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Code n°109 – Lunettes d’or (sous-code : Feux d’artifice)

Lunettes d'or

Lunettes d’or

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La Bible ne se trompe pas en associant les actes et le désir homo à l’idolâtrie… 

 
 

Un regard humain pétillant et scintillant d’amour, c’est ce qu’il y a de plus beau sur cette Terre, non ? Mais quand on cherche à figer cette beauté pour la posséder éternellement pour soi et l’immortaliser de force, on se crée un veau d’or, au regard certes magnifique, étincelant, mais complètement mort, à la gloire de notre isolement narcissique. Le désir homosexuel dit cette idolâtrie fétichiste pour l’Amour et la Beauté, une fascination dirigée vers la femme-objet ou l’homme-objet cinématographiques qui ont capturé notre regard avec leurs lunettes d’or, celles qui semblaient réenchanter le monde.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Regard féminin », « Artiste raté », « Poids des mots et des regards », « Amant narcissique », « Bourgeoise », « Femme allongée », « Reine », « Pygmalion », et « Promotion ‘canapédé’ », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le motif de l’œil d’or est récurrent dans les œuvres homosexuelles :

Film "Reflets dans un oeil d'or" de John Huston

Film « Reflets dans un oeil d’or » de John Huston


 

On le retrouve dans le film « Reflets dans un œil d’or » (1967) de John Huston (Léonora, avec son regard doré, subjugue le héros homosexuel qui vient la veiller chaque nuit), le roman La Fille aux yeux d’or (1898) d’Honoré de Balzac, le film « La Fille aux yeux d’or » (1961) de Jean-Gabriel Albicocco, le roman Lunettes d’or (1958) de Giorgio Bassani, le film « Les Lunettes d’or » (1987) de Giuliano Montaldo, la chanson « Les Yeux d’or (Assassins sans couteaux) » de Juliette, la chanson « L’Œil sec » des Valentins, les fleuves-miroirs dorés du film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar et du poème « Antoñito El Camborio » de Federico García Lorca, le poème « Polvo » de Néstor Perlongher, le roman Le Roi au masque d’or (1892) de Marcel Schwob, le roman Des Aveugles (1985) d’Hervé Guibert, le roman El Ojo Sagrado (1922) d’Álvaro Retana, le roman Amami, Alfredo ! Polvo De Estrellas (1984) de Terenci Moix, le film « L’Or se barre » (1969) de Peter Collinson, le film « Short Eyes » (1977) de Robert M. Young, le film « The Boy With The Sun In His Eyes » (« Le Garçon avec le soleil dans les yeux », 2009) de Todd Verow, le roman Pompes funèbres (1947) de Jean Genet (avec l’œil de bronze), le film « Un peu de soleil dans les yeux » (2010) de Stéphane Botti, le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli (avec Kyril, le dandy avec son monocle), etc.

 

Roman "Lunettes d'or" de Giorgio Bassani

Roman « Lunettes d’or » de Giorgio Bassani


 

Par exemple, dans le film « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, les lunettes du poète homosexuel nord-américain Allen Ginsberg s’éclairent quand il écrit sur sa machine à écrire son poème « Howl ».

 

Film "Howl" de Rob Epstein et Jeffrey Friedman

Film « Howl » de Rob Epstein et Jeffrey Friedman


 

Dans la pièce Antigone (1922) de Jean Cocteau, l’héroïne parle de « l’œil d’or ». Dans la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, les yeux sont en or ou incrustés de rubis : « Il y a des bouts d’or qui se baladent dans tous les sens. […] C’est que de la poussière d’or. » ; « J’ai de la porcelaine qui s’incruste dans les yeux. » ; « Oh zut, j’accouche ! Un… deux… trois… quatre ! C’est des chauves-souris en or ! Oh mais les yeux c’est des petits rubis ! » Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Stéphane dit qu’il s’habille toujours en jaune parce que cela va avec la couleur de ses yeux. Dans sa « Chanson du Bijoutier » (2009), Nicolas Bacchus déclare qu’il « s’est fait faire des bisous / des bijoux pour les yeux » par les bijoutiers. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, possède une montre, des bijoux, des pierres, des lunettes, tout ce qui est clinquant. Dans le film « Totò Che Visse Due volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresco, Pietrino fait l’éloge des yeux de son amant Fefe, de « ses pupilles d’or ». Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, parodie les passagères nord-américaines « aux ongles tellement longs que tu pourrais te crever un œil avec », et qui en grandes bourgeoises s’extasient devant un verre d’eau offert grâcement par la compagnie aérienne. Il éteint leur enthousiasme, en faisant comme par hasard mention de l’or : « Ça va… C’était un verre d’eau, pas un lingot non plus ! » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Meri, le prostitué transsexuel M to F, dit qu’il « aime regarder ses clients dans les yeux pendant qu’il les excite » : « Je suis fille de bijoutiers, moi ! » Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric, le héros homo gay, a l’habitude de se maquiller : il se met notamment des paillettes d’or autour des yeux (c.f. épisode 7 de la saison 1). Dans le film « Bridget Jones : l’Âge de raison » (2004) de Beeban Kidron, Tom, le personnage gay, doit conseiller sa meilleure amie Bridget pour le choix d’une robe : « Moi, je te préfère dans la dorée… » Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Adrien, le héros homo, parle du « fil d’or » que les médecins lui ont glissé dans les pommettes, en référence à la chirurgie esthétique.

 

Roman La Fille aux yeux d'or d'Honoré de Balzac

Roman La Fille aux yeux d’or d’Honoré de Balzac


 

Dans le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, Lionel semble obsédé par une chose : l’or. « Moi, ce que je veux, c’est de l’or. » Et ce n’est pas le goût du lucre qui lui fait dire cela. C’est bien plus innocent et hypnotique, cette résurgence du motif du regard illuminé d’or dans les œuvres homosexuelles. Il s’agit plutôt d’une captation adoratrice quasi aveugle pour le métal précieux, puisque, par exemple, ce même héros du film de Baier est fan du roman L’Or (1925) de Blaise Cendrars, et se balade toujours avec un exemplaire de cet ouvrage sur lui.

 

Le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare est mis sous le signe de l’alchimie et de la quête d’or (c.f. mon article). Le personnage le plus emblématique de cela, c’est Fred, le trans M to F : il propose à son équipe de water-polo des chorés avec des paillettes (« Et là, poussière d’étoile ! »), porte des bottes hautes en or, confectionne des combinaisons pailletées et des porte-clés dorés.
 

L’or peut être le matériau par excellence de l’irréel. On le voit par exemple quand le chanteur David Bowie, dans les années 1970, rentre dans la peau de Ziggy Stardust (« poussière d’étoiles »), un cosmonaute-extraterrestre tout de lamé brillant vêtu, avec un cercle doré au milieu du front. Dans la pièce Les Quatre jumelles (1973) de Copi, l’or est clairement mis en lien avec la cécité : au moment où Fougère découvre un butin (« Oh ma Sainte Vierge ! Des lingots d’or ! »), sa sœur Joséphine regrette justement de ne pas voir (« Où ? Où ? Ah quelle merde d’être aveugle ! Où ? »).

 

Film "Presque rien" de Sébastien Lifshitz

Film « Presque rien » de Sébastien Lifshitz


 

Il peut s’agir de la cécité amoureuse. Les regards d’or – pour dire une banalité – sont souvent les indicateurs d’un coup de foudre, d’une sublimation éthérée de l’être aimé : « Son regard a croisé mon regard comme un rayon laser. » (cf. la chanson « Besoin d’amour » de la comédie musicale Starmania de Michel Berger) ; « Elle s’arrêta. Sur les tentures de soie rouge, les icônes scintillaient comme autant de fenêtres ouvertes sur un monde immuable et doré. » (Laura en parlant de son amante Sylvia à l’exposition d’icônes, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 109) ; « Dans les fentes noires de ses yeux brillaient deux gouttes de soleil. » (Pascal décrivant Pierre dans le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, p. 106) ; « C’est bien Maguy : des yeux d’enfant fluorescents comme la magie. » (cf. le poème « L’Énergie du désespoir » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 27) ; « Je te filme avec les lunettes. » (Anton s’adressant à son amant Vlad dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; etc.

 

Film "L'Homme qui venait d'ailleurs" de Nicolas Roeg

Film « L’Homme qui venait d’ailleurs » de Nicolas Roeg


 

Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, Malik met ses lunettes de soleil dès qu’il veut regarder Bilal comme un objet de convoitise, sans se faire voir de lui. Le personnage qui porte ces réverbérantes Ray-Ban, même s’il est charmant avec, est souvent présenté comme un Homme invisible glaçant et prédateur, ou bien un être désincarné lié au fantasme (= au désir homosexuel ici) et à la fantaisie littéraire : « Ses yeux jaunes ressemblaient à ceux de sa louve. » (Renée Vivien, La Dame à la louve (2007), p. 20) ; « Victor a réfléchi, il a posé ses jumelles sur le banc de bois du Zodiac, il a remis ses lunettes de soleil et il s’est tourné vers moi avec cet air interrogateur que certains prennent pour de la distraction et qui n’est qu’une manière subtile de voyager entre la réalité et la fiction. » (Ashe dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 235) ; « Monsieur Roublev se tenait devant le livre d’or, il ôta ses lunettes. » (Harry Muslisch, Deux femmes (1975), p. 197) Par exemple, dans le roman Dix petits phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, les boys band – et les homos qui les imitent – sont jugés « trop lisses, semblables à ces verres de lunettes de soleil qui réfléchissent le soleil pour mieux dissimuler le vide du regard » (p. 136) ; « Sans lunettes, à la place des visages, Jolie de Parma ne voyait que des taches lumineuses. D’où sa crise de nerfs quand elle tomba à terre. Elle croyait à un coup monté par une actrice rivale pour la ridiculiser en public. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 15)

 

LUNETTES L'homme qui venait 1

Film « L’Homme qui venait d’ailleurs » de Nicolas Roeg


 

Dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, le héros n’a que mépris pour ces « frimeurs à lunettes réfléchissantes. » (p. 58) Les lunettes d’or sont clairement associées au phénomène de l’Homme-objet et à sa superficialité supposée (froideur, goût du paraître, effet de mode, frime, séduction égocentrique, espionnage, narcissisme, société de consommation, etc.). Elles instaurent parfois un rapport marchand entre les deux amants homosexuels (quand bien même celui-ci sera, par euphémisme, appelé « drague » ou « séduction » plutôt que « corruption » ou « prostitution ») étant donné que le flux monétaire circulant entre les deux regards est invisible, désirant : « Gardez l’or de la monnaie de mon regard ! » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami en 2003, p. 61)

 

Film "Totally F***ed Up" de Gregg Araki

Film « Totally F***ed Up » de Gregg Araki


 

Par ailleurs, quand les yeux de l’amant/de l’aimant s’éclairent d’une tout autre couleur que le jaune, généralement, c’est mauvais signe : cela signifie que le personnage homosexuel ou l’icône gay est possédé(e) par un esprit maléfique, l’ange de lumière Lucifer (cf. les vidéo-clips des chansons « Sans logique » de Mylène Farmer, « I Wanna Go » de Britney Spears, « Thriller » de Michael Jackson, et le regard de la lesbienne Lorelei dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki).

 

Film "L'Homme qui venait d'ailleurs" de Nicolas Roeg

Film « L’Homme qui venait d’ailleurs » de Nicolas Roeg

Film "L'Homme qui venait d'ailleurs" de Nicolas Roeg

Film « L’Homme qui venait d’ailleurs » de Nicolas Roeg

Film "L'Homme qui venait d'ailleurs" de Nicolas Roeg

Film « L’Homme qui venait d’ailleurs » de Nicolas Roeg

Film "L'Homme qui venait d'ailleurs" de Nicolas Roeg

Film « L’Homme qui venait d’ailleurs » de Nicolas Roeg


 

Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, l’or symbolise l’éblouissement éphémère des sentiments amoureux éprouvés par l’héroïne lesbienne. Une sorte de feu de paille, d’inflation dangereuse de la passion car celle-ci se fonde très peu sur la Réalité, est trop matérialiste/réifiante (l’Amour vrai a beau partager avec le lingot d’or la beauté, la richesse, et la solidité, il est le seul des deux à être réellement vivant !). Au départ, le regard de Stephen brille de mille feux pour l’amante (« Elle ne voyait rien d’étrange ou de sacrilège dans l’amour qu’elle ressentait pour Angela Crossby. […] Les yeux de la jeunesse sont attirés vers les étoiles. », p. 192) Et puis l’amour doré pourrit entre les mains de celle qui ne le donne pas au mieux, ni aux bonnes personnes : « Il y a d’étranges rayons obliques sur les collines, comme une gloire d’or, et cela vous attriste… Pourquoi cette gloire d’or vous rend-elle triste lorsqu’elle brille ainsi sur les collines ? » (idem, p. 47) On retrouve la même métaphore de l’amour-fusion destructeur dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, quand Émilie écrit à son amante Gabrielle : « Vous êtes mon astre et mon désastre : trop brève apparition, puis éclipse. » (p. 32)

 

Film "Swimming-pool" de François Ozon

Film « Swimming-pool » de François Ozon


 

La métaphore entre amour et or, toute éclatante et épatante soit-elle de prime abord, teinte le désir homosexuel d’un matérialisme, d’une surdose de concupiscence et de paraître, qui transforme ce qui ressemble à de l’amour vrai en adoration malsaine, aveuglante. Par exemple, dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar prétend aimer Khalid, mais on comprend aussi qu’il l’aime pour son argent, pour l’occasion qu’il lui fournit de posséder fièrement comme un trophée : « Khalid, j’admirais tout en lui. J’aimais tout en lui. […] Les lumières autour de lui. Sa richesse. Khalid était riche. Tout en lui me le rappelait. Me le démontrait. […] Khalid était riche et il était beau. Khalid était riche et il était beau. » (p. 81)

 
 

b) Les personnages homosexuels observent des feux d’artifice et aiment ce qui brille :

C’est l’éclat scintillant des feux d’artifice qui attire magiquement un certain nombre de personnages homosexuels : on l’observe dans le dessin animé « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta, le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, le film « L’Homme qui venait d’ailleurs » (1976) de Nicolas Roeg (avec les feux d’artifice reflétés dans les yeux de David Bowie), le film « La Vierge des tueurs » (2000) de Barbet Schroeder, le film « Grande École » (2003) de Robert Salis (avec un début festif célébrant la puissance de l’orgasme génital), l’album The Rise And Fall of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars (1972) de David Bowie, le film « Jeu de miroir » (2002) d’Harry Richard, le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee, le film « Flocons d’or » (1976) de Werner Schroeter, le one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur, le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, le film « To Bring To Light » (« Chandelier », 2002) de Steven Cohen, le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, le film « Dolor y Gloria » (2019) de Pedro Almodóvar, le film « La Cage dorée » (2020) de Ruben Alvès, etc.

 

Par exemple, dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès, les images de feux d’artifice figurent la fin de l’orgasme. Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, les feux d’artifice apparaissent précisément au moment du débordement passionnel bisexuel de l’héroïne lesbienne Mélodie, qui se voit vivre un « couple à trois » avec Charlotte et Charles. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa), Phil, le héros homo, reçoit sur lui une pluie de confettis dorés. Et à la fin, il a droit à un feu d’artifice dans sa maison familiale, pour fêter la Bonne Année, et son départ pour les États-Unis. Dans l’épisode 363 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 25 décembre 2018, André Delcourt, le père de Chloé l’héroïne, fait son coming out à toute sa famille. Et ensuite, ils regardent tous ensemble les feux d’artifice de Sète.

 

Le personnage homosexuel célèbre l’or, le dieu Électricité, la magie carnavalesque lumineuse (en général juste avant l’arrivée de la catastrophe) : « Regardez, il y a les feux d’artifice ! » (Ahmed dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, p. 85) ; « C’était magique. La ville une féerie futuriste, un feu d’artifice géant où le bleu sidéral de la voûte céleste serait étoilé par les pétillements d’un champagne de fête. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami en 2003, p. 4) ; « Avec Florence, on adorait les lumières. » (Stéphane, le héros homo parlant de sa meilleure amie lesbienne, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) Il arrive que la brillance de l’or soit associée à la sensualité d’un veau d’or auquel le héros s’identifie : « L’or étincelle de partout sur son visage, se brise en paillettes d’étoiles aux rais tristes de l’ampoule, se pulvérise jusqu’aux pointes de ses cheveux mordorés, s’incruste dans ses yeux en éclats de soleil. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami en 2003, p. 2) ; « Du tambour, et ses yeux brillent comme du diamant ! » (Emory par rapport à Bernard, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Je suis une étoile. » (Jarry dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Rien de plus chaste que cette nudité d’or triomphant dans un ciel bleu sombre. » (Roger dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 20) ; « C’était les années 2000. Tout était brillant à l’époque. » (Maurice, le styliste homosexuel, s’exprimant face à un modèle de vêtement qu’il a créé et qu’il n’assume, dans le film « Les Douze Coups de Minuit », « After The Ball » (2015) de Sean Garrity) ; « Vous avez déjà vu un feu d’artifices sans bouquet final ? » (Dallas, l’assistant-couturier homosexuel, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien) ; « La neige pailletée ? Tu n’aurais pas pu faire plus plaisir à ton frère gay ! » (Hugo, le héros gay, s’adressant à son frère hétéro Aiden lors de la séance de bricolage d’objets de Noël, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills) ; etc. Dans la pièce Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, la figure de Valjean « aime tout ce qui brille » (d’ailleurs, il vole un chandelier). Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Kate fait tout pour créer les occasions amoureuses de rencontre entre son fils gay Hugo et le beau Patrick. « Je vous laisse vous dépatouiller avec les guirlandes… » leur dit-elle, toute excitée. Ses manigances d’entremetteuse amusent les deux tourtereaux, qui finissent par se laisser faire : « Elle est tellement douce et maternelle qu’elle met tout le monde à l’aise. »

 

Dans les fictions homos, ce dieu doré, de manière générale, impose une captation qui emprisonne l’esprit qu’il hypnotise : « J’ai essayé de dormir. Mais y avait rien à faire. Dès que je fermais les yeux, j’avais des paillettes d’or qui me pleuvaient devant les rétines. Et derrière ce rideau, Groucha, dansant une sorte de danse du ventre, avec son piercing au milieu qui faisait comme un œil éblouissante. Groucha, ça virait à l’obsession. Il me la fallait. Et à froid, loin d’elle et de son regard moqueur, ça me paraissait pas si hors de portée que ça. » (Yvon à propos de Groucha, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 261) ; « J’avais des paillettes, du chauve-business. J’avais envie de ça. » (Zize, le travesti M to F parlant de sa vie, après avoir eu son premier enfant, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « On pénètre ce pavillon par une pluie d’or. » (la Bête dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau) ; etc. Certains héros homosexuels se prennent pour ce « divin » veau d’or qu’ils convoitent : « Nous sommes faits d’ivoire et d’or. » (Dorian dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « C’est notre nuit du veau d’or ! » (Fifi et Mimi, les deux travestis M to F, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; etc.

 

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock


 

Les feux d’artifices sont généralement montrés comme des paravents kitsch d’une guerre larvée ou d’une dictature cachée : ceci est manifeste dans le film « Bulldog In The White House » (« Bulldog à la Maison Blanche », 2006) de Todd Verow (avec la chanson militante du travesti, pendant laquelle sont intercalées des paroles relatant des faits politiques graves à des images d’explosions lumineuses), ou bien encore à la fin du concert Météor Tour (septembre 2010) du groupe Indochine à Bercy (un paysage désolé, dévasté par la guerre, encore fumant, s’étale sur trois écrans géants, et pourtant, on voit au second plan un foisonnement de feux d’artifice). Un peu comme le rainbow flag, les feux d’artifice visibles dans certaines œuvres traitant d’homosexualité n’annoncent rien de gai. Plutôt le contraire ! Ils disent un éclatement schizoïde dû à l’hédonisme ambiant d’une société où l’oisiveté règne en maître, où la fête, à force de s’éterniser, vire au cauchemar. « Nous allons lui jouer un feu d’artifices, le bouquet final. » (Vera l’héroïne lesbienne machiavélique s’adressant à son amante Lola par rapport à Nina, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION :

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Je vous renvoie aux documentaires « Bright Eyes » (1986) de Stuart Marshall, « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti, ainsi qu’aux concerts de la chanteuse Mylène Farmer (où il y a souvent le rituel de la pluie d’or, présenté généralement comme « magique » et féérique). Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, les « bixa-travesty » portent des yeux d’or.

 

Dalida, surnommée "Quatre yeux" étant petite

Dalida, surnommée « Quatre yeux » étant petite


 

Certaines personnes homosexuelles (Félix González-Torres, Jean-Paul Gaultier, Yves Saint-Laurent, Manuel Puig, etc.) disent aimer les paillettes, la chaleur des spots lumineux, les pluies de confettis pailletés lancées par la Franc-Maçonnerie : « Mario a flashé sur un pantalon en cuir argenté. » (Arnaud dans la pièce-documentaire Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo) ; « La plupart des lieux de prédilection fréquentés par les homosexuels étaient urbains, civils, sophistiqués. Le scénariste américain Ben Hecht, à l’époque correspondant à Berlin pour une multitude de journaux des États-Unis, se souviendra longtemps d’y avoir croisé un groupe d’aviateurs, élégants, parfumés, monocle à l’œil, bourrés à l’héroïne ou à la cocaïne. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 30) ; « L’artifice me fascine, ce qui est brillant et scintillant » déclare par exemple Andy Warhol (cf. l’article « Andy Warhol » d’Élisabeth Lebovici, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 495) ; « Kimy voulait se déguiser en sirène. Il aimait les paillettes. » (Mathilde Dutour, directrice d’une école d’Annecy-le-Vieux, parlant du cas de Kimy, un de ses élèves transgenres M to F de 8 ans, qu’elle a décidé d’accompagner dans sa transition, lors du débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017) ; « Marc parlait d’or. » (Marc, le meilleur ami homo de Paula Dumont, après sa visite de la Fondation Maeght, dans l’autobiographie de Paula, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 92) ; etc. Lorsque que je me baladais dans l’exposition « Le Grand Monde d’Andy Warhol » au Grand Palais de Paris, en 2009, j’ai découvert que l’artiste était fasciné par la brillance des paillettes et du strass, par les éclats artificiels. D’ailleurs, pour certaines de ses œuvres, il a employé de la poussière de diamant. Le poète espagnol Luis Cernuda, quant à lui, dit être attiré par « la splendeur de la fugacité et la beauté éphémère » (cf. le site Isla de la Ternura, consulté en janvier 2003). Lors de l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle diffusée le 7 mars 2011, Cécile Vargaftig dit qu’elle a lu La Fille aux yeux d’or de Balzac.

 

Un certain nombre d’individus homosexuels avouent qu’ils « aiment la brillance de la nuit » (le couturier Xavier Delcour, cité dans la revue Têtu de novembre 2001, p. 111) : « Les seuls gens vrais pour moi sont ceux qui brûlent comme des feux d’artifice extraordinaires qui explosent comme des araignées dans les étoiles » écrit le romancier nord-américain Jack Kerouac. Leur attrait pour l’or exprime en toile de fond un désir de pacotille, une superficialité, un élan de mort ou de futilité, puisque le fétiche qu’ils cherchent à devenir, tout brillant qu’il soit, est figé et inanimé : « Le mort et le plus beau des humains m’apparaissaient confondus dans la même poussière d’or, au milieu d’une foule de marins, de soldats, de voyous, de voleurs de tous les pays. […] Je faisais connaissance au même instant avec la mort et avec l’amour. » (Jean Genet, Journal du voleur (1949), p. 43)

 

Film "Hellbent" de Paul Etheredge-Ouzts

Film « Hellbent » de Paul Etheredge-Ouzts


 

À mon sens, hormis le fait d’illustrer l’attrait naïf, enfantin, et souvent inavoué, d’une grande part du public homosexuel pour le kitsch disco, la place prédominante des lunettes d’or et de la brillance dans les œuvres homosexuelles s’explique par la nature idolâtre du désir homosexuel. Ce désir particulier, pas si relationnel que cela (Nicolás Rosa, dans Artefacto (1992), explique justement que chez les artistes néo-baroques homosexuels, il est souvent question de « l’impénétrabilité de l’or qui est miroir de lui-même », p. 19), est le signe d’une fixation à un modèle cinématographique. Le désir du Tout-Autre ou de l’autre sexe s’est cristallisé sur une idole au regard vide mais argenté, qui a fait barrage à la progression vitale de l’Amour, et qui n’est pas Relation. Avec ce code des « Lunettes d’or », on touche directement à la problématique du fétichisme, de l’idolâtrie (…et de la solitude qu’elle engendre) : « Je suis myope. Ça rassure. Ça endort. J’enlève mes lunettes, c’est réglé, aussitôt les gens parlent. Autrefois, quand je les enlevais, c’était pour dresser une barrière entre les autres et moi. Je croyais m’enfermer derrière un mur de brume. J’étais jeune. Aujourd’hui, je porte ma myopie comme un masque. Ou plutôt (puisque les masques dissimulent tous les traits en laissant les yeux à découvert, par deux fentes imprudentes, et que mon masque à moi procède de la façon contraire) je me sers de ma myopie comme de verres fumés. Rendu inoffensif par le flou de l’œil, au fond duquel on ne songe pas à deviner mon attention prête à bondir au moindre signal, je ne suis jamais plus ‘voyant’ que le regard nu. Les contours de l’objet s’évanouissent, les gestes s’enfoncent dans du coton : plus rien ne m’échappe des inflexions de la voix, des mouvements de l’âme. » (la voix narrative du roman La Peau des zèbres (1969) de Jean-Louis Bory, p. 27 ; c’est moi qui souligne) ; « Mon Dieu ! Mes lunettes solaires ! » (Loïs dans film « Girl » (2018) de Lukas Dhont) ; etc. Encore faut-il se rendre compte qu’on parle au regard miroitant inanimé d’une statue…

 

Film "L'Homme au lac" d'Alain Guiraudie

Film « L’Homme au lac » d’Alain Guiraudie (Face au violeur luciférien…)


 

Inconsciemment, c’est la vanité de l’orgasme homosexuel et plus généralement de l’acte homosexuel – qui a la durée d’un feu d’artifice – qui est dénoncé avec des étoiles dans les yeux : « Cadinot nous offre un feu d’artifice. » (cf. le commentaire « critique » concernant le film porno « Le Voyage à Venise » (1986) de Jean-Daniel Cadinot, dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 92) ; « Ce fut un épisode sans importance. Ça n’a pas été… il n’y a pas eu de feux d’artifice. » (Dan, homme homosexuel parlant de sa première coucherie homosexuelle, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check) ; « Cette transition, c’est… pfiou… 14 juillet ! » (Laura, homme M to F, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc.

 

Linn Da Quebrada, homme travesti, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2010) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla

 

Les liens entre transidentité et Franc-Maçonnerie sont nombreux. D’ailleurs, Olivia Chaumont est un homme trans M to F français ouvertement franc-maçon. Il y a aussi beaucoup de ponts entre transidentité et alchimie (transformation en or). Et, c’est drôle, il existe un certain nombre d’ex-médaillés d’or olympiques qui entament une transition transsexuelle = George Jenner (médaille d’or du décathlon) qui devient Caitlyn Jenner ; Rachel McKinnon (médaille d’or en cyclisme) ; Wilfrid Forgues qui devient Sandra Forgues (médaillé à Atlanta en canoë pour la France) ; Balian Buschbaum (médaille d’or pour l’Allemagne); etc. Et concernant les travesties transgenres, c’est la pluie de gouttes d’or à l’Eurovision pour Conchita Wurst ou encore Bilal Hassani. Dans le film « Les Crevettes pailletées », le personnage de Fred est le trans toujours habillé d’or.
 

 
 

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Code n°110 – Magicien

Magicien

Magicien

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Le Magicien ose…

 

Jean-Luc Revol et Denis d’Arcangelo dans leur spectacle Les-2-G (2014)

Jean-Luc Revol et Denis d’Arcangelo dans leur spectacle Les-2-G (2014)


 

La figure du magicien exerce souvent chez les personnes homosexuelles une vraie fascination. Alors que cela n’a parfois aucune raison d’être, il n’est pas rare de voir surgir, au détour d’une intrigue filmique homo-érotique, un prestidigitateur ou un héros gay se découvrant des pouvoirs magiques. Cela renvoie en général au fantasme de toute-puissance et au désir de devenir Dieu, inhérents au désir homosexuel (cf. je vous renvoie aux codes « Se prendre pour Dieu » et « Frankenstein » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Il ne faudrait pas limiter ce code à son innocente dimension ludique. Le magicien, pour celui qui y croit, donne l’impression réaliste qu’il disparaît, qu’il plane dans les airs, qu’il anime les objets comme Dieu le ferait, qu’il coupe en deux les corps déjà sexués (et donc leur redonne une sexualité : double ration !), qu’il ressuscite ce qui était mort. En gros, qu’il est en mesure de modifier/ré-inventer les lois de la Nature à travers le paraître, l’astuce audiovisuelle et l’artifice.

 

Vidéo-clip de la chanson "Dégénération" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer


 

C’est exactement la prétention qu’affiche le désir homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles, dans leurs fantasmes secrets, considèrent le regard humain comme unique créateur de ce qui est vu, et non comme récepteur de ce qui le dépasse ; l’expérience extatique du dédoublement de soi ou de la mythomanie, comme une manière juste d’appréhender la Réalité. Déplacer des objets par un simple coup d’œil, jeter des sorts, lutter contre des démons, déployer ses pouvoirs magiques pour contrôler les éléments naturels, ou figer ses ennemis en statues, sont souvent des fantasmes esthétiques exprimés par les personnes homosexuelles (cf. le vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer). Celles-ci ont tendance à se prendre pour des magiciens omnipotents régnant sur la vie et la mythique faucheuse. Elles s’imaginent qu’elles peuvent défier et même faire disparaître la mort par l’image et la contrefaçon. Autrement dit, elles se fient au pouvoir de « mythifier le mythe » dont parle Roland Barthes dans son essai Mythologies (1957), quand bien même elles sachent parfaitement que « le mythe ne cache rien et que sa fonction est de déformer, non de faire disparaître » (idem, p. 207). Le problème est que nous ne pouvons pas battre le mythe par le mythe mais uniquement par l’amour vrai et humain, et par notre attachement à l’être plus qu’au paraître. C’est prétention que de croire en la toute-puissance de ce qui est bien plus souvent mort que vie : les images, ces supports privilégiés du mythe. Ainsi, en accordant tout pouvoir aux images déréalisées et en se plaçant en observateurs d’eux-mêmes pour se regarder à travers les supposés yeux des autres, les illusionnistes homosexuels se convertissent très souvent en prestidigitateurs bluffés par leur propre tour. Le magicien, à force d’avoir intentionnalisé, intellectualisé et esthétisé ses tours de passe-passe, finit par mordre à l’hameçon de sa théâtralité, et par sortir de sa sphère de conscience. Comme l’énonce Hervé Guibert, « l’ennui, c’est que les photographes croient à la réalité des photographies » (cité dans l’essai Dits et écrits II (2001) de Michel Foucault, p. 982). Étant donné qu’il se montre excessivement à lui-même qu’il simule, le comédien homosexuel n’éprouve plus sa mise en scène de magicien comme magique. « Qu’est-ce qui est simulé ? La simulation » (p. 11) écrira Severo Sarduy dans son essai La Simulación (1982). C’est sûrement ce qui fait dire au personnage d’Heurtebise dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau que « rien n’est plus tenace que la déformation professionnelle »…

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Cirque », « Jeu », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Amant diabolique », « Se prendre pour Dieu », « Homme invisible », « Frankenstein », « Super-héros », « Amoureux », « Voleurs », « Médecines parallèles », « « Plus que naturel » », à la partie « Fée » du code « Vierge », à la partie « Carte » du code « Inversion », à la partie « Sorcières » du code « Carmen », à la partie « Cartomancienne » du code « Voyante-extralucide », à la partie « Contrefaçon » du code « Maquillage », et à la partie « Divin Artiste » du code « Pygmalion », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le magicien rose :

Souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, un magicien ou une magicienne apparaît à l’improviste ; ou bien le personnage homosexuel parle de prestidigitation : cf. la chanson « A Kind Of Magic » du groupe Queen, la pièce La Magicienne (2010) de Christophe Botti, la chanson « The Forgotten Circus » du groupe Coop, le film « David Copperfield » (1935) de George Cukor, le film « La Fin de la nuit » (1998) d’Étienne Faure (avec le discret magicien interprété par Rudy Rosenberg à la soirée mondaine), le film « Grande École » (2003) de Robert Salis (avec Bernard le magicien, au tout début et à la fin du film), le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le film « The Wonderful Wizard Of Oz » (« Le Magicien d’Oz » (1939) de George Cukor), le film « Baisers volés » (1968) de François Truffaut, la pièce The Magician (Le Magicien, 1908) de William Somerset Maugham, le film « The Magic Christian » (1969) de Joseph McGrath, la chanson « La Foire d’empoigne » d’Arnold Turboust, les chansons « Optimistique-moi » et « L’Histoire d’une fée, c’est… » de Mylène Farmer, les chansons « Le Premier Jour » et « Il ne dira pas » d’Étienne Daho, les romans Magia E Invenciones (1984) et Poemas invisibles (1990) de Gastón Baquero, le film « Saved By The Belles » (2003) de Ziad Touma, le film « La Tête de Normande St-Onge » (1975) de Gilles Carle, le film « Pensionat Oskar » (1995) de Susanne Bier, le one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015) de Pierre Fatus (avec des tours de magie), etc.

 

« Il y a cette émission à la télé américaine – ‘La vérité sur les plus grands tours de magie du monde’. Ou quelque chose du genre. Ça pourrait être ‘Comment scier une femme en deux ?’ ou ‘Quand les rois de la magie se déchaînent’. Je ne sais plus trop. […] Ce qui me sidère le plus, à propos de ‘La vérité sur les plus grands tours de magie du monde’, c’est la simplicité des solutions. Vous avez beau y avoir réfléchi, jamais vous n’auriez imaginé que quelqu’un se donne autant de peine. Ou, pour le dire autrement, lorsqu’on vous affirme qu’il est impossible qu’une femme tienne dans un espace aussi petit que celui où les deux boîtes se chevauchent, eh bien vous le croyez au lieu de vous demander si une femme vraiment petite, prête à souffrir pendant un quart d’heure, ne pourrait pas tenir là-dedans. C’est ainsi. Dès qu’on vous dit qu’une chose est impossible, vous le croyez, le plus souvent. » (Ronit, l’héroïne lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 282-283)

 

Par exemple, dans le roman, Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar, le héros homosexuel, se montre adorateur d’un marabout qui pratique « la magie originelle » (p. 40). Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Abbey, la « fille à pédés », se voyant aux bras de son meilleur ami homosexuel Danny, se prend pour Dorothy dans le « Magicien d’Oz ». Dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau, la Bête se présente comme un magicien qui obtient tout par magie : il énumère les cinq instruments (« mon miroir, mon gant, mon cheval, ma rose et ma clé d’or ») sur lesquels repose son pouvoir.

 

Il n’est pas rare que dans les œuvres artistiques, la pratique de la magie soit signe d’homosexualité, ou bien que le magicien représenté soit ouvertement gay : cf. la B.D. d’illustrations érotiques lesbiennes La Magicienne (2005) de Camille MM, le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo (l’une des héroïnes lesbiennes est magicienne de rue), le roman Tuer le père (2011) d’Amélie Nothomb (avec la relation ambiguë des deux magiciens Joe et Norman), le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi (avec Fabio, le personnage homosexuel faisant des tours de magie), le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1943) de Luchino Visconti (avec Giuseppe le forain, amant secret de Gino), le film « Lord Of Illusions » (1995) de Clive Baker, le roman Esthètes et Magiciens (1969) de Philippe Jullian, le spectacle La Vie privée d’un magicien ordinaire (1985) de Jérôme Savary, le roman Juegos De Manos (1954) de Juan Goytisolo, la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (vers 1650) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le roman Magic’s Pawn (La Proie de la magie, 1991) de Mercedes Lackey (avec Vanyel, le mage voulant venger la mort de son amant Tylendel qui lui a fait découvrir à la fois ses propres pouvoirs magiques et son homosexualité), le roman L’Esprit de la magie (2009) de Poppy Dennison, le jeu vidéo Dragon Age : Inquisition (2014) de David Gaider (avec le magicien homosexuel Dorian), le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras (avec Dany, le héros homo, et son lapin blanc Dido), etc. Par exemple, dans le film « Céline et Julie vont en bateau » (1974) de Jacques Rivette, Céline, l’une des héroïnes lesbiennes, incarne une magicienne un peu mytho. Dans l’épisode 365 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 27 décembre 2018, André, le héros homosexuel, décrit l’un de ses amants éphémères : « À l’époque, je sortais avec un magicien du César Palace. Un gars très bien. Un Allemand. Beau comme un dieu grec. Il s’appelait Otto. » Et dans l’épisode 367, il fait des tours de magie dans sa chambre d’hôpital.

 

« Je suis une magicienne ! » (cf. une réplique de l’héroïne d’une nouvelle écrite en 2003 par un ami homosexuel angevin, p. 63) ; « Dire qu’il m’est venu des dons de sorcier juste au moment où ça ne peut me servir de rien. » (le narrateur homosexuel du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 42) ; « Je lui fais parfois des miracles bien que ces derniers temps j’ai perdu pas mal de mes pouvoirs. Mais j’ai encore quelques trucs dans mon sac. Je peux encore faire bouger quelques grains de sable ou faire pousser les tomates. » (idem, p. 53) ; « Deviens prestidigitateur ! Illusionniste ! » (Chloé s’adressant à Malik l’hétéro, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Très tôt dans ma tête, j’ai secrètement décidé de suivre le chemin maternel à ma façon : je deviendra le plus grand magicien du monde. Je voulais posséder une force inconnue, ne pas être un simple illusionniste, mais un véritable magicien aux pouvoirs surnaturels, un sorcier ! » (Audric dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « C’est un magicien, ce type. » (Jérémy Lorca dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc.

 

Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, se fout de la gueule des passagers qui déposent leur grosse valise à ses pieds en attendant que ce soit lui qui la mette dans les soutes : « Des fois que tu seras magicien. » (il parodie le dessin animé Les Maîtres de l’Univers : « Par le pouvoir du Crâne Ancestral ! »). Dans le sketch « Le Pays de la Magie » de l’humoriste Bruno Salomone, Disneyland est décrit comme le monde de la bisexualité. On peut penser également à la préciosité de certains joueurs de poker de la B.D. Lucky Luke, qui ressemblent à de vrais dandys.

 

Dumbledore dans Harry Potter

Dumbledore dans Harry Potter dans une revue fake


 

D’ailleurs, si on regarde bien, on n’imagine pas, dans la fantasmagorie populaire, le magicien figuré en homme marié (meilleur exemple : Merlin l’Enchanteur). Il est quasiment toujours célibataire. S’il est accompagné, c’est de son animal de chevet (le hibou Archimède) ou de son assistante la potiche (qu’il fera disparaître dans une boîte, crucifiera comme une pin-up, coupera en mille morceaux…).

 
 

b) Le prestidigitateur de l’« amour » :

MAGICIEN Gaywizard

 

La magie dont il est question est parfois synonyme de fantasme amoureux ; et le fantasme amoureux homosexuel semble se caractériser par une fascination pour l’être objet : cf. la chanson « Nuit magique » de Catherine Lara, le film « Écran magique » (1982) de Gianfranco Mingozzi, le film « Magic Mike » (2005) de Steven Soderbergh, le medley de la « Lampe magique » au concert des Enfoirés à la tournée 2009 (avec la relation lesbienne envisagée), etc. « Jamais les femmes ordinaires ne donnent l’essor de notre imagination. Elles ne sortent pas de leur siècle. Aucune magie ne les transfigure. Rien en elles qui ne puisse pénétrer. Pas une qui soit mystérieuse. Toutes, elles ont le même sourire stéréotypé et les belles manières du jour. Elles sont claires et banales. Mais les actrices ! Oh ! Combien les actrices sont différentes ! » (Dorian Gray dans le roman The Picture Of Dorian Gray, Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, pp. 72-73) ; « Tout au fond de ma mémoire, je le sens se réveiller, l’ancestral désir de toi : c’est le désir de monter sur un beau tapis magique pour survoler toute l’Afrique dans un dessin animé. » (Lou s’adressant à Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « C’est bien Maguy : des yeux d’enfant fluorescents comme la magie. » (cf. le poème « L’Énergie du désespoir » (2008) d’Aude Legrand-Berriot) ; etc.

 

Le magicien est l’amant homosexuel qui, à travers la passion amoureuse flattant et rassurant dans un premier temps celui qui se laisse faire par elle, conte fleurette, donne des ailes, regarde avec des yeux de braise (attitude digne du « vieux beau » bobo), montre le reflet embellissant de la magie pour cacher ses manigances de séduction. « J’ai toujours été fasciné par la magie des mots. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 304)

 
 

c) Le magicien violeur (pratiquant un magie bien noire…) :

Mais le charme s’évanouit vite à la lumière du jour. Le magicien homosexuel démasqué, c’est aussi le violeur, le voleur, le ravisseur, l’oiseau de mauvais augure : celui qui arrive à manipuler son amant comme une marionnette parce qu’il le ravit (au sens propre du terme) et l’éloigne du Réel : cf. le film « Les Voleurs » (1996) d’André Téchiné (avec Jimmy fait un tour de cartes à Justin, en lui montrant le Roi de Cœur), le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitman (avec le jeune Matthieu, s’improvisant magicien des ténèbres avec son tee-shirt de squelette, et montrant par un tour de carte à Hugo, le héros homosexuel, que le Roi de Cœur et le Roi de Pique sont une seule et même carte), le film « A Un Dios Desconocido » (1977) de Jaime Chavarri, le film d’animation « La Princesse et la Grenouille » (2009) de Ron Clements et John Musker (avec le Dr Facilier, le cruel « Maître des Ombres » marabout particulièrement efféminé), la chanson « Magie noire » de Philippe Russo, la chanson « Ensorcelée » de Lorie, etc. « J’ai un don. » (Marina, le personnage transsexuel M to F qui pratique des tours de passe-passe qui sont en réalité des petits vols, dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud) ; « Il se demanda par quelle aberration il avait pu agiter dans sa cervelle la question de savoir si cet homme était ou n’était pas un magicien. Pourquoi pas le diable en personne ? » (Fabien au sujet de Brittomart, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 54) ; « Le père Walter leva la main droite et il redevint l’illusionniste qui avait hypnotisé les fidèles pour leur faire croire que leur dieu était parmi eux. » (Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 209) ; « Elle souvenait de la façon dont il était passé de l’assurance à la défiance, du magicien au petit garçon. » (idem, p. 229) ; etc.

 

Le personnage homosexuel joue à l’illusionniste pour défier la mort et devenir immortel, mais il en devient pour le coup diabolique. Il bascule de temps en temps dans la sorcellerie et la magie noire (cf. je vous renvoie à la partie « Sorcières » du code « Carmen » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, on assiste au spectacle d’hypnotiseur et de magicien de Karl Lagerfeld qui manipule son amant Jacques à distance et le transforme en tigre soumis, devant un public de dandys décadents. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Bernard rentre dans la peau de « Bernardo » (le héros muet de la série Zorro) jouant à la corrida avec Didier, son amant, en le faisant apparaître puis disparaître sous sa muleta rouge, comme un magicien. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Emily, celle qui devait être la femme d’Howard mais qui, à cause du coming out de ce dernier, ne le sera jamais, accuse son presque-mari de « magie », lui attribue un pouvoir et une influence néfastes. Plus tard, il sera également question de « magie noire » dans la bouche de Cameron Drake, celui qui a lancé la rumeur d’homosexualité sur Howard. Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Suki, Juna, Rinn et Kadojo, compose le club des quatre Gothic Lolitas lesbiennes qui s’autodétruisent par la magie, autour de la grande sœur invisible (morte) de Juna : « On pourrait créer un club de magie. » (Juna) Juna possède un livre de secrets diaboliques : « Tu sais ce que c’est la magie ? » dit-elle à Kanojo qui lui répond : « Ça sert à faire faire aux gens tout ce qu’on a envie. » À la fin, les deux amantes font un combat de sorcellerie qui va se révéler fatal pour Juna.
 
 

FRONTIÈRES À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le magicien rose :

Très souvent, les personnes homosexuelles ont des accointances avec le monde de l’illusion et de la magie : c.f. la photo Le Magicien d’eau d’Orion Delain, l’article suivant, l’essai Le Livre de la Magie (2018) de Noël Daniel, etc.

 

Par exemple, le romancier japonais homosexuel Yukio Mishima admire la magicienne Tenkatsu et s’y identifie : « Je suis Tenkatsu ! Je suis Tenkatsu ! » (Yukio Mishima, Confession d’un masque (1971), cité dans sa Correspondance 1945-1970 (1997), p. 15)

 

Film "Le Magicien d'Oz" de Victor Fleming

Film « Le Magicien d’Oz » de Victor Fleming


 

D’ailleurs, ce n’est pas un pur hasard si le film « The Wonderful Wizard Of Oz » (« Le Magicien d’Oz », 1939) de Victor Fleming est devenu un monument de la culture LGBT, qui a consolidé le mythe de la jeune Judy Garland (Dorothy), et qu’il a été réalisé par George Cukor (homosexuel).

 

« Hommes aux mille mains, je vous salue. Hommes aux mille mains, ce que vous faîtes croire est plus réel que le réel qui est un rêve. » (cf. l’inscription que j’ai lue en 2004 sur l’écriteau du Musée des Enchanteurs à l’entrée du Château d’Antrain retranscrivant un message que Jean Cocteau a réellement marqué sur une nappe de restaurant en hommage au magicien le Dr Marteret) ; « Un soir, il s’est produit un fait exceptionnel. Ils ont retransmis [à la radio] un spectacle de magie. C’est-à-dire qu’il n’y avait rien à entendre, sauf une vague musique où se mêlaient des airs de comédies musicales américaines et des mélodies orientales. Le magicien s’appelait Fou Man chou. Pour combler le vide, le présentateur s’était vu contraint de résumer la totalité du spectacle. Il racontait comment lévitait la belle assistante du magicien. Ou comment il la coupait en deux avec une scie électrique. La parole avait la fonction d’une loupe : tout devenait énorme dans mon imagination. Je voyais les éclaboussures de sang au moment où la scie tranchait la chair de la femme. […] Je ne pouvais plus fermer l’œil de la nuit. Je voyais s’élever la victime au milieu des nuages roses. […] J’ai tellement insisté [pour aller voir le spectacle de magie de Fou Man Chou] que ma grand-mère a dû enfiler sa robe à volants, ses mitaines de dentelle, son petit chapeau et ses chaussures à talons. Nous avons pris le train. Pour moi, c’était comme si nous étions partis pour toujours. Légers, sans valise, à la gare centrale. Elle m’a acheté des bonbons. Comme ça, la panoplie nécessaire aux rêves était complète. […] Ce spectacle de Fou Man Chou est resté inscrit dans ma mémoire, m’accompagnant toute ma vie, comme l’expression de l’esprit et de la bonté de ma grand-mère. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 149-151)

 

Certaines personnes homosexuelles, même si elles ne sont pas officiellement magiciennes, jouent au moins à l’être (parfois en se maquillant, en faisant des parodies de tours de magie, ou mentalement, dans le secret de leur cœur). Par exemple, dans sa pièce Le Frigo (1983), le dramaturge homosexuel présente justement son frigidaire comme « la boîte de prestidigitateur la plus élémentaire, quand on n’a pas de moyens » (cf. l’article « Entretien avec Michel Cressole : Un mauvais comédien, mais fidèle à l’auteur » de Michel Cressole, dans le journal Libération du 15 décembre 1987). Thomas Mann, le romancier homosexuel allemand, était surnommé « le Magicien » par son fils Klaus, lui-même homosexuel : il écrira d’ailleurs en 1930 une nouvelle intitulée Mario et le Magicien.

 

Dessin animé Emi Magique

Dessin animé Emi Magique


 

Pour ma part, durant mon enfance, j’étais fan des magical girls des mangas japonais (et notamment d’Emi Magique, Lalabel, Gigi, She-Ra, etc.), de la rousse Sheila à la cape d’invisibilité (dans le dessin animé Le Sourire du Dragon), de Samantha (de la série Ma Sorcière bien-aimée) ainsi que de toutes les femmes bioniques (Super Jaimie en première ligne, mais aussi les Drôles de Dames, avec Chris Monroe en magicienne). J’étais aussi fasciné par l’illusionniste des Sept boules de cristal de Tintin (Hergé).

 

Judy Garland

Judy Garland


 

D’ailleurs, concernant précisément le costume de magicienne (le chapeau haut de forme, la baguette, le lapin… et toutes ses mimiques : le claquement de doigts, le nez qui bouge, le clignement d’œil, etc.) a quelque chose de l’attirail kitsch séduisant de la majorette pin-up (future pétasse), de l’homme-objet androgyne (sur-féminisé).

 

 

Certaines célébrités du monde de la magie sont connues pour être homosexuelles : Jean Cocteau, David Copperfield (le « copain » de Claudia Schiffer, fortement suspecté d’être bisexuel), Richard Simmons, Gérard Majax, Derren Brown, le romancier Arthur Dreyfus, Jérôme Savary et Copi (formant partie du Grand Magic Circus dans les années 1960), Charles Nebster Leadbeater, Jean Weber, Jean Boullet, etc. Peut-on pousser le trait en envisageant que la voix haut perchée et le rire aigu du magicien Garcimore est un indice d’homosexualité… ? Je m’arrêterais là… mais pourquoi pas, après tout ? 😉

 

Richard Simmons

Richard Simmons


 

Enfin, quasiment toutes les pubs pour Wizard (mot anglais signifiant « magicien »), le désodorisant d’intérieur, ont été jouées soit par des icônes gay (Alice Sapritch, Dalida), soit par des acteurs homosexuels (Charles Trénet, Thierry Le Luron).

 
 

b) Le prestidigitateur de l’« amour » :

La magie a à voir indirectement avec l’homosexualité dans la mesure où le désir homosexuel, par essence éloigné du Réel (par son rejet de la différence des sexes), fait prendre des vessies pour des lanternes, laisse croire à l’inversion des sexes, des apparences (appelées « genres »), des rôles, des êtres humains et des éléments naturels qui les entourent.

 

La magie dont parlent certaines personnes homosexuelles est souvent synonyme de fantasme érotique ; et le fantasme érotique homosexuel semble se caractériser par une fascination pour l’être objet : « Ce qui me plaisait plutôt, c’était de lui [Philomène] ressembler dans sa féminité. En effet, sa façon de marcher, de s’habiller ou de se tenir, dégageait un moment de magie qui me séduisait. Je la comparais de surcroît à une fleur sauvage, poussée au milieu d’une plate-forme cultivée. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 48)

 

David Copperfield

David Copperfield


 

Le magicien peut-être tout simplement l’amant homosexuel qui, à travers la passion amoureuse flattant et rassurant dans un premier temps celui qui se laisse faire par elle, conte fleurette, donne des ailes, regarde avec des yeux de braise (attitude digne du « vieux beau » bobo), montre le reflet embellissant de la magie pour cacher ses manigances de séduction : « Portrait de l’un ou de l’autre, nos deux narcissismes s’y noyant, c’est l’impossible réalisé en un miroir magique. » (la photographe lesbienne Claude Cahun parlant d’elle et de sa compagne Suzanne Malherbe, dans son essai Aveux non avenus, 1930)

 

Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, on nous raconte la rencontre entre Nicolaus Sombart et son amant beaucoup plus âgé que lui Carl Schmitt. Nicolaus a l’air comme ensorcelé : « Carl me paraissait sans âge. J’étais tellement captivé par ses grands yeux et leur admirable expressivité. […]Aucun auteur allemand de premier plan – savant, écrivain ou poète – n’a sans doute laissé un souvenir de fascination aussi unanime. Quel que soit le verdict qu’on porte sur lui, qu’on l’admire ou qu’on le condamne, on dira toujours que cet homme était fascinant. Et nul n’a plus succombé à cette fascination que moi. La première à m’avoir parlé de ce pouvoir fut ma mère. Sa magie provenait d’une espèce particulière de spiritualité rayonnante, d’une ambivalence profondément enracinée. » (p. 273)
 
 

c) Le magicien violeur (pratiquant un magie bien noire…) :

Mais le charme s’évanouit vite à la lumière du jour. Le magicien homosexuel démasqué, c’est parfois le violeur, le voleur, le ravisseur, l’oiseau de mauvais augure : celui qui arrive à nous manipuler comme une marionnette parce qu’il nous ravit (au sens propre du terme) et nous éloigne du Réel : « Je ressentais parfois du dépit d’être ainsi désacralisé, parce qu’il [le père Basile, le violeur pédophile] aidait des barrières à s’affranchir de leur idée de la réalité. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 36) ; « Comme un magicien, il nous donnait l’illusion de flotter au-dessus d’une foule de cadavres. » (Romala Nijinski, la femme maltraitée du célèbre danseur bisexuel, dans sa biographie Nijinski, 1934) ; etc.

 

Pour aller dans ce sens, il me semble signifiant que la pratique de l’homosexualité, dans certaines civilisations ou pays, soit condamnée avec la même échelle de gravité que la sorcellerie (en Afrique ou ailleurs) : « Chez les Scandinaves – Il y a un siècle, les Suédois considéraient les rapports hors-nature et les amitiés particulières comme sorcellerie – donc, crime suprême – et les pédérastes étaient lapidés. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 154) Pendant mon voyage en Côte d’Ivoire en juin 2014, j’ai pu constater combien les pratiques homosexuelles et de sorcellerie étaient parfois fortement imbriquées. Et il y a chez les personnes homosexuelles une tendance accrue à se prendre pour Dieu (cf. je vous renvoie aux codes « Se prendre pour Dieu », « Blasphème » et « Attraction pour la foi » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) qui les engage à rejoindre le monde artistico-spirituel de la magie).

 
 

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Code n°111 – Main coupée (sous-codes : Gants / Sang invisible)

Main coupée

Main coupée

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

La Chose dans le film "The Addams Family" de Barry Sonnenfeld

La Chose dans le film « The Addams Family » de Barry Sonnenfeld


 

À trop s’extérioriser psychiquement, certaines personnes homosexuelles ne se voient plus agir. Les actions litigieuses qu’elles opèrent en fantasme ou en acte deviennent des événements extérieurs qu’elles subissent avec impuissance quand leur conscience ne veut pas les reconnaître. La connexion entre ce qu’elles désirent et ce qu’accomplit leur main ne se fait plus. C’est la raison pour laquelle la main coupée est un motif récurrent des œuvres homo-érotiques. L’insistance des individus homosexuels sur la main tranchée illustre l’existence en eux d’un désir égocentrique – elle renvoie notamment aux rituels de la masturbation ou du suicide, très pratiqués dans la communauté homosexuelle – et le contexte d’horreur invisible ou folklorique – pensez à la main baladeuse nommée « la Chose » dans le film « La Famille Addams ». Grâce à la main, les personnages homosexuels rentrent dans le cocon narcissique de la mort. Par exemple, l’Orphée de Jean Cocteau ne peut pénétrer dans le monde infernal du miroir qu’« en présentant d’abord les mains ».

 

 

Le symbole de la main coupée vient rappeler l’existence d’un désir de viol (et parfois d’un viol réel) camouflé. On peut remarquer qu’un certain nombre d’auteurs homosexuels font apparaître des mains gantées dans leurs créations. Les gants habillent d’habitude ceux qui commettent les meurtres symboliques et qui ne veulent pas les assumer, c’est-à-dire l’actrice hollywoodienne et Don Juan. Dans l’iconographie homo-érotique, nous voyons très fréquemment les protagonistes homosexuels regarder leurs mains ensanglantées en étant incapables d’y voir le sang qu’ils ont pourtant fait cinématographiquement couler. Tel Philippe dans le film « La Meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller, ils plantent leur couteau dans la jambe de leur amant, puis n’en finissent pas de se confondre en excuses comme s’ils n’avaient rien maîtrisé de leur acte, en regardant leurs mains pleines de sang avec impuissance. Les mains éternellement tachées illustrent la déconnexion totale et douloureuse entre le faire et l’être, l’extérieur et l’intérieur, observable en tout désir humain dispersant (et pas uniquement homosexuel).

 

L’angoisse muette de la Lady Macbeth shakespearienne de ne pas parvenir à gommer le crime de son mari témoigne, au-delà du symbole, que l’excès d’extériorisation psychique de soi fait vivre l’enfer. Quand je parle d’enfer ici, cela n’a rien à voir avec une quelconque vision satanisante ou manichéenne de la géhenne. Je me réfère au véritable enfer, celui de l’absence à soi. C’est le fait de ne plus reconnaître ses actes comme les siens propres. Comme l’écrit Maurice Zundel en partant justement de l’exemple de Lady Macbeth, l’expérience de l’enfer, c’est de se frotter les mains sans se frotter la conscience, c’est la victoire du paraître sur la Réalité, c’est le refus de s’intérioriser. « C’est ça, son enfer : ses crimes lui retombent sur le crâne, comme s’ils venaient du dehors car justement elle a jeté toute sa vie au dehors. » (Maurice Zundel, Silence, Parole de Vie (1990), p. 71) Quand nous vivons l’enfer, nous nous sentons étrangers à nous-mêmes, nous ne nous reconnaissons plus, et nous trouvons que les autres nous violent en occupant la place de notre corps que nous n’avons pas voulu habiter. Nous vivons alors la pénible expérience de la « mort avant l’heure » décrite par Bernard Mercier concernant son expérience de la guerre d’Algérie : « La perte de sens était l’effet le moins visible en moi, mais certainement le plus assuré. Je pourrais la qualifier de vide existentiel ou de descente aux enfers de l’inhumain. Un profond dégoût de toutes choses. Le sentiment de l’inutilité de l’existence, de son incompréhensibilité, de sa vanité. Où était désormais le mal, où était le bien ? Comment traduire avec des mots le fait de se quitter ainsi soi-même quand plus rien ne vaut ? Rien, même pas soi-même. Ou soi-même comme une absence à soi. » (Bernard Mercier, Plongé dans les ténèbres (2002), p. 82)

 

L’absence à soi n’est pas proprement homosexuelle, bien sûr : comme le commun des mortels, les personnes homosexuelles la vivent à chaque fois qu’elles se font complices, dans le déni, de l’inadéquation entre leurs désirs profonds et leurs actes. Mais le problème, c’est qu’au lieu de la reconnaître, beaucoup d’entre elles la subliment. En effet, elles ont tendance à figer le questionnement sur la nature schizophrénique de leur désir homosexuel que leurs mises en scène du viol révèlent, en icône esthétique victimisante et désirable : songez par exemple à la posture catastrophée d’Isabelle Adjani dans sa robe blanche tachée de sang sur l’affiche du film « La Reine Margot » (1994) de Patrice Chéreau. Cette cristallisation de l’horreur ne fait que conforter chez certaines un sentiment de culpabilité injustifié – car les crimes visibles à l’écran, s’ils sont parfois les reproductions de viols réels antérieurement vécus, sont prioritairement fictifs et uniquement révélateurs de l’existence d’un fantasme de viol –, susciter l’indifférence face à ce qui ne semble ni vivant ni réel tant la violence est figée, extériorisée et exagérée, ou même alimenter un attrait secret pour la mort et la souffrance via une esthétique de la brutalité spectaculaire.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Emma Bovary « J’ai un amant ! » », « Dilettante homo », « Clown blanc et Masques », « Déni », « Doubles schizophréniques », « Amant narcissique », « Miroir », « Se prendre pour le diable », « Voyeur vu », « Voleurs », « Magicien », à la partie « Photo chiffonnée dans une main fermée et crispée » du code « Actrice-traîtresse », et à la partie « Strangulation » du code « Coït homosexuel = viol », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Le personnage homosexuel se coupe la main, et est incapable de reconnaître les actes qu’il commet, ainsi que le sang qui le souille :

 
 

a) La main coupée :

Film "Orphée" de Jean Cocteau

Film « Orphée » de Jean Cocteau


 

Le motif de la main coupée revient extrêmement souvent dans les fictions artistiques traitant d’homosexualité, aussi bien sur le registre comique, sexuel (masturbation ou attouchements), dramatique (suicide), que celui de l’épouvante : cf. le film « Le Sang d’un poète » (1930) de Jean Cocteau, le film « La Main à couper » (1973) d’Étienne Périer, la comédie musicale Big Manoir (2007) d’Ida Gordon et d’Aurélien Berda, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec l’importance des mains de Bruno), le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine (avec la main baladeuse dans le tiroir), le film « Les Valeurs de la Famille Addams » (1993) de Barry Sonnenfeld (avec la main baladeuse surnommée « la Chose »), le film « Espacio 2 » (2001) de Lino Escalera (le héros dit s’être coupé la main en ponçant une pièce… En réalité, il se masturbe beaucoup, et a tenté de se suicider), le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat (avec l’héroïne se taillant les veines dans la boîte gay au tout début), le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard (où le clone du héros se fait soudainement trancher la main sans que le spectateur comprenne pourquoi), le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer (avec la main entaillée par les cornes-lames du taureau), le roman Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig, les chansons « L’Histoire d’une fée, c’est… », « Tristana » (« Pourquoi faut-il payer de ses veines ? »), et « Pas le temps de vivre » de Mylène Farmer, le téléfilm « Sa raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand, le roman La Main gauche de la nuit (1969) d’Ursula K. Le Guin, l’affiche du film « Tire encore si tu peux » (1967) de Giulio Questi, le roman La Main de métal (1956) d’Endre Rozsda, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, le poème « Le Condamné à mort » (1942) de Jean Genet, la photo Autoportrait Main (1983) d’Andy Warhol, le film « La Main au feu » (1989) de Jean-Daniel Cadinot, la sculpture Pénétration de Tony Riga, le tableau Les Griffes du dormeur (1995) de Michel Giliberti, la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé (avec le bras mort de Didier), la chanson « Chacun fait c’qui lui plaît » de Chagrin d’amour, le dessin Elles s’aiment (1929) de Claude Cahun, le film « Devotee » (2008) de Rémi Lange (avec Devotee, l’homo privé de bras et de jambes), la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter (avec la main arrachée), le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger (avec un homme au bras dans le plâtre), la pièce Une Heure à tuer ! (2011) d’Adeline Blais et Anne-Lise Prat (où Claire a peur que Joséphine lui ait cassé le bras), la pièce Cachafaz (1993) de Copi (avec le doigt coupé de l’agent), la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo, le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, le film « Prête-moi ta main » (2006) d’Éric Lartigau, le film « Change pas de main » (1975) de Paul Vecchiali, le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye, le vidéo-clip de la chanson « Ma Révolution » du groupe Cassandre, le film « Tu n’aimeras point » (2009) de Haim Tabakman, le film « Satyricon » (1969) de Federico Fellini (avec le poète à qui on coupe la main), le film d’animation « Piano Forest » (2009) de Masayuki Kojima (avec Akino, le pianiste ayant perdu son bras gauche dans un accident), la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1971) de Copi (avec le doigt cassé d’Irina), la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi (avec le petit doigt de Jeanne qui la brûle), le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec le doigt coupé), la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi (avec le petit doigt sectionné de l’Auteur), le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (Freddie s’est fait greffer des mains par le Professeur), le film « Le Cœur sur la main » (1949) de André Berthomieu, le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart, le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, etc.

 

Film "La Belle et la Bête" (1946) de Jean Cocteau

Film « La Belle et la Bête » (1946) de Jean Cocteau


 

Par exemple, dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Franck, le héros homosexuel, s’est tailladé la main avec la chute d’un melon. Dans le film « Footing » (2012) de Damien Gault, Marco, le héros homosexuel, chute dans une benne à ordures en déchargeant un chauffe-eau, et se foule la main : « J’ai un peu mal au poignet, mais ça va. » dit-il à son père. Dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Thierry, le protagoniste homo, s’est coupé le doigt au bar. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Arnold s’est coincé les doigts dans le frigo. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, un bras coupé flotte dans l’eau. Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, lorsque Malik dit qu’il y « mettra sa main à couper », Martin lui demande « Elle est où ta main ? ». Dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, le kozak Karltschusski se coupe les deux mains. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam, le héros homosexuel, s’est blessé à la main. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le fiancé de Gatal parle de « se faire couper des doigts, des mains ». Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M joue au foot avec Ali, le petit garçon qui tombe et se blesse à la main. Pour le consoler, Adineh lui dit : « C’est une blessure très profonde. On va devoir amputer le poignet. »

 

 

Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Oliver serre la vraie main humaine de son amant Elio avec la main et le bras d’une statue en cuivre trouvés dans des fouilles archéologiques sous-marines. Un peu plus tard, Elio regarde avec horreur sa main juste après que son amant Oliver l’ait discrètement caressée.
 

La présence de la main tranchée semble a priori incongrue et incompréhensible. « Je croyais avoir perdu la main… mais alors vous, vous êtes balaise ! » (Irène s’adressant au père Raymond, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; « Et ma main que j’ai tranchée devint objet de risée. » (le héros de la pièce Titus Andronicus (1594) de William Shakespeare, p. 631) ; « Putain, je me suis blessé au poignet. » (Ahmed dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Ne riez pas, on trouve des antécédents célèbres dans l’histoire de la magie ! Une mauvaise manipulation et vous pourriez tout aussi bien perdre un doigt, une main ! » (Audric dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, p. 51) ; « Linda, j’explose ! Oh merde, il faut que je me ramasse toute seule ! Ça va être du joli pour recoller tous ces doigts ! » (Loretta Strong dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi) ; « Comme dit votre grand-père, je suis une main de fer dans un gant de crin. » (Mamita, la mère de Laurent, dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « On ne peut plus toucher la viande ! Merde, on se brûle les mains ! » (Raulito à Cachafaz dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, pp. 74-75) ; « Il naît du pétrole un petit diamant fragile d’où coule le sang d’une rencontre trop bousculée, trop prétentieuse, trop généreuse avec les doigts gantés d’un orfèvre. Un cristal saigne : son pétrole est rouge. » (la voix narrative de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Doucement, mon p’tit gars, ou je te fais manger ton bras. » (la religieuse à Elliot, dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « Ma main à couper ! » (Mme Follenska, idem) ; « On va me couper les deux mains. » (l’homo noir torturé dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Et si demain cette voix me commande de me couper une main, par exemple ? » (Michel parlant de sa voix intérieure, dans le film « Les Yeux fermés » (1999) d’Olivier Py) ; « Puis j’lui ai demandé sa main. Le bras est venu avec. » (le héros homo à propos de sa fictive femme Sofia, défigurée dans un accident de voiture, dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont) ; « Jane avait allumé les lampes pour repousser l’obscurité et le salon renvoyait un éclat blanc sous l’éclairage soigneusement réglé, si stérile qu’il n’aurait pu appartenir à la clinique de quelconque chirurgien esthétique. Il était facile d’imaginer un chariot entrant dans cet espace presque vide, poussé par des chirurgiens masqués, prêts à sculpter une beauté. Elle se les représenta un instant, leurs mains gantées s’activant profondément dans le sang. L’image évoquait trop la naissance venir et elle la chassa. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 135) ; « Quand je m’en irai, je dirai à Karl de demander au croque-mort de m’entailler les poignets. » (Frau Becker s’adressant à Jane, idem, p. 214) ; « Ils ont trouvé le père Walter dans le cimetière avec les poignets tailladés. » (Jane, l’héroïne lesbienne, idem, p. 224) ; « Oui, j’ai un problème. J’ai un peu mal au poignet. » (Yoann, le héros homosexuel, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Retirez votre main, elle sent le pourri. » (Valmont dans la peau de Merteuil, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; etc.

 

La main telle qu’elle est décrite dans les œuvres homosexuelles n’est pas un moyen d’atteindre le concret ni un signe de Réalité. Bien au contraire. Elle déforme le Réel. Elle vise les univers narcissiques : elle en est même la clé, comme par exemple dans le film « Orphée » (1949) de Jean Cocteau, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton (avec la main du patineur sur glace homosexuel), etc. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, Gwendoline, la lycéenne transgenre, pense créer une sulfureuse sitcom intitulée Les Doigts de l’Amour. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, quand Elsa s’étonne de la grosseur de la main de Pedro, celui-ci lui demande de la prendre vite « avant qu’elle ne rétrécisse. » La main est bien une métaphore du désir, ici. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Doyler, l’un des héros homosexuels, porte une insigne politique irlandaise socialiste représentant une main rouge. Il l’offre à son amant Jim en guise de symbole d’amour. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien et Rémi, les héros bisexuels, se donnent la réplique pour répéter un rôle dans Cyrano de Bergerac. Les deux hommes finissent par se prendre à leur jeu dramatique (Damien joue Roxane, Rémi Cyrano) et à tomber amoureux l’un de l’autre. La main sert d’interface d’homosexualité : « J’aime quelqu’un qui ne le sait pas encore. Laissez-moi votre main. Maintenant, elle a la fièvre. » (Damien dans la peau de Roxane, sentant les sentiments de Rémi à son égard)

 

« À travers le miroir, on voyait bien la chambre et le lit. Au bout d’un moment, on vit la bonne entrer. Elle se mit à se déshabiller, puis, s’allongeant sur le lit langoureusement, bien en face de nous, se caressa tour à tour le bout des seins et le plus sensible. Je sentais que Marie était tétanisée par la peur que cela ne me déplaise. Dans un effort d’audace, pourtant, elle me prit par la taille. De l’autre côté du miroir, la bonne, se sachant observée, les cuisses bien écartées, faisait avec ses doigts des mouvements qui laissaient voir toute la profondeur de son intimité. Malgré l’état de peu de réceptivité dans lequel j’étais, j’en fus vite troublée. Ses poses étaient terriblement provocantes, et bientôt je sentis monter en moi une envie féroce de me satisfaire. Marie, dans le noir où nous étions, avait beaucoup plus d’assurance et me caressait presque. De son côté, comme elle l’aimait, la bonne s’était introduit tous les doigts d’une main à l’intérieur du ventre et de l’autre se frottait en cadence sa partie la plus sensible. Marie releva assez ma robe pour passer sa main entre mes cuisses et, sans pour autant me dévêtir, trouva, étant femme, très facilement le bon chemin. Elle se mit à toucher ma fente» (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 152)

 

Le poignet cassé est un esthétisme recherché ou subi par le personnage homosexuel : « Tu ressembles à une théière cassée. » (Cherry s’adressant à son amante Ada dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « J’ai les poignets fragiles. » (Tex, l’un des héros homos du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « En jouant au squash : poignet cassé. » (Bonnard dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard) ; « Ce qu’il nous faut pour mener une chaîne de télé, c’est une bonne poigne. Pas un poignet cassé. » (Sonia par rapport au futur président, Nelligan Bougandrapeau, dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay) ; « Les garçons me balançaient des pommes de pin ou m’arrachaient mon sac pour le vider par terre, quand je traversais la cour. Même certaines filles, celles qui jouaient aux gros bras pour pas se faire traiter de putes, elles rigolaient sur mon passage, me traitaient de sale théière, en mettant une main sur la taille et l’autre à côté du visage, en forme de bec verseur. » (Mourad, l’un des deux héros homos du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 336) Bien plus qu’un esthétisme repris pour les caricatures de grande folle, la posture de la « théière » ou du « poignet cassé » est une manière de surjouer le viol, de sublimer/singer la faiblesse : « J’ai besoin qu’on me tienne la main. Je suis fatiguée. J’me sens tellement seule, fragile, et provisoire. » (Charlène Duval, le travesti M to F dans son spectacle Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Je suis trop fragile et beaucoup trop désirable. » (Ottavia la Blanca, le transsexuel M to F de la comédie musicale Amor, Amor, en Buenos Aires (2011) de Stéphan Druet) ; « Je je suis si fragile qu’on me tienne la main. » (cf. la chanson « Libertine » de Mylène Farmer). Par exemple, dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont, Léo s’est cassé le poignet en hockey sur glace, métaphoriquement parce qu’il n’a pas assumé son homosexualité.

 

La main coupée peut dire l’égocentrisme du protagoniste homo, soit parce que ce dernier veut se masturber, soit parce qu’il cherche à se suicider en se taillant les veines : « Je comprends pas mon corps. Le plaisir qu’il trouve, et qu’il prend, à savoir les yeux d’Irène dans un coin du miroir. Sa volonté de se soumettre aussi vite à la nécessité qui l’oblige. Ce que sa main droite est en train de faire sous le drap bleu, qui me donne la honte rouge. » (la voix narrative du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 86) La main dissociée du reste du corps est celle du plaisir vicieux. « Jeux de main, jeux de M… émoi. » (cf. la chanson « L’Histoire d’une fée, c’est… » de Mylène Farmer) ; « Les baisers d’un été où la main s’achemine. » (cf. la chanson « Gourmandises » d’Alizée) ; « Attends qu’une de tes compagnes de cellule te mette une bonne main au derrière. » (Louise s’adressant à Sophie, dans la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd) ; « À la piscine, nous chahutions souvent. Mes mains s’attardaient sur sa peau et les siennes sur la mienne. J’aimais toucher son corps. Les mêmes gestes, autorisés en milieu aquatique, eurent été déplacés dans un autre contexte. Ces contacts avec sa peau me consumaient. » (Bryan à propos de Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2001), pp. 95-98) ; « Et bien moi, je vais parler à ma main… » (Lennon, le héros homo pendant que ses quatre amis s’embrassent à pleine bouche, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; etc. Par exemple, dans le film « Matador » (1986) de Pedro Almodóvar, Diego se masturbe devant des films d’horreur où des mains sont sectionnées à la lame de rasoir.

 

La main homosexuelle fictionnelle, en général, ne demeure pas : elle est furtive, volatile. « Angela tendit sa main intacte que Stephen saisit, mais avec une grande agitation. À peine avait-elle reposé un instant dans la sienne qu’elle la rendit gauchement à sa propriétaire. Alors Angela regarda sa main. Stephen pensa : ‘Ai-je eu un geste rude ou ai-je commis quelque maladresse ?’ Et son cœur battit violemment. Elle eût voulu reprendre la main perdue et la caresser. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 183)  

 

La main coupée annonce la découverte d’un désir homosexuel déchirant ou salissant. « Regarde ma main ! » (Howard s’adressant à son futur amant Peter, juste après son terrifiant coming out le jour de son mariage, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) Par exemple, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Esti, perturbée par l’émoi qu’elle ressent pour Ronit, se salit maladroitement la main et file à la cuisine pour se la laver : « Elle mit sa main droite sous le robinet. L’eau était beaucoup trop chaude. Elle l’y laissa un moment. » (p. 88) Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, se blesse la main juste au moment de rencontrer Angela. Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, c’est pile au moment où le jeune Ayrton, hétérosexuel, ressent une attirance inavouée pour Konrad, l’amant de son grand-frère Donato, qu’il s’enferme dans la salle de bain, et qu’il cherche à détruire son plâtre à la main jusqu’à empirer sa blessure initiale. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en psychothérapie Benjamin/Arnaud et essaie de les aider à s’assumer en tant que couple homo. Il s’y prend de manière progressive, par des petits exercices pratiques. Et notamment, il tente de leur faire la main de l’autre : « Finalement, c’est pas très dur. C’est comme prendre un enfant par la main. » Arnaud demande à son amant : « Tu t’es lavé la main, j’espère ? »

 

Il semblerait que ce soient les actes homosensuels du héros homosexuel qui lui ôtent les mains, qui le rendent manchot : « Pas question de faire l’amour avec une main en moins. » (Julie dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, p. 209) ; « De part et d’autre de la vitre, nous nous regardons en silence. […] Puis je pose la main, doigts écartés, sur le froid du verre. […] Comme invinciblement attirée, sa main vient se superposer très exactement à la mienne, de l’autre côté de la vitre. Je crois en percevoir la chaleur, l’imperceptible battement du sang. J’appuie un peu plus fort, à peine. Et immédiatement il n’y a plus sous mes doigts, sous ma paume, que cette surface infiniment lisse et glacée et dure comme du métal. Je prends froid au poignet comme si on venait de me le couper. Je pars vite, avec dans ma poche cette main disparue – tranchée net – qui n’a plus ni poids ni contours. » (Mireille Best, Camille en octobre (1988), p. 105) ; « Ce sont des mains invisibles qui me servent. » (Belle racontant son séjour au château de la Bête, dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau) ; etc. Par exemple, dans la série Ainsi soient-ils (épisode 6 saison 1), lorsque Emmanuel repousse brusquement son futur amant Guillaume par une mise en garde (« Me touche pas ! »), ce dernier tombe à la renverse et se blesse la main.

 

Cela peut être le fist-fucking (= insertion du poing dans l’anus) ou la pénétration de la main à défaut du pénis, qui font disparaître la main du héros homosexuel. « Ainsi font font font les petites marionnettes. » (le héros en tournant sa main dans le cul de son « beau papa », dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont) Par exemple, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, l’héroïne lesbienne, « rentre sa main entière en sa bonne » (p. 147).

 

L’expérience homogénitale/homosexuelle, symboliquement, supprime les bras et les mains : « Où sont mes bras ? » (Elliot au moment d’être drogué et d’avoir couché avec le couple hétéro dans la caravane, dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee) ; « J’ai perdu la main depuis que je te connais. » (Léopold s’adressant à son amant Franz, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; etc.

 

Le héros homosexuel nous parle d’une main invisible, comme s’il ne se voyait plus agir/être manipulé. « Il demeura dans l’obscurité, puis sa main se posa sur une table et déplaça plusieurs objets, comme une sorte d’animal fureteur ; enfin, elle trouva la lampe dont les rayons tombèrent presque aussitôt sur la page d’un livre ouvert. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 16) ; « Il fixa des yeux une tache sur son bouvard. […] C’était une tache d’une forme bizarre qui fait songer à l’ombre d’une main sans pouce. […] Cela ressemblait à une main de voleur, mais de voleur qui eût volé autre chose que de l’or. » (idem, p. 29) ; etc.

 

Cette main translucide invite à l’expérience immatérielle ou mortelle : « Sa main a trouvé la mienne et l’a levée en l’air, comme pour l’inspecter, même s’il faisait trop noir pour la voir. » (Ronit, l’héroïne lesbienne en parlant de sa compagne Esti, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 144) ; « Seul demeurait face à moi le jeune homme aux doigts de cristal. […] Pour tout témoin étranger à ce manège, c’eût été un spectacle risible que ces deux jeunes personnes isolées désormais dans ce wagon de chemin de fer, épiant réciproquement les tressaillements de leurs mains. […] Les mains, dis-je, sont les muqueuses du désir. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Terminus Gare de Sens » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 64-66) ; « Stephen adorait aussi les poches, mais elles étaient défendues. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 29) ; « Une invisible main la poussa vers le lit, l’abattit sur cette couche où Mathilde avait souffert, était morte. » (François Mauriac, Génitrix (1928), p. 62) ; « Je dis vraiment désolée. Une main s’est envolée. Je ne peux pas la rattraper. Trop tard pour le passé. » (cf. le poème « Le Désir du piano » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 29) ; « Ses mains semblaient d’ivoire blanc. » (Dorian Gray en parlant de la comédienne Sibylle, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Il semblait à Aschenbach que le psychagogue pâle et charmant lui souriait là-bas, lui faisait signe ; que, détachant la main de sa hanche, il la tendait vers le lointain, et prenant les devants s’élançait comme une ombre dans l’immensité pleine de promesses. Comme tant de fois déjà il voulut se lever pour le suivre. Quelques minutes s’écoulèrent avant que l’on accourût au secours du poète dont le corps s’était affaissé sur le bord de la chaise. On le monta dans sa chambre. Et le jour même la nouvelle de sa mort se répandit par le monde où elle fut accueillie avec une déférente émotion. » (Thomas Mann, Der Tod In Venedig, La Mort à Venise (1912), p. 107) ; etc.

 

Dans le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma, on voit, dès le début du film, en gros plan, la main de Laure, l’héroïne lesbienne, fendant l’air. Dans le film « La Mujer Sin Cabeza » (« Une Femme sans tête », 2007) de Lucrecia Martel, c’est précisément au moment où la voiture de Véro heurte et tue un chien (ou un homme ? : sur le coup, on ne sait pas trop…) qu’on nous montre deux empreintes blanches de mains clairement imprimées sur l’un des vitres du véhicule à l’arrêt. Dans le film « Ba Wang Bie Ji » (« Adieu ma concubine », 1992) de Chen Kaige, le jeune Douzi se fait couper les mains au hachoir par sa mère parce qu’elles deviennent invisibles/insensibles : « Maman, mes mains sont froides : l’eau s’est changée en glace. »

 

Souvent, le personnage homosexuel n’éprouve pas le mal que sa main commet, ou la souffrance dont il pâtit à cause de celle-ci : « La douleur me rend insensible et je ne me reconnais pas. » (cf. la chanson « L’Orage » d’Étienne Daho) ; « Quelque chose, comme une main cruelle, le broyait à l’intérieur de son corps et le torturait. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 46 et p. 152) ; « Mon Dieu que dois-je faire ? Oublier cette main qui cogne dans mon cœur ? » (un ami homosexuel qui a écrit une nouvelle en 2003, p. 36) ; « Une ou deux minutes passèrent, puis, levant les yeux, il se vit soudain dans un miroir incliné au-dessus du lit et remarqua que sa cravate était de travers ; il répara aussitôt ce désordre de ses grosses mains qui tremblaient un peu. ‘Ça, par exemple !’ murmura-t-il. Plusieurs fois il répéta cette phrase sur le ton d’une grande surprise, et, sans regarder le lit, tourna les talons et gagna la porte. » (Paul Esménard après le meurtre de Berthe qu’il a étranglée, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 117) ; « Quelles mains !’ murmura-t-il. » (idem, p. 126) ; « J’ai froid. Je ne sens plus mes mains. » (Marilyn en enfer dans la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco) ; « Est-ce qu’on peut durablement s’en sortir sans se salir les mains ? » (Lacenaire dans la pièce éponyme (2014) d’Yvon Bregeon et Franck Desmedt) ; « J’ai l’intuition que l’acte criminel n’est rien. » (idem) ; etc.

 

Il est fréquent que le héros gay ne connecte pas ses gestes à son cœur, ni même à son cerveau : « M’ma, pensa-t-il. M’ma, que nous est-il arrivé ? » (Pascal après son meurtre, dans le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, p. 269) ; « Il avait accompli tous ces gestes, en quelques fractions de seconde. Sans y réfléchir. Il avait abattu Pierre Gravepierre à qui il aurait tout donné une minute plus tôt. Il avait supprimé un homme, une vie. Sans vraiment se rendre compte. Sans comprendre clairement pourquoi. » (idem, p. 298) ; « Pourquoi j’ai fait ça ? Comme tout le reste… Sans raison, et histoire de voir. » (Willie dans le roman La Meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 177) ; « Je suis toujours frappée par le décalage pouvant exister entre l’intention et l’action. » (la voix narrative lesbienne, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 18) ; « Pourquoi je me sens si coupable ? » (Emmanuel, l’un des séminaristes, noir et homosexuel, suite à sa première expérience homosexuelle avec un homme anonyme de Carthage, dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm, dans l’épisode 3 de la saison 1) ; etc. Par exemple, lors de la fusillade finale du film « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, César n’éprouve plus les crimes qu’il opère. Dans le film « Maurice » (1987) de James Ivory, Maurice mord Clive aux lèvres puis se confond en excuses. Dans le vidéo-clip de sa chanson « Plus grandir », Mylène Farmer commence par noyer sa poupée, avant de la pleurer. Dans le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, Jérôme ne prend conscience de son crime que bien plus tard : « Je ne sens rien. » Dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, Burger tape sur sa main qui s’anime comme une bête déconnectée de lui. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le jeune héros, violente régulièrement son amant quinquagénaire Stéphane qui à la fois se laisse faire, et s’étonne pourtant de « cette démence » qui s’empare de Vincent : « Comment peut-on porter la main sur la personne qu’on aime ? » Vincent ne s’en excuse même pas : « Sur le moment, je perdais le contrôle. Et après, je me rendais compte de ce que j’avais fait. » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le père de Davide, qui a entraîné son fils homo au suicide, a son costard blanc maculé de sang. Face aux patients qui attendent avec lui aux urgences de l’hôpital, il se met à faire une crise de paranoïa, ne supportant pas les regards qui l’accusent : « Ce n’est pas moi !! » Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom se coupe la main avec un rasoir dans sa salle d’eau. À la fin du film, il étouffe son amant Peter avec un coussin, en se confondant en excuse pendant son forfait : « Pardon… pardon… »

 

La main coupée représente la conscience projetée, éloignée, tellement transférée qu’elle peut être vidée d’importance, de responsabilité, voire, à l’extrême inverse, suresponsabilisée comme un déesse diabolique. « Mais comment l’embrasser, la baiser, cette main royale, propre, tellement propre ? Comment ? Qui est-ce qui peut me le dire ? […] Je prends la main du Roi dans les miennes. Je suis courbé. Complètement. Parfaitement. Je sens la main de Hassan II. Je la respire. » (Khaled dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 17) Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, par exemple, le personnage du Rat est d’abord présenté comme un objet anodin : « Ce Rat n’est qu’une marionnette, il est animé par une main, vous le savez mieux que personne, puisque vous l’avez fabriqué. Il serait incapable de tuer tout seul. » (Auteur à Vicky) ; « Je sais faire beaucoup de choses d’une seule main. Ce rat, par exemple, c’est moi qui l’ai coupé, collé, cousu. » (Vicky, idem)… puis ensuite dématérialisé par Vicky : pour elle, le Rat en mousse « a un esprit. C’est le Diable. »

 

La main est quelquefois celle de l’androgyne satanique, cet être caché qui, face à ses écrans de télévision, appuie sur des manettes pour diriger le monde à distance, caresse son chat blanc de temps en temps (comme le Docteur Mad ou les méchants des James Bond), et s’apprête à lancer une bombe atomique en pressant le fatidique bouton rouge. On ne lui voit que la main ou le gant. C’est par exemple la main de la bourgeoise sans visage, tenant le combiné téléphonique à Steven annonçant qu’il meurt du Sida sur son lit d’hôpital, dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa. Dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien, Dallas, l’assistant-couturier homo de la créatrice Cecilia, veut mettre hors d’état de nuire Hélène, la première d’atelier concurrençant Cecilia, et décrit sa stratégie arachnéenne pour s’en débarrasser proprement : « Je sais ! Je l’intimide avec mes ciseaux crantés, je la saucissonne à la dentelle de Calais, et je la planque dans un rouleau de taffetas noir. Tout ça avec des gants : pour ne pas laisser d’empreintes. »

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan découvre (bien avant tout le reste du corps) la main de Kévin, son futur amant, qui le conduira inéluctablement vers la mort : « Soudain, je vis une main tendue. Et sur le poignet de cette main, un bracelet en cuir noir avec des clous, que je connaissais bien. Mon rythme cardiaque s’accéléra et je sentis une pulsion sanguine envahir mon visage. Était-ce possible ? Les yeux fixés en direction de cette main qui venait de disparaître, je n’osai plus faire un pas. […] Je fis quelques pas. J’étais mal à l’aise. Mon cœur cognait si fort dans ma poitrine que tout le monde devait l’entendre. Le poignet réapparut avec son propriétaire. C’était lui ! L’inconnu du lycée ! Un instant d’hésitation, le garçon au bracelet ouvrit de grands yeux, aussi grands que les miens, puis me fit un large sourire. J’étais surpris et déconcerté. » (pp. 8-9)

 

Dans les fictions homo-érotiques, rarement la main agit bien. Elle est souvent associée à la mort : « Une femme m’a soudain attrapé par la main gauche. […] Une jeune fille à la fin de l’adolescence. Et déjà veuve. Déjà dans la mort. Sa main dans la mort touchait ma main. Cette pensée m’a fait peur. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 44-45) Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, Madame Lucienne est étranglée d’une seule main.

 

La main tranchée est même parfois l’actrice d’une violence inouïe : « Une main invisible attrapa l’infirmière par les cheveux et la souleva en l’air de cinquante centimètres. Elle poussa un hurlement à réveiller la clinique avant de tomber sur le parquet, se foulant une cheville. » (cf. la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 34) ; « Ils [les penetrators violeurs] avaient des gants. Ils peuvent te faire disparaître. Comme dans un trou noir. » (Dick, l’homo violé, dans la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « J’ai l’impression qu’une main a attrapé mes intestins, qu’elle les a noués. J’ai pas demandé à être tripotée comme ça. C’est pas de ma faute ! Laissez-moi ! Je ne veux pas qu’on me touche ! » (Rinn, l’héroïne lesbienne mise à l’épreuve par ses sentiments amoureux lesbiens, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; etc.

 

C’est pour cela qu’elle est souvent sale ou ensanglantée : « Stephen désira la toucher et, étendant une main plutôt hésitante, se mit à la passer doucement sur sa manche. Collins prit la main et la regarda avec étonnement : ‘Oh, bonté divine ! s’exclama-t-elle, quels ongles sales !’ » (Stephen amoureuse de sa nourrice Collins, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 24)

 

Les mains apparaissent comme les instruments du viol. Par exemple, en parlant des backroom, Copi, dans sa nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983), évoque « la masse humaine aux multiples mains rapaces » (p. 81) Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, les actes sexuels qu’opère la main d’Anamika, l’héroïne lesbienne, sur ses différentes amantes, sont présentés comme une schizophrénie, un viol inconscient, un interdit bravé dans un hallucinant sentiment d’irréalité : « Je pressai plus fort encore la chair qui emplissait mes mains. Il me vint à l’idée que je pourrais aller plus loin. J’avais peur de toucher l’espace entre ses fesses, mais finalement je laissai mes doigts s’attarder dans la fente qui les séparait jusqu’à ce que je sente ses poils. Sa respiration devint plus laborieuse. Je me scandalisais moi-même. J’étais pétrifiée. » (Anamika à propos de son amante Rani, p. 36) ; « Je la regardai droit dans les yeux, comme si mon doigts n’était pas relié à ma personne. » (Anamika parlant de son amante Sheela, idem, p. 97) Avec le motif de la main coupée, on touche d’emblée à la nature schizophrénique du désir homosexuel, un élan qui éloigne du Réel et de la conscience des actes : « Mon cerveau commande un truc. Ma main fait autre chose. » (Francis, le héros homo, dans la pièce Hors-piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt)

 

La violence des mains est parfois plus assumée. Par exemple, dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral, le personnage de Paola (joué par le comédien) menace de couper les doigts aux filles de la salle.

 
 

b) Les gants :

On retrouve les gants en lien avec l’homosexualité dans la chanson « Les Gants noirs » de Charles Trénet, la pièce La Dame aux longs gants gris (1971) de Tennessee Williams, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « Huit femmes » (2002) de François Ozon (avec Pierrette, la femme fatale retirant ses gants « à la Rita Hayworth »), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec les gants en caoutchouc enlevés comme on s’ôte rapidement un crime de la conscience), le roman El Beso Del La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd (avec les gants rouges), la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou, le film d’animation « Piano Forest » (2009) de Masayuki Kojima (avec les mains gantées de Shûhei), le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville (avec le gant blanc), la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi (avec les gants en dentelle de Jeanne), la pièce Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy (avec le gant d’Éponyme, qui s’anime tout seul), le film « Warum, Madame, Warum » (« Pourquoi, Madame, pourquoi », 2011) de John Heys et Michael Bidner, etc.

 

Par exemple, dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau, la Bête dit que son pouvoir repose uniquement sur cinq objets : son miroir, son gant, son cheval, sa rose et sa clé d’or. Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Patrick, l’un des héros gays, a oublié ses gants de jardinage dans le salon de la maison d’Hugo, son futur amant, en venant livrer un sapin de Noël : « Il a oublié ses gants tout sales dans mon salon ! » Cela sent l’acte manqué… d’autant plus que la scène d’insertion du sapin dans la maison était une claire métaphore de la pénétration anale entre Patrick et Hugo.

 

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

En général, la main gantée vient maquiller et esthétiser un crime perpétré par la bourgeoise – ou le héros homosexuel qui s’identifie à elle : « La main gauche est gantée par une broderie de sang, et finit par blanchir ses crimes dans l’onde placide. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami en 2003, p. 9)

 
 

c) Le personnage regarde ses mains tachées d’un sang invisible en se demandant, paniqué, ce que ses mains viennent de commettre :

Le motif des mains ensanglantées dont le héros homosexuel ne voit même pas le sang est omniprésent dans les fictions homo-érotiques : cf. le film « West-Side Story » (1961) de Robert Wise, le vidéo-clip de la chanson « Je te rends ton amour » de Mylène Farmer, le roman La Brasa En La Mano (1983) d’Oscar Hermes Villordo, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, les films « ¿Qué He Hecho Yo Para Merecer Esto ? » (« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? », 1984) et « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar, le film « Bodas de Sangre » (« Noces de sang », 1981) de Carlos Saura, la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi, le roman L’Apprenti Sorcier (1976) de François Augiéras, la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis (avec le poster d’une chanteuse femme fatale avec des empreintes de mains ensanglantées sur elle, dans la chambre d’Hugo), le roman Leurs mains sont bleues (1963) de Paul Bowles, le film « Le Rideau déchiré » (« Tom Curtain », 1966) d’Alfred Hitchcock, la pièce Missing (2008) de Nick Hamm (avec le personnage de Gilda), la sculpture La Chambre rouge d’enfant (1994) de Louise Bourgeois (avec les gants rouges), le film « Le Roi Jean » (2009) de Jean-Philippe Labadie (avec les mains ensanglantées), la pièce Amour, gore et beauté (2009) de Marc Saez (avec la reprise de la scène du lavement de mains de Lady Macbeth par Cassandra et Lena), la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan (avec la main égratignée de Cyrano), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec les gants rouges tricotés), le vidéo-clip de la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer (avec une Mylène aux gants rouges, se baladant au cimetière), le film « Atomes » (2012) d’Arnaud Dufeys, etc.

 

Vidéo-clip de la chanson "Je te rends ton amour" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Je te rends ton amour » de Mylène Farmer

 

À la fin du film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1999) de Pedro Almodóvar, Huma Rojo (Marisa Paredes) joue dans une pièce où elle interprète une femme qui a les mains ensanglantées à cause d’un crime qu’elle a commis ; et dans l’intrigue réelle, c’est en effet elle qui est responsable de la mort d’Esteban, car elle a refusé de lui signer un autographe. Dans le film « Action ou Vérité » (1994) de François Ozon, le jeu et les rires cessent immédiatement dès que Rose sort sa main ensanglantée du sexe de sa copine Hélène qui a ses règles. Dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, le protagoniste regarde ses mains ensanglantées après avoir tué son camarade de douche dans des vestiaires publiques. Dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, il est énormément question de mains coupées ou abîmées. Celles-ci suivent les différents stades psychiques par lesquels passe l’héroïne lesbienne Nina : au moment de se blottir contre Veronika, elle dit avoir « les mains moites » ; quand elle se coupe les ongles, elle se fait saigner les doigts, et c’est l’angoisse ; après avoir poignardé Beth à l’hôpital, elle se lave nerveusement les mains et nettoie le couteau ensanglanté. À chaque fois que sa conscience la ronge, en somme, ce sont ses mains qui le payent. Dans le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner, Tal lave ses mains ensanglantées dans l’eau. Le protagoniste de la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan se frotte en vain les mains pour en enlever la merde invisible. Dans le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, Gong-Gil observe avec horreur ses mains ensanglantées après son crime de légitime défense. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Élisabeth a commis un crime sans effusion de sang : elle a tué l’amour entre Agathe et Paul, et s’est ainsi condamnée à tenter de nettoyer sans succès le sang invisible sur ses mains : « Tous les parfums de l’Arabie ne pouvaient pas purifier cette petite main. Élisabeth baissa les yeux et lava ses mains effrayantes. » (la voix-off de Jean Cocteau)

 

Film "Berlin Alexanderplatz" de Rainer Werner Fassbinder

Film « Berlin Alexanderplatz » de Rainer Werner Fassbinder


 

Le protagoniste, impuissant, fixe des yeux ses mains meurtrières rougeâtres, et se les frottent pour en effacer le sang incriminant : « Quoi ?!? Ces mains ne seront-elles jamais propres ?!? » (Lady Macbeth, Acte V, scène 1, dans la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare) ; « Je n’comprends plus pourquoi j’ai du sang sur les doigts. » (cf. la chanson « Beyond My Control » de Mylène Farmer) ; « Rien n’effacera les traces lâches du sang qui court des corps qui se cassent. » (cf. la chanson « Tristana » de Mylène Farmer) ; « Il me semble qu’une main m’a effleuré. […] La main revient sur mon visage. » (Cyril dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, pp. 98-99) ; « Je regardai ma main. Je saignais. Je ne ressentais toutefois aucune douleur, et je me mis à rire. Les éclats semblaient venir de l’extérieur, et pourtant je ressentais leur naissance en ma poitrine. » (idem, p. 210) ; « Et vous discernez les taches qui vous recouvriront les doigts. L’encre ne s’efface pas si facilement. » (idem, p. 171 ; voir également le passage de l’encre comparée au sang rouge, idem, pp. 218-220) ; « Quand on retrouve un individu très énervé, près d’un cadavre et les mains pleines de sang, il y a forcément quelque chose de louche. » (Bryan, déjà mort, en parlant de son copain Kévin agenouillé près de son cadavre, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 450) ; « Ce sont mes mains et mes pieds qui me trahissent. » (Prior se comparant au Christ, dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « Si tu me touches, ta main risque de tomber. » (Louis à son amant Prior, idem) ; « Je ne connais pas d’autre moyen de me réconcilier… avec mes propres mains. » (Töre suite au viol de Karin, dans le film « La Source ou la fontaine de la jeune fille » (1960) d’Ingmar Bergman) ; « Les hommes sont incapables de comprendre qu’on ait du sang sur les mains sans avoir commis de crime. » (Amira Casar à Rocco Siffredi en parlant des menstruations féminines, dans le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat) : « La jeune prostituée s’effondra sur la chaise en formica et se mit à sangloter, se maculant les joues de ses mains inondées du sang de la boulangère. » (Copi, « Madame Pignou » (1978), p. 55) ; « Stephen essuya le sang de sa bouche et vit que ses doigts étaient tachés ; elle les regarda sans comprendre… ce ne pouvait être les siens… comme ses pensées, ils devaient sûrement appartenir à quelqu’un d’autre. » (l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 154) ; « J’ai couru longtemps. Je me suis lavé les mains dans la rivière. C’était juste une dispute. » (Abram, le héros homo, avouant avoir assassiné la Tonka au poignard, dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann) ; « J’avais une petite éraflure au creux de la main, de la taille d’une pièce d’un demi-penny. J’ai gratté la croûte brune et vu avec satisfaction une goutte rouge se former à la surface de ma paume. » (Ronit, l’héroïne lesbienne, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 214) ; « Il n’y a pas eu de points de suture. J’ai lavée la plaie, l’ai refermée avec du sparadrap et j’ai dissimulé le pansement sous ma manche. » (idem, p. 219) ; « Puis Polly se glisse à côté de moi, se recroqueville et se remet à pleurer en regardant ses mains l’une dans l’autre posées sur ses genoux et en chuintant ‘Mais tu te rends compte, je lui ai planté un couteau dans le dos à peine remise de son opération [elle parle de sa rupture avec son amante Claude hospitalisée]. Comme je lui ai fait mal, putain, tu te rends compte que je lui ai planté un couteau dans le dos ?’ » (Mike Nietomertz, Des chiens (2011), pp. 121-122) ; « La flaque de sang s’étendait vers elle sur le carrelage, tachant le bout de ses pantoufles. Jane recula, cherchant à tout prix à l’éviter, et elle s’aperçut tout à coup que sa robe de chambre et sa chemise de nuit étaient déjà trempées. Elle se mit à frotter son corps avec frénésie pour tenter d’ôter les taches rouges, mais ses mains étaient elles aussi couvertes de sang. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 235) ; « Qu’est-ce que vous avez fait ? ’ Anna se tenait sur le seuil de l’appartement des Mann. » (Anna face à Jane, op. cit., p. 236) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, la vue du sang n’est pas connectée à la sensation de douleur ni à la conscience : quand la Comédienne est horrifiée par la blessure à la main de l’Auteur (« Fais voir ? Mon Dieu ! Tu t’es presque sectionné le petit doigt ! Ça te fait mal ? »), ce dernier ne peut que la constater visuellement : « Ça ne me fait pas mal mais ça pisse le sang ! » Dans le vidéo-clip de la chanson « Pour toi j’ai tort » de Jeanne Mas, la chanteuse sanglote après avoir poignardé son amant. Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain, le coiffeur homosexuel, hurle à trois reprises comme une grande folle par rapport au sang qu’il a sur les mains.

 
 

FRONTIÈRE À NE PAS FRANCHIR

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La main coupée :

Photo La Dame masquée de Claude Cahun

Photo La Dame masquée de Claude Cahun


 

Je vous renvoie au documentaire « Les si douces mains de Konstantin G. » (2003) de Kanerva Cederström, au film « Enfances » (2007) de Yann Le Gal (sur Alfred Hitchcock), au dossier entièrement consacré à la main dans l’art homosexuel sur la revue Triangul’Ère 2 (2000) de Christophe Gendron (pp. 454-502), au Masque-empreinte de Jean Cocteau avec une main lui enserrant le cou (1930) exposé à la Cinémathèque de Bercy à Paris, etc. Jean Genet fait référence à la main coupée dans son Journal du voleur (1949) (pages 24 et 33). En Chine, la littérature désigne les amitiés particulières homophiles comme « l’amour de la manche coupée » (Michel Larivière, Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), p. 36). Il est, à ce titre, très étonnant qu’un article intitulé « Un Couple manchots gays adopte un petit avec succès », publié dans le journal le Monde (le 3 juin 2009), et défendant le droit à l’adoption des « familles » homoparentales, fasse le rapprochement entre les manchots et les sujets homosexuels… Pas banal ! Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, une femme géante nocturne vient annoncer à Bertrand Bonello dans son sommeil, en murmurant à son oreille, qu’il va mourir : « Répète après moi : ‘Je vais mourir d’un sectionnement des mains.’ »

 

Il existe un lien entre homosexualité et main cassée. L’exemple le plus clair est la position de la « théière » ou du « poignet cassé » habituellement attribuée aux hommes homos efféminés (cf. le documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra). « Quand j’ai commencé à m’exprimer, à apprendre le langage, ma voix a spontanément pris des intonations féminines. Elle était plus aiguë que celle des autres garçons. Chaque fois que je prenais la parole mes mains s’agitaient frénétiquement, dans tous les sens, se tordaient, brassaient l’air. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 27)

Jacques d'Adelswärd-Fersen

Jacques d’Adelswärd-Fersen


 

J’analyse le code de la main coupée comme un désir de s’éloigner du Réel et de rejoindre la pulsion : « Je voudrais me débarrasser de mes mains. Abolir le toucher. » (Yukio Mishima, Correspondance 1945-1970, p. 46) ; « Je ne me lavais plus les mains quand elles étaient imprégnées de l’odeur de leurs sexes, je passais des heures à les renifler comme un animal. Elles avaient l’odeur de ce que j’étais. » (Eddy Bellegueule simulant des films pornos avec ses cousins dans un hangar, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 154-155) ; etc. D’ailleurs, on peut retrouver dans le discours de certains sujets homos la main invisible en tant que métaphore de l’assujettissement à son propre désir homosexuel, métaphore du vol sexuel : « En 2004, j’ai entrepris un voyage inouï : j’ai décidé de passer du monde des hommes à celui des femmes. […] Une main invisible semblait abattre les uns après les autres les obstacles qui se trouvaient devant moi ; je n’étais pas sûre que cette main ne soit pas celle du démon. » (Patricia, femme lesbienne, citée dans l’autobiographie Libre (2011) de Jean-Michel Dunand, p. 150) ; « Comment une vie bascule à travers une main qui s’aventure… Je suis devenue une vraie femme. » (Thérèse parlant de sa toute première fois lesbienne, où une ancienne camarade de classe dévergondée l’a dépucelée, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « La présidente a la main leste. » (la Mère supérieure des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, dans le documentaire Et ta sœur (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin) ; etc.

 

J’ai constaté, parmi mes amis et connaissances homosexuels, qu’il y a un certain nombre (d’incorrigibles ?) tripoteurs, aux mains très baladeuses, qui, sans demander l’avis à la personne qu’ils touchent, tâtent (c’est le cas de le dire !) le terrain – toujours sous le couvert du jeu, de la camaraderie, du massage, ou du bien-être (« Je t’ai mis une main au cul ou sur l’épaule… mais c’est pas ce que tu crois… c’est parce que je suis très tactile ! » assurent-ils). Ces soi-disant « amis du plaisir et des corps » sont en général des hommes qui, bien avant de « se lâcher » et d’ouvrir leurs vannes corporelles à Monsieur-Tout-le-Monde, ont été et restent paradoxalement très mal dans leur peau : trop excités et impudiques pour être véritablement en paix avec eux-mêmes, ces mendiants d’amour, en mettant leur main sur vous, sont finalement prêts à donner la leur à n’importe qui pour se laisser abuser. Ils prêchent corporellement le faux pour savoir le vrai, abolissent un universel (celui des gestes amoureux) pour imposer le leur, testent jusqu’où ils peuvent aller dans la violation de votre intimité, vous forcent à obéir à leur propre code gestuel sans respecter votre liberté… parce qu’eux-mêmes ont jadis été certainement forcés et violentés. Ce qui me fait dire que l’attitude de leur main trahit chez eux l’existence d’un viol, c’est que malgré tout, il suffit qu’on ne leur permette pas le moindre attouchement ambigu, même présenté comme amical, pour qu’ils réagissent à fleur de peau, souvent avec cynisme (« Dis donc… T’es sensible, toi ? »), mais qu’après, ils comprennent très vite la leçon et se montrent d’une délicatesse, d’une méfiance, et d’un respect exemplaires, qui font de vous des princes (si vous vous étiez laissés faire, ils vous/se transformaient illico presto en prostituée(s)… mais en résistant à leurs mains coupées, on leur a prouvé qu’on n’était pas des filles faciles ! et ils y sont très sensibles !)

 

Photo de Laurent Askienazi

Photo de Laurent Askienazi


 

Je pousserai plus loin mon raisonnement sur les liens entre la main tranchée et les abus sexuels en affirmant que la main peut aussi faire office de sexe postiche lors de certaines pratiques génitales anales (très minoritaires : du moins, j’espère !), et donc d’instrument du viol : je pense par exemple à l’insertion du poing fermé dans l’anus lors des fist-fucking.

 
 

b) Les gants :

Après les mains coupées, les mains coupantes ! Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, est très attaché à son gant aux doigts métalliques qui lui font ressembler à une dangereuse féline comme Edward aux mains d’argent. Il le recherche partout chez son ami Liniker et n’arrive pas à remettre la main sur ce gant futuriste ayant appartenu à Ney Matogrosso. Cela le désespère : « C’est mon porte-bonheur depuis longtemps. » Finalement, on apprend que c’est son pote Jup (lui aussi travesti) qui le lui a dérobé pour lui jouer un mauvais tour.
 

 

Les gants sont source de fantasme érotique chez certaines personnes homosexuelles : « Ce sont les mains masquées qui comptent. » (Julien Green en parlant de son goût pour les gants, dans l’émission Apostrophe, sur la chaîne Antenne 2, le 20 mai 1983) ; « C’est le retour de la main gantée. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 15) ; « Vous savez ce que je nomme ‘gants du ciel’. Le ciel pour nous toucher sans se salir met parfois des gants. Raymond Radiguet était un gant du ciel. Sa forme allait au ciel comme un gant. Lorsque le ciel ôte sa main, c’est la mort. Prendre cette mort pour une mort véritable serait confondre un gant vide avec une main coupée. » (Jean Cocteau dans une lettre à Jacques Maritain en 1923) ; « Au niveau du fétichisme, j’avais des gants et des bottes en caoutchouc qui ajoutaient à mon excitation. » (un ami homosexuel de 52 ans, dépendant de la masturbation, me racontant sa fascination pour le cuir, dans un mail datant du 19 octobre 2013) ; etc.

 

Il arrive même qu’ils soient considérés comme des personnes humaines : « Tu as oublié tes gants. Je les ai montés dans la chambre et je les ai embrassés. » (Jean Cocteau s’adressant à Jean Marais, dans le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) Yves Riou et Philippe Pouchain)

 

Il suffit de voir, de la part de beaucoup de personnes travesties, leurs nombreuses imitations de la lascivité d’une actrice hollywoodienne telle que Rita Hayworth, retirant lentement ses gants comme si elle faisait un strip-tease complet (cf. le film « Gilda » (1946) de Doris Fisher et Allan Roberts ; on pourrait aussi faire référence à Marilyn Monroe), pour comprendre que la communauté homosexuelle a vu dans les gants les premiers préservatifs !

 

Film "The Cost Of Love" de Carl Medland

Film « The Cost Of Love » de Carl Medland


 

La main (tout comme le pieds) est l’un des seuls membres du corps humain qui nous renvoie au Réel, qui nous rappelle ce qu’est le Réel. C’est peut-être pour cela que beaucoup de personnes homosexuelles, ayant un rapport conflictuel au Réel et au corps, s’en prennent à elle. « Seuls les trahissent leurs mains, d’ailleurs presque toujours gantées, et leurs pieds, anormalement grands pour une femme. » (Jean-Louis Chardans décrivant les travestis M to F, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 38)

 
 

c) Certaines personnes homosexuelles regardent leurs mains tachées d’un sang invisible en se demandant, paniquées, ce que leurs mains viennent de commettre : elles ont du mal à connecter leurs mains à leur tête

N.B. : Je vous renvoie également à la partie « Schizophrénie » du code « Doubles schizophréniques », au code « Emma Bovary « J’ai un amant ! » », et à la partie sur le « Relativisme manichéen » du code « Se prendre pour le diable », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Le sang invisible sur les mains, ou le sentiment de ne plus avoir de main, est décrit par certaines personnes homosexuelles réelles. Par exemple, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » (diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013), Jacques Viallatte, le romancier de 61 ans, a découvert son homosexualité à 34 ans (alors qu’il était marié avec 4 enfants) avec le coiffeur (marié et homo) de sa femme. Et ça semble être venu des mains : « Je rentre dans ce salon de coiffure… et bingo ! Je vois cet homme. Ce coiffeur. J’ai plus mes jambes. Je commence à transpirer des mains, alors que même sur ce plateau, je ne transpire pas des mains. Un coup de foudre. »

 

Le sang manuel non-perceptible ou l’impression de coupure de la main renvoie en général à des actes mauvais dont elles ne veulent/peuvent pas porter la responsabilité, ou à des désirs sombres qui ne les rendent pas libres : « J’ai frotté les taches de sang sur la moquette. Mission impossible, le sang ne s’efface pas. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), pp. 97-98) ; « Le coupable, c’est votre main. » (Jean Cocteau cité dans l’essai L’Enfant voleur (1966) de Jean-Pierre Lausel, p. 42) ; « Mon père puait la mort. Ses mains, surtout. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 34) ; « Quand j’essaie de me remémorer les années où j’étais au collège, je me rappelle seulement de ma main sur d’autres garçons, rarement et seulement s’ils me le demandaient, mais je ne me rappelle de la main d’aucun d’entre eux sur moi. » (J. R. Ackerley dans son autobiographie Mon Père et moi (1968), cité sur le site Isla de la Ternura, consulté en janvier 2003). Par exemple, dans son Journal (2008), Jean-Luc Lagarce raconte un de ses plus terribles cauchemars, dans lequel une main (« celle de la mort » écrit-il) brisait une vitre pour venir l’empoigner. Dans le docu-fiction Le Projet Laramie (2012) de Moisés Kaufman, il est raconté qu’un jeune comédien gay du Wyoming a joué au théâtre le rôle de l’assassin dans une représentation théâtrale de MacBeth.

 

Ce déni de la gravité de leurs agissements – illustré par le motif de la main coupée – engouffre la plupart des personnes homosexuelles dans le mensonge et l’angoisse de la schizophrénie : « Si un jour tu découvres pourquoi je me suis conduit de la sorte, dis-le-moi. » (James Dean suite à une attitude incorrecte qu’il a eue envers son ami Stern, cité dans la biographie James Dean (1995) de Ronald Martinetti, p. 177) ; « De quel droit écrivais-je tout cela ? De quel droit faisais-je de telles entailles à l’amitié ? Et vis-à-vis de quelqu’un que j’adorais de tout mon cœur ? » (Hervé Guibert, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), p. 106) ; « Pourquoi tant d’agressivité, oui pourquoi ? […] Moi, je n’ai rien fait de mal. » (Christine Angot, Quitter la ville (2000), p. 30 et p. 79) ; « Les actes de Genet sont à la fois des poèmes et des crimes, parce qu’ils sont longtemps rêvés avant d’être commis et qu’il les rêve encore en les commettant. » (Jean-Paul Sartre, Saint Genet (1952), p. 183) ; « Nous avons été des déclencheurs, mais nous n’avons jamais voulu ça. Nous avons eu tort et nous avons créé des ghettos et Guy m’a dit, la dernière fois où nous nous sommes vus, au milieu des années 80 : ‘Nous sommes allés trop loin. » (Philippe Guy, cofondateur du FHAR avec Guy Hocquenghem, cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 294) Dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), Brahim Naït-Balk, juste après avoir traîné dans les saunas, a peur que ses actions se voient physiquement sur lui : « Je craignais de rentrer à la maison. Je me demandais comment mes frères et sœurs allaient réagir, comme si la faute que je venais de commettre avait laissé une tache sur mon visage. » (p. 45)

 

Au bout du compte, c’est une vraie souffrance – faussement indolore – que celle de l’éloignement du Réel et de ses actes, aussi graves et lourds à porter soient-ils. Reconnaître le sang sur ses mains (sans « s’en laver les mains » comme l’a fait Ponce Pilate), c’est finalement être libre, comme le déclare le chanteur du groupe Blankass dans la chanson « La Couleur des blés » : « Un peu plus de sang sur les doigts, mais c’est ça le paradis ! » La responsabilité n’est que la conséquence de notre formidable liberté. Puissions-nous avoir la chance de le comprendre !

 
 

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Code n°112 – Manège (sous-codes : Fatigue d’aimer / Ennui / Infidélité)

Manège

Manège

 

NOTICE EXPLICATIVE

Voici venue l’heure du procès de l’« amour » homosexuel… ou l’heure de répondre au « Pourquoi ça marche moyen et ça use le cœur ? ».

 

Sans ironie aucune, je suis très admiratif des couples homosexuels de mon entourage qui s’efforcent de durer. Non pas parce qu’ils m’emballeraient et que je les jalouserais en secret, mais au contraire parce que je les plains sincèrement, et que je trouve que cela relève du miracle (ou plutôt de l’entêtement volontariste, jusque-boutiste !) que de parier sur la force du désir homosexuel, par essence fragile et lâche, pour se lancer dans la périlleuse aventure de l’Amour ! Cela relève de l’inconscience que d’essayer de concrétiser un genre d’amour que le Réel a en partie quitté. Rendre aimant et puissant un désir homosexuel qui ne l’est pas totalement oblige à faire plus d’efforts que dans un couple qui intègre la différence des sexes, à élaborer à la force de l’intellect (et du déni !) une structure conjugale qui restera défaillante sur bien des domaines (je ne me centre absolument pas sur la procréation quand je dis cela ; bien avant celle-ci, je parle de la faiblesse des raisons premières qui ont motivé la formation des couples homos) ; cela oblige aussi à mettre encore plus le paquet sur la sincérité et le maquillage des limites objectives de l’union homosexuelle. Et même avec la conscience de ces limites-là, je crois que l’amour homosexuel, qui repose essentiellement sur deux immaturités, sur la rencontre de deux blessures narcissiques, sur la notion de devoir conjugal plus que de nature et de simplicité, qui abuse des béquilles telles que les sentiments, la génitalité, et le sens de l’engagement (si peu développé dans les rangs homosexuels, il faut le reconnaître), reste au final peu viable, voire épuisant. Alors OUI, je plains l’opiniâtreté des couples homosexuels.

 

Il y a diverses manières de montrer qu’on tire la langue et qu’on est insatisfait de ce qu’on vit quand on rentre dans le pétrin/le désert du couple homo : l’infidélité, la dépression, la mélancolie, l’agacement, la sur-activité, l’indifférence, la possessivité, le surinvestissement sur les goûts et le matériel, la désinvolture, la rupture entre corps et sentiments, etc. C’est de tous ces symptômes de faiblesse du désir homosexuel – qui mérite à peine la dénomination de « désir » d’ailleurs, tellement il indique plutôt chez l’individu qui le ressent un manque de désir – que je vais me pencher maintenant avec vous.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Liaisons dangereuses », « Appel déguisé », « Cirque », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Désir désordonné », « Oubli et amnésie », « Sommeil », « Morts-vivants », « Éternelle jeunesse », « Fusion » et « Poupées », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

Essoufflés

 

MANÈGE 1 Cocteau et Marais

Jean Cocteau et Jean Marais


 

Contre toute attente, le sentiment d’étrangeté exprimé par la société concernant l’amour homosexuel est aussi ressenti par les personnes homosexuelles elles-mêmes. Dès qu’elles s’adonnent à leur désir homosexuel, dès qu’elles rentrent dans le cercle vicieux de la justification (en actes) d’une identité homosexuelle essentielle et d’un projet de couple, la gêne se mêle au volontarisme, la tristesse à l’optimisme forcé, la fatigue et l’énervement à l’épanchement attendri.

 

Je reste intimement persuadé qu’y compris le plus homosexuel des individus n’arrive pas à se projeter complètement dans une vie conjugale homosexuelle, quand bien même il cohabite depuis très longtemps avec son compagnon, et qu’il assure qu’il s’est très bien fait à l’idée que le couple homosexuel était quelque chose de tout à fait naturel. Au fond, il se juge presque toujours moins ridicule au côté d’un membre du sexe « opposé » que dans les bras de son jumeau du même sexe. Il éprouve une sorte de tendresse mêlée à de la mélancolie en regardant les photos de son couple si particulier… mais il n’en est pas intimement fier. Il a peine à appeler son copain « chéri » sans s’en excuser ou tourner la formule en dérision. Je crois que tout Homme a au fond de lui le pressentiment que l’amour véritable ne choisit pas comme cadre privilégié le couple homosexuel ou hétérosexuel, mais qu’il a besoin d’être appuyé concrètement et symboliquement par la durée et le désir, d’être surtout signe de paix et de joie pour tout le monde – et pas seulement pour son couple ou pour une communauté culturelle réduite –, et que s’il n’est pas pleinement ce signe-là, c’est qu’il est en partie dénaturé. Cette connaissance partielle de l’identité de l’amour profond est ce qui nous remplit de bonheur quand nous vivons de lui, et d’amertume quand nous n’en vivons pas exactement.

 

Les personnes homosexuelles connaissent en général la vérité de leurs couples. Mais trop préfèrent rester avec leur partenaire par peur de l’abandon, par charité, ou crainte de le faire souffrir. « Il m’épuisait, je t’assure, mais je le supportais à cause de ma solitude et de sa grande gentillesse. » (Denis Daniel, Mon Théâtre à corps perdu (2006), p. 117) Si l’amour les déchire ou les assomme, elles se doutent que c’est probablement parce qu’elles l’attendent là où il n’est pas exactement, car l’amour, le vrai, nous dynamise, nous simplifie et nous pacifie toujours. En amour homosexuel, on dirait que nous pleurons davantage l’absence d’amour que l’amour lui-même, l’illusion que la Réalité. Quand une histoire d’amour se termine pour les personnes homosexuelles, on les entend souvent affirmer qu’elles ne croient plus en l’Amour, que celui-ci ne doit sûrement pas être fait pour elles. Mais en vérité, ce n’est pas en l’Amour qu’elles ne croient pas. C’est uniquement en l’amour homosexuel, même si beaucoup n’en ont pas encore conscience car elles amalgament les deux amours sous le même vocable. Les personnes homosexuelles ont toujours cru en l’Amour vrai, … et elles ont bien raison, puisqu’Il existe ! … pas forcément comme elles L’imaginent, mais oui, il existe bel et bien, et pour chacune d’elles spécialement ! L’amour ne délaisse aucun être humain.

 

Le bilan sur le couple homosexuel qu’on a l’occasion d’entendre de la part des personnes homosexuelles de notre entourage, est sensiblement le même : en amour, très peu ont trouvé/trouvent ce qu’elles cherchaient/cherchent. C’est comme si l’insatisfaction concernant le couple homosexuel (mais c’est sensiblement pareil pour le couple hétérosexuel) était généralisée. Quand bien même elles s’estiment parfois très bien servies, elles exposent à un moment ou un autre la vanité de leur désir et souffrent sur la durée des affres du désenchantement amoureux. Quelquefois, le retour en arrière sur leur parcours sentimental, même s’il n’est pas désespéré, leur donne le vertige. Certaines se fourrent dans de beaux draps en s’engageant dans une relation avec une personne qui semble les aimer davantage qu’elles ne l’aiment. Elles la trouvent « bien », l’apprécient « beaucoup », ont « énormément d’affection pour elle », c’est sûr… mais ne sont pas vraiment emballées ni spontanément attirées par elle. Elles expérimentent souvent un décalage culpabilisant, paniquant. Elles voudraient en théorie combler le vide horrible de leur célibat, et pourtant, dès qu’il y a quelqu’un dans leur vie, elles étouffent, et se demandent pourquoi on ne leur fiche pas la paix !

 

Les couples homosexuels qui tirent la langue après plusieurs mois de vie commune – voire des années quand ils sont volontaristes – ne manquent pas autour de nous, au point que certains finissent par croire que pour eux, les histoires d’amour finissent toujours mal, et qu’elles ne sont pas faites pour aimer. Presque toutes les personnes homosexuelles qui sont « casées » laissent la même impression : l’un des deux partenaires du binôme tente de draguer ailleurs (c’est quasi systématique chez les couples d’hommes), et l’autre s’accroche comme il peut. De temps en temps, l’amour homosexuel paraît aussi fort que l’amour femme-homme, mais à la longue, il semble être plus compliqué et plus lourd à porter. Comme l’exprime Jean-Louis Bory dans La Peau des zèbres (1969) par une élégante tournure euphémisante, l’union homosexuelle « est surtout une histoire d’amour, aussi simple et terrible que n’importe quelle autre histoire d’amour. Un peu plus difficile, c’est tout. » Ce qui marque dans la majorité des couples homosexuels que l’on côtoie, ce sont la fatigue et l’ennui. Le même scénario étrange semble se reproduire à l’infini d’une union à l’autre : l’un des partenaires est malheureux, l’autre s’ennuie ; l’un en fait trop, l’autre pas assez. Et au bout d’un moment, la cocotte-minute implose… En mélangeant l’amour et l’amitié, certaines personnes homosexuelles s’imposent le statut instable et harassant du passionné qui croit vivre dix coups de foudre à la seconde. Elles tombent passionnément amoureuses de « l’homme (ou de la femme, pour les personnes lesbiennes) de leur vie », et quelques mois plus tard, les limites de chacun des partenaires ne manquant pas d’apparaître, naissent la déception, la dépression, la séparation, … puis après un temps de deuil « éthiquement correct » mais non réparateur, elles s’en retournent à une autre case « départ », et se lancent frénétiquement vers une similaire et épuisante recherche de « l’âme sœur » qui les dégoûte chaque fois davantage de l’amour (qu’elles croient) « véritable ».

 

Peu de personnes homosexuelles s’expliquent leur insatisfaction en amour. Leur amant semble pourtant de l’extérieur parfait, prévenant, disposé à faire des efforts sans doute encourageants, … mais au fond, disent-elles, « c’est toujours pas ça » : il est « bien » sans être « le meilleur », convenable sans être irremplaçable (or l’Amour, Lui, nous donne toujours une personne géniale et irremplaçable à aimer !). Étant donné qu’elles se placent très souvent en victimes d’amour, elles ne tirent généralement pas les conclusions qui s’imposent sur le désir homosexuel, si bien que le mystère finit par s’épaissir. Malgré toute la sincérité du monde et l’apparente concordance de deux désirs, il y a un grain de sable dans l’engrenage de l’union homosexuelle, comme si l’amour, le vrai, ne se construisait pas uniquement à coup d’intentions et d’impressions d’amour partagées à deux : « Je me promets que cette fois, allons, puisque je l’aime et qu’elle m’aime, du moins nous le disons-nous, il devrait être possible de le faire. La lutte est interminable, mais il y a quelqu’un en moi qui ne veut pas, ne peut pas, n’ose pas, meurt de peur et frémit de plaisir. […] Je sais bien que si nous le voulions vraiment l’une et l’autre, la question ne se poserait plus. Qu’est-ce qui nous retient ? Impossible de le comprendre. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003) p. 45)

 

Si beaucoup de personnes homosexuelles se sentent aussi mal en amour, c’est à mon avis parce qu’elles ne se sont pas interrogées sur leur désir profond. Elles souhaitent ardemment un amour, non pas tant parce qu’elles le désirent véritablement que parce qu’il appartient/appartiendrait à un autre (« l’hétérosexuel », « l’homosexuel », Dieu, etc.) et qu’il leur est/serait inaccessible. Une fois qu’elles obtiennent ce que leur désir de surface commandait, elles ne le veulent plus. « Ne le répétez pas, je trouve que les lesbiennes ne sont pas désirables. » (Cathy Berheim, idem, p. 132) Il ressort que celles qui ne sont pas « casées » ne rêvent en général que d’une chose – être casées –, et que celles qui sont déjà « casées » n’attendent que l’occasion de se débarrasser de leur amant(e) pour s’émanciper enfin. Elles aiment ce qu’elles n’ont pas et n’aiment pas ce qu’elles ont. Les seules personnes dont elles tombent véritablement amoureuses ne peuvent pas les aimer d’amour en retour puisqu’elles sont soit déjà prises, soit « hétérosexuelles ». Ce qui les attire, ce n’est pas d’abord l’Amour : c’est son impossibilité.

 

Pour moi, le désir homosexuel n’aide pas les individus qu’il habite à se poser la question de leurs désirs profonds. Il faut toute une vie à un Homme pour apprendre à aimer. Mais bien souvent, les personnes homosexuelles, en croyant aimer mieux que les autres qui les auraient si mal reconnues, se pensent exemptées du travail d’apprentissage collectif et patient de l’amour, si bien qu’elles arrivent souvent précipitamment sur le terrain des relations amoureuses en ayant grillé certaines étapes et sans connaître les règles de base du jeu aimant respectueux. Dans le film « Tableau de famille » (2002) de Ferzan Ozpetek, par exemple, Antonia répète à trois reprises à Michele, l’amant de son mari, une phrase à laquelle celui-ci ne sait pas quoi répondre tellement elle est juste : « Tu ne sais pas aimer ! » On retrouve cette idée dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow (« Ça ne durera pas, votre histoire à Paul et à toi, parce que toi, tu ne sais pas aimer. » dit Marie à Sébastien), dans la chanson « La Vie continuera » d’Étienne Daho (« Aimer tu ne sais pas. »), ou bien encore dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (« Tu ne sais pas aimer ! » dit Prior à son amant Louis). Il suffit de regarder la majorité des individus homosexuels (ou hétérosexuels) gérer leurs aventures sentimentales pour se rendre compte que, quoi qu’ils en disent, il n’y a pas de place pour un conjoint dans leur vie, et qu’ils ne se sont pas encore assez préparés à l’accueil de l’amour. Ils sont d’ailleurs les premiers étonnés de constater, une fois « casés », que non seulement rien n’a changé à leur insatisfaction d’être et d’aimer, mais qu’ils se sentaient mieux célibataires qu’aussi mal accompagnés. Quand nous voyons la plupart d’entre eux s’amouracher de n’importe qui à n’importe quel moment, pour finir déçus ou détruits les trois-quarts du temps, on a de quoi de penser qu’ils n’ont pas suffisamment compris comment il fallait s’y prendre en amour. Je suis certain qu’ils sauraient aimer de manière plus mûre dans d’autres circonstances et structures conjugales que les couples hétérosexuel et homosexuel : ils aiment mal (ou « moyen ») seulement quand ils s’obstinent à vouloir aimer à travers le modèle du couple fusionnel androgynique.

 

Ce qui me rend le plus sceptique quant au couple homosexuel, c’est le manque de foi en l’amour exprimé par la majorité des personnes homosexuelles, qui plus est par celles qui sont le moins bien placées pour s’y abandonner puisqu’elles vivent/vivraient depuis très longtemps avec « l’homme (ou la femme) de leur vie ». Ces dernières nous rabâchent souvent avec la vacuité de l’amour, parce qu’au fond, elles ne le connaissent pas vraiment. Elles appellent « amour » ce qui n’en est pas exactement, pour ensuite salir le nom du véritable amour en maugréant qu’elles auraient « aimé ne jamais le rencontrer » une fois qu’il serait parti et les aurait lâchement abandonnées. Selon elles, l’amour n’est que mensonge, regret, plaisir fugace à consommer au plus vite avant la date de péremption, illusion temporaire vécue à deux. Elles le mettent presque à chaque fois sous le signe de la trahison, du désenchantement, de la rêverie, de la consommation, et de la mort. Elles justifient en général leur perte de croyance en l’amour par le cynisme agressif : en s’appuyant sur l’autorité de leur sacro-sainte « expérience sentimentale et sexuelle », elles descendent en flèche les stéréotypes romantiques de l’amour idéal. Aimer, ce serait « cucul », typiquement adolescent (ou uniquement pour les « vieux » soumis à la tradition), toujours sujet à nuance, impossible : elles n’auraient plus l’âge pour ces niaiseries. Les cyniques de l’amour sont bien tous les mêmes : ils n’ont jamais renoncé au rêve du prince charmant en le condamnant chez les autres – qu’ils surnomment « idéalistes » ou « sentimentaires ».

 

Au lieu de remettre en cause le sens social de la structure du couple homosexuel ou hétérosexuel, beaucoup de personnes homosexuelles s’empêtrent dans la recherche des causes périphériques des problèmes internes à leur union. Généralement, toutes les fois où elles expérimentent les déficiences de l’amour homosexuel, elles ont tendance à se déresponsabiliser complètement, et à charger excessivement la barque de leur amant, en vidant justement de relationnel ce qui n’est prioritairement que relation : l’amour. Elles (s’)expliquent la baisse d’intensité des sentiments ou la rupture à travers tout un tas de raisons plus ou moins plausibles (« Si ça n’a pas marché entre nous, c’est à cause de mon/son foutu caractère, c’est parce que je n’avais pas fait le deuil de mon ex, c’est parce qu’on ne s’est pas rencontrés au bon Moment, c’est à cause de mon/son manque de maturité, de l’éloignement géographique, de la divergence de nos goûts, de la différence d’âges, de la routine, de ma/sa fougue amoureuse, de la baisse de mes sentiments, de ma/sa possessivité maladive, de mon/son indifférence, de mon/son incapacité à aimer quelqu’un, etc. »), raisons qui ne poseraient plus du tout problème si l’amour était effectivement là, et qui en revanche deviennent des excuses de poids pour la répudiation quand l’amour n’est pas là, et que son manque n’est ni reconnu ni dé-moralisé. La personnalisation des limites observées dans le couple homosexuel, insensée puisque celles-ci sont d’abord le résultat de la nature du désir homosexuel avant d’être une question de mérite et de valeur de personnes en particulier, n’aboutit qu’à une culpabilisation ou une déculpabilisation excessive qui ne fait que reporter les problèmes conjugaux à la prochaine aventure amoureuse. Seuls les acteurs changent. Pas la comédie.

 

Quand la séparation se profile dans le couple homosexuel, ce qui arrive relativement souvent, elle se traduit généralement par l’infidélité ou le contournement de la monogamie, à travers ce que certains appellent pompeusement les « polysexualités » (le triolisme, l’échangisme, les « plans cul » à plusieurs, etc.). Peu de personnes homosexuelles abordent concrètement les dégâts considérables de la pratique de l’infidélité au sein de leurs unions (la suspicion et la perte de la confiance entre amants, la souffrance de vivre partagé, le cercle vicieux de la vengeance, la schizophrénie qu’impose la double vie clandestine, l’angoisse de l’abandon, la déception de ne pas combler l’autre, la déréalisation de la relation d’amour, la séparation traumatisante du corporel et du sentimental, la carence du modèle culturel de la fidélité et ses conséquences désastreuses sur le moral des troupes, etc.). Ces désagréments sont presque toujours noyés dans un discours dédramatisant (cf. le dossier « Tous infidèles ? » dans la revue Têtu, n°65, mars 2002). Certes, il est intellectuellement envisageable que l’infidélité sexuelle soulage dans un premier temps certains couples homosexuels. Elle a les avantages de ses inconvénients : parce qu’elle ne responsabilise pas, elle ne met à première vue aucune pression sociale ou conjugale ; parce qu’elle n’est pas qualitative, elle fournit l’ivresse de la quantité ; parce qu’elle est anonyme, elle permet l’impunité et la discrétion ; parce qu’elle n’unit pas les deux partenaires, elle offre une perspective de rupture de contrat simple et immédiate. En réalité, elle reconduit les problèmes conjugaux, et fonctionne comme un coup de poignard ressenti après coup par les deux partenaires qui s’étaient pourtant mis d’accord pour banaliser la force du choc. À mon avis, il n’est pas de plus profonde blessure humaine que d’être trahi en amour et utilisé comme un objet ou un « à-côté », d’autant plus quand nous acquiesçons au contrat de consommation mutuelle.

 
 

L’extériorisation des problèmes conjugaux

 

Peu de personnes homosexuelles osent émettre des doutes sur la valeur de leur union, parce que la plupart cherchent à défendre coûte que coûte leurs utopies d’amour. Nous les voyons parfois essayer de blanchir le portrait de leur couple, de retirer fiévreusement les taches. Dans un processus inconscient d’autocensure de l’insatisfaction, elles se disent intérieurement qu’elles n’ont pas le droit de cracher dans une soupe peu savoureuse qu’elles ont jadis réclamée à cor et à cri. S’enclenche en elles la mécanique perverse de la dette pour un cadeau dont elles ne voulaient pas entièrement mais « juste un peu », celle qu’elles se doivent de défendre si elles sont logiques avec elles-mêmes (et surtout avec leur orgueil !). Elles s’évadent alors dans le désenchantement amoureux, rejetant leurs fautes sur le monde extérieur pour éluder les bonnes questions. Elles se disent que leurs problèmes conjugaux viennent intégralement des autres.

 

La comparaison au mauvais exemple « hétérosexuel » fait souvent diversion. Quand leur est formulé un reproche avéré sur leurs comportements amoureux, beaucoup de personnes homosexuelles ont systématiquement coutume de se rassurer en disant « … Oui mais ce n’est pas propre aux homos : chez les hétéros, c’est pas mieux… ! » ou bien « Tout ça, c’est à cause de la société ! », ce qui n’est sûrement pas totalement absurde, puisque le couple hétérosexuel est une copie intentionnellement inversée du couple homosexuel, et un produit improbable d’une certaine société totalitaire. Mais au lieu de permettre l’analyse, cette attitude déplace le nécessaire débat sur le désir homosexuel et sur la reconnaissance de leur possible contribution à l’actualisation de celui-ci, vers le « pourquoi » et la distribution démobilisatrice des culpabilités. En plus, elles ne s’appuient en général que sur les mauvaises références de couples femme-homme (c’est-à-dire les couples hétérosexuels) en occultant les bonnes. Cela leur permet d’une part de justifier qu’il y a toujours pire qu’au pas de leur porte, et d’autre part de ne porter aucun regard critique et respectueux sur elles-mêmes, ni sur les couples femme-homme solides.

 

Pour neutraliser les critiques sur l’amour homosexuel, beaucoup de personnes homosexuelles extériorisent systématiquement les problèmes de leur couple, et font passer la mésentente amoureuse pour un processus purement circonstanciel : si les couples homosexuels n’arrivent pas à perdurer, ce serait uniquement parce que la société ne les encouragerait pas, et qu’ils seraient empêchés par la cruauté gratuite des Hommes.

 

Cette extériorisation dramatisante est particulièrement illustrée par le cinéma actuel, à travers la focalisation quasi automatique sur les catastrophes humaines et les crimes dits « homophobes » dans le traitement de l’homosexualité. Beaucoup de réalisateurs justifient la force de l’union homosexuelle par l’oppression ultra-violente qu’elle subirait. C’est justement ce besoin de prouver l’amour par ce qui n’en est pas un qui, à nos yeux, devrait devenir suspect, même si à présent, cette propagande de l’homosexualité par la récupération des grands drames humains conquiert de plus en plus de cœurs.

 

Quand nous voyons des films traitant de l’homosexualité et choisissant pour toile de fond des événements terribles venant détruire une romance homosexuelle présentée comme idyllique, nous avons tous envie de dire à la fin de la projection que la spectaculaire catastrophe ou l’agression extérieure rendent les unions homosexuelles, sinon idéales, du moins justifiables, même si dans les faits, ces films sont bien éloignés de la réalité quotidienne des couples homosexuels de chair et d’os. Qui peut essayer de comprendre avec un certain détachement les mécanismes de l’homophobie, après avoir vu un tel carnage d’amour construit sur pellicule ? Qui peut paraître humain de remettre en cause une image d’Épinal de l’amour homosexuel contrebalancée par une violence visuelle assurément percutante, mais ô combien exagérée ? Difficile, par exemple, de ne pas avoir le cœur brisé en voyant sur les écrans le désarroi du mari de Cathy Whitaker dans le film « Loin du paradis » (2002) de Todd Haynes, homme qui n’arrive résolument pas à réprimer ses penchants homosexuels malgré toute la bonne volonté du monde, ou de ressortir du visionnage du « Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee en affirmant la bouche en cœur que l’amour homosexuel n’est pas réel et merveilleux, même si nous l’avons vu entravé. Mais, je vous le demande, est-ce que l’amour ne se manifeste que dans les cas extrêmes où la liberté humaine se rapproche de la nullité ? À travers de tels films, les réalisateurs homosexuels sont plutôt en train d’enfermer l’amour dans un cadre déterministe et fataliste. Ils valident par un regard orienté vers des situations particulièrement dramatiques une vision de l’existence humaine et de l’Amour très négative. Ils énoncent que l’Homme n’est que rarement libre et heureux, et que c’est cela sa Vérité d’Amour. Comment peuvent-ils espérer ensuite que leur défense du désir homosexuel apparaisse aux yeux de la société comme aimante ?

 

Il semble paradoxal de prouver l’Amour par son contraire. Face à ce nouveau type de « films choc » (qui, soit dit en passant, dans leur formule, ne s’opposent pas aux comédies sentimentales et enjouées de l’homosexualité), nous sommes pris entre l’extrême compassion et la méfiance de l’émotionnel, si bien travaillé par le cinéma. Au fond, la révolte et l’empathie ne sont que des effets recherchés par ceux qui créent le mythe du couple télégénique homosexuel heureux pour masquer la réalité d’une union beaucoup moins rose dans les faits. Ils universalisent, en quelque sorte, un méfait opéré sur un personnage télévisuel homosexuel vivant un scénario-catastrophe, pour ensuite justifier leurs utopies personnelles et des revendications concernant la communauté gay très discutables dans la réalité concrète. L’injustice filmée ne laisse pas de marbre, c’est sûr. Mais il y a une sorte de malhonnêteté intellectuelle à traiter de l’homosexualité avec d’autres thèmes qui lui sont liés mais non de manière causale (par exemple la folie meurtrière des camps de concentration, le déferlement incontrôlé de l’homophobie dans certains milieux sociaux culturellement pauvres, une agressivité familiale exacerbée, l’émergence inopinée du Sida, etc.).

 

Ne nous laissons donc pas déborder par nos émotions : écoutons la Réalité, qui est bien meilleure conseillère. En effet, humainement et éthiquement, nous ne pouvons pas cautionner la haine et le mépris, nous sommes encouragés à signer sans réfléchir à des versions idylliques et victimisantes de l’amour homosexuel. Réveillons-nous. Le couple homosexuel n’est pas le couple homosexuel cinématographique.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) Le personnage homosexuel affectionne les manèges, ou bien en parle :

MANÈGE 2 Inconnu du Nord

Film « Strangers On A Train » d’Alfred Hitchcock


 

Il est étonnant de voir dans les fictions homosexuelles quelques références au manège : cf. le film « À mon frère » (2010) d’Olivier Ciappa, la chanson « Presque oui » de Georges et Louis, le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, le film « Two Strangers On A train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Merry-Go-Round » (1977) de Jacques Rivette, le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, l’album « Au tourniquet des grands cafés » (1990) de Jean Guidoni, la chanson « Mon manège à moi » d’Étienne Daho, la chanson « Et tournoie… » de Mylène Farmer, le film « À mon frère » (2010) d’Olivier Ciappa, le film « Cercle vicieux » (2001) de Gary Wicks, la chanson « Lui ou toi » d’Alizée (« Mais mes chevaux de bois sont froids »), le poème « La Murga, Los Caballos » de Néstor Perlongher (« Et si j’arrêtais de croire en leur existence ? » se demande la voix poétique au sujet des chevaux de bois), le film « Manège » (1986) de Jacques Nolot, la chanson « Spinning The Wheel » de George Michael, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, la chanson « Wheel Of Fortune » d’Ace of Base, la chanson « Le Manège » de Stanislas Renoult, le vidéo-clip de la chanson « Sa Raison d’être » du collectif Ensemble contre le Sida (avec la chanteuse Zazie sur son manège), la chanson « Merry-Go-Roud » d’Emma Bunton, la série télévisée Manège (2010) de Françoise Charpiat (visant à sensibiliser sur le Sida), « Der Kreis » (« Le Cercle », 2014) de Stefan Haupt, le film « Vent chaud » (2020) de Daniel Nolasco, la chanson « Le Privilège » de Michel Sardou, etc. Par exemple, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, Malik le héros homo, pendant tout le film, tourne souvent sur lui-même. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, fait un manège infernal avec un caddie. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Fred, le trans M to F, a inventé un pas de danse pour son équipe de nageurs gays de water-polo qui s’appelle « le Tourniquet ».

 

Le manège n’est pas qu’un motif esthétique gratuit. « Je l’observe du coin de l’œil pour voir si elle s’intéresse à moi et si mon manège éveille en elle quelque chose. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 95) ; « Tandis que je continue mon petit manège de courtisane, mon mari se fait de plus en plus présent. » (idem, p. 195) ; « Bon, les gars, j’ai compris votre petit manège. » (le père d’Arthur s’adressant à son fils et à son amant Julien, dans le film « Faut pas penser » (2014) de Raphaël Gressier et Sully Ledermann) ; etc. En plus d’être synonyme de stratégie courtisane séductrice, il a une valeur symbolique inconsciente. Le personnage homosexuel a l’impression, en amour, de tourner en rond (d’ailleurs, il se demande quel manège il joue avec son copain…) : « L’Amour, ça me fait tourner la tête. » (le Méchant du film « Les Incroyables Aventures de Fusion Man » (2009) de David Halphen) ; « Seul demeurait face à moi le jeune homme aux doigts de cristal. […] Pour tout témoin étranger à ce manège, c’eût été un spectacle risible que ces deux jeunes personnes isolées désormais dans ce wagon de chemin de fer, épiant réciproquement les tressaillements de leurs mains. » (la voix narrative de la nouvelle « Terminus Gare de Sens » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 64) ; « Derrière les murs de ce collège, ceux qui font tourner les manèges se sont-ils posé la question ? » (cf. la chanson « Le Privilège » de Michel Sardou) ; « Baise-moi encore et fais-moi tournoyer, dans ses eaux sombres fais-moi plonger. » (cf. la chanson « Les Voyages immobiles » d’Étienne Daho) ; « Mon surnom, c’est Toupie, tu sais très bien. Avec tes potes, vous me faites tourner… » (Benjamin s’adressant à son amant Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Si je ne les retrouve pas, je serai au manège. » (le jeune Moustique, dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali) ; « Moi j’vais partie en toupie. » (Guen, le héros homosexuel, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py, les deux amants Vincent et Olivier restent figés à contempler hypnotiquement un manège de fête foraine qui tourne très rapidement devant eux ; alors que ce spectacle remplit étrangement Olivier de tristesse (« Cette contemplation de la mort, ça me dégoûte. »), son partenaire le force à trouver le désir de mort banal (« Non, ça ne te dégoûte pas. »).

 

Le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann est une ode à la circularité : « Si. Tout tourne autour de soi. Sans ça, la vie n’a aucun sens. » (Aysla, l’héroïne lesbienne) Quand Aysla et Marie sont allongées dans la forêt après avoir retrouvé l’alliance d’Aysla, elles portent sur la main un escargot. Ensuite, la maison que Marie, architecte, a construite, est en forme d’escargot. Lors du mariage hétéro d’Aysla, les deux femmes dansent sur la chanson « Chains Reaction » de Diana Ross. Et l’image finale du téléfilm, c’est l’escalier en colimaçon conçu par Marie, alors que les deux héroïnes s’embrassent dans l’aéroport circulaire. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, Ash (homo) dit que son pote gay Roscoe a niqué son propriétaire « en le faisant tourner comme une toupie ».
 

 

Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, la roue occupe une place importante dans la symbolique amoureuse homosexuelle. Déjà parce que Bram s’en sert pour décrire la difficulté de la condition existentielle homosexuelle (« Parfois, j’ai l’impression d’être resté coincé sur une grande roue. À un moment, je suis le roi du monde, et l’instant d’après, je suis au bout du rouleau. Personne ne sait que je suis gay. ») ; et d’autre part parce que la roue de fêtes foraines deviendra le lieu de rendez-vous final et de concrétisation de l’« amour » entre les deux amants homos de l’intrigue, Simon et Bram. Ils s’y embrasseront une fois suspendus au sommet.
 
 

b) Le manège peut être une métaphore de la complexité (et de la fatigue que celle-ci engendre!) au sein du couple homosexuel :

 

Paradoxalement, même si on l’appelle « désir » (mais n’est-on pas allé historiquement un peu vite en besogne dans la définition), l’amour homosexuel dit une absence de désir, ou un désir à l’état embryonnaire : cf. la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe Botti, le film « I Am Not What You Want » (2001) de Kit Hung, le roman L’Indésirable (2010) de Sarah Waters, le film « Ausente » (« Absent », 2011) de Marco Berger, le roman Les Absents (1995) d’Hugo Marsan, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant (avec le héros narcoleptique), etc. Par exemple, dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, la première image qu’on voit de Todd, c’est qu’il simule en soirée chiante, face à son futur amant Frankie, de se tirer une balle dans la tête. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, c’est avec peu de conviction que Pascale, en couple avec Tereza, répond à Phil, le jeune héros homo, par rapport à sa question « Vous êtes heureuses, toi et Teresa ? » : « Parfois beaucoup, parfois moins. Mais oui… je crois qu’on est heureuses. »

 

Le désir homosexuel ne s’appuie pas vraiment sur le Réel, sur une profonde connaissance de la personne aimée, ni sur la liberté des deux amants : « Je ne sais pas si le fait qu’on soit amoureux n’est pas une espèce d’illusion. » (Tom s’adressant à son amant Bryan, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; « Mes sentiments m’effrayent ! Je suis obnubilé par ce garçon. Je ne le connais pas, je ne sais rien de lui mais je crois que je l’aime. Comment est-ce possible ? » (Bryan en parlant de son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 32) ; « Au fond, je ne te connais pas aussi bien que je le crois. » (Stéphane s’adressant à son ex-amant Vincent, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Mais je l’aime et je ne l’ai pas choisi. » (cf. la chanson « Je l’ai pas choisi » d’Halim Corto) ; « Je m’étais profondément attaché à lui et ne cherchais pas à savoir jusqu’où irait notre relation. » (Ednar par rapport à Grégoire, dans le roman Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 143) ; « Je ne sais même plus si je l’ai vraiment aimé. » (Malcolm en parlant de son amant Adrien, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 119) ; « Tu ne me comprends jamais. » (Ada s’adressant à son amante Cherry, dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « On aime quelqu’un… mais cet amour ne nous aide pas. » (Rudolf, l’un des héros homos s’adressant à ses deux autres potes homos, Gabriel et Nicolas, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « C’est quand même vachement déstabilisant. J’ai tout de suite compris que c’était pas mon truc. Y’avait quelque chose en moins.» (Damien évoquant ses expériences homosexuelles, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; « J’crois qu’on devrait arrêter de faire semblant. On n’est plus un couple. Tu sais très bien que j’ai raison. Tu restes avec moi par fidélité à une histoire qui en fait est finie. » (Serge s’adressant à Victor, son compagnon depuis 18 ans mais qui le trompe fréquemment et avec qui il ne fait plus l’amour, dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; « J’crois que je recherche un truc qui n’existe pas, en fait. » (Jonas, héros homosexuel malheureux en amour, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier) ; etc.

 

Le désir homosexuel est souvent représenté comme un élan complexe et mystérieusement épuisant. Il est en effet question de l’ennui dans pas mal de fictions homosexuelles : cf. la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou, le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, le film « Grosse Fatigue » (1994) de Michel Blanc, la chanson « Mourir d’ennui » de Jeanne Mas, la pièce Le Cri de l’Ôtruche (2007) de Claude Gisbert, le film « Il faut que je l’aime » (1994) de Sébastien Lifshitz, la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon, la chanson « Cet Air étrange » d’Étienne Daho, le tableau Bleu d’ennui (1999) de Michel Giliberti, la chanson « Je m’ennuie » de Mylène Farmer, le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal en général (2009) de Jérôme Loïc, la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, le film « Les Mauvais Romans » (2011) de François Chang, le film « Fruits amers » (1967) de Jacqueline Audry, le film « Bouddhi Bouddha » (2012) de Sophie Galibert, etc. « Si on créait un club ? J’m’ennuie. » (Kanojo, une des héroïnes lesbiennes de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Quand tu t’y mets, t’es une sang-sue. Et c’est d’un ennui mortel. Je te jure que t’es d’un ennui mortel. » (Dick s’adressant à Tom, le héros homosexuel, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; etc.

 

Certains personnages homosexuels découvrent que la croisière amoureuse qui les faisait rêver sur le prospectus devient coûteuse. Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, le héros homosexuel, trouve que sa relation avec Kévin est d’une lourdeur incroyable, même si, par ailleurs, il s’auto-persuade qu’il n’a jamais été aussi heureux de sa vie : « Un garçon qui aime un garçon, ce n’est jamais simple. » (p. 33) ; « Je ne pensais pas que ça allait être aussi compliqué ! » (idem, p. 329) ; « Comme la vie était simple avant que je te connaisse… » (p. 134) Comme Kévin finit par le prendre mal, Bryan atténue la violence de ses plaintes par un enthousiasme forcé : « Non, tu me la compliques un peu, c’est tout… Mais j’adore ça ! » (idem, p. 134) ; « Nous deux, ce ne sera jamais simple, mais j’aime bien comme ça, c’est génial ! » (idem, p. 407) ; « J’ai l’impression qu’on pédale un peu. » (le Dr Katzelblum, homosexuel, s’adressant au couple homo Arnaud/Benjamin qu’il suit en thérapie, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 

Beaucoup de héros homosexuels disent le poids de la complexité de l’amour homosexuel dans leur vie : « J’aimerais vivre quelque chose de simple, de limpide. J’ai besoin d’air pur ! » (Nina l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Lola et à Vera la compagne régulière de celle-ci, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Dans la nuit, j’ai rencontré des fantômes bizarres, des amours passées. Au début, j’y croyais, à ce monde inversé. Mais j’ai cessé d’y croire, à ces histoires compliquées. » (cf. la chanson « Je veux tout changer » d’Hervé Nahel) ; « Les relations ne marchent pas, alors j’essaye autre chose. » (Paul se justifiant d’aller sur le net, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Va raconter ta vie. Elle est tellement pathétique. Tu as de quoi en faire un spectacle. » (la figure de Dieu à Samuel, le héros homosexuel, dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque) ; « Je pense que je n’étais pas vraiment amoureux. » (le jeune Michael parlant de son émoi pour un de ses camarades, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « Avec Jacques, j’allais tricher un peu, beaucoup, passionnément. » (le jeune Mathant dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Marco me dit combien c’est difficile la relation avec toi. » (Laurent Spielvogel imitant un vieux pote gay du sud s’adressant à lui par rapport à son couple raté avec son amant Marco qui lui est infidèle depuis 3 ans, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « J’ai tiré un trait sur ma vie sentimentale. » (Laurence, l’héroïne lesbienne, dans l’épisode 383 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 22 janvier 2019 sur TF1) ; « Je voulais passer tout mon temps avec lui. Et pourtant, quand j’étais avec lui, cela ne me suffisait pas non plus. » (Alexis, le héros homo, parlant de son amant David, dans le film « Été 85 » (2020) de François Ozon) ; etc.

 

Certains se montrent souvent fatigués, usés par la passion : « Nos p’tites sorties, nos p’tits restos, j’en ai marre ! » (Manu s’adressant à son amant Philippe dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq) ; « Un gay, c’est ennuyeux. Deux, c’est un appel au meurtre. » (Eytan, un des élèves gays du lycée, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « J’étais pas épanoui totalement. Il me manquait quelque chose. » (Jeanfi, le steward homo dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; « Tu sais…moi, j’me fais chier depuis que je suis née. » (Teena dans le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce) ; « Il faut que je m’emmerde. » (la psy dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Sont éternels les enfants de l’aube, fatigués plus que de raison. » (cf. la chanson « Les Enfants de l’Aube » de Bruno Bisaro) ; « Au secours, tu voudrais crier au secours, mais tu es fatigué, si fatigué, le monde est de l’autre côté. » (cf. la chanson « Au secours » de Véronique Rivière) ; « Quand j’étais petit, j’avais des rêves, des ambitions. […] Maintenant, je vivote. » (Benoît, le héros homosexuel de la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « Tu vois, c’est marrant, à l’aube de nos trente ans, on se retrouve comme quand on en avait vingt ! Toi tu cherchais la preuve que l’amour existe, tu n’en étais pas sûr, Simon la preuve que l’amour n’existe pas, et moi je suis venue ici pour le trouver. Et aujourd’hui, après tout ce temps, on est tous les trois revenus au même point, hein ? » (Polly, l’héroïne lesbienne du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 121) ; « Nous sommes les Insatisfaits. » (cf. le poème « Les Rimes masculines » de Denis Daniel) ; « Nous, nous sommes tous passés à côté de quelque chose. » (les protagonistes homosexuels parlant de l’ensemble des membres de la communauté homosexuelle, dans la pièce Une Rupture d’aujourd’hui (2007) de Jacques-Yves Henry) ; « Je ne te suffis plus ! » (Vlad s’adressant à son amant Anton dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Footing » (2012) de Damien Gault, quand le père de Marco, par intérêt forcé, demande à son fils comment se passe la relation amoureuse de ce dernier avec son copain en date Franck, Marco se montre très laconique et ne s’étend pas en détail : « C’est compliqué. » Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, la relation amoureuse entre Stéphane et Vincent s’est essoufflée très vite. Le jeune Vincent n’a même pas eu les mots pour expliquer son départ ni le courage de mettre un point final : « T’étais du genre à ne pas donner d’explications. » lui reproche laconiquement Stéphane. Dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, Roger explique qu’entre son compagnon Jerry et lui, il y a de l’eau dans le gaz : ils voient un conseiller conjugal depuis plus d’un an. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, après 6 mois de vie commune, Léopold et Franz n’arrêtent pas de s’engueuler parce qu’ils s’ennuient terriblement : « Tu n’es plus content de rien. » (Franz) ; « Je prends tellement peu de plaisir aux choses. » (Léopold) ; « Je ne vais pas bien. » (Franz) ; « Moi non plus. » (lui répond Léopold) ; « Appelle un taxi. Nous n’avons pas besoin de faire durer plus longtemps ce cinéma. » (Léopold simulant le départ). Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, la relation entre William et Georges, pourtant présentée comme formidable et authentique, bat de l’aile : « Elle n’était pas vouée à l’échec. » (William) ; « Nous devenons deux êtres médiocres vivant une relation médiocre. Trop forte pour que tu t’en prives. Pas assez forte pour que tu te battes pour elle. » (William s’adressant à Georges) ; « C’est terrible de s’apercevoir qu’on aime si mal la personne qu’on aime. » (Georges) Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Olivier essaie de dissuader le jeune Mathan de croire en l’amour homo, car ses onze années de couple avec Jacques ont été visiblement éprouvantes : « J’espère que ça ne te fait pas rêver. C’est l’enfer. »

 

MANÈGE 3 Happy Together

Film « Happy Together » de Wong Kar-Wai

 

Dans son one-woman-show Chaton violents (2015), Océane Rose-Marie raconte les nombreux orages, ruptures, lassitudes et insatisfactions qu’elle vit avec « sa femme » depuis les six mois qu’elles sont installées ensemble : « Sérieusement, l’énergie qu’on perd… » Elles finissent par se quitter tellement elles se font chier : « C’est ça le couple ? Le Réel ??? Moi, je n’avais pas signé pour ça.// » Puis, faute de mieux et par volontarisme idéologique, Océane revient finalement au nid : « Dans mon couple, y’a encore du boulot. Parfois, ma femme, elle me tue ! »

 

L’un des terrains porteurs les plus saillants du désir homosexuel chez le héros homosexuel semble être l’ennui. On dirait qu’il vient à l’homosexualité pour tuer l’ennui, ou qu’ils passent d’amant en amant, d’état amoureux en état amoureux, parce qu’il s’embête terriblement ! « Il ne dira pas, non il ne dira pas que sur son passé il jette un regard las ; Il ne dira pas, non il ne dira pas qu’il se sent si seul qu’il passe de bras en bras. » (cf. la chanson « Il ne dira pas » d’Étienne Daho) ; « Moi, je l’ai suivi parce que je me faisais chier et lui, ce pauvre con, il croyait qu’on vivait le grand amour. » (Simon parlant de son amant Matyas, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 22) ; « Je m’ennuie… On devrait peut-être adopter ? » (un couple gay dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Il est tiède… comme le sera votre mariage. » (le père s’adressant à sa fille Claire et à la copine de celle-ci, Suzanne, qui ont pour projet de se marier, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; etc. Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, l’homoparentalité est envisagée par le couple homosexuel comme un remède à l’ennui et au vide amoureux. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Michel, le tueur en série, tue successivement ses petits copains dès qu’ils s’attachent trop à lui, parce qu’il est tétanisé par l’ennui et la fusion amoureuse homosexuelle : il demande à son amant Franck de ne pas rester « scotché » à lui et commence à le menacer (« Si on commence comme ça, dans une semaine, on en aura marre l’un de l’autre. […] Ça ne va pas m’amuser longtemps. ») Dans le film « Annalyn » (2012) de Maria Eriksson, Agnès n’est pas satisfaite de sa vie, est lassée par sa relation avec sa petite amie. Dans le film « Permanent Resident » (2008), les amants vivent dans un super cadre, mais se font chier à mourir ensemble et n’ont rien à se dire. Idem avec l’oisiveté inconsistante que vivent les deux tourtereaux Romeo et Johnny dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, l’amour ou le fait de tomber homosexuellement amoureux est considéré comme un passe-temps, un tue-l’ennui, et ce, dès les premières minutes du film : « Où situerais-tu ton degré d’ennui sur une échelle de 0 à 10 ? » demande Léo, le héros homo, à Giovanna. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, lorsque Emma trinque « à l’Amour ! » pour fêter la présentation de son amante Adèle à sa mère et à son beau-père, Vincent (le deuxième compagnon de sa mère, donc justement le beau-père d’Emma) atténue cyniquement l’euphorie : « Tout de suite les grands mots… » Et en effet, la relation de « couple » entre Emma et Adèle s’essouffle super vite. On observe qu’Emma n’est pas touchée par la personnalité plate d’Adèle, son absence de créativité et de culture, son manque d’ambition professionnelle. L’ennui, l’infidélité, le manque de communication et surtout l’impossibilité d’une communion, auront raison de leur « amour ».

 

Plus que de la fatigue physique – celle-ci n’étant pas négative en soi (il y a des « bonnes fatigues », qui ne plombent pas le moral) – il s’agit en général chez le protagoniste homosexuel d’une baisse de désir : « L’amour est un fardeau. Je le porte en clodo. Joyeux clodo. » (cf. la chanson « J’aimerais j’aimerais » (2007) de Jann Halexander) ; « Qu’est-ce qu’il faut pas supporter par amour… » (Matthieu le héros homosexuel de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « À force d’être toujours ensemble, on a fini par se ressembler. La routine. » (Jonathan en parlant à Matthieu de leur 1 an de vie commune, idem) ; « Je suis trop compliquée. » (Peyton, l’héroïne lesbienne à son amante Elena, dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn) ; etc.  Par exemple, dans la pièce La Star des oublis (2009) de Ivane Daoudi, au moment où Cherry demande à sa copine Ada si elle est « toujours fatiguée », celle-ci lui répond : « Non, je suis lasse. »

 

Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, François finit par être saoulé par son copain Claude qui lui propose une vie très matérialiste, routinière, et « plan-plan ». Dans le film « The Bridge » (2005) de George Barbakadze, l’ennui d’une vie trop bien rangée se dégage de l’appartement de Niko et Luka. Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Luc a quitté Jean-Marc par peur que ce dernier ne l’enterre vivant dans une existence morne et ennuyeuse. Dans le film « Como Esquecer » (2010) de Malu de Martino, Julia, qui semblait pourtant vivre une belle idylle avec Helena, finit inexplicablement à la fin du film par prendre son indépendance et par quitter son amante : « Tout glisse et roule sur moi. Rien ne pénètre. »

 

Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, la relation d’« amour » entre Charlotte et Mélodie fait yo-yo : « J’comprends pas pourquoi tu ne me quittes pas. (Mélodie à Charlotte). Charlotte n’est pas prête à tout quitter ni à renoncer à sa relation hétéro avec Michel, pour suivre Mélodie, ce qui fait que cette dernière a l’impression de compter pour du beurre. Et c’est quand Mélodie s’éloigne que Charlotte revient à la charge. Mélodie en perd son latin : « Alors c’est que ça ? Faut que je te fuis pour que tu me rattrapes ? » Finalement, les deux femmes sont incapables de s’engager pleinement ensemble : « Charlotte, ça fait cinq mois. On fait quoi ? On va où ?? J’vois tes yeux. Et j’vois mon amour qui te pèse. »
 

Dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, Adrien, le héros homosexuel, a en amour « l’art de se mettre dans des situations impossibles » (p. 44) ; mais il retombe à chaque fois dans le même panneau avec ses conquêtes masculines successives : « Enfin Adrien, t’as quand même souffert de cette relation, non ? T’es en train de reproduire le même schéma ! » (Nathalie lui parlant de son couple « foireux » avec Malcolm, idem)

 

Dans le film « Saint Valentin » (2012) de Philippe Landoulsi, Naima, la collègue de caisse de Valentin, le héros homo, ne sait pas trop comment gérer les turpitudes de la vie sentimentale de ce dernier : « Mais si t’arrêtais de te mettre dans des histoires impossibles, on n’en serait pas là. »

 

Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, le couple Paul-Erik se délite peu à peu après quelques années de vie commune. « Tu vas pas y arriver [à rester avec moi]. » (Paul s’adressant à Erik, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs) Erik est présenté comme celui qui aime (trop) et Paul comme celui qui n’aime pas (assez) et qui remet en doute sans arrêt l’amour qu’Erik lui porte. Et en effet, leur couple se casse la figure. « En vérité, je ne l’aimais pas assez. » conclut Erik. Et quand un pote à lui, Igor, l’envie d’avoir été 9 ans avec Paul, Erik rit cyniquement : « Je ne me sens pas… chanceux. »… car il sait le prix que ça lui a coûté de tenir à bout de bras une relation aussi fragile et tortueuse ! « On va enfin arrêter de faire comme si. » (Paul s’adressant à son amant Erik)

 

Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., on assiste au même délitement du couple Matthieu/Jonathan. Après les premiers moments de la passion et des jolis voyages, après que le couple se soit installé dans le confort d’un appart design, l’ennui commence à s’installer rapidement : « Deux ans de couple chez les pédés, c’est comme les vies chez les chiens. Faut multiplier par 7. » (Jonathan) Pour tuer l’ennui, ils songent à avoir un chien. Ils ont de plus en plus de mal à sauvegarder l’humour entre eux : « Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il faut que je me force pour le faire rire. » (Jonathan parlant de son copain Matthieu)

 

Le personnage homosexuel devine inconsciemment la faiblesse de son désir homosexuel, de l’amour que son compagnon lui promet, ou de l’« amour » qu’il lui offre, bref, de l’amour homo en général : « J’entends ton cœur fatigué d’avoir aimé, Allan, Allan. » (cf. la chanson « Allan » de Mylène Farmer) ; « Nous sommes pathétiques. » (Paul à son pote homo Eddie, quand ils se racontent leurs histoires de cœur, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Qui de nous deux vide l’autre ? » (les héros du spectacle Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou) ; « Cassie, je crois qu’on devrait arrêter. » (Anna dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin) ; « Est-ce que je ne suis pas en train de m’attacher artificiellement à un lien qui finalement ne vaut rien ? » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 59) ; « Excuse-moi mais tout à coup j’ai peur de ce qui arrive […] peur de ne pas pouvoir te donner tout ce que tu veux, pas le temps, pas le désir. » (Lucas à son amant Martin, dans le film « L’Homme que j’aime » (1997) de Stéphane Giusti) ; « Des histoires d’homos, t’en as pas marre ? » (Rachel à son ami homosexuel Robbie, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « J’me demande vraiment c’que j’fous avec un mec pareil. » (Mimil en parlant de Jeff, dans la pièce Les Babas Cadres (2008) de Christian Dob) ; « Mais est-ce que je te connais ? » (Basile à son amant Dorian, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Mathilde, dis-moi ce qui cloche ? » (la voix narrative s’adressant à son amante, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 46) ; « Je ressens comme un vide. Mon désir est intact. La jouissance n’a pas su le combler. Que manque-t-il ? Il s’agit en effet d’un manque, d’une absence, d’un défaut de. » (idem, p. 161) ; « Je désespère de mon désir. Je m’efforce de l’alimenter et le con demeure indifférent. » (idem, pp. 173-174) ; « Max est plus boudeur que jamais. Au fond il boude tout le temps, il serait temps que j’en prenne conscience… » (François à propos de son « chéri », dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 111) ; « La lâcheté, la lassitude. Quelque chose en moi a cédé… » (Bjorn à propos de son couple avec Jan, idem, p. 159) ; « Nous nous aimions toujours mais nous ne savions plus comment faire pour en parler et à chaque tentative de l’un, l’autre lui tournait le dos. On n’y arriverait jamais ! » (Bryan et son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 285) ; « Avec toi, ça ne pouvait pas durer. C’était écrit avant que ça commence. » (Stéphane s’adressant à son jeune ex-amant Vincent, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Ce type d’amour ne dure pas. Tu peux fuir la Réalité. Elle te rattrapera. » (le père s’adressant à sa fille lesbienne Claire et à la compagne de celle-ci Suzanne, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; etc.

 

Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Denis et Luther s’avouent vivre une « relation absurde » à travers Internet ; d’ailleurs, Denis en parle avec une voix susurrée, alanguie, endormie et anesthésiante, qui dit bien la virtualité et la pénibilité de l’amour qu’il est en train de vivre (« Avant d’être un homme, avant d’être mon amour, tu es un fond d’écran »).

 

Généralement, l’amour homosexuel fictionnel semble rarement à la bonne cuisson : soit l’un des deux amants aime trop pendant que l’autre ne l’aime pas assez, soit c’est l’inverse. « Je te quitte parce que tu as trop d’amour pour le gâcher contre moi. Et moi pas assez. » (« T. » à son amant Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 126) ; « Chui désolé Rodolphe. Je ne t’aime plus. Il vaut mieux qu’on arrête là. » (Pierre s’adressant à son amant Rudolf, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; etc. En tous cas, les partenaires se retrouvent involontairement à ne pas s’aimer en même temps… comme les pôles magnétiques de deux aimants positifs, qui se repoussent, ne se rencontreront jamais, et partageant un trop-plein de ressemblances : « Tout notre couple : un mensonge. » (Phillip à son amant Steven, dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa) ; « Nous n’avons rien vécu ensemble. » (le narrateur homosexuel à propos de son amant Pietro, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 150) ; « Ma vie sentimentale est un fiasco. » (Claire dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) d’Adeline Blais et Anne-Lise Prat) ; « Dieu, c’est trop terrible d’aimer ainsi… c’est l’enfer… il y a des moments où je ne puis plus le supporter ! » (Stephen, l’héroïne lesbienne à son amante Mary dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 484) ; « Je l’aimais… mais pas assez. » (Arnold dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart) ; « Est-ce que je l’aime assez ?… Et ça veut dire quoi, ‘assez’ ? » (idem) ; « J’étouffe. Je me sens prisonnière. Je me sens coupable, au fond, de t’avoir si mal aimée. » (une femme parlant à son « ex » Éléonore, dans la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo) ; « Tu vas craquer. Tu es déjà plein de fissures. » (Georges à son amant Zaza, dans la pièce La Cage aux Folles (1973) Jean Poiret, version 2009 avec Christian Clavier et Didier Bourdon) ; « Malgré les bonheurs que Marie me donnait tous les jours, ce bel amour simple ne me suffisait déjà plus. Cette inclination que j’ai pour la conquête est sans doute le pire. Je me sens toujours amoureuse du plus difficile, de l’impossible même, et donc condamnée à n’être jamais comblée. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 204-205) ; « Je dois avouer que son goût de la possession rendait la relation trop difficile. Sa surveillance continuelle déclenchait chez moi une sorte de violence intérieure que je m’efforçais de contenir au mieux. » (Alexandra, la narratrice lesbienne, parlant de son amante Marie, trop possessive, op. cit., pp. 225-226) ; « À chaque fois c’est pareil, ça marche et j’ai l’impression que je serais heureuse jusqu’à la fin de ma vie, et au bout de six moi, ça y est, on s’engueule pour un rien, on se parle mal, et surtout on se fait la gueule comme ça, tssss. […] J’ai perdu du temps, j’ai perdu du temps. » (Polly par rapport à son amante Claude, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 76-77) ; etc.

 

L’amour homosexuel semble être à la fois mal ajusté et trop faible. « J’ai mal de toi, j’ai mal près de toi. » (cf. la chanson « J’roule, j’déroule, j’enroule » lors du concert d’Hervé Nahel le 20 novembre 2011) ; « Quand je le vois, il a pas l’air à fond comme moi. Pfff, ça me déprime. » (Mike par rapport à sa relation amoureuse avec Léo, op. cit., p. 101) ; « On va dire qu’on est un couple gay avec l’un des deux qui fait la gueule. » (Leroy, un des flics déguisés en homos cuir, à Peyrac, son collègue flic efféminé, dans le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe) ; etc. Par exemple, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Gabriel est un chien fou, tandis que Philippe ne l’assume pas en tant qu’amant et est plus nonchalant. Dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, quand Mousse demande à Paul s’il aime vraiment son petit copain Serge, il lui répond avec peu de conviction qu’« il l’aime bien ».

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, lorsque Bryan laisse libre court à l’effusion de ses sentiments pour Kévin (« Je t’aime, qu’est-ce que je t’aime ! je t’aime trop ! »), ce dernier lui rétorque qu’« on ne peut pas trop aimer, qu’au contraire, ce n’est jamais assez ». Mais Bryan insiste : « Si ! J’avais déjà aimé avant toi mais je n’avais jamais autant souffert. Quand on souffre comme ça, c’est qu’on aime de trop. » (p. 427) Le désir homosexuel réserve de mauvaises surprises au héros homosexuel, qui croyait pourtant évoluer en terrain connu et aimant, et qui vit un mauvais réveil. Son amant lui apparaît au fil du temps comme un illustre inconnu, et c’est souvent la panique : « Plus je te vois, plus je réalise que je ne te connaissais pas. Je pensais t’aimer à jamais et pour toujours. Je me trompais. Je t’ai trop aimé. Mais aussi mal aimé, comment est-ce possible ? » (Bryan à son amant Kévin, idem, p. 303)

 

Le constat de la vacuité des relations amoureuses homosexuelles est général (parce que la différence des sexes – ou son rejet – est aussi général dans la pratique homo). « Je n’étais jamais heureux ici. Je me suis trompé. » (Rudolf parlant de l’appartement dans lequel il a vécu avec son amant Pierre, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael s’amuse, en maître de cérémonie machiavélique, à faire accoucher tous ses amis homos du constat de la vanité de leurs amours homos : « Qui a dit ‘Montre-moi un homosexuel heureux, je vous montrerai son cadavre.’ ? » Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Vincent, le jeune novice gay, découvre le monde homosexuel où les amants se succèdent et ne restent pas : « Tout va plus vite chez les gays. » (Damien) « Ben j’crois que je n’ai plus très envie d’être gay… » (Vincent).

 
 

c) Le phénomène de l’infidélité dans le couple homosexuel fictionnel :

N’en pouvant plus de plier sous le poids d’une relation amoureuse trop légère, le personnage homosexuel en arrive souvent à tromper son copain, puis ensuite à le quitter. On retrouve la thématique de l’infidélité dans de nombreuses œuvres homosexuelles : cf. la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo (avec le couple Arnaud-Mario), le docu-fiction « La Dany : la diva du parc Bolivar » (2010) de Julie Giles et Jim Giles, le film « Infidèles » (2010) de Claude Pérès, le film « Les Infidèles » (2011) de Jean Dujardin, le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec le couple Ilan-Robbie), le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano (avec l’infidélité dans le couple Roberto/Raúl), la chanson « Comme ils disent » de Charles Aznavour, la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson (avec Vincent trompant son amant plus âgé, Stéphane), le film « Como Esquecer » (2010) de Malu de Martino (où Helena trompe Julia avec l’élève de cette dernière, Carmen), le film « Somefarwhere » (2011) d’Everett Lewis (où Price est infidèle à son copain), le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari (où Paul trompe son amant Jérôme, tout pendant qu’il le recherche dans tout New-York), etc. Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert trompe son copain Antonin au pensionnat. Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Jules et Quentin ont vécu ensemble des « soirées d’orgie homosexuelles à plusieurs ». Dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, quand Isabelle demande à son meilleur ami homo Pierre si son couple avec Benjamin se passe bien, il répond : « Ça se passe. » (ils sont depuis 8 ans ensemble, quand même). Elle poursuit en s’enquérant de savoir s’il le trompe, ce à quoi Pierre avoue cyniquement : « Oui. Je suis un mec. » Il finit par dire que la seule chose qu’il a ratée dans sa vie, c’est « sa vie privée ». Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, Joley sort avec un jeune étudiant et trompe son amant George. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, les amants Jack et Paul simulent une infidélité pour tester leur couple. Dans la série Y’a pas d’âge diffusée sur France 2 le 15 octobre 2013, Luc et Yoann se font des infidélités. Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), Fabien, le héros homosexuel, vit l’infidélité avec tous ses amants. Dans le film « Somefarwhere » (2011) d’Everett Lewis, Price est infidèle à son copain pendant son voyage en Irak. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glenn est pro-infidélité, alors que Russell, son copain, croit au grand Amour. Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Fabien est infidèle à son amant Hugues. Dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Thierry le héros homosexuel est de temps en temps infidèle à Martin. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, tous les couples homos sont infidèles : le père de Gatal trompe son « mari » avec Négoce, Gatal se fait tromper par son fiancé (avec une histoire sordide de coucherie dans un hôtel). Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik trompe Paul avec qui il est en couple depuis des années : il va voir ailleurs… et par téléphone « rose », se rend compte qu’il tombe sur Paul lui-même ! Dans ce même film, l’infidélité est montrée comme une preuve d’amour : pendant que Paul se fait sodomiser par un inconnu dans un hôtel de passe, il susurre dans l’orgasme le prénom d’Erik (qui se trouve juste dans la salle d’à côté, en voyeur). Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Norbert trompe Vivien en embrassant un garçon qu’il est allé chercher sur Internet ; si bien que Stéphane, un des potes gays de Vivien, conseille à ce dernier de se débarrasser de son insupportable « mari », en soutenant que la fidélité chez les homosexuels ne dépasse jamais le stade des dix ans, et qu’elle frise l’anomalie si jamais elle s’éternise : « Après dix ans avec le même mec, la date de péremption est largement dépassée. » Toujours dans cette même pièce, on n’est peu étonné de constater que les personnages qui dénigrent la fidélité et la foi en l’amour éternel sont aussi les mêmes qui relativisent les aventures extra-conjugales : par exemple, Nono et Stéphane finissent par convaincre Vivien de revenir auprès de Norbert, en lui faisant croire qu’embrasser sur la bouche, ce n’est pas vraiment « tromper ». Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel imite un homme, André, qui le drague au hammam et qui est en couple durable avec un certain Raymond qui le trompe avec des gigolos, accumulant « de nombreuses infidélités ». Par ailleurs, le propre couple de Laurent et de son copain Marco, avec qui il est depuis trois ans, exclut la monogamie : « Un coup par-ci un coup par-là, c’est normal entre mecs. » (Laurent imitant un vieux pote gay du sud). Dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018, Victor, pourtant en couple depuis 18 ans avec Serge, malade du VIH, le trompe fréquemment, même si pour lui, ce n’est pas de la tromperie : « J’le trompe pas. J’veux dire… j’mens pas. Le moins possible. On est dans une relation ouverte. En confiance. » Selim, l’un de ses plans culs de Victor, reconnaît que ce fonctionnement est monnaie courante : « Comme beaucoup de pédés… » constate-t-il laconiquement. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Vita Sackville-West oublie Virginia Woolf dans les bras de Mary Campbell. Et Virginia, la mort dans l’âme, décrit son ex-amante comme une étoile incapable de briller pour une seule personne.

 

Dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, Antoine vit en couple depuis longtemps avec Adar, un gars gentil mais fade, qu’il maltraite par son impatience, son exaspération croissante. Il le juge ennuyeux, empoté en voiture, un peu trop plat, et finit par le tromper. Louis, le frère d’Antoine, s’étonne que leur couple prétende encore en être un : « Je ne comprendrai jamais comment un type aussi gentil peut te supporter… » Antoine et Adar souffrent de vivre une relation sans forme, sans avoir la force de rompre : « On ne peut pas quitter Adar. » Antoine trompe Adar avec un « ex », Alexis, qui lui aussi vit/vivait en couple avec un certain Romain : « D’ailleurs, je comprends pas trop ce que je foutais avec lui. » avoue Alexis à Antoine, pour le redraguer. Quant à Adar, Antoine finit par découvrir que celui-ci le trompe aussi de son côté, pendant ses absences. Pour autant, Ils s’auto-persuadent qu’ils vivent en couple fidèle : « J’espère finir comme les parents, avec quarante ans d’amour malheureux. » (Antoine)
 

Régulièrement dans les fictions, le choc de l’infidélité dans les couples homosexuels est totalement banalisé, voire montré comme un vrai chemin d’émancipation : « Je change souvent de partenaires. La vie de couple, ça me déprime. » (un protagoniste homosexuel dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Tout ce qui est engagement, c’est pas trop mon truc. » (Shirley Souagnon, lesbienne, dans l’émission Bref à Montreux en Suisse, sur la chaîne Comédie +, diffusée en décembre 2012) ; « Je peux quitter n’importe qui, n’importe où. » (Hannah, la lesbienne qui ne sait pas s’engager, dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini) ; « On est pédé, Polly, c’est une chance. Ça veut dire que des histoires d’amour aussi belles, aussi importantes, on en aura plein tout au long de notre vie. Si on était hétéro, t’imagines, on serait marié avec notre premier flirt ! » (Mike le héros homosexuel parlant à sa meilleure amie lesbienne Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 121) ; « Je n’ai aucune relation stable. Je suis un 7 que les 9 rejettent. » (Zach, le héros homosexuel dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « T’es le seul homo fidèle sur Paris. » (Pierre, le héros homo dont « au moins 50 homos connaissent l’adresse » apparemment, reprochant à son amant Benjamin son attachement à la fidélité, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Chez les garçons, coucher deux soirs de suite avec un type, c’est quasiment le début d’une histoire. » (Vincent, l’un des héros homosexuels de la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Tout le monde sait que trois ans en ‘temps PD’, ça fait 21. » (Jérémy Lorca dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; « Je croyais avoir le culte de la fidélité. Mais avec toi, tout est allé très vite. » (Pierre Bergé s’adressant à Yves Saint-Laurent allant draguer sur les quais de Seine, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; « Suit l’histoire de deux amies allemandes qui vivaient ensemble. Avec le temps, pour varier et donner plus d’intensité aux plaisirs qu’elles avaient pris l’habitude d’en séduire une troisième sans pour autant, bien sûr, que leur couple en fût atteint. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 105) ; « C’est pas naturel de coucher seulement avec une seule personne. » (Frankie critiquant la monogamie, et se justifiant que lui et son amant Todd aillent voir ailleurs, dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson) ; etc.

 

Cependant, malgré ces essais de temporisation qui ne font pas longtemps paravent, on nous laisse entendre, à nous lecteurs ou spectateurs, que l’infidélité fait véritablement mal aux deux membres du couple homosexuels qui l’expérimentent : « Un recoin de lui gardait imperceptiblement rancune à Jean de cette archéologie de passades. » (Laurent par rapport à Jean, son amant « régulier », dans la nouvelle « Cœur de Pierre » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 49) ; « Le charme est rompu. J’ai peur de partir à la dérive. » (Lola, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Vera à propos de leurs infidélités « extraconjugales », dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Mon mec m’a jeté hier. Parce que je l’ai trompé. Beaucoup trop. » (Jonas, le héros homosexuel, parlant de Samuel, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Hank et Larry sont socialement en « couple » et ont pourtant convenu que « tous ceux avec qui Larry trompe Hank s’appellent ‘Charlie », bref, que l’infidélité est leur secret de Polichinelle et peut faire partie de leur fonctionnement « conjugal ». Mais Hank subit plus qu’il n’accepte vraiment la situation. Il dit sa souffrance, et son compagnon ne supporte pas cette « tyrannie« . Larry se justifie d’être volage et que c’est dans sa nature d’être un Don Juan infidèle : « Oui, je les aime tous ! Et Hank refuse de comprendre qu’il me les faut tous. Je n’ai pas la mentalité d’un homme marié ! » En somme, le duo Hank/Larry est en instance et encore plus menacé par l’infidélité. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo Nathan euthanasie son amant Sean, malade du Sida, puis ensuite le tromper le soir même de sa mort, avec Arnaud… mais tout ça est présenté comme de l’« amour ». Nathan sanglote en même temps qu’il jouit.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Et c’est reparti pour un tour de manège désenchanté !

On trouve à de rares occasions (mais tout de même) des croisements dans le réel entre le manège et l’homosexualité. Par exemple, en 1792, en France, un pamphlet pro-homosexualité – même si elle ne s’appelait pas encore comme cela à l’époque – revendiquant la libre disposition de son corps, s’intitulait Les Petits Bougres au Manège (d’ailleurs, « un bougre » était l’ancêtre de ce qui allait devenir plus tard« un inverti » puis « un homosexuel »). Un peu plus tard, on peut souligner que le poète français Jean Cocteau aimait particulièrement les manèges avec des chevaux de bois. Et beaucoup plus proche de nous, le SIGL (Salon International Gay et Lesbien) du 3-4 novembre 2007 a eu lieu dans un lieu hautement symbolique : le Carrousel du Louvre. D’autre part, je vous renvoie à la photographie Manège (2011) d’Emilio Gomariz (représentant un tourbillon de bras masculins), au docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider (avec la grande roue des Tuileries), au documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson (diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014, avec les images d’Amina et de sa copine dans un manège : une grande roue de parc d’attractions), au docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke.

 

C’est d’un point de vue symbolique que le motif du manège m’intéresse, car une fois transposé dans le Réel, il peut témoigner de la présence d’un jeu de séduction égocentré, d’un désir puéril, d’une circularité mythique déréalisante, d’une absence de sens, d’une angoisse existentielle. « J’observais imperceptiblement ce manège avec une étrange fascination, reprochant toutefois à mon complice son silence et la manière dont il manifestait avidement ses envies. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 66)

 

Par exemple, Vaslav Nijinski dessinait beaucoup. Ses dessins ont le cercle pour motif dominant. Selon le professeur de psychiatrie américain Peter Ostwald, dans son essai Vaslav Nijinski, un saut dans la folie (1993), auteur d’une importante étude sur Nijinski, nous pourrions « interpréter la persistance des formes circulaires dans l’art de Nijinski comme une tentative de maintenir équilibre et intégrité face aux dangers de désintégration qui menaçaient son existence. »

 

Certaines personnes homosexuelles ont en effet le sentiment, en amour homosexuel, ou, de manière plus globale, dans leur vie, de tourner bêtement en rond : « Quand je me suis retrouvé dans la rue, j’ai été saisi de vertiges, j’ai senti que tout tournait autour de moi. J’étais sur un manège. Si je voulais avancer, il fallait que je saute et que je regagne vite la sortie. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 156)

 
 

b) Le manège est une métaphore de la complexité (et de la fatigue que celle-ci engendre!) au sein du couple homosexuel :

MANÈGE 4 voiture

Film « Holding Trevor » de Rosser Goodman


 

D’emblée, on constate que certaines personnes homosexuelles nous parlent beaucoup de l’ennui, ou bien qu’elles s’y identifient (… comme si elles l’incarnaient à elles seules : c’est très curieux, cette posture esthétique, quasi narcissique, pour se « donner un genre »…). « Enfant, je m’ennuyais souvent et beaucoup. Cela a commencé visiblement très tôt, cela s’est continué toute ma vie. » (Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 30) ; « Le dandy du XIXe siècle était un être suréduqué. Il prenait la pose du dédain, ou encore de l’ennui. » (cf. l’article « Le Style Camp » de Susan Sontag, dans l’essai L’Œuvre parle (1968), p. 444) Pensons par exemple au nom que s’est choisi le groupe musical homosexuel Ennui Breathe Malice.

 

Selon moi, l’un des terrains porteurs les plus fertiles (et les plus mal connus, pourtant) du désir homosexuel, c’est l’ennui. Je connais tellement de personnes – et je peux m’inclure dans le lot ! – qui sont venus à l’homosexualité pour tuer l’ennui, ou qui passent d’amant en amant, d’état amoureux en état amoureux, parce que précisément elles s’embêtent ! L’état passionnel (sans engagement et sans joie derrière) naît souvent d’une suractivité insensée ou d’une inaction.

 

L’ennui et la fatigue sont des réalités individuelles et relationnelles qui, tout en se sentant, sont difficile à prouver scientifiquement. Et pourtant, je les vois en toute personne homosexuelle pratiquante que je rencontre. « Une seule fois dans ma vie, après le gros coup de fatigue que j’ai subi en 1993, je suis allée consulter un psychiatre, pendant sept mois, à raison de deux séances par semaine. J’étais ravie de ne pas avoir affaire à une femme, car j’avais très peur de faire un transfert, c’est-à-dire de tomber amoureuse de ma psy hypothétique. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 113) ; « Aux côtés d’hommes, je m’ennuie très rapidement. Même en présence d’homosexuels, un peu de conversation mais après c’est tout, ça me saoule de causer, je m’ennuie très vite auprès d’eux. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; « Par rapport à la relation affective, j’arrive pas à trouver une relation stable, fidèle. J’arrive pas à trouver une relation affective. Ça ne marche pas. Je ne savais pas que le chemin était si tortueux. » (Pascal, homosexuel et séropositif, mettant en grande partie sur le compte du Sida l’échec de ses « amours » homos, dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon) ; etc.

 
MANÈGE bulle
 

Cela paraît totalement subjectif de le dire ; mais cette impression que le couple homosexuel ne rayonne pas assez, qu’il vit dans une semi-illusion d’amour, qu’il vit quelque chose de « bien mais pas top », s’appuie dans mon cas sur une observation concrète du vécu des individus homos ; et je ne suis pas le seul à faire ce constat. « C’est pas le grand amour. Mais c’est bien. » (Bernard parlant de sa relation avec Jacques dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) Si les personnes homosexuelles s’écoutaient davantage elles-mêmes, elles s’entendraient aussi révéler leur propre lassitude, et leur aspiration plus profonde à la simplicité en amour.

 

Par exemple, dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi, le couple homosexuel fait parler une marionnette d’un pèlerin qui dit : « Je suis très fatigué. J’ai beaucoup marché. »… Tout un symbole, surtout quand on sent, au détour de certaines phrases que d’échangent les amants une fausse compréhension mutuelle : « Gustav… Au bout de 8 ans, tu ne me connais pas ? » (Luca à Gustav)

 

À son époque, Plutarque (- 45 av. J.-C. ; 125) parlait déjà du couple « privé de grâce » formé par deux personnes du même sexe, et du couple femme-homme uni par la « grâce » du mariage et de l’amour (cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 76). Cela est très vrai, même si ça ne fait pas toujours plaisir à entendre quand on essaie de se convaincre du contraire, à coups de sincérité.

 

Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko aborde « l’amertume de l’homosexualité » (p. 68). Dans le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider David et Thierry, le spectateur est témoin de la lourdeur d’une relation entre Laurent et André qui n’ose pas s’avouer à elle-même sa médiocrité : ils ont été ensemble pendant 8 ans, puis se remettent ensemble, bon gré mal gré. Et les couples homos d’amis de leur entourage, qu’ils croyaient solides, rompent également. « Tu as pourtant détesté 7 ans sur les 8 ans qu’on a passés ensemble. » (Laurent à André) ; « J’ai détesté la première année et la dernière année des 10 ans qu’on est restés ensemble. » (André à Laurent) ; « Tu sais, si ça n’a pas marché entre nous, c’est qu’il y avait des raisons. » (André à Laurent) ; « C’était bien, vraiment bien… jusqu’à ce qu’on soir rattrapés par cette fichue routine. » (Laurent) ; « On se disputait tout le temps la dernière année. » (André) ; « Je pense qu’il a fini par s’ennuyer. Après quelques années, c’est difficile d’étonner son amoureux. J’étais malheureux. » (André parlant de Laurent) ; « Le sexe, c’était une jolie compensation. » (Laurent) André semble plus amoureux de Laurent que l’inverse, et André est tenté à tout instant de capituler face au manque de désir de son copain, car il en a marre de porter le couple pour deux : « Pendant des années, je pensais : ‘Je ne connais pas ce garçon’» ; « Tu es toujours en train de prendre les choses à la légère, de te moquer tout le temps. » ; « Je m’ennuie facilement. » (Laurent) ; « Il en avait marre de moi. » (André par rapport à Laurent) Dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata, Charles Trénet avoue qu’il souffre, en amour, d’un « mal mauve », celui « de l’ombre et du remord ».

 

Je crois que les tensions et la routine qui s’installent très vite dans les couples homosexuels – même si elles guettent dans une moindre mesure les couples femme-homme aussi – viennent de la nature-même du désir homosexuel, qui, comme il s’appuie davantage sur le fantasme que sur le Réel (le Réel dont le « roc » principal est la différence des sexes), est un désir faible, lâche, discordant, encourageant à la fatigue de (mal) aimer. C’est certainement pour cette raison que beaucoup de personnes homosexuelles en parlent comme d’un amour complexe et lourd, « bien gentil » mais qui ne fait pas le poids : « De satisfaction, je n’en avais pas eue. Bien au contraire, je restais choqué et animé d’un profond dégoût. […] Je n’étais donc pas comblé, malgré tout ce que j’avais toujours pensé de la relation sexuelle entre deux hommes. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 70) ; « Cette relation que j’avais définie d’amour, n’avait été en fait qu’un peau froissée. » (idem, p. 73) ; « Nous n’existions plus ensemble. […] Bien pis, nous nous détruisions. […] Quel était le bon sens de cette forme d’amour ? Un amour-amitié ou un amour-passion. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de sa relation qui bat de l’aile avec Yoro, op. cit., p. 140) ; « Tu as fini par me fatiguer. M’épuiser. Je n’avais plus la force, au bout d’un an et demi d’amour intense, possédé, de répéter les mêmes histoires, de subir ton autorité, d’être moins que toi dans l’amour. » (Abdellah Taïa s’adressant à son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 120) ; « Il m’épuisait, je t’assure, mais je le supportais à cause de ma solitude et de sa grande gentillesse. » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 117) ; « Putin de vie de merde à courir après n’importe quoi. J’aimerais m’asseoir et dormir, mourir comme ça. » (Bruno Ulmer dans le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre) ; « Dans ces lieux calmes se nouent et se dénouent des intrigues souvent fort compliquées. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 23) ; « Ces quatre années furent, quoique comparativement plus calmes, une longue suite d’aventures sentimentales, fort compliquées, selon ‘notre tradition’. » (Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, op. cit., p. 86) ; « Les aventures sentimentales sont la plupart du temps, de courte durée chez les homosexuels. » (idem, p. 84) ; « J’ai passé des années éblouissantes avec elle. Extrêmement fatigantes ! (rires) » (Thérèse, une témoin lesbienne de 70 ans, par rapport à une jeune amante allemande « désinvolte » avec qui elle a vécu une relation passionnelle qui l’a beaucoup blessée, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Ma vie, aussi longtemps que je vous eus à mes côtés, fut entièrement stérile. » (Oscar Wilde s’adressant par lettre à son amant Lord Alfred Douglas, De Profundis, 1897) ; « Il y a souvent dans les amours dites ‘marginales’ cette impression de pulvérisation, quelque chose qui se délite, qui s’émiette, qui laisse en effet insatisfait. Parfois une impression de tristesse douloureuse. Il y a la lassitude, l’incuriosité. Alors ça ! Le nombre de couples, homos ou hétéros, qui ne font pas assez durer leur musique parce que l’un ou l’autre n’est pas assez curieux de l’autre, ou qu’il ne l’aime pas assez pour accepter de passer derrière l’autre… » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; etc.

 

J’irai même jusqu’à dire que le désir homosexuel, plus qu’un désir, est une absence de désir, une frustration. Si on y réfléchit bien, il mériterait à peine le qualificatif de « désir », d’ailleurs : « Le grand point faible de l’homosexualité, c’est sa lâcheté. » (Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, idem, p. 103). Même s’il est, en intentions, libertaire, il est beaucoup plus à associer à un refoulement du désir qu’à l’expression d’une liberté profonde : « À force de refouler tout ce qu’on ressent, amour, désir, angoisse, chagrin, douleur et larmes légitimes, on finit par devenir des infirmes du sentiment et par ne plus rien ressentir du tout. » (Paula Dumont dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), p. 100) ; « Il est tout aussi inexact d’écrire que j’aime les femmes ou que je suis attirée par les femmes parce que rares sont celles qui m’ont réellement attirée. La plupart ne me font ni chaud ni froid et je dois même avouer que beaucoup me réfrigèrent complètement. » (idem, p. 101) ; « Ce n’est pas de l’amour toujours, c’est peut-être un amour maintenant mal alimenté. J’ai peur de souffrir, j’ai peur de la fragilité du désir. » (Catherine dans l’autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, p. 53) ; « Je n’arrivais pas à prendre au sérieux cette peur de l’amour et du désir sur laquelle elle revenait sans cesse et il me semblait, tant l’amour peut rendre présomptueux, que j’en viendrais assez facilement à bout. » (Paula Dumont, idem, p. 53) ; « J’ai eu une jeunesse par moment inutilement malheureuse. Et puis il y a eu l’amour platonique en Virginie… » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, décembre 1982, p. 210) ; etc.

 

Cruel constat (pourtant si avéré !) : généralement, les personnes homosexuelles, en mettant en avant leurs « envies » et leurs pulsions dans leur recherche d’amour, en définitive ne savent pas ce qu’elles veulent, ni aimer vraiment comme elles pourraient aimer vraiment dans un autre cadre d’amour. Elles se rabattent par défaut sur le couple homosexuel parce qu’elles croient qu’il n’y a que « ça » pour elles, que cette formule contente/anesthésie pour un temps leurs appétits sexuels ou simplement leurs besoins de tendresse, mais ce choix n’est pas le fruit de leur volonté profonde : « Comme je n’aime pas les femmes, il ne me reste que les garçons qui ne savent pas ce qu’ils veulent, les égarés, les perdus. » (Ernestito dans l’essai Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 269) ; « Le transsexuel est généralement un individu sans volonté. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 342) ; « Sans trop savoir au juste ce que je voulais, je savais tout au moins ce que je ne voulais plus. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 190)

 

En général, l’amour homosexuel fictionnel semble rarement à la bonne cuisson : soit c’est trop cuit, soit pas assez (et cela ne semble pas dépendre de la qualité humaine individuelle de chacun des partenaires du binôme homo : la preuve qu’on se situe bien là face aux limites objectives du désir homosexuel lui-même, et non dans le jugement de la « capacité à aimer » des homos !) ; soit l’un des deux amants aime trop pendant que l’autre ne l’aime pas assez, soit c’est l’inverse. En tout cas, les partenaires se retrouvent involontairement à ne pas s’aimer en même temps… comme les pôles magnétiques de deux aimants positifs, qui se repoussent, ne se rencontreront jamais, et partageant un trop-plein de ressemblances, une illusion d’amour. C’est plus fort qu’elles et leurs sincérités : les personnes homosexuelles finissent par avouer qu’elles ont du mal à alimenter la flamme du désir homosexuel : « Nous avions voulu croire que le fait de ne plus être seules nous amènerait à nous aimer, mais il nous a fallu déchanter. Nous avions fait, sans le savoir, un mariage de raison. Nous nous étions trompées toutes les deux parce que nous avions trouvé pendant quelque temps notre compte dans cette illusion. » (Paula Dumont parlant de son couple avec Martine, op. cit., p. 73) ; « Chaque fois que j’ai eu une liaison avec une femme, les débuts ont été, sur le plan physique, tout feu tout flamme, pour se calmer ensuite plus ou moins vite et finir par s’éteindre. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 110) ; « Je prie pour que je puisse l’aimer suffisamment… Il faut avoir tant de force pour aimer beaucoup. Je redoute les assauts de la lassitude. » (Klaus Mann, Journal (1989-1991), p. 53) ; « J’ai perdu beaucoup de temps. Toute ma jeunesse. » (Pierre, homosexuel, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Quand Lulu m’écrivait des lettres brûlantes, que je viens de classer comme on classe une affaire, il était d’une sincérité absolue. Son silence aujourd’hui les rend caduques. À quoi servent des mots tendres empilés dans une boîte en carton ? Tous les Lulu se ressemblent. Je reste stoïque face à la fatalité. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), pp. 161-162) ; « Je voyais ce qui m’attendait : souffrir, souffrir pour quelqu’un d’indéfinissable et qui, sans me le dire, ne voulait déjà plus de moi. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 43)

 

Parfois, pendant les temps de pause de leur course effrénée à l’amour, elles se posent la question fatidique du SENS du désir homosexuel, et lancent un terrible « Mais à quoi bon ? » : « Si mon homosexualité consiste à chercher à combler la carence affective dont j’ai souffert quand j’étais petite, je me demande aujourd’hui s’il ne vaut pas mieux renoncer à la quête, vouée d’avance à l’échec, d’une compagne susceptible de panser les blessures de la petite fille que j’ai été il y a plus de cinquante ans. Car la gamine en souffrance sera de toute manière toujours là, à gémir sur ses plaies… » (Paula Dumont dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), p. 114) Par exemple, dans son autobiographie Mon théâtre à corps perdu (2006), Denis Daniel présente son ami Pierre comme « un homo éternellement insatisfait » (p. 109).

 

Je vous renvoie à l’admirable description de la lourdeur inexplicable (et à mon sens généralisable) du couple homosexuel dans le blog mi-fictionnel mi-autobiographique de Jérôme sur www.trouverunmec.net : « Paris, le 19 mars 2008. Cher Y., […] je comprends ta lassitude, mais je ne comprends pas pourquoi elle s’est installée sans qu’on ne remarque quoi que ce soit. […] Nous ne savions pas, nous nous faisions confiance, sans doute un peu trop, et nous n’avons pas vu que peu à peu, les liens se distendaient. Nous faisions des choses ensemble, mais étions-nous ensemble ? La nuance est là, et je n’arrive pas trop à mettre des mots dessus mais je suis persuadé que c’est à ce stade-là que le bât blesse. Je ne vais pas t’ennuyer longtemps, il n’y a pas grand chose à dire. Nous nous séparons et il faudra que je t’oublie. Dans une histoire, on ne souffre jamais en même temps. Desproges disait qu’il y en avait toujours un qui souffrait et l’autre qui s’emmerdait, j’étais le premier, toi le second. » (cf. l’article « Correspondance interrompue 2 », datant du mardi 8 juillet 2008). Le descriptif du schéma de couple homosexuel « l’un s’ennuie/l’autre souffre » – les rôles pouvant être interchangeables – est également fait dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel. Et je trouve, pour l’avoir expérimenté moi-même dans les couples homosexuels que j’ai essayé de former à une période, et en observant les couples d’amis homosexuels qui vivotent autour de moi (même si parfois ils durent… preuve que la quantité n’est pas toujours gage de qualité…), que ce constat « l’un s’ennuie/l’autre souffre », qui pourrait résonner comme un fatalisme (parce qu’ils condamnent sans exception les actes homosexuels et le désir homosexuel à l’insatisfaction), est d’une étonnante lucidité, et ne devrait pas nous attrister, nous, personnes homosexuelles, car il ne dit rien de notre capacité individuelle d’aimer, et pourra même nous forcer à élargir notre gamme de modalités d’aimer, dans une société qui nous oblige à réduire le bonheur uniquement au « Couple ».

 
 

c) Le phénomène de l’infidélité dans le couple homosexuel : plus accru qu’ailleurs ?

À mon sens, c’est cette obéissance scolaire et aveugle des personnes homosexuelles au poncif médiatique du « Couple » qui illustre le mieux ce qu’est véritablement le désir homosexuel (un désir de disparaître et de vivre à travers un autre parce qu’on se prend pour une moitié d’Homme), et qui explique également pourquoi l’amour homosexuel s’inscrit difficilement sur la durée, la fidélité et la joie.

 

Cela s’explique par le fait que, dans le fonctionnement égocentrique du désir homosexuel, la « fidélité à soi-même » prévaut sur la fidélité à l’autre. « Ma propre vision de l’existence où la fidélité à soi-même et la recherche de l’épanouissement personnel sont primordiaux. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 40) Dans l’émission Radioscopie sur France Inter, le 6 mai 1976, Jean-Louis Bory, au micro de Jacques Chancel, évoque « la difficulté que l’amour dure ».

 

Et ne venez pas me dire que le phénomène de l’infidélité dans les couples homos, « c’est du cliché », et que cela n’a rien d’une tendance très marquée du désir homosexuel ! Ce serait archi-faux. Une fois n’est pas coutume : je vais puiser (même si je n’aime pas le faire, habituellement, car cela encourage à l’essentialisation du désir homo, et donc au jugement des personnes) dans les statistiques pour vous montrer que l’infidélité est un processus spécifique non pas aux personnes homosexuelles (en tant qu’individus) mais au couple homo, aux actes homos, et donc au désir homosexuel.

 

Par ailleurs, une étude BienEtreGay et le club TBM, réalisée auprès d’un panel de 1500 hommes gays en France (dont 16,4% interviewés sont en couple) en 2011, montre que 75% des sujets gays ne croient pas au couple et à la fidélité.

 

Par ailleurs, d’après l’essai Enquête sur la sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, en 2008 en France, la moyenne du nombre de partenaires chez les personnes homosexuelles est de 6,6 partenaires pour les femmes lesbiennes, et de 15,4 pour les hommes gay (p. 251). L’existence de relations extraconjugales est plus fréquente dans les couples d’hommes homosexuels que dans les couples de sexe différent. Ainsi, 1 homme sur 3 qui vit en couple avec un homme depuis plus d’un an rapporte avoir eu un autre partenaire dans les 12 derniers mois (versus 3,5% des hommes vivant en couple avec une femme). Les hommes homo-bisexuels déclarent avoir eu 10,4 rapports en moyenne au cours des 4 dernières semaines contre 8,6 chez les hommes hétérosexuels (pas de différence avec les femmes), n’en déplaisent aux femmes lesbiennes qui aiment à penser que l’infidélité est une « affaire de mâles », « elles ont un nombre plus important de partenaires que les femmes qui n’ont eu que des partenaires masculins. » (idem, p. 254) « 96% des homosexuels affirment pratiquer une drague furtive dénuée d’affect et de stabilité. » (Jacques Corraze, L’Homosexualité, 2002) Contrairement à l’idée reçue (selon laquelle on s’assagirait à l’âge adulte, qu’on ne s’engagerait qu’à partir de 25 ans dans le « milieu homo »), plus on est jeune, plus on est fidèle : « Les jeunes homosexuels sont plus nombreux que les autres à s’investir dans un rapport de fidélité : 55% des moins de 25 ans engagés dans une relation de couple déclarent cette union exclusive. Par la suite ce taux décroît régulièrement et après 35 ans, ce mode de vie devient minoritaire (moins de 40%). Pendant les deux premières années de la vie sexuelle, dans 67% des cas de relations stable, celle-ci est exclusive. Ce taux chute à 35% après 15 ans de vie sexuelle. »

 

Nombreux sont les couples homosexuels qui quantitativement demeurent longtemps ensemble, mais qui, qualitativement, ne s’épanouissent pas car ils acceptent les infidélités ponctuelles en leur sein. La question de l’amour n’est pas seulement celle de la durée : elle est surtout de la fidélité et de la joie renouvelée dans l’engagement exclusif à une seule personne et dans le don entier de sa personne. Par exemple, le couple Margaret Mead et Ruth Benedict passe 20 ans ensemble, mais ne reste pas fidèle. Dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne, Xavier, après 26 ans de vie commune avec Guillaume, le trompe avec François, un petit jeune. Dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt, on apprend que le jeune homme politique du Parti Social Démocrate allemand Michael Adam a trompé son compagnon sur son lieu de travail.

 

Dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2, Pierre/Bertrand se justifient de se tromper, en disant que c’est monnaie courante dans tous les couples normaux : « Si le couple est réduit à la fidélité, je pense qu’il ne doit pas y avoir beaucoup de couples. » (Pierre) Et même quand ils vont voir ailleurs, ils estiment qu’ils ne se trompent pas. « Pour moi les histoires de sexe n’ont jamais été des histoires de sexe. » (Pierre) ; « Leur fidélité n’est pas sexuelle. Leur infidélité n’est pas synonyme de trahison. » (Voix-off)

 

Dans énormément de couples homosexuels (même présentés comme « mythiques » : Verlaine et Rimbaud, Marais et Cocteau, Saint-Laurent et Bergé, Solidor et Brémond d’Ars, etc.), l’infidélité est envisagée comme un « mode de vie » logique et parfois magnifique (une preuve d’amour et de confiance incroyables : « Tu m’aimes tellement que tu oses me faire mal ! Quelle audace ! Quelle entorse d’amour à nos propres idéaux ! ») : « Je suis allé marcher ailleurs. Tu m’y as poussé. Il fallait arrêter. Trahir. » (Abdellah Taïa à son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 121) ; « Rien ni personne, malgré mon goût des aventures multiples dont certaines prirent de l’importance, ne parvint à mettre en péril une entente que la fin de l’accord charnel au bout d’une décennie ne menaça pas davantage. » (Christian Giudicelli parlant du « vieux couple » qu’il forme avec son compagnon Claude, dans son autobiographie Parloir (2002), p. 20) ; « Nous avons tout partagé, les angoisses, les espoirs, les joies mais aussi les maisons, les tableaux, les objets d’art. Parfois les amants. » (Pierre Bergé à propos de son « couple » avec Yves Saint Laurent, dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 18) ; « Je n’aurai jamais été fidèle, même si, quand je faisais l’amour, j’étais tout donné à la personne. Je ne me suis jamais attaché. Et je n’en ai jamais souffert. » (Pierrot, le papy fermier homosexuel dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Fatalement, Grégoire savait tout cela [= mes infidélités], mais il misait sur le temps qui, selon lui, me ferait émerger du désordre de ma vie sentimentale. […] En somme, le plus difficile dans notre histoire amoureuse était de pouvoir maîtriser mon irrésistible instabilité qui perturbait notre couple après quatre années de vie commune. » (Ednar, le héros homosexuel du roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 144 puis 155) ; « J’avais erré des semaines entières entre les corps des autres, sans jamais comprendre ce qu’était la véritable relation sexuelle. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 120) ; « Jean Marais était très très très cavaleur. Et je pèse mes mots ! » (un des interviewés du documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) d’Yves Riou et Philippe Pouchain) ; « Il faut être prêt à accepter cette Vérité qu’est l’infidélité. Et il faut en parler avec son partenaire. Quand on est amoureux, on a cette illusion d’amour. Et on s’éloigne de la réalité. » (Jonathan, séropositif et homosexuel, dans le documentaire « Prends-moi » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; etc.

 

Plein d’entourloupes langagières sont employées pour euphémiser les dégâts réels de l’infidélité homosexuelle. Par exemple, la relation entre la photographe lesbienne Claude Cahun et sa compagne Suzanne Malherbe est qualifiée de « foncièrement non conformiste et libertaire » (cf. l’exposition « Claude Cahun » au Jeu de Paume du Jardin des Tuileries, à Paris, en juin 2011). Pierre Bergé voit dans le rappel de ses infidélités à Yves Saint-Laurent un complot « bourgeois » : « Bien sûr, on a eu des infidélités sexuelles, beaucoup ! Mais ce sont des propos bourgeois… Ce qui nous soudait était tellement plus important ! » (cf. propos recueillis dans cet article) Mais dans les faits, leur « couple » était criant d’ennuis de souffrance, même s’ils ont camouflés ces derniers par le matériel, le carriérisme et l’infidélité.

 

Ce sont même maintenant les lois en faveur du « mariage homo » ou de l’adoption des « familles » homoparentales qui servent de pare-feu. Certains individus homosexuels considèrent que l’accueil des enfants dans leur couple – alors même que celui-ci intègre souvent l’infidélité comme « mode de fonctionnement interne normalisé » – va rabibocher ou occulter la violence qu’ils s’infligent à deux en se trompant : « Je suis si heureux marié, devenu un marié dévoué, bientôt un père responsable (quand on sera prêts Marcelo et moi, on adoptera un enfant, voire deux, trois…). » (Eduardo Mendicutti, dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 66, où il raconte quelques lignes plus haut les nombreuses infidélités à son « mari » qu’il exerce avec le consentement de ce dernier…)

 

Mais revenons au Réel en dépassant les intentions. Je l’ai vu et je continue de le voir dans les sphères relationnelles homosexuelles que je côtoie (et pas uniquement dans des contextes de « drague glauque » : je parle aussi et surtout des petits couples confortablement installés, PaCsés, et en apparence « bien sous tout rapport ») : objectivement, l’infidélité est un vrai drame dans les couples homosexuels, et ce, pour les deux membres de l’union… quand bien même, avec le temps, elle soit parfois « consentie à deux » et normalisée. Je suis même persuadé qu’elle est bien plus facteur de dépressions et de suicides que toutes les agressions homophobes dont les médias et les militants homosexuels font tant cas aujourd’hui pour ne surtout pas qu’on se penche sur les nombreuses blessures d’amour que s’infligent les personnes homosexuelles entre elles, dans le « milieu homosexuel » tout comme dans l’intimité des couples. « Le cocu peut rapidement devenir schizophrène. D’un côté, votre mari rentre tout câlin et aimant à la maison, vous répète en permanence que son aventure est terminée, qu’il est mal parce qu’il vous en a fait, qu’il veut finir le reste de ses jours blotti dans vos bras, vous appelle mon bébé ou mon doudou, passe son temps à vous embrasser en roucoulant et vous associe à de nombreux projets. D’un autre, vous lisez accidentellement les messages qu’il envoie à son ami et découvrez qu’il semble vivre l’enfer en votre compagnie et vous fait passer pour un immonde empêcheur de tourner en rond. Sans compter sur les cadeaux qu’il reçoit ou qu’il fait. De façon cocasse, il peut offrir les mêmes accessoires que vous avez eu la gentillesse de lui offrir, accessoires que vous pouvez également posséder (façon « Attention, une femme peut en cacher une autre » de Lautner). […] En résumé, il est impossible de savoir à qui son mari ment le plus, à vous, à lui ou à son nouvel ami. » . (cf. l’article « Loup y es-tu ? » du blog de Chondre, 25 juillet 2011) Quand il y a infidélité, tout le monde est victime et bourreau. Tout le monde souffre. L’infidélité est un échec de relation, non d’abord d’individus pris séparément.

 

En conclusion, je dirais que la tendance à l’infidélité dans le couple homosexuel n’est pas tant la faute de celui qui est laissé ou de celui qui va « voir ailleurs », n’est pas tant une histoire de personne et de soi-disant « incapacité à aimer/de mérite d’être aimé », que la marque de la faiblesse de la relation homosexuelle en général, que le signe de la lâcheté, de la fragilité, de la violence, intrinsèques au désir homosexuel. Elle ne peut donc pas donner lieu à des jugements de PERSONNES, mais uniquement au jugement du couple, de l’acte, et du désir homosexuels.

 

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Code n°113 – Maquillage (sous-codes : Décorateur homo / Paravent)

Maquillage

Maquillage

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Le mensonge esthétique appelé beauté, identité et amour

 

Le maquillage est exactement à l’image de l’homosexualité. Il est une réalité mais rarement une Vérité, rarement un outil au service de la Vérité et de la Beauté intérieure. Il efface et est effacé mais, dans son effacement, il (s’)inculpe et se rend visible. Ou au contraire, il veut la visibilité et, dans le même mouvement, il occulte les choses. Il se veut original, naturel, identitaire et amoureux alors qu’il est prioritairement un artifice, un mensonge, une réalité forcée/violée.

 

Je garde en mémoire un ami homosexuel de 26 ans, qui a une véritable passion pour le maquillage. Il est noir de peau, aime se féminiser et créer le trouble sur son identité sexuée en se travestissant par le maquillage. Je suis sûr qu’il se trouve sublime, mystérieux, divin, quand il est maquillé. Ne croyez pas que sa lubie soit intentionnellement humoristique, ou vue comme uniquement fantaisiste. Il est très sérieux quand il est maquillé. Il y a fort à parier qu’il ne se considère même pas maquillé même quand il l’est objectivement. Je sais que, s’il avait pu, il aurait souhaité être maquillé à vie. Et en toile de fond, son idolâtrie du maquillage (il a absolument tenu à me maquiller lors d’une soirée entre amis, et j’ai cédé pour l’exercice tant il m’a tanné : j’ai finalement bien aimé, et ai toléré ma métamorphose en femme-objet tant qu’elle restait dans une démarche ponctuelle, amicale et délirante) indiquait un gros défaut de son caractère : sa tendance au mensonge et à la dissimulation. Ce garçon capricieux et difficile à gérer (en amour comme en amitié) continue d’ailleurs d’en faire voir de toutes les couleurs à ses petits copains… Le maquillage n’a rien de neutre ni d’innocent ni de purement esthétique. C’est moral aussi.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Peinture », « Haine de la beauté », « Ennemi de la Nature », « Poupées », « Animaux empaillés », « Pygmalion », « Talons aiguilles », « Voyante extralucide », « Bourgeoise », « Miroir », « Amant narcissique », « Reine », « Déni », « « Plus que naturel » », « Tante-objet ou Mère-Objet », « Actrice-traîtresse », « Clown blanc et Masques », « Magicien », « Douceur-Poignard », « Homme invisible », à la partie « Kitsch » du code « Fan de feuilletons » et à la partie « Travestissement » du code « Substitut d’identité », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) La maquillage-mania :

Film "Head On" d'Ana Kokkinos

Film « Head On » d’Ana Kokkinos


 

Dans beaucoup de fiction homo-érotiques, on observe que le personnage homosexuel adore le maquillage, et parfois se filme en train de se maquiller : cf. le film « Und Gott Erschuf Das Make-Up » (« Et Dieu créa le maquillage », 1997) de Lothar Lambert, le film « The Dresser » (1983) de Peter Yates, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec la maquilleuse lesbienne), le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo (avec le goût d’Éric pour le musc), le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (avec Patreese Johnson, le maquilleur homo), le roman Paradiso (1967) de José Lezama Lima (avec le musc), la pièce Les Précieux Ridicules (2008) de Damien Poinsard et Guido Reyna (avec l’insistance sur la pommade), le film « Sa meilleure cliente » (1932) de Pierre Colombier, le film « Rêves de femmes » (1955) d’Ingmar Bergman (avec le maquilleur efféminé), le film « Le Signore » (1960) de Turi Vasile, le film « Boulevard » (1960) de Julien Duvivier, le film « Catwoman » (2005) de Pitof, le film « Fatal Beauty » (1987) de Tom Holland (avec le salon de beauté), le film « Le Mystère Silkwood » (1983) de Mike Nichols (avec Angela, la maquilleuse), le film « Ding Dong » (1995) de Todd Hughes, le film « Adieu Forain » (1998) de Daoud Aoulad-Syad, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco (avec Marilyn Lenorman l’esthéticienne), le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti, le film « Bodas De Sangre » (1981) de Carlos Saura, le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées » (2009) de Pedro Almodóvar (avec le maquilleur homo), le roman Mehdi met du rouge à lèvres (2005) de David Dumortier, le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo, le spectacle-cabaret transformiste Écran Total (2014) au Saint Sabastien, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel, le vidéo-clip de la chanson « Todos Me Miran » de Gloria Trevi, le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, etc.

 

Film "Ma vie en rose"

Film « Ma vie en rose » d’Alain Berliner


 

Par exemple, dans le film « Ma vie en rose » (1996) d’Alain Berliner, le jeune Ludovic se prend pour une fille et se maquille secrètement dans sa chambre, et avec les ustensiles de sa mère. Dans le film « Light Sleeper » (1991) de Paul Schrader, David Clennon est amateur de crèmes de beauté. Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Florence, l’héroïne lesbienne, travaille au siège de LORÉAL à New York. Dans le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, Michael fait du maquillage d’effets spéciaux son métier. Dans le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch, Chloé, la fille à pédé, est maquilleuse pour des photos de mode. Dans le film « Drool » (2009) de Nancy Kissam, Imogene, la vendeuse en cosmétique est lesbienne. Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Donatienne, la « fille à pédés », veut maquiller des stars et parvient à en faire son métier. Dans le film « Miss Congeniality » (« Miss Détective », 2001) de Donald Petrie, Vic, homosexuel, est le relookeur officiel du concours de Miss États-Unis, le maquilleur et le conseiller des filles ; tacitement homo, il est surnommé « la Follasse bavaroise ». Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, on voit la troupe homosexuelle de ballet se maquiller soigneusement dans les loges. Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, crée des parfums. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol maquille son amante Thérèse pour la féminiser et la draguer : « Il faut du rouge à lèvres. ». Dans ce film, il est fait plusieurs fois mention du pouvoir invisible du parfum de Carol. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric, le héros homo gay, a l’habitude de se maquiller.

 

« Tante Lill m’a élevé ici, dans ce salon de beauté. » (Sabu, le héros homo du film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick) ; « Son odeur disparut au fil de jours, je ne pus la retenir. Mais je me souviens maintenant d’un mélange d’ambre, de musc et de réglisse. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 59) ; « Chaque mois, j’ai ma semaine ravalement. C’est une espèce de réminiscence de mes journées maquillage avec ma Barbie. » (Jarry dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Chantons ensemble : Jeunesse, jeunesse, jeunesse… ton teint est dû au yaourt… ! » (la Voix dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « Sombra aquí y sombra alla, maquillate, maquillate. » (cf. la chanson « Maquillaje » de Mecano) ; « En quinze jours, j’ai au moins dévalisé deux boutiques de Séphora. » (Thomas, l’un des héros homosexuels, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; etc.

 

Sont souvent conférés au maquillage des pouvoirs magiques d’éternité : « La perruque est comme un casque, qui se greffe à mon cerveau, y’a des cheveux en vinyles qui poussent de l’intérieur. Et si ça transforme mon visage, ça transforme tout… L’artifice prend racine, j’ai plus peur. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier)

 
 

Cyrille – « Est-ce que le maquillage tient ?

Hubert – Impeccable ! »

(Copi, Une Visite inopportune (1988), p. 67)

 
 

Il arrive que le héros homosexuel se prenne lui-même pour le maquillage (genre « Loulou, c’est moi. ») : « Le Hairspray, c’est moi ! » (Corny Collins, le présentateur efféminé ventant les mérites du brumisateur Hairspray et de la laque pour les cheveux, dans la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters)

 

Par exemple, dans son one-man-show Gérard comme le prénom (2011), Laurent Gérard présente tacitement sa métamorphose physique et sa conversion au maquillage comme une preuve visible et implicite de son homosexualité refoulée : avant de faire vraiment son coming out, il se fait blondir les cheveux, met sa crème de nuit, se fait faire un bleaching des dents, fait des UV pour s’assurer un « bronzage naturel », fait de la muscu, etc. « À 18 ans, j’allais me faire des soins en institut de beauté. » Le maquillage est à la fois signe homo-érotique et écran de sa tendance.

 

Dans la fantasmagorie homosexuelle sont souvent tournées de longues scènes de teinture de cheveux : cf. le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le film « Meilleur Espoir Féminin » (1999) de Gérard Jugnot, la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, la chanson « DJay » de Diam’s, etc. « Le matin je passerai chez mon coiffeur me faire teindre en blond platine. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Je faisais les teintures chez les coiffeurs. » (Otho, le héros homosexuel du film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton) ; « Saïd jalouse secrètement les cheveux longs et noir foncé de son compagnon, qui passe au moins une demi-heure tous les matins à placer soigneusement avec des pommades et des gels. » (Saïd par rapport à son amant Ahmed, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 43) ; etc. Par exemple, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, toutes les comédiennes interprétant un rôle de lesbiennes portent une perruque colorée. La teinture est même parfois vue comme un acte d’amour. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie teint en jaune les cheveux de son amante Floriane son amante pour qu’elle soit une merveilleuse reine de la natation synchronisée. Dans le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma, Lisa maquille Laure (qu’elle pense être Michaël) en fille, en lui disant que ça lui va bien.

 

La teinture est une manière – surtout les protagonistes lesbiennes – de s’habiller d’étrangeté et d’ambiguïté bisexuelle. Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2014) d’Abdellatif Kechiche, Emma, l’une des héroïnes lesbiennes, a les cheveux complètement bleus. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, s’est teint en blond pour ressembler à ses actrices… tout comme son petit copain Stefanos, rencontré dans les toilettes, et qui lui s’est fait des cheveux rouges. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, c’est au moment où Charlène est maquillée par Sarah (qui lui dit : « T’es belle. ») qu’elle commence à tomber amoureuse d’elle.

 

Le maquillage entre amants homosexuels est parfois la marque d’une infantilisation, d’une débauche de bons sentiments, d’un trouble (incestueux) de l’attachement : « Aujourd’hui, après, quelques jours d’interruption ayant expédié au mieux mes obligations, j’ai enfin eu le temps de me faire cajoler par la bonne. J’ai acheté toutes sortes de produits sans regarder à la dépense, notamment une poudre parfumée que l’on indique en cas d’irritation de la peau chez les bébés. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 98) Par exemple, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, la grand-mère de Rodolphe a toujours espéré que son petit-fils soit homo, et voit le maquillage comme le support de son homosexualité : « On a repris espoir au moment où tu as commencé à te maquiller ! » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, maquille sa propre mère dans la salle de bain et lui redonne soi-disant sa féminité. Dans le film « Madame Doubtfire » (1994) de Christ Columbus, Frank, le frère homo de Daniel, secondé par son copain Jack, habitent en couple et sont coiffeurs, maquilleurs et plasticiens. Ils font des masques et maquillent Daniel en vieille gouvernante. « Par contre, j’ai du plâtre. » Le masque est tellement réussie qu’il suscite chez Jack une remarque incestuelle : « Tu ressembles à maman. En mieux. »

 

Le personnage homosexuel pratique l’art du camouflage et de la contrefaçon (y compris sur lui-même par le travestissement) : cf. la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer, le film « Le Secret du Chevalier d’Éon » (1959) de Jacqueline Audry, le film « Un beau Jour, un coiffeur… » (2004) de Gilles Bindi, la chanson « Make Believe » d’Étienne Daho et Vanessa Daou, le roman Off-Side (1968) de Gonzalo Torrente Ballester (avec la contrefaçon de tableaux de Goya), le film « Elle ou Lui ? » (1994) d’Alessandro Benvenuti (avec Leo, le restaurateur de tableaux), la chanson « La Grande Zoa » de Régine ; etc. « Je suis la reine du camouflage. » (Martial dans la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon) ; « Le jeune pirate maîtrise l’art du camouflage. » (cf. la description de Cyrille dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 37) ; etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Antoine, le futur « mari » de Jérémie, est titulaire de chirurgie dans un grand hôpital parisien.

 

Il arrive que le héros homo (ou l’un de ses amis) soit aussi décorateur : le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (avec le personnage de Nate), le film « Syncopation » (1929) de Bert Glennon, le film « Only Yesterday » (1933) de John M. Stahl, le film « The Wedding Of Lili Marlene » (1953) d’Arthur Crabtree, le film « The Side Of Heaven » (1934) de William K. Howard, le film « La Maison de campagne » (1969) de Jean Girault, le film « La Fuga » (1964) de Paolo Spinola, le film « Chaque mercredi » (1966) de Robert Ellis Miller, le film « Footing » (2012) de Damien Gault (Marco, le héros homo, est décorateur), le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic (avec Djordje, le décorateur homosexuel), etc. « Je suis un peu décorateur, un peu styliste. » (cf. la chanson « Comme ils disent… » de Charles Aznavour) ; « Hugo a toujours été très doué pour la décoration. » (Selma dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino) ; « C’était surtout la déco de Kai. » (Richard parlant de sa maison partagée avec son amant Kai, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Cet appartement semble sortir d’un magazine de décoration. » (Jane parlant de l’appart qu’elle prend avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh) ; « Tu aimes la déco. » (Graziella s’adressant à son ami homo Tom d’un ton injonctif, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) ; « Je m’attendais à trouver quelque chose de plus élaboré au niveau de la décoration. » (le Dr Katzelblum visitant l’appartement de ses deux patients en couple homosexuel Benjamin et Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « On peut la retrouver rue des saint pères. Décorateur et antiquaire. » (cf. la chanson « La Grande Zoa » de Régine) ; etc. Par exemple, dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Vivien, l’un des héros homos, est décorateur. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, aime imiter la relookeuse de M6, Cristina Cordula, « la grosse gouine qui fait la déco à la télé ». Dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Martin, le héros homo, « a toujours été doué en déco » selon Christine, son ex-femme. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Marie, l’une des héroïnes lesbiennes, travaille dans la déco : elle a une boutique.

 
 

b) Le Maquillage : paravent du kitsch, paravent du viol

Vidéo-clip de la chanson "Je suis moi" de Shy'm

Vidéo-clip de la chanson « Je suis moi » de Shy’m


 

Malheureusement, le vernis du maquillage n’est pas éternel et commence à se craqueler, à révéler de tristes intentions chez le héros homosexuel qui a voulu croire en la « Profondeur du paraître ». Le maquillage est à la fois le signe de fierté du personnage homosexuel, mais paradoxalement aussi le signe de sa honte d’être ce qu’il est, d’une homophobie intériorisée : « Elle maquille trop sa pauvre face ! » (c.f. la chanson « Le Garçonne » de Georgel) ; « J’ai mis de l’ordre à mes cheveux, un peu plus de noir sur les yeux. » (cf. la chanson « Il venait d’avoir 18 ans » de Dalida) ; « Viens Sylvie, on va se remaquiller toutes les deux ! » (Benjamin, l’un des héros homos entraînant Sylvie à la salle de bain, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « J’en ai trop mis ! » (Juliette, sur la cour d’école, parlant de son maquillage, dans le téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier) ; « À l’heure où naît un jour nouveau, je rentre retrouver mon lot de solitude. J’ôte mes cils et mes cheveux, comme un pauvre clown malheureux de lassitude. » (cf. la chanson « Comme ils disent » de Charles Aznavour) ; « Voir un ami travesti pleurer. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Les yeux fardés jusqu’au mépris. » (Luca, le héros homosexuel du spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; « Tout seul dans mon placard les yeux fardés de noir, à l’abri des regards, je défie le hasard. Dans ce monde qui n’a ni queue ni tête je n’en fais qu’à ma tête. » (cf. la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer) ; « Je me fais des yeux au beurre noir. » (c.f. la chanson « Le Petit Rouquin du Faubourg Saint-Martin » de Fortugé) ; « C’était une bonne époque pour être homo. Le style androgyne était à la mode ; même les garçons hétéros portaient du maquillage et des bijoux, et se teignaient les cheveux. Je crois qu’une partie de Tielo aurait bien voulu être gay. Jusque-là, on avait tout fait ensemble, mais il avait toujours été le plus dévergondé de nous deux. […] Il s’est laissé draguer par des mecs une ou deux fois. » (Petra parlant des années 1980, de son frère hétéro Tielo, et s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 81) ; « Les filles comme moi ont appris très tôt à masquer un coquard. » (Fred, le trans M to F, soignant la plaie de Cédric à l’arcade en le maquillant car il s’est fait agresser par une bande homophobe, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc.

 

Planche "Le Miroir" de la B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi

Planche « Le Miroir » de la B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi


 

Par exemple, dans le film « La meilleure façon de marcher » (1976) de Claude Miller, Philippe, le héros bisexuel, se maquille en femme dans le secret de sa chambre, pendant la colo, mais prend comme un drame le fait d’avoir été surpris par Marc en flagrant délit de travestissement. Dans la chanson « Comme ils disent… » de Charles Aznavour, le démaquillage est le moment où le masque tombe, où le travesti contemple sa face de triste-sire-qui-ne-s’aime-pas dans la glace. Dans le film « Je vois déjà le titre » (1998) de Martial Fougeron, Paulo, le héros homo travesti, avec ses faux cils et son fard à paupières dégoulinant, affiche l’amertume amoureuse homosexuelle et sa désespérance existentielle. Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, le Coryphée est un homme travesti M to F avec une perruque tombée, au maquillage coulant. Dans la nouvelle « Kleptophile » (2010) d’Essobal Lenoir, la description des produits cosmétiques exposés dans le grand magasin, aux stands de parfumerie, est associée à la sueur, à la bestialité, est montrée comme délétère. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, présente l’inconvénient de son métier : « Y’a le revers de la médaille : tu vieillis plus vite que d’habitude. » Il se rend chez un chirurgien pratiquant la « médecine esthétique pour rajeunir. Le résultat n’est d’ailleurs pas toujours à la hauteur de ses espérances. Jeanfi parle « des effets mordants du peeling » et des ratés de son médecin qui le bronze de trop : « J’étais pas épanoui totalement. Il me manquait quelque chose. »

 

Le maquillage semble réveiller et exacerber les pulsions sexuelles (= je suis maquillé donc plus facilement baisable et consentant)… en milieu homo qui joue les hétéros : « Petra […] marqua une nouvelle pause, comme pour se souvenir des boîtes de nuit bourrées de garçons maquillés et de filles attendant de se faire draguer. » (Louise Welsh, The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012), p. 82) Le maquillage symbolise souvent le fantasme d’être une prostituée, d’être violé : « Anna s’habille comme une pute. […] Je crois qu’elle aimerait bien. Son maquillage, ses talons hauts qu’elle adore ; ce sont des choses que porterait une prostituée. » (Maria, la prostituée, décrivant la jeune Anna, idem, p. 165)
 

Comme le héros homosexuel finit par se rendre compte que le maquillage ne peut pas régler tous ses problèmes ni gommer toutes ses limites humaines (et pire, que ce dernier les met en valeurs et les fait ressortir !), il finit par se venger de ses masques, de ses bijoux, de ses crèmes, de ses boucles d’oreilles, en les détruisant. La passion pour la contrefaçon et le maquillage va de pair avec celle de sa dénonciation (ou sa destruction, surtout chez les personnages lesbiens) : cf. les romans Les Caves du Vatican (1914) et Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, le film « Dead Ringers » (« Faux semblants », 1988) de David Cronenberg, le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, le film « Sancharram » (2004) de Ligy J. Pullappally (avec l’une des héroïnes lesbiennes qui s’enlève tous les attributs matériels de sa féminité), etc.

 

« Je pourchasse impitoyablement le maquillage, les talons hauts, les fioritures en tout genre, et cela avec de moins en moins de tolérance. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 223) ; « J’ai mis une perruque et du faux rouge sur mes joues. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Copi, p. 32) ; « Et cette obsession de l’âge ! À 25 ans, s’acheter des patchs anti-poches sous les yeux, des pots de 12 litres de crèmes antirides et de le voir s’emballer pour le moindre gel douche à la papaye, ça finit par me terrifier dans les rayons Sephora ! » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Jolie, crinière au vent, ses dessous dépassant de l’ouverture du fourreau pailleté, boitant sur une seule chaussure, traînant d’une main le renard, de l’autre son sac, suivit Silvano sans rien dire. […] Son maquillage dégoulinait. Jolie de Parma, celle qui l’avait tant ému au cinéma ! réalisa-t-il tout d’un coup. Hier encore, vous étiez mon idole, mon idéal de femme. » (Copi, La Vie est un tango (1979), pp. 22-23) ; « Le vernis se craquèle sous l’idole. » (cf. la chanson « Idéaliser » d’Alizée) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès, le personnage du Rouquin prend un malin plaisir à souligner chez chaque membre de son entourage les moindres défauts, vient apporter une « vérité » destructrice qui vise à montrer que tout n’est qu’illusion, faux-semblants), etc. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, avoue qu’il a « un talent pour contrefaire les signatures, raconter des mensonges ». Dans le film « Devil Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2005) de David Frankel, la vengeance est esthétique, « l’action » est dans le maquillage. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, le maquillage est ominprésen dans le quotidien des personnages, et surtout ceux qui sont intersexes et transsexuels. Par exemple, le film démarre avec Rana qui se maquille les yeux de mascara devant sa glace de rétroviseur de voiture. À la fin, alors qu’Adineh l’héroïne transsexuelle F to M est forcée par son père d’endosser le costume et la robe de mariée, le père de celle-ci demande à la maquilleuse le matin du mariage de ne pas trop forcer sur le maquillage : « Ne maquillez pas autant. » Emad, le frère d’Adineh, finit par libérer sa sœur in extremis et par la conduire à l’aéroport pour qu’elle échappe au mariage et aille en Allemagne se faire changer de sexe : « Enlève ce maquillage. Ça te va pas vraiment. » lui dit-il alors que le mascara noir coule sur les joues de sa sœur.

 

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, en général, le maquillage est source de conflits, de disputes homériques. Par exemple, dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, Tonia, le héros transsexuel M to F, se pique de jalousie pour Jenny, son camarade noir qui porte « sa » perruque blonde, et s’embrouille avec sa copine trans Irène. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael, le héros gay, se moque de son colocataire homo Harold qui passe son temps à se scruter devant sa glace et à se mettre des crèmes parce qu’il ne s’aime pas : « Tu passes des heures devant ton miroir, passées à mettre des crèmes et des masques. Et on ne voit même pas la différence. » Harold riposte mollement : « Ma peau n’est pas belle. Que veux-tu que je te dise ? » Michael continue de le narguer : « Pas étonnant puisque tu passes des heures à triturer tes pores. Pas étonnant qu’ils soient dilatés, vu ce que tu en fais. Tu n’arrêtes jamais. […] Oui, tu as des cicatrices mais ce n’est pas grave. Ta vie serait plus simple si tu arrêtais de te torturer. »

 

Le maquillage est aussi l’arsenal des dictatures. Par exemple, dans la B.D. La Foire aux Immortels (1980) d’Enki Bilal, Jean-Ferdinand Choublanc, « Gouverneur de la cité autonome de Paris » (dixit Théodule 1er, sorte de Pape catholique sans l’être) est manifestement homosexuel : il s’adresse à ses maquilleurs en les appelant « les filles » et à son intendant en l’appelant « chéri » (intendant avec lequel il partage son bain) ; les adhérents à son parti sont tous sans exception très fortement maquillés.

 

Souvent, dans les fictions homosexuelles, le maquillage sert à masquer un viol ou une réalité jugée désagréable. En cela, il correspond tout à fait à la définition du kitsch qu’a donnée Milan Kundera dans son roman L’Insoutenable légèreté de l’être (1982) : « Le kitsch est un paravent qui dissimule la merde. » Il est le vernis utilisé par tout système totalitaire pour occulter sa violence dans le strass et les paillettes rose-bonbon. « Excusez-moi, il faut que j’aille chier. Pardon… que je me repoudre le nez. » (la mère transgenre dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit)

 

Film "To Live And Die In L.A." (1986) de William Friedkin

Film « To Live And Die In L.A. » (1986) de William Friedkin


 

Par exemple, dès les premières images du film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, le spectateur a droit à une scène de maquillage. En plus, le maquillage du travesti M to F Zé María et le maquillage de guerre pour le camouflage sont directement associés. Dans le one-man-show Yvette Leglaire « Je reviendrai ! »(2007) de Dada et Olivier Denizet, Yvette Leglaire est un travesti M to F ultra-maquillé qui se conduit de manière ironico-odieuse. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, « relooke » sa nièce Claire comme une pute et la laisse sur un parking pour qu’elle fasse son apprentissage de la sexualité (ou plutôt de la prostitution). Dans le film « Tom à la ferme » (2014) de Xavier Dolan, Tom, le héros homosexuel aux cheveux blonds peroxydés, va vivre un véritable cauchemar hitchcokien. Le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier commence par une séance de teinture de cheveux inachevée : la teinture de César est trop rouge parce qu’il part précipitamment de chez le coiffeur (ça fait trop roux). Cette erreur est à l’image du vol d’enfant pour satisfaire l’adoption « homoparentale » du couple lesbien.

 

La mention des paravents – comme maquillage et signe du viol – revient régulièrement dans les œuvres homo-érotiques : « Oh mon Dieu, je suis perdu ! Elvire, je suis devenu comment dire ! Un homme de nuit qui frotte les murs de Paris, pour autant dire un vampire. » (Pédé, le héros homosexuel de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « La porte, c’est moi. » (Marilyn, la videuse lesbienne du Gouine, dans le one-woman-show Charlotte, Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges) ; « Moi, je suis la carpette idéale… » (Emmanuel Montier dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 156) ; « C’est là où vous me direz : laisser tomber les chiens, asseyez-vous sur une dune, allumez une cigarette en faisant paravent contre le vent avec vos mains en cornet et pensez à quelque chose d’autre. Je vous soupçonne d’avoir eu un chien dans votre jeunesse, ça c’est une idée typique d’un maître de chien, Maître. Connard. » (le narrateur homosexuel du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 13) ; « Je l’[l’éventail, la pièce à conviction pour camoufler le meurtre] ai caché non pas dans l’armoire, mais derrière le paravent. » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Tu étais caché derrière le paravent quand je me suis disputée avec Madame Lucienne ? Si tu étais cachée derrière le paravent, tu sais que je ne l’ai pas tuée ! C’est toi ! » (la Comédienne à l’Auteur, idem) ; « Portrait-robot du Gronz : tête de hibou, buste de bœuf, arrière-train de dragon. Méfiez-vous, ils sont très excitables à la vue de la couleur verte. Ne portez pas de vert et camouflez votre végétation derrière des paravents. » (idem) ; « Je suis le nouveau Mur de Berlin. » (Hedwig dans le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell) ; « Elvire, je suis devenu un homme de nuit qui frotte les murs de Paris, pour autant dire un vampire. » (Pédé dans le pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Mon projet ? Changer de papier peint. » (Jeanfi, le steward homo présentant son visage au médecin-chirurgien esthétique, dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; etc.

 

Le héros homosexuel s’identifie souvent à un mur ou à une surface plane qui fait écran à la Réalité : cf. la pièce L’Ombre de Venceslao (1992) de Copi, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi, le roman Les Enfants terribles (1929) de Jean Cocteau, le concert de Jean Guidoni à La Boule Noire (avril 2007), le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes, le film « Behind The Red Door » (2002) de Matia Karrell, le film « Écran magique » (1982) de Gianfranco Mingozzi, le tableau L’Homme à l’oiseau (2000) de Luan Xiaojie, le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, la chanson « Je fais la planche » de K.D. Lang, la chanson « Derrière la porte » d’Anggun, le film « The Boy Next Door » (2008) d’un réalisateur inconnu, etc. Par exemple, dans la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon, Roger est assimilé à une planche. Dans son one-(wo)man-show Je reviendrai ! (2007), Yvette Leglaire, le travesti M to F ultra-maquillé, se prend pour le Mur de Berlin. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Jonas, le fils de Marie, surprend sa propre mère embrasser Aysla derrière un paravent, le soir du mariage de celle-ci.

 

Il arrive que l’amant homosexuel soit comparé à un mur plat ou un paravent derrière lequel le héros homo peut se cacher et à travers lequel il peut vivre une vie par procuration, incognito : c’est le cas dans le roman Les Paravents (1961) de Jean Genet, le film « Children Of God » (2010) de Kareem Mortimer, le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec Robbie, homme qui se fait pénétrer et plaquer contre le mur), le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet (dans lequel les murs de la prison ont des yeux et sont « vivants »), etc. « Je ne vis plus que pour toi et qu’à travers toi. Plus je te vois et plus je devrais être rassasié de toi mais c’est le contraire, plus tu me manques et plus je t’aime. » (Bryan s’adressant à son amant Kevin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 322) ; « Quinze minutes plus tôt, alors qu’il longeait une rue absolument déserte, […] quelqu’un s’était approché de lui. Un homme. Il était venu vers Fabien d’un pas oblique, comme s’il était sorti d’un mur. » (le héros du roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 18) ; « Un homme, c’est comme une pierre à laquelle tu te tiens. C’est robuste. […] Un homme, c’est comme un tremplin. » (Franck dans la pièce Mon amour (2009) d’Emmanuel Adely) ; « Derrière la porte, souriait de toutes sa nacre un garçon enjôleur que n’importe qui d’un peu novice aurait immanquablement trouvé joli. Laurent resta pétrifié sur le seuil de la porte. » (cf. la nouvelle « Cœur de Pierre » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 47) Par exemple, dans la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le corps dénudé du héros travesti sert d’écran de cinéma. Dans le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitman, le dos de l’amant (Hugo) fait office d’écran de cinéma sur lequel est projeté l’ombre du mot « Univers ». Dans le roman Paradiso (1967) de José Lezama Lima, la métaphore de l’amant mural est également employée : « José s’était approché du gros mur pour trouver de la compagnie.[…] Sa marche devenait semblable au mur, pas additionnés aux pas, telles les briques empilées donnant la hauteur du mur. […] Enfin, il appuya la craie comme pour une conversation. » (p. 31) ; « Jane rêvait d’Anna. Elles étaient seules dans le noir, les doux cheveux de la fille retombaient sur le visage de Jane. Elle eut l’impression d’être au lit avec elle et se mit à paniquer ; ce n’était pas ce qu’elle voulait, tout allait de travers. Les lèvres de la fille se posèrent sur les siennes et elles s’embrassèrent, la langue d’Anna frémissante et insistante. Jane comprit à nouveau ce qu’elle était en train de faire et tenta de la repousser mais quelque force supérieure les collait l’une à l’autre. Elle sentait le poids du corps de la fille, la douceur de ses seins, et elle se tortilla pour se dégager, tentant désespérément de s’échapper, mais elle avait beau se tourner dans toutes les directions, elle était piégée. Elle repoussa Anna de toutes ses forces, mais sans résultat, elles étaient verrouillées l’une à l’autre, et brusquement Jane comprit ce qui les retenait là. Elles étaient scellées, l’une au-dessus de l’autre, sous le plancher de l’immeuble de derrière. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 222) ; etc.

 

Devenir mur ou devenir paravent, cela revient à être violé. « Il a trouvé le mur sur lequel il va pouvoir lancer sa baballe. » (le Père 2 parlant de son futur « gendre » avec son fils homo Gatal, gendre qu’il tuera, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) Par exemple, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, Robbie se fait violemment pénétrer et plaquer contre le mur. Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, le mathématicien homosexuel Alan Turing s’est fait maltraiter au collège par ses camarades de pensionnat. Ils l’ont même séquestré sous un plancher de bois clouté. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, à la fin, la grand-mère de Tommaso (le héros homosexuel) se maquille pour retrouver la jeunesse de ses vingts ans, face à plusieurs miroirs. Cela, juste avant de se suicider.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

 

a) La maquillage-mania :

Le maquillage occupe une place importante dans la vie des personnes homosexuelles. « Être pédé a quelques avantages : on peut tailler des pipes, et échanger ses fringues avec son chéri. Et surtout se poudrer les jours de fête. » (Luca filmé pendant qu’il se maquille, dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi)Certaines en ont fait leur métier. Par exemple, les maquilleurs Stathis et Hervé sont homosexuels. Dans la huitième édition de l’émission de « télé-réalité » Secret Story (2014) sur la chaîne TF1, Sacha, le candidat homosexuel de 23 ans, est maquilleur de profession. D’autres en restant au loisir et à la sphère semi-privée. Déjà tout petit, certains individus homos sont rentrés dans la chambre de leur mère et se sont maquillés pour savoir ce que ça donnait. Par exemple, à l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle diffusée le 3 mai 2006, Brahim Naït-Balk, l’animateur en chef, raconte qu’à l’âge de 7-8 ans, il se mettait du rouge à lèvres. Dans l’autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, Eddy Bellegueule relate qu’il s’habillait avec les vêtements de sa sœur et son maquillage en cachette de sa famille : « Je rejoignais Amélie. L’un de mes jeux préférés consistait à la maquiller, l’affubler de rouge à lèvres et de tout un tas de poudres différentes. » (p. 105) Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Barbara, la femme de Bertrand, fait tout un topo sur le maquillage, en décrivant ses sensations quand elle s’enduit le visage, les yeux, le corps, de crèmes et de peinture. En février 2019, un lycéen d’Albi, Alexis, défraye la chronique en venant maquillé en classe, et reçoit le soutien de nombreuses associations LGBT.

 

Certaines personnes homosexuelles aiment se maquiller. « Aujourd’hui, si les bijoux et les accessoires manuels ont disparu, le parfum, le fond de teint, la coupe spéciale des vêtements subsistent. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 32)Et il faut reconnaître que c’est agréable – surtout de se faire maquiller – : c’est un peu comme un massage. On vous chouchoute comme une poupée. J’ai des souvenirs d’enfance où, en A.C.E. (Action Catholique des Enfants) ou en Centre Aéré, l’odeur du maquillage qu’on m’appliquait sur le visage me ravissait.

 

Un certain nombre de personnalités homosexuelles, après leur coming out médiatique, se sont senties l’obligation (allez savoir pourquoi) de se teindre les cheveux : Andy Warhol, Xavier Dolan, Clément Borioli, Steevy Boulay, Xavier Bongibault, etc.

 

Andy Warhol

Andy Warhol


 

Le maquillage est le matériau de la bisexualité, très en vogue dans le milieu du show business dans les années 1970-1980. « Au début des années 1980, beaucoup de garçons se baladent avec du khôl dans les yeux et du spray sur les cheveux. Qu’ils soient homos ou hétéros n’a aucune importance. » (la voix-off dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Pensez au chanteur Boy George, Elvis Presley (le modèle des dragkings) ou, dans un tout autre style, Michael Jackson. David Bowie, également, a incarné Ziggy Stardust, un personnage maquillé de façon outrancière. « Je me rappelle. J’adorais Elvis Presley. Mais c’était surtout parce que je le trouvais sexy. Elvis était un personnage artificiel, très maquillé. Et je le trouvais super sexy. Aujourd’hui encore, je suis convaincu qu’il avait une sensibilité gay. Mais comme il était tenu par son manager, il n’a jamais pu l’exprimer, surtout à cette époque. » (Rosa von Prauheim interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte)Les dandys homosexuels ont coutume de se parfumer au musc. Par exemple, dans son interview « 69 Preguntas A Néstor Perlongher » (dans l’essai Prosa Plebeya, 1989), le poète homosexuel argentin Néstor Perlongher déclare que son odeur préférée est celle du musc (p. 18). Ils sont parfois parfumeurs, coiffeurs, et aiment ce qui est parfums car ils ont grandi là-dedans : « J’adorais aller à Brioude. Cela sentait le fer à friser un peu brûlé, les teintures, les parfums sucrés qui se mélangeaient. C’était à la fois étrange et enivrant. » (Jean-Claude Brialy concernant le salon de coiffure de sa tante, dans son autobiographie Le Ruisseau des singes (2000), p. 19) ; « Mes parents ne s’intéressaient qu’à leur salon de coiffure. » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 19) ; etc.

 

Photographies de Herb Schulz

Photographies de Herb Schulz


 

Le maquillage est une technique très prisée dans le monde artistique homosexuel. Par exemple, Pierre et Gilles, ou bien Andy Warhol, font des photos-peintures souvent caricaturales, dans lesquelles ils subliment et sur-maquillent leurs stars favorites. Dans un élan iconoclaste similaire, Herb Ritts trouble l’image des icônes sexuelles qu’il a photographiées. Les artistes s’amusent à manier l’art de la contrefaçon vraisemblable. La fascination pour celle-ci va de pair avec celle de sa dénonciation : par exemple, Bruce Chatwin, spécialiste en peinture, prend un malin plaisir à annoncer aux gens que les tableaux d’art qu’ils possèdent chez eux sont des faux. Beaucoup de personnes homosexuelles croient en la supposée « profondeur des apparences et des maquillages », et aiment cultiver l’ambiguïté sexuelle de leurs modèles ou d’elles-mêmes. Par exemple, le 3 février 2018, comme par hasard, c’est au moment où Ernesto Sevilla et Joaquin Reyes ont présenté la remise du Prix du Goya du meilleur maquillage, qu’ils se sont échangés un baiser.

 

 

Conchita Wurst, gagnant de l'Eurovision 2014

Conchita Wurst, gagnant de l’Eurovision 2014


 

Le maquillage donne l’illusion d’une identité originale, transcendant les sexes (les membres de l’idéologie queer diraient « transcender les genres ») et la Vérité. Un homme qui se maquille, ça fait tout de suite métrosexuel ou homosexuel. Le maquillage se pare des meilleures intentions (la performance artistique, l’engagement militant, le détournement carnavalesque humoristique) pour se faire oublier/remarquer, et occulter sa violence. On peut penser au maquillage très étudié des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence qui est utilisé en réalité comme une arme de censure et d’autocensure particulièrement homophobe. Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, on nous montre en parallèle sur un écran un homme efféminé se maquiller en femme, et la narratrice transgenre F to M sur scène se travestissant en homme, en se posant un faux bouc. Et j’ai remarqué que c’est la nouvelle mode gay de se faire tatouer une marque de bouche rouge féminine de maquillage sur le cou (Matthieu ou encore Pascal hier dans L’Amour est dans le pré)…

 

Au fond, dès qu’il fuit ou force la différence des sexes et qu’il rejoint l’homosexualité, le maquillage devient le signe d’une immaturité (pensons aux lolitas pré-pubères qui se vieillissent et se maquillent comme des prostituées), d’une schizophrénie (qui s’affiche en fierté, comme par exemple aux Gay Pride ou dans les spectacles de travestis), d’une non-acceptation de soi-même. « Les femmes me demandent souvent pourquoi je me maquille. Pour les mêmes raisons qu’elles. Je ne suis pas une femme… mais j’ai l’âme d’une femme ! » (le chanteur Boy George interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Par exemple, on voit Pierre Loti fréquemment poudré, avec du rouge aux joues. Kuno von Moltke (1847-1923) se maquillait beaucoup. Michel Journiac sortait dans la rue toujours maquillé : les gens ont découvert son vrai visage à sa mort. Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte la tendance de son ami homo Copi à ne pas savoir faire la coupure entre la fiction et la Réalité : « Son seul problème était de parvenir à se démaquiller. » (p. 12) Je vous renvoie également au documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra dans lequel le maquillage est pris très au sérieux.

 

Modèle Yves Saint-Laurent

Modèle Yves Saint-Laurent


 

Le maquillage est également ce qui unit hétérosexualité et homosexualité, dans la violence des actes sexuels qu’elles font poser (je pense par exemple, et dans l’extrême, à la sodomie facilité par la vaseline, toutes sortes de crèmes). Mais c’est tout un mode de vie et de pensée qu’il remet en cause. Je vais prendre une anecdote toute bête qui m’est arrivée en décembre 2011. En tant que prof d’espagnol, j’ai été inspecté par une inspectrice de l’Éducation Nazie-onale, Madame Beatriz Beloqui, je pense particulièrement hétérosexuelle, gay friendly, en total désaccord avec mes engagements politiques et religieux, et qui me l’a bien fait comprendre. Et comme par hasard, elle m’a taclé sur une heure de cours où j’avais organisé un faux débat sur le thème du maquillage (elle avait dû se sentir visée par le thème et ne pas identifier son propre statut de poupée maquillée, pour avoir autant dé-théâtralisé cette heure de cours et avoir cru que les élèves exprimaient vraiment leur avis et qu’ils n’interprétaient pas de rôles). L’hétérosexualité pratiquée, tout comme l’homosexualité, ne s’envisagent même pas comme des maquillages sociaux (alors qu’elles le sont !), et n’accèdent absolument pas au second degré. Il n’y a donc rien d’étonnant que ces femmes ou hommes qui vivent dans l’apparence ne supportent pas ma manière d’aborder l’homosexualité !

 

Le maquillage, je le crois, stimule la pulsion. Un jour, un ami homosexuel (qui se maquillait « discrètement ») m’avait dit que lorsqu’un garçon se maquillait en soirée, il couchait plus facilement… C.CUL.F.D.

 
 

b) Le Maquillage : paravent du kitsch, paravent du viol

Derrière le joli vernis du maquillage se cache souvent la misère d’une identité ou d’un amour mal porté(e). Par exemple, le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne débute précisément par une scène d’auto-maquillage de celui qui va se raconter – et raconter ses drames (inceste, viol, dépression, tentative de suicide…) – pendant toute l’intrigue. Le maquillage peut être symptôme d’attachement incestueux maternel : « J’adorais observer ma mère quand elle se maquillait. » (Iris, homme M to F, qui s’appelle initialement Gabriel, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6)

 

Le maquillage sert à masquer un viol ou une réalité jugée désagréable. En cela, il correspond tout à fait à la définition du kitsch qu’a donnée Milan Kundera dans son roman L’Insoutenable légèreté de l’être (1982) : « Le kitsch est un paravent qui dissimule la merde. » Il est le vernis utilisé par tout système totalitaire pour occulter sa violence dans le strass et les paillettes rose-bonbon.

 

Le maquillage peut quelquefois prendre la forme du paravent. Ce paravent sert d’écran et de révélateur d’une action mauvaise, en général. « Il [Don José, le travesti M to F] se faufila derrière un paravent et nous entendîmes une profonde inspiration. Quelques secondes plus tard, il sortit de sa cachette, les narines toutes barbouillées de blanc. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 293)

 

La mention des paravents – comme maquillage et signe du viol – revient parfois dans le discours des personnes homosexuelles : cf. le Journal (1992) de Jean-Luc Lagarce. Le paravent est même parfois l’amant homosexuel lui-même derrière qui il serait possible de cacher son homosexualité et surtout son homophobie ( = sa haine de soi). « Cette union mal assortie, et c’était très malsain, que Martine éprouvait pour moi une admiration sans bornes. D’après ses critères, j’étais celle qui avait réussi, alors qu’elle avait tout raté. Dans cette logique, il était souhaitable pour elle de rester dans mon ombre et de continuer à vivre ainsi, par procuration. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 72) ; « Et lui, mon gossi, il va avec les femmes, il a besoin d’avoir une famille dans l’avenir, et moi je peux être caché derrière lui pour vivre sa vie. » (Laurent en parlant de son amant bisexuel Jean-Jacques, dans le documentaire « Woubi Chéri » (1998) de Philip Brooks et Laurent Bocahut) ; etc.

 
 

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Code n°114 – Mariée (sous-codes : Robe blanche tachée de rouge / Règles / Sang / Laverie)

mariée

Mariée

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La Mariée lesbienne ou célibataire, témoin sanguinolent du viol de la pureté

 

Film "La Reine Margot" de Patrice Chéreau

Film « La Reine Margot » de Patrice Chéreau


 

« Vive la Mariée ! » exultent les personnes homosexuelles pratiquant leur homosexualité. Évidemment, pas la mariée réelle, c’est-à-dire celle qui aime la différence des sexes, mais bien ce personnage cinématographique de comédie romantique ou de films d’horreur qui va nier la vraie féminité, nier la différence des sexes, et qui se réduit à un costume de travelo. Le problème, c’est que ce mythe asexué et androgynique de la femme-objet meringuée rentre en conflit et se voit menacé par l’incarnation de chair et de sang de la véritable femme en costume de noces. C’est le sang humain (présent notamment dans les règles/menstruations féminines) qui désigne la « Mariée-Veau d’or » que la communauté LGBT a érigée, comme un monstre de pacotille. Rien d’étonnant, donc, que la mariée soit à la fois adulée (imitée, même, dans les cas de « mariages gays ») et salie (au moins par la dérision et l’injure) par les personnes homosexuelles, et que le sang (pourtant naturel et vital) des couches ou des règles soit rendu coupable de meurtre.
 

Vidéo-clip de la chanson "Heart" des Pet Shop Boys

Vidéo-clip de la chanson « Heart » des Pet Shop Boys


 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Lune », « Blasphème », « Maquillage », « Ennemi de la Nature », « Plus que naturel », « Bergère », « Vierge », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « L’hétérosexuel = L’homosexuel », « Femme et homme en statues de cire », « Reine », « Actrice-Traîtresse », « Destruction des femmes », « Haine de la beauté », « Femme allongée », « Vampirisme », « Main coupée », « Regard féminin », « Tante-objet ou Mère-objet », « Mère possessive », « Désir désordonné », « Moitié », « Cour des miracles homosexuelle », « Sirène », « Corrida amoureuse », « Clown blanc et Masques », « Ombre », « Adeptes des pratiques SM », « Prostitution », « Parricide la bonne soupe », à la partie « Bourgeoise prostituée rentrant dans une église » du code « Bourgeoise », à la partie « Homme voilé », du code « Homme invisible », à la partie « Femme en rouge » du code « Carmen », à la partie « Veuve » du code « Mort = Épouse », et à la partie « Maniaque de la propreté » du code « Homosexuels psychorigides », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) Vive la mariée (meringuée !) :

Film "Muriel" de P.J. Hogan

Film « Muriel » de P.J. Hogan


 

Dans les fictions homo-érotiques, le personnage de la mariée occupe une grande place : cf. la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd, le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret (avec la sœur de Clara l’héroïne lesbienne), la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi (avec Jeanne en robe de mariée), le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza (avec la reprise de la chanson « Pénélope » de Georges Brassens, et la mention de la mariée), le film « La Robe de mariée » (2009) de Viktoria Dzurenkova, le film « Corazones De Mujer » (2008) de Davide Sordella et Pablo Benedetti, la pièce La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1936) de Federico García Lorca, le vidéo-clip de la chanson « Empire » de Shakira, l’installation La Mariée mise à nu par ses célibataires même (1915-1923) de Marcel Duchamp, le film « Rachel se marie » (2009) de Jonathan Demme, le vidéo-clip de la chanson « Lawn Ayounak » de Nancy Ajram, la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou, le concert du chanteur Mika à Paris-Bercy le 26 avril 2010, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, le film « Le Mariage de mon meilleur ami » (1997) de P. J. Hogan, le film « Un Mariage » (1977) de Robert Altman, le film « Les Roseaux sauvages » (1994) d’André Téchiné, le film « April’s Shower » (2003) de Trish Doolan, le poème « Oda A Walt Whitman » (1940) de Federico García Lorca, la pièce Open Bed (2008) de David Serrano et Roberto Santiago, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, le film « Brigade des mœurs » (1958) de Maurice Boutel, le film « A Noi Piace Freddo » (1960) de Steno, le film « That Tender Touch » (1969) de Vincent Russel, le film « Tricia’s Wedding » (1971) de Mark Lester, etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros bisexuel, tombe amoureux d’une belle Suédoise, Ana, qui est déguisée en femme mariée pour sa fête costumée. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Marie couche avec son amante Aysla, le soir du mariage hétéro de celle-ci, et alors qu’elle est encore en robe de mariée. Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil, dans la peau de Valmont, est déguisée en femme mariée trônant sur sa chaise haute géante. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann, le héros homosexuel, apparaît, au moment du salut final, avec un voile de mariée sur la tête. Au moment du salut final de son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel arrive en mariée, avec son voile sur la tête. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, pour le délire, Fripounet, l’un des serveurs excentriques de la boîte gay Chez Eva, se déguise en mariée.
 

Le vidéo-clip de la chanson "Heroes" de Conchita Wurst

Le vidéo-clip de la chanson « Heroes » de Conchita Wurst


 

Elle est quelquefois une réminiscence de la figure maternelle idéalisée : « Je décide d’attendre sans bouger un long et profond sommeil qui ressemble à la mort comme je l’imagine. J’y vois maman dans une grande robe blanche. Elle me sourit, court dans un champ de fleurs bleues. On dirait qu’elle vole. » (le jeune narrateur du roman Le Crabaudeur (2010) de Quentin Lamotta, p. 88)
 

B.D. Le Livre blanc de Copi

B.D. Le Livre blanc de Copi


 

La mariée adulée par le héros homosexuel n’est pas tellement une personne réelle, ni même nécessaire une femme : c’est plutôt un costume de travelo, un concept asexué, un rôle dans un bal costumé ou une cour des miracles interlope. D’ailleurs, la mariée peut très bien être l’amant homosexuel, l’allégorie de l’asexuation et de l’homosexualité : cf. l’autoportrait Les Mariés (1992) de Pierre et Gilles, le concert Météor Tour du groupe Indochine à Paris Bercy le 16 septembre 2010 (avec le mec déguisé en mariée), le vidéo-clip de la chanson « No Man’s Woman » de Sinead O’Connor, le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec « un hermaphrodite en voile de mariage »), la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim (avec Sébastien, le héros homo déguisé en mariée), etc. « Je la mets, moi, la robe, si vous voulez ! » (Dallas, l’assistant-couturier homosexuel, se dévouant parce qu’il manque une mannequin pour porter la robe de mariée du défilé haute couture de Cecilia, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien).
 

Vidéo-clip de la chanson "Only Gay In The World"

Vidéo-clip de la chanson « Only Gay In The World »


 
 

b) La mariée détruite :

Photo "Crying Free Girl" de Dark Taz

Photo « Crying Free Girl » de Dark Taz


 

Parce que l’idéal de pureté et la différence des sexes que la mariée représente sont l’objet de déception chez le héros homosexuel, ce dernier va se mettre à détruire la femme réelle se destinant au mariage, princesse qu’il a confondue avec la poupée Barbie cucul des photos de mariage ou avec la mariée violée sanguinolente des films d’horreur. « Quand j’arrivai dans le dernier couloir menant à la tour Nord, j’eus la certitude d’apercevoir de nouveau un morceau de robe blanche et les rubans d’une robe de mariée flotter un instant à l’autre bout du lugubre corridor, avant de disparaître dans l’ombre. » (Bathilde parlant du fantôme de Lady Philippa, la femme violée, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 304) ; « On n’en voyait de là que sa blancheur suprême, plutôt la pâleur maladive d’une reine violée. » (cf. un extrait de la nouvelle « L’Encre » écrite par un ami angevin en 2003, p. 22) ; « Une sorcière en robe de mariée, voilà ce qu’il en est de ce fabuleux cygne. » (idem, p. 43) ; « Monsieur de la Torre, dites à votre épouse que la robe de mariée de votre femme nous a tous émerveillés ! » (Carlos, un ami homo du club gay clandestin de Ignacio, ironisant sur le mariage hétéro de ce dernier, dans le film « Le Bal des 41 » (« El Baile de los 41 », 2020) de David Pablos) ; etc. Par exemple, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, la jeune Hache, la petite sœur de Rachel l’héroïne lesbienne qui va se forcer à se marier avec un homme, se moque de l’accoutrement de sa grande sœur : « T’as l’air d’une meringue. »
 

Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Emily est la femme mariée bafouée le jour de son mariage qui aurait dû être un conte de fée de petite fille et qui se transforme en cauchemar à cause du coming out de son presque-mari, Howard. Avec cet archétype de la « fille à pédé », le spectateur assiste à la destruction parodique de tous les clichés de la mariée-carte-postale : Emily (la pauvre godiche) part en courant de l’église, coince sa robe dans sa voiture décapotable, se prend les pieds dans ses voiles, pleure sa féminité humiliée, se paye une cuite le soir de son mariage, cherche à se suicider, le tout en gardant H24 sa robe de mariée clownesque.
 

Film "In & Out" de Frank Oz

Film « In & Out » de Frank Oz


MARIÉE Humiliation
MARIÉE humiliation 2
MARIÉE humiliation 2
 

On pourrait distinguer deux grands types de destructions de la mariée dans les fictions homo-érotiques : la destruction kitsch (mignonne et parodique) et la destruction camp (parodique aussi, mais trash). Pour la kitsch, on a par exemple le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, le film « Ma mère préfère les femmes » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman (avec les figurines des mariées lesbiennes sur le gâteau de mariage), le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, etc. Pour la camp, on a le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud (avec les fiancés homos en voile-burka), le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan (avec le fils incestueux pourchassant sa mère en robe de mariée dans une forêt), la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, le film « Serial Noceurs » (2005) de David Dobkin, etc.
 

Film "Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma" de Pier Paolo Pasolini

Film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » de Pier Paolo Pasolini


 

Par exemple, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, les deux mamies en couple lesbien, Dotty et Stella, décident, avant que Dotty ne meure, de se marier. Mais pour la cérémonie et les costumes, elles se disputent pour être le marié. Aucune des deux ne veut être la mariée de leur mariage. C’est Stella, la plus camionneuse, qui finit par gagner. Dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, Marie-Solène, la mariée, est comparée à une prostituée sur qui tous les invités de l’église sont passés. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, les didascalies montrent une héroïne lesbienne en costume de noces mais en état de péché : « Lou, enceinte, en robe de mariée. » Dans le film « Daniel Y Ana » (2009) de Michel Franco, Daniel feuillette le catalogue de robes de mariée pour sa sœur… sœur qu’il sera obliger de violer sous la contrainte plus tard. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès le début on voit l’idolâtrie nationale iranienne pour le costume de mariée. À la fin, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M est forcée par son père à se marier et à porter le carcan et le maquillage du costume de mariée. Le mascara noir coule sur ses joues. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la femme de Nicolas le héros homosexuel, est contrainte d’assister au mariage d’inconnus, Laurence et Martin, qu’elle cherche à détruire de son regard critique assassin : « On ne peut pas se concentrer avec deux obus pareils ! Une pute ! Avec des seins énormes ! »
 

"Quatre mariages et un enterrement" de Mike Newell

« Quatre mariages et un enterrement » de Mike Newell


 

Parfois, c’est plus grave : la mariée est en noir et ressemble à une veuve (donnant une piètre image du mariage) : cf. le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, la pièce Bodas De Sangre (1931) de Federico García Lorca, la pièce Veuve la mariée ! (2011) de David Sauvage (avec Priscilla), la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le film « Kill Bill » (2004) de Quentin Tarantino, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, le film « Quatre mariages et un enterrement » (1993) de Mike Newell, etc. Par exemple, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel et Léo vont au cinéma ensemble voir un film où un robot monstrueux tient dans sa main un marié et une mariée qu’il écrabouille. Dans la pièce Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse, une femme en robe de mariée se suicide en sautant et « en flottant » par la fenêtre de l’immeuble : elle atterrit, toute cassée, sur une Volvo verte. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, au début, on voit la grand-mère de Tommaso (le héros homosexuel), en flash-back, le jour de son mariage, en robe de mariée, qui manque de se tirer une balle de révolver dans la poitrine, face à l’homme qu’elle aime, parce qu’elle est forcée d’en épouser un autre qu’elle n’aime pas. C’est la figure romancée de la fugitive qui court au ralenti.
 

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman

 

La robe de mariée est enfin, me semble-t-il, la quintessence d’un totalitarisme puriste déçu. Par exemple, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum, psychanalyste suivant en thérapie un couple gay, Arnaud et Benjamin, s’extasie au Musée de la Mode sur une robe de mariée : « Oh ! Regardez là-bas ! Une robe de mariée des années 1920 ! » Cette robe réveille chez Arnaud une hystérie homophobe inattendue : « Parce que c’est la guerre !! Une fois que tonton Adolf a fini ces conneries, les Chinois ils sont revenus ! Et la robe avec ! » ; « Des vêtements moitié hybrides… c’était horrible. »
 
 

c) La robe tachée et le « problème » des règles/menstruations féminines :

La robe de mariée est en général considérée par le héros homosexuel comme une prison, le symbole du carcan pesant sur la féminité hétérosexualisée et soumise au machisme : cf. le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems. « Je déteste cette robe blanche et je vais la brûler… elle me rend idiote ! » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 50)
 

Film "My Beautiful Laundrette" de Stephen Frears

Film « My Beautiful Laundrette » de Stephen Frears


 

Le héros homosexuel n’accepte pas que la mariée soit fragile, vulnérable, qu’elle ne soit pas l’incarnation de la totalité de la différence des sexes. Il est obsédé par la blancheur des vêtements et passe parfois son temps dans les laveries automatiques : cf. le film « Nettoyage à sec » (1997) de Gilles Taurand, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora (avec le pressing), le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears (avec Omar et Johnny, le couple homo ouvrant un pressing), le film « Odd Sock » (2000) de Colette Cullen (avec le coming out entre le fils et la mère face à la machine à laver), le film « Car Wash » (1976) de Michael Schultz, le film « When Night Is Falling » (1995) de Patricia Rozema, le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné, le film « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » (1984) de Pedro Almodóvar, le poème Howlin’ (1956) d’Allen Ginsberg, le film « Les Chattes » (1964) d’Henning Carlsen (avec la blanchisserie), le film « Mondo Trasho » (1970) de John Waters, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau (avec les détergents), etc.

 

Par exemple, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, les amants Jean et Henri se rendent dans une laverie-pressing pour y piquer du fric. Dans la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters, Edna Turnblad, la mère de Tracy, est interprétée par un homme travesti, et passe son temps à « laver et repasser les vêtements des autres ». Dans le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes, Andrea, la mère de José le héros homosexuel (qui la tuera pour en faire une œuvre d’art), travaille dans un pressing. Dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, Antoine, le héros, se voit forcé de travailler pour Euroclean, une entreprise inhumaine dans le secteur du nettoyage. Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, Goliatha a « envoyé au pressing » la corde de sa patronne transgenre M to F « L. » avec laquelle celle-ci voulait se pendre. Dans le film « Sing » (« Tous en scène », 2016) de Garth Jennings, Gunther, le cochon homosexuel, se retrouve enfermé dans une machine à laver pendant sa chorégraphie avec Rosita.
 

Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, toute l’intrigue bisexuelle entre Rémi et Damien se déroule dans une laverie. Celle-ci est montrée comme le lieu par excellence de la drague amoureuse homosexuelle : « C’est calme, le soir, la laverie… » (Rémi) ; « Ça va devenir une habitude. La prochaine fois, on peut se filer directement rancard. » (Damien) ; etc. Rémi, qui ne se présente pas comme « homo », commence à s’enticher de Damien, l’hétérosexuel qui écoute « Take On Me » de A-ha dans la laverie et lave son linge avec la lessive OMO : « Je crois qu’il vaut mieux que tu restes encore mon pote de laverie… que tu ne restes que mon pote de laverie. » dit-il à Damien qui lui propose un dîner. Rémi, comédien au théâtre, en boutade, déclare à son ami qu’il se prend pour une machine à laver : « Je suis en train de passer une audition pour le rôle d’une machine à laver. » La laverie n’est pas qu’un lieu aseptisé et magique : dès sa première rencontre avec Damien, Rémi manque de s’étrangler avec son écharpe coincée dans une des machines ; et Damien se prend une décharge électrique, également à cause d’une machine à laver.
 

« Tu n’aurais pas un peu d’eau de javel ? » (Balthasar s’adressant à Louis, dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone) ; « You wash it, you wash it, you rince… you smell. It smells like a flower! » (Élie Kakou, dans son spectacle comique Élie Kakou au Point Virgule, en 1992) ; « On nettoie tout, tout, tout. C’est notre projet : ouvrir une laverie automatique. » (le couple homo déguisé en femmes de ménage maniaques de la propreté, les « Blues Brosseuses », dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « J’étais en train de laver à la main les chemises blanches de Sidi. […] Il fallait vraiment les laver avec soin. C’était ma principale fonction dans cette villa. Rendre aux très nombreuses chemises de Sidi leur blancheur originelle. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 186) ; « Personne n’a une porte de vestiaire aussi nickel que toi, Romain ! » (Martial s’adressant ironiquement à Romain le héros homosexuel, dans la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé, p. 11) ; « C’est là le problème ! Aujourd’hui il y a des hommes qui se sont posés sur mon arbre. Tu te rends compte ? Justement mon jour de lessive ! » (Jeanne s’adressant à son amie Louise, dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « La douche, c’était le grand moment. » (Eloy, le prostitué homosexuel, passionné de la douche, dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre) ; « Moi je suis très forte pour la lessive. » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « C’est alors que trois de tes petits cousins que je ne connaissais pas arrivèrent. Ils avaient une dizaine d’années et venaient à la maison pour laver ton vélo blanc ! Complètement absurde ! Je leur jetais de l’eau ! » (Bryan racontant le rêve qu’il a fait sur/à Kévin, son amant, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 372) ; etc.

 

Il n’est pas rare que les réalisateurs ou écrivains homosexuels illustrent la « trahison » de la mariée à la pureté de son engagement d’amour par la mise en scène de la souillure de la blancheur immaculée de sa robe sacramentelle (avec du sang, une sauce, de la boue, de la pluie, etc.), souillure qui serait parfois plus blanche que le blanc officiel : cf. la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (avec le cosmopolitain renversé sur le pantalon), la chanson « Question d’amour et d’argent » de Jann Halexander (avec « la blanche soie de Raymonde » tachée par la souillure du gigolo), le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky (avec robe blanche de Nina, l’héroïne lesbienne, tachée de sang), le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec la tache de cirage sur le visage de l’écolière agressée par sa camarade sous la douche, ou encore la femme-enfant en nuisette et béquilles, encadrée par une gouvernante sadique), le tableau Les Deux Frida (1939) de Frida Kahlo, le film « La Mariée sanglante » (1972) de Vicente Aranda, le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta (avec le sang sur le drap blanc), le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat (la robe blanche tâchée de sang d’Amira Casar), la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec Harper), le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec la robe blanche de Leonora tachée de sang), l’affiche du film « La Reine Margot » (1994) de Patrice Chéreau (avec la robe blanche ensanglantée d’Isabelle Adjani), le film « Flying With One Wing » (2004) d’Asoka Handagama (avec la robe blanche tachée de sang de l’héroïne), la chanson « Désolé » d’Arnold Turboust (avec la tache de ketchup sur la robe verte de Sofia Loren), le poème Le Condamné à mort (1942) de Jean Genet (avec le mur blanc de chaux maculé de sang), le vidéo-clip de la chanson « Tainted Love » du groupe Soft Cell, l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), etc.
 

« On sait que la blancheur ne reviendra jamais, que la mère orpheline possèdera toujours ce visage, dorénavant, qu’il ne se modifiera plus, qu’il est figé dans la grisaille. » (Vincent en parlant de la mère de son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 190) ; « Elle était toute sale… la nappe. » (Laurent Spielvogel feignant de parler de la Princesse Anne, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « La vierge devient pute. » (« X », le héros homo du film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka) ; « Je voyais son cou à quelques centimètres de mon visage, car elle avait relevé ses cheveux. Au-dessus de son chemisier en satin noir, il était d’une blancheur vraiment immaculée. J’ai eu envie d’y planter les crocs. » (Jason, le héros homosexuel décrivant la vénéneuse Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p.63) ; « … Le cœur chromé se fend et le sang rouge jaillit, déborde et teint de rouge le satin blanc, la faille blanche, les plumes blanches. » (Manuel Puig, Boquitas Pintadas, Le plus beau tango du monde (1972), p. 74) ; « Je me suis rendu compte que j’étais là, dans l’encadrement de la porte, en pantalon de jogging, avec un tee-shirt taché de sauce tomate sur lequel était écrit ‘Loud Woman’. » (Ronit, la narratrice lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 188) ; « Je vis tout de suite qu’elle était morte. […]Sa robe blanche, déchirée, était devenue rouge. » (Laura décrivant son amante Sylvia, dans le roman Deux femmes (1975) de Harry Muslisch, p. 198) ; « Plongée dans une soudaine et profonde mélancolie, je gardais en permanence le linge taché de sang, dérisoire barrière face au désir qu’il avait de me posséder. » (Alexandra, la narratrice lesbienne parlant de son mari, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 169) ; « La robe rouge du passé t’enserre, t’étouffe. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; « Regardez ma robe ! Vous m’avez tachée de sang ! En plus, je vous ai dit du noir. » (Evita s’adressant à l’infirmière, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Bathilde renversa une bouteille de vin. […] Jason regardait avec stupéfaction la nappe blanche qui buvait avidement la coulée pourpre. » (Jason, le héros homosexuel du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 448-449) ; « Quand tu as aperçu du sang sur les draps, j’ai vu des larmes dans ton regard. » (cf. la chanson « Fille du Soleil » de Candela, la prostituée, dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « À son réveil, – minuit, – la fenêtre était blanche. Devant le sommeil bleu des rideaux illunés, la vision la prit des candeurs du dimanche. Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez. » (cf. le poème « Les Premières Communions » d’Arthur Rimbaud) ; « La flaque de sang s’étendait vers elle sur le carrelage, tachant le bout de ses pantoufles. Jane recula, cherchant à tout prix à l’éviter, et elle s’aperçut tout à coup que sa robe de chambre et sa chemise de nuit étaient déjà trempées. Elle se mit à frotter son corps avec frénésie pour tenter d’ôter les taches rouges, mais ses mains étaient elles aussi couvertes de sang. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 235) ; « Le sang parle. » (Dominique, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; etc.

 

Le sang, symbole de vie, de Réel, de la famille, occupe une place très importante dans les fictions homo-érotiques, mais prend une connotation négative (cf. je vous renvoie aux codes « Main coupée » et « Vampirisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock, le film « Le Sang du poète » (1930) de Jean Cocteau, le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec les parents du Gros, le Singe, et le Sénateur, tous morts de tuberculose ; Silvano saignant continuellement du nez et ayant perdu sa mère à deux ans, morte de tuberculose), la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi, la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983) de Copi, le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch (avec le sang qui gicle de la tête coupée du dindon dans « une vraie fontaine de sang » dira Laura, l’héroïne lesbienne, p. 167), la pièce Ubu Roi (1896) d’Alfred Jarry, le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, le film « Happy Together » (1997) de Wong Kar-Wai, le film « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar, le film « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock, le roman Le Sang des dieux (1882) de Jean Lorrain, le film « Du sang, de la volupté et de la mort » (1947-1948) de Gregory J. Markopoulos, etc.
 

Par exemple, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit et Esti, les deux amantes, veulent mélanger leur sang. Elles se répètent plusieurs fois l’expression « sans contre sang » (p. 215) : « On pourrait devenir des sœurs de sang. […] Si on mélange notre sang, on sera sœurs pour toujours. » (pp. 214-215) Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Jézabel lèche le sang du prêtre (son amant décédé) laissé sur le mur de son appartement. La première image du film « Odd Sock » (2000) de Colette Cullen est celle d’une machine à laver. Pendant ce court-métrage, Stephen, le héros homosexuel, oubliera une chaussette rouge qui va déteindre sur tout son linge blanc… et qui est à l’image de l’homosexualité de sa mère.
 

La sang devient un symbole de mort, de contamination, de maladie, de parricide ou d’infanticide, de meurtre, de péché, de viol : « J’ai la gueule en sang. » (Léopold, le père, décrit aussi comme un « fantôme », dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Christian Bordeleau) ; « Elle roule son corps nerveux dans la piscine. Il urine du sang par l’épigastre transpercé. Son corps convulse dans une agonie affreuse. Mon Dieu ! Le voilà flottant sur l’eau pure. » (cf. un extrait de la nouvelle « L’Encre » écrite par un ami angevin en 2003, p. 29) ; « Un jour, en cuisant un steak, la vue du sang qui dégoulinait dans la poêle m’a fait vomir. » (Cécile, la narratrice lesbienne du roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 80) ; « Voilà. Il faut retrouver cette terreur, désormais presque familière. Il faut vivre avec cela, la peur que tout d’arrête, en une minute, que l’hémorragie survienne et l’emporte. » (Lucas, le héros homosexuel du roman Son Frère (2001) de Philippe Besson, p. 56) ; « J’y prends le rasoir jetable de Marcel et dans le cagibi à bricolage, d’un coup de marteau le brise en miettes contondantes ; du plus gros bout de lame récupéré je me taillade le visage aussi profondément que je peux, ne m’épargnant pas lèvres et paupières, et retourne tout sanguinolent me coucher sur le ventre, la tête dans mon oreiller buvardant larmes et sang. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 59) ; « L’encre sur le papier si blanc. Je la vois rouge. Je sais qu’elle est noire mais je la vois rouge. Ce rouge, tout ce rouge, c’est un peu de mon sang, on dirait. Sang d’encre. Se demander pourquoi l’expression signifie si couramment la noirceur. » (idem, p. 11) ; « Tu bois mon sang. » (Valentine s’adressant à Katia dans la pièce Le Jour de Valentin (2009) d’Ivan Viripaev) ; « Ayez pitié d’une pauvre femme par-dessus vieille ! J’allume la boule. Vous la voyez votre petite Delphine pendue ? Monsieur, me dit-elle, je me sens mal. Mes sels ! Je la gifle. Je l’attrape par les cheveux, lui cogne le front contre la boule de cristal, elle râle, elle s’affaisse sur sa chaise, elle a une grosse boule bleue sur le front, un filet de sang coule de son oreille. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 89) ; « Mon nez se mit à saigner abondamment. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Mort d’un phoque » (1983) de Copi, p. 21) ; « Les rouleaux de papier étaient rouges de sang. Une jambe se retrouvait coincée dans un engrenage. » (le narrateur décrivant Silberman, l’homosexuel déchiqueté par une rotative de maison d’impression, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 51) ; « Ma mère est debout devant moi. J’ai horriblement mal. Je la regarde, je m’accroche à elle. À son corps nu. Je souffre. Je n’ai pas peur. Elle s’apprête à partir. À m’abandonner. Je crie : ‘Maman… Le sang… Le sang…’ Elle se retourne. Me jette un regard dur. Elle me tue. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 145-146) ; « Le rouge avait atteint son apogée. Il était fort, d’une puissance majestueuse, un océan de rouge retenu par la volonté de Dovid. Bientôt, très bientôt, il pulvériserait toutes les défenses, déferlerait sur Dovid en une marée brûlante, l’anéantirait. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), p. 236) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 38-39) ; « Votre nez, il saigne. » (Léonard) « Ah pardon… Ça arrive tout le temps. » (Jonas, le héros homosexuel, parlant au standardiste de l’Hôtel Arthémis, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier), etc.

 

Film "Le Chant des Mariées" de Karin Albou

Film « Le Chant des Mariées » de Karin Albou


 

Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, le héros homosexuel, a peur d’embrasser sa meilleure amie Laëtitia sur la bouche : « Ainsi de jour-là, était-ce dû à la chaleur ? À une pression artérielle trop élevée ? À une faiblesse nasale ? Ou peut-être les trois à la fois… Je me mis à saigner du nez. Une vraie hémorragie ! N’ayant pas de mouchoir et sentant mon nez couler, je m’essuyai discrètement d’un revers de main. Le liquide rouge que j’en ramenais était sans équivoque. Laëtitia, qui avait toujours tout, me donna ses mouchoirs. Je saignais tant que je vidais le paquet. Lorsqu’enfin les vannes se fermèrent, je n’étais plus en état d’embrasser qui que ce soit. Fini la frime, je me sentais très piteux. J’eus souvent peur de récidiver les fois suivantes, mais non, ce fut la première mais aussi la dernière. » (pp. 27-28) ; etc.
 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Tex, le jeune et beau prostitué homosexuel, observe ses camarades gays danser à travers un filtre en papier transparent rouge. Dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin, Anna veut offrir un cadeau d’anniversaire à son amante Cassie, et le lui envoyer par colis. Par discussion Skype, elle essaie de le lui faire deviner (elle lui dit que c’est « rouge et visqueux » ; Cassie croit qu’il s’agit d’un poisson rouge, ce qui fait rire Anna : « Comment veux-tu que je t’envoie un poisson rouge par la Poste ? »)… mais le jeu de devinette s’envenime vite. On ne saura pas quel est ce cadeau, mais l’une des deux filles se suicident en direct. Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, la découverte du sang dans les urines du père, signalant un cancer, arrive en même temps que la révélation de l’homosexualité du fils Malik. Dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, le père de Félix (le héros homo) a la tuberculose. Dans la biopic « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh, le pianiste virtuose homo Liberace menace son partenaire de scène Billy, habillé lui aussi en costume blanc et à paillettes : « Tu n’as pas intérêt à venir sur scène avec une tache de ketchup ! »

 

Le personnage homosexuel contracte souvent des maladies liées au sang : le Sida (cf. le film « Philadelphia » (1993) de Jonathan Demme, le film « Love ! Valour ! Compassion ! » (1997) de Joe Mantello, etc.), la tuberculose (cf. le film « Sonate d’automne » (1978) d’Ingmar Bergman, le roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, les romans Le Visionnaire (1934) et Adrienne Mesurat (1927) de Julien Green, le roman Boquitas Pintadas (1972) de Manuel Puig, un film « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure, le film « Le Trio infernal » (1974) de Francis Girod, le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, etc.), l’hémorragie (cf. la passion « Passion » (1964) de Yasuzo Masumara, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « Chacun sa nuit » (2008) de Pascal Arnold et Jean-Marc Barr, la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, etc.), la rupture d’anévrisme ou les saignements de nez (cf. le roman L’Inceste (1999) de Christine Angot, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, etc.).
 

Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, juste après que Elio (17 ans) et Oliver (la trentaine) sortent ensemble en cachette, cela se traduit par des saignements de nez chez le jeune Elio. Oliver va le rejoindre et fait directement le lien : « C’est de ma faute, hein ? » Lorsque Elio retrouve Oliver dans leur chambre, ils font d’abord « l’amour » avec les pieds, et Oliver, pour blaguer, demande à Elio : « Ça te rend heureux ? Tu ne vas pas me faire un saignement de nez ? » Ce saignement de nez ressemble fortement à la métaphore d’une violation de la virginité.
 

Le sperme et le sang sont constamment confondus dans le discours du personnage homosexuel (c’est très marqué chez Néstor Perlongher, Pier Paolo Pasolini, Pierre Molinier, Jean Genet, Félix Guattari, etc.) : « Son sang n’est pas du lait. » (cf. la chanson « J.B.G. » d’Alizée) ; « Je pense : le sperme plutôt que le sang. » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 101) ; « Pourvu que jamais rien ne les freine, laves de sperme et de sang. » (cf. la chanson « Les Torrents défendus » d’Étienne Daho) ; « Toute écriture est cette simulation, sperme et excrément. » (Gilles Deleuze, Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972/1973), p. 250) ; etc.
 

On retrouve plusieurs films avec une femme allongée dans une baignoire qui se teinte peu à peu de rouge (et qui suggère soit un suicide, soit un meurtre, soit l’évacuation du sang des règles) : cf. le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec la mère de Romain, le héros homo, dans sa baignoire pleine d’eau rouge), le film « X2000 » (2000) de François Ozon, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « De la chair pour Frankenstein » (1974) d’Antonio Margheriti et Paul Morrissey, le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg (avec Pia, la femme – peut-être morte – dans sa baignoire), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon (avec Mousse, la femme peut-être morte dans sa baignoire), etc. « Mon poisson rouge, dans mon bain de mousse, je l’emmitoufle. » (cf. la chanson « J’en ai marre » d’Alizée)

 

Le sang, et en particulier les règles/menstruations féminines (rappelant la respiration naturelle des femmes, leur disposition à donner la vie, la réalité incontournable de la différence des sexes), sont jugés problématiques par le héros homosexuel. Soit ce dernier nie leur existence (dans une forme de misogynie), soit il les célèbre à l’excès par le biais d’une ironie camp atroce (les règles seraient la gloire de l’hyperféminité cinématographique et de l’érotisation libertine de la société), soit il les conspue (comme un événement diabolique)… tout ça pour ne pas affronter calmement le phénomène naturel des règles, ne pas écouter les femmes réelles, et surtout pour justifier en douce le gâchis qu’est la pratique de l’homosexualité, et le fantasme machiste de toute-puissance qu’est le désir homosexuel : cf. le film « Emporte-moi » (1999) de Léa Pool, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, la chanson « Le Grand Secret » du groupe Indochine (« Je te remplacerai. Je ferai comme une fille qui se défend, une fille qui perd son sang. »), etc.
 

Film "Die Eher Der Maria Braun" de Rainer Werner Fassbinder

Film « Die Eher Der Maria Braun » de Rainer Werner Fassbinder


 

« Oui, je suis passionné de la serviette hygiénique depuis mon enfance. Je viens même de créer un Musée de la Serviette Hygiénique. Et dans la vie, je suis applicateur. » (Max, le héros homosexuel se moquant de la naïveté de Nana, dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « Adolescentes. […]Pures trop impures ! Franchement vous ne faites pas le poids ! Pensez au lourd fardeau du temps qui entraîne inlassablement dans son cycle infernal des torrents de règles, de coutumes, de souvenirs, de réflexes, d’habitudes, des torrents de boue dans lesquels s’ensevelit votre sexe déjà coupable à la naissance. […] Toi drap maculé de sang et d’honneur ? Dans ton tissu se dessine à l’encre carmin l’espoir et la crainte des mères, des pères, de l’homme, de la patrie, de l’histoire ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, pp. 13-14) ; « J’entourais mes cuisses avec mon drap qui, très vite, fut cloqué de rouge. Tout mon corps bavait. Un étranger me tailladait le sexe de l’intérieur, je me transformais en une monstrueuse insulte et priais Dieu de toutes mes forces pour qu’il arrêtât cet écoulement ignoble et ignominieux ! » (idem, p. 32) ; « Ayant grandi avec trois sœurs, ayant connu leurs règles, j’ai été dégoûté de coucher une seule fois avec une fille. » (Matthieu, le héros homosexuel de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « La flaque entre ses pieds qui l’éloigne de l’enfance… » (Franck, le héros homosexuel de la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely) ; « Elle n’arrête pas de s’évanouir, cette idiote ! Encore une victime de la ménopause ! » (Goliatha, le majordome du héros transgenre M to F « L. », dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Jane avait détesté la puberté, l’intrusion du sang et des seins, les messes basses entre filles et les invitations des hommes qui les suivaient en voiture en roulant au pas. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 29) ; « Mon chat, est-ce que tu peux acheter des tampons une fois dans ta vie ? » (Océane Rose-Marie parlant à sa compagne, dans son one-woman-show Chaton violents, 2015) ; « Je peux pas : j’ai mes règles. » (Jérémy Lorca se refusant à un amant monstrueux, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; « Il réagit seulement comme ça quand il est contrarié. Et encore, là, il n’a pas ses règles. » (Arnaud, le héros homo parlant de son amant Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Léo, t’as l’air perdu… T’as tes règles ou quoi ? » (un camarade de classe homophobe soupçonnant Léo d’être homo avec Rémi, dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont) ; etc. Par exemple, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avelli, Jean-Jacques, l’un des deux héros homosexuels, raconte comment le fait d’avoir entendu parler, en cours de biologie au collège, « de l’utérus et des histoires de règles », et du traumatisme misogyne qui s’en est suivi : « Ce jour-là, j’ai ressenti une sorte de nausée. » Dans le film « Action ou Vérité » (1994) de François Ozon, le jeu et les rires cessent immédiatement dès que Rose sort sa main ensanglantée du sexe de sa copine Hélène qui a ses règles. Dans l’épisode 3 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric, le héros homosexuel, chante spontanément, en plein amphi devant ses camarades de lycée, la grandeur des menstruations féminines : « C’est génial !! Les trucs hygiéniques ! La menstruation, c’est quelque chose d’excellent ! C’est bien de temps en temps de faire un bon nettoyage ! »
 

Le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat tourne en dérision le symbolisme monstrueux des règles menstruelles adopté par certains individus homosexuels, renvoyant chez eux au fantasme de castration. « À cause des menstruations, ils nous disent impures. » (Amira Casar s’adressant au protagoniste homo interprété par Rocco Siffredi) Parce qu’ils ont cru au mythe de la géante fellinienne castratrice « pure », ils finissent par penser que « la femme est source de mutilation » (Rocco Siffredi).
 

Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, se fait maltraiter physiquement et verbalement par un camarade de classe, Terell, qui le féminise pour mieux se justifier de le redresser « comme un homme » : « Il a oublié de changer son tampon. ».
 

Film "Meilleures ennemies" de Gary Winick

Film « Meilleures ennemies » de Gary Winick


 

Le sang diabolisé des règles prend aussi la forme soit du dépucelage féminin (la jeune fille vierge ayant son premier rapport sexuel voit la rupture de son hymen signalée par une perte de sang) soit des sécrétions vaginales d’excitation érotique… qui ne sont pas plus valorisées (c’est la sexualité dans tous ses aspects qui est crainte dans l’homosexualité) : « Marie jouait l’intelligente, mais en réalité elle ignorait tout de ce qu’une femme fait avec un homme. Chez ses parents, bien sûr, on n’en parlait jamais. Dans ce domaine, elle en était réduite aux suppositions. […] Elle sentait bien qu’elle était mouillée entre les jambes, mais sans en savoir le comment. Souvent, dans ces moments-là, elle craignait que ce fût une petite maladie. […] Je compris que, sur ce plan-là, tout était maintenant changé. Comme si une digue s’était rompue en elle. » (Alexandra, la narratrice lesbienne parlant de son amante/domestique Marie, qu’elle initie aux plaisirs lesbiens, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 184-186)
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Vive la mariée (meringuée !) :

Scène de Gay Pride

Scène de Gay Pride


 

Un certain nombre de personnes homosexuelles, pour le délire ou très sérieusement, se sont mis dans la peau de la femme mariée déguisée en bonbonnière : cf. je vous renvoie à la photo de la mariée à la Gay Pride parisienne de 2004 (p. 164) dans la revue Triangul’Ère 7 (2007) de Christophe Gendron, à François Zabaleta habillée en robe de mariée, au documentaire « Mamá No Me Lo Dijo » (2003) de Maria Galindo, aux albums-photos souvenirs des « mariages homos » (kitsch à souhait). En 1908, selon Weindel et Fischer, les adeptes de l’homosexuels « se recrutent dans le monde des théâtres, ou dans les classes élevées de la société » (p. 91). Nos auteurs ont aussi assisté à une parodie de noces : le fiancé en grand uniforme de général prussien, la fiancée en robe de soie blanche.
 

Mariage homo en Chine

Mariage homo en Chine


 
 

b) La mariée détruite :

La revendication du mariage religieux

La revendication du mariage religieux


 

Parce que l’idéal de pureté et la différence des sexes que la mariée représente sont l’objet de déception chez l’individu homosexuel (il se rend inconsciemment compte que le mariage ne peut être que la différence des sexes), ce dernier va se mettre à détruire la femme réelle se destinant au mariage, princesse qu’il a confondue avec la poupée Barbie cucul des photos de mariage ou avec la mariée sanguinolente des films d’horreur. On pourrait distinguer deux grands types de destructions : la destruction kitsch (mignonne et parodique) et la destruction camp (parodique aussi, mais trash). Pour la kitsch, on a par exemple le faux couple de Coluche et Thierry Le Luron. Pour la camp, on a tous les « mariages pour tous » politisés et agressifs, dont la plupart va s’achever pour une revendication du « droit au divorce ». On a aussi droit un troisième type de destruction, celle par le pathos sincère : cf. la photo Le Fiancé qu’Hervé Guibert a fait de son partenaire Thierry, enveloppé d’un tulle blanc.
 
MARIÉE Ségo
 
 

c) La robe tachée et le « problème » des règles/menstruations féminines :

La robe de mariée est en général considérée par l’individu homosexuel comme une prison, le symbole du carcan pesant sur la féminité hétérosexualisée et soumise au machisme : « Les mariées, c’est très ennuyeux dans une collection. C’est le symbole de l’éternel féminin, couverte de fleurs et de cheveux. » (le couturier homosexuel Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton)
 
MARIÉE Lavomatique
 

Les personnes homosexuelles, en général, ont du mal à accepter que la mariée (autrement dit l’incarnation de la différence des sexes, ou de la féminité, ou de la maternité, ou de la vierge consacrée) soit fragile, vulnérable, qu’elle ne se laisse pas faire, qu’elle ne soit pas un dû (= un droit), que le rôle de la mariée (= ou le droit de se marier) ne soit pas la totalité de la différence des sexes mais uniquement son décorum. Elles sont obsédées par la blancheur des vêtements et passent symboliquement leur temps dans les lavomatiques de l’amour asexué/hyperérotisé (= les labos chirurgicaux, les mairies, les carnavals, les salons de maquillage, etc.), pour nettoyer leurs atteintes concrètes à la différence des sexes et au mariage femme-homme aimant : cf. je vous renvoie aux soirées intitulées « La Laverie » à la discothèque parisienne Klub, à la séquence de la machine à laver dans le Journal (2002) de Jean-Luc Lagarce. « Je l’ai rencontré dans un rétroviseur. J’allais à un pressing à Vanosque. » (Pierre en parlant de son amant Yann, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz).
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

À plus large échelle, le meurtre symbolique de la mariée par les militants homosexuels pro-mariage-gay peut se traduire en politique par le rouleau-compresseur aseptisé et uniformisant de la blanche « Égalité » et par l’idéologie individualiste et conformiste de l’anticonformisme victimisant. Par exemple, dans le documentaire « Act Up – On ne tue pas que le temps » (1996) de Christian Poveda, la fameuse association activiste homosexuelle Act Up est accusée de « totalitarisme intellectuel » par le ministre de la santé Hervé Gaymard… ce que ses militants ne semblent pas démentir en actes et en discours : « Act Up, c’est une société de nettoyage en quelque sorte. »
 

"Mariage pour tous"

« Mariage pour tous »


 

Il n’est pas rare que les réalisateurs ou écrivains homosexuels illustrent la « trahison » de la mariée à la pureté de son engagement d’amour par la mise en scène de la souillure de la blancheur immaculée de sa robe sacramentelle (avec du sang, une sauce, de la boue, de la pluie, etc.), souillure qui serait parfois plus blanche que le blanc officiel : cf. je vous renvoie à l’article « El Síndrome De La Sala » (1988) de Néstor Perlongher, à la photo Vanitas, robe de chair pour albinos anorexique (1987) de Jama Stark. « On dit qu’un habitué assis sur le dernier siège de la dernière rangée se chargeait de baptiser le nouvel arrivant avec une fellation gratuite. Cette zone était connue sous le nom de ‘la lavadora (traduction française : « la machine à laver »). » (Fernando Maldonado évoquant le Cinéma Carretas de Madrid, dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 139)
 

Le sang occupe une grande importance dans la vie et l’œuvre des artistes homosexuels : on peut penser à Francis Bacon (cf. le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton), Yukio Mishima, Hervé Guibert, Patrice Chéreau, Valentine Penrose, Laurent Boutonnat, ou bien encore Frida Kahlo, qui se disent fascinés par le sang.
 

Documentaire "Godday Mit Navn Er Lesbisk" de Minna Grooss

Documentaire « Godday Mit Navn Er Lesbisk » de Minna Grooss


 

Le sang, symbole de vie, de Réel, de la famille, prend dans leur bouche une connotation beaucoup plus négative (cf. je vous renvoie aux codes « Main coupée » et « Vampirisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), surtout depuis le traumatisme du Sida. Il devient un symbole de mort, de maladie, de meurtre, de péché. « Dès que ma mère a appris qu’elle était enceinte de moi elle a hésité à me garder. Viens ensuite la naissance où l’accouchement fut une boucherie tant pour elle en perfusion de sang et moi avec l’oreille déchiré, je suis arrivé dès le départ dans la souffrance. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu le juin 2014) ; « Mon premier contact avec la maternité, c’est ma mère qui tombe inanimée et qui baigne dans son sang. C’est mon premier souvenir, le plus blessant et le plus percutant. Pour moi qui ne sait rien de la vie, d’un seul coup, la maternité c’est la mort. […] C’est pour toutes ces raisons que je suis persuadée aujourd’hui que, bien que me sachant et me revendiquant de sexe féminin, j’ai refusé cette intrusion de l’enfant dans mon ventre. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), pp. 54-55) ; etc.
 

Le sang, et en particulier les règles/menstruations des femmes (rappelant leur respiration, leur disposition à donner la vie, la réalité incontournable de la différence des sexes), sont jugés problématiques par l’individu homosexuel. Soit ce dernier nie leur existence (dans une forme de misogynie), soit il les célèbre à l’excès dans une forme d’ironie camp atroce (les règles seraient la gloire de l’hyperféminité cinématographique et de l’érotisation libertine de la société), soit il les conspue (comme un événement diabolique)… tout ça pour ne pas affronter calmement le phénomène naturel des règles, ne pas écouter les femmes réelles, et surtout pour justifier en douce le gâchis qu’est la pratique de l’homosexualité, et le fantasme machiste de toute-puissance qu’est le désir homosexuel. « Cette nuit, j’ai pensé à ses culottes pleine de sang qu’elle enfouissait sous la pile de linge sale dans le grenier jusqu’au jour de la lessive. J’avais sept ans environ, je les regardais, fascinée. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 18) ; « Ernestito et Nacho entrèrent dans la caravane des putes. Des journaux traînaient par terre, des photos pornos étaient accrochées aux murs, au plafond était pendue une bougie rouge, sur le lit vide se distinguait une tache écarlate. Nacho se précipita pour toucher le drap : ‘Merde, du sang ! s’écria-t-il. Elle avait ses règles. Qu’il est con, le Zèbre. ’ Il eut envie de vomir et s’essuya la bouche au drap. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 259) ; « Avoir mes règles a été un traumatisme. Tu te dis que ton corps te trahit. » (Isaac, femme F to M qui s’appelle initialement Taïla, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc. Le sang est parfois employé comme une arme. Par exemple, dans le docu-fiction « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, les militants Act-Up lancent des poches de faux sang sur les gens qu’ils cherchent à violenter.
 

Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, raconte que dans son adolescence, elle a été affolée de voir ses premières règles : « Je me suis sentie coupable dans la sexualité. » Dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, Félix Sierra raconte qu’à l’âge de 11 ans, en entrant aux toilettes, il a vu une serviette hygiénique pleine de sang qui le choqua à jamais (p. 185). Pour ma part, je me souviens de l’attrait irrationnel que j’avais, à l’âge de 7-8 ans, pour les publicités de serviettes hygiéniques (j’adorais la publicité « Confetti » pour les tampons) : rapport identificatoire et esthétique fort.
 

 

Je vois dans la crispation homosexuelle sur les règles/menstruations féminines une angoisse de la pratique homosexuelle, pratique qui concrètement ferme au don de la vie et qui contient une grande part de stérilité. Les règles, quelque part, rappellent les personnes homosexuelles ou transsexuelles à leur finitude, au temps qui passe, à la vanité de leurs « couples » et à l’infécondité biologique de leurs coïts, à l’inhumanité de leur fuite de la différence des sexes. Universellement, les règles sont les manifestations cycliques de la non-fécondité ; et dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan, on apprend que lorsque les personnes transsexuelles prennent des hormones, elles ont les symptômes de la femme enceinte ou en règles.
 

Je crois que cette haine des règles peut provenir d’un deuil mal cicatrisé d’infécondité, souvent expérimenté par les personnes intersexes (qui n’ont pas de menstruations et ne peuvent pas avoir d’enfants) : « J’en avais marre, marre de tout. Des filles qui parlent de leurs règles pendant des heures. » (personne intersexe qui se fait appeler « M », dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018) ; « Elle est faite pour saigner. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, parlant de lui-même et se croyant l’incarnation « du Féminin », dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla).
 
 

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Code n°115 – Matricide (sous-codes : Politique maternelle du non-dit / Maman-putain)

Matricide

Matricide

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Chère putain de mère

 

« La féminité outrancière d’une catégorie d’homosexuels – ceux qui se désignent eux-mêmes comme folles – met en scène la figure enviée mais détestée de la mère. » (Michel Schneider, Big Mother (2002), p. 247)
 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi

 

Qui pourrait imaginer qu’une grande partie des personnes homosexuelles, réputées pour être les meilleurs amies des mamans, nourrissent avec leurs mères réelles ou symboliques une admiration jalouse telle qu’elles les traitent fréquemment de « putes » ? Loin de casser le cliché de la mère possessive, ce code du « Matricide » vient au contraire confirmer que le rapport entre les personnes homosexuelles et leurs mamans est trop fusionnel pour être véritablement aimant.

 

Il n’est pas rare que la passion homosexuelle pour la sollicitude maternelle s’accompagne de la haine. Soit « la mère d’homosexuel » est présentée comme la matrone autoritaire, soit comme une femme faiblement envahissante qui paie iconographiquement (et même parfois concrètement – comme l’ont montré les mères de Paul Verlaine, de Charles Double, de Colette, etc.) les conséquences de sa fragilité. Nous retrouvons souvent le thème du matricide ou de la mère profanée dans les œuvres homo-érotiques. Comme pour faire contre-poids au cliché de la mère possessive, beaucoup de personnes homosexuelles marquent clairement la distance avec leur génitrice (« Désirant est celui qui se détache de sa mère. » dit le poème « Llamado Del Deseoso » (1942) de Lezama Lima). Mais c’est dans le détachement excessivement brutal et passionnel qu’elles construisent bien souvent leur soumission au modèle maternel. Elles disent ne plus aimer leur mère – réelle ou symbolique – de l’avoir trop aimée, de s’imaginer encore être son unique passion : elle est jugée « toxique », « trop distante, froide et absente » (Michel Bellin, Impotens Deus (2006), p. 98) d’être trop présente. Cette mère mythique androgynique, bien souvent confondue avec la maman réelle, est à la fois détestée et adorée. « Il y a eu la méchante et la gentille. […] J’aimais la méchante, beaucoup moins que ma mère idéale, mais je l’aimais quand même. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), pp. 87-89)

 

L’homosexualité semble être une des réponses « logiques » à un rejet (ou une impression de rejet) maternel, rejet qui, s’il a été réel, est objectivement injuste : « Être maudit par sa mère, c’est la chose la plus absurde qui puisse exister, le plus contraire à l’ordre naturel de la sagesse de Dieu. » (cf. l’article « Baal, ennemi de l’Église » du Père Pascal, dans Les Attaques du démon contre l’Église (2009), p. 155)

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Femme allongée », « Destruction des femmes », « Mère possessive », « Prostitution », « Putain béatifiée », « Sirène », « Orphelins », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Reine », « Actrice-Traîtresse », « Tante-objet ou Mère-objet », à la partie « le poison de la tendresse » du code « Douceur-poignard », et à la partie « Indifférence » du code « Parricide la bonne soupe », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

a) Le personnage homosexuel hait sa mère (qu’il adore pourtant !), et se décide à la tuer :

On voit le meurtre de la mère dans beaucoup de fictions homo-érotiques : cf. le film « Sling Blade » (1996) de Billy Bob Thornton, le film « Psycho » (« Psychose », 1960) d’Alfred Hitchcock (Norman Bates – dont les flics se demandent s’il est « inverti » ou non – a tué sa propre mère et l’a empaillée pour s’y identifier et tuer d’autres femmes qui lui font concurrence), le film « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure, la pièce La Reine morte (2007) d’Henry de Montherlant (avec la mère de Pedro), la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le roman Bonne nuit doux prince (2006) de Pierre Charras, la chanson « La Gigue s’est arrêtée » de Cindy dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon, tous les romans de Marguerite Radclyffe Hall, le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron (avec la mère poignardée par son fils), le film « Créatures célestes » (1994) de Peter Jackson, le film « A Question Of Silence » (1983) de Marleen Gorris, le film « L’Arrière-Pays » (1997) de Jacques Nolot, le one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur, le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol (où Cyril a tué sa mère), le film « Ich Seh, Ich Seh » (« Goodnight Mommy », 2014) de Veronika Franz et Severin Fiala, etc.

 

Film "J'ai tué ma mère" de Xavier Dolan

Film « J’ai tué ma mère » de Xavier Dolan (Sous-titre : « Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles. »)

 

C’est d’abord la sollicitude maternelle qui est pointée du doigt : « Sa voix me donne la nausée, sa voix mielleuse et sèche me ratatine. » (Cécile en parlant de sa mère, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 14) ; « Maman ne comprendra certainement pas mon départ. » (cf. la chanson « Small-town Boy » de Bronski Beat) ; « Je n’éprouve que dégoût pour la mienne. Je méprise tout ce qu’elle est ! » (Clive par rapport à sa mère, dans le film « Maurice » (1987) de James Ivory) ; « Cette sourde inimitié de Fernand contre sa mère fait horreur ; et pourtant ! C’était d’elle qu’il avait reçu l’héritage de flamme, mais en même temps la tendresse jalouse de la mère avait rendu le fils impuissant à nourrir en lui ce feu inconnu. Pour ne pas le perdre, elle l’avait voulu infirme ; elle ne l’avait tenu que parce qu’elle l’avait démuni. Elle l’avait élevé dans une méfiance, dans un mépris imbécile touchant les femmes. » (François Mauriac, Génitrix (1928), pp. 72-73) ; « Ma détestable mère en mettait [de l’herbe] dans les salades, sans le savoir, et je crois qu’elle aimait ça. Parce qu’à chaque repas, même au petit déjeuner, elle disait : ‘Une salade ?’. » (Harold, l’un des héros homos du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Non maman ! Je sais que tu veux que je rentre. Non ! Je ne rentrerai plus jamais ! » (Rinn, l’héroïne lesbienne s’adressant à sa mère par téléphone, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Je n’ai pas de mère. » (Tomas, le héros homo allemand, dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, le couple Yoann-Julien essaie de se débarrasser de l’intrusive belle-mère de Julien : « Vous savez ce que vous êtes pour moi ? Un monstre ! Une manipulatrice ! » (Julien, le héros homosexuel, s’adressant à sa belle-mère). Dans le film « Le Tout Nouveau Testament » (2015) de Jaco Van Dormael, la mère de Willy, le gamin transgenre M to F qui se prend pour une fille, est présentée par son fils comme une méchante infirmière : « Je savais que quelque chose clochait avec ses piqûres. » Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca critique sa mère en la présentant comme une « catho Manif Pour Tous » qui serait la « championne de la mauvaise foi ». Il lui reproche de « l’avoir forcé à regarder la série Santa Barbara ».
 

Dans la série Demain Nous Appartient, la relation entre Anne-Marie, la mère homophobe, et sa fille lesbienne Sandrine est électrique, et l’a toujours été, d’après ce que dit la première : « Avec moi, elle était agressive : à croire qu’elle me haïssait. » (Anne-Marie, dans l’épisode 506, diffusé le 12 juillet 2019 sur la chaîne TF1) ; « Ma mère est carrément réac’. Et alors le pire, c’est qu’elle l’assume totalement. Elle est conne et fermée d’esprit. Elle n’a jamais supporté que je ne soit pas comme elle. » (Sandrine Lazzari parlant de sa maman Anne-Marie, dans l’épisode 505, diffusé le 11 juillet 2019).
 

Dans le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou, le cohabitation au quotidien avec sa mère est carrément comparé par les héros homosexuels Kai et Richard à un « suicide ». Richard finit par reprocher à la mère de son amant Kai (décédé à cause d’un accident), Junn, de l’avoir rendu honteux de son homosexualité, de l’avoir empêché de s’assumer homo, et même de l’avoir conduit à la mort : « Si vous aviez été moins accrochée à Kai, jamais il ne vous aurait enfermée ici [la maison de retraite] . Vous l’avez étouffé, culpabilisé ! » Junn nie toute influence : « C’est votre culpabilité. Je ne vais pas jouer au psy. » Mais elle passe ensuite aux aveux : « J’étais si jalouse de vous. »
 

Le crime invisible de la mère, c’est d’avoir cédé au caprice et à la simulation de viol de son fils, comme le montrent ce passage de Marcel Proust dans laquelle le protagoniste obtient de sa mère qu’elle dorme avec lui : « Maman resta cette nuit-là dans ma chambre et, comme pour ne gâter d’aucun remords ces heures si différentes de ce que j’avais eu le droit d’espérer, quand Françoise, comprenant qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire en voyant maman assise près de moi, qui me tenait la main et me laissait pleurer sans me gronder, lui demanda : ‘Mais Madame, qu’a donc monsieur à pleurer ainsi ?’ maman lui répondit ‘Mais il ne sait pas lui-même, Françoise, il est énervé ; préparez-moi vite le grand lit et montez vous coucher.’ Ainsi, pour la première fois, ma tristesse n’était plus considérée comme une faute punissable mais comme un mal involontaire qu’on venait de reconnaître officiellement, comme un état nerveux dont je n’étais pas responsable ; j’avais le soulagement de n’avoir plus mêler de scrupules à l’amertume de mes larmes, je pouvais pleurer sans péché. Je n’étais pas non plus médiocrement fier vis-à-vis de Françoise de ce retour des choses humaines, qui, une heure après que maman avait refusé de monter dans ma chambre et m’avait fait dédaigneusement répondre que je devrais dormir, m’élevait à la dignité de grande personne. […] J’aurais dû être heureux : je ne l’étais pas. Il me semblait que ma mère venait de me faire une première concession qui devait lui être douloureuse, que c’était une première abdication de sa part devant l’idéal qu’elle avait conçu pour moi, et que pour la première fois elle, si courageuse, s’avouait vaincue. Il me semblait que je venais de remporter une victoire contre elle […] et que cette soirée commençait une ère, resterait comme une triste date. Si j’avais osé maintenant, j’aurais dit à maman : ‘Non, je ne veux pas, ne couche pas ici. […] Mais le mal était fait. […] Certes, le beau visage de ma mère brillait encore de jeunesse ce soir-là où elle me tenait si doucement les mains et cherchaient à arrêter mes larmes ; mais justement il me semblait que cela n’aurait pas dû être, sa colère eût été moins triste pour moi que cette douceur nouvelle que n’avait pas connue mon enfance. […] Cette pensée redoubla mes sanglots et alors je vis maman, qui jamais ne se laissait aller à aucun attendrissement avec moi, être tout d’un coup gagné par le mien et essayer de retenir une envie de pleurer. Comme elle sentit que je m’en étais aperçu, elle me dit en riant : ‘Voilà mon petit jaunet, mon petit serin, qui va rendre sa maman aussi bêtasse que lui.’ » (Marcel Proust, Du côté de chez Swann (1921), pp. 44-45)

 

Le personnage homosexuel exprime sa haine et ridiculise sa mère : « Tu m’as élevée en fille seulement pour me dégrader ! Ma mère, je t’en supplie, retire-toi de ma vie ! Laisse-moi vivre la mienne ! » (Lou à sa mère Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Ma mère est imbécile. » (le fils en parlant de sa mère Jeanne, dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « Je te hais ! » (Hubert à sa mère, dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan) ; « Ma mère m’a ruinée, elle a tout gaspillé dans sa galerie d’art ! Ma mère est une femme excentrique et insupportable ! » (« L. » à Hugh, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Mais qu’elle est conne ! » (Karine Dubernet, à 6 ans, en parlant de sa mère, dans le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate !, 2011) ; « Je n’aime pas ma mère. Elle m’enfermait dans un placard. » (Jean-Hugues le journaliste, dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) ; « Qu’est-ce qu’elle est conne ! » (Bill en parlant de sa mère, dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut) ; « Ce qui la gênait, c’est davantage la vulgarité de sa mère que la pauvreté proprement dite. Les fautes de langage la faisaient souffrir, et aussi la certitude maternelle que seules les tâches ménagères, la cuisine, la couture, étaient ‘le travail’. » (Suzanne décrivant la haine de Madeleine pour sa mère, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 54) ; « Je devrais porter plainte contre ma mère de m’avoir fait aussi cucul. » (Matthieu dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « J’pourrais me raser le crâne pour ne pas lui ressembler. » (Chloé parlant de sa mère, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Tu m’dégoûtes. » (Sarah parlant à sa mère alcoolique qui finira par porter la main sur elle, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; « C’est déjà d’une tristesse, la maternité… » (Françoise, la mère bobo gay friendly de Jérémie le héros homo, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare) ; « Vous la connaissez, ma mère ? Elle a un petit côté Marine Le Pen à faire débander tout le socialisme. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Y’a un proverbe antillais qui dit : ‘Avant d’épouser la bergère, regarde sa mère !’ J’ai regardé… et je me suis barré ! » (Rémi, le héros bisexuel, jadis en couple avec Marie, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; « Ma mère m’a toujours dévalorisée. Elle est incapable de me faire un compliment. Elle ne m’a jamais aimée. La preuve : elle ne voulait pas me garder. aut pas s’étonner que je suis anorexique. » (Nina, l’héroïne lesbienne dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « em>Ça va me changer les idées de voir ta mère à l’hôpital. » (Isabelle s’adressant à son amante Mathilde, dans la pièce Elles s’aiment depuis 20 ans de Pierre Palmade et Michèle Laroque) ; etc.

 

Par exemple, dans le one-man-show Nana vend la mèche (2009) de Nana, Laure traite sa mère de « grosse vache ». Dans le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel, Éric a tellement honte de sa mère qu’il lui demande de marcher bien loin devant lui. Dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire se sent trahi par le désamour de sa mère qu’il adorait pourtant, mais qui lui préférait son frère. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, décrit sa mère de 130 kg comme une orque et une baleine. Et à la fin de la pièce, il la qualifie de « Première Baleine » dans un Concours de Beauté : « Ma mère, tu prends une robe, tu mets sur une table, ça fait une nappe. » (Jeanfi, le steward homo décrivant sa mère de 130 kg, dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; « Elle a ronflé comme une vache. » (idem, dans l’avion) Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M reproche à sa mère de la cantonner au travail de couture et de dentelles. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon présente sa mère comme une femme irresponsable (« Ma mère n’a aucun sens des responsabilités. »), une femme inexistante (elle fait semblant, à un moment, de ne pas en avoir une), une femme morte (son coming out aurait plongé celle-ci une semaine dans le coma ; ou bien l’aurait figée comme le jeu 1, 2, 3, soleil !). Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud dit à son amant Benjamin qu’il est tellement homosexuel qu’il prend même ses distances avec sa propre mère : « Même à ta mère, tu sers la main ! » Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Bryan refuse de parler à sa mère bigote qui met des cierges à l’église pour qu’il cesse d’être homo. Et il traite sa « belle-mère » (la mère de son amant Tom) de « fumasse ». Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, a une mère qui le maltraite et qui se drogue. Il la voit comme une méchante. Elle lui vole son argent. Il finit par cracher le morceau : « Je la déteste. » Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, comme dans tous les films de Dolan quasiment, le thème de l’idolâtrie incestuelle (« Je t’adore maman et je te déteste ») revient. Rupert, jeune adolescent de 10 ans, homosexuel, à la fois est odieux avec Sam sa maman (qui s’ingère dans sa vie, lit son courrier, le coupe de son père…) et la considère comme l’amour de sa vie : « La personne que j’admire le plus, c’est ma mère. Je m’occupais d’elle et je l’appelais même ‘mon Amour’. On était même meilleurs amis. ». Idem pour John, l’acteur homo, et Grace sa mère pourtant folle alcoolique et abusive, qui le vampirise : « Je te connais. J’ai été la première. »

 

Dans certaines œuvres homo-érotiques, le personnage homosexuel tient tête à sa maman : cf. la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer, la chanson « Maman s’est barrée » de Mélissa Mars, le film « Peeling » (2002) d’Heidi Anne Bollock, le vidéo-clip de la chanson « Moi… Lolita » d’Alizée, le roman L’Agneau carnivore (1975) d’Agustín Gómez-Arcos (avec la mère d’Ignacio, une sorte de Falcoche cruelle et distante), la chanson « Histoire de haine » du rappeur Monis, etc. Dans le concert de Mylène Farmer en 1989, en guise d’introduction de la chanson « Maman a tort », Carole Fredericks (jouant le rôle de la m(ég)ère) et Mylène Farmer se disputent violemment comme dans un théâtre de Guignol (« Je suis ta mère, alors tu es ma fille !!! » dit la mère ; « Je ne suis pas ta fille, et tu n’es pas ma mère !!! » lui répond plusieurs fois sa fille).

 

La mère est parfois associée à la merde : cf. la pièce Eva Perón (1969) de Copi (c’est le premier mot du drame), la pièce Ubu Roi (1896) d’Alfred Jarry (avec le fameux incipit « Merdre ! », interjection qui condense « mère » et « merde »), etc. Elle est aussi comparée à un monstre : « On dirait la naissance d’un dinosaure. » (Max en parlant de la mère de son copain Fred, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Qu’est-ce qu’elle pond ! Elle pond, elle pond, elle pond ! Elle est vulgaire ! » (Rodolphe Sand imitant sa grand-mère qui parle d’une des tantes de Rodolphe, dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; etc. Dans son roman Three Tall Womens (1990-1991), Edward Albee règle ses comptes avec sa génitrice qu’il qualifie de monstre.

 

Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, méprise les femmes enceintes, et donc toutes les mères : il les présente comme des vaches qui « mettent bas » ou des « cachalots » dont il faut extraire les bébés avec un harpon.

 

De l’insulte verbale à l’agression physique, il n’y a qu’un pas, quelquefois franchi. Le personnage homo passe à la vitesse supérieure, désire tuer sa génitrice, et se montre violent à son égard. « Ce qu’elle m’énerve, elle ! […] Envie de la gifler. Vraiment. » (Vincent Garbo par rapport à la mère d’Emmanuel, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 210) ; « Ma mère n’était pas une femme. Je la haïssais. Le mariage n’était qu’un papier pour elle. […] Je la hais, ma mère. Je ne veux pas qu’elle revienne. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 33) ; « Je ne veux pas comprendre ma mère. Elle est partie. Il faut maintenant la tuer. Mon père ne veut pas le faire. Mon petit frère ne peut pas le faire. Moi, je peux. Et je vais le faire. » (idem, p. 35) ; « Quand j’étais petit, j’avais peur de massacrer ma mère à coup d’ustensiles de cuisine. » (Vielkenstein dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone) ; « Vous voyez, quand j’étais à l’Orphelinat, je disais souvent que ma mère était morte ; j’inventais même des détails. J’expliquais sa mort tantôt comme cela, tantôt comme ceci. Je ne prenais même pas la peine de bien mentir. C’est un besoin… Il fallait que je la tue… » (Tanguy s’adressant au Padre Pardo, dans le roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, p. 206) ; « Zoé, c’est pas ta maman dans le cercueil ? » (le prof s’adressant à une élève, dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont)

 

Par exemple, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, Evita gifle sa propre mère. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Ziki, l’héroïne lesbienne, a carrément enfermé à clé sa propre mère (Rose) dans leur appartement, pour que celle-ci de dévoile pas son homosexualité. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí (2010) de Stéphan Druet, Alba maltraite sa mère Zulma. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel, menace sa propre mère au couteau pour qu’elle lui file 200 francs. Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Noémie assomme la mère de Kévin, le héros homosexuel ; Angelo n’est pas plus tendre avec celle qu’il présente comme « sa » mère : « Lâche-moi la vieille ! […] Il faut qu’on s’occupe de la vieille folle ! » Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, se déchaîne contre sa mère, et manque de l’asphyxier par strangulation : « Je te tue, putain de ta race ! » Il ne mène pas son plan de vengeance jusqu’au bout : « C’est toujours toi ma préférée, même si tu me bats. » Quand une tierce personne s’immisce dans leur duo, le fils et la mère se disputent sans arrêt la parole : « Arrête, c’est moi qui explique ! » Et comme Steve finit par sentir le désamour de sa mère, il se taille les veines dans un supermarché : « Toi et moi, on s’aime encore, hein ? » Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo qui n’assume pas son homosexualité au moment où il se découvre amoureux d’une femme, Ana, fait passer son futur « mari » Antoine pour son demi-frère, pour un suicidaire parce que sa mère serait morte et qu’il se ferait suivre par un psychiatre.

 

Il arrive que le héros gay se donne les moyens de sa haine, et tue vraiment sa maman : « C’est de ta faute si nous mourrons de faim. […] Tu es une mauvaise reine. Je vais te manger ! » (la jeune Princesse à sa mère la Reine dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « J’espère bien faire mourir ma mère d’une syncope ! » (Micheline, le travesti, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « La jeune prostituée sortit son couteau à cran d’arrêt de son décolleté et poignarda sauvagement à la gorge la boulangère, qui se mit à râler. » (cf. la nouvelle « Madame Pignou » (1978) de Copi, p. 54 ; on découvre dans l’intrigue que la prostituée est la fille de la boulangère) Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, Emilio Draconi a « étranglé sa mère pour lui voler sa pension de divorcée » (p. 71). Lors du spectacle de scène ouverte Côté Filles au troisième Festigay (2009) du Théâtre Côté Cour, Nathalie Lovighi met sa maman dans le four.

 

Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona, femme lesbienne mariée stérile, discute en terrasse avec son mari Mourad avec qui elle n’arrive pas à avoir d’enfant. « J’aimerais que ma mère disparaisse. » dit Mourad ; « C’est horrible de dire ça. C’est ta mère. C’est moi qui devrais disparaître. » lui répond sérieusement Mona. Plus tard, Mona se rend compte qu’elle a tué sa belle-mère de 83 ans en se trompant de médicamentation. Elle prend la fuite (avec son amante Marilyn) pour éviter les représailles de son mari, et l’inculpation de meurtre.
 

Dans les œuvres homosexuelles, on assiste souvent aux funérailles maternelles : cf. le conte Lisa-Loup et le Conteur (2003) de Mylène Farmer (avec l’enterrement de la grand-mère), le film « Ma Mère » (2003) de Christophe Honoré (avec la mère dans son cercueil de verre), la nouvelle Adiós Mamá (1981) de Reinaldo Arenas (avec la profanation de la mère), le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec les femmes enterrées vivantes), etc. « La jolie maman est morte, enterrée depuis trois jours et le papa affolé n’a toujours pas trouvé le moyen de joindre l’adoré fiston qu’elle a réclamé jusqu’au bout. » (Vincent Garbo dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 102) ; « Je pouvais m’attendre à ce que ce jaloux me la démolisse pour m’en laisser l’image d’une gâteuse tarée folle. » (idem, p. 102) ; « J’avais cinq ans quand ma mère est morte. Il n’y avait pas de femmes dans mon entourage. » (Adineh l’héroïne transsexuelle F to M, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; etc. Dans le film « Donne-moi la main » (2008) de Pascal-Alex Vincent, Quentin et Antoine, les deux jumeaux, entreprennent un voyage vers l’Espagne pour assister à l’enterrement de leur mère. Dans le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011), Karine Dubernet parle au cercueil de sa maman. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Jenny, la mère de Dany (le héros homo) et d’Ody, est morte depuis dix jours. C’est Dany qui l’annonce à son grand frère : « Je l’ai trouvée sur le canapé. Elle avait bu. » Il n’en est pas du tout affecté. Ody s’en indigne : « Ta mère est morte. T’as pas de cœur ! » Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, c’est Donato, le héros homosexuel, qui a quitté son Brésil natal et abandonné sa famille sans laisser de nouvelles (il apprend même un an trop tard que sa maman, qui avait économisé pour aller le visiter en Allemagne, est morte avant d’avoir pu réaliser son rêve). Il n’est que capable de lâcher un laconique « Maman est morte » à son petit frère venu le retrouver et l’informer.

 

Certains membres de l’entourage du héros homosexuel lui imputent aussi la mort de sa mère alors qu’il n’a rien fait ; et ce dernier finit par intérioriser le matricide et par s’en sentir coupable (cf. je vous renvoie au code « Parricide » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Finalement, la mort de ta mère a fait beaucoup plus de dégâts que ce qu’on peut imaginer. » (le père de Édouard à son fils homo, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, la mère de Danny, le héros homosexuel, est morte d’un cancer ; et Danny impute à son père la responsabilité de la maladie : « Tu ne comptes plus, depuis que tu as fait souffrir maman jusqu’à la tuer. » Dans le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, Cal (interprété par James Dean) ne connaît pas sa mère biologique (« Comment était-elle ? Était-elle mauvaise ? ») et découvre qu’elle n’est pas morte, comme le lui a fait croire son père, mais qu’elle l’a abandonné à la naissance. Il cherche alors à devenir cruel comme elle et dit qu’il a hérité de « sa méchanceté ». Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, la maman de Nicolas (le héros homosexuel), s’est suicidée. Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, dit que sa première fois homosexuelle (quand il est sorti avec un homme) a impulsé la mort de sa maman : « Ça a commencé juste avant la mort de ma mère. »

 
 

b) La fausse résistance :

Comme pour détruire le cliché de la mère possessive associé à l’homosexualité, le héros homosexuel se met à prendre ses distances avec sa maman, au point de détruire tous les indices d’une probable passion entre eux : « Désirant est celui qui se détache de sa mère. » (cf. le poème « Llamado Del Deseoso » de Lezama Lima, 1942) ; « Bientôt tu oublieras ta mère ! » (Ahmed à son bébé Ali, qu’il emmène loin de sa mère, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je sais pas ce qui s’est passé. Quand j’étais petit, je l’aimais. » (Hubert dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan) ; « Pierre, jusqu’à quel âge on se traîne sa mère ? » (la psy dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « J’arrive pas à couper le cordon. J’la déteste. » (idem)

 

C’est souvent le fait que le héros homosexuel se mette en couple homo qui enclenche fictionnellement le matricide : nous le voyons par exemple dans le film « Storm » (2009) de Joan Beveridge, le film « Benzina » (« Gasoline », 2001) de Monica Strambini, etc. Les deux événements coïncident, comme pour indiquer que le couple homosexuel est un substitut, un équivalent, et une réactualisation d’une relation fusionnelle destructrice avec la mère. Le protagoniste pense échapper au cercle vicieux de l’inceste, mais il sort d’un placard pour mieux rentrer dans un autre. Il croit en vain que le coming out tue, et que le matricide est lié à son homosexualité : « Oui, c’est moi [qui ai tué Madame Lucienne]. […] Je ne pouvais pas supporter qu’elle soit ta mère. Tout était odieux chez elle, ses mains arthritiques, son crâne à cheveux rares, son haleine pestilentielle, son chantage. Peut-être aussi parce que je suis homosexuel, c’est vrai. » (l’Auteur à la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, p. 281) Mais c’est une illusion.

 

Le matricide est d’abord un fantasme non-actualisé. Par exemple, dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert n’assassine pas vraiment sa maman. L’intitulé du film renvoie juste au titre que le héros homo donne à l’une de ses rédactions de lycéen. Mais on découvre aussi que le matricide est la métaphore de la relation incestueuse qu’Hubert entretient avec sa mère : le jeune homme souffre de ne pas avoir été le mari de sa mère, et semble avoir du mal à faire son deuil (la scène de course dans la forêt, pendant laquelle Hubert, revêtu d’un costume du marié, coure après sa maman en robe de mariée, et n’arrive pas à l’atteindre – les mains se frôlent – achèvera de nous convaincre…)

 

Il faut bien comprendre – même si le personnage homosexuel (et souvent son auteur !) ne font pas toujours la différence… – que la mère assassinée dont il s’agit n’est pas tellement la mère biologique que la mère symbolique, autrement dit la mère fantasmée, fictionnelle, que l’on déchire et brûle comme une image de magazine : « Il déchira l’unique photo qu’il avait de sa mère. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 157) ; « On peut, et avec mon assentiment, tenir ma Vieille pour un fruit de mon imagination, une invention de mon esprit. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 116) Le matricide homosexuel n’a ni la gravité du vrai meurtre (c’est d’ailleurs pour cela qu’il bénéficie souvent du traitement parodique et camp dans les arts gay) ni la banalité d’une autre type de désir ou d’orientation sexuelle.

 

Tout acte iconoclaste comprend la destruction ET la vénération : « Ma mère est morte quand j’avais 5 ans. Peut-être que je l’ai carrément rêvée. » (Rémi, le personnage bisexuel, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; « Dans ma haine pour elle, il y avait de l’amour. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 35) La mère est présentée comme une reine du Carnaval conduite au bûcher (c’est le cas par exemple dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) non seulement pour prouver qu’on la détruit, mais surtout pour démontrer, par ce mime de destruction par l’image, qu’on la vénère encore plus et qu’elle est indestructible, immortelle. Dans le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes, José, le personnage homo, avoue tous les « dégâts » que sa mère possessive a opérés sur lui… mais juste après, en la tuant lors d’une « performance artistique », il l’immortalise en œuvre d’art. Dans sa pièce Eva Perón (1970), Copi fait d’Evita une femme grossière et insolente avec sa mère, alors que paradoxalement celle-ci la domine et l’envoie faire le trottoir. Dans son poème « Abuela Oriental », Witold Gombrowicz décrit sa grand-mère à la fois comme un « monstre mythologique » et une muse merveilleuse (cf. le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003). Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry pousse un cri contre sa mère juste après lui avoir fait le salut nazi. Dans la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier semble s’opposer avec force à sa mère : « Tu as tort ! » Mais en réalité, il se montre faible puisque sa résistance reste uniquement verbale.

 

Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Kate fait tout pour créer les occasions amoureuses de rencontre entre son fils gay Hugo et le beau Patrick. « Je vous laisse vous dépatouiller avec les guirlandes… » leur dit-elle, toute excitée. Ses manigances d’entremetteuse amusent les deux tourtereaux, qui finissent par se laisser faire : « Elle est tellement douce et maternelle qu’elle met tout le monde à l’aise. » Même si parfois, l’intrusion et le voyeurisme révolte mollement Hugo, comme par exemple le moment où Kate se permet de lire les textos que ce dernier reçoit sur son téléphone, avant de s’en excuser en rigolant (« Oh pardon… ») parce que son fils s’en plaint.
 
 

c) La « froideur » de maman et sa politique du non-dit :

N.B. : Je vous renvoie également à la partie « Indifférence » du code « Parricide la bonne soupe » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi

 

Pourquoi tant de haine anti-maternelle de la part du personnage homosexuel ?

 

La raison directe, c’est celle d’une frustration de tendresse, voire carrément d’une maltraitance vécue dans l’enfance. Elle ressemble à de la mauvaise foi ou à une jalousie. En effet, le héros gay reproche à sa mère sa froideur, son absence de douceur. Non pas tant qu’elle soit vraiment distante. Mais le héros homosexuel, dans ses fantasmes de fusion/rupture excessifs avec elle, voudrait tellement abolir la différence des générations, qu’il finit par reprocher à sa mère de mettre un frein à sa propre gourmandise, ou bien d’être dissociée de son corps. « Elle m’avait élevé sans me regarder. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 55) ; « À quel sein se vouer ? Qui peut prétendre nous bercer dans son ventre ? » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « Il continuait d’aimer sa mère par-dessus tout. Elle demeurait pour lui la plus intelligente et la plus belle de toutes les femmes. Mais quelque chose lui manquait. Il aurait voulu qu’elle songeât davantage à lui. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 30) ; « Mme de Séryeuse adorait son fils, mais, veuve à 20 ans, dans sa crainte de donner à François une éducation féminine, elle avait refoulé ses élans. Une ménagère ne peut voir du pain émietté ; les caresses semblaient à Mme de Séryeuse gaspillage du cœur et capables d’appauvrir les grands sentiments. […] sa fausse chaleur […] Aussi, cette mère et ce fils, qui ne savaient rien l’un de l’autre, se lamentaient séparément. Face à face ils étaient glacés. » (Raymond Radiguet, Le Bal du Comte d’Orgel (1924), pp. 53-54) ; « Le visage de ma mère ? Je l’ai oublié. Parce que je n’avais pas le droit de me plaindre. Ce droit, aujourd’hui, je le prends. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 93) ; « À Saint Louis, on m’a battu. On m’a enfermé dans les toilettes. Je rentrais couvert de bleus. Elle ne m’a pas protégé. Elle ne m’a pas protégé ! » (Yves parlant de l’indifférence de sa mère quand il subissait des quolibets à l’école, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; etc. Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, par exemple, Stephen, l’héroïne lesbienne, vit les désagréments d’une gémellité trop incestueuse avec sa mère : « Ces deux êtres étaient étrangement réservés l’un vis-à-vis de l’autre. Cette réserve entre mère et enfant était presque bizarre. […] Elles tenaient quelque peu leurs distances, alors qu’elles auraient pu s’accorder parfaitement. » (p. 22)

 

La mère est souvent présentée comme une femme cruelle, despotique, impatiente, qui n’écoute pas : cf. le film « Espacio 2 » (2001) de Lino Escalera, la pièce La Casa De Bernarda Alba (La Maison de Bernarda Alba, 1936) et de Federico García Lorca, le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut (où la mère de Bill est dite « folle et autoritaire »), le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker (avec Tessa, la mère « homophobe » de Rachel l’héroïne lesbienne), etc. Dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti, Djalil reproche à sa mère « la dureté de son regard » : « Ma mère avait tout d’une marâtre. » Dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, Joyce, la mère lesbienne, donne des croquettes à ses enfants, les fait coucher dans des litières, et dit d’un air très pince-sans-rire qu’« elle adore les enfants » et qu’elle « en a déjà mangés 4 ». Dans le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel, la mère d’Éric, le héros homosexuel, l’étouffe avec un coussin puis l’embrasse sur la bouche.

 

Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, les mères sont quasiment toutes montrées comme vénéneuses et castratrices. Par exemple, la mère de Geth, a renié son fils à cause de son homosexualité, avant de se rattraper sur la fin : « Ma mère, elle m’a rejeté. Elle est croyante. » (Geth) Maureen, la mère homophobe, est la femme qui frustre ses deux fils, et en homosexualise même un, car elle ne tient pas sa place de mère : « Tu as été mère et père pour tes garçons. » lui dit Cliff. Stephany, la lesbienne, a une mère qui fait « des insultes homophobes ». Et en ce qui concerne la mère de Joe, depuis le coming out de ce dernier, elle coupe son fils gay de toutes ses fréquentations homosexuelles, ne relaye pas les commissions qui lui sont données par celles qui viennent le voir, le cloître à la maison. Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel imite sa mère s’adressant à lui en le pathologisant sur son homosexualité : « Ça doit venir de ton enfance. Ça doit être un problème psychologique. Tu ne veux pas te faire suivre ? » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Lady Sackville, la maman de l’écrivaine lesbienne Vita Sackville-West, veut empêcher la publication de l’autobiographie Challenge écrite par sa fille, et où celle-ci évoque son homosexualité et sa relation avec Violet Trefusis.

 

L’autre raison plus profonde expliquant l’inimitié du héros homo à l’encontre de sa mère, c’est la présence d’un secret bien gardé : cf. le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard (avec une mère qui pratique la rétention de preuves auprès de son fils anesthésié/cloné), le film « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock (avec la scène finale où la mère de Marnie raconte la cause des névroses de sa fille), le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar (c’est d’ailleurs juste après qu’Esteban demande à sa mère Manuela de lui révéler le secret de sa conception et d’arrêter de jouer l’autruche, qu’il va mourir), le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, le film « Mamá No Me Lo Dijo » (2003) de Maria Galindo, la chanson « Petits Secrets » de Christophe Moulin, la chanson « Nos Mères » des Valentins, etc. Le héros homosexuel reproche à sa mère de ne pas lui avoir assez parlé, et surtout de lui cacher quelque chose : « Frapper à cette porte pour ressusciter la voix de la mère. Imaginer qu’elle allait enfin se réveiller. Enfin répondre. Parler au petit frère […] qui, chaque soir, voulait qu’on recommençât le jeu : ‘Adi, tu me serres très fort dans tes bras ? […] La perte de la mère était absolue. » (Adrien dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, pp. 41-42) ; « Mais mon secret, pendant toutes ces années de mon adolescence où j’avais été incapable d’en parler, l’avait-elle deviné ? Je ne lui avais jamais parlé de ces choses-là […]. Si elle avait encore vécu, est-ce que j’aurais pu prendre le téléphone, là, tout de suite, l’appeler, lui dire je meurs de douleur, maman, je voudrais pleurer mais rien ne sort, rien ne sort, viens m’aider ? » (Jean-Marc dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 19) ; « Tu vois, tu possèdes nos souvenirs et tu ne nous les rends qu’au compte-gouttes. » (Jasmine à sa mère, dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti) ; « C’est si difficile pour toi de dire ?… de dire ? […] Le silence… toujours le silence ! » (Djalil à sa mère, idem) ; « C’est un secret qui paraîtra peut-être dérisoire et qui, pour moi, est énorme. Cette énormité m’a réduite au silence. Mais aujourd’hui, j’ai besoin de hurler ce secret. Comprenez-vous que je suis écrasée par le regret de n’avoir rien avoué à mon fils qui m’implorait de parler et que, si je ne veux pas que ce regret me rende folle, il me faut au moins dire une fois ce que j’ai caché pendant toutes ces années ? » (la mère d’Arthur dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 193) ; « J’ai moi-même un secret… qui devrait pas être un secret. » (Marina, la mère de Fred, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Le silence de sa mère fut le malheur qui laissait supposer que ce grand frère avait sur lui tous les droits. […] Ednar souffrait en silence ; personne ne décelait son mal-être, même pas Adesse, la mère aimante proche de son petit poète. » (Ednar, le héros homosexuel, dans le roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste,  pp. 15-16) ; « Ta mère, elle sait aussi que tu fumes ? Ce sera notre petit secret, alors… » (la maman de Nathan, s’adressant à Jonas l’amant de son fils, et parlant de cigarettes comme elle parle d’homosexualité, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier) ; etc. Par exemple, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, dans le bus, dit un secret à l’oreille de sa mère qui la fait pleurer et la rend incapable de retenir son fils.

 

On découvre que ce secret de Polichinelle de la maman est en fait l’existence d’un viol : soit le viol qu’elle a subi ou que son fils homo a subi, soit un viol que la mère a perpétré sur son fils. Dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, la maman avoue à son fils homo (avec une voix parodique à la « Star Wars ») qu’en réalité, il a subi une opération pour devenir une femme (« Fred, je suis ton père. »), qu’il a été émasculé.

 

Le héros homosexuel veut parfois se venger d’une maltraitance maternelle, d’une mère démissionnaire et mal-aimante qui l’a véritablement violé puis abandonné : « T’es toujours là derrière moi ! […] Pourquoi t’es toujours là, dans mes jambes ? […] J’aurais mieux fait de t’étrangler. » (Barbara à son fils Abram, dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann) ; « Je n’aime pas ma mère. Elle m’enfermait dans un placard. » (Jean-Hugues le journaliste, dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) ; « Ta maman t’a trop fessé. » (cf. la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer)

 

Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Glass, la maman de Phil le héros homosexuel, ne supporte pas de se faire appeler « Mum » par ses propres enfants. C’est l’archétype de la maman démissionnaire, qui enchaîne les amants sans trop se soucier de ses enfants. D’ailleurs, à la fin, Phil la rebaptise ironiquement « mère indigne ». Dianne, la soeur jumelle de Phil, a fini par empoisonner Glass et la faire avorter pour se venger du fait que celle-ci enchaînait et congédiait les amants les uns après les autres, même les sympas comme Kyle. Glass cache à ses deux enfants, fruits d’un viol (elle a été mise enceinte à 16 ans aux États-Unis et est revenue vivre en Allemagne avec eux), l’identité de leur vrai père. Phil raconte le vide existentiel qu’il expérimente du fait de ne pas connaître son père biologique : « Une femme avec deux enfants et pas de mari, ça faisait tache ici. Mais on gérait, même sans homme à la maison. Les copains nous interrogeaient sur notre père. Alors on demandait à Glass, qui disait un truc du genre ‘Un marin en voyage’. Ou bien ‘Un cow-boy dans un ranch’. Et plus tard, quand on ne gobait plus tout ça, ‘Je vous le dirai quand vous serez prêts’. Un jour, on a arrêté de demander, vu que ça ne servait à rien. Et aujourd’hui ? C’est normal de ne rien savoir sur notre père, le mystérieux numéro 3 de la liste. Pour moi, ça restait un vide étrange. Un trou noir. Comme si le vide en moi prenait des couleurs. » À l’âge de 17 ans, Phil continue son enquête, mais sa mère résiste encore et toujours à lâcher le morceau : « Phil, c’est pas le moment. » Il se révolte : « Pourquoi tu ne nous en as jamais parlé ? » Sa mère répond : « Parce que c’était plus facile. S’il y avait toujours une réponse simple pour tout… » À la fin du film, elle finit par susurrer à l’oreille de Phil le nom de son père, au moment où il prend le train pour les États-Unis.
 

La mère, selon le héros homosexuel, mérite le matricide pour la simple raison qu’elle est coupable de non-assistance à personne en danger : elle connaît le viol (ou le fantasme de viol qu’est le désir homosexuel), et pourtant, elle fait semblant que tout va bien, elle fait passer son indifférence pour du « respect » et de la « tolérance », elle se comporte en homophobe. « J’me fiche de ce que vous pouvez être. » (Amalia par rapport à l’homosexualité de Saint-Loup, dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot) ; « Tu m’as menti toute ma vie. » (Alicia à sa mère dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio) ; « Ne me dis pas que tu as attrapé le cancer gay ! » (la Mère s’adressant à « L. » sa fille transgenre M to F dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Au final, ce qui me fait le plus mal, c’est pas les coups. C’est toi. » (Barthélémy Vallorta, le héros homo, à sa mère Flore, dans l’épisode 441 de la série Demain Nous Appartient diffusé sur TF1 le 12 avril 2019) ; etc. Dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, par exemple, la maman de Christian sait que son mari a violé leurs enfants, et elle n’en a rien dit. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, la mère de Franz, le héros homosexuel, se fout de la mort de son fils quand elle apprend par téléphone qu’il est mortellement empoisonné. Le héros homosexuel ne supporte pas sa politique du non-dit. Dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, le héros gay reproche à sa mère son relativisme concernant son coming out (« Claque-moi ! » lui ordonne-t-il), son calme ou amusement politiquement correct, son indifférence, son silence. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, la méchante mère de Romeo, le héros gay, veut le caser absolument avec une femme et contrôler sa vie en reniant son homosexualité. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, suite au coming out de son fils Antonio, Stefania regarde passivement son fils dans l’encoignure de la porte de sa chambre : son visage est coupée en deux par l’ombre, et son œil scrute passivement Antonio faire ses affaires parce qu’il a été viré de la maison familiale par le père.

 
 

d) Le maman (biologique ou symbolique) de l’homosexuel se prostitue, ou est présentée comme une putain :

Parce qu’elle est trop idéalisée/jalousée, et aussi parce qu’elle a bien dû tromper génitalement son fils (au moins pour l’avoir !), le héros gay traite sa mère de putain : « La vierge devient pute. » (le personnage de « X » dans le film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka) Elle est vue comme une « collabo » du père : « Meurtrière maman ! » (Nina Bouraoui, La Voyeuse interdite (1991), p. 25) ; « Notre fautive de mère, c’est elle la traîtresse […] » (idem, p. 27) ; « Maman sera toujours une mauvaise fée… Quand j’étais une enfant elle me traînait implorer dans la cafardeuse chapelle de notre manoir le pardon pour avoir osé naître d’un papa si laid… Un gros ivrogne au nez de clown avec des rêves plein le ventre, tel devint mon papa loin de tous ses amis sous le toit de ma mère… » (la voix narrative d’une nouvelle d’un ami angevin écrite en 2003, p. 59) ; « Maman, elle était pas plus religieuse que moi ! » (Carmen dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « Ta mère est une alcoolique. » (la mère d’Howard, le héros homo, s’adressant à une petite demoiselle d’honneur, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; etc.

 

La figure maternelle est associée à la prostitution. On retrouve la mère-prostituée dans énormément de productions artistiques traitant d’homosexualité : cf. le film « Mutti (Maman se la pète) » (2003) de Biggy Van Blond, le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, la chanson « Manchester » de Ricky (qui s’offre aux camionneurs) dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon, le film « Le bon fils » (2001) d’Irène Jouannet, le one-man-show Le Jardin des Dindes (2008) de Jean-Philippe Set, le film « Burlesk King » (1999) de Mel Chionglo, le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, le film « Salò ou les 120 journées de Sodome » (1975) de Pier Paolo Pasolini (avec les quatre divas maquerelles), le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz (avec Loretta), le film « Aprimi Il Cuore » (2002) de Giada Colagrande, le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, le film « Jeune et Jolie » (2013) de François Ozon, etc. Par exemple, dans le film « Little Gay Boy, Christ Is Dead » (2012) d’Antony Hickling, Jean-Christophe vit avec sa mère, une prostituée anglaise, à Paris, et ils prennent leur bain ensemble. Dans le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, la mère de Nicolas (le héros homosexuel), est une séduisante femme-objet fatale surnommée « Désirée », portant un manteau de fourrure, un peu pute et aguicheuse. Dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, la maman d’Arthur, le héros homo, s’est prostituée et l’a eu ainsi. Dans le roman Hawa (2011) de Mohamed Leftah, Zapata et Hawa, jumeaux à la passion incestueuse, sont les fruits de la rencontre d’un soldat américain et d’une prostituée. Dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), Jefferey Jordan entraîne sa maman dans le milieu homo, et la fait rentrer dans une backroom où visiblement elle est possédée par le diable : « Elle nous rejoue la scène de l’Exorcisme dans la backroom. » Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, la mère de Nathan, le héros homosexuel, est une femme-enfant instable, qui se réjouit de l’homosexualité précoce de son fils adolescent, qui fume comme un pompier, et qui finalement divorce d’avec son mari.

 

La mère est carrément traitée de « pute » par le héros homosexuel (une pute de luxe, certes, mais une pute quand même !) : « Maman, je te hais ! Tu es vulgaire ! […] Maman, je te tue ! Je te tue et je te mets dans le frigidaire ! » (« L. » à sa mère, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Toutes des salopes… même ma mère. » (l’homme dans la pièce Tu m’aimes comment ? (2009) de Sophie Cadalen) ; « La salope… la salope… » (Malik en parlant de sa mère Sara, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « Toutes des putes ! Même maman ! » (Gwendoline, le travesti M to F du one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) de David Forgit) ; « Ta mère suce des bites en enfer. » (Jarry dans son one-man-show Atypique, 2017) ; « Ma mère était une pute. Elle était née pute. Une pute royale. Une pute qui symbolisait la femme de ce pays, le Maroc. Un sexe-symbole. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 56) ; « Quatre ans plus tard, je ne comprenais toujours rien à cette femme. Mais je voyais ses actes. J’assistais à ses trahisons. Je l’aidais, même. Je voyais les hommes qui passaient à la maison en plein jour quand mon père était au travail. Ils venaient de loin pour elle. Je les entendais faire du sexe. Elle n’avait pas honte. Elle m’avait depuis longtemps bien domestiqué. » (idem, p. 35) ; « Elle faisait vraiment vieille pute, dans son peignoir à fleurs. Peut-être était-elle réellement une pute, d’ailleurs. » (Corinne dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 226) ; « Qu’est-ce que tu es salope ! » (Evita à sa mère dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Ta mère est une pute ! » (Venceslao à Rogelio dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi) ; « Une pute… comme ta mère. » (Pancho à son amant Clark, dans la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès) ; « Fille de pute ! » (la mère d’Evita insultant sa propre fille, et donc s’insultant elle-même pour le coup, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Tu sais ce que tu es pour moi ?!? Une sale petite putain ! » (Petra, l’héroïne lesbienne, à sa mère, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972), de Rainer Werner Fassbinder) ; « Le drame féminin : pute ou mère, fallait choisir. » (Florence, la lesbienne, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Peter était fiancé à cette conne de Loraine, dont la mère était une vraie salope. » (Emory, l’amoureux homosexuel jaloux, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « L’enfant de catin ! » (Benjamin s’adressant à son amant Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 

Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, la maman de Jeanne exerce le « métier » de prostituée. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa), Glass, la mère de Phil le héros homo, conduit une voiture où elle a tagué en gros « BITCH » (« pute » en anglais). Dans son one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011), Karine Dubernet, en s’adressant à sa mère, la décrit comme une putain : elle ne supporte pas « ce bleu-pute qu’elle se met sur les yeux ». Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, Suzanne, la maman du héros homo, est la femme adultère : elle n’arrête pas de tromper son mari (avec des ouvriers, avec des camionneurs). Dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, la mère de Dzav est prostituée dans le Bois de Boulogne. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, la mère de Patrick est décrite comme une « vieille pute défoncée ». Dans la pièce La Cage aux folles (1973) de Jean Poiret (version 2009, avec Christian Clavier et Didier Bourdon), Simone, la maman de Laurent est danseuse au Crazy Horse. Dans le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, la mère de Camille est assaillie et violée par une armée de samouraïs. Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Léo, le croque-mort homosexuel, fait un jeu de mots : il dit que la mère de Riton est en phase de « pute-réfaction ». Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Diane, la mère de Steve (le héros homosexuel), est une junky, vulgaire, alcoolique. Son fils l’insulte régulièrement : « Putain de ta race ! » ; « Sale pute de truie ! » ; « Tu m’as coupé, sale pute ! ». Dans son one-woman-show Chaton violents (2015), Océane Rose-Marie dit qu’avec sa compagne, elles auraient été capables de tout pour avoir leurs chatons Froustinette et Craquinette : « On aurait vendu nos mères dans un réseau de prostitution pour s’offrir Craquinette. ». Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine idéalise la grande tante Lucie : « Sa tante Lucie est restée vierge. » avant de découvrir la vérité : « Cette salope… Elle a couché avec son fils. Moi qui la croyais vierge ! »

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi

 

Souvent dans les fictions homo-érotiques, la relation mère-fille est de type prostitutif, c’est-à-dire que l’une est la maquerelle de l’autre ; elles s’échangent les rôles, comme des reflets spéculaires : « J’ai besoin d’argent pour payer mon gigolo ! […] Je t’en prie, mon chéri, juste un petit chèque pour finir de payer les traites de mon gigolo ! » (la mère à « L. », dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « C’est fini, je ne te file plus de sous ! » (« L. » à sa mère, idem) Dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, c’est la maman qui envoie sa fille Irina faire le tapin. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1999) de Pedro Almodóvar, Esteban demande à sa mère si elle serait capable de se prostituer pour lui afin de le sustenter : celle-ci lui répond positivement.

 

Le motif du viol de la mère traduit également le désir incestueux de rejoindre le ventre de la mère par tous les moyens, pour forcer le passage du vagin dans le sens inverse du jour de la naissance (cf. je vous renvoie aux codes « Lune » et « Inceste » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Parce que je n’ai pas pu remonter tout seul à la matrice. » (cf. une réplique de la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg)

 

Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, la figure maternelle est vulgarisée, violée et assassinée, comme si les personnages lesbiens étaient frustrés de ne pas pouvoir anatomiquement la pénétrer et la faire totalement jouir : en effet, Greta, la femme du Docteur Mann et la mère d’Anna (13 ans), est une ancienne prostituée qui a finit par se ranger dans une vie de femme mariée, et qui a été tuée par son mari, puis cachée dans un plancher d’un immeuble fantomatique. « C’était une prostituée, comme moi, elle a épousé un médecin, comme Julia Roberts dans Pretty Woman. » (Maria, la prostituée, p. 163) ; « Jane [la narratrice lesbienne] pensait avoir rêvé de Greta, la mère d’Anna, qui reposait sous le plancher du deuxième étage, mais dans son rêve Greta se mélangait avec des putes d’Alban et la fille assassinée du film ; la façon dont ses yeux s’étaient écarquillés quand le couteau s’était enfoncé. » (p. 79) ; etc. Ce sont tous les personnages qui expriment leurs pulsions matricides, même si elles sont saturées d’adoration, de mimétisme (Anna se comporte en prostituée aussi), et de pseudo pardon-oubli : « Je la trouvais méchante, ma mère était une femme méchante, mais je ne lui en ai jamais voulu. » (Frau Becker, p. 213)
 

C’est à travers une relation amoureuse homosexuelle que le personnage homosexuel reporte, en général, son désir incestueux de fusion matricide. Par exemple, dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, Micke, le héros gay, se voit coucher avec sa propre mère au moment de devoir satisfaire sa cliente Alena, la femme bourgeoise qui loue les services d’un cercle de prostitués. C’est la même chose avec Rachel, l’héroïne lesbienne du film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, qui se surprend à coucher avec sa propre mère alors qu’elle faisait initialement l’amour à sa copine. On est même surpris d’entendre les amants homos fictionnels se traiter parfois de « mère-pute » entre eux : « Maman, baise ta putain ! » (Yali à son copain qui est en train de le sodomiser, dans le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox) Voilà une belle illustration du lien de coïncidence entre matricide et amour homosexuel !

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Certaines personnes homosexuelles haïssent leur mère (qu’elles adorent pourtant !), et se décident à la détruire :

Certaines personnes homosexuelles – et notamment beaucoup de femmes lesbiennes – ont une relation conflictuelle avec leur mère biologique : c’est le cas de Marguerite Radclyffe Hall, Annemarie Schwarzenbach, Colette, Violette Leduc, Cathy Bernheim, Federico García Lorca, Paul Verlaine, etc. « J’avais souffert d’abus dans mon enfance, de harcèlement scolaire, je n’avais pas une très bonne relation avec ma mère. » (Christine Bakke, ex-ex-lesbienne, interviewée à Denver, dans le Colorado, fin 2018, dans l’essai Dieu est amour (2019) de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Éd. Flammarion, Paris, p. 79). En général, elles la trouvent trop faible, et se mettent parfois à la battre comme leur père la batt(r)ait. Charles Double, par exemple, a tué sa mère. Avec le poète français Paul Verlaine, on a frôlé le matricide ! : « Rentré à cinq heures du matin, armé d’une sabre et d’un poignard, Verlaine menace de tuer sa mère ! Désarmé, il essaie alors d’étrangler la malheureuse. » (Michael Pakenham, « Scènes familiales », dans Magazine littéraire, n°321, mai 1994, p. 28) Nous avons d’autres exemples moins spectaculaires, mais tout de même violents : Stephen Sondheim déteste sa mère et l’accuse dans sa biographie (écrite par Merlyle Secrest) de l’avoir torturé émotionnellement ; Hart Crane, quant à lui, dit que sa mère l’a utilisé contre son père ; les rapports entre Renée Vivien et sa mère sont particulièrement tendus (la seconde a d’ailleurs essayé d’enfermer sa fille lesbienne dans un institut psychiatrique) ; les romans et essais Le Côté de Guermantes (1921) et les Carnets de Marcel Proust évoquent la profanation de la mère.
 

Autobiographie Personne n'est parfait, maman! de Thomas Sayofet

Autobiographie Personne n’est parfait, maman! de Thomas Sayofet


 

La relation mère/fils entre le chanteur homo Charles Trénet et sa maman a toujours été un « Je t’aime / moi non plus » incessant : « Inséparables ; irréconciliables : les batailles entre eux étaient terribles. » (Serge Hureau dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata). D’ailleurs, dans sa chanson « La Folle complainte » (1969), Trénet chante : « J’n’ai pas aimé ma mère. »
 

Par ailleurs, certaines personnes homosexuelles, envoyant leur mère malade, dépressive ou décédée, croient l’avoir tuée : par exemple la mère d’Allen Ginsberg s’est suicidée (cf. je vous renvoie au code « Parricide » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Il suffit d’entendre un certain nombre de personnes homosexuelles parler de leur maman pour comprendre qu’il y a entre eux un rapport passionnel peu pacifié : « La mère d’un fils ne sera jamais son amie. » (Jean Cocteau, cité par la prof de français de Hubert, Mme Cloutier, dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan) Certains sujets homosexuels tirent un portrait plutôt monstrueux et grotesque à leur « vieille » : « Ma mère pleurait de désespoir, dans son grand manteau de fourrure qui faisait d’elle une espèce d’ours sinistre : une grosse boule de poil en larmes qui me rendait encore plus cafardeux. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 193) ; « J’ai eu une enfance heureuse avec une mère qui me surprotégeait en dévalorisant à mes yeux mon père, un père présent/absent qui n’a jamais été un pilier exemplaire. La mère a joué le rôle du père, je me rappelle que j’ai dit à ma mère que je voulais lui faire l’amour vers les 4 ans et elle a rigolé et ça m’a blessé comme si elle m’avait rejeté dans ma sexualité, castré. » (cf. le mail d’un ami, Pierre-Adrien, 30 ans, en juin 2014) ; « L’année de mes 15 ans a été la pire année de ma vie : j’étais en rébellion avec ma mère, et savais déjà que j’étais homo. » (Philip Bockman, vétéran gay, dans le documentaire « Stonewall : Aux origines de la Gay Pride » de Mathilde Fassin, diffusé dans l’émission La Case du Siècle sur la chaîne France 5 le 28 juin 2020) ; « J’étais un garçon manqué. Et cette absence de conformité contrariait beaucoup ma mère. » (Karla Jay, vétérane lesbienne, idem) ; etc.

 

Le matricide reste en général une destruction iconographique, une lettre morte, un simple cauchemar, ou une fantaisie non-actualisée. Par exemple, dans le film biographique « Enfances » (2007) de Yann Le Gal, on nous dévoile qu’Alfred Hitchcock, étant petit, a vu en rêve sa mère morte et assassinée.

 

Cela dit, aussi exagéré que cela puisse paraître, le ressentiment méprisant que le sujet homosexuel accumule au fil des ans à l’égard de sa mère peut lui donner des envies de meurtre : « Je me sens sadique, comme elle l’était autrefois à mon égard. Elle me hait encore. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 54) ; « Elle me pousse aussi vers la mort. » (idem, p. 77) ; « Effrayant de constater combien ma mère a toujours été figure de la mort pour moi. » (idem, p. 80) ; « Cette violence me renvoie à celle qu’elle avait à l’égard de tout, de moi. Elle me fait horreur, à nouveau, l’image de la ‘mauvaise mère’, brutale, inflexible. » (idem, p. 88) ; « Comment ai-je pu oublier qu’elle m’a appelée jusqu’à 16 ans sa ‘poupée blanche’ ? » (idem, p. 93)

 

La mère est jugée trop insupportablement gentille : « Les plus lamentables victimes sont celles de l’adulation. Pour détester ce qui vous flatte, quelle force de caractère ne faut-il pas ? Que de parents j’ai vus (la mère surtout), se plaire à reconnaître chez leurs enfants, encourager chez eux, les répugnances les plus niaises, leurs partis pris les plus injustes, leurs incompréhensions, leurs phobies… À table : ‘Laisse donc ça ; tu vois bien que c’est du gras. Enlève la peau. Ça n’est pas assez cuit…’ ‘Couvre-toi vite’. » (André Gide, Les Faux-Monnayeurs (1925), p. 132) ; « Elle avait une façon de m’aimer qui parfois me faisait la haïr et me mettait les nerfs à vif. » (André Gide concernant sa mère, dans le documentaire « Avec André Gide » (1952) de Marc Allégret) Dans son roman autobiographique Parloir (2002), Christian Giudicelli évoque « les mères et leur affection délirante » (p. 81), sans écarter la sienne du tableau : « Souvent j’ai refusé de telles propositions, de crainte d’étouffer par son dévouement. Ma mère rêvait de l’époque où elle me berçait dans ses bras. Elle devait même rêver d’une période plus ancienne, celle où elle me gardait dans son ventre, au chaud, loin du monde, loin des autres qui me raviraient à elle. […] Pourtant, de temps en temps, j’avais besoin qu’elle me murmure à l’oreille ce ‘mon chéri’ dont personne ne trouvera l’intonation désespérément tendre. »

 

« J’accuse aujourd’hui ma mère d’avoir fait de moi le monstre que je suis et de n’avoir pas su me retenir au bord de mon premier péché. Tout enfant, elle me considère comme une petite fille et me préfère à ma sœur, morte aujourd’hui. De mon père, j’ai le souvenir lointain d’un officier pâle, doux, presque timide, perpétuellement en butte aux sarcasmes de son épouse. » (Jean-Luc, homosexuel, 27 ans, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 75) ; « Au départ de presque toutes ces lamentables existences, il y a les mères. Les petites vies étriquées de ces êtres qui vivent à deux ou se contentent des sordides aventures d’urinoirs sont les résultats de la bonne éducation, les fruits de leçons trop bien suivies sur la crainte du péché, les dangers de la femme, tout ce qui fait la honte d’une religion mal comprise. Cette haine de la femme et cet excessif attachement à la mère, je les ai connus et je sais qu’ils peuvent, par instants, atteindre à la véritable névrose. Encore aujourd’hui, je ne suis pas tout à fait habitué à l’absence de ma mère et, lorsque je suis loin d’elle, je cherche à la joindre par téléphone et lui écrits tous les jours. C’est elle, cependant, qui est en grande partie responsable de mon état misérable, par la façon dont elle m’a obligé à vivre constamment dans son sillage. » (idem, p. 104) ; « L’opinion que je me suis formée sur les femmes, je la dois selon moi, à ma mère : elle avait un caractère si malheureux que j’en suis arrivé maintes fois à me dire que mon angoisse vient de la crainte de tomber sur une femme semblable à elle. » (idem, p. 104) ; « Durant ce temps, ma mère ne cesse de tisser autour de ma vie d’enfant un véritable cocon de tendresse mais se garde bien de m’élever en garçon. […] Je n’avais aucune pensée sexuelle à l’égard de l’autre sexe car, pour moi, un être féminin était neutre et je n’aurais su que faire avec lui ; toute femme, pour moi, à cette époque, était une mère. Je surpris néanmoins, un soir, à la campagne, une jeune fille qui se baignait dans un ruisseau, n’ayant pour tout vêtement que sa chemise. Je n’eus pas le courage de regarder bien longtemps et je m’enfuis chez moi pour conter, en toute sincérité mon aventure… à ma mère. C’était la première fois, au cours de mes douze années d’existence, qu’il m’avait été donné d’approcher une femme inconnue… surtout dans une tenue aussi sommaire. Ma mère me fit la morale et brossa pour moi un tel tableau physique et moral des femmes que je n’en dormis pas de la nuit : la femme, la jeune fille… êtres abjects, lâches, sans hygiène ; la nudité… quelle horreur !… surtout chez la femme, cet être perpétuellement maudit… C’est ainsi que, par suite des extraordinaires révélations de ma mère, le sexe féminin me fut à jamais interdit alors que cette même occasion aurait pu doucement me le révéler… […] Tout en me chérissant, ma mère me présentait les relations avec l’autre sexe comme un mal immoral. […] Hormis ma mère, la bonne et la cuisinière, je ne voyais jamais de femmes… et encore moins de petites filles. […] Si, dans une famille, la mère est la plus forte, les enfants se disent alors : ‘Je voudrais être une femme, pour dominer et conquérir avec ces mêmes armes.’ » (idem, pp. 76-78) ; « Depuis des années, la vie en commun avec ma mère ne me laissait ni temps ni repos et je me sentais comme enchaîné. J’avais en effet pris peu à peu conscience de l’influence que ma mère exerçait sur moi. » (idem, p. 111)

 

Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, on découvre que la Reine Christine, pseudo « lesbienne », a été méprisée par sa mère dès sa naissance : « Tu nais, coiffée de la tête jusqu’aux genoux, toute velue. Ta mère te trouve repoussante. » (Christine se parlant à elle-même à la deuxième personne) Sa génitrice n’a pas hésité à la battre physiquement. Plus tard, à l’âge adulte, Christine fera une croix sur sa maternité et refusera de se marier et d’avoir des enfants. Elle se comporte avec sa mère comme une despote : « Ce n’est pas une lettre d’une fille à sa mère, mai plutôt celle d’une souveraine à sa sujette. » (la biographe Marie-Louise Rodén parlant de Christine, idem)
 

Après s’être laissé flatter/maltraiter dans l’infantilisation et l’instrumentalisation, l’adulte homosexuel a bien l’intention de ne plus laisser sa mère régenter sa vie à sa place. Bien sûr, il n’aura pas la folie de prendre un couteau ni un révolver, ni de couper radicalement les ponts avec maman. Mais la méthode douce du matricide, c’est de se choisir une vie de couple homosexuel et de se réfugier dans l’identité homosexuelle.

 

Dans l’article « El Teorema Del Agujero » de l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, Arturo Arnalte raconte qu’il s’est emporté avec rage au moment où son psychologue lui a fait remarquer que son homosexualité pouvait venir de la haine qu’il voue à sa mère (p. 137). Et pourtant, la thèse de la jalousie envers la mère comme source d’homosexualité, au vu de ce que je vous ai montré plus haut, n’est pas si farfelue. Encore faut-il avoir l’humilité de reconnaître en soi ses propres fantasmes matricides inavoués… « L’homme-bébé est malade d’une symbiose infernale. Il se sent un néant, une loque sans identité, dévoré par une mère toute-puissante et des femmes bourreaux. […] Faute de pouvoir la tuer, il la fétichise, prend une partie d’elle et rejette la femme tout entière. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’Identité masculine (1992), pp. 95-96) ; « Mes expériences m’ont appris, de façon toujours renouvelée, que lors de l’attitude œdipienne négative les garçons ne font pas que haïr leur mère, mais qu’ils sont envieux et jaloux de son rôle auprès du père. […] Les hommes sont jaloux d’une rivale dans tous les cas où des motions homosexuelles latentes ou manifestes apparaissent en eux. » (Félix Boehm, « Le Complexe de féminité chez l’homme », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 435) ; « La féminité outrancière d’une catégorie d’homosexuels – ceux qui se désignent eux-mêmes comme folles – met en scène la figure enviée mais détestée de la mère. » (Michel Schneider, Big Mother (2002), p. 247)

 
 

b) La fausse résistance :

Beaucoup de personnes homosexuelles ne se sentent pas matricides ni haineuses de leur génitrice – alors que pourtant c’est le cas – puisqu’elles s’identifient quand même à la mère (réelle ou cinématographique) qu’elles ont tuée (symboliquement ou concrètement). Par exemple, lors de sa conférence sur « L’homoparentalité aux USA » à Sciences-Po Paris le 7 décembre 2011), de Darren Rosenblum et son copain ont obtenu une fille par GPA (Gestation Pour Autrui) en payant une mère porteuse 5000 dollars pour l’exploiter ; on entend Darren dire que pendant la gestation, « il se sentait enceinte ». Il fait de l’identité de mère un « rôle » qui peut être porté par un homme : « Je trouve que ces rôles de père ou de mère ne sont pas essentiels. Si dans une famille un homme veut être la mère, il doit pouvoir le faire. »

 

Lezama Lima

Lezama Lima

 

Entre le fils homosexuel et sa mère, c’est « Je t’aime/Moi non plus » ; autrement dit un rapport idolâtre orageux, et peut-être même meurtrier, fantasmatiquement parlant. « J’adore ma mère et je suis peut-être injuste avec elle, mais j’avais envie de lui dire : et toi, maman, ne m’as-tu pas empêché de trouver mon propre bonheur ? » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 97) ; « S’il a adoré sa mère, peut-être l’a-t-il aussi parfois haïe, car Proust, comme l’écrit Péchenard, s’est toujours servi de l’image de la mère profanée plutôt que vénérée pour colorer ses grands chagrins et ses petites misères. » (Christian Péchenard, Proust et Céleste, cité par Diane de Margerie, « Sainte Céleste », dans Magazine littéraire, n°350, janvier 1997, p. 44)

 

Jean Sénac avait une mère très possessive qu’il vénérait autant qu’il fuyait : « Je ne peux pas vivre avec elle. Elle me dévore. » (Jean Sénac dans le documentaire « Jean Sénac, le Forgeron du soleil » (2003) d’Ali Akika) Dans les peintures d’Andy Warhol, la mère de l’artiste est portraiturée comme une personne horrible… et pourtant, son fils l’adorait ! Michel Bellin aime tout autant qu’il méprise sa « mère toxique » (terme qu’il a utilisé lors de sa séance de dédicace pour la sortie de son livre Impotens Deus à la Librairie Bluebook, le 19 janvier 2007). Le rappeur gay Monis oscille entre fusion et rupture avec sa mère, à la vie comme à la scène : « Je t’aime maman. Je te hais. » Dans sa biographie sur Jean Genet, Jean-Paul Sartre évoque le jeu de yoyo mortifère qui se joue perpétuellement entre la mère biologique (absente) et le fils homo : « Cette mère inconnue, il l’adore et la hait. » (Jean-Paul Sartre, Saint Genet (1952), p. 16) La romancière bisexuelle Lucía Etxebarría parle d’un « amour-haine » à l’égard de sa mère.

 

Le fils homosexuel et sa mère forment parfois un duo androgynique violent : « Cette sensation effarante de l’avoir toujours sur mon dos. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 88) ; « Elle occupait toute la place, elle faisait écran entre moi et le reste du monde, et elle m’avait brisé depuis le début. […] Je ne comptais pas pour elle ou peut-être que je comptais beaucoup. » (idem, p. 89) ; « La méchante et moi nous étions liés comme des drogués, nous n’avions rien à raconter à personne ; notre stupéfiant, la violence, nous avait enfoncés trop tôt, trop loin, il était impossible d’en sortir. On connaît désormais par cœur ces récits où l’enfant se tait parce qu’il en est arrivé au point où il pense qu’il mérite ce que le bourreau lui inflige et où le bourreau y trouve une excellente raison pour continuer. Une vie stable en somme. » (idem, p. 92) ; « Apparemment j’étais une sorte de merveille de petit garçon. » (idem, p. 92) ; « On ne casse pas si facilement une telle complicité. » (idem, p. 93) ; « Nous n’étions plus à un mensonge près dans notre expérience clandestine. » (idem, p. 93)

 

Une manière de détruire la femme tout en l’immortalisant par cette même destruction, c’est de créer une caricature de femme-androgyne, à la fois hyper-féminine et hyper-masculine, un personnage de prostituée extrêmement vulgaire et machiste, appartenant aux trois générations de femmes : l’adolescente (ou la fillette), sa mère et sa grand-mère. On observe cette déclinaison générationnelle du concentré machiste de féminité violente dans beaucoup de spectacles d’hommes travestis (et parfois de femmes) : Charlène Duval, David Forgit (avec son one Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) : trois schizophrénies en une prostituée = la grand-mère Mémé Huguette + la fille Gwendoline + la mère qui occupe le centre du trio), Copi, Jean-Philippe Set, Yvette Leglaire, Karine Dubernet, Denis d’Arcangelo, David Sauvage, etc. Je pense aux pièces de Copi. Chez lui, la relation mère/fille est prostitutive : ni l’une ni l’autre ne sont réellement des femmes ou des mères, mais le dramaturge s’amuse à materniser et à filialiser la prostitution masculine. Tantôt la mère envoie sa fille se prostituer avec des hommes, tantôt c’est la fille qui joue la mère-maquerelle avec sa maman. Par exemple, dans la pièce Le Frigo (1983), mère et fille sont deux putains discutant dans leur salon de thé : « Veux-tu une tasse de thé ? » demande « L. » ; « Avec un nuage de sperme, comme d’habitude. » lui répond sa mère, le plus naturellement du monde. Cette dernière supplie sa fille de l’entretenir : « J’ai besoin d’argent pour payer mon gigolo ! […] Je t’en prie, mon chéri, juste un petit chèque pour finir de payer les traites de mon gigolo ! » et sa fille de couper court au caprice maternel : « C’est fini, je ne te file plus de sous ! »

 

De tous les one-man-shows que j’ai pu voir, les comédiens travestis associant la maternité à la prostitution sont en général les plus drôles, les plus lucides sur la violence de la pratique homosexuelle et des mirages de l’amour du semblable. Ce sont aussi ceux qui ont le plus de comptes à régler avec leur propre mère, avec leurs déboires amoureux et leur vie intime amoureuse compliquée, voire avec un viol réel.

 
 

c) La « froideur » de maman et sa politique du non-dit :

N.B. : Je vous renvoie également à la partie « Indifférence » du code « Parricide la bonne soupe » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Le premier grand reproche que font les personnes homosexuelles à leur mère biologique/cinématographique, c’est d’être trop proche d’elles ET trop lointaine. En somme, elles se plaignent d’une idolâtrie, ce phénomène d’attraction-répulsion ou de fusion-rupture, avec l’objet de désir (en termes psychanalytiques, elles souffrent inconsciemment de « cette régression conduisant à la fusion avec une mère primitive. », Robert J. Stoller, « Faits et hypothèses », Bisexualité et Différence des sexes (1973), p. 219) : « Je ne suis pas, ou très peu, la fille de ma mère et c’est elle qui a voulu qu’il en soit ainsi. J’ai grandi en m’opposant à elle. […] C’est elle qui m’a rejetée avec une vigueur que j’ai vécue en son temps comme une violence. Elle a eu peur de ce qu’elle pouvait me transmettre de cela, je l’ai très mal vécu. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 23) ; « Il ne faut pas oublier que non seulement j’ai assassiné mon frère, mais que j’ai failli tuer ma mère et que j’ai ôté tout espoir à mes parents d’avoir un enfant selon leur cœur. » (Paula, qui à sa naissance, a failli faire mourir sa mère pendant l’accouchement, idem, p. 30) ; « Je me suis résignée à l’absence d’amour maternel vers sept ou huit ans, j’ai tourné définitivement la page et je suis allée chercher ailleurs ce que je ne trouvais pas à la maison, ce qui a sans doute contribué à faire de moi une homosexuelle exclusive. » (idem, p. 33) ; « Cette dernière ne m’aimait pas. Tout au long de mon enfance, je n’ai jamais senti qu’elle m’aimait. […] Je ne me rappelle pas avoir reçu d’elle la moindre caresse, le moindre geste tendre […] » (idem, p. 34) ; « J’ai le net souvenir d’avoir, vers huit ou neuf ans, souhaité que ma mère disparaisse de mon existence et, au risque de passer pour un monstre, je ne me souviens pas avoir éprouvé de ce fait un quelconque sentiment de culpabilité. » (idem, p. 37)

 

« Ma mère ne m’a jamais donné la main. » (cf. l’incipit de l’autobiographie L’Asphyxie (1946) de Violette Leduc) ; « Quelquefois, rarement, elle se montrait affectueuse. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 90) Par exemple, Edmund White se plaint d’une mère qui ne se serait pas du tout occupée de lui (cf. Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), p. 168). Dans son autobiographie Impotens Deus (2006), l’écrivain Michel Bellin reproche en même temps à sa mère son omniprésence et sa « froideur » (p. 98).

 

Le second reproche majeur que les individus homosexuels font à leur maman – et qui pourrait expliquer un fantasme matricide inconscient –, c’est le secret qu’elle garde au sujet du viol : une violence qu’elle a enfouie en elle sans la régler (un abus d’adolescence, le choc d’un divorce, une pathologie personnelle, une soumission et un manque de liberté dans son identité de mère, etc.), ou bien un viol qu’elle leur a fait subir (l’inceste, le meurtre symbolique du père, le divorce, etc.). « C’est sa politique du non-dit qui est insupportable. » (Pascal Pellerin à propos de la mère du protagoniste homosexuel de son roman Tout m’énerve (2000), dans l’émission Zone interdite, M6, mai 2000) ; « D’autres fois, c’est vrai, l’indifférence de ma mère me rassurait. Quand je rentrais du collège, elle aurait pu facilement voir mes traits tirés, comme des rides. Mon visage semblait ridé à cause des coups qui me vieillissaient. J’avais onze ans mais j’étais déjà plus vieux que ma mère. Je sais, au fond, qu’elle savait. Pas une compréhension claire, plutôt quelque chose sur quoi elle peinait à mettre des mots, qu’elle ressentait sans être capable de l’exprimer. Je craignais qu’un jour elle ne se mette à formuler toutes ces questions qu’elle accumulait – malgré son silence – depuis des années. De devoir lui répondre, lui parler des coups, lui dire que d’autres pensaient la même chose qu’elle. J’espérais qu’elle n’y pensait pas trop et qu’elle finirait par oublier. » (Eddy Bellegueule à propos de la maltraitance qu’il vivait au collège, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 108) ; etc. Le fils et la mère se regardent en chiens de faïence, et l’un comme l’autre devinent le lourd tabou qui alimente leur mutisme : « Elle et moi, nous sommes restés face à face. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 88) En général, le secret de la mère a un rapport avec le viol et le manque d’amour. « Je pense que ça la fait chier en fait que je sois lesbienne. Elle le lit comme un truc où elle se sent responsable et du coup ça la fait chier, ça la culpabilise, ce rôle de mère qu’elle n’a pas bien assumé. » (Louise, femme lesbienne de 31 ans, dans l’essai Se dire lesbienne (2010) de Natacha Chetcuti, p. 105) ; « La puberté quand même été terrible. Je ne voulais surtout pas devenir comme ces femmes que je connaissais. Surtout comme ma mère. J’avais l’impression qu’elle vivait sa maternité comme une source de frustration, à l’époque. S’il fallait grandir, je voulais garder le goût de l’aventure, le plaisir du jeu. Un peu comme un homme, me disais-je. » (cf. l’article « Tom Boy à l’affiche » de Bab El)

 

Par exemple, dans le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) d’Yves Riou et Philippe Pouchain, on apprend que la mère de Jean Marais, à la naissance de ce dernier, l’a rejeté parce qu’elle voulait une fille à la suite du décès de sa petite Madeleine. Dans la salle d’accouchement, à la vue de son fils, elle a hurlé : « Enlevez-le, je ne veux pas le voir ! » Avec le temps, le non-dit sur cette substitution de personnes s’est dilué, ou plutôt renforcé dans une relation d’adoration/mépris mutuels (« Après, ma mère m’a adoré et j’ai adoré ma mère. Comme ma mère aurait voulu une fille, elle me traite en fille. ») qui n’a pas empêché la mère et le fils de violer/voler chacun de leur côté : « Oui, mon pauvre petit, ta mère est cleptomane. » dira la tante de Jean Marais à son neveu par rapport à sa mère Rosalie.

 

Dans la biographie Ramon (2008), Dominique Fernandez fait la prouesse de retracer la vie de son père qui « a été un collabo, des plus notoires ». Il découvre que c’est finalement sa mère, par son indifférence à son mari, qui l’a écarté de son père et qui lui a imposé une omerta : « Une sorte de censure intérieure m’empêchait de prendre part à la vie de mon père – de le reconnaître pour père. » (p. 34) ; « Pour nous, les enfants, il y avait entre nos parents comme une cloison étanche. Pour moi, de onze à quinze ans, il y eut deux mondes sans communication possible. Le monde de la mère et le monde du père. Incompatibilité renforcée par la division politique : le monde de la mère gaulliste et le monde du père collabo. Mais la division politique restait secondaire par rapport à la coupure morale décidée par notre mère, veto originel et d’autant plus fort, d’autant plus paralysant qu’il n’était pas exprimé. Affreuse oppression du non-dit. » (idem, p. 36) ; « J’avais intériorisé l’interdit maternel. […] Amoureux de mon père, je l’ai toujours été, je le reste. Ma mère, je l’ai admirée, je l’ai crainte, je ne l’ai pas aimée. Lui, c’était l’absent et c’était le failli, l’homme perdu, sans honneur. C’était le paria. » (idem, p. 45)
 

Pour éviter de regarder leurs souffrances en face, beaucoup de personnes homosexuelles se mettent à rentrer dans le jeu de cette politique de l’autruche de leur mère. Par exemple, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013), Guillaume Gallienne, le héros bisexuel, est maltraité verbalement par sa mère. Elle ne l’écoute pas vraiment, banalise tous les drames qu’il vit, noie constamment le poisson, le caricature même en homosexuel pour le garder tout à elle. Et Guillaume n’a même pas le réflexe de lui en vouloir. Il porte sur lui la culpabilité de l’agressivité de sa maman adorée : « Pourquoi ma mère n’est-elle pas heureuse ? Pourtant, je suis une fille, comme elle. » Il est même touché, à la fin, par sa jalousie maternelle : « C’est elle qui a eu peur que j’aime une autre femme qu’elle. »

 
 

d) La maman considérée comme une putain :

Comme beaucoup d’individus homosexuels ont voulu d’une relation exclusive avec leur mère, mais que celle-ci n’a pas été capable de la leur donner puisqu’elle a dû se partager avec le père (= « le Traître » par excellence de la communauté homosexuelle), des frères, et même une foule de spectateurs, ils décident de se venger d’elle, la plupart du temps iconographiquement et verbalement. C’est ainsi qu’ils la magnifient parfois comme une prostituée : « Tu disais que ta vraie mère, c’était elle [une cantatrice italienne], la Madame du bordel. C’est à elle que tu devais ta vie, finalement. » (Alfredo Arias à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 164) ; « Immédiatement réveillé par le docteur qui me demandait : ‘Et votre mère ?’ quel que soit le sujet abordé, j’eus à maintes reprises l’envie de lui répondre qu’elle faisait la pute sur les quais de Seine’, mais à 250 balles les 20 minutes […] » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 68) Par exemple, Álvaro Retana, dans son roman Flor del Mal (1924), décrit une sulfureuse femme du nom de Gloria Fortuny, qui n’est autre qu’une résurgence de la figure maternelle puisque le nom de famille de sa mère était « Fortuny ». Le dramaturge argentin Copi fait la même chose avec le personnage de China – qui est aussi le prénom de sa mère – dans sa pièce L’Ombre de Venceslao (1978).

 

La mère est également transformée en prostituée parce qu’elle a pu être présentée ainsi par le père, l’homme-objet cinématographique, ou l’entourage du sujet homosexuel : « Ta mère elle se fait sauter par tout le monde, elle trompe ton père, tout le monde l’a vue coucher avec les ouvriers du chantier de la mairie. C’est une pute. » (Anaïs s’adressant à Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 68)

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi

 

Le problème de l’homosexualité, c’est bien qu’elle est une assimilation et une validation passive du machisme.

 

Je crois que les personnes homosexuelles, en s’attachant à une mère souillée, assassinée, ou criminelle, recherchent en réalité la femme violée fantasmatique qui leur fournit une identité, qui donne corps à leur angoisse existentielle ou au drame de leur enfance (l’inceste, le viol, le divorce des parents, ou autre) : « Pauvres hommes coupés en deux. Là où ils aiment ils ne désirent pas, là où ils désirent ils ne peuvent aimer. […] Pour être vraiment libre et heureux dans la vie amoureuse, il faut avoir surmonté le respect pour la femme et s’être familiarisé avec la représentation de l’inceste. Comment entendre cette ‘familiarité’, sinon comme une façon de pouvoir psychiquement côtoyer le fantasme de la scène primitive, sa violence et ses outrances. […] L’inconscient incestueux ne fait pas le détail, il divise et conserve l’objet premier sous deux visages opposés : Madone, d’un côté ; putain, de l’autre. […] La ‘putain’ est celle qui se prête – ne serait-ce qu’une fois ! –, à une relation sexuelle avec un autre que soi, ce qui n’est épargné à aucune mère. Tout enfant naît de la trahison de l’amour maternel ! » (Jacques André, « Le Lit de Jocaste », dans Incestes (2001), p. 19)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles s’appuient sur la femme hétérosexuelle (mauvaise mère qu’elles détruisent sans se gêner, en la décrivant comme une traîtresse, une poule pondeuse) pour justifier l’existence d’une soi-disant « mère homosexuelle » merveilleuse. Par exemple, dans l’émission Mots croisés d’Yves Calvi, sur le thème « Homos, mariés et parents ? », diffusée sur la chaîne France 2 le 17 septembre 2012, Caroline Fourest s’appuie sur le fait qu’il existerait bien « des mères parfaitement hétérosexuelles qui congèlent leurs embryons » pour qu’on ne trouve rien à s’opposer au mariage gay et aux « familles homoparentales ».

 

Dans le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau, les ventres arrondis sont hués lors d’un strip-tease ; Clara et sa compagne Lise considèrent les mères comme des traîtresses, des « victimes consentantes » de la fin du monde, du capitalisme, d’un univers où les hommes « reproducteurs » domineraient.

 

Les rares fois où les personnes homosexuelles en couple valorisent les mères et la maternité, c’est à contre cœur, ou bien comme une abstraction, un enjeu politico-symbolique, une auto-persuasion : « Ma compagne, Sandrine, a 34 ans et elle ne veut plus attendre pour avoir un enfant. Moi, je n’envisageais pas vraiment d’être mère. Je décide alors de prendre ma caméra pour suivre ce parcours, notre parcours vers un enfant désiré mais aussi, pour moi, un chemin vers une maternité particulière qui ne m’a jamais semblé ‘naturelle’. Comment allons-nous faire ? Nos proches s’interrogent et nous aussi. Nous avons choisi l’insémination artificielle à l’étranger. Nous allons donc voyager, espérer et je vais profiter de ce temps pour trouver ma place de mère, car je vais devenir mère… sans porter notre enfant. » (Florence Mary à propos de son documentaire « Les Carpes remontent les fleuves avec courage et persévérance », 2012)

 

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Code n°116 – Méchant Pauvre

méchant pauvre

Méchant Pauvre

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Tu vas payer notre misère sexuelle commune !

 

Quand on ne s’accepte pas un minimum soi-même et qu’on rejette (de par son désir et parfois sa pratique amoureuse) la différence des sexes – ce qui est le cas de toutes les personnes homosexuelles –, il est logique que l’acceptation de l’autre (l’étranger, le pauvre, le fragile) et de la différence des espaces se fasse difficilement, voire violemment. C’est étonnant pour nos mentalités d’aujourd’hui, qui avons tendance à penser que ceux qui souffrent de leur marginalité et de leur différence s’identifieront davantage aux marginaux et à les aider. Et pourtant, la souffrance et la différence ne sont pas toujours fédératrices. Elles peuvent même être sources de conflits quand elles ne sont pas identifiées.

 

Le pauvre de l’homosexuel fictionnel ou de l’individu homosexuel devient vite une preuve vivante de l’hypocrisie ou de la complicité avec la misère sexuelle, un miroir inacceptable de la prostitution, du tourisme sexuel, du fossé grandissant entre riches et pauvres, de la violence de la pratique homosexuelle (pratique faussement égalitaire et souvent injuste puisqu’elle repose sur l’exploitation mutuelle, sur un colonialisme et un racisme « nouvelle génération » se parant de bonnes intentions et de bonnes sensations pour cacher des rapports de domination/soumission pourtant concrets).

 

En dépit des apparences, nos bonnes intentions – même amoureuses, même solidaires, même alter-mondialistes –, si elles ne sont pas connectées au Réel, peuvent être d’une extrême violence et aboutir à l’inverse de leur prétention. On veut le bien du pauvre sans le faire concrètement, et tout en nourrissant une exploitation mutuelle nouvelle : celle qui remplace l’effacement de la différence des espaces par l’effacement de la différence des sexes.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles ont un désir contradictoire vis à vis du pauvre : à la fois elles veulent le sortir de sa misère et veulent l’y enfermer (sinon, il ne se donnerait plus à elles). C’est une réaction malheureusement bien humaine, qui n’est pas propre à l’homosexualité, au départ. En général, dans nos relations interpersonnelles, quelle injure que de découvrir que nous ne sommes pas aimés du même amour qu’on aime (ou qu’on croit aimer) une personne ! Surtout si celle-ci fait preuve d’ingratitude à notre égard, ne nous rend pas la monnaie de notre pièce, se trouve être un individu fragile, isolé, démuni, « objectivement » dans le besoin, concrètement dans la position de mendier notre amour… L’âme secourable a parfois ses exigences sur le miséreux à aider. Elle peut, parce qu’elle s’identifie trop à lui, lui imposer sa solidarité comme une dette d’amour. Aucun être humain, même dans ses bons jours de générosité, n’est à l’abri de la convoitise. C’est ce rapport destructeur que l’on peut observer à différentes reprises entre le personnage homosexuel des fictions et le pauvre qui l’attire, et qui, parce qu’il est libre, unique, bourré de travers, parfois homosexuel par intérêt (tourisme sexuel, prostitution masculine, etc.), rebelle à rentrer dans le démagogique Tableau de la Rencontre idyllique des classes que le riche a savamment orchestré, finit par trahir ou se venger du bourgeois qui a tenté de l’utiliser comme un objet pour flatter son propre narcissisme d’Occidental dépressif.

 

On le voit bien dans le cas du pauvre vu par les personnes homosexuelles. Elles le détestent de l’avoir aimé avec excès. Comme fatalement il ne correspond pas à son estampe idyllique de Beatus Ille, puisqu’il n’est ni figé ni sage comme une image, qu’il ne se laisse pas dérober, et qu’il refuse de rentrer docilement dans le tableau démagogique de la rencontre pacifique des Peuples que beaucoup de personnes homosexuelles ont brodée, celles-ci finissent parfois par se venger de leur propre naïveté narcissique sur les pauvres réels. « J’ai été séduit par ton air gavroche […]. Mais à qui donc j’avais affaire, sourire gentil et cœur de fer » chante par exemple Étienne Daho dans « Va t’en ». Nous trouvons une formidable illustration de ce mépris à travers le personnage homosexuel de Sébastien dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, qui voue une haine profonde pour les pauvres de sa pègre imaginaire (qui n’est en réalité que la foule de ses amants homosexuels) : « Ne regarde pas ces petits monstres. Les mendiants sont la malédiction de ce pays. Si on les regarde, on se lasse de tout le reste. » En se substituant fantasmatiquement au pauvre par une discrète inversion, d’un côté certaines personnes homosexuelles désirent violer une liberté, et de l’autre, veulent se faire plaindre en imputant à leur victime le regard condescendant qu’elles lui ont porté et qu’elle leur portera peut-être en retour pour se venger de leur doucereuse prétention à les manipuler.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Noir », « Liaisons dangereuses », « Mère Teresa », « Inversion », « Prostitution », « Voleurs », « Amour ambigu de l’étranger », « Homosexualité noire et glorieuse », « Se prendre pour le diable », « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre », « Cour des miracles », « Tout », « Homosexuels psychorigides », « Milieu homosexuel infernal », « Bourgeoise », « Promotion ‘canapédé’ », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Violeur homosexuel », « Faux Révolutionnaires », à la partie sur les gigolos tueurs du code « Homosexuel homophobe » et à la partie « Désir de viol » du code « Viol », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le pauvre, méchant et profiteur :

Film "Suddenly Last Summer" de Joseph Mankiewicz

Film « Suddenly Last Summer » de Joseph Mankiewicz


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le pauvre est souvent présenté (par le personnage homosexuel) comme un monstre vengeur ou une pègre cruelle ricanant à gorge déployée (cf. je vous renvoie à la partie sur l’euphorie collective de la pègre homosexuelle dans le code « Cour des miracles » du Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresco, le vidéo-clip de la chanson « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, le film « Décameron » (1970) de Pier Paolo Pasolini, le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, le vidéo-clip de la chanson « No More I Love You’s » d’Annie Lennox, la chanson « Ramon et Pedro » d’Éric Morena, la version « live » de la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer à Paris-Bercy en 1989 (avec Carole Fredericks), la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (vers 1650, adaptée en 2008) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le film « Coffy, la Panthère noire de Harlem » (1974) de Jack Hill, la photo du Noir déguisé en diable à la Gay Pride parisienne de 1996 dans la revue Triangul’Ère 7 (2007) de Christophe Gendron (p. 135), etc. « Vous n’avez jamais rencontré de vrais homosexuels. Ce sont des bossus qui riraient de votre mariage. » (le père de Claire, la protagoniste lesbienne, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « Les rires redoublèrent, des rires grossiers. » (Tanguy, le héros homosexuel décrivant la pègre de garnements de l’asile Dumos, dans le roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, p. 27) ; « Dans la ronde des fous, elle pleure tout doux. » (cf. la chanson « Tristana » de Mylène Farmer) ; « Toute l’assistance pouffa de rire […] et souriait avec ses dents affreuses ! […] Cela me perça d’une atteinte mortelle. » (Arthur Rimbaud, Un Cœur sous la soutane (1924), p. 209) ; « Et leurs rires nous fusillaient, nos mères désemparées. » (cf. la chanson « Nos Mères » des Valentins) ; « Les grands ont des rires qui vous giflent en passant. » (cf. la chanson « Parler tout bas » d’Alizée) ; « Une de ces machines ressemblant à un train de Walt Disney faillit l’[Truddy] écraser. L’homme noir qui la conduisait riait, il fit demi-tour et refonça sur elle. » (Copi dans sa nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 31) ; « La foule riait aux éclats, ils lançaient sur Truddy des pavés. » (idem, p. 40) ; « Tout le monde a ri. Tout le monde. Tous ces gens avec qui j’ai grandi. […] Le pire, c’est que je ne les ai même pas détestés. » (Pauline, l’héroïne lesbienne parlant des gens de son village, dans le film « Pauline » (2009) de Daphné Charbonneau) ; etc. Par exemple, dans sa nouvelle L’Encre (2003), un ami homosexuel angevin décrit « les rires avariés des putains de la cour » (p. 37). Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius, le vampire homosexuel, se dit entouré de « bandes de gamins qui ne l’aiment pas ».

 

Film "Tarnation" de Jonathan Caouette

Film « Tarnation » de Jonathan Caouette


 

Les amants-mendiants cruels, délateurs, violeurs et vengeurs apparaissent dans beaucoup d’œuvres homo-érotiques : cf. les chansons de Jean Guidoni, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le film « Faustrecht Der Freiheit » (« Le Droit du plus fort », 1974) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer, le vidéo-clip de la chanson « They Don’t Care About Us » de Michael Jackson, le film « Jacquou le Croquant » (2007) de Laurent Boutonnat, le film « The Halloween Parade » de Lou Reed, le film « Les Lunettes d’or » (1987) de Giuliano Montaldo (avec le prostitué profiteur), la photo Le Démon noir – modèle Theddy (1998) de Pierre et Gilles, le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart (avec le Noir bourreau), etc. « Si Khalid se souvient de moi et qu’il se retourne vers moi, pour moi, je le sauverai, je redeviendrai un ange, juste un petit diable, le petit pauvre. » (Omar, le héros homosexuel pauvre, après avoir tué son amant Khalid, issu d’une classe aisée, dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 169) ; « Il n’avait pas 6 ans qu’il se faisait déjà attraper par les Arabes du côté de la Huchette. » (Madame Simpson parlant de son fils transgenre M to F Irina, dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Être homo dans le milieu ouvrier, c’est du rail. » (Pierre, l’ouvrier hétéro, très vite jugé « gaffeur homophobe » par la doxa Adèle/William/Georges, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; « Place aux informations : la planète Gronz […] est envahie par ses voisins, les Grounz, qui ont fait main basse sur leur stock d’épinards surgelés. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Le rire de ce skinhead éméché résonna contre les murs, aigu et efféminé » (Jane, l’héroïne lesbienne dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 95) ; « Fais gaffe : les clodos pourraient te bouffer. » (Rettore, homosexuel, prévenant ironiquement son nouvel ami homo David, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; « Faites pas vos pédés ! » (un clochard s’adressant au couple Vlad/Anton, qui par provocation s’embrasse alors à pleine bouche dans la rue, dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Faut-il tuer Sister George ? » (1968) de Robert Aldrich, Childie se laisse entretenir par George. Dans le film « Los Placeres Ocultos » (1977) d’Eloy de la Iglesia, un bourgeois séduit de jeunes prolétaires par le biais du mensonge : ces mêmes amants pauvres se retourneront contre lui. Dans le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, Jeff, le banlieusard, exploite financièrement Nicolas. Dans le film « Les Terres froides » (1999) de Sébastien Lifshitz, le Maghrébin dominant « baise » le Blanc. Dans le film « Consentement » (2012) de Cyril Legann, Anthony, le garçon d’hôtel, se venge du client qui a voulu le torturer sexuellement : il le vole, lui prend son code de carte, le ligote et le sodomise sauvagement : « J’pense que pour le prix, tu mérites au moins de te faire enculer. » Dans le film « L’Homme de désir » (1971) de Dominique Delouche, un délinquant, Rudy, se retourne contre Étienne, son salvateur qui tentait de le sortir de la misère. Dans le film « Lolita : Vibrator Torture » (1987) d’Hisayasu Sato, un violeur SDF tue des femmes. Dans le film « L’Immeuble Yacoubian » (2006) de Marwan Hamed, le héros homosexuel a été violé par le domestique nubien noir. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, lorsque le groupe LGBT de Mark propose à ses militants homosexuels de s’associer au mouvement des mineurs gallois, l’un d’eux refusent car il voit en ces ouvriers les homophobes de son adolescence : « Ces types-là me tabassaient sur le chemin du retour de l’école… » Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Fabien décrit la « gueule en sang » du nouvel homme de ménage, Norbert. » Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, l’un des héros bisexuels, méprise le clochard nommé « Dagobert » en bas de sa rue, qui possède d’effrayants rats et qui le harcèlerait : « Ça fait des semaines qu’il me bassine en me racontant sa vie. »

 

Dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus pointe du doigt toutes les confessions religieuses comme autant de fondamentalistes du capitalisme spirituel mondialisé, et autant de facteurs étrangers de Guerre Mondiale. L’ennemi, c’est clairement les religions, qui créeraient des guerres et qui agressent le narrateur par leur diversité. Pendant tout son spectacle, le comédien jalouse autant qu’il agresse les Noirs : il met en scène une émission Qui nique qui ?, soi-disant pour anti-raciste, qui met précisément en scène la maltraitance moderne des Noirs et des pauvres, présentés comme des méchants. Il vire son assistant Noir, Zoran : « Je te rendrai tes papiers à la fin de la tournée. On avait dit ‘Pas de Noirs !’ sur la tournée. De toute façon, comment veux-tu qu’on s’entende ? On est trop différents. » Il fait même une pub d’un désherbant fictif, Toxiron, pour se débarrasser des Roms campant dans les jardins.
 

Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, se fait sodomiser par son guide mexicain, Palomino : « Ça fait mal. Ça pique ! Je vais vomir. Je saigne ! ». Avec une jouissance malsaine, il lui parle de la syphilis, maladie transmise aux Russes, et qui se serait appelée « le mal mexicain ». Palomino semble se venger de la domination coloniale des Occidentaux sur les Orientaux en inversant, par la sodomie, la domination, comme s’il rééquilibrait le sens de l’Histoire : « Tu es l’Ancien Monde. Je suis le Nouveau Monde. Je veux jouir de ton cul russe et virginal. »
 

Paradoxalement, le méchant pauvre correspond aussi à un fantasme sexuel et amoureux du héros homosexuel : « Les mecs du 7.5., c’est tous des pédés ! » (Ryan dans la pièce Bang, Bang ! (2009) des Lascars Gays) ; « Il s’était battu […] pour convaincre ses amants qu’il était autre chose qu’un bad boy, une racaille excitante par qui se faire séquestrer dans une cave des cités. » (Mourad, l’un des héros homosexuels dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 327) ; « Nous progressions au pas dans une forêt sauvage, silencieuse, menaçante, d’obscurs voyous dont nous ne voyions luire au feu des phares et des rares réverbères que les étranges diadèmes de rangées de dents d’ivoire et d’or en couronnes. » (le narrateur homosexuel dans la nouvelle « Les Garçons Danaïdes » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 101) ; « Cody cherche des Arabes. Il est obnubilé, il dit ‘Je sens que je pourrais être une femme avec eux parce qu’ils se servent de ton corps comme celui d’une femelle, tu vois, comme si t’étais une objet de plaisir et que tu n’existais pas comme personne. » (Cody, le héros homosexuel nord-américain efféminé du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 91) ; « Cody dit ‘Je m’a suis fait voler. Nourdine il a tout volé, l’argent et la caméra de New York University que j’avais empruntée. Oh my god, on habitait ensemble, et cette matin, je m’est levé et tout avait disparu dans l’appartement.’ Je l’accompagne pour porter plainte. Je lui dis ‘Ça te plaît, hein, que ce mec t’ait volé ? C’est la preuve que tu avais raison d’avoir peur. Maintenant ça te fait jouir d’avoir été une femme violée et volée, c’est comme si ton rêve magique d’être une femme avait été poussé au maximum.’ Cody, pris en faute, me regarde de travers. » (Mike, le narrateur homosexuel s’adressant à Cody, idem, p. 111) « Il a venu pour s’excuser […] Il a été obligé de ma voler, mais il a dit désolé, quoi et on a fait l’amour ensemble. » (Cody, idem, p. 112) ; etc. Par exemple, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) de David Forgit, Gwendoline (la lycéenne travesti M to F) rêve de se faire violer par Mounir et ses potes maghrébins lors d’une tournante dans une cave. C’est d’ailleurs ce qui lui est arrivé, apparemment. Dans le film « Le Rebelle » (1980) de Gérard Blain, Beaufils explique son attirance pour la marginalité et la violence : « Il n’y a que cela qui me fait bander. » Dans la pièce Chroniques des Temps de Sida (2009) de Bruno Dairou, le narrateur homosexuel désire « cette humanité pouilleuse » qu’il observe du haut de la terrasse de son père… mais il finit par se dire à lui-même : « Finalement, tu n’en es jamais descendu, de ta terrasse. »

 
 

b) Le pauvre va payer (… le fait que je le paye, l’exploite, l’aide, l’aime et qu’il m’exploite) !:

Le héros homosexuel décide donc de se défendre face à cette méchanceté désirée/réelle/provoquée. Au départ, sa vengeance commence par un mépris verbal (qui se fait passer au départ pour une imitation parodique de grande bourgeoise) : cf. la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (avec Marie, la mère bourgeoise raciste), etc. « Les pauvres… Ils savent qu’ils dérangent… et ils en profitent. » (la femme parlant de la mendiante lesbienne dans la pièce Musique brisée (2010) de Daniel Véronèse) ; « Les SDF, la misère, on n’en a rien à péter. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Il est grand temps que Jean-Marie [Lepen] arrive enfin au pouvoir ! Parce que ça ne peut plus durer ! » (la mère travesti M to F, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) de David Forgit) ; « Pense aux p’tits Africains qui n’ont pas ta chance ni ton intelligence. […] Les pauvres n’imaginent pas les soucis que les gens aisés ont avec leur personnel. Ils sont trop gâtés et puis c’est tout ! » (la grand-mère Mamita, la mère de Laurent – le héros homo – jouée par lui-même, dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Vous, mon égal ? » (Maurice à son amant pauvre Scuder, dans le film « Maurice » (1987) de James Ivory) ; « Plus ça va et plus je méprise le Peuple d’une force ! » (Louis dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone) ; « On n’a pas à se soucier des serviteurs ! » (Petra, l’héroïne lesbienne du film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Ça me ferait mal de voir mes supers pompes sur des pieds de pauvre ! » (Damien, le héros homosexuel qui ne veut pas se débarrasser de ses 75 paires de chaussures pour en donner une à des œuvres de charité, dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi) ; « Et tous ces enfants qui meurent de faim chaque jour… et nous qui allons passer un repas somptueux… » (Jules, le héros homosexuel dandy, au moment de passer à table, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Les opprimés vous démangent. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer) ; « C’est fou de militer contre l’exclusion et de se faire traiter de dégénérés par des immigrés ! » (Nathalie dans le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, p. 155) ; « Vous savez pourquoi les Nègres ont de grosses lèvres ? » (Michael, le héros homosexuel parlant de la soi-disant tendance à la plainte paresseuse chez les Noirs, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Sur les murs blancs, une seule photo, prise en Inde, un mendiant qui tend la main sur le bord d’une route, très photo-reportage. Dégueulasse. » (Mike, le héros homosexuel visitant l’appartement de Léo, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 96) ; « Bien que l’armistice ait déjà été demandé par Pétain, on murmure que des centaines de tirailleurs sénégalais ont été massacrés de sang-froid par les nazis. De cette ‘chasse aux nègres’, je ne veux rien savoir. Juste profiter de l’instant présent. » (Madeleine, la narratrice du roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 63) ; « Tu n’es pas le premier rat dans ma vie, tu sais […]. Je ne suis jamais restée longtemps avec un rat. Ce n’est pas parce que je suis raciste, loin de là ! Mais je n’ai jamais trouvé un rat qui m’aime vraiment, je veux dire, pour moi-même. » (« L. », le héros transgenre M to F s’adressant au Rat, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Vous êtes 350 rats à habiter dans mon armoire ? Vous êtes des rats réfugiés ? Vous vous êtes évadés de l’Institut Pasteur ? Mais il fallait le dire avant ! Je vous aurais installé des cages en bambou dans le jardin d’hiver ! » (idem) ; « Goliatha ! Où est passée cette idiote ? » (idem) ; « Un instant, Madame Freud, je réprimande mon habilleuse indigène ! Goliatha ! » (idem) ; « Dis bonjour de ma part à tes négrillons. » (« L. » s’adressant à sa mère, idem) ; « Allez vivre dans le tiers monde ! Riche comme vous êtes, vous devriez régner sur une cour d’éphèbes qui vous éventent les mouches à l’aide de feuilles de bananier. » (Cyrille, le héros homosexuel s’adressant à Hubert, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Donne-moi les clé de chez elle, espèce de sale Arabe ! » (cf. une réplique de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Les étrangers : tous des lavettes. » (Dave dans le film « Good Morning England » (2009) de Richard Curtis) ; « La Négresse du tableau ne m’aimait pas. Elle avait raison. Elle était devenue, au fil du temps, ma rivale. Mon ennemie. Des yeux qui ne se fermaient jamais. Elle avait, elle aussi, le don de voir. » (Hadda à propos du tableau du Louvre, Portrait d’une négresse de Marie-Guillemine Benoist, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 196) ; « Les fiottes : plouquicides, pecnoquicides. » (un des personnages homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; etc.

 

Par exemple, dans le one-(wo)man-show Madame H. raconte la saga des transpédégouines (2007) de Madame H., les enfants (et surtout ceux du Tiers-Monde) sont qualifiés de « capricieux ». Dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand (cf. l’épisode 2 « Intuition féminine »), Ben, l’amant SDF saltimbanque, est présenté comme un arriviste. Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry compare son amant arabe à un insecte. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Sapho traite Ahmed de « tiers-mondiste hors-la-loi ». Dans le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent, Moussa, le héros noir, est surnommé « Kirikou » par Jessica, une de ses camarades de lycée. Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, le crime n’est associé par Dorian Gray (le héros homosexuel) qu’aux pauvres. Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Kévin, le héros gay, s’énerve sans arrêt contre les Japonais et traite à chaque fois très mal leurs restaurateurs : « C’est quoi cette merde ? » Dans la pièce Frères du Bled (2010) de Christophe Botti, François fait du racisme anti-Arabes. Dans le one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand rentre dans la peau d’une bourgeoise responsable d’un orphelinat au Burkina-Faso, odieuse avec les petits Africains. Avec son copain Claudio, ils se sont adressés à elle pour adopter un enfant. Cette directrice exploite les pauvres comme un businessPour deux enfants adoptés, le troisième est offert ! »), les méprise (« Fatoumata, tu pues ! ») mais tient quand même un double discours pour masquer son comportement (« La mode aujourd’hui, c’est les pauvres. J’adore les pauvres ! »). Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, passe au crible tous les étrangers qui ont défilé dans son avion… et ça balance grave : les « mamas orientales », les Américaines « avec des ongles tellement longs que tu pourrais te crever un œil avec », les Chinois (« Les Chinois, ils sont en train d’envahir le Monde. On dirait des clowns qui sortent des boîtes. Ils sont moches, en plus ! »), les « Africains courtois » (« T’as ça, mais aussi les Africains. »). Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, ne fait que des blagues racistes et homophobes sur les Noirs (il parle du « cul d’un Noir »). Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François et son amant Thomas se lancent dans un voyage en pleine forêt tropicale thaïlandaise pour aller chercher Tchang, un bébé de trois ans qu’ils veulent adopter. Ils tombent sur une tribu d’indigènes qui ne parlent pas leur langue, et ils les attaquent et insultent sans raison : « Venez donc là, bande de petites bites ! ». Voyant qu’il y a eu quiproquo à propos de l’adoption, ils rebroussent chemin : « C’est pas grave. On adoptera un chien… » (Thomas) Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le jeune héros homosexuel, ne donne pas la pièce à une mendiante venue l’accoster.

 

MÉCHANT pauvre indian

 

Quelquefois, le héros homosexuel s’estime même encore plus victime que le pauvre (car lui, c’est un pauvre invisible ! croit-il) : « Nègres, juifs ou infirmes, tous les damnés car possédant un havre, une famille où on les aime, où on les élève au moins dans la fierté » (la narrateur homosexuel dans la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 24)

 

Finalement, le pauvre est jugé « méchant » de ne pas se laisser posséder, ou bien d’être complice d’une mauvaise action sexuelle commune avec le héros homosexuel riche. « Je trouve une jeune personne sortie des Mille et Une Nuits à qui j’offre ma fortune : aussitôt elle m’abandonne ! » (Pédé parlant d’Ahmed, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Malcolm n’est peut-être qu’un profiteur. Un esclave affranchi qui désormais possède le maître et se joue de lui. » (Adrien, le narrateur homosexuel ayant rencontré son jeune et bel amant étranger noir Malcolm sur un lieu de prostitution, et se rendant compte de la supercherie de ses propres pulsions sexuelles, dans le roman Par d’autres chemins, (2009) d’ Hugues Pouyé, p. 59) ; « Vous êtes pauvre, et vous êtes ici par nécessité. » (le héros homosexuel s’adressant à son tapin-amant, dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (1985) de Bernard-Marie Koltès) ; « Ne regarde pas ces petits monstres. Les mendiants sont la malédiction de ce pays. Si on les regarde, on se lasse de tout le reste. » (Sébastien, le héros homosexuel du film « Suddenly Last Summer », « Soudain l’été dernier » (1960) de Joseph Mankiewicz) ; « J’ai été séduit par ton air gavroche […]. Mais à qui donc j’avais affaire, sourire gentil et cœur de fer » (cf. la chanson « Va t’en » d’Étienne Daho) ; etc.

 

Puis la menace ou l’insulte prennent parfois une tournure plus concrète et violente : cf. le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec le meurtre de la clocharde Berthe appelée « La Reine des Hommes »). « Enfant des rues, il est habitué au tourisme. Plus amoureux de moi qu’il ne le croit, il a besoin de mon regard pour vivre, je suis déjà son assassin. Enfin, assassin c’est un grand mot, je ne sais pas encore que je vais le tuer, il ne sait pas que je peux l’oublier. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 23) ; « Louis du Corbeau songea déjà à se débarrasser de ce jeune esclave transformé en moins de trois ans en épouse tyrannique. » (Copi dans sa nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983), p. 32) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « La Tendresse des loups » (1973) d’Ulli Lommel, Frizt Haarman, un indicateur de la police, attire chez lui des jeunes chômeurs ou SDF, les fait boire, puis les viole avant de les tuer en les mordant au cou. Il revend ensuite leur chair pour confectionner un « jambon désossé ». Dans le film « Dinero Fácil » (« Argent facile », 2013) de Carlos Montero, le prostitué Jaime, un bel étudiant sans le sous, se retrouve maltraité et menacé de mort par ses clients. Dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011), Raphaël Beaumont utilise un pauvre surnommé « Mendiantissimo » dans un pastiche d’émission Télé-Boutique AchatTélé-Bling-Bling Shopping. Ce déshérité, il le caricature comme quelqu’un de plaintif, qui pue du bec, venant de l’Est de l’Europe (il s’appelle Piotr ou Maria). Et notre présentateur homosexuel lui scie les jambes, lui met un collier, lui envoie des décharges électriques : « Le Mendiantissimo : l’exploiter, c’est l’adopter. » Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca, homosexuel, raconte son arrivée à Paris, dans un foyer de jeunes travailleurs où il a quelques difficultés à s’afficher gay. Il les traite de « jeunes délinquants » sales, et les vire avec ses chansons d’Alizée : « Nous les gays, on a une arme fatale : c’est Alizée. Alizée, elle te vide un immeuble entier. »

 

Cette haine du pauvre semble être l’expression de l’homophobie intériorisée. Le héros homosexuel s’en veut (et en veut à ses frères d’orientation sexuelle, à ses frères de misère sexuelle) de pratiquer l’homosexualité et de croire en la réalité de leur désir homosexuel. « Le chauffeur de taxi […] râle, il a joui. Toujours la même histoire avec les Arabes. Il va se laver sans dire un mot, se savonne bien la bite sans oser me regarder dans le miroir qu’il a en face. Ça t’a plu ? je lui demande appuyé sur le rebord de la porte. Moi je me vois bien dans le miroir, j’ai les cheveux longs éméchés, la robe déchirée, on dirait une pute qu’on vient de violer. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 44) Par exemple, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Lou, l’héroïne lesbienne, a coupé l’oreille de Fifi, un travesti clochard M to F (selon Mimi, l’ami de ce dernier, elle a agit ainsi « parce qu’elle déteste les pauvres ! ») : « Nous, les gouines, on en a marre de votre sacré bordel à vous, travestis, voyous, clodos, Zoulous et Arabes qui pourrissent l’escalier ! » Dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, Tonia, le héros transsexuel M to F, blesse Jenny, son homologue noir, en fermant sa robe avec sa fermeture-éclair, en se piquant de jalousie pour lui, et le traite de « sorcière ». Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, un des protagonistes homosexuels avoue avoir été violé dans une tournante, par des racailles, ses « jumeaux ». Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adrian, le délinquant, « oute » le père Adam parce qu’ils se sont inconsciemment identifiés comme homosexuels tous les deux.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 
 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le pauvre, méchant et profiteur :

Il n’est pas rare que le monde amoureux homosexuel louvoie avec la violence du monde de la pauvreté. Les rapports homosexuels inégalitaires, où la domination et la soumission sont plus présentes qu’ailleurs (en l’absence d’une différence des sexes qui pacifie et canalise davantage les pulsions humaines), ont trouvé dans les rapports inégalitaires de classes sociales leurs meilleurs canaux. « Je n’aimais pas Diaghilew et pourtant, je vivais avec lui. Mais je l’ai haï du premier jour que je l’ai connu. Il s’était imposé à moi en profitant de ma pauvreté et de ce que soixante-cinq roubles par mois ne pussent me suffire à nous empêcher, ma mère et moi, de crever de faim… » (Nijinski dans son Journal, 1918) Souvent, les exploités sexuels (des prostitués ou escort boys) se vengent d’ailleurs de leur homosexualité refoulée sur leurs gigolos (souvent occidentaux). Les cas concrets ne manquent pas. « Le violoniste virtuose Paul Körner est victime de chantage de la part du prostitué Franz Bollek. Körner refusant de continuer à payer toujours plus d’argent au maître-chanteur, Bollek le dénonce pour infraction à l’article 175. Au cours du procès qui s’ensuit, le docteur Magnus Hirschfeld, qui joue son propre rôle, prononce un ardent plaidoyer contre l’intolérance et la discrimination dont sont victimes les homosexuels. Bollek est condamné pour extorsion de fonds. Körner, qui est pourtant victime de chantage, est lui aussi condamné, mais pour avoir enfreint l’article 175. Sa réputation est ruinée, il ne supporte pas l’opprobre public et finit par se suicider. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 112) Par exemple Costas Taktsis, l’écrivain grec, est assassiné (étranglé) le 30 août 1988 par un amant de passage, alors qu’il se prostituait dans les rues d’Athènes. L’agresseur du chanteur espagnol Miguel de Molina n’est autre qu’un homme homosexuel lui aussi (cf. l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 56). Carlos Travers, à l’automne 1979 à Madrid, est tué par un prostitué, étranglé par un câble. Álvaro Retana, le romancier espagnol, est assassiné par un prostitué homosexuel en 1970. Joan Joachim Winckelmann est assassiné dans sa chambre d’hôtel de Trieste par un jeune voyou, Francesco Arcangeli. Ramón Novarro, amateur de jeunes prostitués, est retrouvé mort dans sa piscine, assassiné par deux gigolos. Pier Paolo Pasolini a été tué par Pino Pelosi, un jeune homme homosexuel de 17 ans, le 1er novembre 1975. L’homme politique Harvey Milk est assassiné par Dan White en 1978 à San Francisco : l’orientation sexuelle du tueur, si l’on s’en tient à l’adaptation cinématographique de Gus Van Sant, semble plus que trouble. Le directeur de Sciences Po Paris, Richard Descoings, est retrouvé nu et décédé à 53 ans sur son lit de chambre d’hôtel à New York en 2012 : il y avait fait de drôles d’expériences avec deux jeunes prostitués. Le 4 avril 2012, Jean-Nérée Ronfort, un expert en antiquités de 69 ans, a été découvert par son compagnon gisant au sol de son bureau, le crâne fracassé : il a été tué par trois prostitués roumains de 20, 21 et 25 ans.

 

Je l’ai constaté dans mon travail de professeur en collège et en lycée en « zones sensibles » : la réaction instinctive de la personne blessée ou fragile face à un autre semblable blessé se joue concrètement dans les extrêmes : soit cette gémellité dans la souffrance provoque de la compassion extrême, soit le plus souvent de l’attaque. Car le pauvre ou le « blessé sexuellement » n’a pas les ressources nécessaires pour comprendre qu’il est blessé, et donc pour accueillir sereinement ensuite la personne blessée lui renvoyant indirectement le reflet de sa propre blessure. Il s’engouffre instinctivement dans la brèche qu’il devine, et là, c’est le choc des presque-semblables. C’est la même violence de l’effet-miroir humain que je décris dans les cas d’homophobie (cf. je vous renvoie au code « Homosexuel homophobe » du Dictionnaire des Codes homosexuels) ou dans les cas de « couples » homos « durables », violence que beaucoup d’auteurs homosexuels (tels que Frédéric Mitterrand, Patrice Chéreau, néstor Perlongher ou Pier Paolo Pasolini) ont soulignée, d’ailleurs. L’homosexualité est perçue par le pauvre comme une atteinte à sa virilité, un élément de misère identitaire et psychique qui vient se rajouter à sa misère matérielle, et ça, pour lui, c’est inacceptable ! Quand il se prostitue, il est rare qu’il assume y trouver du plaisir sexuel ou la source d’une identité homosexuelle : il fait ça « pour l’argent » ou dans une démarche quasi « politique »… pour renverser l’espace d’un instant le rapport de classes. « C’est moi qui fixe les prix : j’attaque à 150 F. Je descends jamais au-dessous de 100 F. Après, on part en voiture, dans la mienne toujours, parce qu’on sait jamais sur qui on peut tomber… Des voyous… » (Pierre Benichou, Le Nouvel Observateur, 1970)

 

Par exemple, dans le documentaire « L’Affaire Pasolini » (2013) d’Andreas Pichler, nous est montrée l’attraction étrange du réalisateur italien Pier Paolo Pasolini (pourtant originaire d’un milieu aisé) pour la violence et la promiscuité des jeunes hommes banlieusards vivant autour de Rome. Ce dernier expliquait – avant de mourir assassiné par l’un d’eux – que ces gens sans ressources devenaient violents parce que « faibles » : « Ils tuent pour ne pas être tués. »

 

Film "Decamerone" de Pier Paolo Pasolini

Film « Decamerone » de Pier Paolo Pasolini


 

La misère et la fragilité sexuelles induites par la pratique homosexuelle expliquent la forte propension à l’homophobie entre personnes homosexuelles : « Les pratiques homosexuelles sont plutôt le résultat de la misère sexuelle existant dans le Maghreb que de vrais désirs homosexuels : une sexualité de substitution. » (cf. l’article « Maghreb » de Robert Aldrich, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 306) ; « Outre la mauvaise réputation qu’avait la Savane la nuit, je lui rapportais en détail certaines agressions dont j’avais été témoin. Sur la place, je rencontrais toutes sortes d’individus ; les ‘branchés’ étaient une population très hétéroclite. On était du même bord, mais on ne se fréquentait pas. Sans doute par manque de confiance, beaucoup se méfiaient de leur propre clan et jouaient à cache-cache en permanence, se dénigrant et se méprisant mutuellement. Impensable pour un groupe déjà victime du malheur de sa propre différence ! C’est quand même surprenant et regrettable d’en arriver là. […] Cette histoire de clans est une fatalité pour la communauté et l’on ressentait une rivalité oppressante entre les groupes différents. En fait, chaque groupe entrait dans une catégorie bien distincte : les extravagants, les cancaniers, les très discrets et enfin les ‘leaders’, ceux qui incitaient à la prise de conscience contre les discriminations et l’homophobie dans la région d’outre-mer. Je trouvais bien dommage cette diversification au sein de la communauté. » (Ednar parlant des lieux de drague antillais, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, pp. 188-189) ; « À Saint Louis, on m’a battu. On m’a enfermé dans les toilettes. Je rentrais couvert de bleus. Ma mère ne m’a pas protégé. Elle ne m’a pas protégé ! […] Tu sais, à Oran, être pédé, c’est comme être criminel. » (Yves Saint-Laurent parlant du viol scolaire qu’il a vécu en Algérie, dans la biopic éponyme (2014) de Jalil Lespert) ; « Les Arabes et les Noirs sodomisent et châtrent leurs ennemis vaincus. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 260) ; « Je fis la connaissance d’une sorte de gitan (c’est d’ailleurs moi qui l’abordai et l’enlevai, littéralement). Il était grand et je le trouvais beau, mais dans un triste état vestimentaire que venait encore renforcer une réticence marquée à l’égard de tous les principes d’hygiène élémentaire. Tandis que, comme l’aurait fait une ‘fille’, je l’invitais à monter dans ma voiture et à s’y installer avec son baluchon, je ne cessais de me répéter : ‘Tu es fou… Tout cela finira mal…’. […] Le lendemain, après m’avoir tapé de quatre mille francs et ‘emprunté’ ma montre, il disparut de lui-même. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 108) ; etc.

 

Les pauvres sont souvent présentés par les personnes homosexuelles comme des gens dangereux dont il faut se méfier… et paradoxalement, le pauvre violeur correspond à un fantasme homosexuel bien répandu dans la communauté homosexuelle (le bel Arabe, le Turc ou le « rebeu » musclé, le lascar ou le bad boy étranger, etc.) : « 1960 : l’oncle Sam montre ses seins. En l’an 2000 : je me fais enculer par un Noir. » (cf. dessin de Copi ayant fait la Une du journal Libération le 8 août 1979) ; « Trente ans après, le jeune Arabe est le non-dit le plus lourd de la société française. Il est à la fois rejeté et désiré, haï et fantasmé. Il est l’inacceptable et le vague regret. Les féministes le vomissent mais elles n’osent pas le dire par héritage anticolonialiste. Elles sont furieuses de voir les cités revenir à l’âge de pierre antéféministe et, en même temps, sont ravies de trouver un repoussoir mâle aussi parfait. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 99) ; etc. Je vous renvoie à l’essai Homo Exoticus – Race, classe et critique queer (2010) de Maxime Cervulle et Nick Rees-Roberts. Le mépris homosexuel du pauvre s’origine parfois dans une imitation des parents : « Ma mère n’avait que mépris pour les gens plus pauvres que nous, coupables de ne pas avoir su se débrouiller. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 38)

 
 

b) Le pauvre va payer (… le fait que je le paye, l’exploite, l’aide, l’aime et qu’il m’exploite) !:

MÉCHANT Citébeur

 

La violence ou l’indocilité du bad boy, même si elle ravissait au départ, est bien souvent dénoncée par les personnes homosexuelles qui se sont laissées pour un temps amadouer par lui, mais qui décident de reprendre un peu la main. En fait, elles se vengent d’elles-mêmes, de leur défaillance et de leur propre naïveté, en exprimant un dégoût du pauvre, un racisme inattendu, une xénophobie et un orgueil mal placés : « Pendant le dîner, nous avons appris que l’esthéticienne avait été hétérosexuelle avant d’être touchée par la grâce. Elle avait passé des années en Afrique avec son seigneur et maître qui s’engraissait à faire suer le burnous et elle tenait sur les Africains des propos qui m’ont stupéfiée. J’ai découvert avec surprise ce soir-là qu’on peut être encore de nos jours d’un racisme effarant. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 156) ; « Je n’aimais pas Diaghilew et pourtant, je vivais avec lui. Mais je l’ai haï du premier jour que je l’ai connu. Il s’était imposé à moi en profitant de ma pauvreté et de ce que soixante-cinq roubles par mois ne pussent me suffire à nous empêcher, ma mère et moi, de crever de faim… » (Vaslav Nijinski dans son Journal, en 1919) ; « Ali me disait qu’il faisait des démarches pour que nous nous pacsions et que nous vivions ensemble, mais je ne pouvais me départir du soupçon qu’il m’utilisait en attendant d’obtenir un titre de séjour. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 105) ; « Mais toi, le Nègre, qu’est-ce que tu t’imagines…! » (Miguel de Molina s’adressant au Noir Alberto Olmedo, cité sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) ; « Parfois, il m’arrive de penser que les homosexuels sont tous une bande de gangsters… Parfois. » (cf. l’article « Doce Días De Febrero » de José Mantero, dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 193) ; « Nom de code : Kamel. Il n’est pas en mon pouvoir d’évaluer l’importance de la merveille, son éclat, ni ses effets nocifs, car il existe de redoutables merveilles, des merveilles mantes religieuses capables de vous dévorer tout cru. J’entends par merveille un être qui chute sur mon chemin comme un aérolithe dans un désert. » (Christian Giudicelli à propos de son jeune et bel amant Kamel, dans son autobiographie Parloir (2002), pp. 132-133) ; « Beaucoup d’homosexuels non juifs sont violemment antisémites. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), pp. 150-151) ; etc.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles reprochent aux pauvres leur manque de fidélité, leur jeunesse, leur inculture, leur manque de savoir-vivre, leur inconstance, leur fourberie, le fait qu’ils ne se laissent pas posséder ou qu’ils soient complices d’une pratique homosexuelle commune avec elles : « … Oui, ils sont faciles, et c’est là que réside leur insigne faiblesse. Ils se prêtent et ne se donnent pas. » (Armand Guibert à propos de ses amants marocains, dans son « Journal de Marrakech », cité dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 202)

 

Certaines ont même peur du retour de bâton du colonialisme occidental et du tourisme sexuel. Par exemple, dans son essai De Sodoma A Chueca (2004), Alberto Mira présente l’immigration étrangère et les « cultures immigrantes traditionnelles » comme une nouvelle facette de la menace homophobe à venir (p. 624). Dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, les pauvres sont méprisés et montrés comme des envahisseurs.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

L’affirmation d’une homosexualité, en même temps qu’elle montre un changement de rang social (cf. je vous renvoie au code « Promotion ‘canapédé’ » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), illustre ce mépris des gens pauvres dont certaines personnes homosexuelles font parfois partie. On peut penser par exemple au cas de Brahim Naït-Balk, d’Hervé Guibert, de Didier Éribon, de Jean Genet, qui s’autorisent d’autant plus à être racistes, homosexuels ou anti-pauvres du fait qu’ils connaîtraient le monde ouvrier de près ou qu’ils ont décrit leur bagarre pour sortir de la misère dont ils sont nés. « J’étais politiquement du côté des ouvriers, mais je détestais mon ancrage dans leur monde. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 73) ; « Mon marxisme de jeunesse constitua donc pour moi le vecteur d’une désidentification sociale : exalter la ‘classe ouvrière’ pour mieux m’éloigner des ouvriers réels. En lisant Marx et Trotski, je me croyais à l’avant-garde du peuple. Je détestais la classe ouvrière dans laquelle j’étais immergé, l’environnement ouvrier qui limitait mon horizon. […] Ainsi, quand je manifestais contre les succès électoraux de l’extrême droite, ou quand je soutenais les immigrés et les sans-papiers, c’est contre ma famille que je protestais ! » (Idem, pp. 88-89 puis p. 117) Par exemple, dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, Eddy Bellegueule a diabolisé sa famille et son enfance pauvre : il déclare vouloir « rompre avec ce qu’on avait fait de lui pour se réinventer » et affiche son mépris pour ses camarades scolaires : « Leurs visages se dessinaient dans mes pensées : je ne retenais d’eux que la peur. » (p. 63) Il se sert du fait d’être issu d’un milieu ouvrier qu’il présente comme cruel et homophobe pour encore plus justifier son homosexualité. Le coming out apparaît alors comme une réponse caricaturale à sa haine des pauvres, et une vengeance-rupture avec son milieu d’origine. Son éducation « beauf », puis son retournement en snobisme (via l’homosexualité), sont pourtant les deux faces extrêmes d’une même pièce, celle de la haine de soi. Elle semble avoir laissé en lui des traces durables dans sa vie d’adulte, d’autant plus invisibles qu’elles ont pris la forme de l’étiquette identitaire et amoureuse homosexuelle : « Chaque fois qu’un Noir ou un Arabe marchait sur le même trottoir que moi – ils n’étaient pourtant pas si nombreux – je sentais la peur s’emparer de moi. » (p. 208) Finalement, la misère de la pratique homosexuelle n’est non seulement pas une sortie de la misère matérielle et affective du Tiers-Monde, mais une réplique déguisée.

 

Parfois, la menace verbale contre le pauvre devient physique. On peut penser par exemple à Jeffrey Dahmer, qui couchait avec des pauvres (et surtout des Noirs) avant de les assassiner.

 
 

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Code n°117 – Médecin tué (sous-code : Attaque contre les scientifiques)

Médecin tué

Médecin tué

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Visiblement, à en croire leurs représentations dans les œuvres homosexuelles, les médecins, les chirurgiens, les infirmiers, sont des personae non gratae de la communauté homo ; et plus particulièrement les spécialistes des maladies mentales, c’est-à-dire les psychanalystes, les psychologues, et les psychiatres. Pourtant, dans la réalité, on rencontre bien plus de véritables amis des personnes homosexuelles du côté des thérapeutes qu’il n’y a d’amis des thérapeutes (et des personnes homosexuelles, par la même occasion !) dans les rangs homosexuels…

 

Alors que s’est-il passé entre la communauté homosexuelle et la Science ? Que leur ont-ils donc fait, ces « méchants médecins », pour qu’une majorité de personnes homosexuelles les voient d’un mauvais œil et se déchaînent autant iconographiquement sur eux ? À mon avis, c’est assez simple. D’une part, elles les ont jalousés pour leur ravir leur place (cf. le code « Médecines parallèles » du Dictionnaire des Codes homosexuels). Et d’autre part, elles jugent qu’ils leur disent beaucoup trop de vérités désagréables sur leur homosexualité (et cela peut se comprendre : il n’est jamais agréable d’apprendre que le désir homosexuel est la marque d’un fantasme de viol, voire le signe de l’existence d’un viol réel). Exception faite des charlatans parmi les soignants (qui sont, comme par hasard, autant homophobes que gay friendly !), le seul « crime » des médecins est d’avoir les outils scientifiques et humains efficaces pour faire lumière sur les esclavages et la souffrance exprimés par le désir homo. Et pour la majorité des personnes homosexuelles qui s’activent à gommer toute trace de souffrance, la confrérie des savants est à la fois Dieu sur Terre (elle a le pouvoir de matérialiser leurs fantasmes les plus fous : changer de sexe, par exemple, transformer le couple homo en famille, ou bien retirer l’homosexualité du registre de la pathologie pour lui donner un statut social légitime béton) et le diable incarné : détenant de terrible pièces à conviction concernant les viols qu’elles ont/auraient subis, il n’est pas rare que les médecins soient vus comme les bêtes à abattre, des faux frères, des enquêteurs-violeurs particulièrement redoutables.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Déni », « Infirmière », « Médecines parallèles », « Frankenstein », « Milieu psychiatrique », « Faux intellectuels », et « Folie », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Le personnage homosexuel s’oppose au scientifiques et va même parfois jusqu’à les tuer :

 

« Vous pouvez envoyer de ma part tous les savants se faire voir ailleurs ! » (le Coryphée dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias) ; « L’Iran est un des seuls pays au monde où c’est traité médicalement. » (Adineh l’héroïne transsexuelle F to M s’adressant à Rana la femme mariée, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; etc.

 
MÉDECIN TUÉ Fixing
 

La haine de la psychanalyse est notamment exprimée dans le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot, le film « Mi-fugue mi-raisin » (1994) de Fernando Colomo, le film « Taxi Nach Cairo » (1988) de Frank Ripploh, la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier (avec le procès de l’anthropologue), le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, le film « Mon Arbre » (2011) de Bérénice André, la pièce La Thérapie pour tous (2015) du Underground Comedy Club, etc. Dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel exprime bien souvent sa crainte du monde médical. « Irina a peur du Docteur Feydeau. » (Mme Simpson parlant de sa fille, dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) Par exemple, dans le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, Chouchou regarde avec méfiance le portrait de Freud chez la psychanalyste où il/elle fait le ménage : « Tu crois que la parole elle soigne… Pfff… » Dans son roman Paradiso (1967), le romancier cubain José Lezama Lima décrit l’« épaisse vulgarité de scientifique » du docteur Selmo Copek (p. 47). Dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, les médecins passent pour des individus peu francs, jouant sur les mots avec un jargon scientifique entortillé pour cacher des vérités désagréables (telles que le Sida). Dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage, le psychanalyste est présenté comme un charlatan assoiffé de fric, malade aussi : « J’ai l’air aussi mal dans ma tête. » Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, dit qu’il faut être fou pour payer 100 euros pour aller au psy. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, se fait ausculter par un médecin catho italien inhumain, comme s’il était un animal : le cabinet de consultation est blanc et aseptisé comme la mort. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf fait des dépressions nerveuses ; et son médecin pense que les femmes ne devraient pas être écrivains… ce qui énerve passablement l’écrivaine lesbienne : « Il voulait m’interdire d’écrire ! »

 

Ce sont les soignants du corps et surtout de l’âme – à savoir les prêtres, et ensuite les psychanalystes, les psychologues et les psychiatres – qui sont visés par les attaques. « Jolie est devenue folle, répondit le Gros. On préfère ne pas la faire traiter par les psychiatres parce que nous la haïssons autant que les curés. » (Copi, La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 50) De manière générale, le psychanalyste est pris pour un beau parleur qui conceptualise et parle trop. « Freud, gnia gnia gnia… » (Benji, le héros homosexuel de la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis) ; « L’analyse psychologique a perdu pour moi tout intérêt du jour où je me suis avisé que l’homme éprouve ce qu’il s’imagine éprouver. » (Édouard dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1997) d’André Gide, pp. 85-86) ; « Tous ces psys qui vous parlent d’Œdipe et d’Électre… […] c’est de la superstition freudienne ! » (Héloïse et Suzanne dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 327) ; « Vous ne vous rendez pas compte à quel point vous êtes agaçants, vous les toubibs, avec votre air d’en penser long. » (idem, p. 382) ; « J’en ai ras le bol d’entendre parler de mère abusive ou de référent paternel absent. Les psys commencent à nous faire chier avec leurs explications à la noix. » (Mourad, le personnage homosexuel, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 352) ; « Je ne crois pas que le passé compte, murmure Simon, après on va rentrer dans des trucs psychologiques, le gourou Freud, tout ça, c’est une secte pour moi. » (Simon, l’un des héros homos du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 33) ; « La psychanalyse, c’est dans les cabinets de chiottes que ça se fait. » (Dominique, l’un des héros homos, op. cit., p. 39) ; « Ton psy est un charlatan. Un con de charlatan. » (Michael s’adressant à son ami Donald, homo lui aussi, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Ils – mes doubles – sont les ennemis des psychiatres. » (Renaud dans la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo) ; « Je déteste l’idée d’être d’accord avec un psychologue. » (Arielle s’adressant à Antoine, homosexuel, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin) ; « Au début, vous savez, docteur, je vous prenais pour un gros con. » (Arnaud, le héros homo qui ne s’assume pas comme tel, et découvrant peu à peu l’homosexualité de son psy le Dr Katzelblum, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Tu vois pas qu’il se fout de notre gueule, ce psy en carton ? » (Benjamin s’adressant à son amant Arnaud à propos de leur psy le Dr Katzelblum, idem) ; etc. Par exemple, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les deux « pères » homosexuels de Gatal, le héros gay, veulent l’emmener chez un psy, le « conseiller des Poppyx », pour le guérir de son attachement au célibat.

 

Il arrive que le personnage homosexuel refuse de se laisser guérir, et trouve une certaine fierté « homosexuelle » dans la rébellion : « Le Docteur Feingold a prétendu que mon obsession vestimentaire trahissait une activité de substitution. Elle m’a dit que j’avais besoin de ritualiser mon chagrin et que cette manie de choisir des vêtements remplaçait dans mon esprit une expression plus profonde de la perte. J’ai eu envie de lui demander : ‘Et vous, docteur Feingold, vous vous êtes déjà interrogée sur ce que cela signifie, pour vous, de vivre seule dans un appartement blanc immaculé, avec un chat impeccable que vous appelez Bébé ?’ Bien sûr, je me suis contentée de l’écouter et d’acquiescer, car je n’avais aucune envie d’entamer de nouveau une conversation sur mon agressivité, mes limites et ma tendance à ‘résister au processus’, comme elle dit. Ce qu’elle ignore, c’est que ma vie est bâtie sur cette résistance au processus. » (Ronit, l’héroïne lesbienne, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 67) Dans la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, le psy se voit rembarré par Didier, le personnage homosexuel. Dans la pièce Lacenaire (2014) d’Yvon Bregeon et Franck Desmedt, le héros n’a que mépris pour les phrénologues – spécialistes du cerveau. Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire joue une parodie de psychologue et son amie Joséphine qualifie la soignante de « danger ». Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine et Carole, les deux amantes lesbiennes féministes, vont prêter main forte à leur amie lesbienne Adeline pour kidnapper Guitou, son ami homo interné en hôpital psychiatrique par ses parents parce qu’il est homosexuel (lobotomies, électrochocs, etc.). Au moment de le délivrer, elles se battent à la bombe lacrymo contre le personnel de l’asile. Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, la psychiatrie est attaquée : quand Guy (secrètement homosexuel) déclare « Je suis psychiatre, je peux comprendre l’homosexualité », son ami Hugues, lui-même homo, le coupe : « Ah ça, c’est une connerie ! ». Plus tard, Guy méprise un de ses collègues professionnels : « En plus, ce Docteur Petiote est bête à manger du foin ! » Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol, l’héroïne lesbienne prise en flagrant délit d’adultère avec des femmes, se moque du jargon des psychiatres qui lui diagnostique un « trouble affectif ».

 

Film "Parle avec elle" de Pedro Almodóvar

Film « Parle avec elle » de Pedro Almodóvar

 

Pour justifier ce rejet, le personnel soignant est souvent transformé en corporation d’êtres lubriques à la sauce libertine, de prostitués (nus sous la blouse…), bref, de violeurs : cf. le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar (avec Benigno, l’infirmier homosexuel, qui viole Alicia, sa patiente dans le coma), la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, le film « ¿ Qué He Hecho Yo Para Merecer Esto ? » (« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? », 1984) de Pedro Almodóvar (avec le dentiste pédophile), etc. « J’ai un problème : c’est l’anesthésie générale. J’ai toujours peur de me faire violer par l’équipe médicale. » (une comédienne lesbienne du spectacle de scène ouverte Côté Filles au troisième Festigay au Théâtre Côté Cour, Paris, avril 2009) Le film « Hazel » (2012) de Tamer Ruggli dresse le portrait d’une redoutable pédopsychiatre aux méthodes peu conventionnelles. Dans son one-woman-show Betty Speaks (2009), Louise de Ville insulte sa psy : « Mon analyste, la PUTE ! » Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, les patientes se montrent particulièrement violentes avec leur psy, compte tenu qu’elles la traitent de « salope », de « pétasse », de « garce » : « Vous savez quoi ? Je me demande si on doit vous laisser sévir… » ; « Vous avez l’esprit complètement tordu, vous les psys. »

 

On passe vite aux menaces. « Cet horrible docteur ! » (Sally parlant de son projet d’avorter, dans la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall) ; « Je déteste les psychiatres. » (Cyril concernant la psychiatre, dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 153) ; « Tu vas t’arrêter, salope ? » (le professeur Vertudeau giflant l’infirmière dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, p. 49) ; « Espèce de connard ! » (Nicolas par rapport au médecin, dans le téléfilm « Sa Raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand) ; « Qu’on jette la médecine aux chiens ! » (Macbeth dans la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare) ; « Connard, ce psychologue ! » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Si le médecin touche à ma femme, moi je l’encule ! Devant tout le monde ! Est-ce clair ?!? » (Adrien, homosexuel, à propos d’Eva sa meilleure amie enceinte dont il prétend être le mari face aux infirmières, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion) ; etc.

 

La menace verbale ne suffisant pas, certains personnages homosexuels en viennent à l’agression physique avec leur thérapeute. Par exemple, dans le film « Ma Mère préfère les femmes (surtout les jeunes) » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman Elvira pète un câble dans le cabinet de consultation de son psychanalyste, et brise son aquarium à poissons. Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Silvano, âgé de 100 ans, donne un coup de canne sur la tête de son médecin, le docteur Lopez, parce qu’« il le déteste » (p. 164).

 

Cela peut aller jusqu’au meurtre : « Ibiza poignarde l’infirmière aidé par Evita. » (cf. les didascalies de la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Y’a une semaine, j’ai descendu l’infirmière à Clairvaux et je me suis tiré avec ses frocs. » (Mimile dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 63) ; « Une main invisible attrapa l’infirmière par les cheveux et la souleva en l’air de cinquante centimètres. Elle poussa un hurlement à réveiller la clinique avant de tomber sur le parquet, se foulant une cheville. » (cf. la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 34) Dans la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le psychologue est carrément défenestré. Dans le film « Cat People » (« La Féline », 1942) de Jacques Tourneur, le psychiatre est assassiné à coups de griffes. À la fin du film « Flying With One Wing » (2004) d’Asoka Handagama, l’héroïne lesbienne Manju tue au couteau le docteur qui a tenté d’abuser d’elle : elle porte un vêtement blanc maculé du sang du crime. Dans la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti, Freud est envoyé en enfer.

 

Ce meurtre du médecin ressemble symboliquement à un parricide : « À seize ans, moi, j’étais encore seulement un fils. Le fils d’un très grand médecin, le saviez-vous ? […] Il ne m’a jamais réellement compris et je ne suis pas certain de l’avoir réellement aimé. » (Vincent dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 54-55) C’est tout le Réel et la Loi du Père que le personnage homosexuel rejette par son désir de destruction du médecin (comme on peut le voir encore dans le roman Tuer le père (2011) d’Amélie Nothomb).

 

Comme il n’a pas toujours le courage de mener ses menaces de meurtre jusqu’au bout, le personnage homosexuel se rabat sur une destruction iconoclaste : « Je produis en quelques jours, à la mine 2HB, plus de cinquante esquisses d’un diable fourchu, solidement queuté devant derrière et empalant par le troufignard une caricature chaque fois différente de ce rigolo. » (Vincent Garbo en parlant du chirurgien, dans le roman de Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 62)

 

Dr House

Dr House

 

Le médecin est diabolisé comme un savant fou ignoble et tortionnaire : cf. le film « Nineteen Nineteen » (1984) d’Hugh Brody, le film « Créatures célestes » (1994) de Peter Jackson (avec le psychiatre méchant), le film « Fixing Frank » (2005) de Michael Selditch, etc. « Ces chirurgiens, tous les mêmes ! Tous des charcutiers ! » (Maya, l’héroïne lesbienne, dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau) ; « Nous avions entendu parler des laboratoires des hommes, où ils vous percent la peau avec des instruments métalliques, soit contenant de l’électricité, soit du liquide empoisonné, pour étudier le comportement du rat face à la mort, pour en tirer des conclusions psychologiques qui leur facilitent la tâche dans les prisons et les camps humains. » (Gouri dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 74) Dans le roman Son Frère (2003) de Philippe Besson, Lucas compare le personnel médical à des assassins : « Thomas a eu ce corps-là, avant que les médecins ne le mutilent. » (p. 50) Jean Cocteau définit le dentiste comme « une horreur » (Jean Cocteau cité dans le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala). Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, le médecin qui va opérer la narratrice transgenre F to M pour son changement de sexe se montre particulièrement cruel, despotique et infantilisant : « Il va falloir perdre cette habitude de s’excuser ou de remercier tout le temps. ‘Masque neutre’, vous vous rappelez ? Ça va venir. Une déconstruction, ça prend du temps. » Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, Tirésias, le pédiatre de Narcisse, conseille à la mère de ce dernier d’étouffer l’identité réelle de son fils : « Il aura une vie longue et heureuse s’il ne se reconnaît pas. »
 

Parfois, le meurtre du médecin s’opère symboliquement à travers le travestissement discréditant. Par exemple, dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, Sofia, la psy sexologue, « conseillère conjugale » gay friendly, se trouve être une femme inefficace et libertine complètement désorientée, à l’image de ses patients. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, la psychanalyste est parodiée en femme SM, avec talons aiguilles rouges, perruque verte, et fouet.

 

C’est parce que le héros homosexuel a basé trop d’espoirs en la Science et en l’Homme pour donner corps à ses fantasmes égoïstes et pour se supplanter à Dieu (« Je suis acteur de ma vie, je suis créateur et maître de ma propre existence. »), qu’il adopte vis à vis d’Elle une attitude de fan déçu, capable d’une dévotion démesurée comme de la plus terrible trahison. Par exemple, dans la pièce Une Saison en enfer (2008) d’Arthur Rimbaud, la voix narrative encense la science (« La science, la nouvelle noblesse ») comme elle la traîne dans la boue (« La science est trop lente ! »). Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa se plaint de son médecin qui l’a gavé de médocs, et critique son ophtalmo (elle lui baise finalement les pieds car il lui rend la vue). Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, la figure du psy est à la fois adorée et haïe : Frank, le personnage homosexuel, est suivi par un psy, le Dr Apsey, qui le manipule et qu’il manipule (ils jouent ensemble au chat et à la souris), et sort par ailleurs avec un autre psy, Jonathan, un confrère rival du Dr Apsey. Jonathan et Apsey se détestent et se disputent les faveurs de Frank. Jonathan surnomme même son collègue « le monstre ». Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, le psy est présenté comme une poupée vaudou transsexuelle sur lequel il est possible de se déchaîner : « Vous allez être gentille avec moi ? […] Tu ne peux pas ? Je te tue ! » La Doctoresse Freud – c’est ainsi qu’il est surnommé par le personnage de « L » – est tantôt un despote nazi (« Fraulein Freud ») et une star enviée : « Vous lui agrafez trois plumes d’oiseaux du paradis soutenues par un gros strass sur le front, comme si elle allait descendre le grand escalier des Folies Bergère ! »

 

Le médecin cruel et assassiné est une résurgence de la culpabilité inconsciente du héros homosexuel qui veut s’auto-punir d’avoir usé de la science à mauvais escient et en apprenti. Par exemple, dans le roman pro-homoparentalité The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Jane, l’héroïne lesbienne, enceinte à cause des techniques scientifiques (donc d’une science dévoyée et corrompue) et de la PMA qu’elle a programmée avec sa compagne Petra, finit par récolter le vent qu’elle a semé, en ayant pour voisin de pallier un dangereux médecin-gynécologue, le Docteur Alban Mann, qui cherche à la tuer et qui viole les femmes qu’il accompagne/engendre/épouse. Après l’avoir diabolisé, elle finit par le tuer au couteau : « Le visage d’Alban était rouge et déformé par la rage. Il braqua son regard sur Jane et elle recula involontairement d’un pas dans son entrée. » (p. 43) ; « Jane tremblait d’envie de lui décocher un coup de poing. » (p. 52) ; « Son regard croisa celui de Mann et elle eut un aperçu du professionnel qu’il était, un médecin qui connaissait les rouages secrets du corps féminin, un homme capable de vous démonter. » (p. 175) ; « le drogue que Mann avait mise dans son café » (Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 183) ; « Jane sortit le couteau de sa poche pour le lui planter dans la cuisse jusqu’à la garde. Alba Mann hurla. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman p. 232)
 

La phobie homosexuelle des médecins semble s’originer dans l’endormissement paniquant de la conscience et de l’intelligence. Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Adolphe Blanc explique (justifie presque) le rejet anti-médecins des « invertis » par l’ignorance : « Pensez-vous qu’ils étudient ? […] Les médecins ne peuvent faire penser les ignorants. […] Ils ne liraient pas de livres médicaux ; quels souci ces gens [les invertis] ont-ils des médecins ? » (p. 508) Et en effet, on déteste bien souvent ce qu’on ne cherche pas comprendre ou qu’on est vexés de ne pas comprendre. On reporte sur autrui la haine qu’on devrait vouer à notre propre méconnaissance.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

La communauté homosexuelle, dans son ensemble, voue une haine viscérale pour les médecins, et surtout les psychanalystes :

 

Les personnes homosexuelles, en général, ne mâchent pas leurs mots quand elles lancent des diatribes à destination de la confrérie médicale mondiale : « Je demeure plus que sceptique à l’égard des psys, agacé de leur suffisance. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 72) ; « Toubib, soigne-toi toi-même ! » (cf. le slogan du FHAR dans les années 1970, cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 188) ; « C’est la psychologie qui est romanesque. Le seul effort d’imagination est appliqué là, non aux événements extérieurs, mais à l’analyse des sentiments. » (Raymond Radiguet, Le Bal du Comte d’Orgel (1924), p. 10) ; « La psychologie ne m’intéresse pas. Je n’y crois pas. […] L’art de vivre, c’est de tuer la psychologie, de créer avec soi-même et avec les autres des individualités, des êtres, des relations, des qualités qui soient innomés. » (Michel Foucault, « Conversation avec Werner Schrœter » (1981), dans Dits et Écrits II, 1976-1988 (2001), p. 1075) ; « Les messieurs-dames de la psychanalyse s’en vont répétant ce que nous savions déjà. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 84) ; « On ne voit de ‘sale pédé’ qu’au lieu où on se prend pour un petit maître, et on ne croit pas pouvoir juger de l’Autre qu’au lieu où notre propre savoir nous juge, et nous juge durement. » (Pierre Zaoui, « Psychanalyse », dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 348) ; « Psy, ce n’est pas un métier : c’est une source de revenu. » (Blandine Lacour, Je ne suis pas un produit fini, 2011) ; « J’ai passé 8 mois chez les dingues. […] J’avais promis au médecin que j’allais devenir hétérosexuel. » (Allen Ginsberg dans le docu-fiction « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman) ; « Ce n’est pas à moi que l’homosexualité pose problème, c’est à mon entourage. C’est donc à lui de se faire soigner ! » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 87) ; « On sait qu’en France le débat autour du ‘mariage pour tous’ a réveillé de vieilles animosités entre certains homosexuels et des psychanalystes. Déjà lors de la discussion du PaCS au début des années 2000, un ‘mur d’hostilité’ aurait été érigé, à en croire Éric Fassin, par les psychanalystes à l’encontre de la revendication homosexuelle, surtout en matière de parentalité. ‘Dans leur immense majorité, observe-t-il, les voix [des psychanalystes] qui se font entendre font barrage à toute légitimation symbolique […] les exemples sont nombreux, et familiers puisqu’ils se font abondamment entendre dans les medias, depuis Simone Korff-Sausse, pour laquelle une même ‘logique du même’ autorise le rapprochement entre PaCS et clonage, à Jean-Pierre Winter qui, renouvelant la rhétorique de l’homosexualité contre-nature, met en garde contre les ‘organismes symboliquement modifiés (OMS)’. » ; « Je ne suis pas folle. Je ne souffre pas de dysphorie de genre. Je vais continuer à me troubler. Je vais troubler les termes que vous avez établis. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, défiant la communauté scientifique, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc.

 

Gilles Deleuze

Gilles Deleuze

 

Par exemple, la romancière nord-américaine Carson McCullers est très hostile à l’idée d’entreprendre une psychothérapie. Dans Palimpseste – Mémoires (1995), Gore Vidal dit son « aversion pour Freud » (p. 123). Dominique Fernandez nous parle de ce qu’il appelle « les sottes théories de Freud » (Dominique Fernandez, « Pierre Herbart : Écrire le désir dans les années 50 », dans le Magazine littéraire, n°426, décembre 2003, p. 51). Lors de sa conférence au Centre LBGT de Paris à l’occasion de la sortie de son essai sociologique Délinquance juvénile et discrimination sexuelle en janvier 2012, Sébastien Carpentier critique la psychiatrie. Arturo Arnalte, dans son article « El Teorema Del Agujero », attaque son psychologue (Juan A. Herrero Brasas, Primera Plana (2007), p. 135). Dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan, la psychiatrie est particulièrement décriée. Lors de la conférence « Le Lobby gay… Un bruit de couloir » organisée à l’Amphithéâtre Érignac à Sciences Po Paris (le mardi 22 février 2011), Dominique de Souza Pinto, la vice-présidente de Gay Lib, se met du côté des défenseurs de la « dépsychanalysation des trans ». Dans les B.D. de la P’tite Blan réalisées par Blandine Lacour et Galou (Coming soon : naissance d’une déviante (tome 1, 2009), Coming out : une histoire de sortie de placard (tome 2, 2010), Coming back : le retour de la lesbienne (tome 3, 2011), la psychanalyse est très souvent attaquée. Dans l’émission Mots croisés d’Yves Calvi (sur le thème « Homos, mariés et parents ? », diffusée sur la chaîne France 2 le 17 septembre 2012), la journaliste lesbienne Caroline Fourest, avec son faux calme habituel, louche sur le psychiatre Pierre Lévy-Soussan et finit par s’acharner sur lui : « Je pense qu’un certain courant de la psychanalyse a une vraie auto-critique à faire. » Dans le docu-fiction « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, l’« incestuosité » de l’homosexualité, thèse développée par des psychanalystes, est tournée au ridicule.

 

Dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, les médecins sont présentés comme les grands méchants. Par exemple, Vincent Guillot, militant intersexe, règle ses comptes avec la confrérie scientifique : « Est-ce que tu ressens de la haine pour ces médecins ? » lui demande Édouard, l’un de ses camarades intersexués, lors d’une conférence. Et il répond oui. Plus tard, il s’en explique : « Le médecin m’a dit : ‘T’es un mutant, t’auras jamais d’enfant, tu seras toujours différent des autres.’ »
 

Le complexe d’Œdipe est considéré par certains intellectuels homosexuels comme une « théorie » barbante et orgueilleuse parce qu’elle aurait la prétention de tendre à l’universalité et au vrai (Martine Gross, « Homoparentalité », dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 220). Dans l’essai L’Anti-Œdipe (1972), Gilles Deleuze et Félix Guattari sont très virulents à l’encontre de ceux qu’ils appellent les « obsédés du triangle » œdipien (p. 129). Dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre, témoin homosexuel gendarme, jadis marié à une femme, et à présent en couple avec un homme, critique férocement les propos d’un psychiatre dans le Loiret qui l’avait dissuadé de faire son coming out : « Vous auriez dû fermer votre gueule, prendre des médicaments et rester avec votre femme, comme tout le monde. »

 

Petite expérience personnelle : j’ai assisté à une soirée spéciale inter-sexués, organisée au Centre LGBT de Paris, le 30 mars 2011, autour du documentaire « Naître ni fille ni garçon » (2010) de Pierre Combroux ; et j’ai été frappé par l’aversion quasi collective à l’encontre des psychologues et des psychiatriques exprimée par les participants du débat qui avait suivi la projection du film. Le climat était fortement anti-médecins et anti-naturaliste.

 

Dans le discours de beaucoup d’individus homosexuels, les psys, par la culpabilisation qu’ils induiraient de leur éclairage sur les blessures humaines, seraient même des criminels. Par exemple, dans l’émission radiophonique Homo Micro du 13 février 2007, Jean Le Bitoux conseille aux personnes homos de ne pas aller voir les psys car « il y a des suicides après ». Si l’on en croit par ailleurs cet article « Ma psy est ‘Manif Pour Tous’ », les psys, c’est carrément le Ku Klux Klan ! En générique de fin du film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel, est présenté comme une des nombreuses victimes homosexuelles des castrations chimiques de l’odieuse communauté scientifique mondiale.

 

Non seulement la communauté homosexuelle veut faire taire les psychanalystes, les psychologues, et les psychiatres, mais parfois, elle veut même les tuer ! « Mon premier soin, quand je serai dictateur, ce sera de faire pendre haut et court un psychiatre, de préférence un psychanalyste. » (Marcel Arland cité dans l’autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006) de Pascal Sevran, p. 204) ; « Comme le dit Foucault, il faut liquider la psychologie. » (Albert Le Dorze, La Politisation de l’ordre sexuel (2008), pp. 151-152) Dans son autobiographie Impotens Deus (2006), l’écrivain français Michel Bellin décide dans sa vie de braver tous les interdits moraux sur la sexualité, « juste pour niquer papy Sigmund » (p. 56). L’écrivain polonais Witold Gombrowicz se déclare prêt à mordre la main de son psychiatre parce qu’« il ne veut pas qu’on lui vole sa vie intérieure ».

 

S’ils existent bien sûr des personnes homosexuelles qui consentent à rentrer dans le « travail » d’analyse (comme on va à la séance hebdomadaire de yoga), et à défendre calmement les sciences humaines/psychanalytiques, j’ai constaté souvent qu’elles y trouvaient une caution morale pour se justifier ensuite de pratiquer en toute bonne conscience les actes homosexuels. En réalité, elles singent une hypocrite collaboration avec les psychanalystes, et s’arrangent pour se trouver un analyste gay friendly (voire gay lui-même), qui se montrera suffisamment « ouvert » et complaisant pour ne leur opposer aucune résistance. En se passionnant pour les livres de psychologie (qu’elles lisent à l’envers, en y piochant çà et là les quelques idées qui leur donneront raison) ou en s’improvisant psychanalystes elles-mêmes, certaines personnes homosexuelles pratiquantes ont déniché une occasion en or de légitimer par la Nature et par la Science leur homosexualité/bisexualité, de s’épancher sur leurs propres sentiments, et de justifier l’amour homosexuel.

 

L’anti-psychanalyse, qui est bien souvent un repli sur soi et un égocentrisme individualiste, se présente pourtant comme une magnifique responsabilisation de l’être humain, un chemin de bien-être et de réconciliation avec soi-même, une liberté et une émancipation queer. « C’est l’antipsychiatrie correspond le mieux, au niveau conceptuel, à la pensée queer. » (Albert Le Dorze, La Politisation de l’ordre sexuel (2008), p. 193) ; « C’est en débarrassant le sujet de tout cadre qu’on donne au patient la possibilité de se retrouver. » (idem, p. 193) Par orgueil, certaines personnes homosexuelles prétendent être leur propre analyste : « Nous devrions nous conduire, Foucault nous y invite, jour après jour, en médecins de nous-mêmes. » (cf. les phrases de conclusion d’Albert Le Dorze, idem, p. 230) Je vous renvoie au n°81 (du 1er septembre 2003) de la revue Têtu intitulée « Quand les homos analysent leurs psys ».

 

Vidéo-clip de la chanson "Dégénération" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer

 

C’est parce que les personnes homosexuelles (et notamment les personnes transgenres) ont basé trop d’espoirs en la Science et en l’Homme pour donner corps à tous leurs fantasmes et pour se supplanter à Dieu, qu’elles adoptent vis à vis d’Elle une attitude de fans déçus, capables d’une grande dévotion comme du plus profond mépris. En général, les personnes transsexuelles sont particulièrement réfractaires aux psychanalystes, car évidemment, il y a grosse anguille sous roche les concernant, surtout du point de vue de la blessure identitaire et de l’expérience du viol. Par exemple, pour la Treizième Marche Existrans de Paris (2009), on peut lire sur certaines pancartes des slogans explicites : « Un Psy… Non merci ! » Le médecin, par son savoir et ses exigences, a le pouvoir de faire mal en même temps qu’il guérira et soulagera sur la durée son patient. Et cela, bien sûr, peut effrayer et paraît intolérable. Qui a dit qu’une libération se faisait sans souffrance ?

 

Il arrive parfois que la passion idolâtre et fétichiste homosexuelle pour le médecin débouche vers le meurtre de ce dernier.
 
 

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Code n°118 – Médecines parallèles (sous-codes : Psy de bazar / Hypnotiseur / Amoureux du médecin / Faux scientifiques / Apprenti sorcier / Maladie d’amour)

Médecines parallèles

Médecines parallèles

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Tous des psys du Loft

et des médecins bidon ?

 

Si vous commencez à nous écouter, nous individus homosexuels, vous remarquerez que nous éprouvons une aversion ou une simple méfiance pour la science, mais que paradoxalement, nous ne jurons que par elle. Dans notre discours – notamment celui des personnes transsexuelles – la croyance aux progrès de la science est quasi absolue. Et à l’intérieur de nos œuvres, nos personnages lorgnent sans arrêt sur les médecins. En critiquant avec virulence la communauté scientifique (cf. je vous renvoie au code indispensable à la compréhension de celui-ci, à savoir « Médecin tué » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), beaucoup de personnes homosexuelles créent, soit par l’art et le sentiment, soit en vrai, des médecines parallèles dans lesquelles elles reproduisent/détruisent ce qu’elles reprochent (souvent à tort) à la médecine humaniste. C’est ainsi qu’elles finissent bien souvent par devenir en partie leur propre caricature de la science adulée-méprisée. En somme, la majorité des personnes homosexuelles (et leurs suiveurs gay friendly) cherchent à devenir des scientifiques dans le mauvais sens du terme, à savoir des savants fous de laboratoire, des thérapeutes de comptoir, des médecins de seconde zone usant de méthodes peu orthodoxes (hypnose, voyance, médecine verte, massages, clonage, etc.). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que beaucoup d’auteurs homosexuels transforment le psy en être lubrique cachant ses appétits sexuels derrière le masque de la rigueur scientifique et de la compassion du médecin pour le patient, parce qu’ils projettent bien souvent sur lui leurs propres fantasmes. Ils reprennent le jargon universitaire à leur compte, puis attribuent le fanatisme de leurs recherches (en génétique notamment) à leurs homologues scientifiques. Par exemple, leur tentative pour prouver scientifiquement que l’homosexualité est normale et naturelle engendra l’argument du gène récessif qui fit le cauchemar de la communauté homosexuelle pendant la Seconde Guerre mondiale. Au fond, beaucoup de personnes homosexuelles détestent la science parce qu’elle leur renvoie une dictature qu’elles exercent parfois elles-mêmes sur les corps sous l’excuse du progrès scientifique (chirurgie esthétique, fécondation in vitro, opération de changement de sexe, GPA, etc.).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Médecin tué », « Frankenstein », « « Plus que naturel » », « Jardins synthétiques », « Infirmière », « Folie », « Se prendre pour Dieu », « Se prendre pour le diable », « Attraction pour la « foi » », « Différences physiques », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Bobo », « Fresques historiques », « Clonage », « Amoureux », « Ennemi de la Nature », « Adeptes des pratiques SM », « Faux intellectuels », « Faux révolutionnaires », « Milieu psychiatrique », à la partie « Homophobes repentants » du code « Mère gay friendly », à la partie « Sorcières » dans le code « Destruction des femmes », et à la partie « Amour sorcier » du code « Désir désordonné », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

a) La prétention d’être scientifique :

Beaucoup de héros homosexuels, pour justifier leur désir homosexuel et les actes (amoureux et génitaux) qu’il les engage à poser, le présentent comme « naturel », « scientifique » et indiscutable (cf. je vous renvoie au code « « Plus que naturel » » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Leurs sympathisants hétéros gay friendly, notamment des médecins et des thérapeutes, soucieux de se racheter une bonne image auprès d’eux, ou de les sortir du marasme sentimental dans lequel leurs amis homos s’engluent, vont généralement dans le sens de cette sincérité et de cette croyance en la scientificité de l’homosexualité. Dans les fictions homo-érotiques, on voit de plus en plus de « psys du Loft » compréhensifs, de psychiatres de comptoir soucieux d’afficher une image d’ouverture et de tolérance que n’auraient pas eues leurs poussiéreux aïeux, et de s’adresser au personnage homosexuel en des termes rassurants pour défendre la normalité de son/leur homosexualité et combattre « l’Hydre de la Culpabilité » ou de « l’Homophobie intériorisée » ! Par exemple, dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn, Tyler Montague, le conseiller conjugal gay friendly, écrit des livres sur la théorie bisexuelle des « âmes jumelles », se définit lui-même comme le « gourou de l’amour »), et sert d’entremetteur entre Elena et Peyton. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, le psychologue scolaire du campus universitaire, particulièrement gay friendly, essaie d’unir, mielleusement mais artificiellement quand même, les deux potes Jenko et Schmidt pendant la consultation. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, Catherine, la prof de maths, est lesbienne.
 

Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, la jeune Hache, la petite sœur de Rachel l’héroïne lesbienne, justifie l’« amour » que vit sa grande sœur avec Luce, par l’astro-physique : elle fait, à l’école primaire, des exposés publics de mécanique quantique et d’astronomie sentimentalisés… et c’est à ce moment-là que dans l’obscurité du public le « couple » Rachel/Luce commence à se former. La bouche sort de la bouche des enfants « savants » ! Et en plus, face au futur « couple » lesbien, elle se met à « philosopher » en réduisant l’amour à une équation astrale et chimique : « Que se passe-t-il quand une force qu’on ne peut pas arrêter rencontre un objet qu’on ne peut pas bouger ? » Même Heck, le mari de Rachel, finit par s’avouer vaincu par la « force » que ressent sa femme pour une autre : « Ce que tu ressens en ce moment, c’est cette force qu’on ne peut pas arrêter. »
 

Ensuite, un certain nombre de héros homosexuels se targuent d’être d’éminents scientifiques… et même des soignants plus puissants, plus humains, plus désintéressés, que les médecins traditionnels (cf. je vous renvoie au code « Médecin tué » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) ! : « Ici, la Science c’est moi ! » (la Reine dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Je suis scientifique. » (le très efféminé Dr Frankenstein Junior, dans la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks) ; « J’écris des articles pratiquement scientifiques. » (la figure maniérée d’Anton Tchekhov, dans la pièce Anton, es-tu là ? (2012) de Jérôme Thibault) ; « À seize ans, moi, j’étais encore seulement un fils. Le fils d’un très grand médecin, le saviez-vous ? L’agrégation, la faculté, l’Académie, la faculté, l’Académie, toutes ces choses en imposent à un fils. Je me souviens d’une ombre portée sur nos vies, d’un homme plus grand que nous tous, sans que nous sachions véritablement si cette grandeur était une aubaine ou un malheur pour notre futur d’homme. Aujourd’hui, avec le recul, sans doute, je dirais que notre indifférence réciproque était plus feinte que réelle, et qu’au final j’aurai appris de mon père. » (Vincent, le jeune héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 54) ; « Au fin fond d’une forêt, des personnes sont enfermées dans un hôpital psychiatrique. […] Elles se sont inventées une nouvelle thérapie. » (la voix-off du début de la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet)

 

Par exemple, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Gabriel est gay, et il est la caricature du psychanalyste puisqu’il fait plein de métaphores freudiennes chiantes qui saoulent tout le monde. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Gabriel, le héros efféminé et émotif, qui suit une thérapie psychanalytique de plus de 10 ans avec sa psychanalyste, joue à se soigner lui-même par un jargon « psy » ronflant et ridicule : il recherche « une psychologie autrichienne de l’amour ». Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel, est présenté comme un génie (« un prodige des mathématiques ») qui aurait sauvé 14 millions de vies pendant la Seconde Guerre mondiale parce qu’il a décodé Enigma, un programme de guerre nazi. Dans la pièce La Princesse Rose et le retour de l’ogre (2019) de Martin Leloup, le Prince est campé par un jeune homme peu sûr de sa masculinité, terrorisé par sa Princesse, et qui laisse deviner qu’« entre deux patient » son métier de dentiste le passionne davantage que celui de chevalier : « Je ne peux pas être chevalier. Je veux être dentiste ! »

 

Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit, l’héroïne lesbienne, prétend se substituer à sa thérapeute, et inverse un court instant les rôles : « Le Docteur Feingold a prétendu que cette obsession vestimentaire trahissait une activité de substitution. Elle m’a dit que j’avais besoin de ritualiser mon chagrin et que cette manie de choisir des vêtements remplaçait dans mon esprit une expression plus profonde de la perte. J’ai eu envie de lui demander : ‘Et vous, docteur Feingold, vous vous êtes déjà interrogée sur ce que cela signifie, pour vous, de vivre seule dans un appartement blanc immaculé, avec un chat impeccable que vous appelez Bébé ?’ Bien sûr, je me suis contentée de l’écouter et d’acquiescer, car je n’avais aucune envie d’entamer de nouveau une conversation sur mon agressivité, mes limites et ma tendance à ‘résister au processus’, comme elle dit. Ce qu’elle ignore, c’est que ma vie est bâtie sur cette résistance au processus. » (p. 67)

 

Certains héros homosexuels se piquent au jeu de l’analyse et de l’auto-analyse psychanalytique, pensent qu’une personne n’a la légitimité de parler d’un sujet de société qu’à partir du moment où elle est « en analyse », ou bien si elle a reçu une « formation ». Sinon, elle n’a pas l’habilitation ! On les voit faire des interprétations tirées par les cheveux, saupoudrées de jargon scientifique et de mots ronflants qu’apparemment ils ne comprennent pas. Ils recrachent scolairement du concept : « Polly [l’héroïne lesbienne] dit que la sexualité, de toute façon c’est dans la tête, et en réinterprétant Freud, ‘On est tous des bisexuels qui faisons des choix.’ » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 67-68) ; « Depuis qu’elle est en analyse, elle voit des doubles sens partout. » (Nina parlant de son amante Lola, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Pourquoi tu ne vas pas raconter ça sur le divan d’un psy ? » (Vera s’adressant à Nina, idem) ; etc. Par exemple, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, la mère de Howard, qui, au départ, était homophobe, organise, le jour du mariage hétérosexuel de son fils gay, une sorte de cercle d’alcooliques anonymes improvisé, dans l’église avec les vieilles qui restent.

 

La science, c’est parfois le terrain professionnel officiel du protagoniste homosexuel. Il est soit étudiant en médecine ou en « psycho », soit infirmier, médecin, ou dans les métiers de la santé : cf. le film « Pharmacien de garde » (2001) de Jean Veber, la pièce La Muerte De Mikel (1984) d’Imanol Uribe (avec le pharmacien Mikel), la B.D. Anarcoma (1983) de Nazario (avec les frères Herr), le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin (avec Adar, le héros homosexuel psychologue), la B.D. Le petit Lulu (2006) de Hugues Barthe (avec Hugues, le pharmacien gay), le film « Dus Gezginleri » (1994) d’Atif Yilmaz, le film « Ich Möchte Kein Mann Sein » (1933) de Reinhold Schünzel (avec le médecin gay), le film « Dentist On The Job » (1961) de C.M. Pennington-Richards, le film « Quatre garçons dans le vent » (1964) de Richard Lester, le film « Le Fouineur » (1969) d’Ettore Scola, le film « Kaput Lager, Gli Ultimi Giorni Delle SS » (1976) de Luigi Batzella, le film « Fraulein Doktor » (1968) d’Alberto Lattuada, le film « Frontière chinoise » (1965) de John Ford (avec la doctoresse lesbienne), le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « Que Me Maten De Una Vez » (1986) d’Óscar Blancarte, le film « Simon » (2004) d’Eddy Terstall (avec le dentiste homo), le film « Delitto Al Blue Gay » (1984) de Bruno Corbucci, le film « Thulaajapoika » (« Le Fils prodigue », 1992) de Veikko Aaltonen (avec le psychiatre gay), le film « Lapsia Ja Aikuisia » (« Production d’adultes », 2004) d’Aleksi Salmenpera (avec la doctoresse bisexuelle), le film « Liv Og Dod » (« Vie ou mort », 1980) de Svend Wam et Peter Vennerod, le film « Hotel Y Domicilio » (1994) d’Ernesto del Rio, le film « Une Vie normale » (1996) d’Angela Pope, le film « Charlotte For Ever » (1986) de Serge Gainsbourg, le film « The Clinic » (1983) de David Stevens, le film « Karakara Hiraku » (1992) de Joji Matsuoka, le film « Dead Ringers » (« Faux-semblants », 1988) de David Cronenberg, la pièce Les Z’héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys (avec le Dr Gay), le sketch « J’vous ai pas raconté ? » de Franck Dubosc (avec l’orthopédiste lesbienne), le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec Omar, étudiant en psycho), le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan (avec Catherine, la gynécologue lesbienne), le film « Le Vilain » (2008) d’Albert Dupontel (avec le médecin homosexuel refoulé), le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon (avec Serge, le médecin gay), le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec Göran, le médecin homo), la pièce Psy (2009) de Nicolas Taffin (avec Mr Baubois, le psy gay), le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare (Antoine, le futur « mari » de Jérémie, est titulaire de chirurgie dans un grand hôpital parisien), le film « Je te mangerais » (2009) de Sophie Laloy (avec Emma, étudiante en médecine), le film « Cachorro » (2004) de Miguel Albaladejo (avec le dentiste homosexuel), la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage (avec le psy joué par le père transsexuel M to F), le film « Parfum d’Yvonne » (1993) de Patrice Leconte (avec le Dr René Meinthe, s’exclamant : « Je suis la reine des Belges ! »), le film « MASH » (1970) de Robert Altman (avec le dentiste homo), la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand (avec Hugues, le médecin gay, ainsi que son ami psychiatre Guy, secrètement amoureux de lui), etc. Par exemple, dans énormément de films de Pedro Almodóvar, on retrouve la figure récurrente du faux/beau médecin, du docteur-acteur « folle », ou bien du duo (homosexuel ?) de deux infirmiers. Dans le film « Il Compleanno » (2009) de Marco Filiberti, Mateo est psychanalyste. Dans le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley, Ian, l’ex de Nathan, est infirmier. Dans le film « Verde Verde » (2012) d’Enrique Pineda Barnet, Alfredo est médecin. Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Gabriel, le psy d’Alex, est homo. Dans le film « Yossi » (2012) d’Eytan Fox, Yossi Hoffman, le héros homo, est devenu cardiologue. Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, Ron, le héros hétérosexuel sidéen, dit, par provocation (mais aussi parce qu’il a identifié en lui une véritable homosexualité) que le docteur Sevard bande pour lui.

 
 

b) Les détournements de la science :

L’appartenance du héros homosexuel au monde scientifique est peut-être bien inscrite noir sur blanc sur son badge… mais dans les faits, on constate bien souvent qu’il joue de son statut de médecin ou de docteur pour laisser libre cours à ses fantasmes les plus incontrôlés et les plus fous. Dans son esprit, il semble avoir substituer la technique (celle qui peut servir l’Homme tout comme L’asservir) à la science (celle qui n’est là que pour servir, guérir et soulager l’Homme). Cette confusion entre science et technique l’entraîne généralement dans une quête effrénée de la performance, du profit, de la productivité, de la consommation, du pouvoir. « Time is money. » (Caroline, la psy avare, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet).

 
 

b) 1 – Le détournement de la science par le sentiment et le génital : l’Amour réduit à une solution chimique ; le sexe envisagé comme une expérience scientifique

 

Il semblerait pour commencer que le héros homosexuel médecin ait souvent du mal à garder sa place de thérapeute, et ne respecte pas la bonne distanciation avec son patient. Par exemple, dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, les rapports entre patient et médecin sont inversés et beaucoup trop affectifs : « Cyril va me rendre folle. » (p. 193) déclare la psychiatre par rapport au garçon qu’elle suit en thérapie criminologique. Dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, Sofia la psy/conseillère conjugale gay friendly, finit par être déboussolée dans sa propre vie sexuelle par le couple homosexuel qui la consulte. Dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, Mister Jones, vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, est soigné dans une maison de repos par Bob, un jeune infirmier dont il tombe amoureux. Dans le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger, un homme, au bras dans le plâtre, se fait laver par la sensuelle éponge d’un infirmier. Dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil, Tom, le fan de Mylène Farmer, se voit conseiller par son médecin de « persévérer » pour sortir de sa pathologie. Il entend dans cet encouragement une invitation à le draguer.

 

Pièce "Une visite inopportune" de Copi

Pièce « Une Visite inopportune » de Copi


 

Pis encore. Il verse quasi systématiquement dans la compassion amoureuse. Très souvent les fictions homo-érotiques font s’entrelacer le docteur et son malade. Il n’y a qu’un pas entre le divan et le lit, entre le billot et la chambre à coucher ! : cf. la série gay espagnole Physico-Chimie, le film « La Sonde urinaire » (2006) de Camille Ducellier, la pièce Les Homos préfèrent les blondes (2007) d’Eleni Laiou et Franck Le Hen (avec Romu, le héros homosexuel, amoureux de son psy), le roman Adrienne Mesurat (1927) de Julien Green (avec Adrienne, l’héroïne, amoureuse du Dr Maurecourt), le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler (avec Karen et le Dr Joe Cardin), le film « Mauricio mon amour » (1977) de Juan Bosch, le film « Psy » (1980) de Philippe de Broca, la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar (avec Stéphane amoureux de son médecin), la pièce Je suis fou de ma psy ! (2007) de Chris Orlandi, le film « Anne Trister » (1985) de Léa Pool (avec Anne amoureuse de sa psy), le film « Parisian Love » (1925) de Louis Gasnier (avec le savant gay), le film « Doctors In Love » (1960) de Ralph Thomas, le film « ¿ Qué He Hecho Yo Para Merecer Esto ? » (« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? », 1984) de Pedro Almodóvar (avec le dentiste homo et pédophile), la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes (avec Frank, le héros homosexuel, en couple avec un psychiatre, le Dr Baldwin), la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi (avec l’infirmière amoureuse du professeur Vertudeau), la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim (avec le fantasme très marqué du beau médecin Yuri), etc.

 

Par exemple, dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, George tombe amoureux de son « infirmier » Kenny. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory est tombé amoureux de son camarade d’enfance Peter, qui, une fois adulte, devient dentiste ; pour le draguer dans son cabinet et avoir le plaisir d’être consulté, il va s’inventer des faux problèmes dentaires. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam soigne et lave Lukacz, qui va tomber amoureux de lui. Dans le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina, la femme-fillette anonyme embrasse sa soignante. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Nono se « fait sauter » par son psy « à chaque séance, deux fois par semaine ». Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Ernst dit « bien aimer » (pp. 15-16) son ophtalmo et veut lui offrir un collier de perles, ce qui n’est pas du tout du goût de son père. Dans le film « Dis bonjour à la dame » (1976) de Michel Gérard, Rémi Laurent, un adolescent, met la main sur la cuisse de son psy. Dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, la psychiatre (double androgynique de Cyril) est amoureuse du professeur G. Dans la pièce Les Monologues du pénis (2007) de Carlos Goncalves, Sylvain, le personnage homosexuel, tombe amoureux de son médecin. À la fin du film « Le Zizi de Billy » (2003) de Spencer Lee Schilly, Billy, le héros homosexuel, sort avec le médecin qui l’a soigné. Dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt, Eddy se fait draguer par un médecin qui lui fait une « petite moue » pleine de sous-entendus. Dans le film « Laberinto De Pasiones » (« Le Labyrinthe des passions », 1983) de Pedro Álmodóvar, la psychanalyste s’occupe de Sexi uniquement pour coucher avec le père de celle-ci, lui-même scientifique. Dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018, Jérémie Elkaïm, l’interne à l’hôpital, est homosexuel et le futur amant de Victor. Dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion, Darling, le héros travesti M to F, presse les couilles du médecin hétéro qui vient à domicile chez Marie.

 

Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Lola sort avec sa prof de physique quantique Vera qui construit méticuleusement autour d’elle une relation tout à fait chimique et intellectuelle. Nina, la maîtresse de Lola, décrit la « mécanique des fluides » circulant entre Lola et Vera. Vera fait le parallèle entre les aventures « extraconjugales » de Lola avec Nina et sa propre activité professionnelle « scientifique » : « Pendant que tu t’enverras en l’air, moi je regarderai sauter les neutrons. » Quant à Nina, elle tombe amoureuse d’un dentiste, Pierre-André, qui la flatte sur ses faux talents artistiques.
 

Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en thérapie un couple gay Benjamin/Arnaud parce qu’Arnaud ne s’assume pas comme homo. Et il se trouve que ce thérapeute est homosexuel et va, pour sauver ses patients du naufrage « conjugal », coucher avec Arnaud pour le guérir de l’hétérosexualité. Il leur soumet l’échelle de Kinsey pour les forcer à l’homosexualité. Il élabore une thérapie intrusive, le « Deep in your house », par laquelle il cherche à vivre un couple homosexuel à trois. Il finira même par coucher avec Arnaud à l’insu de Benjamin.
 

« Anna envoyât chercher le docteur. Trouvant que la petite n’avait rien de grave, il prescrivit une dose de poudre de Grégoire. Stephen [l’héroïne lesbienne] avala l’odieux breuvage sans un murmure, presque comme si elle l’aimait ! » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 38) ; « Moi, j’l’ai su dès la naissance, quand je suis tombé amoureux de l’infirmier. » (Samuel Laroque évoquant son premier éveil homosexuel, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « On va faire l’amour dans ton cabinet. » (Fabien s’adressant à son amant et médecin Hugues, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « Le premier homme avec lequel Romain franchit le gué fut le psy. » (Françoise Dorin, Les Julottes (2001), p. 97) ; « Le psychanalyste l’excite, voilà pourquoi Irena refuse de se soumettre au traitement. » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 35) ; « C’est des années plus tard que je me suis demandé si je n’avais pas un peu extrapolé la situation. » (Jarry, le héros pourtant homosexuel, disant son émoi par rapport à l’infirmière, dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « J’adore mon dentiste. » (Benjamin, un des héros homosexuels de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Il est mignon ce chirurgien. » (Jefferey Jordan, mimant la réaction du bébé découvrant son gynéco à sa naissance, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; etc.

 

La psychanalyse ou la médecine sont substituées par le mot « amour » (… et surtout, en acte, par le sexe sans Amour !). Que le héros homosexuel soit concrètement diplômé de médecine ou non, peu importe. Avec son amant, ils font comme s’ils vivaient une expérience (scientifique, fusionnelle) ! « À défaut d’une infirmière, je me suis rabattue sur Chloé. » (la P’tite Blan dans la B.D. Coming soon : naissance d’une déviante (2009) de Blandine Lacour et Galou) ; « Jouis tout ce que tu confesses. […] Il glisse l’abdomen dans l’orifice à moi. […] Confidence sur divan, on se psychanalyse. […] Jouis tout ce que tu sussures. » (cf. la chanson « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer) Par exemple, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Roberto/Octavia, le héros transsexuel M to F, conseille à Elsa de suivre une analyse, et s’improvise psychothérapeute de charme : « J’ai étudié la psychothérapie pendant des années. Tu t’allonges ? » Dans la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010) d’Essobal Lenoir, la pénétration anale de la sodomie homosexuelle est euphémisée par la métaphore comparative de l’insertion du thermomètre dans l’anus : « Je pris donc sa température. » (p. 59).

 

Sans être nécessairement médecin de métier, le libertin homosexuel fictionnel s’achète une conscience par le biais de la science, présente un joli certificat médical en espérant qu’on ne voit pas que la signature en bas est bidon, qu’il est nu sous sa blouse blanche, que son discours est beaucoup plus sentimentaliste que réellement fonder sur les faits, que le docteur qu’il joue à être n’est en réalité qu’un prétexte de plus (le serment d’hypocrite !) pour aller baiser à droite à gauche sans (se) l’avouer (« Je ne drague pas et je ne nique pas ! : je vis juste une Expérience sensible, une Exploration sensuelle ; c’est pour une étude sociologique… » soutient-il sincèrement) : « Ce serait pas le tromper : ce serait de l’expérimentation. » (Ninette parlant de son mari à son amante et amie Rachel, dans la pièce Three Little Affairs (2010) d’Adeline Piketty) ; « Laisse-toi cueillir âme sœur exquise, à la marge, limite, banquise, le désordre des sens, le démon qui te pique, comme la nature chimique de mon attachement à toi. » (cf. la chanson « Les Fleurs de l’interdit » d’Étienne Daho) ; « Un homme pense en général au sexe 13 fois par jour… oui, je suis anthropologue… » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Oui, j’étudie les hommes depuis des années, professionnellement… un peu comme une prostituée en somme… » (idem) ; « Les rapports sexuels augmentent la production d’adrénaline et de cortisol, deux stimulants de la matière grise : le sexe rend donc plus intelligent ! C’est scientifique. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « J’adore toutes les expériences. Surtout les sorties de corps. » (le compositeur homosexuel Érik Satie dans la pièce musicale Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « Je décidai de devenir le polytechnicien de l’amour. » (Eugène, le héros homosexuel du one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien) ; etc.

 

Souvent, le héros homosexuel élabore une théorie scientifiste jargonnante d’intensification de la libido humaine, de guérison de l’être par l’orgasme et le bien-être. Par exemple, dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny a peur de s’abandonner sur l’eau, et donc son amant Romeo lui apprend à faire « la planche » dans la mer : « Pour flotter, il faut lâcher prise et tout oublier. » On retrouve la même scène d’atelier sophrologique dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, avec Adam qui apprend à son futur amant Lukacz à ne pas avoir peur de l’eau.

 

À entendre le personnage homosexuel, il « aime » comme il fait un calcul mathématique (on pourrait tout à fait parler, dans son cas, d’« algèbre du désir »), comme il crée un parfum. Il « fait l’amour » comme il mènerait une opération délicate : avec la froideur et la précision d’un chirurgien de laboratoire. Bip… Bip… Bip… Gants… Vaseline… Menottes… Caresses… Succion… Pénétration… Objectif : atteindre le point G ! … et, au fond, transformer l’amant et lui-même en objets sacrés. « Je veux poser sur le papier la résolution définitive que j’ai prise hier soir : tout mettre en œuvre pour accéder au plaisir que je prends à la compagnie des femmes. Tout combiner des situations, utiliser les sentiments des autres pour accéder au charnel et à ses paroxysmes. Le seul espace où je me sente appartenir au monde des vivantes, quand l’esprit disparaît enfin devant les sensations du corps. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 26) ; « Je revins à son ‘principal [comprendre : le clitoris] avec une lenteur et une précision que je voulais parfaites. […] De nouveau j’approchai ma bouche de son ‘principal’ et repris le travail que tout à l’heure j’avais commencé. » (idem, pp. 200-201) ; « Après l’avoir laissée [l’amante] dans le bâtiment Puchkine, je sentis mon cœur déborder d’un savoir que je ne sus pas identifier sur-le-champ. J’avais tant de fois imaginé ce qu’avait dû ressentir Newton quand la pomme lui était tombée sur la tête, lui révélant brusquement les lois de l’attraction universelle. […] J’aurais aimé qu’il y ait eu un objet tout simple comme une pomme, quelque chose de palpable que je pourrais observer de près et tenir en main, humer et mordre. » (Anamika, l’héroïne lesbienne, étudiante particulièrement forte dans les matières scientifiques, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 11) ; « Toute personne censée comprendre le calcul différentiel et intégral, et la dérivation des formules sur la force centrifuge, devrait être autorisée à avoir des relations amoureuses, pensai-je. » (idem, p. 19) ; « Je regrettai de ne pas avoir prêté plus d’attention aux détails techniques dans le livre de Vatsyayana. » (idem, p. 60) ; « Dans le car qui me ramenait chez moi, je décidai que trois était le chiffre parfait. Avec deux liaisons, on était écartelé entre deux choix simples. Il y avait là quelque chose de linéaire. J’étais en train de lire un livre en vogue sur la théorie du chaos, d’après lequel le chiffre trois impliquait le chaos. Je désirais le chaos parce que grâce à lui je pourrais créer mon modèle personnel. Je regardais les beaux objets fractals illustrant le volume et voyais Sheela, Linde et Rani [les trois amantes simultanées d’Anamika] dans l’un d’eux, s’amenuisant au fur et à mesure, le motif se répétant à l’infini. Je refermai le livre, convaincue d’avoir choisi la façon de mener ma vie. Le chaos était la physique moderne, c’était la science d’aujourd’hui. » (idem, pp. 64-65) ; « La physique, c’est faire l’amour. » (idem, p. 96) ; « Même à la piscine, le chlore sentait bon. Puissions-nous trouver un jour, le dosage de ce mélange chimique, qui une fois injecté, nous maintiendrait amoureux toute la vie, dans cet état second où tout paraît si beau. » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 98) ; « Pourquoi mon cœur, qui n’a pas d’yeux, s’agite-t-il autant quand je te croise […] ! Quelle réaction chimique déclenche cette agitation ? » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 306) ; « Quand est-ce qu’on refait l’amour ? On le réinvente maintenant comme à chaque fois. L’amour est le facteur exponentiel des corps. On se multiplie l’un l’autre. Rien de tout ça ne nous a été transmis, appris. Tout ça on l’avait dedans. » (cf. la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier, pp. 18-19) ; « L’esprit fort est le roi. Il règne ainsi sur la matière. » (cf. la chanson « Méfie-toi » de Mylène Farmer) ; etc.

 

« Aie confiancccce » dans le film « Le Livre de la Jungle » de Walt Disney

 

Sans le vouloir, car son esprit d’esthète romantique le lui interdit, le héros homosexuel traite ses amants comme des souris de labo, sur lesquelles il va pouvoir tester sa culture (« sa » science !), sa sincérité et son pouvoir de séduction. On le voit parfois enrouler/enrôler son patient-compagnon (qu’il a préalablement anesthésié avec des drogues et des mots doux) dans son corps de serpent par la voie de la séduction et de l’hypnose (cette animalisation diabolisante ne doit pas nous paraître excessive, d’autant plus quand on pense que l’héraldique de la médecine est le caducée !). On retrouve beaucoup d’hypnotiseurs dans les œuvres homo-érotiques : cf. le roman The Jungle Book (Le Livre de la Jungle, 1894) de Rudyard Kipling, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec Élisabeth hypnotisant son frère Paul), le film « Ô Belle Amérique ! » (2002) d’Alan Brown (avec Brad, le héros homosexuel qui pratique l’hypnose), la série Dante’s Cove (saison 2, 2006) de Michael Costanza (avec le personnage de Grace), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec les séances d’hypnose de Catherine), le film « Dormez, je le veux ! » (1997) d’Irène Jouannet, le film « Cat People » (« La Féline », 1942) de Jacques Tourneur, le vidéo-clip de la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer (avec le loup envoûtant le Petit Chaperon Rouge), le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde (les yeux de Dorian Gray sur Lord Henry), etc. « Aies confianccce. » (Doris, l’héroïne lesbienne s’adressant à sa servante, Peggy, en chantant la fameuse chanson du « Livre de la Jungle », en l’hypnotisant, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, on assiste à un spectacle d’hypnotiseur de Karl Lagerfeld qui manipule son amant Jacques à distance et le transforme en tigre soumis, devant un public de dandys décadents. Dans le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou, Richard fait des massages de front relaxants à son amant Kai. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh), le Docteur Mann met de la drogue dans le café de Jane, l’héroïne lesbienne, pour l’endormir (p. 183)/

 

Le jeu d’hypnose se retourne presque systématiquement contre le héros homosexuel, littéralement pétrifié/réifié par le regard et la voix de son amant : « La nuit, je m’imaginais hypnotisé, épinglé dans ses collections, entre un papillon et une mygale. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 14) ; « Il faut que je ferme les yeux. » (Charlène Duval, le travesti M to F, opposant théâtralement une résistance à un amant captivant, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « On dirait qu’il t’a hypnotisé ! » (Jean-Henri s’adressant à son camarade homo Jean-Jacques à propos de l’amant de ce dernier, Jean-Marc, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Le père Walter leva la main droite et il redevint l’illusionniste qui avait hypnotisé les fidèles pour leur faire croire que leur dieu était parmi eux. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 209) ; « Sa voix était douce et hypnotique. » (Jane parlant du Dr Mann, idem, p. 227) ; etc.

 
 

b) 2 – Le détournement de la science par l’humour et le jeu :

 

Film "Taxi Zum Klo" de Frank Ripploh

Film « Taxi Zum Klo » de Frank Ripploh


 

La « science » que le héros homosexuel met en place se réduit souvent à un jeu de rôles, de séduction, où l’enjeu n’est pas tant le combat contre la souffrance et en faveur de la vie, mais plutôt une stratégie ludique de conquête de l’amour et de sa soi-disant « légèreté », une mise en scène adolescente : « À dix ans, je jouais les infirmières avec Laurence. » (Nathalie Lovighi dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles (2009) au Troisième Festigay du Théâtre Côté Cour) Par exemple, dans le roman Courir avec des ciseaux (2007) d’Augusten Burroughs, Augusten, le jeune héros homosexuel, veut devenir « star, ou docteur, ou coiffeur ». Dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, Sébastien fait semblant de psychanalyser Paul, son amant. Dans la pièce Une Nuit au poste (2007) d’Éric Rouquette, Diane s’improvise psychanalyste avec sa compagne de cellule Isabelle.

 
MÉDECINES Kang
 

Beaucoup d’auteurs homosexuels, sur le mode comique mais parfois aussi sur un registre beaucoup plus sérieux, nous proposent des théories « scientifico-artistiques » fondées sur l’inversion parodique et le détournement libertin : cf. le roman Sperme (2011) de Jacques Astruc (avec la typologie des différents spermes), la nouvelle « La Déification de Jean-Rémy de la Salle » (1983) de Copi (avec la fausse histoire anthropologique de la tribu des Boludos), la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot (avec la catégorisation diversifiée de toutes les sortes de pénis existant sur Terre), la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier (avec le panorama des zizis du monde entier que dévoile la Comtesse Conule de la Tronchade dans son Musée des bites), etc.

 

En dépit des apparences, le médecin gay friendly et pro-gaynie le sexe et la sexuation en mettant en avant le génital et la métaphore ; il tue le Sens et l’Humain en privilégiant les Sens ; il décorporéise le vivant en le regardant/disséquant de trop près au scalpel ou au microscope. Par exemple, dans le film « Morrer Como Um Homem » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues), le docteur Francisco, pour employer une image simple et illustrante, présente l’opération du changement de sexe M to F comme un simple pliage de papier. Une cocotte en papier, quoi !

 

L’homosexualité est (au départ ironiquement… mais au final, sérieusement) parodié par certains héros gays friendly ou homosexuels comme un virus qui se transmettrait de personne à personne. Par exemple, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, toute une assemblée de parents et d’élèves venue assister à la remise des récompenses des profs de l’université, joue à « être gay » par contamination avec le prof de lettres homo, Howard Beckett, qu’elle rêve de voir gagner le prix du « meilleur prof de l’année ». Ce genre d’analogies entre homosexualité et maladie, que ces personnages gays friendly s’empresseront d’attribuer aux autres « homophobes », est en réalité la preuve de leur propre homophobie intériorisée.

 

 

b) 3 – Le détournement de la science par la transcendance « artistique » ou « religieuse » :

 

La croyance du héros homosexuel en la science est tellement idolâtre et déconnectée du Réel (à force d’être puriste et cartésienne… voilà le paradoxe !) qu’elle se mute souvent en superstition religieuse ou amoureuse. « Le soleil était devenu, année après année, une grande obsession morbide pour Khalid. Il en parlait tout le temps. Il en avait une connaissance scientifique, intime, amoureuse. » (Abdellah Taïa, Le Jour du Roi (2010), p. 70) ; « Savais-tu qu’avant de devenir médecin, j’avais résolu d’entrer dans les ordres ? » (Randall, l’un des héros homosexuels du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) ; « Vous avez ouvert la Voie ! » (Arnaud, le héros homo qui ne s’assumait pas comme tel, et s’adressant à son médecin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 

La science devient à ses yeux une déesse à posséder comme un sceptre, ou bien une Muse cosmique et dominatrice. Par exemple, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, « L. », le héros homosexuel, se prosterne devant la poupée de la Doctoresse Freud : « Vous êtes si belle, doctoresse ! Je serai sage, doctoresse, je serai sage ! » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Mindy, l’hétérosexuelle bobo, fait de la chronothérapie.

 

Dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité, on assiste à de drôles de croisements entre science et mythologie (en général une mythologie du viol ou de la mort), entre médecine et sentiment, entre confrérie scientifique et secte artistique : cf. le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton (avec le cercle de parole queer et son atelier sophrologique intitulé « Mon corps est une construction sociale »), le film « Elena » (2010) de Nicole Conn (et les conférences New Age d’un psy pro-gay), le film « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, etc.

 

La jalousie pantoise du héros homosexuel vis à vis de la science est palpable, et ne tarde pas à se montrer sous un jour plus agressif, comme nous allons le voir maintenant…

 
 

b) 4 – Le détournement de la science par le militantisme politique « progressiste », techniciste, mégalomaniaque, pro-gay et finalement homophobe :

 

Le personnage homosexuel est à ce point persuadé qu’il peut incarner à lui tout seul la science (il suffit de la posséder, de la revêtir, de la « sentir », d’en connaître par cœur les formules alambiquées « qui font sérieux », croit-il) qu’il finit par se prendre pour Dieu, pour le Créateur des Hommes et de l’Amour, pour le Maître de la vie : cf. le film « Making Love » (1982) d’Arthur Hiller. C’est la Terre entière et ses habitants qui sont finalement englobés dans sa conception techniciste, sensibleriste, et donc anthropocentrée, de la science et du Réel. « J’ai toujours aimé expérimenter. Observer jusqu’à quel point je pouvais transformer les gens. C’est mon côté docteur Frankenstein. » (Amande, la peste du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 95) ; « Il doit exister quelque part une physique quantique de la rencontre, et il faudra bien l’inventer, croyez-moi, et nous l’inventerons. » (Vincent Garbo, le héros bisexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 228) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, Félix, l’un des héros homosexuels, est chimiste de formation, et envisage les contacts humains – et surtout amoureux – comme des solutions chimiques : « Tu sais que les réactions chimiques sont comme les relations humaines. » (p. 45) ; « Tu considères l’engrenage de la vie. » (idem, p. 71). Son discours est truffé de mariages consanguins entre science et sentiment : « Tu sais qu’un jour, la chimie reviendra à toi, qui lui restes fidèles. » (p. 71) Se prenant pour un médecin divin capable de fusionner avec sa Mère la Science, il prétend contrôler la beauté, créer l’Amour par ses propres moyens, devant son écran d’ordinateur.

 

Paradoxalement, le dandy homosexuel, complètement fleur bleue (voire comique) à certains moments, devient tour à tour dangereux, robotique et vulgaire dès qu’il passe à l’action et tente d’actualiser « scientifiquement » ses fantasmes amoureux : il parle de l’Amour de manière clinique et dépoétisée, comme s’il s’agissait d’une solution chimique entre deux robots, d’un processus physico-psychologique de causalité absolument imparable, d’un échange « logique » et contrôlable de phéromones corporels dans lequel Dieu et les Hommes n’auraient rien à voir, d’un scénario déjà écrit d’avance, où la liberté humaine – et même la douceur ! – n’ont pas du tout leur place.

 

En même temps que le héros homosexuel scientifise le sentiment et romantise la pulsion pour les faire fusionner, il annule les deux ! On retrouve des parodies de scientifiques – autrement dit des savants fous de laboratoire ou des sorciers – dans énormément de fictions homo-érotiques : cf. le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « De la chair pour Frankenstein » (1974) d’Antonio Margheriti et Paul Morrissey, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec le Dr Frank-N-Furter, travesti qui crée son amant Rocky, un Monsieur Muscles), le one-man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set (avec le « Docteur Queen »), le film « Frissons » (1970) de David Cronenberg (avec le savant fou), le film « Les 5000 doigts du Docteur T » (1952) de Roy Rowland, le film « La Fiancée de Frankenstein » (1935) de James Whale (avec les docteurs Frankenstein et Pretorius, en binôme homosexuel), le film « Island Of Lost Souls » (1933) d’Erle C. Kenton, le film « I Was A Teenage Frankenstein » (1957) d’Herbert L. Strock, le film « Beneath The Valley Of The Ultra Vixens » (1980) de Russ Meyer, le film « L’Effrayant Docteur H. » (1969) de Teruo Ishii, le roman L’Apprenti Sorcier (1964) de François Augiéras, le film « Amours mortelles » (2001) de Damian Harris (avec le psychiatre pervers), le film « Killer Kondom » (1996) de Martin Walz (avec la doctoresse folle), etc. Par exemple, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Adèle fait une grosse salade entre ses compétences d’« infirmière urgentiste » et la voyance (Son frère homo, William, s’en étonne : « Comment une personne telle que toi peut croire ce que disent les cartes ? ») ; et on ne peut pas dire que son chantage aux sentiments pour justifier à tout prix l’homosexualité de son frère soit des plus psychologiquement doux et honnêtes. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Marie-Ange est une psychologue de métier… un peu carrément marabout.

 

« Dire qu’il m’est venu des dons de sorcier juste au moment où ça ne peut me servir de rien. » (le narrateur homosexuel dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 42)

 

Au-delà du caractère surréaliste et risible du cliché du savant fou ou du médecin légiste libidineux (cf. je vous renvoie aux codes « Clonage », « Adeptes des pratiques SM », « Frankenstein » et « Liaisons dangereuses » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), les résultats de la confusion entre science et fantasme sont une hybridation à la fois banale et monstrueuse : sous couvert de la science et de la bonne intention, le héros homosexuel libertin justifie et pratique mine de rien la pression psychologique (cf. le film « La Manière forte » (2003) de Ronan Burke, avec le vol de sperme opéré par le couple de lesbiennes), le chantage sentimental/sensuel (cf. la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, avec le Dr Labrosse, l’obsédé homosexuel complet), le vol (cf. le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq, avec la mère porteuse dont le couple gay prend le bébé à la fin), le viol (cf. le film « Hable Con Ella », « Parle avec elle » (2001) de Pedro Almodóvar, avec Benigno, l’infirmier homosexuel chargé de soigner une jeune femme dans le coma, et qui finira par la violer), le meurtre, la manipulation génétique, la mutilation chirurgicale sur les personnes transgenres, etc. Par exemple, dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona, l’héroïne lesbienne, tue accidentellement sa belle-mère en lui administrant les mauvais médicaments.

 

Film "Production d'adultes" d'Aleksi Salmenpera

Film « Production d’adultes » d’Aleksi Salmenpera


 

Au bout du compte, on comprend que le héros homosexuel a tendance à ne s’intéresser à la science que pour les progrès artificiels ou dangereux qui flattent son Ego (la procréation médicalement assistée, le clonage, la chirurgie esthétique, l’opération pour changer de sexe, les moyens de contraception, le tantrisme, l’hypnothérapie, etc.), et non pour les avancées scientifiques plus « sociales » et bénéfiques au bien commun.

 

Face au constat et à l’ampleur de ses échecs à élaborer l’élixir d’Amour et de Réel, il arrive qu’il se mette à « maudire scientifiquement » ses solutions romantico-libertines et les créatures difformes que son orgueil a créées. La première de ses inventions étant ce qu’il a cru être « l’Amour » ou « Dieu ».

 

Non seulement il n’éradique aucune maladie, mais en plus, il en crée de nouvelles ! – « l’hétérosexualité », « l’homophobie », « l’amour », et même « l’homosexualité » –, maladies qu’il n’analyse pas, qu’il ne cherche surtout pas à comprendre, qu’il laisse germer, qui ne sont que des nomenclatures pseudo scientifiques qui occultent les réalités violentes qu’elles sont censées dénoncer – le couple femme-homme non-aimant et bisexuel dans le cas de la « maladie de l’hétérosexualité » ; la haine de soi, le désir homosexuel pratiqué, ou le viol dans le cas de la « maladie de l’homophobie », les désirs superficiels homos et hétérosexuels dans le cas de la « maladie d’amour » et « de l’homosexualité » – étiquettes dont la création pourra lui être ensuite imputée par la communauté scientifique bisexuelle (parfois sous forme d’agressions homophobes, pour le coup !).

 

Par exemple, dans la pièce Jeffrey (1993) de Paul Rudnick, la réticence à la soi-disant « Vérité identitaire et amoureuse de l’homosexualité » est montrée du doigt comme une maladie, un signe pervers d’homophobie intériorisée. Dans le film « Plus jamais honte » (1998) de John Krokidas, l’hétérosexualité est considérée comme une maladie. Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche sont proposées des sessions dans des centres (voire même des camps de concentration !) pour soigner les « femmes-mâles » et les « hommes auxiliaires masculins » hétérosexuels. Dans le spectacle Madame H. raconte la saga des transpédégouines (2007), Madame H. invite le public – majoritairement homosexuel ou gay friendly – à chasser le virus de l’homophobie, en finissant par demander à chaque spectateur de se frapper lui-même.

 

Le héros homosexuel croit tellement que l’identité ou que l’amour homosexuels sont des données uniquement physiologiques et subies que, fatalement, dès que ceux-ci montrent leurs faiblesses (et Dieu sait combien ils en ont !), il se retourne contre eux en les définissant comme des viles pulsions, des maladies incurables, follement « sexy » (et, par ricochet, il s’autoproclame « malade » !) : cf. le roman Un histoire d’amour radioactive (2010) de Antoine Chainas.

 

« C’est la plus belle des maladies, celle dont il ne faut surtout pas guérir… » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 107) ; « Je compris soudain pourquoi on parlait de maladie d’amour. J’étais vraiment malade. » (Bryan, op. cit., p. 272) ; « Je ne cesse de vous écrire dans ma tête. C’est comme une maladie, une douce maladie. Il y a des douleurs qu’on dit exquises. » (Émilie à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 18) ; « J’aimerais tellement que vous soyez atteinte du même mal que moi ! » (idem, p. 72) ; « Sexy coma… sexy trauma… Sexy coma… sexy trauma… » (cf. la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer) ; « Ednar luttait contre ce désir qui l’accablait sans relâche. Il se crut d’abord victime d’une mystérieuse maladie ou d’une malédiction avant de prendre conscience de cette sexualité qui s’éveillait en lui. » (Jean-Claude Janvier-Modeste dans son roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011), p. 20) etc. Par exemple, dans le film « Sitcom » (1997) de François Ozon, l’homosexualité se transmet par les rats, comme la peste.

 

Par la création de ces nouvelles maladies partiellement mythologiques (« l’homophobie », « l’hétérosexisme », etc.) et de leurs faux remèdes (« l’homosexualité » déclinée en couple ou en identité fondamentale), le héros homosexuel ne supprime le mal, mais au contraire le nourrit secrètement, l’occulte, et désigne comme « ennemis » ses réels antidotes (réconciliation avec soi-même, accueil du mystère de la différence des sexes, découverte de l’existence d’un Dieu aimant et plus grand que l’Homme), les seuls qui mettent en péril son unicité/son fantasme de toute-puissance, et qui l’appellent à se décentrer pour aimer vraiment librement (et non plus seulement « techniquement »).

 

L’expérimentateur homosexuel se focalise sur l’innovation (notion ô combien publicitaire et éphémère !) pour délaisser le progrès. Pire, il reproduit la barbarie et la tyrannie qu’il prétend combattre ! Par exemple, dans sa chanson « Réévolution », Étienne Daho proclame que « les arts et les sciences, et la différence, dans un monde réévolué » seront le nouveau genre humain.

 

Il arrive que le héros homosexuel louvoie et couche, à travers la science, avec ses clones scientifiques homophobes. Par exemple, dans le vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer, le bloc opératoire des savants fous nazis se transforme en bacchanales. Loin d’apporter des solutions aux maux qu’il veut combattre, il crée ou mime des souffrances parallèles. Par exemple, dans le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, la dictature du sadomasochisme homosexuel répond à l’enfer du milieu hospitalier et de la trithérapie. Dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, le professeur Vertudeau pratique des lobotomies. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, les psychiatres, qu’ils soient homophobes ou homosexuels, se font miroir, tout en étant soi-disant concurrents : en effet, le Dr Apsey essaie de convertir à l’hétérosexualité Frank, le petit copain de son ennemi juré, le Dr Jonathan Baldwin… mais il cultive une telle ambiguïté pour son jeune patient qu’on ne doute pas une seule seconde de son homosexualité latente. Quant à Jonathan, il exprime aussi un élan d’attraction-répulsion mi-homosexuel mi-homophobe pour son confrère psychiatre : « Il arrive que des patients s’attachent à leur thérapeute. Si je l’avais comme psy, il pourrait peut-être me faire bander. » (Jonathan parlant ironiquement à son amant Frank du Dr Apsey, dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes)

 
 

c) La supercherie scientifique homosexuelle débusquée :

L’illusion de science que le héros homosexuel a créée ne fait pas long feu. Comme il s’est appuyé davantage sur ses fantasmes de toute-puissance et de possession que sur le Réel et l’Amour, il apparaît comme un charlatan, un inutile, un prétentieux, un savant mi-homosexuel mi-homophobe, ou un fou, aux yeux de la réelle confrérie scientifique planétaire. « Ce sont eux qui me poussent à quitter ma chaire à la Faculté. Mes méthodes de guérison leur paraissent de plus en plus suspectes. Ma médecine est trop humaine pour le monde glacé des laboratoires. […] Et vous, si vous voulez un conseil, soignez-vous par les plantes. » (le professeur Vertudeau dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Pensez-vous qu’ils étudient ? […] Les médecins ne peuvent faire penser les ignorants. » (Adolphe Blanc, médecin parlant des invertis à Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 508) ; « Toi tu arrêtes d’analyser tout le monde, tu commences par t’analyser toi. » (l’héroïne lesbienne Claude à son pote homo Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 108-109) ; « Polly [l’héroïne lesbienne] dit que la sexualité, de toute façon c’est dans la tête, et en réinterprétant Freud, ‘On est tous des bisexuels qui faisons des choix. » (Mike Nietomertz, op. cit., pp. 67-68) ; « Jane n’arrivait pas à croire en Dieu et elle n’avait jamais vraiment été douée en sciences. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 86) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La prétention d’être scientifique :

Beaucoup de personnes homosexuelles, pour justifier leur désir homosexuel et les actes (amoureux et génitaux) qu’il les engage à poser, le présentent comme « naturel », « scientifique » et indiscutable (cf. je vous renvoie au code « « Plus que naturel » » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « L’homosexualité a toujours été la plus spontanée des attirances. » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 30) Elles créent des ponts langagiers abusifs, des connexions peu évidentes entre science et homosexualité : je vous renvoie par exemple aux nombreux discours hygiénistes sur l’amour en temps de Sida, à la défense de la naturalité de l’homosexualité à travers la lutte contre l’exclusion des personnes homosexuelles au don du sang, etc. Elles reprennent à leur compte les mots à la mode du jargon scientifique traditionnel (« résilience », elles aiment bien ^^) … mais souvent de manière très scolaire (cf. Sylvia Jaén dans l’article « Sí, Se Puede Tocar Una Utopía » de l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 131).

 

Film "House Of Boys" de Jean Claude Schlim

Film « House Of Boys » de Jean Claude Schlim

Leurs sympathisants hétéros-gay friendly, notamment des médecins et des thérapeutes, soucieux de se racheter une bonne image auprès d’elles, ou de les sortir du marasme sentimental dans lequel elles s’engluent, vont généralement dans le sens de cette sincérité et de cette croyance en la scientificité de l’homosexualité. Dans les médias, on voit de plus en plus de « psys du Loft » compréhensifs, de psychiatres de comptoir, afficher une image d’ouverture et de tolérance que n’auraient pas eues leurs poussiéreux aïeux, et s’adresser à nous en des termes rassurants pour défendre la normalité de l’homosexualité et combattre « l’Hydre de la Culpabilité » ou de « l’Homophobie intériorisée » ! En général, celui que les journalistes présentent comme un « psychiatre des hôpitaux, psychanalyste, thérapeute familial et conjugal », s’exprime devant les caméras avec un faux calme, une décontraction travaillée (bobo, quoi), comme si on avait cinq ans d’âge mental. J’en tiens pour preuve les récentes interventions des « psys médiatiques » tels qu’Élisabeth Rudinesco, Serge Hefez, Benjamin Lubszynski (ci-dessous), Stéphane Nadaud, Stéphane Clerget, Yves Ferroul, Joseph Agostini, etc. Et le pire, c’est que leur comédie est très sincère !

 

Je vous invite à écouter également la psy « trop cool » de l’une des femmes lesbiennes interviewées, Charlotte, dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy de l’émission Tel Quel, diffusée sur la chaîne France 4, le 14 mai 2012.

 

Ensuite, un certain nombre de personnes homosexuelles se targuent d’être d’éminents scientifiques… et même des soignants plus puissants, plus humains, plus désintéressés, plus modernes, que les médecins traditionnels (cf. je vous renvoie au code « Médecin tué » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) ! « Comme le dit Foucault, il faut liquider la psychologie. » (Albert Le Dorze, La Politisation de l’ordre sexuel (2008), pp. 151-152) ; « C’est l’antipsychiatrie qui correspond le mieux, au niveau conceptuel, à la pensée queer. […] C’est en débarrassant le sujet de tout cadre qu’on donne au patient la possibilité de se retrouver. » (p. 193) ; « Nous devrions nous conduire, Foucault nous y invite, jour après jour, en médecins de nous-mêmes. » (cf. la conclusion d’Albert Le Dorze, op. cit., p. 230) ; « Je me sens, par moments, non pas, comme certains voudraient le faire croire, ‘l’égal des dieux’, mais parfaitement capable de traiter mon engouement pour les hommes ‘en médecin, en naturaliste, en moraliste même, en sociologue et en historien’. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 91)

 

Elles prétendent souvent se substituer à leur thérapeute, et inversent les rôles : « J’ai fait le psy moi-même ! » (Nancy, un homme transsexuel M to F, dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan)

 

Certaines personnes homosexuelles se piquent au jeu de l’analyse et de l’auto-analyse psychanalytique, pensent qu’une personne n’a la légitimité de parler d’un sujet de société qu’à partir du moment où elle est « en analyse », ou bien si elle a reçu une « formation ». Sinon, elle n’a pas l’habilitation ! On les voit faire des interprétations tirées par les cheveux, saupoudrées de jargon scientifique et de mots ronflants qu’apparemment elles ne comprennent pas. Elles recrachent scolairement du concept. Par exemple, dans son autobiographie Mauvais genre (2009), l’essayiste Paula Dumont raconte qu’elle consulte de temps à autre le Petit Larousse de la Médecine pour tirer des conclusions sur les pathologies des gens de son entourage.

 

La science, c’est parfois leur terrain professionnel officiel : pensons à toutes les personnalités homosexuelles qui ont une formation de soignants ou qui ont travaillé dans les hôpitaux (Gertrude Stein, Michel Foucault, Jean Cocteau, etc.). Et attention, ça ne rigole plus ! Il existe, aujourd’hui et partout dans le monde, des groupes de parole thérapeutiques spécifiquement homos, des associations LGBT consacrées à la prévention et à l’hygiène sexuelle, des confréries de psys gay, des AMG comme on dit (Association de Médecins Gays). À quand les hôpitaux gay… ?

 

Pour ma part, j’ai rencontré beaucoup de personnes homosexuelles sur les bancs de la fac de médecine et de « psycho », ou bien dans les métiers de la santé (infirmiers, médecins, chirurgiens, psychologues et psychiatres). Il y aurait, à mon avis, plein de conclusions intéressantes à tirer de cet effet-aimant là (le psy qui cherche à se soigner lui-même en croyant soigner les autres) ! Un homme homosexuel d’une cinquantaine d’années m’a écrit un mail le 22 mars 2021 me confessant ceci : « Pratiquement dès le début, tout le monde me disait que je devais aller voir un psychiatre, et que l’insomnie est une maladie psychiatrique. Quand j’ai dit à mon premier psychiatre – je changeais souvent mes psychiatres, tant ils étaient cons et incompétents – que je me faisais des soucis à cause de mes désirs homosexuels, j’ai reçu comme réponse: “Oh, si ce n’est que ça! On va résoudre ton problème très vite. Tu dois juste t’accepter tel que tu es, et te débarrasser de tous les obstacles qui t’empêchent de vivre ton homosexualité pleinement. Et la première chose que tu dois bannir, c’est la religion.” Je te jure, Philippe, que tous les psychiatres et psychologues que j’ai vus – ça doit être au moins 15 au total – m’ont dit que je dois arrêter de croire pour devenir heureux. Sauf un qui a avoué que ce n’est pas si simple que ça (il était plus âgé que les autres). Je peux te confirmer aussi que la plupart des psychologues à qui j’ai parlé sont eux-mêmes homosexuels et athées convaincus. Les milliers d’heures de thérapies n’ont rapporté rien, sauf le fait que je sais maintenant que la psychologie comme elle est pratiquée à notre époque est tout à fait inutile pour aider une personne croyante qui se sent homosexuel. Dire à une personne qu’il doit arrêter de croire, c’est le conseil le plus stupide que j’ai jamais entendu. Et la phrase “Oh, si ce n’est que ça!” me fait mal encore aujourd’hui, alors que ça fait 14 ans depuis que ce psychiatre stupide me l’a dite. ».

 
 

b) Les détournements de la science :

Certaines personnes homosexuelles conspuent la communauté scientifique, bien souvent parce qu’elles la jalousent et l’idéalisent trop. C’est pourquoi elles en font souvent une caricature sérieuse, un détournement qu’elles prennent beaucoup plus souvent au premier degré que leur sincérité ne l’imagine. Leur appartenance au monde scientifique est pourtant inscrite noir sur blanc sur leur badge… mais dans les faits, on constate qu’elles jouent régulièrement de leur statut de médecins ou de docteurs pour laisser libre cours à leurs fantasmes les plus incontrôlés et les plus fous. Dans leur esprit, elles semblent avoir substituer la technique (celle qui peut servir l’Homme tout comme L’asservir) à la science (celle qui n’est là que pour servir, guérir et soulager l’Homme). Cette confusion entre science et technique les entraîne généralement dans une quête effrénée de la performance, du profit, de la productivité, de la consommation, du pouvoir.

 
 

b) 1 – Le détournement de la science par le sentiment et le génital : l’Amour réduit à une solution chimique ; le sexe envisagé comme une expérience scientifique

 

Il semblerait pour commencer que les personnes homosexuelles/bisexuelles médecins aient souvent du mal à garder leur juste place de thérapeutes, et qu’elles ne respectent pas la bonne distanciation avec leur patient (parfois lui-même homosexuel). J’en connais beaucoup qui encouragent ce dernier à un mode de vie conjugal homosexuel, à la recherche de « l’amour », sans mesurer les conséquences souvent désastreuses de leur relativisme « décomplexant et dédramatisant ».

 

Pis encore. Il arrive avec lui qu’elles versent dans le copinage gémellaire d’orientation sexuelle, voire la compassion amoureuse !

 

La pub « Sugar Baby Love » d’AIDES (c’est surtout la fin qui est intéressante)

 

L’un des contes de fée cachés (et incestuels) que se racontent beaucoup de personnes homosexuelles, c’est celui qui orchestre qu’elles finissent miraculeusement leur vie dans les bras d’un beau médecin musclé. Par exemple, la romancière nord-américaine Carson McCullers, pourtant lesbienne, croit se mourir d’amour pour le médecin qui l’a soignée, le Dr Robert Myers. Quant à Max Jacob, pourtant mourant, il chuchotera à l’oreille du médecin qui s’est penché sur lui : « Vous avez un visage d’ange. » (Max Jacob cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 277) Dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, Catherine, femme lesbienne de 32 ans, raconte qu’elle est tombée vraiment amoureuse de sa gynéco (p. 130). Dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, Brüno drague son psy.

 

« Une seule fois dans ma vie, après le gros coup de fatigue que j’ai subi en 1993, je suis allée consulter un psychiatre, pendant sept mois, à raison de deux séances par semaine. J’étais ravie de ne pas avoir affaire à une femme, car j’avais très peur de faire un transfert, c’est-à-dire de tomber amoureuse de ma psy hypothétique. » (Paula Dumont, Mauvais genre (2009), p. 113) ; « Mes parents ont fini par me demander si je voulais voir un psychiatre. Et j’ai dit oui. Donc ils m’ont pris rendez-vous avec le psy de l’université. Je suis allé le voir. Je suis rentré dans son cabinet. On s’est regardés et on a compris tous les deux qu’on était tous les 2 homos. » (Philip Bockman, vétéran gay, dans le documentaire « Stonewall : Aux origines de la Gay Pride » de Mathilde Fassin, diffusé dans l’émission La Case du Siècle sur la chaîne France 5 le 28 juin 2020).

 

Il n’y a qu’un pas entre le divan et le lit, entre le billot et la chambre à coucher ! Les faits nous le prouvent… Je connais personnellement des médecins qui, en consultation, en ont profité pour draguer et coucher avec leur patient ; ou bien des amis homos qui se sont laissés caresser, embrasser, sucer, par leur médecin traitant, pendant leur adolescence, le tout en justifiant le dérapage par la « nécessité du soin » et le plaisir physiologique ressenti par cette « expérience » inédite ! Le secret professionnel sert parfois de couverture à l’acte homosexuel, voire même au viol. Ne soyons ni paranos ni naïfs !

 

Par ailleurs, je vois combien les démarches préventives de santé, les interventions en milieu scolaire, les campagnes médiatico-scientifiques de lutte contre le Sida, sont, pendant les Gay Pride et dans les associations LGBT militantes notamment, les cautions morales d’une drague frénétique et d’une consommation sexuelle souterraines : on peut niquer tranquille et comme on veut, puisque c’est safe ! Et maudit soit celui qui ose remettre en cause le « travail formidable des médecins gay » au sein de la communauté homosexuelle !!!

 

Au sein de la communauté homosexuelle, la psychanalyse ou la médecine sont substituées par le mot « amour » (… et surtout, en acte, par le sexe sans Amour !). Que les individus homosexuels soient concrètement diplômés de médecine ou non, peu importe. Avec leur(s) amant(s), ils font comme s’ils vivaient une expérience (scientifique, fusionnelle) ! La « science » dont ils parlent est en réalité un expérimentalisme hédoniste et libertin : « Je suis contre tous les tabous sexuels. Je suis pour toutes les libérations. Je ne m’effraye d’aucune combinaison d’ordre sentimental ou érotique, estimant que chaque individu a le droit de disposer de son corps comme il lui plaît et de se livrer à certaines expériences. » (Gérard de Lacaze-Duthiers cité dans l’article « Inversion sexuelle » d’Eugène Armand, dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 398) Par exemple, Patrice Maniglier parle de fonder « une communauté homosexuelle sans rôle complémentaire, où les identités sont réversibles, […] un champ d’expérimentation des possibilités du corps » (cf. l’article « Penser la Culture gay » de Patrice Maniglier, dans le Magazine littéraire, n°426, décembre 2003, p. 59).

 

Sans être nécessairement médecin de métier, certains libertins homosexuels s’achètent une conscience par le biais de la science, présentent un joli certificat médical en espérant qu’on ne voit pas que la signature en bas est bidon, qu’ils sont nus sous leur blouse blanche, que leur discours est beaucoup plus sentimentaliste que réellement fonder sur les faits, que les docteurs qu’ils jouent à être n’est en réalité qu’un prétexte de plus (le serment d’hypocrites !) pour aller baiser à droite à gauche sans (se) l’avouer (« Je ne drague pas et je ne nique pas ! : je vis juste une Expérience sensible, une Exploration sensuelle ; c’est pour une étude sociologique… » soutiennent-ils sincèrement).

 

Souvent, ils élaborent une théorie scientifiste jargonnante d’intensification de la libido humaine, de guérison de l’être par l’orgasme et le bien-être. À les entendre, ils « aiment » comme ils font un calcul mathématique (on pourrait tout à fait parler, dans leur cas, d’« algèbre du désir »), comme ils créent un parfum. Ils « font l’amour » comme ils mèneraient une opération délicate : avec la froideur et la précision d’un chirurgien de laboratoire. Bip… Bip… Bip… Gants… Vaseline… Menottes… Caresses… Succion… Pénétration… Objectif : atteindre le point G ! … et, au fond, transformer l’amant et eux-mêmes en objets sacrés.

 

Sans le vouloir, car leur esprit d’esthètes romantiques le leur interdit, ils traitent leurs amants comme des souris de labo, sur lesquelles ils vont pouvoir tester leur culture (« leur » science !), leur sincérité et leur pouvoir de séduction. On les voit parfois enrouler/enrôler leur patient-compagnon (qu’ils ont préalablement anesthésié avec des drogues et des mots doux) dans leur corps de serpent par la voie de la séduction et de l’hypnose (cette animalisation diabolisante ne doit pas nous paraître excessive, d’autant plus quand on pense que l’héraldique de la médecine est le caducée !). « Il n’était pas mon genre. Pas du tout même. Mais il me regardait. Ses yeux étaient noirs, grands, profonds. Quand il les braquait sur moi, je ne savais que faire. Je devenais timide, petit enfant bien élevé. Malgré moi j’étais comme hypnotisé par un je-ne-sais-quoi en lui qui me dépassait, me transportait et qui se logeait dans son regard perçant et légèrement ironique. » (Abdellah Taïa parlant de son amant Javier, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 36) J’en ai rencontrés beaucoup, des « gourous non-agréés » à la voix anesthésiante et grisante de steward de Minitel rose, des beaux parleurs entreprenants-mais-pas-trop, des Don Juan « thérapeutes » (prétentieux et insouciants à 20 ans, « vieux beaux » non moins prétentieux à 40-50…) qui vous draguent nonchalamment, très nonchalamment…, en vous racontant des mots doux, en vous « proposant » l’air de rien leurs mains « d’experts » (en massages tantriques, bien sûr), leurs yeux langoureux, … leurs bites (oh pardon ! Ma braguette s’est ouverte accidentellement, à l’insu de mon plein gré…).

 
 

b) 2 – Le détournement de la science par l’humour et le jeu :

 

MÉDECINES Sida

 

La « science » que certaines personnes homosexuelles mettent en place se réduit souvent à un jeu de rôles, de séduction, où l’enjeu n’est pas tant le combat contre la souffrance et en faveur de la vie, mais plutôt une stratégie ludique de conquête de l’amour et de sa soi-disant « légèreté », une mise en scène adolescente : « Nous montâmes un intermède d’un auteur espagnol. Je faisais le coiffeur du village et Ernestino le médecin. » (Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), p. 196) ; « Petit déjà… Je sais maintenant d’où vient cette curiosité excessive que j’avais de zieuter les autres garçons dans les vestiaires de la piscine x). Faut dire aussi que les seules fois où j’ai joué au docteur, c’était avec des garçons. La curiosité, bien sûr. » (cf. le témoignage d’Erwan, homosexuel, dans la rubrique « Déjàtoutpetit » du site Yagg, publié le 7 février 2012)

 
 

b) 3 – Le détournement de la science par la transcendance « artistique » ou « religieuse » :

 

Beaucoup d’auteurs homosexuels, sur le mode comique, mais aussi parfois sur un registre spirituel plus sérieux, nous proposent des théories « scientifico-artistiques », des méthodes analytiques parallèles (par exemple : la pataphysique et l’adolphisme d’Alfred Jarry – le dramaturge a souhaité fonder « une société de recherches inutiles et savantes » –, la paranoïa critique de Salvador Dalí, le surréalisme anti-surréaliste de Jean Cocteau, la schizo-analyse de Gilles Deleuze, le mouvement bisexuel-asexualisant queer actuel, etc.), des raisonnements conceptuels limite « universitaires » mais fondés sur l’inversion et le détournement libertin. C’est la raison pour laquelle des artistes tels que le cinéaste italien Pier Paolo Pasolini, sont décrits comme des scientifiques de laboratoire, « des expérimentateurs incessants » (cf. l’article « Pier Paolo Pasolini » de Francesco Gnerre, sur le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 353) Certains chercheurs homosexuels tentent de faire passer l’art pour un substitut de la science : « La science ne pourrait-elle devenir fictionnelle ? » (Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 87) D’ailleurs, dans les universités d’été organisées par les associations LGBT, lors de leurs séminaires et colloques « scientifiques », ou même dans les clubs de bien-être, de remise en forme de massage, ou les ateliers « sophrologie/interprétation des rêves » et les groupes de parole queer, la frontière est floue/mince entre la démarche scientifique et la réunion d’« artistes ».

 

En dépit des apparences, les médecins gay friendly et pro-gay nient le sexe et la sexuation en mettant en avant le génital et la métaphore ; ils tuent le Sens et l’Humain en privilégiant les Sens ; ils décorporéisent le vivant en le regardant/disséquant de trop près au scalpel ou au microscope. Par exemple, dans son essai Le Genre démasqué (2011), Élizabeth Montfort explique avec pertinence que la Gender & Queer Theory « dissocie le genre (sexe social) du sexe biologique » (p. 21), autrement dit cette idéologie fait de nous des anges asexués et inhumains. Comme l’a fort bien développé Michel Boyancé lors de sa conférence « La Théorie du Genre dans les manuels scolaires : comprendre et discerner » au Collège des Bernardins le 6 décembre 2011, il s’agit pour les promoteurs du Gender de « se libérer de la nature par le droit et par la science ». Quel paradoxal rapport à la Nature…

 

La croyance des personnes homosexuelles en la science est tellement idolâtre et déconnectée du Réel (à force d’être puriste et cartésienne… voilà le paradoxe !) qu’elle se mute souvent en superstition religieuse ou amoureuse. La science devient à leurs yeux une déesse à posséder comme un sceptre, ou bien une Muse cosmique et dominatrice. On retrouve pas mal d’astrologues et d’adeptes d’ésotérisme parmi les personnalités homosexuelles (Didier Derlich, Gavin Arthur, Karl-Günther Heimsoth, René Crével, etc.). Lucía Etxebarría, la romancière espagnole bisexuelle, dit être fascinée par la psycho-analyse, les sciences occultes. Dans le documentaire Ouganda : au nom de Dieu (2010) de Dominique Mesmin, Joseph, le sorcier gay, a dans sa chambre un énorme poster des Spice Girls.

 

« J’avais remarqué depuis un bon moment l’engouement de mes amis et connaissances homos pour les pseudo-sciences qu’elles soient divinatoires (horoscopes, numérologie) ou médicales (par exemple phytothérapie, se traduisant par des consommations de tisanes en tout genre destinées à de multiples offices). Mais au palmarès des ‘thérapies’ bidon, on en trouve pas mal qui s’accompagnent de contact corporels plus ou moins rapprochés (j’ai un très bon ami qui pratique le Reiki à un haut niveau et n’est jamais à court pour me proposer une séance ; mais on pourrait aussi trouver des choses du côté du massage ayurvédique). En réalité l’intention thérapeutique me semble parfois quelque peu confuse… Pour citer d’autres illustrations intéressantes de tes propos, j’ai dans ma famille un de mes oncles qui a été marié avec une femme qui s’est révélée par la suite être lesbienne et dont il s’est séparé après en avoir eu une fille. Il est tombé un jour sur son journal où elle écrivait qu’elle ne s’était mariée que pour faire une ‘expérience’ avec une froideur assez ‘scientifique’. La même ex-tante, à quelques temps de là, avait décidé, avec quelques amies à elles, de sortir de sainte Anne pour prendre en charge une malheureuse patiente psychotique (c’était au beau milieu de la vague antipsychiatrique des années 1970) sous prétexte qu’elle n’était soignée que par des médecins hommes qui, par définition, ne pouvaient comprendre les femmes (on n’est pas très loin de l’état d’esprit de l’association des médecins gays). Je crois me souvenir que l’expérience s’était terminée par un appel en urgence de la police suite à un carnage de l’appartement par la fameuse patiente (et oui! la psychiatrie c’est un métier comme disait un de mes anciens patrons). Et je ne te raconte pas le pire… Soit dit en passant, je me suis bien amusé, en allant sur le lien de l’association des médecins gays. Bon, disons que je ne pense pas que la délicatesse dans la façon d’interroger un patient et la compétence soit une question d’orientation sexuelle… mais si ça peut faire plaisir à certains de le penser, c’est plutôt un moindre mal… » (un ami quarantenaire par mail, en 2011)

 

Dans leurs discours et dans leur vie, on assiste à de drôles de croisements entre science et mythologie (en général une mythologie du viol ou de la mort), entre médecine et sentiment, entre confrérie scientifique et secte (artistico-religieuse) : « À l’époque, je ne connaissais pas les trucs sur l’intersexe, mais j’ai pensé que j’étais un homme. Et je m’étais dit très scientifiquement, pour évaluer si j’étais vraiment un homme, je vais me féminiser et donc là je me suis mise à avoir des cheveux longs, à me maquiller, à avoir des robes, etc., et dans la même période, je suis partie aux États-Unis avec un pote. Et un jour dans une boîte, j’ai failli me faire violer et là je me suis dit : ‘Non, je ne suis pas un homme, mais habillée comme cela ça ne me correspond pas, il y a quelque chose qui ne va pas.’ Et la séduction que j’exerçais à l’égard des hommes ne me plaisait pas, leur regard ne me plaisait pas. Pas parce qu’ils étaient libidineux, mais parce que je ne voulais pas cela avec les hommes. Pour moi, les hommes c’était mes frères. Alors, la seule fois où j’ai embrassé un homme (j’ai eu quelques flirts comme ça), j’avais l’impression d’une relation incestueuse, tu vois un truc tu touches avec la langue et tu as l’impression de ramasser des fraises, tu vois ? (rires). » (Gaëlle, une femme lesbienne de 37 ans, dans l’essai « sociologique » Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, pp. 80-81) ; « La Chola [un travesti M to F] avançait d’un pas décidé, malgré le déséquilibre que provoquaient ses talons aiguilles qui s’enfonçaient dans le chemin de terre battue. Sur son passage, flottait un délicieux parfum douceâtre. Ses formes étaient exaltées par un tailleur blanc moulant et une petite ceinture rouge. La Chola s’arrêta devant une maison basse, peinte à la chaux et surmontée d’un énorme écriteau où l’on pouvait lire ‘Église scientifique’. De part et d’autre de la porte étaient peints deux angelots assis chacun sur son nuage. Elle frappa. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 233)

 

La jalousie pantoise des sujets homosexuels vis à vis de la science est palpable, et ne tarde pas à se montrer sous un jour plus agressif, comme nous allons le voir maintenant…

 
 

b) 4 – Le détournement de la science par le militantisme politique « progressiste », techniciste, mégalomaniaque, pro-gay et finalement homophobe :

 

Beaucoup de personnes homosexuelles sont à ce point persuadées qu’elles peuvent incarner à elles toutes seules la science (il suffit de la posséder, de la revêtir, de la « sentir », d’en connaître par cœur les formules alambiquées « qui font sérieux », croient-elles) qu’elles finissent par se prendre pour Dieu, pour le Créateur des Hommes et de l’Amour, pour le Maître de la vie : cf. le festival de cinéma gay et lesbien L’Amour est à réinventer organisé en 1996. Au nom du « progrès » et du « changement » (« Le changement, c’est maintenant ! »), elles frisent souvent la mégalomanie : « On voit les immenses possibilités qui s’offrent à nous et nous emportent bien loin des recherches menées en biologie sur le clonage et autres technologies de la reproduction. Nous sommes à un tournant de l’histoire. Depuis la découverte de la pilule et la maîtrise de la fécondité par les femmes elles-mêmes, plusieurs choix s’offrent à nous. Le développement des techniques reproductrices, et leurs insolubles conflits éthiques (comment refuser le ‘progrès’ ?), mais aussi la possibilité de donner d’autres buts à la sexualité que la reproduction. » (Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004), p. 129)

 

L’ère de la performance, de l’ingénierie, de la toute-puissance matérialiste, numérique et technologique, va de pair avec la volonté du Gouvernement Mondial de promouvoir l’homosexualité. C’est logique. Le robot et l’objet sont eux-mêmes asexués, virent la différence des sexes. Rien qu’en entendant Anne Hidalgo, la maire de Paris, revenant de la Gay Pride et s’adressant à David Abiker au sujet de la communauté homosexuelle et de la communauté technologique, à la Conférence « Starts-up et Étudiants » lors de la première édition du Salon VIVA TECH, le 2 juillet 2016 au Parc des Expos de Paris, on comprend très vite la corrélation : « Ces deux univers ne sont pas si différents. Tous les deux sont ouverts à la différence, au progrès. Ils n’ont pas peur des différences. » Sans transition, Abiker a introduit le discours de clôture des deux initiateurs du VIVA TECHNOLOGY, les PDG Francis Morel et Maurice Lévy, en les comparant à une « Famille homoparentale » : « Un enfant peut avoir deux pères. »
 

C’est la Terre entière et ses habitants qui sont finalement englobés dans leur conception techniciste, sensibleriste, et donc anthropocentrée, de la science et du Réel. Selon elles, le monde ne se divise plus entre les hommes et les femmes, mais uniquement selon les orientations sexuelles définies à la fin du XIXe siècle par la médecine légale (« homos/hétéros ») et selon les sentiments (« les ennemis de l’amour » d’un côté, « naturellement homophobes », et « les amoureux » bisexuels de l’autre, « naturellement gay friendly voire homosexuels »).

 

Elles envisagent les contacts humains – et surtout amoureux – comme des solutions chimiques, autrement dit des feux d’artifice incontrôlés, des coups de foudre censés se produire quand on s’y attend le moins. Leur discours est truffé de mariages consanguins entre science et sentiment. Se prenant pour des médecins divins capables de fusionner avec leur Mère la Science, elles prétendent contrôler la beauté, créer l’Amour par leurs propres moyens, devant leur écran d’ordinateur.

 

Paradoxalement, ces dandys homosexuels, complètement fleur bleue (voire comiques et coquins) à certains moments, deviennent tour à tour dangereux, robotiques, méthodiques et vulgaires dès qu’ils passent à l’action et tentent d’actualiser « scientifiquement » leurs fantasmes amoureux : ils parlent souvent de l’Amour de manière clinique et dépoétisée, comme s’il s’agissait d’une solution chimique entre deux robots, d’un processus physico-psychologique de causalité absolument imparable, d’un échange « logique » et contrôlable de phéromones corporels dans lequel Dieu et les Hommes n’auraient rien à voir, d’un scénario déjà écrit d’avance, où la liberté humaine – et même la douceur ! – n’ont pas du tout leur place.

 

En même temps qu’ils scientifisent le sentiment et romantisent la pulsion pour les faire fusionner, ils annulent les deux !

 

Au-delà du caractère surréaliste et risible du cliché du savant fou ou du médecin libidineux (cf. je vous renvoie aux codes « Clonage », « Adeptes des pratiques SM », « Frankenstein » et « Liaisons dangereuses » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), les résultats de la confusion entre science et fantasme sont une hybridation à la fois banale et monstrueuse : sous couvert de la science et de la bonne intention, beaucoup de personnes homosexuelles libertines justifient et pratiquent mine de rien la pression psychologique, le chantage sentimental/sensuel, le vol, le viol, le meurtre, la manipulation génétique (cf. le recourt à l’AMP – l’Assistance Médicale à la Procréation –, à la GPA – Gestation Pour Autrui –, à la PMA – Procréation Médicalement Assistée –, etc.), la mutilation chirurgicale sur les personnes transgenres, etc.

 

Au bout du compte, on comprend que la majorité des personnes homosexuelles ont tendance à ne s’intéresser à la science que pour les progrès artificiels ou dangereux qui flattent leur Ego (la procréation médicalement assistée, le clonage, la chirurgie esthétique, l’opération pour changer de sexe, les moyens de contraception, le tantrisme, l’hypnothérapie, etc.), et non pour les avancées scientifiques plus « sociales » et bénéfiques au bien commun.

 

Face au constat et à l’ampleur de leurs échecs à élaborer l’élixir d’Amour et de Réel, il arrive que les personnes homosexuelles se mettent à « maudire scientifiquement » leurs solutions romantico-libertines ratées et les créatures difformes que leur orgueil a créées (il n’y a qu’à constater le mépris des personnes transsexuelles et transgenres dans le « milieu homosexuel », ainsi que la vague de suicides qui les emporte). La première de ses inventions étant ce qu’elles ont cru être « l’Amour » ou « Dieu ». Car, que devient la science uniquement tournée vers l’Homme (et non au service de l’Homme-Dieu qu’est Jésus en tout Homme) sinon monstruosité ?

 

Non seulement les individus homosexuels n’éradiquent aucune maladie, mais en plus, ils ont tendance à en créer de nouvelles ! – « l’hétérosexualité », « l’homophobie », « l’amour », et même « l’homosexualité » –, maladies qu’ils n’analysent pas, qu’ils ne cherchent surtout pas à comprendre, qu’ils laissent germer, qui ne sont que des nomenclatures pseudo scientifiques qui occultent les réalités violentes qu’elles sont censées dénoncer – le couple femme-homme non-aimant et bisexuel dans le cas de la « maladie de l’hétérosexualité » ; la haine de soi, le désir homosexuel pratiqué, ou le viol dans le cas de la « maladie de l’homophobie », les désirs superficiels homos et hétérosexuels dans le cas de la « maladie d’amour » et « de l’homosexualité » – étiquettes dont la création pourra leur être ensuite imputée par la communauté scientifique bisexuelle ou homosexuellement refoulée (parfois sous forme d’agressions homophobes, pour le coup ! Je vous renvoie aux écrits homophobes et à la scientificité très discutable de Krafft-Ebing – qui a arbitrairement normativisé et opposé « l’hétésexualité » à l’homosexualité dans sa Psychopathia Sexualis en 1886 –, de Chekib Tijani, de Jean-Louis Chardans, de tous ces savants qui ont abusé de la psychiatrie, de la lobotomie, de la castration, des traitements hormonaux, pour « convertir les invertis en hétéros ») : « D’ores et déjà, dans les représentations dominantes, à une norme hétérosexuelle qui considérait l’homosexualité comme une déviance, se substitue parmi les élites faiseuses d’opinion une norme homosexuelle qui caractérise l’hétérosexualité comme ringarde, voire à son tour, pathologique. » (Michel Schneider, La Confusion des sexes (2007), p. 73) Par exemple, dans son essai De Sodoma A Chueca (2004), Alberto Mira utilise la métaphore filée de la maladie pour décrire l’homophobie (p. 617) : il diagnostique la maladie d’homophobie des stars masculines qui se refusent au soupçon d’homosexualité sous le nom de « Syndrome Alejandro Sanz » (p. 70). Il n’est pas le seul à pathologiser ce qu’il essaie de diaboliser via une rationalisation excessive. Voici quelques exemples de ce discours pseudo-scientifique de plus en plus employé par le militantisme homosexuel actuel : « L’homophobie est en chacun de nous, sous la peau, dans nos chairs. C’est une maladie qui infecte nos tissus et parasite nos neurones. Elle est chez nos proches, nos voisins, elle pourrit notre société et nos institutions. C’est une épidémie ! Si on ne dresse pas de cordons sanitaires, elle se répand. » (Julien Picquart, Pour en finir avec l’homophobie (2005), pp. 17-18) ; « L’homophobie est un mal insidieux. Elle n’éclate au grand jour que par crises sporadiques ; les manifestations anti-PaCS n’étaient que l’épisode virulent d’une affection qui, d’ordinaire, incube sourdement. Elle contamine en silence les pensées et les discours, elle empoisonne le débat démocratique. » (Bertrand Desfossé, Henri Dhellemmes, Christèle Fraïssé, Adeline Raymond, Pour en finir avec Christine Boutin (1999), p. 7). Pour ma part, sur les réseaux sociaux tels que Twitter, je lis sur mon compte de plus en plus de diagnostics « médicaux » qui m’envoient à l’HP pour « graves troubles psychiatriques ».

 

La majorité des personnes homosexuelles croient tellement que l’identité ou que l’amour homosexuels sont des données uniquement physiologiques et subies que, fatalement, dès que ceux-ci montrent leurs faiblesses (et Dieu sait combien ils en ont !), elles se retournent contre eux en les définissant comme des viles pulsions et d’incurables maladies (et, par ricochet, elles s’autoproclament « malades » !) À grand renfort de statistiques et de syllogismes pseudo universitaires, d’une part elles essentialisent le désir homosexuel sous forme d’amour et d’espèce humaine à part – « les » homosexuels –, clairement identifiables (et, selon les moments, clairement stigmatisables : souvenons-nous Magnus Hirschfeld qui, par ses théories essentialistes bien intentionnées, voulait prouver la normalité et la validité du « Troisième sexe », a créé le retour de bâton des camps de concentration nazis…), d’autre part elles scientifisent et justifient le génital/le sentiment/l’affectif pour donner droit de cité à n’importe quel type de pulsions (à commencer par les pulsions homophobes !) à partir du moment où elles les qualifient d’« amour » ou d’« identité naturelle ».

 

Par la création de ces nouvelles maladies partiellement mythologiques (« l’homophobie », « l’hétérosexisme », etc.) et de leurs faux remèdes (« l’homosexualité » déclinée en couple ou en identité fondamentale), elles ne suppriment pas le mal, mais au contraire le nourrissent secrètement, l’occultent, et désignent comme « ennemis » ses réels antidotes (réconciliation avec soi-même, accueil du mystère de la différence des sexes, découverte de l’existence d’un Dieu aimant et plus grand que l’Homme), les seuls qui mettent en péril leur unicité/leur fantasme de toute-puissance, et qui les appellent à se décentrer pour aimer vraiment librement (et non plus seulement « techniquement »).

 

Les expérimentateurs homosexuels se focalisent sur l’innovation (notion ô combien publicitaire et éphémère !) pour délaisser le progrès. Pire, ils reproduisent la barbarie qu’ils prétendaient combattre ! Par exemple, les seuls endroits où j’ai vu des pilules en sachet censées guérir de l’homosexualité et rendre hétéro, c’était… dans des librairies homosexuelles à Paris ! : elles étaient vendues sur le promontoire des Mots à la bouche ou de Bluebook en 2008 (avec des titres comme « Instant Orgasm Pills », ou bien des inscriptions telles que « comment hétérosexualiser son enfant » ou « lutter contre l’homophobie de sa mère »). Malgré la blague de farces et attrapes, tout était fait pour que l’acheteur naïf croie en de vrais médicaments créés par des scientifiques homophobes, alors qu’en réalité c’est une artiste canadienne, Dana Wyse, qui est à l’origine de cette contrefaçon ambiguë.

 

De même, la création d’une confrérie scientifiquement homosexuelle de « psys gays » (les AMG – Associations de Médecins Gays – dont je parlais tout à l’heure) va dans ce sens de l’auto-stigmatisation par le biais de la victimisation. Être en présence d’un personnel soignant étiqueté homosexuel, paraît-il que ça mettrait en confiance les pauvres victimes d’homophobie (que seraient toutes les personnes homosexuelles) d’être en présence de leurs jumeaux d’orientation sexuelle, et même que ces derniers comprendraient mieux, soigneraient mieux, culpabiliseraient moins… Je ne doute pas que le travail d’accompagnement de ces « médecins gay » ait parfois son utilité, son efficacité. Mais a-t-il pour autant sa raison d’être ? La qualité d’un médecin se mesure-t-elle à son orientation homosexuelle ? Choisit-on son soignant selon le discours idéologique qu’on a envie d’entendre de lui ? Je ne crois pas. Cette homosexualisation du monde médical, aussi généreuse qu’elle puisse paraître, est en réalité homophobe : elle copie en tous points l’arsenal « scientifique » mis en place par les opposants aux personnes homosexuelles. Les thérapies de groupe pour « guérir les homos » laissent juste la place aux thérapies de groupe pour « guérir les homophobes » ; le discours scientifique homophobe du « contre-nature » est juste supplanté par un discours freudien frelaté tuant la culpabilité – et pour le coup, la responsabilité – ; la croyance en la nation de « sidaïques » et d’« homosexuels » est juste remplacée par la croyance en la nation de « genres » bisexualisante et asexualisante ; la recherche du « gène gay » et des « causes » de l’homosexualité nourrit à la fois la diabolisation et la sacralisation du désir homosexuel, etc.)

 

Loin d’apporter des solutions aux maux que ces « scientifiques » pro-gay voulaient combattre, ils créent ou miment en général des souffrances parallèles. Par exemple, dans son livre Serial Fucker, Journal d’un barebaker (2003), Érik Rémès remplace le despotisme aseptisé du safer sexpar le culte non moins totalitaire des rapports sexuels non protégés (le « no capote » appelé bare-backing).

 

Autre exemple avec la création scientifico-légale de la « famille homosexuelle ». Lors de sa conférence sur « L’homoparentalité aux USA », à Sciences-Po Paris, le 7 décembre 2011, le jeune professeur Darren Rosenblum raconte comment il s’est lancé illégalement dans un projet de GPA (Gestation Pour Autrui) avec son compagnon et une mère porteuse aux États-Unis, en se justifiant de la normalité de sa situation par un verbiage scientifico-émotionnel d’apprenti sorcier, fortement anti-naturaliste, ou plutôt, ce qui revient au même, surnaturaliste (cf. je vous renvoie au code « « Plus que naturel » » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Je me sentais enceinte. » ; « On ne voulait pas savoir qui était le père biologique. On sait maintenant qui est le père biologique, mais on garde le secret. » ; « Je soutiens une interprétation de la biologie. » : « Je trouve que ces rôles de père ou de mère ne sont pas essentiels. Si dans une famille un homme veut être la mère, il doit pouvoir le faire. Le sens de ces termes, je pense, va fondre. » Il se montre favorable à l’instauration d’une « philosophie de genres », à une « parentalité androgyne », et parle très sérieusement de « désexuer la parentalité ». En filigrane, on sent pourtant dans son discours une peur que sa supercherie scientifiste soit démasquée. Avec son copain, ils ont fui l’État de New York (où la GPA est illégale) pour venir habiter incognito dans le Marais à Paris, avec leur petite fille de deux ans et demi… mais Darren avoue qu’ils rasent les murs : « J’ai un peu peur d’être maltraité par les gens au moment où je suis avec ma fille. » Peu fiers de ce qu’ils ont fait au nom et grâce à la technique (plus qu’à la science à proprement parler).

 
 

c) La supercherie scientifique homosexuelle débusquée :

L’illusion de science que beaucoup de personnes homosexuelles ont créée ne fait pas long feu. Comme elles se sont appuyées davantage sur leurs fantasmes de toute-puissance et de possession que sur le Réel et l’Amour, elles apparaissent (à leur grande honte) comme des charlatans, des inutiles, des prétentieux, des savants mi-homosexuels mi-homophobes, ou des fous, aux yeux de la réelle confrérie scientifique planétaire.

 

Je m’aligne à leurs constats. Par exemple, le 8 juin 2010 dernier, un peu avant que je donne ma conférence sur la mixité gay/lesbiennes à l’Hôtel Millenium de Paris devant les membres de l’association homosexuelle l’Autre Cercle, j’ai pu assister le même soir au topo insipide de quatre médecins, qui se présentaient comme des « Psys gays », et qui se proposaient de nous parler de l’homophobie : ils n’ont fait que survoler et minorer le phénomène de l’homophobie intériorisée, en noyant le poisson dans une lecture misérabiliste et victimisante. J’étais intérieurement affligé du niveau de réflexion.

 

En somme, on se rend compte que les médecins homosexuels deviennent de vrais charlatans (ou bien que leurs patients homosexuels n’arrivent pas à comprendre les vrais médecins sérieux et solides) dès qu’ils se mettent à justifier la croyance en l’identité homosexuelle, en l’amour homosexuel, dès qu’ils pratiquent des actes homosexuels.

 
 

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