Cool (Expressions bobos)

SIGNIFICATION SOCIALE, MONDIALE ET ESCHATOLOGIQUE DU CODE

 

« Tu seras cool, mon fils ! »


 

« SCHOOL », ÇA RIME AVEC… « COOL »
 

On a tous le souvenir, au collège, et parfois au lycée, d’avoir été obligés de marcher au pas trop rapide de deux-trois camarades plus « cools » que nous et qui ne nous attendaient pas (quand on était ensemble sur la cour d’école, en classe, en ville, dans un bar ou en discothèque, dans une soirée, en sortie scolaire, en voyage en car…), ne nous écoutaient pas, ne rigolaient jamais à nos essais de blagues (… ratées, du coup), ne prêtaient pas attention à nos remarques et réflexions (finissant marmonnées dans notre barbe parce qu’elles tombaient à côté et qu’on était jugés inintéressants voire stupides), ne nous regardaient pas dans les yeux et ne s’adressaient jamais directement à nous quand ils nous parlaient (nous étions tellement invisibles à leurs yeux qu’il leur arrivait même de parler tout haut de nous à la troisième personne du singulier et en notre présence !), mais que nous devions quand même suivre comme des gentils toutous pour donner l’illusion que c’étaient nos amis (pardon… nos « potes » LOL), que nous faisions partie de « leur bande », que nous n’étions pas des « Rémis » ou des « pauvres types » isolés et coincés (« coincé » : l’adjectif de l’infamie maximale !), et que nous étions aussi cools qu’eux. La vérité, c’est que nous étions leurs bouche-trous et eux nos faire-valoir : c’était le « deal » fragile et secret qui nous unissait tacitement les uns aux autres. Aaaah… ces merveilleuses années collège et lycée, entourés de « cools » – finalement tout aussi mal dans leur peau que nous mais qui avaient au moins les moyens physiques et parfois matériels de le camoufler – qu’on était forcés de trouver intéressants, drôles, brillants, intelligents, sexys, admirables, épatants, spirituels, alors qu’ils nous méprisaient du plus profond de leur être, et qui aujourd’hui font grise mine…
 

LES « COOLS » : MAÎTRES DU MONDE DEPUIS LE PÉCHÉ ORIGINEL
 

C’est comme ça depuis le péché originel d’Adam et d’Ève : les « cools » dirigent le Monde, de génération en génération. Et la coolitude est le paradigme qui hiérarchise – en termes de pouvoir et de popularité – les rapports humains et la valeur attribuée à chacun. En gros, on est tous le « cool » de quelqu’un ou le « ringard » (c’est-à-dire le « pas cool », le « coincé », le « has been », le « loser ») d’un autre. Et heureusement, on peut faire la navette entre ces deux réputations : elles ne sont pas toujours immuables ; certaines de nos casseroles se détachent même de nous avec le temps. Et surtout, heureusement qu’un certain Jésus nous a dit qu’au Ciel, « beaucoup de derniers de ce Monde seront premiers, et beaucoup de premiers seront derniers » (Mt 19, 30). Ça nous laisse de l’Espérance : la coolitude a une fin !
 

Mais d’ici-là, il faut quand même se la coltiner ! Comme un rouleau compresseur, et en l’espace de quelques décennies, la coolitude est devenue la nouvelle morale. La Reine mondiale. Elle s’est substituée au Bon ou au Bien, donc à Dieu et à Jésus. Or, si la coolitude devient le nouveau Bon ou Bien, ça peut prêter à sourire… mais en réalité, je vous annonce qu’on a du souci à se faire ! Pourquoi ? Parce que c’est le début de la loi de la jungle, ou du Talion. Tous les conflits humains, si vous regardez bien (depuis la cour d’école, jusque dans votre propre famille, votre couple ou dans les partis politiques), s’originent presque systématiquement dans la coolitude et reposent sur celle-ci. Dès que la coolitude (autrement dit le culte de l’apparence, ou le boboïsme) s’immisce dans un groupe humain et devient le principe ordonnateur, le critère de distinction entre les Hommes, la ligne de démarcation « éthique » (et finalement manichéenne) entre les « cools » et les « pas cools » (qui passent leur temps à s’échanger leur rôle car selon l’axiome de la coolitude, comme je viens de le signaler plus haut, on devient tous « le cool » et « le pas cool » de quelqu’un : c’est plus cool et imperceptible que le stigmatisant classement de bourreau/victime), c’est le début de la fin. Si les Humains se choisissent la coolitude comme principale morale, philosophie et justice, ça veut dire – qu’on le mesure ou non – que le démon a bel et bien pris le pouvoir de nos vies et de notre Monde.
 

La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que j’ai aussi remarqué que la paix revient dans les familles ou les groupes d’amis une fois que l’idole de la coolitude est mise à mort d’un commun accord. Je l’ai vu avec mon frère jumeau. On s’est réconciliés à partir du moment où on a cessé de rentrer dans la peau du « plus cool que l’autre » (ou du « plus intelligent que l’autre »), quand on a cessé la course à la coolitude. Bref, quand on a cessé de se juger. En revanche, dans ma propre famille, certaines tensions et tyrannies persistent encore (malheureusement) parce que certains croient avoir le monopole de la coolitude, et par conséquent jugent les autres de « tyrans ringards et pas cools ». C’est un cercle vicieux.
 

Et d’un point de vue mondial et politique, il suffit de voir qui, parmi les politiciens, verse à la fois dans la coolitude et dans la rigidité (pour donner justement à leur autoritarisme une sympathie populiste qui rend ce dernier acceptable et moderne) ? Ce sont les tyrans. Y compris ceux qui se posent en outsiders du Système qu’ils briguent ou dirigent (exemple : Donald Trump, Barack O’Bama, Emmanuel Macron, ou à plus basse échelle Jean-Luc Mélenchon). Macron, il est « vraiment cool » du point de vue des attitudes et de son image médiatique… et c’est justement ça le problème ! Il suffit aussi de voir quelle Nation ou quel continent cultive le plus son image de modernité (avec ses « fashion weeks », ses grands spectacles et kermesses pharaoniques), de « liberté », d’« ouverture », de coolitude ? Ce sont les oppresseurs. Il suffit enfin de voir sur les sites de rencontres gays comment l’expression « cool et sympa » signifie concrètement « baisable et prostitué ».
 

La coolitude, même « frondeuse » et intentionnellement « ouvertement contre elle-même », est la Marque de la Bête et de la tyrannie. Car les vrais cools ne se présentent pas comme tels. Ils se contentent de l’être, en silence. Tout simplement. Et personnellement, je n’ai jamais rencontré de personnes aussi peu cools, aussi antipathiques, aussi complexées et aussi peu « fun », que celles qui se revendiquaient « fun, détendues, sans complexe, franches, cools et sympas (y compris dans leur rigidité) ». Et les seules fois de ma vie où j’ai essayé de « faire cool », j’aurais mieux fait de m’abstenir. Donc un conseil : laissons tomber la coolitude. Sans trop la mépriser non plus (sinon, nous risquons de l’imiter dans l’opposition). Car de toute façon, nous ne l’emporterons pas au Paradis. Et fixons-nous sur l’humiliante Croix de Jésus. Jésus, c’est l’Homme le moins cool de la Terre.
 



 
 

DANS LA SÉRIE JOSÉPHINE ANGE GARDIEN

 

JOSÉPHINE, C’EST MA COPINE À MOI
 

Télévisuellement parlant, Joséphine ange gardien se veut l’Incarnation de la cool attitude, la femme angélique la plus cool du PAF. Et gare à celui qui viendra écorner cette réputation angélique positive ou la détrôner !
 

Première preuve incontestable de sa gaieté et de sa coolitude : Joséphine danse ! « Ah super ! J’adore danser. » (c.f. épisode 57 « Un petit coin de paradis »). C’est le cas par exemple dans l’épisode 91 « Un Noël recomposé », dans l’épisode 33 « De toute urgence ! », dans l’épisode 71 « Le Sourire de la Momie », dans l’épisode 40 « Paris-Broadway », dans l’épisode 67 « Les Anges » ou encore dans l’épisode 80 « Le Secret de Gabrielle ». Notre ange gardien télévisuel est censé être la bouffonne (et je ne dis pas cela uniquement par rapport à sa taille), la boute-en-train, la rigolote, la fêtarde (c.f. épisode 32 « La Couleur de l’Amour »), l’amuseuse publique (c.f. épisode 92 « L’Incroyable Destin de Rose Clifton »), la bonne copine (Pour information, je rappelle que Nicolas Cuche a réalisé pour TF1 en 2005 un téléfilm intitulé « La Bonne Copine », avec Mimie Mathy comme personnage central.) avec qui il est facile de rigoler mais aussi de se confier (c.f. épisode 53 « Marie-Antoinette ») : « T’inquiète pas. J’suis une copine pleine de ressources. » (c.f. épisode 57 « Un petit coin de paradis ») ; « Je fais clown et illusionniste. Les deux. Ça dépend des missions. » (c.f. l’épisode 63 « Le Cirque Borelli ») ; « Mon fils Boon-Bee veut savoir qui t’es vraiment : une magicienne qui sait retrouver les jouets, ou une sorte d’ange gardien ? » (Jeera) « Dis-lui que je suis sa copine. » (Joséphine dans l’épisode 68 « Restons zen »). D’ailleurs, la musique du générique, un peu jazzy, suggérant un air rétro de Charlot, cultive cette image de marque de Joséphine : la bonne humeur cool. Et le pire, c’est que ça semble marcher. Les personnages de la série – même les « djeunes » qui devraient la trouver « relou » et « ringarde » – sont conquis : « Elle est vraiment marrante, cette Joséphine. » (Jeanne, dans l’épisode 61 « Un Monde de douceur ») ; « T’es trop rigolote, comme fille. » (Max, 8 ans, s’adressant à Joséphine, dans l’épisode 76 « Papa est un chippendale »). Joséphine jongle entre la rigolothérapie – matinée de la maladresse clownesque du fanfaron « touchant » qui fait rire sans le vouloir – et l’émotion.
 

Joséphine est si appréciée de quasiment tous que par exemple, dans l’épisode 57 « Un petit coin de paradis », quand Éric veut la licencier de son poste d’animatrice du village-vacances pour lequel il l’emploie, une manifestation « spontanée » de vacanciers se forme – avec haut-parleurs, banderoles et messages de soutien – pour exiger son retour à l’atelier tir à l’arc. Le Fan Club d’une trentaine de manifestants scande sans s’arrêter ce slogan niaiseux : « ON VEUT JOSÉPHINE, C’EST NOTRE SUPER COPINE ! »
 

Épisode 72 – « Les Boloss »

En général, les épisodes où la coolitude de Joséphine s’exprime le plus, ce sont ceux dans lesquels l’héroïne drague la jeunesse soi-disant « rebelle et impétueuse » (mais que elle va magiquement réussir à dompter et à comprendre) : par exemple dans le milieu racaïlle (c.f. l’épisode 12 « Romain et Jamila », l’épisode 19 « Nadia », l’épisode 72 « Les Boloss », etc.), dans le milieu des collèges et des lycées (c.f. l’épisode 30 « Le Secret de Julien », l’épisode 60 « Une Prof », l’épisode 80 « Le Secret de Gabrielle », l’épisode 84 « T’es ki toi ? », l’épisode 95 « Disparition au lycée », etc.), dans le milieu du sport ou des concours de la chanson (c.f. l’épisode 40 « Paris-Broadway », l’épisode 81 « Enfants, mode d’emploi », l’épisode 87 « Un pour tous », l’épisode 94 « L’esprit d’Halloween », etc.). Joséphine essaie de se donner un côté « adulte cool » qui va révolutionner l’Éducation Nazie-onale. C’est de la démagogie pure, évidemment, car comme dans l’émission Au tableau sur la chaîne C8 (vous savez, quand les politiciens, en pleine période électorale présidentielle en 2017 en France, se voyaient confrontés à des classes hyper sages avec des élèves « rebelles » triés sur le volet), on ne donne jamais à Joséphine de véritables élèves difficiles ni des classes insurmontables. Ce sont plutôt les élèves « parfaitement rebelles » de Beatriz Beloqui !
 

La force de Joséphine ne réside pas dans la bonté ni la Vérité. Si « la meilleure copine des Français » est si appréciée, c’est uniquement parce qu’elle est (considérée comme) COOL. SYMPA. Elle apprend même le terme à ses élèves des années 1960, dans l’épisode 80 « Le Secret de Gabrielle » : « Vous êtes pas une surveillante comme les autres vous. » (Hélène) « Tu veux dire que je suis cool ? » (Joséphine, aspergeant ses pensionnaires d’eau) ; « Ça veut dire quoi, cool ? » (Françoise) ; « Ça veut dire ‘relax’, ‘décontractée’. » (Joséphine). Rien ne fait plus plaisir à Joséphine que de posséder le précieux de la coolitude (… ou de se l’attribuer à elle-même quand les autres oublient de le faire) !
 

Joséphine, c’est la reine de la reprise de confiance, de la zen attitude, du lâcher prise, du « prendre soin de soi avant de prendre soin des autres » : « C’est cool, non ? » (c.f. épisode 50 « Le Frère que je n’ai jamais eu ») ; « Ce qui est bien chez vous Hervé, c’est que vous êtes lucide. Faut juste que vous appreniez à maîtriser votre stress et tout ira bien. » (c.f. l’épisode 46 « Joséphine fait de la résistance ») ; « Il a besoin d’être en confiance. […] Tu te rappelles ce que je t’ai dit : cool, on le met en confiance. » (Joséphine s’adressant au cheval Châtaigne par rapport à Mathis, l’enfant muet, dans l’épisode 79 « Je ne vous oublierai jamais ») ; « Tu vas pas te planter. No stress. » (Joséphine tranquillisant Zoé, dans l’épisode 81 « Enfants, mode d’emploi ») ; « Tout va bien. Cool. » (c.f. épisode 90 « 1998-2018 : Retour vers le futur ») ; « Pourquoi t’essaies pas d’être un p’tit peu plus cool avec eux et avec toi aussi ? » (Joséphine s’adressant à Florence à propos de sa famille, dans l’épisode 91 « Un Noël recomposé ») ; « Cool, cool, cool ! » (l’ange gardien Rosine dans l’épisode 96 « Trois anges valent mieux qu’un ! ») ; « Sois plus cool avec elle ! » (Joséphine s’adressant à l’ado rebelle Philippine par rapport à la mère de cette dernière, Cecilia, dans l’épisode 98 « Haute Couture ») ; etc.
 

En grande prêtresse de l’insouciance « branchée », Joséphine s’affaire à délivrer des diplômes de coolitude à chacun, à diviser le Monde entre « cools » et « non-cools » : « En fin de compte, il est cool. » (Joséphine par rapport à Stéphane, dans l’épisode cross-over avec Camping Paradis « Un Ange au camping »). Et ses petits soldats, par imitation, rentrent dans son binarisme manichéen de la coolitude : « Les filles, restez cools. » (Ben dans l’épisode 86 « Le Mystère des pierres qui chantent ») ; « Nan nan, c’est cool. » (Jules dans l’épisode 87 « Un pour tous ») ; « Pas cool. » (Xavier par rapport à une fille draguant Valentin, dans l’épisode cross-over avec Camping Paradis « Un Ange au camping ») ; « Merci Inès. T’es cool. » (Maëva dans l’épisode 95 « Disparition au lycée ») ; etc. L’élève le mieux dressé par le diktat joséphinien de la coolitude, toutes catégories confondues, reste sans conteste Medhi, le gentil organisateur du village-vacances de l’épisode 57 « Un petit coin de paradis » : « C’est comme ça. Faut rester cool. » ; « De toute façon, faut rester cool. » ; « De toute façon, faut rester cool. » ; « Faut rester cool, les filles. » ; « Eh puis faut rester cool. ». Au cas où on n’aurait pas compris…
 

Le Graal de beaucoup de personnages de Joséphine, c’est de parvenir à être des parents cools, des profs cools, des chefs cools, des jeunes cools : « Papa, t’es cool. » (Quentin s’adressant à son père Frédéric, dans l’épisode 39 « Profession Menteur ») ; « On pensait que vous étiez plus cool que ça. » (Greg s’adressant à sa prof de français, Fanny, dans l’épisode 60 « Une Prof »). Par exemple, dans l’épisode 53 « Marie-Antoinette », un post-it indiquant « Trop cool » est collé à la perruque d’actrice de Laura, et a été écrit par sa propre fille Amélie : là, c’est la consécration maternelle ! Trop émouvant ! Dans l’épisode 91 « Un Noël recomposé », Julie, la nouvelle compagne de Jérémy, homme divorcé de Florence, semble récolter tous les suffrages de coolitude de la famille qu’elle intègre : « Julie, elle est hyper cool ! » (Jérémie) ; « Gaspard, il vous adore. C’est normal : vous êtes cool, vous êtes sympa ! » (Florence parlant de son fils). Objectif atteint pour la belle-mère : « J’essaie juste d’être une belle-mère sympa. C’est tout. » (Julie).
 
 

LA COOLITUDE, SELON JOSÉPHINE, C’EST « COOL »… MAIS PAS QUAND ÇA VIENT DES AUTRES
 

Néanmoins, le paradoxe, c’est que Joséphine dénonce la coolitude quand ce n’est pas elle qui l’établit ou quand elle ne lui est pas attribuée spécifiquement. Dans ce cas-là, celle-ci lui apparaît comme un dangereux laxisme, voire une angoisse mal gérée (« Tu peux pas être plus cool, non ? » prescrit-elle à Jamila, dans l’épisode 12 « Romain et Jamila ») et une manipulation (« Elle est cool, Vaness. » se force à dire Jeanne à sa meilleure amie Amélie par rapport à la méchante Vanessa pour se faire accepter d’un groupe qui la maltraite au collège, dans l’épisode 72 « Les Boloss »). Par exemple, dans l’épisode 81 « Enfants, mode d’emploi », Émilie impose à Pauline d’organiser une fête bruyante et alcoolisée chez Zoé, la tante de Pauline, après l’avoir forcée à dire que cette dernière était « cool ».
 

Pour abattre cette coolitude qui ne vient pas d’elle, Joséphine agite alors très souvent le spectre du « Réactionnaire », du « Conservatisme » ou du « Fascisme » : « T’es pas un peu vieux jeu, là ? Même à Monaco, les femmes sont plus cools. » (Joséphine s’adressant à Jamila, dans l’épisode 12 « Romain et Jamila ») ; « Maintenant, je sais comment il est quand il est pas cool. » (Joséphine par rapport à Christophe, dans l’épisode 72 « Les Boloss ») ; etc. Dans la série Joséphine, être (jugé) « coincé », c’est l’insulte suprême ! Par exemple, dans l’épisode 60, le coup de grâce donné par Michel à sa femme Isabelle, c’est de la traiter de « coincée ». Toujours dans ce même épisode, le jeune Alex humilie gravement son père, Philippe, en lui reprochant d’être « beaucoup trop coincé ». Dans l’épisode 81 « Enfants, mode d’emploi », l’appel à la cool attitude s’habille même d’héroïque lutte féministe contre le machisme : « Il faut vraiment, vraiment, vraiment qu’tu sois plus cool. » (Zoé s’adressant d’un ton doucereux à son collègue macho et dirigiste Gilles avant de lui donner une tape méprisante sur la joue).
 

En revanche, si l’autoritarisme ou la casse vient d’elle, là, Joséphine les fait passer pour de la coolitude. On retrouve l’idée que Joséphine, en mettant les pieds dans le plat et en étant autoritaire, devient sympa et cool car elle a le courage de tenir tête. Par exemple, c’est après avoir mouché la jeune Amélie, adolescente rebelle de l’épisode 53 « Marie-Antoinette », que, contre toute attente, celle-ci lui décerne sa couronne de « Miss Cool » : « T’es plutôt sympa comme meuf. ». Dans l’épisode 72 « Les Boloss », Joséphine use de la magie pour paraître cool et imposante auprès des jeunes. Aux yeux des scénaristes de la série, être cool n’équivaut pas à être gentil ni à être bon (puisque la bonté est vue comme une naïveté). C’est juste « avoir du caractère », et parfois être violent pour l’affirmer, pour salir l’idée reçue que la coolitude serait un laxisme sans règle, sans contrôle, sans préméditation, serait du bon sentiment accidentel. Il faut quand même qu’il y ait des traces de suprématie de volonté individuelle ! Non mais !
 

Et il fallait s’y attendre. Joséphine se défend de prendre le pouvoir en remplaçant l’ancienne autorité « tyrannie » par son propre leadership « cool » (bobo, quoi) : « Discipline et rigueur sont les deux piliers de notre éducation. » (Mademoiselle Girard, la directrice du pensionnat de jeunes filles) « Discipline et rigueur, c’est tout moi, ça ! » (Joséphine, ironique). Dans l’épisode 48 « Les Majorettes », elle prend la direction de la troupe de majorettes de Catherine, en prétendant rajouter un cadre anti-cadres : « C’est peut-être un petit peu trop militaire. C’est pas assez funky, quoi. »
 
 

UNE COOLITUDE JOSÉPHINIENNE PLUS RIGIDE QUE LA RIGIDITÉ QU’ELLE POINTE DU DOIGT
 

Épisode 72 – « Les Boloss »

La « coolitude » et l’apparente « ouverture » – autrement dit le laxisme – de Joséphine ne sont pas si « cools » que ça. La seule à s’en apercevoir, c’est un des deux clones angéliques de Joséphine, Ludivine, dans l’épisode 96 « Trois anges valent mieux qu’un ! » : « Ah t’es vraiment pas fun. ». La cool attitude joséphinienne est même parfois homicide et infanticide. Par exemple, dans l’épisode 12 « Romain et Jamila », notre ange gardien trouve que c’est « vieux jeu » de considérer l’avortement comme un « crime » : « Cet enfant, tu veux le garder ou tu veux pas le garder ? » (Joséphine) « Si je le garde, c’est la honte sur moi. Et si je le garde pas, c’est un crime chez nous. » (Jamila, maghrébine de culture musulmane) « ‘Crime chez nous’, ‘honte sur moi’… T’es pas un peu vieux jeu, là ? Même à Monaco, elles sont plus cools ! Pourtant, c’est des princesses. » (Joséphine). Idem pour les autres « cools » de la série. Les libertins et les mères permissives dans Joséphine passent peut-être pour les « gentils » de l’histoire (et bien sûr, les hommes, les pères, et les « castrateurs » qui sont chargés de faire appliquer la loi et de mettre des limites à la boulimie de liberté et de séduction des libertines, pour les « méchants » et les « vieux cons » de l’histoire)… mais en réalité, les « cools » sont les plus tyranniques. Par exemple, dans l’épisode 72 « Les Boloss », Christophe est présenté comme le facho de service simplement parce qu’il refuse de voir sa fille Jeanne porter les sous-vêtements de sa mère Charlotte, faire des chorés chaudes publiquement (« Je viens de retrouver Jeanne à moitié à poil dans la rue, et quand j’arrive ici, c’est la fête du string ?? »), ou bien coucher avec des hommes alors qu’elle n’a que 14 ans… Extrait de l’échange hallucinant entre lui et sa femme : « Ta fille veut arrêter le basket. Elle est amoureuse. Je la connais. » (Charlotte) « Tu plaisantes ? Elle a 14 ans ! C’est pas un peu tôt pour avoir un p’tit copain ? » (Christophe) « Elle a presque 15 ans. Ça va. Ce n’est plus un bébé. D’ailleurs, j’pensais lui prendre un rendez-vous chez ma gynéco. » (Charlotte) « Ah bon ? Parce que tu veux lui faire prendre la pilule ? Non mais ça va pas, non ?! T’es vraiment complètement ravagée ! Il en est hors de question ! Et si je vois un seul mec lui courir après, ça va aller très très mal pour lui ! » (Christophe) « Ah ouais ? Et tu vas lui faire quoi ? Tu vas lui péter la gueule ? J’hallucine. En fait, t’es un vieux réac’, toi ! » (Charlotte) « Et toi t’es la maman super cool ? » (Christophe) « J’ai pas dit ça. » (Charlotte) « N’empêche que moi, je me soucie vraiment d’elle. » (Christophe) « C’est complètement con de dire ça ! » (Charlotte) « En tout cas, on ne laisse pas le basket en cours d’année. C’est une question de principe ! » (Christophe). Voilà. Père = vieux con bourré de principes. Et la mère démissionnaire = la cool qui finit par l’emporter. D’ailleurs, Joséphine prend le parti de Charlotte et critique/retire symboliquement son autorité paternelle à Christophe : « Il est toujours aussi rigide ? Eh ben qu’est-ce que ça doit être quand il n’est pas cool ? ». Tous des pervers, ces pères qui osent veiller à la pureté et à la virginité de leurs filles !
 

Concrètement, la « coolitude » dans Joséphine ange gardien est plutôt synonyme de « conneries » voire parfois de « violence » (viol, inceste, prostitution, avortement, drogue, etc.). Par exemple, dans l’épisode 24 « Un frère pour Ben », Benji propose à Lazlo son futur demi-frère par adoption, de prendre des bains tout habillés ensemble (« Tu vas voir, c’est cool, un bain ! ») et même de dormir dans le même lit (« Trop cool ! Tu dormiras dans mon lit ! »). La coolitude va jusqu’à devenir la signature de Satan. Par exemple, dans l’épisode 41 « Les deux font la paire », l’Archange Matthias – qui est l’incarnation du baron noir vampirique – s’est woodstokisé, babacoolisé : il porte un médaillon Peace & Love
 
 

EXPRESSIONS BOBOS DE JOSÉPHINE POUR « FAIRE COOL »
 

Je conclus ce dossier « coolitude joséphinienne » par le relevé du boboïsme dans la façon de parler de Joséphine. J’ai en effet répertorié toutes les expressions qui me semblaient bobos (voire bobeaufs donc ploucs…) employées par Joséphine et ses personnages dans la totalité des épisodes. Et il y a de quoi faire ! Joséphine enchaîne les expressions bobos ramassées : « C’est ballot » ainsi que les « Ça, c’est fait » arrivent en tête de liste. Je suis néanmoins déçu : j’attendais avec impatience le « Ok. Je sors. »… mais il n’est pas encore sorti… Voici le Top 6 : 1ers ex-aequo – « Bon. Ça, c’est fait. » (20 fois) et « C’est ballot. » (20 fois) ; 2e ex-aequo – « C’est pô gagné… » (15 fois) et « J’suis trop forte. » (15 fois) ; 3e – « Ça va pô être simple… » (8 fois) ; 4e – « C’est pas faux. » (5 fois) ; 5e ex-aequo – « … ou pas » (3 fois) et « Tac » ou « Toc » (2 fois) ; et 6e ex-aequo – « Ça devrait le faire, ça. » (1 fois), « Check » (1 fois) et « J’avoue » (1 fois). Enfin, il y a quelques expressions bobos isolées (parfois anglicisées) venant d’autres personnages, telles que « Je voudrais faire de l’aqua-poney. » (c.f. épisode 88 « Trois campeurs et un mariage »), « On est full. » (c.f. épisode 62 « Yasmina »), ou « C’était énörme. » (c.f. épisode 57 « Un petit coin de paradis »). Mon Dieu, que la coolitude est mimétique et ridicule, quand on y pense, y compris dans sa prétention à l’anti-conformisme ! Je préfère largement les « lol » (déjà old school avant d’être nés !) des réseaux sociaux et les « Nan mais allô quoi » (à jamais ringards !) de Nabilla Benattia.
 
 

DANS D’AUTRES ŒUVRES DE FICTION

 

 

L’hégémonie planétaire de la coolitude s’observe dans énormément de chansons, de séries, de films et de dessins animés actuels. Je vais prendre un parfait exemple avec la trilogie des films d’animation « Hôtel Transylvanie ». Ce qui m’a marqué dans l’« Hôtel Transylvanie 2 » (2015), et que j’avais déjà relevé dans le n°1 (Dans « Hôtel Transylvanie 1 », on pouvait déjà en effet entendre des phrases telles que « Les humains sont tellement pas cools… » ou encore « Laisser couler, c’est cool ! », etc., mais en quand même beaucoup moins prononcé que dans le 2), c’est l’omniprésence de l’adjectif « cool ». Je l’ai entendu une quinzaine de fois, si je ne m’abuse. Comme si la coolitude était la consécration, le but principal du film, et d’une vie ! D’ailleurs, en conclusion du film, le petit Dennis demande à son grand-père Dracula (rebaptisé « Drac’ » par les réalisateurs bobos, parce qu’évidemment ça fait plus cool : dans ce film d’animation, tous les noms de monstres d’« Hôtel Transylvanie » sont coolisés, comme par exemple « Francky » pour Frankenstein) : « Papy, je suis cool maintenant ? »… et son grand-père de répondre fièrement, comme un adoubement chevaleresque « Oui Dennis. Tu as toujours été cool. ». C’est tacitement la morale finale de l’histoire !
 

Plus encore que la victoire sur les méchants, que le bonheur ou l’unité familiale retrouvé(e), ou que la métamorphose/découverte par l’Homme de sa propre monstruosité, c’est la coolitude qui est recherchée comme le saint Graal… et qui est sans doute, à mon avis, la véritable monstruosité, bestialité, possession luciférienne, dictature mondiale, qui s’empare actuellement des Humains sans qu’ils ne s’en rendent compte puisque cette coolitude est étincelante et apparemment libérante, amusante, légère, peinturlurée de vert écolo, de noir rebelle et gothique, plus encore que de rose-bonbon. L’« être cool » a remplacé l’« être bon », ou même l’« être gentil ou méchant ».
 

Il est assez incroyable comme les puissants qui affichent leur coolitude, leur décontraction et leur grande ouverture aux différences, ne sont en réalité pas cools du tout, sont assoiffés de sexe, d’argent, de pouvoir et de reconnaissance, sont extrêmement sectaires et présélectionnent les différences qu’ils tolèrent. Le clip de la chanson « Cool » de Kendji Girac, ou celui de la chanson « Cool » des Jonas Brothers, en fournit une très bonne illustration. Pas de vieux, pas de moches, pas d’obèses, pas d’homosexuels (identifiables), pas d’handicapés, pas de personnes de droite ou d’extrême droite (identifiables). Leurs figurants sont triés sur le volet, même quand ils sont archétypés « minorités rejetées ».
 


 
 

Et si vous regardez le clip de la chanson « Cool » de Gwen Stefani, ou encore « Cool for the summer » de Demi Lovato, vous verrez que la coolitude en question est l’autre nom de la jalousie, de la tentation, et de l’emprisonnement au paraître, de la prostitution. Donc elle est tout sauf cool !
 


 

Il faut aussi se méfier de la parade cool de ceux qui ont identifié certains pièges de la coolitude classique mais qui, en s’y opposant de manière un peu trop frontale ou arrogante ou révoltée, ne se voient pas reproduire une autre coolitude qui les enferme tout autant (voire plus !) dans le paraître car elle est pétrie de « mauvaises » intentions. On trouve en ce moment des versions de « cools anti-coolitude » dans la série « Sex Education » (2019) par exemple, avec le personnage de Maeve, qui va s’opposer à la coolitude marketing de ses camarades de lycée pour la remplacer par une coolitude soi-disant plus dark, plus alternative, plus chavirée, plus punk/gothique, plus transgressive, plus incorrecte, plus excessive (celle qui dit : « Je suis obèse ou laide ou anorexique ou bi ou camé ou intello, et j’vous emmerde ! »), plus rétro-ringarde, plus solitaire, plus faussement gauche (comme l’insupportable maladresse travaillée de la grande prêtresse française des bobos anti-boboïsme : Blanche Gardin), plus anticonformiste, plus « génialement torturée »… alors qu’en réalité, cette coolitude salie est autant soumise aux codes du paraître que la coolitude sage, naïve, commerciale, beauf et kitsch qu’elle prétend « queneller ». Donc attention à l’anti-coolitude !
 

 
 

LE CATHO-CON (progressiste ou conservateur) FAIT PAREIL…

 

Il y a socialement une autre forme de coolitude beaucoup plus perverse et difficile à reconnaître car elle louvoie avec le catholicisme (et la nécessité de l’évangélisation) sans pour autant y adhérer vraiment : c’est celle des bobos anars d’extrême droite.
 

Désolé, je ne m’appesantirai pas trop sur le cas des bobos cathos gauchistes ou de droite pondérée style Koz Toujours (dont le maître de coolitude soft et class à la fois est Jean Dujardin dans « OSS 117 »…) ni sur celui des curés qui veulent faire « cools & djeunes », comme le frère Benjamin, car leur coolitude est somme toute suffisamment grossière et lisible pour être identifiée.
 

 

Je préfère m’arrêter sur les cools catholiques non-identifiés, c’est-à-dire ceux qui font partie de la « Brigade anti-coolitude », ceux qui considèrent que « la vraie modernité ce serait la Tradition », et qui par leur attachement à l’image, à leur secrète vengeance contre leur passé de « pas cools » mal digéré, et par leur opposition (un peu trop frénétique pour être libre et détachée) à la coolitude hégémonique du Gouvernement Mondial, imitent les « cools » médiatiques en cherchant à être encore plus cools qu’eux dans le réactionnisme, le traditionalisme, le conservatisme, leur incorrection sophistiquée, l’actionnisme insurrectionnel : je pense à tous les QAnon, à tous les Incorrects (c.f. le journal éponyme), à tous les « Infréquentables », à tous les Civitas, à tous les Hommen, à toutes les Brigandes, à tous les jeunes loups de la Réacosphère et de Génération Identitaire, etc. Car eux, ce sont des « pas cools » très « cools » (dans le mauvais sens du terme…).
 

Le beau Jake Angeli de la Prise du Capitole


 

Dans l’Église Catholique, ou plutôt en marge de celle-ci, un certain nombre de « tradis » (ceux que j’appelle les « cathos-bobos anars d’extrême droite » dans mon livre Homo-Bobo-Apo) sont persuadés que la vraie coolitude c’est d’être « pas cool » et d’être intransigeant. Ils croient en la « coolitude de l’incoolitude », si vous voyez ce que je veux dire. Ils sacralisent la figure du Viking ou du Gilet Jaune ou du Tyran incompris. Ils croient au « Frondeur rigide magnifique ». Éric Zemmour, Donald Trump (ou le beau Jake Angeli… toujours accompagné de son photographe personnalisé), PRÉSIDENT ! Cardinal Sarah, PAPE ! Moins une personnalité sera perçue comme « cool », ou s’affichera comme une dame ou un homme de fer dérogeant aux poncifs médiatiques de la coolitude et du progressisme relativiste, plus elle leur apparaîtra comme l’Homme Providentiel de la coolitude et de la modernité éternelle ! C’est pour ça qu’ils prônent un retour à l’autoritarisme : pour eux, l’archaïsme (passéisme patrimonialiste et viriliste mâtiné de royalisme christisé à la Cardinal Sarah), c’est le comble de la modernité ! « Has been » (ou « Violent » ou « Rigide ») is the New Black! C’est le raisonnement d’un Jacques de Guillebon (directeur en chef de L’Incorrect) par exemple, ou encore le credo de Paul Picarreta (de la revue Limite). Le credo de ces « cools anti-coolitude » pourrait se résumer ainsi : « Être réac, c’est cool ! La Tradition, le conservatisme, et même la dictature – façon Coup d’État libérateur et justicier – c’est sexy ! Vous n’avez toujours pas compris que c’est ça qui attire vraiment les jeunes !?!! » (j’imite bien Fikmonskov, je sais…). Bref, vous l’aurez compris, la coolitude, a fortiori anti-coolitude, c’est le voyant rouge de l’orgueil. Autant que la coolitude nue (… qui nous coulera tous).
 
 

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