Ce moment surréaliste – et plus que ça, j’oserais même dire « inquiétant pour notre Monde » et « diabolique », même si tout le monde s’extasie et trouve ça trop beaaau, original et géniâl ! – où la fiction dépasse la réalité, MAIS (et c’est là le gros souci, là toute la schizophrénie mégalomaniaque et luciférienne du basculement) avec cette prétention désenchantée, sidérée et nihiliste, d’être plus réelle, plus vraie et plus informative que la réalité même, cette prétention de finalement sublimer la mort et l’enfer : le chanteur Stromae finissant son interview en mode « clip » en interprétant sa chanson « L’Enfer » (c’est le cas de le dire !) en plein Journal Télévisé d’Anne-Laure Coudray sur TF1, face caméra, en semi play-back pré-enregistré, en mode réponse à une question journalistique classique, comme si l’information objective, et par définition « brute », non préméditée, se virtualisait et nous était imposée comme nouvelle réalité ! (il ne manquait plus que la caméra, dans son travelling autour du chanteur, inclue tout d’un coup Anne-Claire Coudray !). C’est le film « On connaît la chanson » (insérant des extraits de chansons dans une action quotidienne qu’ils sont censés sublimer ou décaler), mais cette fois, en pas drôle et avec la franchise maçonnique. On scénarise l’inscénarisable (à savoir « l’improvisation » d’une part, et l’actualité informative d’autre part). On nous fait traverser le miroir comme si c’était ça notre vérité la plus profonde, et on croit rêver éveillés. C’est la politique-spectacle, ou plutôt l’actualité-spectacle. Et personne ne trouve rien à redire à cette contrefaçon, à ce travestissement de la réalité, sauf « C’est géniâl ». Non seulement c’est pas « génial » mais c’est un symptôme de Fin du Monde imminente. Le voilà arriver, le « Moment difficile » dont parlait Cocteau, où l’Humanité préfère la fiction au Réel, en la confondant sincèrement avec ce dernier, où Lucifer fait passer la surnature pour plus naturelle que la nature même.