Ça commence par une proposition de fellation… et ça se convertit en Je vous salue Marie

prostitution
 

Hier soir, j’étais sur la route du retour d’une conférence que j’ai donnée au Chapitre Saint-Lazare, à Gomez-le-Château, à 26km de chez moi. Première fois de ma vie que je marchais 52km dans une journée (je sais, je suis fou ^^ : Vous voyez ça avec mes parents). L’intérêt de la marche à pieds – même si je suis tout courbaturé aujourd’hui – c’est qu’il se passe des événements qui n’auraient jamais pu se produire autrement. Comme par exemple hier !
 

J’étais à hauteur de Palaiseau. La nuit était déjà tombée. Et là, alors que je filais droit, il y a eu un jeune homme qui, de loin, m’a accosté et m’a demandé l’heure. J’ai enlevé mes écouteurs pour lui répondre. Et lorsque je m’apprêtais à poursuivre ma route, il a enchaîné sur une autre phrase, cette fois flatteuse : « Je te trouve très mignon. » Sur le coup, son culot monumental m’a fait sourire autant qu’il m’a sidéré. Je me suis dit en moi-même : « Houla… Ça y est.. Je suis tombé dans un piège. Je me suis fait eu… »). Devant moi se présentaient deux possibilités : soit je ne me mettais pas en danger et j’ignorais l’avance en traçant tout droit, soit j’allais à la rencontre de ce frère jumeau d’homosexualité qui m’était donné tout en lui montrant bien ce que je voulais et ce que je ne voulais pas. J’ai choisi la deuxième option, en prenant le risque dans les premières secondes de lui donner à croire que je signais pour l’aventure sexuelle…
 

Face à lui, en tête à tête, un mini vertige de tentation m’a d’ailleurs pris quand j’ai senti que je lui plaisais, qu’il me plaisait aussi (un gitan ibérique de 30 ans, y’a pire, comme spectacle…), que la situation pouvait basculer « cul » en un rien de temps. Mais très vite, en échangeant un peu, la paix et la réalité se sont installées/imposées. L’amitié aussi. Lui-même a compris que je ne ferais pas comme la plupart des mecs qui s’arrêtent. Et ça l’a surpris que, pour une fois, il y ait un gars qui lui accorde de l’intérêt, qui lui réponde sans en profiter pour se faire sucer.
 

Je lui ai demandé son prénom. Après un moment d’hésitation qui sentait le traquenard, il m’a dit : « David ». Je lui expliqué d’où je venais, que j’étais catholique (il m’a répondu que « lui aussi »), que je venais de donner une conférence sur l’homosexualité à des jeunes catholiques, que j’étais à mi-parcours de mon chemin retour. Lui m’a révélé qu’il n’avait pas de travail, qu’il ne savait ni lire ni écrire, qu’il était gitan, qu’il avait des enfants mais que ça ne l’empêchait pas de vivre activement son homosexualité en cachette à travers des aventures furtives avec des passants (j’ai halluciné de découvrir le nombre d’hommes – même mariés – qui avaient accepté ses propositions et ses plans cul furtifs).
 

Au départ, son regard fuyant se transformait en rayon laser de prédateur, soit posé sur moi, soit posé sur les rares mecs qui passaient devant nous. Lui-même m’a parlé d’une « faim » qui le tenaillait, qui le rendait incontrôlable et qui le poussait à draguer tout ce qui se présentait. Mais assez vite, on s’est assis sur un muret, et ses regards diaboliques se sont arrêtés. Il m’a avoué ne pas avoir choisi du tout d’être homosexuel, que c’était depuis l’enfance, et qu’il ne pouvait pas vivre son homosexualité au grand jour car son père et son frère se montraient particulièrement homophobes à son égard.
 

Il parlait un bon français malgré son illettrisme, mais je me suis efforcé à faire des phrases simples quand même. Je lui ai dit qu’en vivant son homosexualité sous la forme d’une prostitution gratuite, en étant la marionnette de ses appétits sexuels, et sans l’amitié, il n’était pas libre. Il a acquiescé, et a rajouté qu’il n’avait en réalité aucun ami. Je lui ai demandé quel était son vrai prénom : ça l’a fait rire d’avoir été démasqué dans son mensonge, et il m’a dévoilé sa véritable identité (« B. »). Je lui ai donné mes coordonnées pour qu’on puisse se revoir. S’il me recontacte, je suis même prêt à faire venir mes amis homos parisiens à Palaiseau (car B. ne vient jamais à la capitale et ne prend pas les transports en commun), dans un endroit neutre et gratuit, pour qu’il puisse se faire des vrais amis sans avoir à cacher son homosexualité, dans une ambiance fraternelle.
 

Comme le groupe de jeunes du Chapitre Saint-Lazare m’a donné, pour me remercier de mon intervention de l’après-midi, une bouteille de champagne, je l’ai offerte à B.. Un cadeau pas si crucifiant que ça pour moi, car d’une part je ne bois pas, d’autre part je me la trimbalais péniblement dans mon sac et elle me tuait le dos (même si je comptais quand même la garder pour moi afin de faire plaisir à mon papa). Il était hyper content que je lui offre ça, et sans arrière-pensée. On s’est dit qu’il allait pouvoir la partager avec quelqu’un de seul ou qui, comme lui, n’avait pas d’amis ; et qu’il allait inventer le mensonge d’expliquer qu’il l’avait trouvée quelque part où quelqu’un l’aurait oubliée. Il a regretté de ne pas avoir de voiture pour me rapprocher de Paris.
 

Je lui ai dit combien j’étais heureux qu’il m’ait arrêté sur mon chemin, et que son initiative était sûrement un cadeau de saint Antoine de Padoue et de Jésus. Il a voulu me montrer qu’il connaissait saint Antoine car il n’ignorait pas que c’était lui qui aidait à retrouver les objets perdus. Il m’a aussi demandé ce que je portais autour du cou. Je lui ai donc montré d’abord ce que j’appelle ma « tringle à rideaux » (= ma grosse médaille de saint Antoine de Padoue), puis mon scapulaire de saint Michel Archange. Il m’a aussi prouvé qu’il connaissait la puissance de saint Michel. Et ce n’était pas pour me faire plaisir ni pour me draguer. Il n’aurait pas pu l’inventer. Et puis, fait encore plus incroyable aux vues de la configuration initiale de la rencontre : nous avons même récité un Je vous salue Marie. Je lui ai d’abord demandé s’il le savait par cœur et si ça lui disait qu’on en récite un ensemble, en action de grâce pour notre rencontre : j’ai vu qu’il bredouillait un salve approximatif (mais pas si mal que ça, au final), et que ça lui faisait plaisir ! Ensuite, on l’a répété tous les deux.
 

J’ai repris mon sac en bandoulière. Et en guise d’au revoir, B. m’a révélé un secret intime, ni utile pour embellir une rencontre déjà belle, ni crédible, mais tellement gratuit que du coup je l’ai cru. Il m’a dit qu’il avait des visions, et que je faisais partie de l’une d’elles. Il m’avait donc, sans me connaître, déjà vu avant. Même si ce n’est pas vrai, ça m’a montré qu’il associait spontanément notre rencontre à un fait divin. Alors ça m’a fait plaisir. Et si c’est vrai, ça m’a encore plus fait plaisir d’être intégré au plan de Dieu et à une vision béatifique.