Je reviens de la messe de saint Nicolas des Champs. L’Évangile du jour c’était sur le lépreux guéri par Jésus (Mc 1, 40-45). Et lors de la prière universelle, l’équipe paroissiale s’est efforcée de nommer les « lépreux » post-modernes de notre société, rarement cités dans les intentions de prière, en nous invitant à nous rapprocher d’eux. Apparemment, personne n’a été oublié : les gens de la rue, les personnes incarcérées, droguées, prostituées, criminelles… Tout le monde sauf les personnes homosexuelles ! Et je me disais en moi-même que, malgré leurs efforts et leurs gentilles intentions, les catholiques choisissaient leurs lépreux, ils ne nommaient pas les « lépreux des lépreux », ceux dont on n’ose même pas susurrer l’existence et prononcer le nom (sous prétexte que l’homosexualité n’est pas une identité). Nous, personnes homos, allons jusqu’à être réduites à une lèpre verbale, invisible, incatégorisable tellement elle fait peur.
Et sur le chemin de l’aller, je me suis dit en moi-même – sans le souhaiter et sans ruminer un quelconque plan de vengeance évidemment, mais uniquement parce que je ne peux que le constater autour de moi – que l’accompagnement et les propositions ecclésiales qui nous sont faits à nous personnes homosexuelles sont tellement nuls que d’une part il ne faut pas s’étonner que nous soyons beaucoup à faire n’importe quoi (drogues, sexe, drague frénétique, aventures sans lendemain, dépressions, suicides, prostitution, etc.) et d’autre part que nous nous sentions abandonnées au point de fomenter un plan de riposte corsée. Car cette mise à l’écart, ce manque de propositions enthousiasmantes, ne sera pas sans conséquence pour l’Église Catholique humaine. Il faut savoir que nous, personnes homosexuelles, nous sommes un peu comme les gamins turbulents dans une classe ou dans un groupe : si vous ne nous occupez pas intelligemment, nous pouvons vite nous transformer en Enfants Terribles capables de foutre tout le Système et l’établissement en l’air. Nous ne nous contentons pas, comme les marginaux bobos, de nous poser en outsiders faisant leurs trucs de leur côté, ne faisant pas chier et claquant silencieusement la porte. Non non. Nous, nous sommes du genre pots-de-colle, teigneux, rancuniers, vengeurs, susceptibles, capricieux, emmerdeurs, hystéros et procéduriers à la Benoît Berthe ou Krzysztof Charamsa… ou cette peste de Sabine Paturel !
Donc c’est un très très mauvais calcul de la part des catholiques de penser qu’en ne nous proposant rien ou en faisant mine que nous n’existons pas, le problème va se tasser, les esprits vont se calmer et passeront à autre chose. Les sales gosses homos, il faut nous occuper ! Et intelligemment. Par un apostolat substantiel et enthousiasmant qui nous prend tout notre temps et toute notre vie/énergie de célibataires hyperactifs pour l’instant largement sous-estimés et sous-employés. Le service minimum ne suffit pas. Sinon, au mieux nous nous auto-détruisons dans notre coin, au pire nous détruisons l’Église et la mettons à feu et à sang. Et le pire, c’est que maintenant, nous en avons largement les moyens ! Je n’exagère pas.
Pour l’instant, la digue n’a pas encore tout à fait sauté. Mais si les catholiques et leurs responsables pensent que l’homosexualité n’est pas une urgence, que les lignes du Catéchisme ou les petits groupes de parole style Courage suffisent à nous « aimer », à nous calmer, à nous occuper et à éteindre l’incendie, ils se foutent le doigt dans l’œil ! Non seulement c’est insuffisant mais c’est dangereux. Car la bombe homo-bisexuelle est prête à exploser. Sans compter que nous avons toute la société civile, les médias et les hommes politiques derrière nous. Le rouleau compresseur LGBT que nous représentons est aux portes de l’Église, et ne peut faire de celle-ci qu’une bouchée, c’est moi qui vous le dis ! OCCUPEZ-NOUS au lieu de simuler – les rares fois où vous le faites – de vous occuper de nous !