Je me baladais aujourd’hui dans Paris pour me rendre à la messe à saint Nicolas des Champs. Sur ma route, je croisais une foultitude de gens (des familles profitant du soleil, des enfants tout sourire posant ensemble pour une photo, des groupes d’amis, des personnes de tous pays, de tous âges, de toutes conditions et de toutes races…), des individus que je voyais pour la première fois, que je n’avais pas la possibilité de connaître en profondeur, et que je ne reverrai a priori plus jamais. Je me suis senti tout seul, et j’ai senti aussi la solitude de chacune des personnes de la foule qui se trouvait devant moi. Ça ne m’a pas donné le vertige ni de mélancolie ni de dégoût de vivre. Juste un questionnement : qu’est-ce que je fais de cette foule et de ce sentiment de foule ? En quoi peuvent-ils être une Bonne Nouvelle plutôt qu’une mauvaise nouvelle et une déferlante qui va m’engloutir ?
Il faut se rendre à l’évidence : nous vivons à échelle planétaire un effet de masse qui n’a jamais été aussi concret (l’Humanité atteint 8 milliards d’âmes), aussi impressionnant (chacune de ces 8 milliards d’âmes peut être démultipliée à l’infini par ses avatars/duplicata d’Internet), et aussi plombant pour notre cœur (sentiment de saturation, de tourbillon, de cacophonie, d’anonymat, d’insignifiance, de noyade dans une mer sans fond, d’abandon, de disparition, de mort), qu’aujourd’hui. Cet effet « multitude » pèse sur la conscience de tout être humain. Et chacun doit gérer la foule – réelle comme virtuelle – comme il veut et surtout comme il peut pour continuer à vivre avec elle.
Face à cela, il me semble que nous avons deux voies possibles d’appréhension du phénomène : soit l’abattement agoraphobe qui aboutira au suicide individuel ou collectif (la Tour de Babel qui s’effondre d’être surchargée, le surpeuplement qui va épuiser toutes les richesses de la Terre et du Ciel, la fourmi qui ne supportera plus d’être oubliée dans la fourmilière ou de ne pas se démarquer suffisamment des autres fourmis humaines), soit au contraire une lecture métaphorique de la foule à la lumière de la Nativité de Jésus et de l’Humanité nouvelle qui naîtra/ressuscitera avec Lui. Prendre lumière plutôt qu’ombrage de la foule.
En effet, si à l’heure actuelle nous sommes nombreux humainement parlant, et que ça se voit même façon « loupe grossissante » à travers Instagram, il faut le considérer avec joie et Espérance comme une préfiguration concrète de la descendance innombrable promise à Abraham (« aussi nombreuse que les étoiles du Ciel » nous raconte la Genèse : Gen 15) ou de la foule apocalyptique surnuméraire décrite par saint Jean (« J’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. » : Ap 7, 9), et comme le signe de l’arrivée à terme imminente d’un bébé qui est Jésus (et dont tous les membres se forment, grossissent, semblent plus nombreux, se sentent compressés les uns par les autres, demandent à sortir du ventre de la mère qui les abrite : le bébé va passer de l’ombre à la lumière du jour, sans péridurale ; on croit que ça ne va jamais passer, que le ventre de maman va éclater et le bébé avec ; que personne ne survivra à cette naissance et au numérique ; mais finalement, si !).
Il y a donc deux manières d’envisager le « numérique » : le numérique internétique, statistique, démographique, catastrophiste et luciférien… et le numérique éternel, beau, natal et christique, des membres corporels du bébé, des grains de sable de la mer, des étoiles dans le Ciel, du Peuple élu et sauvé de Dieu.
Alors OUI, c’est vrai : nous sommes nombreux. Mais quel numérique, quelle foule, choisissons-nous ?