Ça y est, on y rentre. Ils commencent à arriver en masse. La Génération Débilos. Ceux qui ne savent pas réfléchir et qui sont limités intellectuellement. Rien de bien nouveau ni de grave, me direz-vous. À partir du moment où il y a respect et crainte de la sagesse, joie et amour, peu importe qu’on soit des cerveaux ou pas, d’ailleurs. Il vaut mieux un con qui sait aimer qu’un intellectuel qui ne le sait pas.
Le problème, c’est que si chaque civilisation et chaque époque nous a toujours offert ses cons, notre époque connaît quand même une révolution inédite qui a de quoi nous inquiéter un peu. C’est que, contrairement aux siècles passés, les débilos contemporains n’ont pas conscience d’être bêtes (ça encore, ça semble logique), mais maintenant, ce sont eux qui prétendent sincèrement être plus intelligents que les autres, ce sont eux qui nous enseignent, qui sont sollicités pour parler en public ou pour régenter les facs, les cercles littéraires, et même pour nous gouverner. Là, c’est nettement moins drôle. Car avant, il était rare qu’un abruti ait longtemps le pouvoir et la visibilité : son imbécilité se voyait trop, finissait par faire tache, et il lui restait encore assez d’intelligence pour avoir honte de sa connerie et de ses limites, pour ne pas jouer au génie et pour se cacher. Mais à présent, les niais sont tellement nombreux qu’ils se tiennent chaud et se confortent dans l’idée que s’ils font bloc, s’ils passent à la télé, si leurs écrits sont publiés, ça doit être pour une bonne raison (qu’ils ignorent… mais ils s’en foutent : tant que ça passe pour de l’esprit et que personne ne relève que leurs raisonnements sont creux, sont un vulgaire enchaînement de slogans sans fond, ils foncent !). Ça doit être parce qu’ils sont plus intelligents que les autres, dis donc !
Si bien que nous nous retrouvons à présent dirigés par des imbéciles qui ne s’en rendent pas compte, entourés de faux intellectuels, d’idéologues qui nous font la leçon en pensant franchement nous sauver et nous élever, d’opportunistes aux dents longues mais incapables d’avoir une pensée construite, des gens qui, parce qu’ils n’ont pas les capacités intellectuelles pour accéder à notre pensée et à la pensée des sages solides, attribuent à celle-ci les intentions (souvent mauvaises) qu’ils nous prêtent, des beaufs à lunettes tétanisés à l’idée qu’on révèle au grand jour leur imposture philosophique et leur esbroufe, des gars bien gentils avec qui il est quasiment peine perdu d’engager un dialogue rationnel parce qu’ils ne carburent qu’à l’affectif, des prétentieux qui ont le culot de nous traiter d’orgueilleux simplement parce qu’ils devinent qu’intellectuellement ils n’en mènent pas large face à nous (alors la seule et dernière arme qu’il leur reste pour nous virer et nous faire taire, nous les témoins gênants de leur identité d’ignares arrivistes, c’est la présomption d’orgueil : « Môssieur le Professeur ne se sent plus pisser parce qu’il a toujours raison et refuse de se remettre en question ! »). Ils font passer l’intelligence ou la recherche de Vérité pour de la prétention. Et nous avons beau leur dire que « pas du tout », qu’ils sont les seuls à envisager la Vérité à la fois comme une possession et comme une irréalité, rien à faire. Débilos boude, refuse de comprendre ou de parler des actes, continue de voir le monde à travers les lunettes de ses intentions.
Voilà! Génération Débilos arrive. Il y en a particulièrement beaucoup chez les socialistes. Mais pas mal aussi à droite et dans les rangs LMPT. Moi, je dis : dans les années à venir, on va bien s’amuser ! et surtout découvrir que nous ne sommes pas si entourés que ça d’esprits et d’amis de compréhension mutuelle ! Il ne suffit pas de se donner l’illusion de vouloir les mêmes buts. C’est surtout sur la compréhension des moyens, et donc au bout du compte sur la compréhension des finalités, que nous sommes déjà bien en difficulté. Et ce, d’autant plus que nous n’avons plus le micro !