SIGNIFICATION SOCIALE, MONDIALE ET ESCHATOLOGIQUE DU CODE
Si je vous dis « colonnes », vous me répondez quoi ? « Colonnes de Buren », « colonnes d’un journal » ou peut-être même « colonnes d’armée ». Et si je vous dis « deux colonnes » ? Pour ceux qui connaissent bien la Franc-Maçonnerie, vous me répondez : « les deux colonnes d’airain fabriquées par Hiram et placées par le Roi Salomon à l’entrée du Temple de Jérusalem ». Dans la Bible, on trouve plusieurs mentions de ces colonnes : dans le livre des Rois (1 Rois 7, 15-17) et les Chroniques (2 Ch 3, 15-17). Le livre de Jérémie (Je 52, 21-23) précise l’épaisseur.
Dans le jargon maçonnique, les deux colonnes sont à interpréter soit dans leur sens physique (de « piliers », « porches », « portiques », « vestibules » ou « entrées »), soit dans leur sens métaphysique dithéiste et manichéen (les polarités du New Age : positif/négatif, soleil/lune, ying/yang, vie/mort, activité/passivité, lumière/ombre, forces/faiblesses, etc.), soit dans le sens militaire ou rituel (les deux rangées de chaises de part et d’autre du Temple/Pavé Mosaïque qui s’appellent les « deux colonnes », que les Francs-maçons nomment « » – sur la droite – et « colonne du Nord (ou du Septentrion) » – sur la gauche). Les deux colonnes, c’est donc tout simplement l’entrée en loge. D’ailleurs, « être sur les colonnes », c’est, pour les initiés, prendre place en loge. « Et dans les temples maçonniques, les deux colonnes avec les inscriptions « B » (« Boaz ») et « J » (« Jakin ») sont les premiers symboles entre lesquels se trouve placé le candidat à l’initiation. De même l’apprenti, puis le compagnon, sont placés entre les colonnes pour recevoir leur salaire. […] Il est probable qu’à l’origine ces deux colonnes avaient une raison astronomique car elles devaient être orientées sur les lignes solsticiales du lieu de toute façon que leur ombre respective passe sur le seuil orienté à l’est à chacun des deux solstices. Ainsi, sur un plan d’orientation terrestre, les deux colonnes B et J peuvent être assimilées aux deux portes solsticiales : BOAZ pour le solstice d’hiver, la nuit la plus longue avec la lune qui correspond à Jean l’Évangéliste ; JAKIN pour le solstice d’été le jour le plus long avec le soleil qui correspond à Jean le Baptiste, fin juin. » (Irène Mainguy, La Symbolique maçonnique du troisième millénaire, Éd. Dervy, Paris, 2006, pp. 167-168).
Les colonnes symboliques rappellent également les obélisques couverts d’hiéroglyphes qui se dressaient devant les temples égyptiens. On les retrouve dans les deux tours du portail des cathédrales gothiques. Un couple de colonnes marque souvent l’accès vers un autre espace. Par exemple les Colonnes d’Hercule définissaient l’espace terrestre, physique, des vivants, par rapport à la réalité inconnue du monde invisible post-mortem, l’au-delà.
Appliquées à notre Monde réel, les deux colonnes servent en général à asseoir une vision carriériste et impériale (pour ne pas dire néo-fasciste et néo-nazie) du pouvoir. Il n’y a qu’à regarder quel est le nouvel aménagement de la « salle des fêtes » du Palais de l’Élysée souhaité par Emmanuel Macron, ainsi que l’insistance de ce dernier pour organiser des congrès politiques dans la « salle des deux colonnes » au château de Versailles. On peut aussi penser à la devanture de l’Assemblée Nationale à Paris. Et d’un point de vue plus eschatologique (donc renvoyant aux Fins dernières), les deux tours du Wall Trade Center illustrent que les deux colonnes peuvent être soit démoniaques, babéliques et mortifères, soit au contraire salvifiques quand c’est les colonnes de sang et d’eau jaillissant du Temple qu’est Jésus.
DANS LA SÉRIE JOSÉPHINE ANGE GARDIEN
Si vous voulez voir les deux colonnes dans Joséphine, vous serez servis rien qu’en regardant le générique de la série qui est truffé de duos de colonnes (les montants d’un théâtre, les colonnes d’un édifice Grand Siècle, les deux cabines de plage, les deux buildings, etc.). On dirait presque que c’est fait exprès !
Sinon, pour être honnête, la présence des deux colonnes est plus muette que criante. Elle transparaît dans les éléments de décors choisis par les scénaristes du téléfilm. Il suffit juste d’être un peu attentif : c.f. l’épisode 17 « Paillettes, claquettes et champagne », l’épisode 65 « Pour la vie », l’épisode 70 « Tango », l’épisode 71 « Le Secret de la Momie », l’épisode 72 « Les Boloss », l’épisode 80 « Le Secret de Gabrielle », l’épisode 92 « L’Incroyable Destin de Rose Clifton », l’épisode 94 « L’esprit d’Halloween », l’épisode 98 « Haute Couture » (avec les deux colonnes du décor de Nicolas sur son croquis et pour le défilé de mode de Cecilia)…
Je n’ai relevé qu’une seule mention verbale des deux colonnes dans les répliques des personnages de Joséphine ange gardien. Et dans ce cas précis, on sent que l’héroïne principale ne veut pas que ça se voie : « Discipline et rigueur sont les deux piliers de notre éducation. » (Mademoiselle Girard) « Discipline et rigueur, c’est tout moi, ça ! » (Joséphine, ironique, dans l’épisode 80 « Le Secret de Gabrielle »).
Sinon, je ne vois qu’une seule scène où Joséphine assume vraiment de planter ses deux colonnes sur un échiquier (Pavé Mosaïque improvisé sur une nappe de restaurant), en utilisant la salière d’un côté et le pot de moutarde de l’autre : c’est au moment de la réactualisation de la légende du Fils de la Veuve (autre nom des Francs-Maçons) que Joséphine raconte à Simon dans l’épisode 9 « Le Combat de l’Ange ».
Enfin, Joséphine, c’est l’ange qui se prend pour Dieu et qui se place – même en étant petite – être les deux piliers de la différence des sexes (hommes et femmes), de la différence des génération, de la différence des espaces, et de la différence Créateur-créatures.
DANS D’AUTRES ŒUVRES DE FICTION
Dans les fictions, les deux colonnes apparaissent assez souvent. Notamment dans les romans ou les films d’Heroic Fantasy, épiques ou d’initiation, renvoyant aux rites de passage. Les deux colonnes représentent alors une porte à passer pour se purifier et devenir un héros : c.f. la scène des deux sphinx dans le film « L’Histoire sans fin » (1984) de Wolfgang Peterson, où le héros, Atreyu, pourra passer l’épreuve qu’après avoir prouvé sa « confiance en soi ».
Les deux colonnes sont aussi visibles dans des films et des vidéo-clips qui transpirent le carriérisme et la Franc-Maçonnerie. Je vous renvoie par exemple au téléfilm « Coup de foudre à Bangkok » que j’ai analysé dans cet article, ou bien encore dans le clip d’Ava Max « Kings and Queens ».
LE CATHO-CON (progressiste ou conservateur) FAIT PAREIL…
Les catholiques, contrairement aux Francs-Maçons, ne devraient pas prendre les piliers du Temple de Dieu dans leur sens littéral, pierreux et matérialiste : les deux colonnes sont plutôt Moïse et Élie entourant Jésus lors de sa Transfiguration, ou bien Marie debout et saint Jean entourant Jésus crucifier, ou bien les deux témoins (Zach 4, 3 ; Ap 17, 8) ou les deux rameaux d’olivier (Ap 11, 4) dans L’Apocalypse, ou bien entre le Fils d’un côté et l’Esprit de l’autre soutenant Dieu le Père. Dans une vision trinitaire, se placer au centre des deux colonnes, cela revient à se prendre pour Dieu. Pour la Porte.
Malheureusement, c’est ce que font bien des catholiques, en particulier traditionalistes, qui aiment (comme le président Macron visitant les Bernardins) à se placer au centre des deux colonnes…
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