes, ils deviennent des outils à faire chauffer la salle ou à la toucher, des bêtes de scène offrant un concert avant même d’avoir produit quelque chose ou d’être entendu par un auditoire qui connaît concrètement leur répertoire, des objets à enchères et à pari discographiques, des contributeurs chargés d’apporter des émotions nouvelles pour faire exploser le compteur de la Grande Machine émotionnelle nationale/mondiale. « Vous nous proposez un moteur puissant. » (Florent Pagny s’étant retourné pour un artiste, le 5 mars 2016)
En plus, toute l’équipe technique d’experts-mécaniciens est là pour les astiquer : Florent Pagny vérifie l’amplitude de la voix et la performance, Garou regarde la puissance, Zazie se soucie du rythme et de la justesse, Mika mesure les chances marketing et le potentiel discographique, Jenifer veille aux plaquettes de freins et à la couleur de l’« univers » anticonformiste de la carrosserie, Louis Bertignac cherche plutôt une bécane de rockeur, Patrick Fiori vise l’intensité compassionnelle. Tous ont en commun de rechercher la perle de l’Émotion… mais passent à côté de la Vérité qui parfois émeut mais le plus souvent n’émeut pas, ne se sent pas, ne s’éprouve pas, ne fait apparemment rien, ne brille pas, se tait parfois, fait honte ou fait mourir, fait prendre le risque d’être parfois impopulaire ou persécuté : Jésus.
À The Voice, bien au-dessus de l’Humain trône surtout l’agir, la technique, le savoir-faire, la capacité, la performance. Mais attention : le savoir-faire au service du ressenti, au service de l’émotion orgasmique ! (ceci pour prouver que le système n’est pas si inhumain, productiviste, mercantile et techniciste que ça, qu’il y a une éthique quand même derrière le show business !) et soi-disant au service de la personne. Tout y est centré sur la volonté personnelle et l’intensité émotionnelle de l’instant : c’est la star naissante qui « choisit comme elle le sent » (selon son « instinct » comme elle dit souvent, en se comparant inconsciemment à un animal), c’est le coach qui « décide et dirige comme il le sent », c’est le public qui « vote comme il le sent ». The Voice est vraiment à l’image de l’entreprise capitaliste et du mythe du self-made man. All by myself ! And I do what I feel !
C’est ce que j’appellerais l’« individualisme-divertissement collectif », ou le « narcissisme de masse ». J’irais même jusqu’à employer la périphrase de « masturbation à plusieurs ». Regardez par exemple cet extrait de The Voice Australie où le chanteur Seal pousse des gémissement qui confinent à l’orgasme auditif, la jouissance à distance. Et sa collègue Delta Goodrem, dans sa position lascive sur son fauteuil, ne fait guère mieux…
Je vous passe également les moments où les coachs se mettent à danser sur leur fauteuil, se lâchent en mode Pump It Up, dans des positions lascives ou indécentes… alors qu’ils ont quand même un devoir de réserve et d’exemple. L’encouragement à la masturbation symbolique concerne également le spectateur. De sa voix suave et télégénique, Nikos Aliagas, pendant les auditions à l’aveugle, invite ses auditeurs de l’invisible à fermer les yeux, à s’installer confortablement dans leur fauteuil, à ne plus penser à rien, à se laisser envahir par la sensation de bien-être orgasmique qui est censée les envahir à l’écoute de la Voix qu’ils vont ouïr. « Qu’allez-vous ressentir quand vous allez entendre ? Est-ce que cette voix va parvenir à toucher votre cœur ? » (voix-off de Nikos Aliagas le 20 février 2016)
Le concept de l’émission est réactionnaire dans le sens propre du terme. Il vise à stimuler en masse des réactions (comme le moteur à réactions) : les réactions de la jouissance, du bien-être auditif, de l’émerveillement face à la beauté ou à la surprise ; les réactions de l’émotion incontrôlée (larmes, excitation, rire, peur, euphorie, effusion de tendresse, étreintes avec des inconnus, déception, rêve, etc.). Dans The Voice, les émotions fortes sont démultipliées et tellement déconnectées du temps réel que prendrait une relation d’amitié ou d’amour pour se construire solidement sur la durée, que ça devient très fort très vite, mais ça retombe aussi très fort et très vite. Exactement comme pendant un coït génital.
Pour suivre une métaphore filée qui paraîtra aux yeux de certains tirée par les cheveux (en même temps, je viens de vous parler de masturbation, alors vous êtes parés !), la Voix dans The Voice, c’est à l’image du stimulus sexuel qui va toucher l’oreille des coachs et leur faire « dresser les poils » (expression qu’ils affectionnent en particulier, conjointement à l’expression « donner le frisson ») ; la main ou le pied (et plus rarement la tête ou les fesses) de chaque coach est l’organe génital en érection une fois excité ; le buzzer ou le bouton rouge est l’orgasme et l’envoi du spermatozoïde ; le filet lumineux blanc qui s’allume entre le fauteuil du coach et la scène où chante le candidat représente le flux du sperme blanc qui a des chances de féconder le talent ; et après, chacun des coachs revendique sa paternité ou son amour auprès de son « bébé » musical nouvellement trouvé.
Ce n’est pas la PERSONNE du chanteur qui intéresse vraiment les jurés et qui est considérée comme une pépite. C’est sa PERSONNALITÉ (personne et personnalité, c’est tout à fait différent !), c’est l’IMPRESSION qu’elle dégage et qu’elle incarne un bref instant, c’est son charisme, c’est son image, c’est son enveloppe, ce sont ses bonnes ondes ou « good vibes », c’est sa voix (et en plus, le titre de « plus belle voix de France » n’a pas de nom, reste une périphrase qui dépersonnalise même le gagnant !), c’est sa sensibilité, ce sont sa sincérité et ses intentions plus que sa Vérité et ses actes concrets, c’est sa capacité à générer des émotions. Ce qui passe au second plan, c’est la personne, son histoire, sa pensée profonde, sa foi.
Bien évidemment, les jurés ne sont pas inhumains. Ils s’appuient un peu sur des éléments de la personne et de son vécu pour donner de l’épaisseur à leur protégé(e) et une éthique à leur poste de présentateurs. Mais ce sera pour grappiller de l’anecdote exotique ou émotionnelle, et formater ensuite le chanteur en vendeur de disques et en remplisseur de salles de concert. Ce sera (même s’ils ne s’en rendent pas compte) pour « tirer leur coup » télévisuel et carriériste.
Au moins, dans The Voice » hispanophone, le slogan lumineux qui s’affiche sous les pieds des coachs n’est pas teinté d’hypocrisie comme dans les autres pays où clignote le « I want you » ou le « Je vous veux ». Là-bas, c’est plus franc. Ce n’est pas la personne qui est mise en avant mais uniquement sa voix : « Je veux votre voix » (« Quiero tu voz »). Ça reste inquiétant, mais c’est plus conforme à la réalité.
Dans The Voice, les personnes défilent et passent comme les émotions fortes et pures. Le moment, l’immédiateté, l’instant (de stress et de tension), l’intensité (du succès immédiat, des compliments dithyrambiques), le sentiment et l’action, sont sacralisés/scénarisés à l’extrême. L’avoir, le faire, le sentir, empiètent sur l’être, le croire, l’aimer, le devenir, la durée, la pensée, l’analyse, la réflexion. Les « talents » s’enchaînent dans une perspective bizarrement impersonnelle (je dis « bizarrement » car les portraits rapides donnent à croire au départ que chaque identité est respectée ; les liens relationnels tissés dans l’urgence aussi). Par exemple, la fois où les jurés ont laissé filer un talent un peu trop âgé à leur goût – il s’agissait de Delphine Mailland, une infirmière de 57 ans, le 20 février 2016 –, le dialogue en backstage qui s’en est suivi entre Florent Pagny et Mika a été vertigineux de mauvaise foi sincère : en effet, Pagny s’est à peine excuser d’avoir eu l’impolitesse de ne pas s’intéresser à la personne de Delphine (« On était tellement en état de grâce qu’on ne lui a même pas demandé son prénom, dis donc… ») ; et sans malveillance aucune mais avec une désinvolture béate, son voisin de fauteuil lui a rétorqué, en sirotant son gobelet avec sa paille : « En même temps, c’était pas la chose importante. ». On a passé un bon moment. C’est d’abord ça qui compte. Qui nous l’a fait passer ? C’est secondaire ! C’était mythique et ça valait le coup d’être vécu sans qu’on s’intéresse à la personne. C’est le moment pour le moment. L’émotion pour l’émotion. On a « vibré » comme notre portable, sans répondre à l’appel ? Tant pis. On enchaîne !
3) La Fusion entre le mécène et son disciple :
Sur le plateau de The Voice, le célèbre côtoie l’anonyme. Et ce rapprochement surprenant fascine autant qu’il éblouit et trouble notre jugement.
Les chanteurs même marginaux, bobos et anti-système, en fin de carrière ou intermittents du spectacle, tentent leur chance en vivant à The Voice l’expérience fugace de l’inversion des rôles entre stars confirmées et stars inconnues, le « challenge » (mot qui revient souvent) de la starification de 15 minutes consacrée cyniquement par Andy Warhol, étant donné qu’ils n’ont soi-disant « rien à perdre » et qu’ils en ont marre de ne pas vivre leur « rêve », et puis surtout pour le plaisir de « prendre du plaisir » et de « s’éclater ». La dernière expression (« s’éclater ») est récurrente dans leur bouche et ô combien symptomatique de la perte d’unité et d’identité qui est en train de s’effectuer en direct : l’étoile naissante, embarquée dans le Grand 8 télévisuel, explose en plein vol et se partage médiatiquement avant de mourir… ou parce qu’en réalité elle est déjà artistiquement morte !
Et de leur côté, les célébrités jouent à être des messieurs Tout le Monde (la Génération Selfie des stars a même gagné Hollywood), capables de (feindre de) troquer leur siège de coach à des gens de la rue, à des chanteurs du métro voire à des familles, pour cacher qu’elles sont elles-mêmes sur la sellette, sont de plus en plus nombreuses et de moins en moins talentueuses et reconnues durablement, sont détrônées par des gens plus expérimentés, jeunes, nouveaux, compétents et vendeurs qu’elles, que le concept même de « star » est sur le déclin et en voie de disparition partout dans le monde. Si tout le monde devient une star en quelques secondes et quelques jolis accords de guitare, plus personne ne le sera, car une étoile ne peut briller ni ressortir quand elle est entourée de lumières, aussi talentueuse soit-elle.
Quoi que s’évertuent à cacher les concepteurs de The Voice, ce télé-crochet est une entreprise qui se mord la queue, même si bien sûr il ne sert pas totalement à rien et fait vivre objectivement de belles choses, de belles émotions, de belles rencontres. À ce titre, la relation scénarisée entre la graine de star et son mentor, c’est trop, beaucoup trop. La comédie de la gratuité de la camaraderie, dans un système où la pression des impressions est si forte, est grossière en même temps que sincère (c’est là qu’on voit que la sincérité n’est pas la Vérité !). En direct, les stars confirmées achètent les nouvelles recrues par la flatterie (pas toujours hypocrite, d’ailleurs) et les promesses (sincères mais souvent fausses et non tenues) : « Toi, tu feras des disques. » ; « J’irai à tes concerts. » ; « Tu iras loin. Surtout ne lâche pas. » ; « Je n’ai jamais vu ça depuis 5 ans que je fais cette émission. » ; « Là, je crois qu’on tient un finaliste ! » ; blabla, blabla.
The Voice est le monde des promesses folles, des pronostics emballés, des déclarations d’amitié à l’emporte-pièce, des adulations spontanées. « Je t’adore !!! » (Mika s’adressant à Tamara, le 20 février 2016) Vous savez que le verbe « adorer » signifie « (vouloir) être comme » et non pas simplement « aimer beaucoup » ? (C’est pour ça qu’on adore que Dieu) La distance entre l’amateur et son objet n’est pas du tout respectée dans The Voice (et la récente apparition de l’émoticône « J’adore sur Facebook indique également ce glissement social vers l’incestuel et l’idolâtrie).
À The Voice, il n’y a plus de distance entre ce que l’on aime (de goût) et ce que l’on aime d’amour, plus de distance entre amitié et amour, plus de distance entre le virtuel et le concret, plus de distance entre l’aimé et l’aimant, plus de distance entre l’apprenti et l’apprenant. On se sert dans les bras. On « s’adore ». Le spectateur assiste à de grandes embrassades entre artistes qui ne se connaissent même pas. C’est le règne des effusions télévisuelles. L’amour de la star avec qui on va s’entraîner est mis sur le même plan que l’amour avec ses amis et sa famille, par exemple.
Les jurés, quand l’artiste sur qui ils ont misé est applaudi, parodient parfois le fait que les applaudissements leur soient adressés exclusivement à eux, comme s’ils avaient effectué eux-mêmes la prestation de leur favori : la distance entre l’entraîneur et son poulain est bien souvent abolie, envisagée sur le mode de la fusion flattant deux égocentrismes qui vont s’apporter l’un à l’autre la notoriété qu’ils attendent (notoriété de l’expérience et notoriété de la nouveauté). C’est hyper malsain, cette collaboration, car s’y même du très beau et du très égoïste. Tout fonctionne par transfert, comme dans un commerce où l’émotion, la célébrité, la voix, servent de monnaie d’échange, de tremplin et d’accélérateur d’on ne sait pas trop quoi (on sait juste que ce n’est pas qu’humain) ; comme dans un business où la réelle gratuité est si peu présente.
L’inversion des rôles entre la star de l’ombre et la star de la lumière se fait passer pour une formidable démocratisation de l’art, un acte d’humilité et de courage de part et d’autre, une rencontre révolutionnaire de deux mondes que tout (= l’argent, le pouvoir) séparent, un partage de gloires et de qualités. En réalité, de la part de la télé (de plus en plus concurrencée et menacée par internet) et de la part des anciennes stars devenues coachs, c’est juste un cadeau empoisonné et/ou intéressé fait au Peuple, juste une stratégie de survie avant le naufrage de l’industrie du disque, des mass médias, du monde de la créativité musicale (les gens sont saturés de sons et de vedettes à aduler), du concept même de « célébrité », de leur carrière. La confusion entre la vedette et son fan indique également une fusion incestuelle entre le Pygmalion et sa Muse, fusion qui ne présage pas grand-chose de bon, tant au niveau qualitatif qu’au niveau éthique.
À l’occasion des auditions à l’aveugle, TF1 nous fait quand même revivre une soixantaine de fois la même scène de Cendrillon, en espérant qu’on y croira toujours autant et qu’on ne s’en lassera pas ! C’est-à-dire la scène de la transformation, après les 4 buzz des coachs et avant les 12 coups de minuit, du musicien de garage provincial en superstar, ainsi que la métamorphose des stars certifiées en valets qui s’agenouillent devant leur nouvelle princesse ou leur nouveau prince en béret pour essayer leur pantoufle de vair sur elle/lui. Et s’instaure le sempiternel jeu rhétorique de la flatterie passionnelle, fanatique. Ce jeu de rôles n’est pas qu’hypocrisie intéressée, heureusement. La conscience d’être dans un excès apporte de la convivialité, de la taquinerie objectivement drôle, savoureuse, conviviale et toujours efficace, il faut l’avouer. L’euphorie nous entraîne vers un émerveillement quasi incontrôlable.
Dans The Voice, les rôles prof/élève s’inversent tout en se copiant : « J’aime beaucoup ce que vous faites. » / « Ah ben tiens, moi aussi ! » Si jadis l’unilatéralité de la fan attitude saoulait carrément les étoiles de la chanson ou du cinéma, et frustrait les groupies-paparazzi, maintenant, chacune des parties (d’un côté le fan club, de l’autre la superstar) a compris qu’elle avait des intérêts communs et personnels à tirer de la mise en scène filmée de la rencontre de ses adulateurs, quitte à singer l’idolâtrie et l’affection justement. Pendant quelques minutes d’antenne observées par des millions de spectateurs, les chanteurs inconnus du grand public acceptent d’être courtisés et pris pour des rois par les rois homologués. Quant à ces derniers, ils jouent – parfois à la perfection – les adulateurs hystériques soudainement touchés par la Grâce, capables de tout pour tester leur pouvoir d’influence sur le premier troubadour qui passe. Démagogie et orgueil, quand vous nous tenez par la sincérité, le jeu et l’humour… ! Inversion des rôles trop spectaculaire pour être vraie et solide. Mais flatteuse, drolatique et sincère pour tout le monde, ça oui ! Je dis bien « Tout le monde ». Y compris pour les vedettes qui feignent de s’abaisser au statut de fan. Y compris pour le public et les téléspectateurs qui voient leur rêve inavoué de célébrité se concrétiser sur les écrans par sosies interposés. Et à la fin, tout le monde revient chez lui, la guitare entre les jambes, en ne comprenant pas bien ce qui se passe (l’individu est ovationné, et sur la base d’un talent réel et d’échanges parfois « forts », en plus… et juste après, il risque de tomber assez vite dans l’oubli), en étant un peu plus dégoûté de sa vie réelle (après avoir entrevue une possibilité de sortie artistique du tunnel), en croyant au mirage de cette inversion exceptionnelle des masques entre stars fameuses et artistes de l’ombre. C’est sidérant. On s’est fait délester le portefeuille de nos rêves, et on n’a rien vu venir ! On a même trouvé ça plaisant…
4) La Voix du mensonge :
The Voice, au-delà de ses intentions et de ton potentiel émotionnel palpable, au-delà de son aspect technique qualitatif indéniable, c’est le règne du mensonge sincérisé. Par exemple, les fameuses « auditions à l’aveugle » (qui constituent un méga casting qui s’étale sur des mois !) sont une gigantesque arnaque. Car elles s’opèrent tout sauf à l’aveuglette. L’apparence y est paradoxalement célébrée comme nulle part ailleurs dans le monde des médias. Même si le choix des talents se fait soi-disant sans la vue et au-delà des apparences et des préjugés, le public sert forcément de miroir pour les 4 coachs ; le regard et la réaction des coachs retournés fonctionne comme reflet influent ; la voix entendue sans être vue, dans ce qu’elle donne comme indice d’âges et de sexe sur elle, sert aussi de critère de jugement sur le paraître physique du candidat. Sans compter que la première étape du concours The Voice est conditionnée par la course à l’image qui va la détrôner dès les battles et les directs. Florent Pagny, dernièrement, a justifié face à une mamie (toujours Delphine Mailland, précédemment citée) qui chantait super bien et pour laquelle aucun des jurés ne s’est retourné : « On n’a pas appuyé parce qu’on sait la suite… » Le slogan « Seule la voix compte », répété en boucle par Nikos Aliagas, l’animateur en chef, ne tient absolument pas. Et les années passant, les spectateurs sont de moins en moins dupes de cette fausse objectivité ou fausse démocratie du concours télévisuel.
L’une des injustices les plus flagrantes de The Voice, c’est la discrimination de la différence des générations. Effectivement, ce qui navre quand on suit la saga The Voice d’année en année, c’est de constater que l’âge est applaudi comme une performance. C’est la première et quasiment la seule information biographique qui enchante les coachs quand ils commencent à rendre leur copie après avoir entendu une prestation. « D’abord, tu as quel âge ? Oh bravo, tu as 17 ans ! Quel talent ! Ah oui, pardon… et comment tu t’appelles ? » Ce jeunisme (qui est concrètement un sectarisme : si Charles Aznavour avait été de la génération The Voice, il y a fort à parier qu’on ne l’aurait jamais connu, vu qu’il n’a eu accès à la notoriété qu’à un âge avancé !) est de moins en moins discret. « Quel physique et surtout quel âge prêtez-vous à cette voix ? » (la voix-off de Nikos Aliagas s’adressant aux téléspectateurs, le 27 février 2016) ; « Elle chante mieux maintenant ! » (Mika, découvrant en vrai le physique juvénile et joli de Louisa-Rose, 16 ans, le 27 février 2016) ; « En plus, vous avez 16 ans, et ça, ça nous fait rêver ! » (Florent Pagny, louchant sur Louisa-Rose, idem) ; « J’entendais un ange qui a tous les pouvoirs. » (Garou, idem) The Voice est une espèce d’École des Fans remasterisée. La preuve avec le pendant jeuniste The Voice Kids qui talonne The Voice adultes de plus en plus près…
C’est sidérant. À The Voice, l’âge est considéré comme une compétence, un talent artistique, une capacité. Alors que s’il y a bien quelque chose qu’on ne choisit pas et qu’on ne maîtrise pas dans la vie, c’est bien notre âge ! Certes, l’âge est un don, mais certainement pas un talent. Et dans The Voice, ce ne sont pas tous les âges qui sont célébrés, mais seulement une tranche d’âges bien réduite : entre 16 et 30 ans. Pour les autres, la victoire est fortement compromise. Par ailleurs, ce n’est pas tant « la compétence musicale à un jeune âge » qui est applaudie par les coachs que le jeune âge en lui-même. Là est l’os. De surcroît, l’âge n’est pas bonifié en tant que garantie de durée d’une carrière de chanteur : c’est seulement en terme d’image de jeunesse, de pouvoir d’attraction et d’influence commerciale immédiate auprès d’une clientèle juteuse de jeunes acheteurs ou d’adolescentes attardées, de potentiel d’argent et d’audimat, qu’il est envisagé. Passé le stade des battles, le vieux chanteur (comprendre = au-delà de 35 ans) est jugé usé, impotent, peu exploitable. C’est même « pour son bien » et pour lui éviter de se casser le nez qu’on veut lui éviter de gagner ! Susan Boyle, c’était l’exception des exceptions, qui ne repassera pas deux fois.
La discrimination dans The Voice ne repose pas uniquement sur l’âge et sur la différence des générations. Elle se fait aussi sur le sexe et donc le physique. Plus vous possédez « l’imperfection marketing » qu’il faut (je n’ai pas dit « l’imperfection tout court »), ou plus vous cultivez un style libertaire bisexuel et asexué (donc bobo), une androgénéité et une hybridité qui abolissent la différence des sexes, la différence des espaces et la différence Créateur-créatures, et plus vous avez des chances d’être un dossard gagnant. Bien sûr, il faut un minimum de talents : l’apparence physique ne suffit pas… mais elle couronne. Et si, en plus d’avoir un bel organe vocal enregistrable, vous êtes bi, jeune, étranger, ou handicapé, vous multipliez les chances.
J’exagère ? Pas du tout. Il vous suffit d’observer comme la composition des jurys de The Voice, partout dans le monde, est très orientée idéologiquement. Cette orientation est le boboïsme, courant de pensée fondé sur l’hétérosexualité, l’homosexualité et l’anticonformisme absolu (= la désobéissance). D’une émission The Voice à une autre, et d’un continent à un autre, on se retrouve sensiblement le même schéma de construction du jury : il y a l’Hétéro (= Ken bobo tatoué de partout)/l’Hétérote (= Barbie bobo masculinisée)/le Black (= quota minorité)/l’Homosexuel (ou le transgenre).
Tous ces personnages illustrent le chantage aux sentiments (comprendre = chantage au machisme, au féminisme, au racisme et à l’homophobie) et l’instrument de propagande qu’est au final The Voice. Sous le vernis de l’émotion, du sensationnalisme, de l’esthétique, de la créativité, de la qualité, de l’authenticité forcée, de la convivialité scénarisée, de la sincérité, se cachent un manque de Vérité, une diversité de supermarché et une idéologie déréalisante et égocentrique réels.
Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas regarder ce genre de programmes (la preuve, c’est que moi, je le suis fidèlement depuis son apparition). Mais à mon avis, il convient de le regarder comme un puissant signe des temps, comme un curseur important de la température de notre planète et de la progression de l’Empire de l’Antéchrist. Je vais m’expliquer en essayant de ne pas vous faire peur et de ne pas passer pour un fou ;-).
5) The Voice of the Devil :
Dans notre monde d’aujourd’hui, il devient extrêmement difficile de ne pas être envahi par la musique, le bruit ou les voix. On peut comprendre qu’aux oreilles et aux yeux de nos contemporains, le silence de Jésus et de Dieu son Père devienne très vite une irréalité, soit pris pour une preuve d’absence et d’inexistence. Et paradoxalement, comme la nature humaine a horreur du vide, et a fortiori du vide spirituel et verbalo-véridique, elle s’empresse de déifier (version panmythologique, transhistorique, noachide, bouddhiste, New Age, celtique, kabbalistique, maçonnique) la Voix humaine. C’est criant dans The Voice.
Même si nous ne nous en rendons pas compte, le noachisme a bien pris d’assaut le plateau de The Voice et de bon nombre d’émissions actuelles (Les Extraordinaires, Stars sous hypnose, Les Anges de la télé-réalité, Koh-Lanta, Secret Story, etc.). Dans The Voice, les artistes les plus valorisés ont soit tout du sorcier vaudou derviche tourneur mystico-oriental qui plaît aux bobos (Battista Acquaviva, Luc Arbogast, Dana, Mood, Al-Hy, Naomie, etc. : en général, ce druide ou cette druidesse est présenté(e) comme « un OVNI fascinant venu d’une autre planète »), soit tout de l’innocence angélique du bel éphèbe ou de la lolita prépubère, soit tout de la dureté du « SDF rockeur dans son monde ». Bref, tout du Désobéissant mystique ! (cf. mon article-livre sur l’Antéchrist et le code de l’Effrontée dans Les Bobos en Vérité)
Sur un air de tambourins foufoulélé, de guitare sèche minimaliste, de cithare celte ou de bandonéon bobo, The Voice se transforme bien souvent en Temple gréco-romain du paganisme spiritualiste et nostalgique.
Question nostalgie, par exemple, nous sommes servis, puisque toute l’émission repose sur les reprises de chansons rétro mythiques du répertoire musical mondial dit « immortel ». La Grande Messe The Voice se déroule sous le feu de projecteurs aux teintes lumineuses bleutées et rougeoyantes à la Star Wars. Le fond musical, c’est systématiquement « Le Seigneur des Anneaux » ou « Harry Potter ». 100% mystique hollywoodien. Beaucoup de chanteurs entonnent les chants incantatoires de la « Religion laïque » pour faire monter l’émotion transcendentale sans en assumer l’Inspirateur (= le Christ) : ils reprennent « Hallelujah » de Jeff Buckley, « Imagine » de John Lennon, « Chandelier » de Sia (on ne compte plus les fois où on nous l’a servie, celle-là !), ou encore « The Prayer » de Céline Dion et Andrea Bocelli. Dans l’église cathodique TF1, les quatre prêtres accrochés à leur siège royal rouge du futur, comme les victimes consentantes d’un ouragan musical qui viendrait de l’au-delà et qui les emporteraient, décernent des prix d’étrangeté, d’oracles et de magiciens, de divinité énigmatique, de prophètes ésotériques, aux nouvelles recrues les plus queer, les plus solaires, les plus atypiques, les plus divines, qu’elles entendent. Ils se prosternent devant leurs dieux en culotte courte. À en croire les jurés et leur jargon, on dirait qu’ils ont sérieusement foi aux extra-terrestres et à leurs ondes gravitationnelles « positives » : « The Voice nous permet d’avoir accès à des OVNI. Et vous avez la Grâce. » (Zazie s’adressant sincèrement à un de ses talents, le 20 février 2016) D’après les coachs, le chant est la discipline par excellence de l’envoûtement, un art divinatoire, un occultisme. La Voix serait une religion. Sans déconner.
D’ailleurs, un contrat d’adulation mutuelle s’instaure quasi immédiatement entre le et son talent : je te divinise, tu me divinises, et tu fais de moi la star que nous sommes/serons. « C’est simple. Je vous adore ! C’est la meilleure performance de l’année ! » (Mika s’adressant à Tamara le 20 février 2016) Parfois, un voile est posé sur les talents qui s’illustrent sur la scène de The Voice, exactement comme entre Dieu et les Hommes. Pendant l’émission du 27 février, j’ai même vu Padre Mika imposer les mains sur l’un de ses protégés juste après qu’il ait été choisi par lui ! On assiste à l’exacte reproduction des rituels catholiques, mais passés à la moulinette du paganisme déchristianisé. Bougies, bénédictions, génuflexions, croix celtiques… sur canapé rouge. On est en train de se tromper fondamentalement sur ce qu’est le véritable courage.
Comme dans tout rituel sacrilège diabolique, la réification de l’être humain et la possession sont omniprésents et sont les paradigmes de l’émission : « C’est trop ce que j’avais envie d’avoir ! » (Garou en parlant d’un des talents qui a intégré son équipe, le 20 février 2016). On retrouve le lexique de la possession, de la lumière et de la construction, qui compose la marotte de la franc-maçonnerie : « récupérer un talent », « en voler un à son camarade coach », « constituer son équipe », « posséder une équipe de X talents », « T’as mis le feu au plateau ! », etc.
Les coach font un commerce d’artistes comme ils font une collec’ de vignettes, de « brillants », en faisant oublier que c’est un commerce d’humains, un nouvel esclavage. En plus, sur le plateau, ils se conduisent volontiers comme des gamins sur une cour d’école, qui sont payés pour simuler qu’ils se chamaillent, au péril de leur réputation, au péril de leur pouvoir de conviction, au péril de leur assermentation de séducteurs, de mentalistes, d’hypnotiseurs, de Manipulateurs d’Or, de ravisseurs d’âmes. Mika, par exemple, comparent souvent ses co-équipiers coachs de « mages », de « sorciers » ou de « Sorcières bien-aimées », d’« ogres », d’« Araignée », de « Serpent Kaa dans le Livre de la Jungle ».
Le seul hic, c’est d’une part que cette « religion The Voice » est anticléricale (par omission) et anti-christique (par omission aussi), d’autre part qu’elle ne repose pas sur un véritable altruisme humble et miséricordieux. La chorale d’anges-artistes que TF1 veut composer (« collectionner » serait le mot plus approprié) n’a pas grand-chose à voir avec le chœur de chérubins que nous verrons au Ciel et qui chantent à l’unisson la Gloire de notre Seigneur Jésus-Christ. C’est plutôt la troupe de Gremlins au physique d’anges mais aux dents de requins qui rayent le parquet. « La Planète ‘The Voice’ se peuple petit à petit de petites voix. » (voix-off de Nikos Aliagas le 20 février 2016) Chacun veut être la star se démarquant des autres. Chacun veut être un mythe. Mais c’est le plus souvent au service de sa propre gloire et au détriment des autres.
Comme dans les jeux du cirque (d’ailleurs, dans le générique de l’émission The Voice, c’est le stade en images de synthèse à la Nâdiya qui apparaît en rouge sang), on met en scène des combattants dans une arène, sur un ring. Le « jeu » The Voice est basé sur l’élimination. La loi du plus fort, du plus « touchant ». Même si les battles sont romancées le plus souvent en merveilleuse idylle amicale entre meilleurs ennemis qui « ne se feront pas de cadeau mais qui s’adorent quand même », le concept même de l’émission repose sur la discrimination et la compétition (voulu saine/scène). « Comme tout concours », me direz-vous. Certes. Mais pas le concours d’entrée au Ciel, où là, ça ne se bousculera pas au portillon et où il y aura autant de places que les êtres humains accueilleront l’Amour de Dieu. Ce sera la loi du plus humble qui prévaudra. Et non celle du plus compétent, original, jeune, beau, célèbre, capable de vendre un maximum de disques. Dans The Voice, les paillettes de la compassion, de la jeunesse, de l’argent, du potentiel, du physique, de exotisme, de la bonne intention, de la beauté musicale, cachent un océan de discriminations et de mensonges. « J’achète un monde où tout le monde gagne. » chante Zazie dans sa chanson « Rue de la Paix ». Un monde où, personnellement, je n’ai pas envie d’habiter. Évidemment, il y a largement pire et cruel comme jeux du cirque. On pourra vraiment craindre la fin des temps quand, sur l’arène, l’excitation populaire passera de l’adulation pour la beauté et l’émotion à l’adulation pour la violence, le sacrifice humain, le risque et la mort… mais nous n’en sommes pas si loin.
Comme je l’ai largement démontré dans mon livre sur les bobos, la quintessence du boboïsme (et du satanisme antéchristique), c’est la DÉSOBÉISSANCE et la recherche libertaire d’AUTONOMIE. Et on le voit bien à travers The Voice. La règle est l’antinorme, la destruction des codes et des clichés.
Y compris la destruction de l’idole qu’on convoite comme un fétiche sacré – à savoir la Voix – pour prouver qu’Elle est immortelle et indestructible même après avoir été dénaturée, vendue, marketée, travestie par l’électro, propulsée, diffusée, échangée, volée, écorchée, cassée, brisée, éclatée, vidée d’âme et de Vérité. Oui, le programme The Voice, contrairement aux apparences et à ce qu’il prétend, ne cherche pas à valoriser la Voix ni à La protéger pour La mettre dans un joli écrin. Il vise le troc de Celle-ci, sa disparition et sa destruction. Il planifie l’extinction à petit feu de l’âme humaine par la valorisation excessive de la voix. À ce propos, le slogan de cette cinquième édition de The Voice France 2016 m’a dès le départ choqué : « Cette saison va vous laisser sans voix ». Comment est-ce possible qu’une émission qui se propose de nous faire découvrir la beauté et l’existence d’une voix exceptionnelle nous annonce avant même d’avoir démarré qu’elle va la supprimer ?? qu’elle va tuer son futur bébé ?? ou que ça va être la voix du téléspectateur contre la voix de son écran ??
L’émission The Voice a quelque chose de vraiment diabolique. Dans le sens aussi envoûtant et séduisant du terme, dans le sens de « pacte ravissant », dans le sens de « tentation de la sirène » (les sirènes d’Homère sont précisément des femmes-oiseaux – comme le « V » de The Voice – venues entraîner les marins vers les enfers). On a envie de la regarder… même si, à la fin de chaque prestation, et même à l’issue de chaque édition annuelle, on se demande à quoi bon continuer à suivre ça. On se rend compte que c’est un feu de paille, que ça ne nous a pas rempli le cœur ni fait avancer véritablement dans la connaissance de soi et des autres, que ça ne nous a pas fait aimer. La perversion du concept, c’est que, l’espace d’un quart d’heure, chacun a l’impression d’avoir ému toute la Planète, d’être le Roi du Monde ou un Génie, et, en tant que spectateur, d’avoir aimé et agi rien qu’en écoutant, en ressentant, en jugeant, alors qu’en réalité on n’a fait que consommer, envier, vibrer, stresser, projeter nos émotions narcissiques et notre jalousie d’artiste frustré sur une culture du spectacle sensationnaliste éphémère et mercantile, broyant et zappant les artistes, abolissant la durée, la fidélité, la pensée, parodiant l’Amour, l’Amitié et la Créativité véritables. L’écœurement arrive vite avec The Voice. Et l’oubli de cet écœurement dans le même temps. C’est le propre de toute drogue. De toute action du diable, finalement : donner l’impression de s’annuler pour continuer de posséder les Humains et de légitimer sa nécessité.
Peut-être que certains, en lisant ces lignes et ma grille d’analyse, trouveront que ma diabolisation d’une émission aussi « innocente », populaire et familiale que The Voice, relève de la paranoïa et de l’excès, que je vois le mal partout. À ceux-là, je dis que si j’avais eu peur de ce mal et n’avait pas été capable d’en voir les richesses, je ne serais pas resté aussi longtemps accroché à cette drogue télévisuelle. Mais, la preuve qu’on peut apprécier une chose sans nécessairement y goûter ou sans en abuser, c’est que j’essaie de garder mon sens critique, de tirer de The Voice les leçons utiles pour l’avenir du monde, et que je reste libre d’oser y voir un programme satanique orchestré par le Gouvernement Mondial (encore et toujours lui ! lol). Il vous suffit d’ouvrir les yeux, de voir la thématique bicolore de tous les plateaux The Voice du monde (rouge et noir, comme l’enfer), de reconnaître la place démesurée laissée au pouvoir de la main et du doigt (cf. mon article sur la puce électronique digitale), d’entendre le mondialisme uniformisant dont The Voice se fait le relais (il existe même une chaîne Youtube baptisée The Voice Global, c’est vous dire !), pour comprendre.
Si, au départ, The Voice a bénéficié de l’innocence, de la gratuité, de la solidarité, et de la gentillesse spontanée du public (les gagnants des premières éditions avaient les imperfections qui les rendaient humains : Grégory Lemarchal à la Star Academy, Stéphan Rizon, Yoann Fréget, Olympe, etc.), très vite, à partir de The Voice 3 l’émission a montré son noir visage en se boboïsant, c’est-à-dire en se kendjigiraquisant, louanisant, frérodelavegaïsant. Ce visage grimaçant n’est pas visible tout de suite ni tout le temps. Quel spectateur est assez inhumain pour ne pas se laisser embarquer, dans l’instant, dans l’enthousiasme et la joie bien naturelles de l’euphorie ? Et même si on identifie de temps à autre (comme c’est le cas de Florent Pagny ou de Louis Bertignac) toutes les incohérences et les perversions du système, est-ce une raison pour jeter bébé avec l’eau du bain et tout quitter ? Je laisse à chacun sa liberté de répondre en actes.
Une seule fois, j’ai eu l’impression que The Voice remplissait vraiment sa vocation divine et bienfaisante, et ne servait pas un projet satanique pourri en ses fonds, ne servait pas l’émotion pure mais bien la pureté, ne servait pas un objectif de toucher les autres mais touchait naturellement. C’était comme par hasard quand la candidate à la voix d’or (et qui a été l’heureuse gagnante de The Voice Kids 2 en 2015) ne pouvait pas voir : Jane, la jeune Mauricienne aveugle. Dans son cas, la bonté et l’amour n’étaient pas feints. L’émotion pure n’était pas un écran pour justifier un commerce ni même une bonne intention désincarnée, car il y avait justement de la place pour la beauté dans le regard mort, dans la faille, dans la fêlure, dans l’erreur, dans la vulnérabilité, dans le handicap, dans la limite, dans la maladie, il y avait de la place pour l’humilité, la gratuité, la joie simple, l’amitié vraie, la foi (et je crois que Patrick Fiori et la famille de Jane sont catholiques). Et c’est ce à quoi aspire au fond tout un chacun : découvrir la Victoire de la Résurrection christique sur la mort. Et qui de mieux qu’une fillette aveugle croyante – qui n’entend des autres que leur voix et qui par là même associe forcément la voix à une personne, à une âme, à la confiance, et non à un objet, à un fantasme, à un succès chiffré, à une carrière – pour redonner à Jésus sa couronne de la plus grande Voix du Monde et de l’Univers ?