Quotidien

SIGNIFICATION SOCIALE, MONDIALE ET ESCHATOLOGIQUE DU CODE

 

Monsieur « Quotidien » s’invite mondialement chez chacun d’entre nous. Ce n’est pas encore tout à fait « Joe l’Incruste », car il est encore loin d’être un mot d’ordre qu’on nous rabâche sans arrêt aux oreilles (mais ça commence à venir doucement) puisque les gens ne laissent pas coloniser leur intimité journalière comme ça. L’intrusion de « Quotidien » ne sera donc stratégiquement pas tout à fait frontale. Mais on y va.
 

Et si, dans votre entreprise ou boîte (où vous avez déjà l’impression qu’on vous épie en permanence et on s’immisce dans votre vie privée, votre vie de famille, votre vie spirituelle, vos vacances, vos loisirs, votre vie amicale, qu’on vous demande que votre boulot soit votre vie) vos supérieurs commencent à vous proposer des temps de « convivialité » dans lesquels il est fait mention du « quotidien » (exemple : vos managers veulent instaurer un temps de « partage quotidien », de « café quotidien », d’« échange quotidien »…), désolé de vous dire que ça commence à puer sérieusement pour vous. « Quotidien » – autrement dit l’Antéchrist – veut s’installer dans vos espaces privés et dans tous les domaines de votre vie, dans tous vos temps libres, et en permanence. Il veut ni plus ni moins votre peau et votre vie !
 

 

Si vous remarquez bien, beaucoup de choses qui portent le sceau du « quotidien » sont peut-être rassurantes ou flatteuses sur le moment mais sentent le Gouvernement Mondial bobo à plein nez (exemples : les « gestes-barrières quotidiens », les « réflexes du quotidien pour l’environnement », le concept très tendance de « héros du quotidien », l’« info au quotidien », le « trafic ou le réseau quotidien », la chaîne de restaurants Le Pain Quotidien, l’horrible émission bobo Quotidien du ricanant Yann Barthès sur TF1, etc.). Bref, elles sentent le dressage idéologique. Les promoteurs mondialistes du « quotidien » se foutent de notre gueule mais en ayant sincèrement l’impression de nous honorer en même temps, c’est ça le plus bluffant.
 

 

Et même si le Nouvel Ordre mondial a fait du véritable quotidien expérimenté par le « bas Peuple » son cheval de bataille et son slogan publicitaire pour le draguer, il n’a au fond que mépris pour celui-ci, pour la réalité concrète à laquelle le terme renvoie.
 

En effet, dans la bouche du Gouvernement Mondial, le terme « quotidien » est systématiquement lié à la pauvreté (or, que je sache, les riches aussi ont un quotidien, non ?) : on nous parle du « quotidien des migrants », du « quotidien des prostituées », du « quotidien des personnes handicapées », du « quotidien des ouvriers », du « quotidien d’un parent seul », du « quotidien des personnes âgées », du « quotidien des prisonniers », du « quotidien du personnel soignant », etc.. Rarement du « quotidien d’Emmanuel Macron » ou « de Nadine de Rothschild » (il n’y a que Gala ou Match pour scénariser une immersion dans un quotidien de riches ; Et quand certaines célébrités jouent le jeu de la quotidienneté et donc de la « normalité/humanité/humilité/universalité », comme par exemple la famille royale du roi Felipe VI d’Espagne, c’est évidemment du pain béni pour le détournement parodique. Ou il n’y a qu’à écouter la parodie d’Isabelle Adjani par Florence Foresti racontant son « quotidien » pour le constater.).
 

 

Et les seules fois où, dans les résumés des épisodes de Joséphine, il est fait mention de « quotidien », comme par hasard, on nous décrit que « Joséphine côtoie le quotidien des sans-abri ». On ne va pas nous dire qu’elle côtoie le quotidien d’un grand chef d’entreprise ou d’une star de la chanson.
 

Résumé de l’épisode 35 « Coupée du Monde »


 

Le « quotidien » est donc bien un concept bourgeois (ou bobo) de riches. Ceux qui le connaissent vraiment s’efforcent déjà de le vivre et de le supporter : ils n’ont pas le temps d’en parler, d’user le mot « quotidien ». Il n’y a que Macron (avec ses « mesures du quotidien ») ou les ONG pétées de thune (genre la WWF qui prétend « Agir au quotidien pour sauver la planète ») qui ont le temps et les moyens de le citer nommément ! Le véritable quotidien ne se nomme pas : il se vit.
 

 

Tout le problème de l’emploi du mot « quotidien », c’est sa prétention hypocrite à la proximité, à la familiarité, à la simplicité, à la compréhension, à l’amitié. Une proximité qui, du coup, devient très vite intrusive, inquisitrice, omniprésente. Le Gouvernement Mondial prétend par exemple « améliorer notre quotidien », parce qu’au fond il le juge médiocre et ennuyeux, et aussi parce qu’il veut s’y introduire coûte que coûte, le contrôler, notamment par la surveillance continuelle des objets connectés.
 
 

DANS LA SÉRIE JOSÉPHINE ANGE GARDIEN

 

Épisode 75 – « Belle mère, belle fille »


 

Joséphine ange gardien, ça rime avec… quotidien ! À de très rares occasions, l’héroïne angélique entend « en théorie » un peu organiser le sien : « ‘Baliser son quotidien’… Bon. Faut que je mette ça en pratique. » se dit-elle à elle-même, dans l’épisode 79 « Je ne vous oublierai jamais ». Mais c’est surtout le quotidien des autres sur lequel se concentrent toute son attention et ses efforts. Sa mission dans chaque épisode pourrait se résumer ainsi : réenchanter, pimenter un train-train ou un quotidien présenté comme pénible, désordonné, morne, problématique et bouché. Une fois qu’il devient positif, il perd à ses yeux tout son intérêt !
 

Le paradoxe, c’est que Joséphine s’insère toujours dans un quotidien : celui de son client. Quotidien qui ne dura pas plus d’une semaine… donc ce n’est pas du quotidien, concrètement, puisque par définition, vivre le quotidien avec quelqu’un, c’est rester avec lui, demeurer chez lui… et Joséphine ne reste jamais. C’est ça qui est fou : Joséphine prétend apprendre aux gens à gérer leur quotidien, à vivre leur vie au jour le jour, alors qu’elle est l’antithèse du quotidien. La série elle-même s’inscrit dans le quotidien des Français, comme un rendez-vous régulier (plus de 20 ans d’existence, ça commence à faire une régularité). Elle ne va pas jusqu’à coller exactement au calendrier comme le fait sa série-jumelle Demain Nous Appartient (Dans DNA, par exemple, à la chandeleur, ou pour Halloween, la diffusion des épisodes correspond en temps et quasiment en heure avec le jour du calendrier correspondant, est parfois raccord avec les vacances scolaires et certains faits d’actualité). Mais le téléfilm Joséphine ange gardien a une volonté de rejoindre la réalité d’un maximum de monde, qu’un grand nombre de téléspectateurs puissent s’identifier aux « problèmes du quotidien » qu’elle représente et qu’ils seraient amenés à rencontrer dans la « vraie vie ».
 

En fait, Joséphine hait le véritable quotidien, celui qui ne dit pas son nom, celui aussi qui, par sa simplicité, par sa joie, par sa discrétion, ne fait pas de bruit. Elle, elle est là pour le bouleverser, le bousculer, le casser, et même le tuer, bien qu’elle prétende le rétablir et lui permettre de suivre son cours normal « après réparation ». Joséphine, c’est l’anti-train-train.
 

« Quotidien », normalement, ça va avec « endurance », « patience », « banalité », « épreuve », « adversité », « pénibilité », « régularité », « longanimité »… Or Joséphine a zéro patience. Et elle n’accompagne que sporadiquement les personnes. En fait, elle assure un intérim éphémère, la maintenance de crise ; elle règle les problèmes techniques ponctuels, et après taïaut !
 

Le quotidien, par définition, ce sont l’amitié, la famille, le logement, la prière (vie de communauté) et un peu le travail. Joséphine n’a ni de réels amis (sur la durée, elle ne s’attache à personne ; et les amitiés qu’elle développe sont des amitiés unilatérales puisqu’elle ne se confie jamais à ses clients : ce sont toujours les clients qui se confient à elle) ni de famille ni de vie spirituelle ni de lieu d’habitation (qui lui permettrait d’avoir un voisinage) ni de collègue de boulot régulier.
 
 

DANS D’AUTRES OEUVRES DE FICTION

 

Fictionnellement, le « quotidien » est l’autoroute du boboïsme (c.f. la chanson « Le Quotidien » de Sandrine Kiberlain), de l’humanisme intégral et de la démagogie. Il n’y a qu’à écouter la chanson de Soprano « Aux héros du quotidien » pour s’en convaincre.
 

 

Côté humour, les humoristes du « quotidien » (en tant que thématique) sont en général les plus mauvais. Car en se choisissant comme niche intellectuelle ou idéologique ou comique le « quotidien », ils ne prennent souvent pas beaucoup de risques, même dans l’auto-dérision du « Monsieur-tout-le-monde », et s’enlisent fréquemment soit dans le boboïsme (les « problèmes » de la classe moyenne, ou la plainte déplacée, ou les combats secondaires démagogiques) soit carrément dans le beaufisme.
 
 

LE CATHO-CON (progressiste ou conservateur) FAIT PAREIL…

 

Le terrain de la religion et de l’incarnation divine dans l’Humanité, c’est bien sûr le quotidien. Et comme tout Homme, en fuyant le quotidien (pour avoir l’air cool et festif) ou en s’y installant trop à force de le sacraliser et de le rejeter (je pense au Missel quotidien complet défendu par le Cardinal Sarah, aux cathos tradis qui ne veulent que des messes au rite « extraordinaire » et non « ordinaire », etc.), le catholique risque de tomber sur trois écueils : soit la dispersion, soit l’enlisement et le ronronnement pharisien, soit la marginalité orgueilleuse et schismatique.
 

Et l’Église Catholique se méfie un peu non pas du quotidien (la réalité) mais du mot « quotidien ». La preuve : dans la fameuse prière du Notre Père, au moins en français ou en espagnol (en revanche ça ne marche pas vraiment pour l’anglais avec son « daily bread, ni avec l’allemand et son « tägliches Brot », mais bon…), il est dit « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. » (et pas « notre pain quotidien ») / « Danos hoy nuestro pan de cada día. » (et pas « pan cotidiano/diario »). « Quotidien », ça fait un peu « usine » ou « photocopie » ou « multiplication des pains » mais « planifiée et échelonnée sur la durée ». On perd l’unicité du don. On perd la surprise. Cela dit, l’Église, contrairement au Gouvernement Mondial, aime le quotidien. La seule différence, c’est qu’Elle ne le fait pas savoir et qu’Elle ne l’arbore pas comme un label d’humilité et de proximité avec le Peuple.
 
 

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