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Code n°129 – Morts-vivants (sous-code : Monstres / Zombies)

Morts-vi

Morts-vivants

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Quand la lumière du Désir sexué s’éteint…

 

Michael Jackson et ses démons de "Thriller"

Michael Jackson et ses démons de « Thriller »


 

Vivre comme un zombie, c’est vivre déconnecté du Réel, donc de Dieu et de la différence des sexes aimante. Notre corps se déplace, notre esprit et nos fantasmes sensoriels voyagent aussi… et pourtant, ce corps et cette conscience, qui forment indiscutablement un Tout (sauf pour les schizophrènes), ne sont plus reliés. Et pour le coup, nous ne sommes plus libres ni joyeux quand nous agissons. À nos yeux grands ouverts, vidés d’âme et de conscience, le Réel qui vient nous réveiller et se rappeler à notre bon souvenir, nous apparaît alors comme un terrible monstre qu’Il n’est pas. « Le sommeil de la raison engendre des monstres » a peint Goya. En fuyant le Réel et en se barricadant derrière nos écrans, tout ce que nous vivons, nous finissons par le subir. Et nous évoluons dans la société comme des automates, avides d’accumuler des devoirs et angoissés-ramollis de fuir nos devoirs.

 

Bien sûr que le temps terrestre de latence et d’attente jusqu’à la Vie éternelle nous prouve qu’on peut très bien vivre relativement heureux et faire du bien (ou en tous cas, pas de mal ni de dérangement) autour de nous sans la reconnaissance de Dieu, sans la pratique quotidienne de la prière et du rite catholique, sans la reconnaissance de la différence des sexes. Mais la question qui se pose, c’est « Comment vit-on ? » et surtout « Comment vit-on au mieux, avec ce feu qui étanche toutes nos soifs, qui calme toutes nos souffrances, qui nous fait croquer la vie à pleines dents, qui nous fait rechercher avec enthousiasme la Vérité ? ». Et de ce que j’observe dans ma vie de tous les jours, il est clair que les personnes de mon entourage qui vivent le plus heureuses, les deux pieds sur terre ancrés dans le Réel, au service des autres, dans la joie durable et l’humilité, qui créent du beau et du solide, ce sont précisément des gens qui reconnaissent l’existence de Dieu et de la différence des sexes, et qui s’engagent dans l’Église catholique.

 

En revanche, j’ai croisé chez les personnes qui fuient la différence des sexes (les personnes homosexuelles en première ligne) ou qui la sacralisent de manière trop arbitraire ou trop molle (les hétéros gays friendly athées), beaucoup de zombies, c’est-à-dire des individus qui vivent pour leur bien-être, leur confort matériel, leurs voyages (ou plutôt leurs errances), qui se laissent vivre, qui consomment pour oublier qu’ils ont peur d’aimer et qu’ils n’aiment pas vraiment en actes. Certes, ils peuvent connaître la réussite, s’engager politiquement, poser quelques actes de solidarité de temps à autre, picorer des amourettes par-ci par-là, et même vivre des expériences spirituelles ponctuelles. Mais il leur manque l’âme du Réel, l’humilité du Croyant. Au fond, nous vivons à une époque peuplée de morts-vivants. L’image cinématographique du zombie de film d’épouvante peut prêter à rire et nous sembler totalement excessive et déconnectée de la réalité. Mais détrompons-nous. Si les morts-vivants, les vampires, les monstres, les fantômes, peuplent de plus en plus nos écrans de cinéma, c’est qu’ils sont un peu le reflet de ce que notre monde intérieur, psychique, désirant, et parfois concret, sécrète, de ce que notre époque individualiste, matérialiste et jugement-phobiste suscite en nos cœurs endormis.

 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Frankenstein », « Vampirisme », « Doubles schizophréniques », « Clown blanc et Masques », « Voyante extra-lucide », « Homme invisible », « Amant diabolique », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Jumeaux », « Sommeil », « Mort = Épouse », « Mort », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Oubli et Amnésie », « Funambulisme et Somnambulisme », « Maquillage », « Main coupée », « Femme fellinienne géante et Pantin », « Poupées », « Extase », « Ombre », « Animaux empaillés », « Femme allongée », « Moitié », « Substitut d’identité », « Regard féminin », « Lunettes d’or », « Planeur », « Se prendre pour le diable », « Cour des miracles », « Milieu homosexuel infernal », « Déni », « Homosexuel homophobe », « Lune », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Milieu psychiatrique », « Voyage », « Andogynie bouffon/tyran », « Voyeur vu », « Espion homo », « Aube », « Clonage », « Douceur-poignard », « Amant triste », « Araignée », « Miroir », « Appel déguisé », « Homosexualité noire et glorieuse », « Parodies de Mômes », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », à la partie « Promenade chorégraphique » du code « Bobo », à la partie « Hypnose » du code « Médecines parallèles », à la partie « Ennui » du code « Manège », et à la partie « Hamlet » du code « Parricide la bonne soupe », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Zom-bi(sexuel) :

La nuit des morts-vivants...

La nuit des morts-vivants…

On retrouve beaucoup de fois dans les fictions homo-érotiques la figure du mort-vivant ou du zombie. C’est d’ailleurs souvent le héros homosexuel lui-même : cf. le film « O Fantasma » (2000) de João Pedro Rodrigues, le film « Walked With A Zombie » (1942) de Jacques Tourneur et Val Lewton, l’album « Sleeping With Ghosts » du groupe Placebo, la pièce Hamlet, Prince du Danemark (1602) de William Shakespeare (« Être ou ne pas être, telle est la question… »), la chanson « Ghosts » de Michael Jackson, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le recueil poétique Vivir Sin Existir (Vivre sans exister, 1945) de Luis Cernuda, le film « Homo Zombies » (2000) de Let Me Feel Your Finger First, le film « L’Invasion des morts-vivants » (1965) de John Gilling, le film « Le Zombie venu d’ailleurs » (1978) de Norman J. Warren, le recueil de poésies Cadáveres (1987) de Néstor Perlongher, la chanson « Les Enfants de l’aube » de Bruno Bisaro, le vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer, la pièce Giving Up The Ghost (1986) de Cherrié Moraga, la pièce String Paradise (2008) de Patrick Hernandez et Marie-Laetitia Bettencourt (avec le fantôme), le film « Révolte des morts-vivants » (1971) d’Amando de Ossorio, le film « Party Monster » (2003) de Fenton Bailey et Randy Barbato, le film « Ghosts Of The Civil Dead » (1989) de John Hillcoat, la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, la pièce Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou (avec les morts-vivants dans le train), le vidéo-clip de la chanson « Thriller » de Michael Jackson, le vidéo-clip de la chanson « Substitute For Love » de Madonna, le vidéo-clip de la chanson « Le Brasier » d’Étienne Daho, le vidéo-clip de la chanson « Ma Révolution » de Cassandre, la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet (avec la Nation de mortes-vivantes dans un hôpital psychiatrique), le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys (avec Bryan, le héros homosexuel qui finit le roman en cadavre parlant), le roman Un Garçon d’Italie (2002) de Philippe Besson (avec Luca, le mort-vivant), le film « Absences répétées » (1972) de Guy Gilles, le film « Ausente » (« Absent », 2011) de Marco Berger, le roman Les Absents (1995) d’Hugo Marsan, la pièce Récits morts : un rêve égaré (1973) de Bernard-Marie Koltès, le film « The Dead Man 2 : Return Of The Dead Man » (1994) d’Aryan Kaganof, le film « Le Bain » (2012) de Joao Vieira Torres, le film « Caballeros Insomnes » (« Les Chevaliers insomniaques », 2012) de Stefan Butzmühlen et Cristina Diz, le vidéo-clip de la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer, la série In The Flesh (2013) de Dominic Mitchell (définie comme « la série de zombies gays friendly » officielle), la pièce Y’a un cadavre dans le salon ! (2022) de Claire Toucour, etc.

 

« Tu as l’air d’un zombie. » (cf. une réflexion faite à Prior, le héros homosexuel de la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « Gordon marchait comme un zombie. » (Hervé Claude, Riches, cruels et fardés (2002), p. 238) ; « Si, dans les mains du Seigneur qui t’éduqua de la sorte, ‘bonheur’ rime avec ‘malheur’ et les mots ‘vivante’ et ‘morte’ frappent toujours à la même porte, c’est au-delà de notre faute. » (Ahmed s’adressant à Lou, l’héroïne lesbienne, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Sale petit zombie. » (le père d’Howard – le héros gay – s’adressant à Cameron Drake qui a outé son fils, ans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Je dois avoir l’air d’un zombie. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 112) ; « Je flotte dans les rues comme sous analgésiques. » (cf. la chanson « Onze mille vierges » d’Étienne Daho) ; « Je ne connais aucun crépuscule. » (l’un des héros homosexuels de la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès) ; « Les morts entendent tout et voient tout. » (Vincent, le héros homosexuel de la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux) ; « Nous mourrons. Puis nous revenons. » (Tommaso, le héros homosexuel, dans le film « Mine Vaganti », « Le Premier qui l’a dit » (2010) de Ferzan Ozpetek) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Léo, le héros homosexuel croque-mort, s’exerce aux « mots-croisés pour zombies ». Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le Père 2 décrit son fils homosexuel comme « un machin pâlot et anémié », qui « traîne sa tronche grisâtre ». Dans le one-man-show Pareil… mais en mieux (2010) d’Arnaud Ducret, John Breakdown, le chorégraphe homosexuel, met en scène un « tableau des zombies » pour sa nouvelle mise en scène. Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, les oiseaux sont une foule de rapaces d’outre-tombe. Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Chloé dit que Martin, le héros sur qui pèse une forte présomption d’homosexualité, a une « tête de zombie ». Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, veut aller voir le Musée des morts de Guanajuato (Mexique). Palomino, son amant et guide mexicain, joue à fond la carte du mysticisme mortuaire : « Demander une rançon même pour un mort est une pratique courue au Mexique. ». Lorsque les deux tourtereaux se baladent dans le musée, ils voient des masques hurlants de cadavres qui semblent vivants. Dans l’épisode 321 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 26 octobre 2018 sur TF1, Barthélémy Vallorta, le héros homo-bisexuel, se prépare à fêter Halloween et compte se déguiser en zombie pour la soirée au bar du Spoon. L’un des gérants, Thomas Delcourt, lui demande « où en est son maquillage de zombie ». Et le Dr Samuel Chardeau, qui les écoute au comptoir, lui propose carrément de visiter une morgue : « Si tu veux voir des zombies, je peux t’en présenter. À la morgue. »
 

 

Le zombie homosexuel vit dans l’illusion d’être quelqu’un d’autre… parce qu’en fait il se déteste lui-même, doute de son incarnation et de sa consistance, expérimente un effondrement narcissique de sa personnalité, un trouble dans la perception de son identité. « Je t’écris pour te dire que je ne suis pas mort. » (Heiko, le héros homosexuel s’adressant à son amant Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; « Il ne peut rien arriver à un cadavre. » (Valmont dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; etc. Son désir est capturé, envoûté, anesthésié et vampirisé par une idole, une projection idéalisée de lui-même. Par exemple, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, Fabien se retrouve « en léthargie » (p. 91) quand il se met dans la peau des autres, plongé dans un « lourd sommeil » qui n’est « ni la mort ni la vie » (p. 302) : un état intermédiaire, celui des zombies. Dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, Laure remarque qu’« il y a donc des êtres humains qui ont une âme et d’autres qui n’en ont pas » (p. 359), ce à quoi Jean-Pierre lui répond que « ce serait une explication idéale pour les philosophes qui soutiennent l’existence des zombies ». Dans sa nouvelle « La Playa » (2000), Eduardo Muslip décrit les homosexuels comme des « personnes semi-endormies semi-réveillées qui peuvent être capturées par les rêves » (p. 260) et fait directement le parallèle entre le « devenir zombie » et le « devenir homosexuel » quand il écrit : « À coup sûr, j’ai dû être capturé par une sorte de fantaisie homosexuelle. » (idem, p. 261) Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny explique à Roméo, juste avant de l’embrasser pour la première fois, que lorsque quelqu’un meurt, son cerveau continue de rêver encore cinq minutes après que son cœur se soit arrêté, et que ce temps de latence, de tension entre la vie et la mort, ce serait l’Éternité, l’Amour vrai, la véritable identité de la personne homosexuelle.

 

Le zombie est parfois l’amant homosexuel du héros, ou bien ce même héros homosexuellement amoureux : un être apathique, qui s’ennuie, mou du genou, à apparence mortelle, un pantin bizarre voire inquiétant comme le diable : « Je me donne à un zombie. » (Camille chantant une chanson lesbienne à Yann, dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm, dans l’épisode 3 de la saison 1) ; « C’est Chloé, et c’est autre chose, un zombie, un fantôme. » (Cécile décrivant son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 23) ; « Certains jours, au réveil, je pense que mon mec il a une âme morte dans la bouche… » (le Comédien dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Mais avant de faire mon entrée chez les morts vivants, j’évite de me plaindre. Je peux encore écrire, vous écrire, n’est-ce pas ? » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 181) ; « C’est un secret. Ça reste entre nous. Je peux rentrer en contact avec les morts. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Je peux rentrer en contact avec les personnes mortes, ou les personnes en sommeil paradoxal. » (Noémie dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « J’ai vu des morts, mais j’ai saisi le merveilleux. » (c.f. la chanson « Désobéissance » de Mylène Farmer) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar propose à son amant Khalid, d’aller au cinéma voir le film « Re-Animator », une œuvre qui raconte l’histoire d’« un homme qui réveille les morts » (p. 111). Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Omar décrit Xav comme un « mort-vivant dégoulinant de sueur ». Dans le film « Otto ; Or, Up With Dead People » (2007) de Bruce Labruce, Otto, un jeune zombie paumé, sans souvenirs, erre dans Berlin. Il ne dort pas. Comme la chair humaine le dégoûte, il ne mange que des cadavres. Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Santiago apparaît comme un fantôme vivant à Miguel. Dans le film « The Last Girl : The Girl with all the Gifts » (2017) de Colm McCarthy, par exemple, Melanie, une gamine zombie noire, tombe amoureuse de sa prof humaine Miss Helen Justineau, et leur « amour » chevaleresque est montré comme indestructible, authentique, durable « jusqu’à la fin des temps ».

 

Emory racontant son 1er amour homo, dans le film "The Boys In The Band" de William Friedkin

Emory racontant son 1er amour homo, dans le film « The Boys In The Band » de William Friedkin


 

L’état amoureux homosexuel rend zombie : « Les yeux noyés comme deux mutants sous hypnose. » (cf. la chanson « Les Voyages immobiles » d’Étienne Daho) ; « Kévin traversa le premier trimestre comme un zombie. » (Bryan parlant de son amant, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 460) ; « Tu es sûre d’être vivante, chérie ? » (Louise s’adressant à Jeanne dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « Je ne suis pas un monstre mais une fille douce que le désir des hommes jamais n’intéressa. » (c.f. la chanson « Monsieur Vénus » de Juliette) ; etc. Les techniques d’approche et d’identification homosexuelles sont calquées sur l’attitude des morts-vivants cinématographiques : « Ces regards insistants, cette façon languide de se tenir. » (le narrateur homosexuel se retrouvant face à deux pairs homosexuels, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 28)

 

Ce qui caractérise l’état du mort-vivant, c’est la souffrance muette, l’absence de Désir : « Les zombies ne parlent pas, ne pensent pas, mais ils souffrent, bien sûr, car parfois, quand la lune les éclaire, on voit tomber leurs larmes. La seule chose qu’ils peuvent faire, c’est obéir, et souffrir. » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 164) ; « Son visage était comme un masque, absolument sans expression. Elle se mouvait avec raideur, avec une précision singulière. […] Un cadavre… elle portait en elle un cadavre. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 258) ; « Intoxiques nos insomnies de leur infectieuse mélancolie. » (cf. la chanson « Les Torrents défendus » d’Étienne Daho) ; « Je ne sais pas vraiment ce que je fais. » (Elena par rapport à sa relation lesbienne avec Peyton, dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn) ; etc. Littéralement, le personnage homosexuel « s’absente sur place » : « J’ai été assez absent. » (le héros dans le ballet Alas (2008) de Nacho Duato) ; « Ces absences, tu les as toujours ? » (un amant de Dany, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras) ; « Encore une fois, penser à ceux qui ne sont pas là ! Toujours ce décalage, pourquoi ? Je me suis souvent posé cette question. Une seule réponse plausible : je me suis inquiéter pour ceux qui sont présents. Ça ne les rend pas invulnérables pour autant, mais c’est comme ça. Je n’ai peur que pour les absents ! Comment les protéger, les secourir ? » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 242) ; « Je ne suis que le fantôme de moi-même. » (Nathan dans le film « Les Astres noirs » (2009) de Yann Gonzalez) ; « Je m’absente… un peu comme si je n’étais plus là. » (Éric, l’un des héros homos du film « New Wave » (2008) de Gaël Morel) ; « Depuis ce matin-là, je suis comme absente. On me parle, je réponds, mais sans écouter… Le soir, c’est pis encore. Souvent, avant de m’endormir, j’imagine des situations qui dépassent le possible en m’inspirant des gravures que le libraire m’a montrées. Mon envie change souvent selon mon humeur. Cette nuit, j’ai rêvé de deux filles qui se rendaient leurs caresses dans un dortoir de pensionnat… Enfin, je pense à toutes ces situations que la plupart des femmes ne connaîtront jamais, par ce manque de courage qu’elles ressentent pour assumer leurs goûts au regard des conventions imposées. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 71) ; etc.
 

Le psychotique n’a pas accès à la métaphore : c’est à cela qu’on le reconnaît. C’est ce qui arrive par exemple à Todd, l’un des héros homos du film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson : « C’est quoi, une métaphore ? »
 

En général, le héros homosexuel gravite dans des lieux et un milieu social (le « milieu homosexuel ») où il rentre en contact avec des gens semi endormis, immatériels, qui le contaminent par leur pouvoir anesthésiant et déprimant (j’emploie le verbe « contaminer » à escient, car dans la fantasmagorie homosexuelle, les morts-vivants sont fréquemment l’allégorie des hommes porteurs du VIH ou des humains dépressifs) : « Je suis un fantôme au milieu des fantômes. Mon ombre ne se distingue pas de celle de mes compagnons. » (Leo, le héros homosexuel du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 78) ; « Vous n’avez jamais rencontré de vrais homosexuels. Ce sont des bossus qui riraient de votre mariage. » (le père de Claire, l’héroïne lesbienne, s’adressant à sa fille et à la compagne de celle-ci, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « J’avais dix-huit ans, j’étais vierge et j’en avais assez de sublimer en rêvant dans mon lit à des êtres inaccessibles ou en tripotant dans l’ombre des parcs publics des corps fugitifs qui n’étaient pas là pour l’amour mais pour la petite mort qui dure si peu longtemps et qui peut être triste quand elle n’est agrémentée d’aucun sentiment. » (le narrateur homosexuel du roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 25) ; « J’avoue ne pas être tranquille la nuit ; dans ces lieux qui semblent maudits, j’ai la frousse de croiser un zombie un de ces quatre. » (Dylan, le héros homosexuel, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 51) ; « Je me perds entre les buissons, je croise des garçons auxquels je n’ai pas envie d’agripper ma solitude. Regards fermés, gestes lents, comme des funambules suicidaires. Ils font l’amour debout, le jeans baissé sur les chevilles. Sur leur visage un air triste d’avoir abandonné le combat. » (Simon dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 14-15) ; « S’ils existaient, il y aurait des fantômes partout dans cette ville, partout dans toutes les villes. Et Glasgow ? Un meurtre à chaque coin de rue. » » (Petra, l’héroïne lesbienne parlant de Berlin à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 36) ; « Ne vous inquiétez pas pour votre immeuble fantôme. Cette ville est pleine de fantômes, mais la plupart sont inoffensifs. C’est des vivants qu’il faut se méfier. dit Jurgen. Il faisait presque nuit dans la chambre. Jurgen et Jane avaient eux aussi l’impression d’être suspendus dans l’espace. Pas morts, mais déconnectés des vivants. » (Jane, l’héroïne lesbienne, idem, p. 117) ; « Je l’ai vue. […] Elle avait les cheveux emmêlés, il y avait des feuilles dedans, comme si elle venait de sortir de sa tombe, et elle pleurait. C’était peut-être un fantôme. » (Frau Becker décrivant Petra, l’amante de Jane, comme une morte-vivante à Jane, idem, p. 216) ; « Ses lèvres fines étaient sèches et gercées, blanchies par le froid, mais sa bouche était toujours large et clownesque et il était facile de l’imaginer en train de hanter un cortège de fantômes. » (Jane décrivant le vieux Herr Becker, idem, p. 218) ; etc.

 

Beaucoup de bars homosexuels fictionnels sont dépeints comme des repères de morts-vivants. « C’est comme une morgue ici ! » se fait la réflexion Charlie dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear. « Mon parc est semé de gens morts ! » (Copi, La Journée d’une rêveuse, 1968) ; « Ils sont tous morts, vos amis. » (Cyrille, le héros homosexuel malade du Sida s’adressant à Hubert, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Dans la nuit, j’ai rencontré des fantômes bizarres, des amoureux passés. Au début, j’y croyais à ce monde inversé. Mais j’ai cessé d’y croire, à ces histoires compliquées. » (cf. la chanson « Je veux tout changer » d’Hervé Nahel) ; etc. Dans les films « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne, « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, « Les Nuits fauves » (1992) de Cyril Collard, « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, le spectateur a le loisir d’observer ce peuple de zombies homosexuels errer comme des somnambules le long des quais, dans les lieux de drague nocturnes. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, Thibault, homosexuel, leader du mouvement Act-Up, décrit « les pédés de la Gay Pride » comme des « folles qui marchent comme des zombies. »

 

On retrouve la métaphore des sidéens homosexuels assimilé à des fantômes dans le roman Les Fantômes (2005) de Jameson Currier, et dans bien d’autres œuvres telles que le roman Les Absents (1995) d’Hugo Marsan, le roman L’Amant des morts (2008) de Mathieu Riboulet, le roman Le Mausolée des amants (1976-1991) d’Hervé Guibert : « Ici, dans notre cher gaytto, tu ne peux pas faire trois pas sans tomber sur la silhouette étonnamment familière de quelqu’un que tu pensais mort et enterré depuis belle lurette. » (Michael évoquant les années Sida, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 11) ; « Dès l’âge de 14 ans, je vivais aux côtés de mes amis du cimetière. » (l’un des héros homosexuel de la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou) ; etc.

 

L’homosexualité pratiquée n’aide pas à connecter le corps à la conscience. Par exemple, dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, le capitaine Edelson, chef de police, qualifie les homos de « paumés qui ne savent pas ce qui les pousse à faire ce qu’ils font ».
 
 

b) Le bal des monstres fantomatiques :

Le fait que le héros homosexuel fuie sa sphère de conscience (de son corps sexué), de raison, de Désir, lui fait quelquefois connaître des hallucinations, voir des monstres, des spectres et des fantômes. C’est le retour de boomerang du Réel qui a été éjecté : cf. la pièce Les Monstres sacrés (1940) de Jean Cocteau, le film « Monster » (2003) de Patty Jenkins, le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, le film « Like A Monster » du groupe Indochine, le roman Monstre (1950) de Yukio Mishima, le film « Les Monstres » (1963) de Dino Risi, le film « Mes Parents » (2002) de Rémi Lange, le film « Le Bouc » (1969) de Rainer Werner Fassbinder, le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander, la pièce Le Frigo (1983) de Copi (avec « L. », le héros transgenre M to F, habillé en fantôme), le film « An Ambush Of Ghosts » (1992) d’Everett Lewis, le vidéo-clip de la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, « Closet Monster » (2015) de Stephen Dunn, etc.

 

« Si l’on était capable de croire en Dieu, ce n’était sûrement pas difficile de croire en Dieu, ce n’était sûrement pas difficile de croire aux dragons. Pourquoi ne parvenait-elle pas à faire comprendre au prêtre qu’il restait des monstres à combattre ? » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 206) ; « Va-t’en, sale monstre ! » (Ayrton s’adressant à son grand frère homosexuel Donato, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; « Les corps apparaissent parfois ici. » (Donato s’adressant à son amant Konrad, en attendant que la marée ramène le corps d’Heiko l’amant de Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; « Dehors les monstres ! » (Peuple face à la troupe de Lettie, la femme-à-barbe transgenre, dans le film « The Greatest Showman » (2017) de Michael Gracey) ; « Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire) ; « Mon propre fils me répète que je suis un monstre. » (Morgane, héros transsexuel M to F, dans l’épisode 405 de la série Demain Nous Appartient, diffusé sur TF1 le 21 février 2019) ; etc.
 

Par exemple, dans le roman La Peau des zèbres (1969) de Jean-Louis Bory, le narrateur homosexuel décrit des draps vivants : « Dans la salle de bains il refuse de regarder les draps. Il les voit. Ils se sont dénoués. Ils vivent. Mais ils se taisent. » (p. 47) Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès que Rana, chauffeuse de taxi, découvre la transsexualité de sa passagère intersexe F to M Adineh, elle hurle, la gifle et la voit comme un monstre : « Me touche pas ! Sors de ma voiture !! » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le père de Davide, le jeune héros homosexuel qui se travestit, traite son fils de monstre, et s’adresse à la femme priant dans l’église avec leur enfant à ses côtés : « Il dégoûte tout le monde. À quoi bon prier ? » Dans l’épisode 5 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Tom est effrayé par Otis travesti en femme et court pour lui échapper, comme s’il avait affaire à un monstre transsexuel.

 

Il arrive que le personnage homosexuel tombe amoureux d’un monstre : « Petit monstre, petite teigne, démon à apparence humaine, mon ballon d’oxygène, tu me plais car tu me touches beaucoup. J’aime tes fruits défendus, ton cul haut perché comme ces statues africaines. ». (cf. la chanson « Quand tu m’appelles Éden » d’Étienne Daho) ; « Quand on pense à tous les monstres avec lesquels on couche… » (Omar, l’un des héros homosexuels de la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; etc. Par exemple, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane, le romancier homosexuel, avoue que « les écrivains sont des monstres anthropophages. » ; son ex-amant Vincent lui répond dans la foulée : « Que tu sois un monstre, je n’en ai jamais douté. » Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Gatal, le héros homo, demande désespérément à son futur fiancé de renoncer au pouvoir et à son travail, car il a l’impression d’avoir en face de lui « un monstre, un épouvantail, le grand chef d’entreprise ». Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Ayrton dit de Konrad, l’un des héros homosexuels, qu’il « ressemble à Ghost Rider ». Le troisième chapitre intitulé « Un Fantôme me parlant l’allemand » se rapporte au héros homosexuel Donato, un Brésilien qui n’a pas donné de nouvelles à sa famille et qui est allé s’exiler en Allemagne. D’ailleurs, Ayrton, le petit frère de Donato, le surnomme « le fantôme » sur le ton du reproche. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, Nathan raconte qu’il s’est sentimentalement et homosexuellement identifié à un couple gay apparemment idyllique aperçu sur une photo, resté longtemps ensemble avant que la maladie du Sida ne mette fin à leur idylle et n’emporte l’un des deux membres, Keany : « Il s’appelait Keany. On aurait dit un monstre. »
 

Parfois, le héros homosexuel, à force de voir des monstres, se transforme lui-même en créature hideuse et agit comme un monstre : cf. le roman Vous m’avez fait former des fantômes (1987) d’Hervé Guibert, le film « Monster In The Closet » (1986) de Bob Dahlin, etc. « Vous êtes des monstres ! […] Je vous vois tous comme des monstres ! » (Daphnée dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Je suis envahi par les fantômes. » (Silvano dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 173) ; « J’perçois des funérailles, cerveau en bataille. Tu te veux liquide. Pantin translucide. Mais tu n’pourrais rien changer. Côté sombre, c’est mon ombre. » (cf. la chanson « Et tournoie » de Mylène Farmer) ; « T’es immonde. T’es répugnant ! » (Gabriel s’adressant à son pote homo Nicolas, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « T’as l’impression d’être un monstre et qu’il faut refaire toute ta gueule. » (Jeanfi, le steward homo, face au chirurgien esthétique, dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; « Ça fait des semaines que je me demande si je ne suis pas un monstre. » (Rémi dévoilant dans la douleur ses sentiments amoureux cachés à son ami hétéro Damien, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; « Vous ne devriez pas copier un monstre, comme la Merteuil. » (Merteuil dans la peau de Valmont, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; « Vous êtes un monstre, Valmont, et je veux en devenir un. » (Valmont dans la peau de Merteuil, idem) ; « Si j’ai pas ma dose de café, je me transforme en monstre. […] Ça devrait calmer le monstre. » (Morgane, l’infirmière scolaire lesbienne, s’adressant à Sandrine, dans l’épisode 383 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 22 janvier 2019 sur TF1) ; etc.

 

Il n’est pas rare d’entendre des personnages homosexuels se prendre pour des monstres, considérer l’existence humaine ou la sexualité comme horribles. « Tu n’es qu’un enfant répugnant ! Je te hais ! […] Va-t’en, monstre ! » (Petra, l’une des héroïnes lesbiennes s’adressant à sa fille Gaby, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Tu m’appelles monstre de foire mais je suis un jeune artiste. » (Ahmed s’adressant à Lou l’héroïne lesbienne, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Mère dit que je suis un type bizarre. » (Alan Turing, le mathématicien homosexuel, dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum) ; « Ils avaient raison. Tu es vraiment un monstre. » (Joan Clarke s’adressant à Alan Turing, idem) ; « Quand je leur jetais de nouveau un regard, elles [Varia et sa copine] s’étaient transformées en monstre à deux têtes et ricanaient de plus belle, en renversant à tour de rôle leurs chevelures blonde et brune. » (Jason, le héros homosexuel décrivant Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 59-60) ; « On s’ra plus monstres que les monstres, mais bien plus humains que des ours ! Regardez notre déguisement : la Raulito et Cachafaz, c’est le comble du repoussant ! » (Raulito s’adressant à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « C’est pas un loup-garou. » (Nadia s’adressant à Jessica qui lui demande comment son père « s’est transformé en gay », dans le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent) ; etc. Par exemple, dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, les enfants sont définis comme des « monstres ». Dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, le père de Christian est désigné comme un monstre. Dans son roman Three Tall Womens (1990-1991), Edward Albee règle ses comptes avec sa génitrice qu’il qualifie de monstre. Dans son poème « Abuela Oriental », Witold Gombrowicz décrit sa grand-mère à la fois comme un « monstre mythologique » et une muse merveilleuse. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Gatal, le héros homosexuel, est présenté par ses deux « pères » comme un véritable sale gosse… alors qu’il a l’air au contraire d’un adulte docile et sage : « Tu as été un petit animal violent, un enfant insatiable. » (le père 2). Le jeune homme a fini par intégrer qu’il était « l’animal colérique qu’il a fallu dompter » et qui « doit quitter la Voie de la Bête ».

 

Le monstre est d’abord une posture esthétique, une attitude narcissique (un peu ironique et mégalomaniaque) qui plaît sans arrière-pensée au personnage homosexuel : « Tu sais, les monstres vivent en tribu. » (Louise, le personnage trans M to F, s’adressant ironiquement à son ami Clément au sujet des personnes transsexuelles, dans le téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier) ; « C’est monstrueux ! » (Cyrille, le héros homosexuel dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « On devrait se déguiser en Pokémons. » (Eytan, élève homosexuel du lycée, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « Vous savez ce que vous êtes pour moi ? Un monstre ! Une manipulatrice ! » (Julien, le héros homosexuel, s’adressant à sa belle-mère, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Ne croyez pas que vous êtes plus monstrueuse que nous, dans le monde du spectacle nous le sommes tous. » (l’Auteur s’adressant à Vicky Fantômas, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Nous savons que vous êtes un monstre. » (idem) ; « Dalida, l’orchidée noire, la maudite, la veuve noire, le monstre à deux têtes, Luigi, Lucien, Richard, pris dans un lien inextricable. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; « Il voulait se faire passer pour un fantôme et être accepté comme tel. » (Sévéria parlant de l’homosexuel Stratoss Reichmann, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; « Nous, les monstres du Créateur ! » (Luca, le narrateur homosexuel du spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; etc. Par exemple, dans Le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, l’équipe de water-polo gay finit son cri de guerre avec une gestuelle de monstres.

 
 

Cyrille – « Comment me trouvez-vous, Hubert ?

Hubert – Effrayant, maître ?

Cyrille – Vous serez toujours mon meilleur public. »

(Copi, Une Visite inopportune, 1988)

 
 

Mais en règle générale, le bal des monstres et des morts-vivants est triste et conduit les protagonistes homosexuels vers la mort. « J’avais envie de faire l’amour avec un mort. Pas avec un mort-vivant. Mais avec UN CADAVRE ! » (le narrateur homosexuel du roman L’Autre Dracula contre l’Ordre noir de la Golden Dawn (2011) de Tony Mark, p. 53) Par exemple, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le cortège des fiançailles est formé de cinq hommes avec des cornes de cerf sur le dos, avançant avec lenteur et de manière hypnotique, comme dans un défilé mortuaire : il signe la mort par strangulation d’un des deux fiancés. Dans le film « Le Naufragé » (2012) de Pierre Folliot, Adrien, le héros homosexuel suicidé, apparaît comme un mystérieux revenant ; après sa mort, il est aperçu par diverses personnes : la petite voisine, sa mère Marie, etc.

 

C’est souvent que la transformation du héros homosexuel en zombie se fait par l’intermédiaire d’un objet ou d’un écran de cinéma assurant une captation magique et mortifère. Par exemple, dans le film « L’Homme d’à côté » (2001) d’Alexandros Loukos, Alkis, le héros homosexuel, affirme subir tous les après-midi un feuilleton grec débile, Elvira, que sa grand-mère suit assidûment… mais ce qu’il n’avoue qu’à demi-mot après, c’est que cela lui plaît : « À force d’être scotché devant la télé, je devenais une Elvira ! » Dans la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick, Éric, en zombie télévisuel, dort les yeux ouverts devant la télé. Dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le professeur d’université d’Angela meurt devant un film d’horreur projeté dans une salle de cinéma déserte.

 

L’état de léthargie éthérée, en plus de révéler une atrophie du désir, peut signifier symboliquement quelque chose de beaucoup plus grave. Comme je le signale dans les codes « Sommeil » et « Oubli ou Amnésie » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels, le mort-zombie est parfois la victime d’un viol, qui par son silence, couvre son agresseur ou la future agression qu’elle va reproduire parce qu’elle n’a pas conscience de la violence qu’elle a subie. On retrouve le thème du cauchemar ou du mauvais réveil par exemple dans le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, etc. « C’est mon cauchemar qui continue ! » (Orphée dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) ; « Réveil tragique succède. Un sommeil sans rêve. La forme de son corps ne veut rien dire pour moi. » (cf. la chanson « Cherchez le garçon » du groupe Taxi Girl) ; « À l’aube, il s’arrache au sommeil sans avoir l’impression d’avoir dormi. » (Jim Grimsley, Dream Boy (1995), p. 85) ; « Loin de me perdre dans la vie des autres, je m’y nourris, je m’en nourris. J’y secoue mon sommeil de larve. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 35) ; « Je ne dors plus, professeur. Je reste éveillé nuit et jour. » (Freddie s’adressant au professeur Goldberg, dans le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker) ; « Il nous faut tuer pour vivre ! Ou alors seulement survivre comme morts-vivants à Nanterre, pavillon de la Misère ! » (Mimi et Fifi, les deux travestis M to F de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Zom-bi(sexuel) :

Film "Cupcake : A Zombie Lesbian Musical" (2010) de Rebecca Thomson

Film « Cupcake : A Zombie Lesbian Musical » (2010) de Rebecca Thomson


 

Dans la réalité concrète, les personnes homosexuelles, même si elles sont effectivement bien humaines et pas du tout monstrueuses, évoquent néanmoins de temps en temps l’existence des morts-vivants, ou bien se présentent elles-mêmes comme des zombies : cf. le documentaire « Unsere Leichen Leben Noch » (« Nos cadavres vivent encore », 1981) de Rosa von Praunheim, le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, la Gay Pride de Toronto, etc. Par exemple, chez le réalisateur homosexuel Bruce LaBruce, la thématique des zombies homosexuels est centrale, est une marotte. Il dit lui-même qu’il fait du « Porno Zombie » : je vous renvoie à ses films « Otto Or Up With Dead People » (2008), « Interview With A Zombie » (2010), « L.A. Zombie » (2010), etc. Lors de la deuxième édition de l’émission The Voice 2 (2012) en France, le jeune chanteur homosexuel Olympe reprend comme par hasard la chanson « Zombie » du groupe britannique The Cranberries. De plus en plus de séries américaines intègrent des zombies gays dans leur intrigue : Ouat, Games Of Thrones, The Walking Dead, In The Flesh, etc. Dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6, Isaac, femme F to M qui s’appelle initialement Taïla, s’identifie à un personnage de série, Teenwolf.

 

Dans bien des cas, parce qu’ils fuient leur réalité sexuée et divine, les sujets homosexuels ou transgenres se condamnent à s’absenter sur place, à vivre une sexualité sans sexualité, à tomber éternellement amoureux sans aimer vraiment, à devenir des êtres humains sans désir et sans monde intérieur. Des coquilles apparemment vides. « J’étais un jeune homme sans psychisme. » (Kim Pérez Fernández-Figares, homme transsexuel M to F, cité dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 253) ; « Comme si mon énergie que je traîne était une énergie de cadavre, de mort, j’ai cherché en d’autres hommes l’énergie de vie, en me comparant à eux. J’ai l’impression d’être un enfant bloqué dans un corps d’adulte me confrontant aux mondes d’adultes. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; etc.

 

Par exemple, lors de sa conférence « Pierre Loti, l’Homme aux deux visages » à Savigny s/Orge le 15 février 2007, Georges Poisson décrit Pierre Loti comme un zombie, vidé de conscience : « C’est vraiment un homme d’une inconscience totale. » Dans son essai Souci de soi, oubli de soi (2002), le psychiatre Jacques Arènes parle du « suicide psychique » (p. 57) trouvé dans le sadomasochisme, pratique souvent homosexuelle. Dans l’essai Saint Genet, comédien et martyr (1952), le personnage de Querelle est décrit comme un « joyeux suicidé moral » (p. 86) par Jean-Paul Sartre. Charles Trénet habitait une grande demeure baptisée le « Domaine des Esprits ».

 

Quand une personne ne semble pas avoir conscience des symptômes de sa douleur, de sa condition de souffrant, cela s’appelle médicalement l’anosognosie. Et en écoutant des personnalités comme Virginia Woolf, Andy Warhol, Pier Paolo Pasolini, Christine Angot, Guillaume Dustan, Renaud Camus, Nina Bouraoui, je la vois assez nettement. « Après tout, être vivant ou mort, cela revient au même. » (le réalisateur homosexuel italien Pier Paolo Pasolini, dans le documentaire « L’Affaire Pasolini » d’Andreas Pichler)

 

C’est souvent l’état amoureux homosexuel qui anesthésie les personnes et les ravit (au sens propre du terme) : « J’étais devenu un zombie. Un fou dans la nuit. Un mystique de l’amour. Un amoureux éconduit. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 53) ; « Dans le grand parc solitaire et glacé, deux spectres ont évoqué le passé… » (Verlaine s’adressant à son amant Rimbaud, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 30) ; etc.

 

Je retrouve par exemple l’attitude concrète de morts-vivants dans le flot de paroles endormies et endormantes de beaucoup de dragueurs des sites de rencontres homosexuels, dans l’esbroufe des séducteurs-crooners du « milieu homo » qui se disent « homos mais pas gays », « hors milieu » et qui susurrent des métaphores poétiques à deux balles au téléphone, dans les voix-off caressantes et inconsistantes des films du très bobo François Zabaleta.

 

Le monde de la nuit homosexuelle est souvent investi par des morts-vivants : par exemple, dans l’essai autobiographique Recto/Verso (2007), Gaël-Laurent Tilium se voit « fendre la cohorte des zombies aux mains baladeuses » (p. 190) à l’intérieur d’un sex-club gay. La métaphore des morts-vivants homosexuels peut se référer aux années noires de la décennie des années Sida 1980, puis ensuite par l’expérience de la séropositivité : « Je voulais vivre ailleurs qu’à San Francisco. Il semblait que la mort était partout. » (Paul, homme homosexuel racontant qu’il a perdu 90% de ses amis homos de l’époque des années 1980, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check) ; « Si t’as pas l’énergie pour te confronter à tous ces fantômes, t’es vraiment tout seul. Y’a personne ! » (Mateo, homosexuel et séropositif, dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon) ; etc.

 

Film "Otto" de Bruce LaBruce

Film « Otto » de Bruce LaBruce


 

Les artistes homosexuels trouvent dans cette errance du zombie qu’ils imitent un esthétisme bobo nostalgico-dépressif qui leur tient chaud, et qui nourrit le mythe réconfortant et victimisant de l’« homosexualité noire ». « Je suis un spectre, une ombre. » (Stéphane Corbin pendant son concert Les Murmures du temps au Théâtre de l’Île Saint-Louis Paul Rey à Paris en février 2011) Dans l’esprit de beaucoup de personnes homosexuelles, cet état douloureux de l’inconscience qui écartèle l’individu entre la vie et la mort (un coma ou un purgatoire) se substituerait à la Résurrection, serait le signe de la victoire révolutionnaire de leur homosexualité, de la Vie sur la mort… alors que dans les faits, il est plutôt le stade intermédiaire où la Vie n’a pas encore été choisie et où la mort menace de l’emporter sur Elle. « Col fantasma o spirito o spettro o larva o zombie, Copì, io sottoscritto penso d’aver avuto (e ancora ho), da lunga pezza, proficui, costanti, ridenti e soddisfacentissimi appuntamenti. » (cf. l’article « Les Étoiles Psychotiques » d’Enzo Moscato, dans l’essai Il Teatro Inopportuno Di Copi (2008) de Stefano Casi, p. 10) Par exemple, dans le documentaire « Mamá No Me Lo Dijo » (2003) de Maria Galindo, on entend l’ode au sommeil « Muerta Pero Viva » des femmes-zombies féministes et lesbiennes. Dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), Paula Dumont s’annonce dès le départ comme « La Revenante », et élève son lesbianisme en étendard d’une nouvelle naissance.
 
 

b) Le bal des monstres fantomatiques :

Les écrits et dessins homo-érotiques vomissent des monstres : Catulle Mendès et ses Monstres parisiens (1882-1885), les monstres et mandragores de Jean Boullet, les peintures de Salvador Dalí ou de Francis Bacon, etc. « J’ai créé un monstre. Et maintenant, je dois vivre avec. » (Yves Saint-Laurent dans la biopic « Saint Laurent » (2014) de Bertrand Bonello) Ce sentiment d’être un monstre a pu être impulsé par l’entourage familial : « Tu nais, coiffée de la tête jusqu’aux genoux, toute velue. Ta mère te trouve repoussante. » (Christine se parlant à elle-même à la deuxième personne, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; « Être gay au Bénin, c’est être un monstre. » (Olympe dans l’exposition photos Garçons de Cotonou (2015) de Michel Guillaume) ; etc.

 

Le monstre est également le produit d’un processus individuel. La sortie de sa sphère de conscience produit parfois des hallucinations monstrueuses ou un suicide psychique, comme l’écrit si bien Christiane Singer. « Fuis ! Sauve-toi ! Cours pour ta vie ! En courant, l’homme moderne tente d’esquiver la légion de fantômes à ses trousses, de succubes et de zombies qu’il s’est créés lui-même. Il y a des fuites qui sauvent la vie : devant un serpent, un tigre, un meurtrier. Il en est qui la coûtent : la fuite devant soi-même. » (Christiane Singer, Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le Ciel est en toi ? (2001), p. 12) Je vous renvoie à la gravure Le Sommeil de la Raison engendre des monstres (1797) de Francisco Goya, au documentaire « Body Without Souls » (1996) de Wiktor Grodecki, à l’essai Ceci n’est pas un fantôme (2011) de Pierre Katuszewski, aux Die-In mis en scène par certains militants homosexuels (comme par exemple celui du Boulevard Henri IV de la Gay Pride parisienne de 1999).

 

Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Bertrand Bonello est obsédé par le monde de la peinture. Mais curieusement, pendant tout le reportage, le passionné de peinture va se mettre en quête du motif de la monstruosité dans les œuvres picturales qu’il observe, au point d’en faire son sujet d’étude. Celia, la conservatrice de musées, qui lui fait des visites guidées, s’étonne de sa recherche (« Vous, ce qui vous intéresse, c’est un monstre inquiétant. »), puis finalement se prête au jeu (« On va chercher le monstre dedans. »). Elle associe la gémellité picturale ainsi que l’homosexualité, l’inversion des sexes, à la monstruosité quand elle commente les toiles : « Cette figure de femme hommasse peut tenir lieu d’identification. »

 

Il n’est pas rare d’entendre des personnes homosexuelles se prendre pour des monstres, considérer l’existence humaine ou l’amour comme horribles. « Je me voulus semblable à cette femme qui, à l’abri des gens, chez elle conserva sa fille, une sorte de monstre hideux, difforme, grognant et marchant à quatre pattes, stupide et blanc. En accouchant, son désespoir fut tel sans doute qu’il devient l’essence même de sa vie. Elle décida d’aimer ce monstre, d’aimer la laideur sortie de son ventre où elle s’était élaborée, et de l’ériger dévotieusement. » (Jean Genet, Journal du voleur (1949), p. 30) ; « Que Michael Jackson nous épargne ses jérémiades sur la pureté des enfants. Ce sont des monstres, comme nous. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 155) ; « Ce sont mon sentiment, ma faiblesse qui ont fait de moi un monstre. Oui, un monstre, puisque, au moment où je fais le bilan de mon existence, je m’aperçois que je n’ai jamais rien compris de la vie… » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 80) ; « Fais-moi le monstre en colère. » (Laurent demandant à son amant André de l’exciter au lit, dans le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; etc.
 

Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, le terme « Bixa » signifie à la fois « tapette » et « bestiole »… et c’est ainsi que s’auto-déterminent les témoins travestis.
 

Dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, Déborah, personne intersexe élevée en fille, et son amie Audrey, elle aussi intersexe, se baladent au Muséum d’Histoires Naturelles de Lausanne (en Suisse), et y observent les animaux empaillés, et notamment un « Chat : Monstre à tête double », en rappelant qu’à une certaine époque de la médecine légale, les hermaphrodites ou les intersexes comme elles étaient considérées comme des monstruosités de la Nature. Un peu plus tard, Vincent Guillot, militant intersexe, a de la révolte en lui : « Le médecin m’a dit : ‘T’es un mutant, t’auras jamais d’enfant, tu seras toujours différent des autres.’ »

 

Les monstres (en latin, « monstrare » signifie « montrer ») qui surgissent de l’imaginaire humain (torturé !) de nos contemporains nous montrent à mon sens deux choses : d’une part une passion morbide croissante pour la laideur et la mort, d’autre part une tentative de censure d’actes mauvais qui sont posés en l’honneur de la croyance en la « réalité » de ces mêmes monstres. Comme le souligne à juste raison le philosophe Philippe Muray dans l’essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), notre époque, qui est à la mode de « l’indignation n’ayant pas conscience de ce qui l’indigne » (et même pire : qui fait de l’indignation affichée sur les réseaux sociaux et à la télé un cache de l’objet d’indignation), est une époque propice à voir des monstres partout (au départ des « monstres gentils » comme Casimir) et à en produire sur nos écrans, pour ensuite se justifier de ne pas penser, de ne rien montrer de l’horreur de certaines pratiques destructrices et des folies humaines irraisonnées : « Monstre’ est un mot commode pour ne rien nommer du tout, et par conséquent ne rien essayer de comprendre non plus, puisqu’il s’agit aussi d’innommable, justement, de non-représentable, d’impensable. » (p. 129)

 

L’état de léthargie éthérée, en plus de révéler une atrophie du désir, peut signifier symboliquement quelque chose de beaucoup plus grave. Comme je le signale dans les codes « Sommeil » et « Oubli ou Amnésie » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels, le mort-zombie est parfois la victime d’un viol, qui par son silence, couvre son agresseur ou la future agression qu’elle va reproduire parce qu’elle n’a pas conscience de la violence qu’elle a subie. « J’attendais. Mieux que ça, je rêvais. Un rêve comme celui du Bon Dieu qui couche avec Satan. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 72) Par exemple, le 23 décembre 2002, dans les Hauts-de-Seine (banlieue parisienne), Philippe Digard, âgé de 26 ans, étouffe et tue Ilia, un jeune prostitué homosexuel : il semble, selon les propres mots de l’avocate générale Marie-Claire Maïer, que ce criminel « consommait beaucoup de cocaïne. Et la cocaïne, ça décuple les forces. Il s’est transformé en zombie, un zombie dopé ». Autant les zombies n’existent pas, autant les attitudes de zombies, autrement dit de possession diabolique ou de captation du désir par l’irréel, peuvent exister… et sont tout sauf douces !
 

Dans énormément de films actuels traitant de la Bête de l’Apocalypse, l’homosexualité y apparaît… preuve que l’homosexualité est un symptôme de Fin des Temps mais également de satanisme : « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, « La Belle et la Bête » (2017) de Bill Condon, « La Bête curieuse » (2016) de Laurent Perreau, « The Last Girl » (2016) de Colm McCarthy, « The Greatest Showman » (2017) de Michael Gracey, le film « Seules les bêtes » (2019) de Dominik Moll, etc.
 
 
 

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Code n°130 – Musique comme instrument de torture (sous-codes : Opéra / Mélomane / Danse)

Musique com

Musique comme instrument de torture

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La grande majorité des personnes homosexuelles a bien suivi à la lettre la consigne mondiale actuelle qui nous encourage à devenir tous la déesse Musique pour mieux nous détruire et nous réifier par nous-même sans que nous nous en rendions compte : « Vous êtes tous des chanteurs, vous êtes tous des stars de la chanson, la musique est votre vie, et votre vie est un clip. »

 

La musique a énormément influé sur la construction identitaire homosexuelle. Beaucoup de personnes homosexuelles disent ne plus pouvoir s’en passer, qu’elle est leur vie, même si, à d’autres moments, elles l’associent à un instrument de torture parce qu’elles se rendent compte qu’elles se sont excessivement enchaînées à cette idole apparemment immatérielle et pourtant concrète. Quand nous regardons bien, les icônes de la communauté homosexuelle sont presque toutes des chanteurs et des chanteuses. Certaines personnes homosexuelles en arrivent même à se définir uniquement par la musique qu’elles écoutent (opéra, danse, disco des années 1970, pop des années 1980, et plus récemment techno-house et électro).

 

Quoi de plus impalpable, en suspension, et paradoxalement vraisemblable, que la musique ? Exactement comme un fantasme. On l’entend concrètement mais on ne peut ni la toucher ni savoir exactement de quoi elle est faite et par quel mystère nous la trouvons appréciable ou dissonante. Elle peut donner à croire que tous nos désirs sont concrétisables. Par conséquent, il était logique que les personnes homosexuelles, qui partent du principe que tous leurs fantasmes identitaires et amoureux (même les plus irréels) sont des réalités, s’en saisissent en masse… même si, bien évidemment, il s’agit d’une lubie qui n’est pas proprement homosexuelle, et qui indique que l’idolâtrie pour la musique, qui a déferlé de manière mondialisée après la Première Guerre mondiale (avec l’essor de la radio et du cinéma), est globale. La Tour de Babel a des allures de fête bisexuelle et le rythme dans la peau !

 

Par conséquent, il faut se garder de ne pas causaliser le lien entre homosexualité et musique. Car il est non seulement faux (ce n’est parce qu’on se sent homosexuel qu’on est forcément un génie de la musique), mais il est en plus à la fois gay friendly et homophobe (exactement comme le racisme positif). Parler d’un « sixième sens homosexuel inné pour la musique », cela revient à magnifier une sensibilité qui, si elle était comprise telle qu’elle est vraiment, à savoir l’indicateur d’une blessure, n’aurait pas de quoi émerveiller.

 

Ci-dessous, je vous propose un extrait du film « Philadelphia » (1993) de Jonathan Demme, qui m’agace autant qu’il me fait sourire, car il illustre bien la propagande gay friendly visant à faire croire à tout le monde que nous, les personnes homosexuelles, aurions des aptitudes « naturelles » pour la musique, et que nous allons vous donner une leçon exceptionnelle d’humanité et de perception de ce qu’est la « vraie musique ». Pur mensonge démagogique. Au lieu de nous figer en espèce humaine à part de l’Humanité et de nous déterminer par le caractère, le goût ou le savoir faire artistique, nos contemporains feraient mieux de regarder en face ce que nous vivons, de quelle souffrance notre « sensibilité artistique homosexuel » est le reflet !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Télévore et Cinévore », « Artiste raté », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Éternelle jeunesse », « Milieu homosexuel infernal », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », « Fan de feuilletons », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Wagner », « Sirène », « Pygmalion » et à la partie « Play-back » du code « Substitut d’identité » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Mélo-man:

Film "Tan Lines" d'Ed Aldrige

Film « Tan Lines » d’Ed Aldrige


 

Beaucoup de héros homosexuels des fictions homo-érotiques sont mélomanes et ne vivent que par/pour la musique. Ils sont parfois eux-mêmes musiciens ou chanteurs : cf. le film « Saturday Night’s Fever » (« La Fièvre du samedi soir », 1977) de John Badham, le roman On Wings Of Songs (1979) de Thomas M. Disch, le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick, le film « Dance Me To My Song » (1998) de Rolf De Heer, le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland, le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « Last Days » (2005) de Gus Van Sant, le film « Edge Of Seventeen » (1998) de David Moreton, la chanson « Blah Blah Blah On The Radio » d’Ace of Base, « Don’t Stop The Music » de Rihanna, la pièce Un Ange pour Madame Lisca (1962) de Copi (avec un vieux pédé violoniste qui poursuit un jeune homosexuel de province), la pièce Musique brisée (2010) de Daniel Véronèse, le film « Ma mère préfère les femmes » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox (avec Noam, le héros homosexuel qui vend des disques), le film « Quartet » (1948) d’Harold French, le film « Music Lovers » (1970) de Ken Russell, le film « Solamente Nero » (1978) d’Antonio Bido, le film « Uncut » (1997) de John Greyson, le film « 800 Tsu Rappu Rannazû, Fuyu No Kappa » (1994) de Kazama Shiori, le film « Saved By The Belles » (2003) de Ziad Touma, le roman New Wave (2008) d’Ariel Kenig, le film « Le Maître de musique » (1988) de Gérard Corbiau, le film « Quartetto Basileus » (1981) de Fabio Carpi, le film « Food Of Love » (2001) de Ventura Pons, le film « Young Soul Rebels » (1991) d’Isaac Julien, le film « Tatie Danièle » (1989) d’Étienne Chatiliez, le film « Rome désolée » (1995) de Vincent Dieutre, le film « 15 » (2003) de Royston Tan, le film « He’s A Woman, She’s A Man » (1994) de Peter Chan, le film « Un Amour de Swann » (1983) de Volker Schlöndorff, la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar (avec Stéphane, le fan homosexuel de Madonna et de Whitney Youston ; cette pièce est truffée d’intermèdes des chansons des années 1980-1990-2000 assurant le fil rouge), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec le personnage de David), le film « Sonate d’automne » (1978) d’Ingmar Bergman, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec Aschenbach, le musicien raté), le film « Muriel » (1994) de P. J. Hogan, le film « Komma Ut » (« Coming Out », 2011) de Jerry Carlsson (avec la chambre remplie de photos de chanteurs), la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan (avec Isabelle, la cantatrice lesbienne), le film « Sur le départ » (2011) de Michaël Dacheux, « Can’t Stop The Music » (1980) de Nancy Walker, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec Éric, homo et fan de musique), la pièce Frères du Bled (2010) de Christophe Botti (dans laquelle l’influence de la radio, la télé, la musique des années 1980, est très marquée), la pièce Bonjour Ivresse ! (2010) de Franck Le Hen (Benoît, le héros homo, est fan de Jackie Quartz), la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi (China écoute à la radio des chanteuses de variété telles que Tita Morello, Libertad Lamarque), la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis (Hugo, le héros homo, se déchaîne sur « It’s Raining Men » et d’autres daubes musicales), la chanson « Music Was My First Love » de John Miles, le one-man-show Pareil… mais en mieux (2010) d’Arnaud Ducret (avec John Breakdown, le chorégraphe homosexuel), le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec Aurore, danseuse bisexuelle), la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen (avec Tom, le héros homosexuel chanteur), le one-man-show Les Bijoux de famille (2015) de Laurent Spielvogel, etc. Par exemple, dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Marilyn tombe amoureuse de Mona, une femme maghrébine avec qui elle va faire de la danse orientale dans un club. Dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, le producteur homosexuel, est chanteur. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Ziki, l’amante lesbienne, fait des chorégraphies colorées qui hypnotisent son amante Kena.

 

« VIVE LA MUSIQUE !!!!!! » (cf. la chanson « Une chanson sans paroles et sans musique » de Jann Halexander) ; « On vit dans la musique. » (Stef, un des héros homos de la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez) ; « Les rockeurs, les chanteurs de charme en étaient quasiment tous. » (Gérard dans la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « Ahmed [le héros homosexuel] est cool. Le gars de la ville connaît tellement de choses : tous les chanteurs populaires, les derniers tubes et toutes les nouvelles danses en vogue dans les discothèques d’Alger, alors qu’à la campagne, on fronce les sourcils sur tout genre de déhanchement, surtout sur des musiques américaines. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), pp. 42-43) ; « Y’a plein de lesbiennes dans la musique ! » (Rachel, l’héroïne lesbienne de la pièce Little Affairs (2010) d’Adeline Piketty) ; « J’pensais que tous les chorégraphes étaient gays. Hors ils étaient auto-reverse. » (cf. réplique de la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau) ; « Benjamin est chorégraphe. Comme tous les mecs qui ont raté leur carrière de danseur. » (Pierre parlant de son amant, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « J’adore la musique. » (Chloé, l’héroïne lesbienne du film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan) ; « J’ai une passion pour l’Opéra. » (le transsexuel M to F Octavia, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet) ; « J’adore la musique. La Musique est ma vie. Il n’y a que ça qui compte. » (Levi, un des héros homosexuels du film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau) ; « C’est pas vrai… J’adore cette chanson ! » (Éric le héros homo au bal de son lycée, dans l’épisode 7 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc.

 

Le lien qu’entretient le personnage homosexuel avec la musique est de nature incestueuse, nostalgique et fusionnelle. Par exemple, dans le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, Julien passe son temps dans la cuisine de sa maman où la radio est allumée en permanence. C’est la même chose pour le jeune Miguel dans le film « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » (1984) de Pedro Almodóvar. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Rettore et Davide, les deux héros homosexuels, vont écouter des vinyles dans une chambre obscure chez un disquaire muet qui leur fait revivre la nostalgie des chanteuses italiennes des années 1960-1970. Le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras est une ode aux chanteuses italiennes des années 1950-1960 (Patty Bravo, Raffaella Carrà, etc.). Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Gabriele, le chroniqueur radio homosexuel, est danseur de rumba (il en écoute dans son gramophone), et en apprend quelques pas à Antonietta, sa voisine de pallier. Tous les héros homosexuels de l’histoire font des chorégraphies et des play-back sur leurs « tubes », les considèrent comme leurs véritables mamans (« Ma mère était chanteuse. Elle pouvait chanter. » déclare Dany). Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo, le héros homosexuel, a été initié à la musique classique par sa mère et sa grand-mère… et la sonnerie de portable indiquant l’appel entrant de sa mère (ultra-possessive), c’est comme par hasard « Casse-Noisette » de Tchaïkovsky. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, lorsqu’Henri a eu 8 ans, sa mère a voulu l’inscrire à un cours de danse classique. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, les amants Frankie et Todd vivent pour la musique : ils ont toujours le walk-man sur les oreilles, et sont danseurs dans une troupe de danse contemporaine. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, toute l’idyle lesbienne entre Thérèse et Carol est mise sous le signe des disques vinyles des années 1950, de l’ambiance jazzy ou piano bar nord-américain. D’ailleurs, à un moment, les héroïnes se retrouvent dans un magasin de disques vinyles. Thérèse sent les regards insistants de deux autres lesbiennes garçonnes posés sur elle. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Kevin revient plusieurs années après leur idylle adolescente, vers Chiron, le jeune héros homosexuel, sous le prétexte d’une chanson qu’il a entendue dans le juke-box de son restaurant : « Une chanson m’a fait penser à toi. » Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Elio, le héros homosexuel, vit avec le walkman aux oreilles et garde toujours son poste de radio allumé. Il joue également brillamment de la guitare, du piano, et séduit ainsi Oliver, qui quant à lui, est fan d’un groupe musical queer Richard Butler. La musique semble être leur unique lien d’« amour »

 

Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel fait de sa mère et de sa grand-mère l’inspiratrice de son goût pour la musique : il découvre dans le grenier de la seconde un coffre avec plein de disques qui l’homosexualisent. « J’adorais la musique. Un jour, ma mère m’a acheté le CD qui a changé ma vie : André Rieu. » Le coming out est d’ailleurs mis par lui sur le même plan que la musique : « À cette époque, je n’ai pas encore dit à mes parents que… j’étais musicien. » Quand il arrive à l’âge adulte, Jefferey voue une passion (scatologique) avec la musique (il en écoute même « dès qu’il allait faire caca »), puisqu’il apprend le violon et considère celui-ci comme son amant. Il le baptise « Jean-Jacques » et envisage de se marier avec lui dans une « union officieuse ». Jefferey aime la « sonorité androgyne du violon ». Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, l’homosexualité est mise sur le même plan que le talent pianistique inné : Irène, au moment où le père Raymond lui demande d’où lui vient sa prédisposition au métier de pianiste, lui répond, pour défendre l’homosexualité de son frère Bryan : « C’est comme demander à Bryan pourquoi il est gay. » Dans la série The Last of Us (épisode 3, 2023) de de Neil Druckmann et Craig Mazin, c’est la maman de Bill qui lui a appris le piano, et notamment des chansons au texte cryptogay de Linda Rondstadt.
 

La musique est montrée comme un univers merveilleux, magique, meilleur que la réalité. Une nouvelle religion. « Rien ne remplacera jamais l’opéra ! » (Élisabeth dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « En vérité cette folle-là était d’une sensibilité incroyable et avait le goût le plus vif pour la musique ; je n’ai jamais connu personne sur qui elle eût produit des effets aussi singuliers. » (Denis Diderot, La Religieuse, 1760) ; « À l’Opéra, on s’est convertis. » (le couple homo dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Il y a mon costumier, fou de taffetas et d’opéra. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; etc.

 

Par exemple, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Martin, l’un des héros homosexuels, est fan d’Opéra. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, George, le héros homo, est chef de chœur. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, aller au ballet, selon Édouard, c’est comme faire son coming out. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Stuart, un des héros homos, fait une thèse sur les racines de la comédie musicale américaine. Dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, Jean-Paul, le héros homosexuel, est un vrai juke-box programmé sur les chansons des années 1980. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se prend pour Madonna et devient son sosie ; au passage, c’est un juke-box parlant, qui truffe toutes ses phrases de références musicales (Dalida, entre autres). Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Patou, l’ex de Bernard, adore le chanteur Étienne Daho. Dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque se montre fan des chanteuses de son enfance : Dalida, Mylène Farmer, Dorothée, Chantal Goya… Dans le film « Navidad » (2009) de Sebastián Lelio, Alicia, l’héroïne lesbienne, compare les disques à des diamants. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Romuald, le héros homosexuel, qualifie les lesbiennes de « mangeuses de disques ». Dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky se tissent des relations lesbiennes dans le milieu de la danse classique. Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Graziella, l’agent de Tom (le héros homo) qui veut le forcer à paraître hétéro, lui soumet un test de questions pour savoir s’il arrive à rentrer dans la peau de son personnage. Et l’un des questions est : « Country ou Opéra ? » Tom prend sur lui pour répondre « Country »… mais le « naturel » ne tarde pas à revenir au galop.

 

Le personnage homosexuel considère souvent la musique comme un être humain réel, à qui il peut ressembler et s’identifier. C’est sa manière de devenir une poupée magique : cf. le film « Techno Boys » (1997) de Jean-Daniel Cadinot, le film « Far West » (2003) de Pascal-Alex Vincent, la chanson « Benoît tourne-toi » du groupe Benoît (où « être techno » signifie « être homo »), le film « Yossi » (2012) d’Eytan Fox, le roman Le Chant d’Achille (2014) de Madeline Miller, etc. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Marcy, l’héroïne lesbienne, parle à son poste CD comme s’il était vivant : « Toi aussi, tu me lâches… » Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann, le héros homosexuel, est un juke-box sur pattes, et se prend pour les chanteurs qu’ils imitent : « Tout le monde dit que je ressemble à Ricky Martin. » ; « C’est moi qui fais Lady Gaga. » (idem) Il rêve d’enregistrer un disque.

 

Par exemple, dans le film « Piano Forest » (2009) de Masayuki Kojima, jouer du piano, c’est comme changer de sexe, ou se dire homosexuel : Kimpira s’étonne avec fascination que Shûhei soit « pianiste alors que c’est un garçon… ». Dans le sketch « Le Papa Zonard » de Bruno Salomone, le fils qui écoute la comédie musicale Roméo et Juliette, se fait soupçonner de « dalepé » (= « pédale » en verlan) par son père.

 

Plus encore, le héros homosexuel croit que la musique est un amant à qui il peut faire une déclaration d’amour. « Quand je t’ai rencontré, j’ai entendu l’intro comme une comédie musicale. […] C’est notre histoire d’amour musicale. Nous l’écrivons scène après scène et notre amour grandit pendant ce voyage vers la liberté ! » (Adam s’adressant amoureusement à Steve dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Quelqu’un a dit : ‘Sans la musique, la vie serait illogique.’ J’ajoute : ‘Sans Ernest, ma vie serait illogique.’ » (Chris dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, pp. 84-85) ; « Tous les ‘Je t’aime’ des chansons, j’ai fini par croire que c’était à moi qu’ils étaient adressés. Les chansons, je ne veux pas en sortir. Les chansons, elles sont comme nous : elles vivent comme nous. » (Frédéric Zeitoun dans la pièce musicale Toutes les chansons ont une histoire (2009) de Quentin Lamotta) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] faisait la lecture à Mary, guidant l’esprit assimilateur de la jeune fille dans de nouveaux domaines inexplorés jusqu’ici, lui enseignant la joie qui peut résider dans les livres. […] Et Mary, écoutant la voix de Stephen, assez profonde et toujours un peu rauque, pensait que les mots, lorsque c’était Stephen qui les prononçait, étaient plus harmonieux que de la musique, et plus inspirateurs. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 432) ; « J’écoutais la chanson ‘Réunion’ de M23, et j’ai pensé à toi. » (Simon s’adressant à son amant Bram, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; etc.

 

B.D. "Le Monde fantastique des Gays" de Copi

B.D. « Le Monde fantastique des Gays » de Copi


 

Par exemple, dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, Garnet danse en cachette dans une salle de danse, au son d’un phonographe. Dans la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall, le très efféminé Maître de Cérémonie vit un orgasme en écoutant une de ses chanteuses préférées devant son gramophone. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, Luce et Rachel, les deux amantes, tombent amoureuses en faisant un karaoké dansant avec une machine. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, la musique jazz est associée à l’androgynie. Tom, le héros homosexuel, est fasciné par la chanson « My Funny Valentine » de Chet Baker : « On ne sait même pas si c’est un homme ou une femme. » Lui-même est accordeur de piano et sort avec Peter, un pianiste. Par ailleurs, Tom tombe amoureux de Dick en lui faisant croire qu’il est, comme lui, fan de jazz. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien et Rémi flashent l’un sur l’autre en écoutant « Take On Me » de A-ha. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Arthur impose régulièrement à son amant Jacques la musique de son walkman : « J’te fais écouter ma musique ? »

 

Film "Anastasia" de Don Bluth et Gary Goldman

Film « Anastasia » de Don Bluth et Gary Goldman


 

D’ailleurs, la rencontre amoureuse homosexuelle se fait souvent sur un air de musique : cf. le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec Ziggy, le héros homosexuel passionné par David Bowie), le roman Mathilde je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung (où la narratrice tombe amoureuse d’une rock star), le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler (Beni tombe amoureux de Fögi, un chanteur underground), etc.

 

« Je mets donc toute mon âme dans la musique, et mon cœur sombre d’un seul coup dans le chagrin de ce peintre raté qui voit se défaire devant lui un couple d’amis. […] Je me dis souvent que ce n’est pas en restant écrasé dans le fauteuil rouge à écouter Leonie Rysanek chanter la ‘Chanson du saule’ que je risque de trouver l’âme sœur. Il y a bien le parc Lafontaine pour faire exulter le corps, mais ça ne reste que des attouchements impersonnels qui n’ont rien à voir avec quelque sentiment que ce soit. Mais je ne me décide pas à faire le grand saut, à partir à l’aventure ou, du moins, à la recherche de mes semblables, je me contente de sublimer depuis déjà trop longtemps, j’en suis parfaitement conscient et je n’y peux rien. » (le narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 19)

 

La musique apparaît comme un aphrodisiaque. Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Bernard raconte qu’il a couché avec Peter, un hétéro, « un soir, après une soirée arrosée autour d’une piscine ». À son grand regret, ce ne sera qu’une seule fois. Et Larry rajoute cyniquement : « Le bon vin et la bonne musique excitent la curiosité… » Dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier, Bernard essaie de draguer Philippe en lui apprenant à jouer du xylophone. Et quand il doute de son homosexualité, Philippe le rassure en lui rappelant son goût pour la musique : « Te poses pas de questions. T’es fait pour les garçons. Je veux du jazz. » Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Bernard, homo, arrive à faire tomber son voisin de pallier hétéro, Didier, dans ses filets, grâce à de l’alcool et de la musique vahiné et indienne : « Il est bon de planer. » Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Matthieu sort avec son nouveau copain, Jonathan, qui se dit chanteur ; et ce n’est pas la première fois que ça lui arrive : « Chez les pédés, c’est fréquent de tomber sur des mecs qui veulent être chanteur, acteur, mannequin. » (Matthieu, un des personnages homos de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Je suis sorti avec un chanteur… et il travaille à Disney maintenant. » (idem) ; etc.

 

Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, le couple lesbien Shirin/Atefeh regarde la Star Academy locale à Téhéran : elles rêvent de quitter leur pays, l’Iran, pour se lancer dans la chanson, et être l’agent l’une de l’autre : « Tu chantes et je deviens ton agent. » dit Ati ; et Shirin, dès la première phrase du film, lui promet de l’emmener vers « un endroit où elle sera son agent ». Dans le film « Compilation : 12 instants d’amour non partagés » (2007) de Frank Beauvais, pour revoir Arno, Frank lui propose de venir quotidiennement chez lui écouter de la musique, celle qui devient l’unique dialogue entre eux. Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, au moment où ils vont sortir ensemble, Bilal va rendre à Malik ses disques : « J’vous ai rapporté vos disques… » Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, le couple homo « chante son amour comme dans Les Parapluies de Cherbourg. » Dans sa chanson « Avec des si », Monis dit qu’« il a couché avec la Musique ». Dans le film « Sherlock Holmes » (2008) de Guy Ritchie, au moment où Sherlock Holmes invite Watson à l’Opéra, on comprend l’ambiguïté homosexuelle de la proposition. Dans le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion, Isabelle tombe amoureuse de la veuve Serena Merle, rien qu’en l’écoutant jouer du Schubert au piano : « Elle est charmante. Elle joue admirablement du piano. » Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara tombe sous le charme de Sonia en l’entendant chanter au micro un duo avec un musicien qui la dépucellera.

 

La musique ramène le héros homosexuel à l’enfance (… et à l’infantilisation anesthésiante). On retrouve souvent, dans la fantasmagorie homosexuelle, la présence des boîtes à musique : cf. le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair, le film « Les Frissons de l’angoisse » (1975) de Dario Argento, la performance Golgotha (2009) de Steven Cohen (avec l’acteur travesti M to F et son tourne-disques), le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, etc. La musique dans les fictions homo-érotiques a très souvent un parfum nostalgique de pathos rétro. Par exemple, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, offre à Paqui, une femme mûre espagnole qu’il admire, un disque de Julio Iglesias. « Elle s’appelait Voom-Voom Pérez. Je ne manque jamais de lui apporter un petit cadeau : une paire de bas de soie ou une boîte à musique. » (le narrateur homosexuel dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 39)

 
 

b) Over-music-dose :

Quand la musique est bonne… bonne bonne bonne… (un peu trop, même…). Le problème, c’est qu’à force de s’en gaver et de chercher à se réifier par elle, le héros homosexuel finit par se révolter contre elle, par être saoulé par cette étrange maîtresse dominatrice invisible qui ressemble plus à du bruit qu’à une mélodie harmonieuse : « Votre obsession pour la musique nous coûte une fortune. » (la Mère Générale s’adressant à sœur Augustine, dans le film « La Passion d’Augustine » (2016) de Léa Pool) ; « La musique, ça aide les gens à croire qu’ils ne s’ennuient pas ensemble. » (Stéphane, le héros homosexuel de la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Jeanne casse le disque et introduit les morceaux dans un grand moulin à café, elle tourne la manivelle. » (Copi, La Journée d’une Rêveuse, 1968) ; « Je déteste les cantatrices d’opéra, il est impossible de les faire taire. » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Tu te tannes jamais de toujours écouter les mêmes chanteurs beugler les mêmes affaires plates à journée longue ? » (la mère du narrateur homosexuel, piquant des crises en rentrant dans la chambre de son fils, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 29) ; « Ça te changera de ta musique de dégénérés. » (Olga, la vieille, s’adressant à Anton, le héros homosexuel, dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; « Une chanson pop explosa dans sa tête, ne parvenant pas tout à fait à couvrir les cris tandis que les poings martelaient la chair. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 124) ; « À l’école, les garçons se moquaient de moi parce que j’écoutais des trucs de filles. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; etc.

 

Il est fréquent, dans les œuvres artistiques, que la musique soit présentée comme une drogue, une obsession, une mélancolie, une séduction diabolique, et même un instrument de torture qui entraîne le personnage homosexuel jusqu’au viol, la débauche et la mort. « Tout le monde vous dira qu’ils y vont parce qu’ils adorent la… musique. » (Jonathan, le héros homosexuel parlant du Dépôt, le centre de backroom près du Marais à Paris, et ironisant sur l’hypocrisie des clients qui n’avouent pas directement leur attraction pour le sexe et se trouvent l’excuse de l’ambiance musicale, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Je ne suis pas un warrior. J’écoute Céline Dion. » (Jérémy Lorca dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; « Tout cela m’est advenu par la faute de la musique. Cet art m’a fait plus de mal que de bien. » (le compositeur homosexuel Érik Satie dans la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « Tu entends Le Roi des Aulnes. La mélodie de Schubert accompagne chacun de tes mouvements ; sous l’œil aguerri des kapos, une chorégraphie conduit ton labeur. » (Félix, le héros homosexuel dans le camp de concentration, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 99) ; « Les détonations s’enchaînent comme des accords de piano frénétiques. » (idem, p. 101) ; « Si vous l’entendez, il est déjà trop tard. » (cf. slogan du film « Jeepers Creepers, le Chant du diable » (2000) de Victor Salva) ; « Le jeune amant [Marcel, le héros homo] entend dans sa tête Jacques Brel qui chante ‘Voir un ami pleurer’, un des nombreux grands artistes que Bertrand lui a fait découvrir. Souvent Marcel doit aussi essuyer ses yeux mouillés. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 25) ; « Besoin de bruit même la nuit, sinon, j’suis insomniaque. » (cf. la chanson « L’Enfant de la pollution » de Ziggy, le héros homo de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Je remets ce disque encore une fois. […] Je l’écouterais bien 100 fois. » (cf. la chanson « Encore cette chanson » d’Étienne Daho) ; « À la radio Call Me de Blondie, Contagieuse mélodie, Call Me, Call Me, Ronger sa mélancolie » (cf. la chanson « L’Étrangère » d’Étienne Daho) ; « Dès l’âge de 6 ans, je passais tout mon temps à écouter la radio américaine. Tard dans la nuit, je continuais d’écouter la voix des maîtres américains. Toni Tenille. Debbie Boone, Lou Reed, Iggy Pop, David Bowie. Ces artistes ont réussi à me marquer aussi fortement que la grille du four sur mon visage… Comment faire mieux que Toni ou que Lou ? » (Hedwig, le héros transgenre M to F du film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell) ; « Un bar bruyant […], tôt ou tard, je sature et j’ai besoin d’un break, de me trouver quelques étoiles, de respirer une louche d’air frais et de me sortir la Christina Aguilera de la tête. » (Michael, le héros homosexuel du roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 126) ; « C’était un soir de printemps, un soir de fête de la musique. La date fixée par le ministère était martelée par les téléviseurs depuis plusieurs jours. […] Les sons mélangés s’insinuaient dans le moindre recoin de l’appartement. » (Benoît Duteurtre, Gaieté parisienne (1996), p. 27) ; « Cette musique obsessionnelle, ce rituel du néant exaspérait beaucoup de mélomanes. » (Le narrateur à propos de la musique de boîte, idem, p. 52) ; « La musique – dire qu’elle était tonitruante serait un euphémisme – me brisait les tympans et me brassait la cage thoracique. […] Je me jurai de rester une demi-heure par pure politesse et de me sauver à la maison. Il était impossible de ne pas bouger, même à l’extérieur du plancher de danse, alors je faisais comme tout le monde, je me dandinais sur place en regardant évoluer le zoo qui m’entourait […]. J’aurais juré être une paillette de couleur au milieu d’un kaléidoscope manipulé par un fou. » (Jean-Marc, le héros homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 172) ; « Il songea que tout cela était trop fou, trop atroce pour être dit avec de simples mots. Une chanson idiote qui avait conduit 9 superbes jeunes hommes à une mort abominable, 9 couplets débiles qui avaient détruit 9 vie, soufflé 9 flammes. » (Rémi dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, p. 174) ; « Une de tes spécialités, la musique militaire. » (Michael parlant à Emory, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « J’en peux plus de cette musique ! » (Delphine excédée de la musique wagnérienne que son grand-père secrètement homo, Frédérick, écoute tous les matins dans la maison familiale, dans le film « L’Arbre et la Forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Un groupe de musiciens berbères est soudain apparu devant nous. Ils avaient l’air dangereux, très dangereux même, mais ils jouaient merveilleusement bien tout un répertoire du folklore du Sud marocain. […] Ils étaient tous noirs, ces musiciens. Absolument noirs. Et leur musique, fascinante, nous a obligés, Khalid et moi, à suspendre notre dialogue et à les écouter un bon moment. » (Omar, l’un des héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 115) ; « Esti fut soudain submergée par l’immensité de la situation. Elle [Ronit, l’héroïne lesbienne] était là. Après tant de temps. Ici. Une tension pesait sur son front, lui enserrait le crâne, un bourdonnement pareil à celui d’un engin électrique. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), p. 85) ; « L’éclat lumineux […]. Dovid l’entendait dans ses oreilles, elle résonnait comme une musique aiguë, douloureuse. Belle et effroyable à la fois. » (idem, p. 240) ; « Cette Barbara Streisand, elle t’a pas un peu déformé le cerveau ? » (le père d’Howard s’adressant à son fils suite au coming out de ce dernier, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « C’est vrai que la musique adoucit les mœurs… » (Rodolphe Sand, tout en racontant sadiquement des horreurs, dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « J’ai déjà pleuré sur du R’n’B français. » (Shirley Souagnon, racontant comment elle finit par adorer la « musique noire » au rythme de son père, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Nous les gays, on a une arme fatale : c’est Alizée. Alizée, elle te vide un immeuble entier. » (Jérémy Lorca dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Son mec à moi (2007) de Patrick Hernandez, le concours Eurovision de la chanson est comparé à la cocaïne. Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Donato, l’un des héros homosexuels, se saoule de musique arabisante en boîte, au point d’en perdre la tête. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le Père 2 écoute de la musique militaire (fanfares) bien fort dans l’appartement. Dans le film « Love, Valour And Compassion » (1997) de Joe Mantello, la danse en tutu finale préfigure la mort du Sida de chacun des personnages homos. Dans le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò et les 120 Journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, les récitals des quatre divas sont un avant-goût du déchaînement de violence de la dictature de Salò. Dans le film « La Vierge des tueurs » (2000) de Barbet Schroeder, le jeune Alexis passe son temps à allumer la musique à fond sur la chaîne hi-fi du salon. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, le libertin Emmanuel se plaît à écouter de la musique rétro, Charles Aznavour, pour pleurer en silence ses parties de jambes en l’air. Dans le vidéo-clip « Que mon cœur lâche », l’ange Mylène Farmer n’arrive pas à entendre ce que lui dit Dieu car elle écoute son walkman. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, la musique est mise trop forte et Franck ne veut pas la baisser. Toujours dans le même film, une ancienne amie portugaise de Matthieu, le héros homo décédé, vient innocemment rendre visite à la mère de Matthieu, Camille, sans savoir que Matthieu est mort, et lui offre le disque que ce dernier lui avait envoyé en cadeau : l’écoute solitaire de cet album par la maman est une torture qui la replonge dans la douleur du deuil. Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain Canard, le coiffeur gay, n’a aucune distance par rapport à la musique, il se met dans tous ses états quand il entend quelques notes de piano ; il croit que le fantôme d’Isabelle, la concertiste, revient le persécuter. Dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Julia, l’héroïne lesbienne, ne peut plus écrire tranquillement dans sa chambre tellement sa voisine, Lisa, écoute de la musique rock fort et refuse de la baisser. Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire force Joséphine à écouter des 45 tours dans une cave, comme une séance de torture : « Vous connaissez pas la musico-thérapie ? » rit-elle sardoniquement. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam se met de la musique à fond dans son appartement, précisément pour s’oublier lui-même, se noyer dans l’alcool, danser avec le portrait de Benoît XVI, et décider de s’homosexualiser. Dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant, Harvey Milk regarde la mort scénarisée dans un opéra… qui préfigure sa propre mort imminente.

 

Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, entre les locataires de la maison coupée du monde, c’est la guerre (apocalyptique) du « son » où chacun essaie d’imposer sa musique : « Les habitants de la tour de Babel ne toléraient que leur propre musique, ne s’intéressaient qu’à elle, par principe et avec obstination, espérant toutefois l’imposer aux autres, à force de la diffuser à un volume maximal. Ils s’indignaient alors de l’indifférence qu’elle rencontrait, comme on s’offusque d’une évidence mal comprise, incapables d’envisager que l’agression n’est jamais qu’une séduction […]. Au fond, chacun d’entre eux aurait donné cher pour obtenir le silence. Mais comme chacun considère ses déjections comme un prolongement de soi et les supporte mieux que celles des autres, chacun préférait s’abîmer les tympans avec sa propre pollution sonore, plutôt que de subir celle du voisin. Alors c’était la guerre par le bruit. L’affirmation chaotique et arrogante de soi par l’exhibition musicale. » (pp. 150-151)

 

Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, écoute toujours de la musique à fond. Sa mère pète un plomb : « C’est cacophonique ! » Kyla, la voisine qui donne des cours particuliers au jeune homme, le supplie de baisser la musique : « La musique, Steve, baisse-la. » Lors d’une séance de karaoké, où Steve se ridiculise, la prestation vire à la vision d’enfer : le héros voit tous les clients du bar ricaner, puis en menace violemment un avec une bouteille de bière car il ne gère pas l’humiliation.
 

Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, parle carrément d’une possession de son corps par l’âme des chanteuses qu’il imite : « Madonna, quand elle rentre, pour la faire sortir… [c’est pas gagné !] » On retrouve la même idée dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, avec Norbert qui se retrouve possédé par le fantôme d’Édith Piaf : « Édith, sors de ce corps !!! »

 

Film "Xenia" de Panos H. Koutras

Film « Xenia » de Panos H. Koutras


 

Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, a été tellement gavé de musique kitsch qu’il régurgite et fait une scène à son grand-frère Ody quand il l’entend rechanter des tubes de leur enfance pour se préparer à un concours de chansons : « C’est de la soupe ! » récrimine-t-il (ce à quoi l’agent homo de Ody, Tassos, lui rétorque qu’il n’a pas à se plaindre et à être ingrat : « N’oublie pas que cette soupe t’a nourri pendant des années ! »). Plus tard dans le film, Dany réutilise la musique de son enfance comme une matraque qu’il retourne contre son propre géniteur. En effet, il fait écouter en direct depuis son téléphone portable l’audition vocale de son grand-frère Ody à la Greek Star (l’équivalent de l’émission de télé-réalité The Voice en Grèce) tout en pointant son flingue contre son prétendu père biologique et Vivi la nouvelle femme de celui-ci. Il les oblige même à applaudir la prestation musicale qu’ils entendent. On voit donc très bien ici que la musique est considérée comme un instrument de torture, comme un pistolet.

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, la musique annonce des catastrophes. Par exemple, Jonas, le héros homosexuel, écoute des cochonneries sur la sexualité sur Fun Radio. Plus tard, il se rend avec son amant Nathan dans le club gay Boys Paradise, sont refoulés à l’entrée, et finissent par être accostés par un prédateur qui les amènent dans un autre club, La Dolce Vita, qui est une discothèque homo fictive. Sur le trajet, le prédateur homo, qui a l’air pourtant d’avoir des goûts musicaux de midinette (il écoute à fond la chanson « T’en va pas » d’Elsa, et ne veut pas baisser le son), refuse de faire descendre les deux jeunes garçons et donne un coup mortel à Nathan. Les paroles « Nuit tu me fais peur, nuit tu n’en finis pas comme un voleur. » résonnent comme une préfiguration du drame à l’issue duquel Jonas ne reverra plus son compagnon.
 

La musique ou la danse sont à la fois les bâtons privilégiés de l’homophobie ordinaire (ou de l’homophobie intériorisée), et les vecteurs, selon certains héros homosexuels, de leur identité homosexuelle « profonde » (cf. le film le film « Billy Elliot » (1999) de Stephen Daldry). « Pour une fois qu’un prof de danse n’était pas pédé… » (Océane Rose Marie, La Lesbienne invisible, 2009) ; « Danser, c’est pour les pédés. » (Kevin dans la pièce Ma Double Vie (2009) de Stéphane Mitchell) ; etc. Par exemple, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’héroïne lesbienne, traite Prentice de « Sissy » parce qu’il fait des mouvements de danse sur la plage. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus. Mark dit fièrement aux journalistes que grâce au travail des mineurs gallois qu’il soutient avec son groupe LGBT, « les gays comme lui peuvent prendre leur pied sur du Bananarama ». Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Howard écoute seul chez lui une cassette d’un guide vocal qui donne des cours de masculinité (une sorte de méthode assimil pour redevenir hétéro) et le met à l’épreuve en lui faisant écouter « I Will Survive » de Gloria Gaynor pour qu’il ne craque pas et ne bascule pas du côté obscur de la force ( = l’homosexualité). Ce « tempo endiablé et démoniaque » a malheureusement raison de lui, finit par produire l’effet inverse escompté puisqu’Howard se met à danser comme une tapette : la voix du coach « hétéro », impuissante face aux décibels disco, devient agressive, insultante (« Soyez un homme ! Faites n’importe quoi mais ne dansez pas !!! Arrêtez de tortiller des fesses, espèce de grande folle !!! »)… pour finalement s’avouer vaincue et s’homosexualiser elle aussi (« Alors ? Comment tu t’en es sorti, mon mignon ? ») !

 

 

Dans quasiment toute la production du réalisateur allemand Rainer Werner Fassbinder, la musique rend fou. Par exemple, dans le film « Lili Marleen » (1980), la torture qui est infligée à Robert, jeune musicien d’origine juive amoureux de la célèbre chanteuse allemande Lili Marleen, c’est d’entendre en boucle le disque rayé de sa dulcinée dans sa cellule carcérale. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997), Franz tourne en rond dans l’appartement qu’il partage avec son amant Leopold, écoute sans arrêt les mêmes morceaux musicaux (notamment l’« Alleluia » de Haendel) et rumine son amertume amoureuse ; Leopold finit par péter un plomb : « Et cette maudite musique !! Il faut toujours qu’on entende des musiques de ce genre ??? Éteins la musique !! » Dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil, Tom, le fan de Mylène Farmer, est interné en hôpital psychiatrique à cause de sa passion.

 

Film "Lili Marleen" de Rainer Werner Fassbinder

Film « Lili Marleen » de Rainer Werner Fassbinder


 

Le monde de la nuit en boîte homosexuelle représente cette organisation institutionnalisée de la torture musicale « consentie », « autorisée », aseptisée, à cause du manque de communication et d’humanité qu’instaure l’excès de décibels : cf. le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, la chanson « Jesus Is Gay » de Gaël, le vidéo-clip de la chanson « Le Slow » de Zazie, la comédie musicale Sauna (2011) de Tom Evanicki et Esther Daack, le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le téléfilm « Juste une question d’amour »(2000) de Christian Faure, le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro (avec Gabriel, DJay à la soirée de Karina), le roman Vernon Subutex (2015) de Virginie Despentes, etc. « Je n’y vais plus. J’en ai marre des boîtes. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) Par exemple, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, la rencontre en boîte homo que fait le héros bisexuel avec Karim se finit presque en « tournante à quatre ». Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, l’ambiance en discothèque lesbienne est très malsaine : les clientes se disputent les nouvelles recrues comme de la chair fraîche. Dans le film « La Partida » (« Le Dernier Match », 2013) d’Antonio Hens, Reinier et Juan se rencontrent lors d’une sortie en boîte sous ecstasy. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glen et Russell sortent ensemble en boîte gay parce qu’ils sont désespérés et dégoûtés de l’amour (leur histoire d’« amour » ne durera qu’un week-end, d’ailleurs). Le film « D’un trait » (2004) d’Alexis Van Stratum se déroule en boîte gay et illustre la descente aux enfers de toute personne homosexuelle qui fréquence le monde de la nuit homo. Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Zach sort avec Danny en boîte sans savoir qu’il est un de ses élèves de fac. Dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien, Dallas, l’assistant-couturier homosexuel de Cecilia, s’appelle en réalité Claude François. « Ma mère l’adorait. » À la fin, il mime avec Joséphine le coup de griffe de « Baracouda » de la chanson « Alexandrie-Alexandra »… et porte la Marque de la Bête.

 

Les discothèques gays dans les fictions homo-érotiques sont parfois le théâtre de l’horreur (à cause d’un attentat, d’un incendie ou des violences qui s’y déroulent entre clients). Par exemple, dans la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983) de Copi, le meurtre du barman a lieu un soir d’orgie, lors d’un « bal macabre » (p. 83) dans une backroom d’une boîte homo de Pigalle. Dans le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, la bande de morts-vivants homosexuels hantant la maison de Marc et Emma a péri dans une boîte gay qui a brûlé dans les années 1970. Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, une explosion de chaudière mettant le feu à une fête interlope fait un carnage très meurtrier dans l’Hôtel Continental. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, un maquereau veut lancer Davide, le héros homosexuel, dans la chanson. Il apparaît comme le chevalier blanc (il porte un costard blanc, a une belle voiture blanche). Mais en réalité, c’est pour s’attirer les faveurs sexuelles du petit. C’est de la prostitution pédophile déguisée (Davide a quatorze ans). Il se lamente de « la musique de merde » qu’écoutent les prostitués qu’il entretient financièrement.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Mélo-men:

Film "Pink Narcissus" de James Bidgood

Film « Pink Narcissus » de James Bidgood


 

Nos pays occidentaux peu à peu nous le prouvent à leur insu, à travers des émissions de variétés, de télés-crochet, telles que The Voice (concours de voix) où les finalistes sont particulièrement androgynes et souvent homosexuels : il y a de nombreux croisements entre désir homosexuel et musique.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles sont mélomanes et ne vivent que par/pour la musique : il n’y a qu’à voir les films de Gaël Morel, Xavier Dolan, François Ozon, Pedro Almodóvar, Stephan Elliott, Panos H. Koutras, les one-man-show de Samuel Laroque, Jérôme Loïc, Yoann Chabaud, Rodolphe Sand, les pièces de Michel Heim, Martial Di Fonzo Bo, Franck Le Hen, qui sont des clips rallongés en longs métrages, pour s’en persuader. Certaines ont des discothèques impressionnantes : c’est le cas de Michel Gaubert, entouré de tous ses vinyles. Elles exercent parfois le métier de chanteurs, de musiciens, de danseurs, de compositeurs, de chorégraphes : Emmanuel Moire, Elton John, George Michael, Vaslav Nijinski, Jacques Chazot, Patrick Dupond, Rudolf Noureev, Jean Sablon, Charles Trénet, Érik Satie, Piotr Ilitch Tchaïkovski, Ricky Martin, Sinead O’Connor, Leonard Bernstein, Benjamin Britten, Camille Saint-Saens, Manuel de Falla, Georges Gershwin, Maurice Ravel, Anne-Laure Sibon, Maurice Béjart, Catherine Lara, Janis Joplin, Sergei Diaghilev, Freddy Mercury, Jimmy Sommerville, Boy George, Patrick juvet, Étienne Daho, Dave, Ari Gold, Morrissey, Klaus Nomi, Johannes Brahms, Frédéric Chopin, Jean-Baptiste Lully, Franz Schubert, William Young, Stephen Gately, Hervé Vilard, Luis Mariano, Félix Mayol, K.D. Lang, Yvonne George, Suzy Solidor, etc. Je vous renvoie au documentaire « Porträt Marianne Rosenberg » (1976) de Rosa von Praunheim (dédié aux stars du disco), le documentaire « Hang The DJ » (1998) de Marco et Mauro La Villa, le documentaire Ouganda : au nom de Dieu (2010) de Dominique Mesmin (avec Joseph, le sorcier gay, qui a dans sa chambre un énorme poster des Spice Girls), etc.

 

Par exemple, en 2009, Eytan Fox a dirigé la série musicale Mary Lou, d’après les chansons de la célèbre chanteuse Tzvika Pik, fable moderne où un jeune homosexuel part à la recherche de sa mère. Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko raconte que, pendant son adolescence, il a été élu meilleur danseur de son école. En 2013, Benjamin Millepied, le pianiste lyrique, a fait la Une du magazine Têtu. De mon côté, la musique a toujours été centrale dans la construction de mon identité et de ma sexualité (j’ai créé, à une période, beaucoup de sketchs construits sous la forme du film « On connaît la chanson » (1997) d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri).

 

mille

 

Pour certaines personnes homosexuelles, l’identification à la danse ou la chanson est totale : « Je ne chante pas des chansons ni les interprète. Moi je suis la chanson. » (Boule de Neige cité par Deny Extremera, « Bola de Nieves : Yo Soy La Canción. », sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003)

 

« Sur ma lancée d’organisateur de jeux pour le quartier, je pris en charge les fêtes de la Saint-Jean. J’avais tout juste treize ans. Je montai une comédie musicale avec mes camarades, abusant du play-back. C’était le début du disco et je me trémoussais avec enthousiasme durant le spectacle, incarnant… des chanteuses. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière, 2011, pp. 29-30) ; « Mes goûts aussi, toujours automatiquement tournés vers des goûts féminins sans que je sache ou ne comprenne pourquoi. J’aimais le théâtre, les chanteuses de variétés, les poupées. […] Mon père pensait que le football m’endurcirait et il m’avait proposé d’en faire, comme lui dans sa jeunesse, comme mes cousins et mes frères. J’avais résisté : à cet âge déjà je voulais faire de la danse ; ma sœur en faisait. Je me rêvais sur une scène, j’imaginais des collants, des paillettes, des foules m’acclamant et moi les saluant, comblé, couvert de sueur – mais sachant la honte que cela représentait je ne l’avais jamais avoué. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 29-30) ; « La musique et les boîtes disco ont été essentiels dans le développement de la culture gay. » (Steve Blame interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « La musique d’Amanda Lear m’a aidé à accepter mon aberration. Je me disais que la chanson d’Amanda Lear ‘Follow Me’ est peut-être plus aberrante que ce que j’éprouve. En ce sens, elle m’a beaucoup aidé et ça m’a rendu plus fort. J’avais tous les disques d’Amanda Lear. Je les connaissais par cœur. Et ça a vraiment renforcé ma confiance en moi. » (Hape Kerbeling, idem) ; « La Symphonie de Franck. Je l’ai aimée depuis mon adolescence. Pour une raison que je ne m’explique pas bien, cette musique m’a toujours donné l’impression d’être couleur de violette, peut-être à cause de sa mélancolie, sa douce nostalgie de je ne sais quel bonheur. […] De la musique encore et encore. Elle me donne ce que les mots ne me donnent jamais tout à fait. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, mars 1981, pp. 15-18) ; etc.

 

La musique est considérée par la communauté homosexuelle comme un univers merveilleux, magique, meilleur que la réalité. « Ma première émotion artistique, je la dois à la radio. Je me souviens très précisément des soirs où, de mon lit, j’entendais le poste dans la salle à manger : Rina Ketty, Maurice Chevalier, Tino Rossi, Mistinguett chantaient et j’étais fasciné par ces voix lointaines qui berçaient mon imagination et m’endormaient dans un sommeil de fête. J’écoutais ces musiques très gaies, les réclames, et j’avais l’impression qu’à Paris tout le monde dansait, s’amusait, que personne ne travaillait, que les gens passaient leur temps à chanter dans les rues. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 23) ; « Du piano à la découverte de cette autre ‘sensation’, j’appris également les techniques du chant. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 36) ; « C’était la belle époque, celle de mes découvertes musicales et de ma passion pour la musique. » (idem, p. 45) ; « C’était une époque où la radio possédait encore tout son pouvoir d’envoûtement. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 149) ; etc. Rappelons par exemple qu’en France, l’ancien Ministre de la Culture, Jack Lang, bisexuel, est à l’initiative de la Fête de la Musique. Par ailleurs, force est de constater que les Gay Pride du monde entier reposent exclusivement sur la musique.

 

Quand j’ai demandé, le 12 février 2014, à un ami pianiste professionnel (lui-même homo) s’il y avait beaucoup de personnes homos dans le monde du piano, et quelle était la proportion, il m’a répondu : « Ah oui, énormément ! Dans le milieu musical classique en général d’ailleurs… C’est tellement particulier le Conservatoire, le monde des Concours, même l’apprentissage d’un instrument à haut niveau, qui doit se faire très jeune, il faut à la fois une force et stabilité intérieures immenses, et en même temps, une sensibilité extrême… Donc pour avoir les deux, cela repose souvent sur des failles, des blessures intérieures, et l’homosexualité en fait partie… D’où le nombre ahurissant de gays au Conservatoire de Paris, dans toutes les disciplines, partout… » J’ai eu droit aux mêmes constats de la part de grands connaisseurs des milieux des chorales, des organistes, ainsi que des danseurs classiques/modernes !

 

 

Le monde de la musique classique ou de l’Opéra lyrique regorge de personnes homosexuelles, très attirées par la confusion entre éthique et esthétisme. « À dix-neuf ans, Jean-Luc [homosexuel de 27 ans], le petit étudiant, se trouvait, par les hasards de l’amour, l’amant de l’un des premiers secrétaires d’ambassade des U.S.A. En quelques mois, nouveau prince de Paris, il se voyait offrir sa loge réservée à l’Opéra, une voiture et tout l’argent de ses désirs. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 73) ; « Ces hommes qui, à travers promenades et conversations érudites sur les pièces de théâtre, l’opéra, les musées ou les voyages, parlant le plus souvent deux à trois langues, vous font faire un marathon culturel en s’affirmant intellectuels et appartenant à une autre catégorie de gens. Entre eux et moi, l’argent s’imposait c’est vrai. Mais leurs convictions également. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de ses connaissances homosexuelles qu’il qualifie de « vautrés dans la culture », dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 122) ; « Deux êtres se rencontrent et une musique s’élève. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; etc.

 

Opéra Dictators And Bishops

Opéra Dictators And Bishops


 

La cantatrice tragédienne (Maria Callas en première ligne, mais aussi Élisabeth Schwarzkopf, Natalie Dessay, Jessye Norman ; et toutes les tragédiennes chanteuses de la culture pop : Jeanne Mas, Mylène Farmer, Lady Gaga, Dalida, Barbara…), par son interprétation fragile et forte du malheur amoureux, et par sa vie sentimentale tumultueuse, est facilement élue porte-parole du mal de vivre que la communauté homosexuelle souhaite nier/exprimer par l’esthétique tragique musicale.

 

MUSIQUE Schneider

 

Et un grand nombre d’Opéras (classiques ou opérettes modernes) incorporent directement la question de l’homosexualité dans leur intrigue (cf. voir ici la liste): cf. King Arthur (2009) d’Hervé Niquet, Billy Bud (1951) de Benjamin Britten, Alas (2008) de Nacho Duato, etc. Dans un registre plus populaire, les soap operas et les comédies musicales sont très prisés par le milieu interlope : cf. Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall, Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks, Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim, Adam et Steve intégrée au film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, Ball Im Savoy (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham, comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, Le Cabaret des hommes perdus (2006) de Christian Siméon, Chienne (2011) d’Alexandre Bonstein, Madame Mouchabeurre (2010) de Michel Heim, Mon ange au masculin (2013) de Marie-Claire D’Or et Alexia Vé, « West Side Story » (1960) de Robert Wise, « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini, La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, Une Étoile et moi (2009) d’Isabelle Georges et Frédéric Steenbrink, Peep Musical Show (2009) de Franck Jeuffroy, HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, Hairspray (2011) de John Waters, Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet (qui parodie les soaps operas), etc. Et puis quand on descend encore plus bas, on a les concerts hardos et vulgos camp : Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès, Tirez sur la pianiste (2011) d’Anne Cadilhac, le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, etc.

 

Opéra Eugène Onéguine de Piotr Ilitch Tchaïkovski

Opéra Eugène Onéguine de Piotr Ilitch Tchaïkovski


 

Beaucoup des chanteuses et des chanteurs qui plaisent aux personnes homosexuelles disent d’ailleurs que la musique peut se substituer à la vie réelle : Madonna, Britney Spears ou encore Lady Gaga nous font régulièrement le coup.

 

 

Un grand nombre de personnes homosexuelles considère la musique comme un être humain réel, à qui elles peuvent ressembler et s’identifier. « La première fois que j’ai entendu le mot homosexuel, c’était à la radio, j’avais quatorze ans, et j’écoutais la radio le soir tard, dans mon lit. » (Lidwine, femme lesbienne de 50 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 64) ; « Je me suis jeté à corps perdu dans la musique, à raison de cinq à six heures de piano par jour. » (Jean Le Bitoux, Citoyen de seconde zone (2003), p. 59) ; « Une bonne moitié des artistes mâles de la danse sont entraînés vers des complications sexuelles hors nature, par suite de la trop grande présence de la femme et surtout de la sexualité dans ce métier. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 200) ; etc. C’est leur manière de devenir une poupée magique. Par exemple, dans les documentaires « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan et « Boy I Am » (2006) de Sam Feder et Julie Hollar, les personnes transsexuelles interviewées ont tout fait pour ressembler à leur idole de la chanson : Nicco (née femme) ressemble à Eminem, Axel (née femme) à Pascal Obispo, Manuela (né homme) à Loana, Bambi (né homme) à Coccinelle, Claire (né homme) à Stone, et Nancy (né homme) à Joséphine Baker.

 

En général, le lien qu’entretiennent les sujets homosexuels avec la musique est de nature incestueuse, nostalgique et fusionnelle. « J’ai une maman chanteuse qui m’a toujours fait chanter. » (le chanteur homosexuel Halim Corto dans l’émission Je veux te connaître de la Radio de Nancy RCN le 25 octobre 2011) Par exemple dans le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou, le lien incestuel entre le fils homo (Kai) et sa mère (Junn) tient à un fameux CD que le premier oublie toujours de lui donner (après quatre oublis, Kai finira par mourir).

 

Plus encore, beaucoup de personnes homosexuelles croient que la musique est un amant à qui elles peuvent faire une déclaration d’amour. « Toute suite ça a été une grande histoire d’amour avec la musique. […] Quand j’arrête de parler, j’ai encore de la musique dans la tête. » (Étienne Daho dans l’émission Alcaline sur France 2 le 20 février 2014) ; « Les chansons que j’écoutais à la radio me confirmaient dans mes certitudes au sujet de l’amour. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 44) ; « Une fois rentrées à la maison, nous avons écouté Jessye Norman en nous serrant tendrement l’une contre l’autre sur le vieux canapé du salon où nous avions pris place. » (Paula et Catherine, dans l’autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, p. 46) ; etc. Le phénomène des groupies ou des fan club a été/reste largement cautionné par elles : cf. les biographies Mylène Farmer phénoménale (2005) et Sainte Mylène, priez pour moi ! (2007) et Madonna absolument ! (2008) d’Erwan Chuberre, la chanson « Comme dans une chanson d’Anne Sylvestre » de Jann Halexander, le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi, (où Gustav est fan de Madonna), la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo (avec David Bowie envisagé en tant que religion), etc. Les icônes de la communauté homosexuelle actuelle sont davantage chanteuses qu’actrices, peintres, ou mannequins. « Il existe plusieurs patriotismes. J’écoute Mistinguett comme l’Écossais la cornemuse. » (Jean Cocteau dans le documentaire « Cocteau et compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier)

 

D’ailleurs, la rencontre amoureuse homosexuelle se fait souvent sur un air de musique ou dans des lieux musicaux envahis de sons. « Le chanteur est arrivé : la foule s’est agitée, elle s’est compressée en direction de la scène. Le corps de l’homme s’est retrouvé poussé contre le mien, collé au mien, et à chaque mouvement de foule nos corps entraient en friction. Nous étions de plus en plus serrés l’un contre l’autre. Il souriait, gêné et amusé, le corps irradiant l’odeur de la sueur. J’ai perçu son changement d’état, son sexe se dresser progressivement et cogner le bas de mon dos, presque en cadence, au rythme de la musique, chaque fois plus gros et plus raide. C’est la fièvre qui m’a saisi cette nuit-là. Je n’ai pas bougé pour maintenir mon corps contre le sien alors que la musique m’était insupportable. Après cette nuit je l’ai écoutée encore et encore pour essayer de reconstituer, au moins dans mes rêves et mes pensées, le souvenir de cet homme.» (Eddy Bellegueule, En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 177)

 

La musique ramène les personnes homosexuelles à l’enfance (… et à l’infantilisation anesthésiante). Les chansons aimées par certains membres de la communauté homosexuelle choisissent très souvent comme trame de fond un air de boîte à musique (cf. la « Everytime » de Britney Spears, « Je t’écris » des Valentins, « J’aime, j’aime pas » et « Lola majeur » de Zazie, « La Bûddha Affaire » d’Indochine, « Hijo De La Luna » du groupe Mecano, « Ainsi soit-je » et « Effets secondaires » de Mylène Farmer, etc.). L’homosexualité est d’ailleurs associée dans leur répertoire musical aux comptines enfantines (cf. « Quel souci La Boétie ! » (1987) de Claudia Phillips – chanson racontant l’amitié entre Montaigne et La Boétie sur l’air d’« Am stram gram » –, les chansons « L’Âme-Stram-Gram », « Consentement » ou encore « L’Amour n’est rien » de Mylène Farmer, etc.).

 
 

b) Over-music-dose :

La musique occupe une place tellement importante dans le mode de vie de la plupart des personnes homosexuelles qu’elle en devient envahissante et anti-relationnelle. Par exemple, parmi les rares hommes avec qui je suis sorti, je constatais avec désolation et frustration que tout leur quotidien était rempli par leurs goûts musicaux au point qu’ils n’étaient pas capables de parler d’autres choses, qu’il n’y avait pas de place pour moi dans leur cœur (et pourtant, Dieu sait si j’aime la musique, la danse, les karaokés, et que je peux passer une soirée entière à ne discuter que de musique !). Par ailleurs, j’ai remarqué que dans les restaurants étiquetés publiquement gays, la musique y était mise plus en avant et plus forte. Celle-ci contribue tout autant à la convivialité qu’à l’isolement et aux pratiques violentes, anonymes. Je comparerais donc les effets de la musique exactement à ceux de l’alcool.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Quand la musique est bonne… bonne bonne bonne… (un peu trop, même…). Le problème, c’est qu’à force de s’en gaver et de chercher à se réifier par elle, beaucoup de personnes homosexuelles finissent par se révolter contre elle, par être saoulées par cette étrange maîtresse dominatrice invisible qui ressemble plus à du bruit qu’à une mélodie harmonieuse. Elle est même souvent notre premier cache-misères : « Je dissimulais les taches de moisissure [sur le mur de ma chambre] avec des posters de chanteuses de variétés ou d’héroïnes de séries télévisées découpés dans les magazines. Mon grand frère, qui préférait, comme les durs, les chanteurs de rap ou la musique techno, se moquait ‘T’en as pas marre d’écouter que de la musique de gonzesse’. » (Eddy Bellegueule, En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 79)

 

Il est fréquent, dans le discours des personnes homosexuelles, que la musique soit présentée comme une drogue, une obsession, une séduction diabolique, et même un instrument de torture qui les entraîne jusqu’à la folie, le viol, la débauche et parfois la mort. « Oui, il y avait un secret entre le piano et moi. Je n’y touchais jamais que seule, mais je le fis aussi souvent que possible cet été-là. C’était aussi violent que magique. » (Carson McCullers, la romancière américaine lesbienne dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, p. 31) ; « Y’a des musiques et des mots qui vous transpercent de part en part. » (Étienne Daho, juste avant de chanter Le Condamné à mort lors de son concert à Rueil en 2008) ; « T. ne supporte pas la solitude, ni le silence : dès qu’il entre dans la chambre d’hôtel, dès qu’il se réveille, il doit mettre la radio, ou allumer la télévision. » (Hervé Guibert, Le Mausolée des amants (2001), p. 29) ; « Dans son office où il [le père Basile, son violeur] me recevait les après-midi, il y avait non seulement de quoi manger et boire, mais également un piano où je m’amusais à jouer n’importe quoi et n’importe comment. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 35) ; « Dans son château, le Marquis de Sade renouvelait ce qu’il appelait ‘les sept jours de Sodome et Gomorrhe’, où il sodomisait ‘en musique’ jusqu’à douze jeunes garçons dans la même matinée. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 160) ; « Quand le danseur espagnol s’est fait insulter par les autres élèves sur le ring, il a utilisé la cadence des injures pour exécuter une danse gitane. Quelque temps plus tard, les mêmes élèves, pour l’humilier, ont voulu introduire un morceau de craie dans son anus. Il a tellement crié qu’ils ont arrêté net. Dans ses cris, le danseur a découvert une voix ample que de temps en temps il utilise avec succès dans son répertoire de chansons espagnoles. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 162) ; « Sabah y était plus blonde et plus figée que jamais. Sa voix n’avait miraculeusement pas changé mais son visage blanc était devenu un masque, celui de la mort peut-être. […] Mais ce retour-événement était, au fond, lui-même triste. Sabah n’était plus Sabah. L’âge d’or cinématographique et musical que je connaissais très bien et auquel elle avait contribué était révolu depuis au moins trois décennies déjà. » (Abdellah Taïa parlant d’une de ses chanteuses fétiches, Sabah, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 67) ; « Ils me tirent les cheveux, toujours la lancinante mélodie de l’injure ‘pédé, enculé’. » (Eddy Bellegueule parlant de ses deux agresseurs au collège, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 38) ; « Je fais de ma musique une arme. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc.

 

Par exemple, lors de son concert à Rueil en 2008, Étienne Daho choisit pour décor scénique un disque vinyle en spirale sur la chanson « Le Grand Sommeil », comme pour figurer l’hypnose ou le lavage de cerveau qu’opère la musique dans sa vie. Dans son récit autobiographique Nicolas Pages (1999), Guillaume Dustan compare les sensations provoquées par les pulsations de la techno qu’il entend dans les boîtes gays au stage prénatal du ventre maternel, à quelque chose de très bestial et régressif au niveau de la sexualité.

 

La musique de boîte agit comme un accélérateur de pulsions, d’adrénaline, d’attraction physique violente et diabolique, à cause du manque de communication et d’humanité qu’instaure l’excès de décibelles : « J’essaie de me rappeler. Le début. Ce qui m’a attiré. La nuit. Une boîte de nuit où je me rendais pour la première fois de ma vie. La foule branchée que je n’aimais pas. […] Il dansait. Seul. […] Plus tard, audacieux, je lui ai parlé, je l’ai complimenté. Il a levé les yeux, a souri et moi je suis tombé amoureux, immédiatement, instantanément. On appelle ça le coup de foudre. Moi, j’appelle ça la reconnaissance mutuelle. […] Je ne l’ai pas quitté. Il ne m’a pas quitté. On a dansé ensemble. Une fois. Un slow. ‘Pull marine’. Isabelle Adjani. » (Abdellah Taïa parlant de Slimane, son « ex » qui l’a tant fait souffrir, dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 108) ; « Je levais les yeux vers les spots dont la puissance s’accroissait aux rythmes de la musique, troublé par l’attirance vers cet inconnu. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 66) ; « Plus tard, à l’approche de la première lumière qui annonce le grand jour, je me retrouvais dans sa chambre sans trop savoir pourquoi. Sa forte ombre qui tournait autour de moi bourdonnait des mots incompréhensibles, tel un chanteur aux mâchoires serrées. […] La sensation de beauté qui m’avait ébloui la veille, laissa la place à un visage banalement masculin, pas nécessairement très beau mais sexy, avec un air d’ivresse dans les yeux. » (idem, pp. 66-67) ; « Une musique à briser tous les tympans, le disque pétaradait. » (idem, p. 132) ; « Les lumières paralysantes, la musique hurlait pour couvrir la rumeur générale qui s’amplifiait. » (idem, p. 133) ; « Je me suis mis à marcher derrière Bruno comme quand on suit aveuglément l’amour, pour trouver au comptoir un centimètre carré disponible. Lumières paralysantes, la musique hurlait pour couvrir la rumeur générale qui s’amplifiait alors que, les bières se vidaient. Hommes enlacés, bouche à bouche, sexe à sexe, ils se déchaînaient pour un soir en libérant toutes leurs pulsions, le temps de vivre leurs désirs. Les plus âgés, relativement plus calmes, ‘des aventuriers de l’âge perdu’, comme les appelait Bruno, qualification qui me déplaisait fortement, lorgnaient sans doute vers le passé déchu qui s’écoulait à la vitesse des perfusions. » (idem, p. 133) ; « À être entassés les uns sur les autres, à vivre en permanence dans l’agitation, on perd vite l’exercice d’une liberté responsable. Il suffit d’un bon rythme de techno pour faire perdre en partie conscience de soi à quelqu’un. Une quantité suffisamment élevée de décibels, et une bonne rythmique qui cible votre personne à travers son cerveau reptilien, et vous êtes en état de quasi-hypnose collective. » (Père Samuel, frère jésuite, « Les Structures de péché », Actes du colloque de Banneux, les Attaques du démon contre l’Église, 2009, p. 56)

 

À ce propos, il n’est pas anodin que beaucoup de personnes homosexuelles ayant fait partie de la « Génération Clubbing » ou « Disco » des années 1970-1980, ont connu la mort par le Sida. Je pense par exemple au compositeur de disco américain, Patrick Cowley, mort en 1982.

 

Patrick Cowley

Patrick Cowley


 

La musique aurait-elle donc le pouvoir de tuer ? Bien sûr que nous. Mais de faire le lit de la souffrance et de la violence, parfois oui.

 
 

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Code n°131 – Noir (sous-codes : Pantin noir / Dix Petits Nègres / Joséphine Baker / Prostituée noire / Racisme / Afrique)

Noir

Noir

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

D’après vous, pourquoi le « mariage homo » est porté par Mme Taubira en France ?

 

Photos de travestis et trans noirs "Ladies And Gentlemen" par Andy Warhol

Photos de travestis et trans noirs « Ladies And Gentlemen » par Andy Warhol


 

L’identification-substitution aux pauvres est particulièrement visible à travers l’attrait des personnes homosexuelles pour les Noirs. Il n’est pas rare de voir apparaître au détour d’une scène de film à thématique homo-érotique des acteurs à la peau noire. Il ne s’agit pas toujours d’un Noir réel ; il est parfois figuré par un simple pantin sombre. On peut également souligner au passage l’influence surprenante que joue pour certains sujets homosexuels le roman Les Dix Petits Nègres (1939) d’Agatha Christie ainsi que leur dévotion pour celle qui est un déguisement de travesti à elle toute seule : Joséphine Baker (bientôt au Panthéon parisien ?…). Quel est le sens de cette passion homosexuelle pour la négritude ? C’est ce que nous allons tenter de voir dans cette étude qui va nous montrer l’étrange rapport qu’entretiennent les personnes homosexuelles avec la différence des sexes d’une part et la différence des espaces d’autre part. Un rapport idolâtre d’attraction-répulsion, à la fois homosexuel en intentions et homophobe en actes, à la fois humaniste en intentions et raciste en actes.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « « Je suis un Blanc noir » », « Amour ambigu de l’étranger », « Ombre », « Prostitution », « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre », et « Homosexualité noire et glorieuse », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Homosexualité et Négritude : Au bras d’un Noir, ça passe mieux !

 

Documentaire "We Were Here" de David Weissman

Documentaire « We Were Here » de David Weissman


 

Il existe un lien de coïncidence entre désir homosexuel et négritude, même si, bien entendu, il ne s’agit pas de le causaliser en soutenant par exemple que « la majorité des homos sont attirés par les Noirs », ou que « tous les homos sont racistes », ou encore que « les couples mixtes homos sont forcément superficiels ».

 

Ce lien est peu reconnu, ni même analysé, car à mon avis, il s’appelle « viol » (ou massacres dus à une certaine colonisation ; je ne dis pas « la » colonisation dans son ensemble) ; et il renvoie inconsciemment au désir de viol qu’est le désir homosexuel. C’est pour cette raison qu’il apparaît encore flou à notre société, y compris aux yeux des personnes homosexuelles qui s’y intéressent et qui voudraient le comprendre :

 

« Mon prochain roman, je voudrais qu’il se passe en terre de négritude, une nouvelle histoire d’amour métissée avec pour fond une réflexion sur ce que fut la colonisation. J’ai l’intuition qu’on n’est pas allés jusqu’au bout, sur le plan anthropologique, de ce que fut la rencontre du Blanc et du Noir. Il s’est joué dans la colonisation autre chose qu’un rapport de domination-soumission. […] Cette fascination du Blanc pour le Noir, c’est chez moi de l’ordre du désir, comme l’écriture, profond, mystérieux, fascinant. Souvent je m’interroge sur cette attirance pour l’homme noir. Et mes amis blacks ne m’ont jamais vraiment éclairé là-dessus, pas plus que les Blancs d’ailleurs ! » (l’écrivain homosexuel Hugues Pouyé, sur le site Les Toiles roses, en 2009)

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Il n’est pas anodin qu’au début du XXe siècle, Harlem ait été le quartier où gravitait l’intelligentsia homosexuelle new-yorkaise et d’où a émergé le mouvement mondial de « Libération homosexuelle ». Les militants homosexuels nord-américains se sont largement appuyés sur les groupes de défense des droits des noirs tels que les Black Panthers pour ensuite montrer patte blanche. La collaboration « negro-gay » est notamment visible à travers la musique : dans les années 1950-60 existent des liens très forts entre la Beat Generation et le jazz ; le disco des années 1970-80, musique gay par excellence – normal : c’est une des premières musiques qui ne se danse pas en couple… – (je vous renvoie à l’étude de Walter Hughes sur les liens entre musique disco et homosexualité), est portée par les Noirs ; nous pouvons également parler de la passion homosexuelle pour les grosses mamies black de la soul (Ella Fitzgerald, Donna Summer), les divas de la house music des années 1990, et les bimbos noires du R’n’B actuel (Beyoncé, Whitney Youston, Toni Braxton, Brandy, etc.). « On dit toujours que les gays aiment les chanteuses noires. Je pense aux chanteuses venues des Negros Spirituals. Elles sont à la fois tristes et pleines d’espoir. » (Lady Bunny, homme transformiste M to F, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel).

 

Parfois dans les créations homosexuelles, il est fait mention de l’Afrique comme une métaphore géographique du désir homosexuel. « Je constate que je ne parle de vous qu’en relation avec l’Afrique ; car je sais bien que c’est la part qui est peut-être la plus proche de votre vérité, et à laquelle je me sens le plus fortement attaché. » (cf. une lettre privée de Foucault à Rolf Italiaander pour Noël 1960) Dans le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, par exemple, ce n’est qu’au moment où Maximilien et Bryan trinquent « à l’Afrique » que nous comprenons qu’ils vont être amants (ce ne sera pas dit à un autre moment du synopsis). Il est significatif ici que la déclaration d’amour homosexuel ne passe pas par un « je t’aime » explicite mais par une adhésion orale à l’Afrique.

 

Photo de Rancinan "Les Barbares arrivent !"

Photo de Rancinan « Les Barbares arrivent ! »


 

Beaucoup de personnes homosexuelles ont intégré et désiré incarner ce fantasme du Noir. La prostituée noire (parfois lesbienne) est une icône homosexuelle récurrente. « J’ai connu des putains… de ténèbres. » (c.f. la chanson « Désobéissance » de Mylène Farmer) ; « Et toi quand tu parles de cette cubaine, appuyée contre la fenêtre en face de la jetée…, je me dis que cette femme, c’est moi » (Benigno au parloir du film « Hable Con Ella », « Parle avec elle » (2001) de Pedro Almodóvar). Le rappel de l’Afrique, c’est une manière de pointer du doigt la blessure homosexuelle : le désir d’esclavage – ou l’esclavage réel –, et plus largement le désir de violation de la/sa dignité humaine.

 

Pourtant, un certain nombre de personnes homosexuelles sont prêtes à qualifier le lien de coïncidence entre race noire et homosexualité de « raciste » simplement parce qu’elles le transforment en lien de causalité (les récents d’amalgames entre l’opposition à la loi Taubira et le soi-disant racisme de ces mêmes opposants – cf. l’épisode de la banane angevine en 2013 – sont assez éloquents) Du coup, c’est l’établissement du lien de causalité qui devient raciste ! Par exemple, concernant l’amant noir de l’ami d’enfance homosexuel de Billy dans le film « Billy Elliot » (1999) de Stephen Daldry, nous pouvons lire quelques critiques affirmer que « l’homme noir homosexuel est un cliché, voire même une incitation au racisme » (BohwaZ, « Billy Elliot », article écrit le 19 janvier 2001 sur le site suivant, consulté en juin 2005). On se demande dans ce cas précis qui est en train de juger qui… Si lier la négritude à tout sujet qui aborde la souffrance revient à être raciste, c’est que nous considérons le Noir comme un Superman qui ne souffre jamais ou, ce qui revient au même, comme un être inhumain (personnellement, je préfère le prendre pour un Homme singulier mais foncièrement comme les autres). Il est même curieux de découvrir que la très grande majorité des hommes gays racistes qu’on est amené à rencontrer ne se trouvent pas chez les Blancs mais parmi les sujets gays noirs : il n’est absolument pas rare de voir un certain nombre d’entre eux se protéger du soleil pour ne pas, selon leurs propres termes, « noircir davantage », jouer de leur double étiquetage de monstres – en tant que personnes homosexuelles et en tant que Noirs – (rappelons-nous leur regard fou et leur gestuelle exagérément démoniaque pendant les Gay Pride ; j’aborde dans le code « Vampirisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels l’identification d’un certain nombre de Noirs homos à Dracula), poser sur Internet la question saugrenue de savoir si cela ne nous dérange pas qu’ils soient Noirs (on a envie de leur dire que leur soi-disant « différence de race » n’a d’importance que pour eux…). Fondamentalement, le racisme n’a pas de race. La meilleure arme contre celui-ci réside déjà dans le fait de ne pas s’estimer à l’abri du racisme, qui plus est quand on est né Noir ET homosexuel !

 

N.B. : Message perso aux amis lecteurs qui seraient tentés de me taxer de « raciste » simplement parce que je parle du lien de coïncidence entre désir homosexuel et Noir, ou parce que j’emploie les mots « Noirs » et « race » (qui ne sont pas des gros mots, je préfère préciser, on ne sait jamais : ils renvoient à des réalités visibles et concrètes) :

 

Je me souviens (c’était en 2010) de l’étonnante réaction qu’avaient eue mes deux classes de futures secrétaires, étudiant au lycée professionnel de Juvisy, que j’avais emmenées voir l’excellent one-woman-show de l’humoriste Bérengère Krief, Ma Mère, mon chat, et Docteur House, à Paris. Elles avaient unanimement adoré le spectacle. Il faut dire qu’il était très « girly » et particulièrement adapté à elles. Mais j’avais été surpris de voir qu’un seul des sketchs de la série n’avait pas réellement fonctionné… alors qu’il n’était pourtant pas si différent des autres, et qu’en plus, il pouvait être considéré comme un plaidoyer en faveur de la France Blacks-Blancs-Beurs que représentaient tout à fait mes élèves : ce fut le sketch sur la dénonciation du racisme (Bérengère y imitait parodiquement une raciste de base). J’ai senti à ce moment précis du spectacle que les poils de mes secrétaires, pour la plupart d’origine maghrébine et africaine noire, se hérissaient. J’ai eu, du coup, une petite sueur froide moi aussi… Ce fut de leur part une méfiance instinctive, presque animale (j’en ai reparlé à la fin du spectacle avec Bérengère, et on s’est dits que leur coup de sang – heureusement vite estompé par la bonne humeur de la fin du spectacle – était « sociologiquement très intéressant à analyser », lourd d’interprétations !). Beaucoup de mes élèves, baignées dans un racisme ordinaire mâtiné de « tolérance multiraciale de principe » (exemple : Il n’y a ni races, ni religions, ni frontières, ni Blancs, ni Noirs, ni Jaunes, on est tous des frères égaux), élevées inconsciemment dans un climat de xénophobie-qui-s’ignore (car, en effet, comment puis-je être moi-même raciste, se dit le raciste, étant donné que je suis Noir et qu’on peut à tout moment m’attaquer pour ça ?), ont sorti, l’espace de 5 minutes, leurs griffes manucurées, uniquement parce qu’elles avaient entendu les mots-qui-font-peur (« Noir », « raciste », « sale Arabe »), les mots interdits d’une société qui cultive tous les tabous alors qu’elle prétend justement les pulvériser magiquement par un sourire publicitaire. La souffrance s’amuse toujours, pour se faire oublier, à brouiller les cartes entre les mots et les choses qu’ils désignent, à réduire les personnes à leurs actes et à leurs dires, afin de continuer à s’étendre. C’est inattendu, les chemins que prend la peur.

 

Pour les esprits faibles, ignorants, paranoïaques ou schizophrènes, c’est-à-dire ceux qui se laissent tellement bercés par leurs bonnes intentions qu’ils ne se voient plus (mal) agir, la différence entre l’explication et la justification, entre le dire et le faire, entre les mots et la réalité parfois violente qu’ils recouvrent, est abolie. Selon leur curieux schéma de pensée, le mot « eau » a le pouvoir de mouiller, le mot « feu » brûle, le mot « chien » mord, la télé dit la vérité et crée le Réel. Si tu parles de racisme, c’est forcément que tu le provoques et que tu es raciste toi-même ! ; si tu dénonces l’homophobie, c’est que tu es à coup sûr homophobe ! ; si tu traites des Juifs – en bien ou en mal, peu importe finalement ! il suffit d’en parler pour être dangereux, pas besoin d’aller chercher plus loin… –, tu es traîné en procès d’antisémitisme ! Il n’y a qu’à voir le sort qui m’est réservé actuellement par les brigades prétendument « anti-homophobie » qui me voient comme un ignoble homophobe uniquement parce que je m’attache à décrire les mécanismes de l’homophobie. Il n’y a qu’à voir les suspicions infondées de xénophobie et de racisme qui s’abattent sur un Éric Zemmour, simplement parce qu’il ose parler des étrangers et de l’identité nationale. Bientôt (c’est déjà le cas d’ailleurs), prononcer le mot « homosexualité » va devenir homophobe ! Pour notre société névrogène et superstitieuse, nous créons ce que nous disons… donc nous ne devons parler de rien : ni d’immigration, ni de souffrance, ni d’argent, ni de religions, ni de mort ! Nous sommes directement associés et contaminés par un mythique mal « tout-puissant » : parler du malheur, ça rendrait malheureux ! C’est être défaitiste ! « Je ne suis pas superstitieux, ça porte malheur… » : voilà le paradoxal crédo du parano manichéen athée. Les raccourcis moralisants des abrutis me fascineront et m’étonneront toujours…

 

Film "Parallel Sons" de John G. Young

Film « Parallel Sons » de John G. Young


 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

NOIR Seal

 
 

a) Le personnage homosexuel est souvent accompagné d’un Noir :

La négritude est un thème omniprésent dans les créations artistiques homosexuelles. C’est ce que l’on peut constater dans le poème « The Black Christ » (1929) de Countee Cullen, le film « Drool » (2009) de Nancy Kissam, le vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer et Seal, la série Black Out (2010) de Rudee LaRue, la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé (avec Clotilde et sa compagne noire), le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, le film « La Cage aux Folles » (1978) d’Édouard Molinaro (avec Jacob, le domestique noir), les films « Territories » (1984), « The Passion Of Remembrance » (1986), « Looking For Langston » (1988), « Young Soul Rebels » (1991), et « The Attendant » (1992) d’Isaac Julien, le film « Society » (2007) de Vincent Moloi, le film « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes (dans les années 1960 aux États-Unis, en pleine période de remise en question de la ségrégation raciale), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, le tableau Blacks (1997) de Philippe Barnier, le film « Embrassez qui vous voudrez » (2001) de Michel Blanc, le film « Dakan » (1997) de Mohamed Camara, le film « J’aimerais j’aimerais » (2007) de Jann Halexander, le film « Get On The Bus » (1996) de Spike Lee, le film « Portrait Of Jason » (1967) de Shirley Clarke, le film « Edmond » (2005) de Stuart Gordon, le roman L’Œuvre au Noir (1968) de Marguerite Yourcenar, le film « Next Stop, Greenwich Village » (1976) de Paul Mazursky, le film « The Watermelon Woman » (1996) de Cheryl Dunye, le film « Peut-on être Noir et homosexuel aux États-Unis ? » (1989) de Marlon Riggs, le film « The Girl » (2000) de Sande Zeit, le film « Foxy Brown » (1974) de Jack Hill, le film « Esprit de famille » (2005) de Thomas Bezucha, le film « Swashbuckler » (1976) de James Goldstone, le film « La Chambre discrète » (1962) de Bryan Forbes, le film « Parallel Sons » (1995) de John G. Young, la série nord-américaine Six Feet Under (David, le cadet de la famille est en couple avec un policier noir), le film « Lettres d’amour en Somalie » (1981) de Frédéric Mitterrand, le film « Un Duplex pour trois » (2003) de Danny DeVito, le film « Prêteur sur gages » (1965) de Sidney Lumet, le film « Armaguedon » (1976) d’Alain Jessua, le tableau Impressions d’Afrique (1938) de Salvador Dalí, le film « Six degrés de séparation » (1993) de Fred Schepisi, la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, le film « Sous les verrous » (2003) de Jörg Andreas, le film « The World Unseen » (2007) de Shamin Sarif, la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams (avec Moïse, le Noir), le film « Brother To Brother » (2004) de Rodney Evans, la chanson « Tutti Frutti » de Little Richard, la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters, le film « Birth 3 » (2010) d’Anthony Hickling, le film « Tout ira bien » (1997) d’Angelica Maccarone, le tableau Afrique je t’aime (2006) d’Orion Delain, les tableaux du peintre Benoît Prévot (2007), le film « Strange Fruit » (2004) de Kyle Schidkner, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun, le film « Justice pour tous » (1979) de Norman Jewison, la chanson « Billy Brown » de Mika (racontant un coming out), le film « Norman la folle » (1976) de George Schlatter, « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barassat, le film « Nos Vies bouleversées » (2003) de Shahar Rozen, le roman Confidence africaine (1931) de Roger Martin du Gard, le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, le roman Nouvelles impressions d’Afrique (1932) de Raymond Roussel, le film « Girlboy » (1971) de Bob Kellett, le film « Next Stop Greenwich Village » (1976) de Paul Mazursky, le film « A Rainha Diaba » (1975) de Antonio Carlos Fontoura, le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, la chanson « Bessie » de Patricia Kaas, le film « The Family Stone » (« Esprit de famille », 2005) de Thomas Bezucha (dans lequel Ben a un copain noir), le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier (avec le couple homo Claude Rich/Dieudonné), les films « Le Voyage au Congo » (1927) et « Le Blanc et le Noir » (1931) de Marc Allégret, le film « Proteus » (2003) de John Greyson et Jack Lewis, le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald (notamment avec la danse finale entre la mère blanche de Jamie et la voisine noire Leah), la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays (avec la figure de Kirikou), le sketch « Le Noir » (1989) de Muriel Robin, la pièce Les Nègres (1959) de Jean Genet, le film « Keiner Liebt Mich » (« Personne ne m’aime », 1993) de Doris Dörrie, le film « Afrika » (1973) d’Alberto Cavallone, le roman Los Negros (1959) de Julio Antonio Gómez Fraile, le roman Sur les traces de l’Afrique fantôme (1991) de Michel Cressole, le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa (avec une négritude jugée comme dangereuse), le film « 8 Miles » (2002) de Curtis Hanson, le vidéo-clip de la chanson « Spinning The Wheel » de George Michael, le vidéo-clip de la chanson « Vogue » de Madonna, le roman Un Thé au Sahara (1949) de Paul Bowles, le film « Flirt » (1995) de Hal Hartley, le roman Série Black (2003) de Philippe Cassand, le roman Un Amor Fora Ciutat (1959) de Manuel de Pedrolo (avec Miquel, l’amant noir), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec Hunter, l’amant noir), le film « Identity Crisis » (1988) de Melvin Van Peebles, le film « Made In America » (1992) de Richard Benjamin, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, le film « Insatisfaites poupées érotiques du professeur Hitchcock » (1971) de Fernando Di Leo, le film « Collateral » (2004) de Michael Mann (avec le personnage de Max), la photo Man In Polyester Suit (1980) de Robert Mapplethorpe, le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy (avec Quintus Pearch, le serviteur noir), la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (où Rachid est comparé à un Noir), la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie besset (avec Charlène, l’amie noire de Paul, le héros homosexuel), la pièce Confessions d’un vampire sud-africain : l’étrange histoire de Pretorius Malan (2008) de Jann Halexander, la pièce Orage (et des espoirs) (2017) d’Alexis Matthews, le film « Berlin Harlem » (1977) de Lothar Lambert, le film « Le Trou aux Folles » (1979) de Franco Martinelli, la pièce Les Babas Cadres (2008) de Christian Dob (avec Jeff possédant un livre illustré sur la Côte d’Ivoire), le film « La Salamandre » (1969) d’Alberto Cavallone, le film « Stir Crazy » (1980) de Sidney Poitier, le film « Greenbook » (2018) de Peter Farrelly, le film « Zurück Auf Los ! » (1999) de Pierre Sanoussi-Bliss, le film « Alles Wird Gut » (1997) d’Angelica Maccarone, les dessins Rugbymen (2005), Foot (2006), Gymnastes (2005), Handisport (2006) de Boris X, le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram, la chanson « Joe le taxi » de Vanessa Paradis, le film « 30° couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue (avec Zamba, le travesti M to F haut en couleurs, au carnaval antillais), le roman La nuit de Maritzburg (2014) de Gilbert Sinoué (sur fond d’apartheid), la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz (avec le couple Chris – Blanc – et Ruzy – Noir), le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer (racontant l’histoire d’amour entre Johnny le Blanc et Romeo le Noir), le vidéo-clip de la chanson « Only Gay In The World » de Tomboy, la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (avec Emmanuel, le séminariste noir, le quota « solidaire » de la série), le concert Free : The One Woman Funky Show (2014) de Shirley Souagnon (avec le Commerce triangulaire et la traite des Noirs), le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu (se déroulant à Nairobi, au Kenya), le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan (avec Audrey la journaliste noire gay friendly), le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare (avec Alex, l’ex de Jean), la série Manifest (2018) de Jeff Rake (avec Bethany, lesbienne noire « mariée » avec Georgia), etc. Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’ Abdellatif Kechiche, Adèle, l’héroïne lesbienne, fait danser ses classes de maternelle sur des percussions de musiques « cools Africa » pour la kermesse de l’école. Dans l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), Yorkie, l’héroïne lesbienne, sort avec Kelly, noire des années 1980. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, les « mères » de Jackson sont lesbiennes : Sylvia la blonde compose un « couple » avec une femme noire. Quant à l’un des héros principaux de la série, Éric, il est noir et homosexuel.

 

Film "Beautiful Thing" d’Hettie MacDonald

Film « Beautiful Thing » d’Hettie MacDonald


 

Au détour d’un film parlant d’homosexualité, ou d’une intrigue qui ne traite absolument pas de thématiques liées au racisme ou à la culture noire, il est fréquent de voir débarquer à l’improviste un Noir. C’est apparition impromptue est étonnante. « Remontant dans son bureau, Antoine croisa un homme, visiblement Africain, vêtu d’une blouse Euroclean, aux manettes d’une grosse shampouineuse de moquette. Il le salua. L’homme baissa les yeux sans répondre. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p. 154) ; « Antoine éteignit la lumière, puis tenta de faire une mise au point sur la fenêtre d’en face. […] Il lâcha les jumelles. Il les ramassa et regarda de nouveau. Dans une pièce aux murs couverts de masques africains, Martine Van Decker, immobile, murmurait d’interminables borborygmes en l’observant. » (cf. la dernière phrase du roman Les Nettoyeurs, op. cit., p. 248) ; « Plus près d’elle [Esti], une jeune femme Noire coiffée d’une multitude de tresses terminées par des perles de couleur se tenait devant les crèmes hydratantes. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), p. 206) ; « C’est nous qui lançons la mode. Nous, les blacks et les gays. » (Maria, la prostituée, s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 165) ; etc. Par exemple, dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, une sorte de sorcier marabout noir, habillé en costume africain traditionnel, débarque en pleine débauche sexuelle dans une boîte gay, juste pour interpeller le héros homo avec cette question : « Alors les gars, vous vous éclatez bien ? », puis repartir et ne plus apparaître dans le restant du film.

 

Film "Brother To Brother" de Rodney Evans

Film « Brother To Brother » de Rodney Evans


 

Parfois, le personnage homosexuel dit ouvertement son attachement aux Noirs et à l’Afrique : « Vive les Noirs ! les Nains ! » (Camille la lesbienne dans le one-man-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « Celui que j’aime est un garçon à la peau brune. » (une réplique de la pièce La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1935) de Federico García Lorca) ; « Tu ne veux plus de moi parce que j’ai épousé un Noir ! Raciste ! » (l’infirmière s’adressant au professeur Vertudeau dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Toi aussi je t’aime, même si tu es moins claire que les autres. » (Aldebert parlant à Hud, la Noire de la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) ; « Vous faisiez quoi en Afrique ? » (Henri interrogeant le très homosexuel Docteur Bosmans, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « J’ai exploré l’Afrique… dans tous les sens du terme. » (François, le héros homo du one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « C’est la fête en Afrique du Nord. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Mama Africa, je t’appelle ! » (Pierre Fatus, le Blanc qui se prend pour un Noir, dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; « Ils ont trop la classe, les Noirs. Ils ont bercé toute mon enfance : Billy, Ella, Charlie. » (idem) ; « L’Amérique du Sud, ça peut pas être pire que l’Afrique. » (Jean-Marie, homosexuel, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc. Par exemple, dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Garance, l’héroïne lesbienne, se met à fantasmer ironiquement sur « les douches avec de grands Noirs bien musclés ». Certains personnages homosexuels sont même homos et font leur coming out : « Ça a été très dur d’assumer ma négritude et mon homosexualité. » (Laurent Spielvogel imitant imitant Marie-Louise la femme de ménage noire lesbienne, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015)

 

Série "Six Feet Under"

Série « Six Feet Under »


 

Curieusement, il est fait mention de l’Afrique comme une métaphore géographique du désir homosexuel : cf. le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar (avec la fille de la Marquise, mystérieusement disparue en Afrique), la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, la pièce Dans la solitude d’un champ de coton (1987) et Combat de Nègre et de chiens (1979) de Bernard-Marie Koltès, le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe (avec Peyrac qui attiré par le flic noir), etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Nounours, le peintre homo d’art contemporain, se marie avec le flic noir, à la toute fin.

 

Le couple homosexuel fictionnel se forme autour de l’Afrique : « Et si on essayait de se tirer là-bas en Afrique ? » (Billy s’adressant à Rasso dans la pièce Guantanamour (2008) de Gérard Gelas) ; « Elle me parle de l’Afrique, de poèmes pour sa mère. » (cf. le poème « Noire et Blanche » (2008) d’Aude Legrand-Berriot) ; « Vous faisiez quoi en Afrique ? » (Henri s’adressant au très homosexuel Docteur Bosmans, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; etc. Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Glen a prévu de partir en Afrique. Dans le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, par exemple, ce n’est qu’au moment où Maximilien et Bryan trinquent « À l’Afrique ! » que nous comprenons qu’ils vont être amants (ce ne sera pas dit à un autre moment du synopsis). Il est significatif ici que la déclaration d’amour homosexuel ne passe pas par un « je t’aime » explicite mais par une adhésion orale à l’Afrique. Dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, Cleavon, le gardien de cellules noir, sert de messager entre Steven et Phillip à la prison. Dans le roman Para Doxa (2011) de Laure Migliore, Ambre et Helena se rencontrent en voyage humanitaire en Namibie, et tombent amoureuses. Le roman A Glance Away (1961) de John Edgar Wideman entrelace les monologues intérieurs d’un ex-drogué noir et d’un professeur de littérature blanc et homosexuel. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Bernard, le héros homosexuel, a quelqu’un dans sa vie qui s’appelle Patou et qui est créole. Dans le film « The Comedian » (2012) de Tom Shkolnik, Ed rencontre Nathan, un jeune artiste noir. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Dodo raconte une histoire d’un ours polaire homosexuel qui visite l’Afrique. Dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, le producteur homosexuel, drague ouvertement Samuel (joué par Omar Sy) dans l’escalator du métro londonien.
 

Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie et Ruth, les deux héroïnes lesbiennes, tiennent une auberge où travaillent des Noirs : c’est ce qui leur vaut de gros ennuis avec le Ku Klux Klan, qui leur reproche autant leur cohabitation homophile illicite que leur ouverture à l’étranger (« On voit comment tu traites les Nègres. Et nous, ça ne nous réjouit pas. » dit le chef des cagoulés pointus à Idgie). Homophobie et racisme s’entremêlent.

 
 

b) Un métissage amoureux complexe et peu réussi :

Dans les fictions homo-érotiques, l’Afrique est souvent associée au vol (dans tous les sens du terme) : « Tout au fond de ma mémoire, je le sens se réveiller, l’ancestral désir de toi : c’est le désir de monter sur un beau tapis magique pour survoler toute l’Afrique dans un dessin animé. » (Lou parlant à Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Essaie de voler, mon petit. Tu vas voir comme ce n’est pas difficile. Je te donnerai un sucre. Je te montrerai l’Afrique, tu vas voir, c’est comme un mouchoir. Je te montrerai le monde, il est comme une boule de billard bleue avec des puces dessus. » (le Vrai Facteur dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « Quelques packs promotionnels de lots de quatre boîtes de douze préservatifs dégriffés plus loin, le héros d’une histoire se faisait violer par un régiment de légionnaires en rut, retour d’Afrique. » (le narrateur homo, dans la nouvelle « De l’usage intempestif du condom dans la pornographie » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 98) ; « Ma copine… c’est un grand Black d’1,90 m. » (Fabien Tucci, homosexuel, simulant l’hétérosexualité, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc.

 

Le visage noir, plus qu’une réalité de race, est le signe d’une culpabilité inconsciente ressentie après un acte mauvais (un vol ou un viol) commis par le héros homosexuel. « Le soleil me noircit. Il me transforme. En cendres ? En quoi exactement ? Je me demande si, juste à la toute fin, je serai complètement noir. Noir de brûlures. » (Khalid, le héros homosexuel, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 69-71) Par exemple, dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, après leur vol à l’étalage et de retour chez eux, Élisabeth et Paul s’entendent dire par leur gouvernante Mariette : « Quelle belle mine ! Vous êtes tout noirs ! » Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, la liaison lesbienne entre Ziki et Kena est découverte par les gens de leur quartier, à Nairobi (Kenya). L’honneur de leur famille est sali, et Mercy, la mère de Kena, voit sa fille comme une souillon : « Elle ne sera jamais propre. » Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, l’homme marié (le « plan cul » régulier de Jézabel, l’héroïne bisexuelle) parle à Jézabel de son « âme noire ». Et un peu plus tard, Stan, le sacristain jaloux, la décrit au père David comme une femme noire : « Tu vois pas que cette fille elle est noire, elle sent le soufre ? » Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Alfonsina, l’ouvreuse dans un ciné porno, parle de l’avortement d’un bébé noir. Dans l’épisode 86 « Le Mystère des pierres qui chantent » de la série Joséphine Ange-gardien, diffusée sur la chaîne TF1 le 23 octobre 2017, Louison, l’héroïne lesbienne, se force à coucher avec son pote Max, un Noir, pendant la colonie de vacances, pour finalement renforcer son sentiment d’être homosexuelle.

 

Film "Kick-Off" de Shawkat Amin Korki

Film « Kick-Off » de Shawkat Amin Korki


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, la race noire et la race blanche s’unissent pour le meilleur, mais surtout pour le pire… Le métissage et la négritude sont souvent associées à la sorcellerie (cf. le film « le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, le roman Frankie Addams (1946) de Carson McCullers – avec la cuisinière noire –, le film « Le Sang du poète » (1930) de Jean Cocteau – avec l’ange noir -, etc.), à la schizophrénie et à l’infidélité (cf. la chanson « J’ai deux amours » de Joséphine Baker, « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, etc.), à la féminité diabolique (cf. le film « Huit Femmes « (2002) de François Ozon – avec le visage de Chanel éclairé par le feu de cheminée –, le vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer et Seal, la diabolique mère jouée par Carole Fredericks dans la version « live » de la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer en 1989, la pièce Lady Dracula (2014) de Nabil Massad, etc.), à l’union d’esclavage sadomasochiste (cf. le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui, le film « Salò ou les 120 journées de Sodome » (1975) de Pier Paolo Pasolini, le film « La Passion » (2004) de Mel Gibson – avec le parallélisme entre l’empereur efféminé Hérode et le gros plan d’un esclave noir –, le film « Le Lézard noir » (1968) de Kinji Fukasaku – avec le Noir poignardé –, le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart, le film « See How They Run » – « Coup de théâtre » – (2022) de Tom George, etc.). Par exemple, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel danse sur des tubes des chanteuses qu’il adore. Quand le démon de la danse s’empare de lui, il s’adresse à la chorégraphe noire « Mia Frye, sors de ce corps ! ». Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Samuel, noir, dit à son amant blanc Jonas qu’il « ne vaut rien », et le vire de chez lui parce qu’il l’a trop trompé avec d’autres hommes. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, Roscoe, le héros homo noir, se met en couple avec un riche diplomate blanc londonien, qui a l’âge d’être son grand-père, et qui lui demande de jouer le rôle de « sa nounou ».

 

Il arrive que les rôles s’inversent, et que le Noir fictionnel prenne sa vengeance sur son maître blanc. Il devient bourreau à son tour (cf. le film « Blacula » (1972) de William Crain, le film « Foot For Love » (2014) d’Élise Lobry et Veronica Noseda,etc.). « J’aurais préféré me faire violer par trois grands Blacks. » (l’humoriste Kallagan dans son one-man-show Virtuose, 2017) Par exemple, dans le film « L’Immeuble Yacoubian » (2006) de Marwan Hamed, le héros homo est violé par son domestique nubien noir. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, le Black frappe Skip au commissariat. Dans la pièce Cachafaz (1991) de Copi, Cachafaz est un souteneur noir qui fait travailler son amant Raulito comme travesti. Dans le film « Noir et Blanc » (1986) de Claire Devers, ou bien encore dans la pièce Désir et masseur noir (1948) de Tennessee Williams, on nous raconte la liaison SM d’un client qui se fait maltraiter par son masseur noir. Dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, le Dr Labrosse fantasme de se faire violer par un jeune Sénégalais de 16-17 ans nommé « Babacar ». Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel doit faire son service militaire, et essaie, lors de la visite médicale, de se faire réformer. Il explique qu’il a fait une tentative de suicide suite à l’acte fratricide de son frère qui aurait essayé de le noyer « parce qu’il a appris qu’il avait eu une relation avec un… un… un… un… un Noir ».

 

Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel noir, découvre son attirance pour les hommes au sein d’un milieu noir très hostile et homophobe. Le film se veut un plaidoyer contre l’homophobie (sous couvert d’identité noire) et contre l’auto-racisme (donc l’homophobie au sens strict) : le surnom « Black » affublé au protagoniste principal résonne comme « Pédé », d’ailleurs.
 

Dans le (très autobiographique) roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, Adrien, le héros homosexuel, s’interroge sur son attrait sexuel presque monomaniaque pour les Noirs, et notamment pour son amant Malcolm, un prostitué noir avec qui il a entamé une relation compliquée : « Souvent, dans les bras de ces amants d’un soir, Adrien pensait à lui. Malcolm avait pénétré la mémoire de son corps et il ne s’étonnait plus que son désir le portât vers des hommes à la peau noire. Ils lui ressemblaient. Les mêmes cheveux où agripper ses doigts pour incliner amoureusement la tête, la même peau à la fois douce et tendue, aux reflets mordorés, la même odeur âcre et puissante, les mêmes yeux dont la lumière vient d’autres latitudes, les mêmes muscles saillants et fins, la même allure féline et noble. Tout cela rappelait Malcolm et portait Adrien à chercher l’amour des Noirs. Il s’interrogeait souvent sur les raisons secrètes du désir de cette beauté-là. Un désir de puissance, de virilité ? D’inverser l’ordre de l’Histoire ? D’aimer l’absolument autre ? Peut-être tout cela à la fois. » (pp. 34-35) On a l’impression que le héros gay aime en l’amant noir une texture corporelle plus qu’une personne vivante, unique, avec son âme, sa personnalité, et sa liberté. Nathalie, une amie d’Adrien, lui donne justement un élément de réponse à propos de son obsession des Noirs, quand elle énonce qu’« il cherche un miroir exotique » (idem, p. 46) de lui-même, une forme d’amour abstrait qui ressemble à la mort et à l’absence. Adrien en a bien conscience, intellectuellement parlant : « Ça m’interroge cette attirance pour les Blacks. […] Toujours le lointain, l’impossible, l’inatteignable. […] J’dois pas aimer l’amour proche ! » (idem, p. 46) Le héros homosexuel semble perpétuer un certain mépris colonialiste ancestral, qui à la fois vénère le Noir ET le traite pourtant comme une chose : « Il aimait ce corps d’homme métis. […] Adrien eut le sentiment étrange de n’être pas le seul à aimer un pareil corps. Il éprouva même une certaine gêne à l’idée que son regard s’inscrivît dans une longue chaîne de regards portés sur l’homme ébène. Désirs de Blancs fascinés par la puissance du corps du Noir, au point de vouloir la lui dérober, la posséder pour eux. N’était-il pas dans son regard comme un fils de colon, fier de tenir pour lui ce corps endormi ? » (idem, p. 50) En toile de fond, derrière l’« amour » homosexuel du Noir, le protagoniste négrophile et son amant noir sentent intérieurement qu’il y a un mépris larvé, une consommation mutuelle, une guerre cachée entre eux, un viol tacitement désiré/enfoui : « Moi, dans ton livre, je dois être le mauvais Black ! » (Malcolm s’adressant à son amant Adrien, idem, p. 62) ; « Malcolm n’est peut-être qu’un profiteur. Un esclave affranchi qui désormais possède le maître et se joue de lui. » (Adrien se rendant compte de l’opportunisme de Malcolm, idem, p. 59)

 

Film "Meine Liebe Ist Deine Freiheit" de John Greyson

Film « Meine Liebe Ist Deine Freiheit » de John Greyson


 

Parfois, le personnage homosexuel noir est apprécié en tant qu’amuseur complètement déjanté et grande folle. Dans le film « Rush Hour 3 » (2007) de Brett Ratner, par exemple, Carter joue le rôle de Bibiche, un costumier noir particulièrement maniéré, dans un cabaret parisien. Il y a aussi le flamboyant Ruby Rhod, le Noir très efféminé du film « Le Cinquième Élément » (1997) de Luc Besson. Mais en aucun cas ces personnages sont valorisés comme des êtres profonds et réels.

 

On décèle parfois dans cette vision misérabiliste ou au contraire diabolisante et frivole du Noir un racisme très ambigu, qui mélange attraction et répulsion : « On devrait peut-être adopter un p’tit Noir. Ce serait plus généreux. » (un couple gay dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Un groupe de musiciens berbères est soudain apparu devant nous. Ils avaient l’air dangereux, très dangereux même, mais ils jouaient merveilleusement bien tout un répertoire du folklore du Sud marocain. […] Ils étaient tous noirs, ces musiciens. Absolument noirs. Et leur musique, fascinante, nous a obligés, Khalid et moi, à suspendre notre dialogue et à les écouter un bon moment. » (Omar et Khalid dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 115) Dans le film « Occident (Statross le Magnifique 2) » (2008) de Jann Halexander, Statross Reichmann, un bourgeois métisse bisexuel, vit une relation tourmentée avec un jeune homme blanc d’extrême droite, Hans.

 

Dès que le désir homosexuel s’insère entre le Blanc et le Noir, le métissage tourne au vinaigre, s’annonce déséquilibré/déséquilibrant pour les deux membres fictionnels du couple. On voit déjà se profiler un rapport de forces violent. Très souvent dans les créations parlant d’homosexualité, le racisme pointe le bout de son nez, aussi bien dans le cadre amoureux que dans le cadre uniquement amical ou professionnel. Le racisme anti-Noirs est fréquemment exprimé par le héros homosexuel : « Retournes-y dans ton pays si t’es pas contente ! » (Georges parlant à Jacob, son domestique noir, dans la pièce La Cage aux folles – version 2009, avec Clavier et Bourdon – de Jean Poiret) ; « Tu vas pas me dire qu’ils vont purger les Noirs. » (Claude, l’homosexuel, s’adressant à son copain François, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Pense aux p’tits Africains qui n’ont pas ta chance ni ton intelligence. […] Les pauvres n’imaginent pas les soucis que les gens aisés ont avec leur personnel ! Ils sont trop gâtés et puis c’est tout ! » (Mamita, la grand-mère acariâtre et bourgeoise s’adressant à son petit-fils Corentin, dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Enfin, on dit il ne faut pas faire de généralités… Je suis sûr que si on cherche bien un jour on trouvera bien un Noir dans une bibliothèque. » (la bourgeoise « raciste anti-racistes » dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Bien que l’armistice ait déjà été demandé par Pétain, on murmure que des centaines de tirailleurs sénégalais ont été massacrés de sang-froid par les nazis. De cette ‘chasse aux nègres’, je ne veux rien savoir. Juste profiter de l’instant présent. » (Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 63) ; « Ayez davantage de fils incapables et nommez-les à toujours plus de postes bidons, mariez vos filles à des Arabes, faites-les engrosser par des nègres. » (le roi Rigane dans la nouvelle « L’Apocalypse des gérontes » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 135); « Entre traînées, on s’entraide ! » (le pote noir homosexuel de Paul, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso); etc. Dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, Tonia le transsexuel M to F blesse « sa » collègue travesti noire Jenny en lui remontant la fermeture éclair de sa robe, et la traite de « sorcière ». Dans le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent, Moussa est le personnage noir traité de « Kirikou » par Jessica à la fin. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Franck abandonne un gamin noir dans un immeuble. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand se met dans la peau d’une odieuse bourgeoise, responsable d’un orphelinat au Burkina-Faso, exploitant les Noirs et leur parlant très mal : « Fatoumata, tu pues ! »

 

Joséphine Baker et Charles Trénet

Joséphine Baker et Charles Trénet


 

Dans le sketch « Le Couple homo » de Pierre Palmade et Michèle Laroque, les humoristes parodient un couple de bourgeois apparemment gay friendly, qui reçoit à dîner un couple gay (Alain, 48 ans, et son jeune amant brésilien Roberto, 19 ans). Une fois les invités partis, ils se lâchent et balancent des horreurs racistes. Par exemple, ils abordent la question du tourisme sexuel, en disant que Roberto est le « gigolo » d’Alain. Et ils font du milieu de la nuit cubain un repère d’homosexuels : « C’est comme dans les boîtes africaines… y’a que ça ! »

 

NOIR Copi racisme

B.D. « La Femme assise » de Copi


 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, un des membres du cercle d’« amis » homosexuels, Bernard, est noir, ce qui n’empêche pas Michael, le maître de la bande, de faire des blagues racistes qui déclenchent presque une baston : « Vous savez pourquoi les Nègres ont de grosses lèvres ? » (à propos de la soi-disant manie des Noirs de se plaindre du travail en soupirant bruyamment).

 

Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, ne fait que des blagues racistes et homophobes sur les Noirs (il parle du « cul d’un Noir »). Tout comme sa mère, Diane, qui parle très mal au chauffeur de taxi noir, qu’elle enjoint à jouer du tam-tam. À propos de ce conducteur, Steve finit par l’insulter très violemment : « Va chier, Kirikou ! » ; « Sale race ! » ; « Putain de Nègre ! » ; « Retourne dans ton île ! Comme ça, t’envahiras pas mon pays ! »
 

Film "The Boys In The Band" de William Friedkin

Film « The Boys In The Band » de William Friedkin


 

Le racisme anti-Noirs affiché par certains artistes homosexuels, dans la mesure où il n’est généralement qu’un mime soi-disant parodique (« drolatique » diraient les snobs) de l’anti-racisme bourgeois ordinaire, n’en est pas moins violent : caricature ou pas, second degré ou pas, quand on mime, on reproduit l’agression, mais on ne la dénonce pas. C’est pourquoi je trouve par exemple que les imitations de bourgeoise anti-Noirs que l’Argentin Copi met constamment en scène dans ses œuvres sont très racistes. Une ou deux fois, passe encore ; mais tout le temps, bonjour les dégâts… : « Ce qui m’inquiète […], c’est que le jour de la fête elle mette bas un négrillon ! » (Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Tu vas t’arrêter de remuer dans ta poussette, espèce de petite peste ? » (une mère à Vidvn, son bébé noir, dans le roman La Cité des rats (1979), p. 33) ; « Deux d’entre eux lui donnaient des coups de pied dans les reins et le bas-ventre pendant qu’un autre lui tapait à coup de matraque sur la tête. » (les CRS embarquant de force Vidvn, idem, p. 69) ; « Le cercueil est introduit debout dans une poubelle appuyé contre le mur en espérant que les éboueurs noirs du petit matin l’enlèveront même si c’est pour en voler les poignées, et qu’ils jetteront le cadavre dans une desserte avec les ordures et les gerbes. » (idem, p. 17) ; « Et tu couches avec des Noirs ? Avec de vrais Noirs ? Tu es une vraie vicieuse, maman ! » (« L. » à sa mère dans la pièce Le Frigo, 1983) ; « Dis bonjour de ma part à tes négrillons. » (idem) ; « Sa meilleure copine, une Arabe, s’est fait malmener parce qu’elle refusait de sucer la bitte d’un Nègre et après tout c’est elle qui a été condamnée parce que les Noirs avaient dit qu’elle les avait mordus aux couilles et on l’a fouettée en place publique. » (la voix narrative dans le roman L’Uruguayen (1972), pp. 64-65) ; « J’essaie de la faire parler des enfants : elle sait qu’on en a adopté trois, elle ne savait pas qu’ils étaient morts. […] Ces enfants étaient maudits de par leur race. […] C’est à cause de ça qu’ils sont morts de façon accidentelle, ils devaient expier le péché de leur père noir qui était par ailleurs trafiquant de drogue. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des folles (1977), p. 88) ; « Le Noir est un démon. » (Silvano dans le roman La Vie est un tango, 1979) ; « Qu’est-ce que j’en ai marre de toi, saloperie de nègre ! » (Le Gros au Noir Angelino Pagano, idem) Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986), Martin, l’agent de ville, se fait traiter de « sale Noir » par Sapho. Dans la nouvelle « Les Vieux Travelos » (1978) de Copi, le viol du prince noir Koulotô par les deux travestis est le symbole d’une Afrique dépouillée par les néo-colonisateurs homosexuels : « Gigi lui arrachait sa montre-bracelet en or ; Mimi fouillait ses poches, où elle trouva une carte postale de Koulataï : un lac où miroitait le grand palace à 363 tours du prince Koulotô, en plein centre d’Afrique. Les vieux travelos se regardèrent. Après 60 ans d’humiliations (ou presque), elles étaient tombées sur l’homme de leur vie. » (p. 90)

 

Dans la nouvelle « Madame Pignou » (1978) de Copi, la petite fille Nadia hébergée par la boulangère Madame Pignou se trouve d’abord « dans un état de saleté indescriptible » et couverte de chocolat « salissant ». Finalement, plus le lecteur avance dans l’intrigue et plus il découvre que le chocolat et la saleté sont naturalisées : « C’est dans la glace que Mme Pignou s’aperçut que la petite fille n’était pas couverte de chocolat, elle était de race noire. » (pp. 49-51) Plus loin encore, la boulangère apprend avec effroi que Nadia est en réalité sa petite-fille, et le fruit peccamineux de l’union illégitime de sa fille (prostituée de métier) avec un Noir ; « C’est avec un Noir qu’elle a fauté. » (idem, p. 51) Elle décide donc de se débarrasser de la gamine noire, et de cacher le cadavre dans son sac : « Mme Pignou traîna de quelques mètres le sac contenant Nadia, s’assit sur le trottoir, l’ouvrit. Du sac sortit une fumée épaisse, la petite Nadia était morte asphyxiée. Mme Pignou la déposa dans l’eau du caniveau qui coulait, abondante. » (idem, p. 56)

 

Dans la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978), l’héroïne, une femme nommée Truddy, se trouve dans une gare parisienne qui, selon elle, semble sentir un peu trop le Nègre… : « La gare de Lyon la faisait chier, c’était vachement pollué, et puis il y avait des Noirs qui circulaient dans des espèces de machines à couper le gazon très vite, faisant semblant de nous écraser. » (p. 25) C’est dans ce lieu malfamé qu’il lui arrive toute une série de mésaventures macabres, dont une avec un agent d’entretien noir, qui l’agresse sans raison avec son véhicule nettoyant roulant : « Une de ces machines ressemblant à un train de Walt Disney faillit l’écraser. L’homme noir qui la conduisait riait, il fit demi-tour et refonça sur elle. » (idem, p. 31) Truddy se fait défendre par un autre homme, tout aussi psychopathe que le technicien de surface, puisqu’il règle son compte au Noir, justement : « Le monsieur ressemblant à Charles Boyer sortit un pistolet de sa poche et tira sur le Noir, qui tomba sur le carrelage. » (idem, p. 32) Mais le massacre raciste ne s’arrête pas là. L’histoire se termine en méchoui collectif : « Le boucher jeta le Noir sur une table en bois, le déshabilla prestement et commença à le dépecer à l’aide de différents couteaux […]. La foule criait ‘Bravo !’ à chaque fois que le boucher décollait un membre du cadavre du Noir que l’apprenti allait jeter dans le bûcher. » (idem, p. 38) Voilà. Je crois que la boucle du racisme copien est bouclée !

 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi (planche "Le Roman")

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (planche « Le Roman »)


 
 

c) Le Noir-objet, le pantin noir :

Dans les fictions homosexuelles, le Noir n’est pas tellement considéré comme un être humain. Il est plutôt sacralisé en statuette d’ébène sacrée, en pantin noir : cf. le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef von Sternberg, le film « Le Narcisse noir » (1947) de Powell et Pressburger, le film « Firework » (1947) de Kenneth Anger (avec la statue africaine), le roman À ta place (2006) de Karine Reysset (avec les deux statuettes africaines), la chanson « Ma Vénus d’Ébène » de David Jean, le roman Lettres à un homme noir qui dort (2007) de David Dumortier, etc. Par exemple, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Marilyn compare le footballeur noir et homo Ruzy à du chocolat.

 

Stromae par Pierre et Gilles

Stromae par Pierre et Gilles


 

L’idolâtrie pour le Noir confine au racisme positif : « En plus, les Blacks, ils sont bien montés ! » (Nono, le héros homo de la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez) ; « Je regardais Le Prince de Bel-Air, le Cosby Show. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc. Par exemple, dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Romeo, le héros homosexuel noir-ébène, s’amuse à se montrer à poil face à son amant blanc Chris, et vante l’impressionnant volume et capacités insoupçonnées de son sexe génital.

 

En général, le Noir est réifié, transformé en objet ou en image. Par exemple, l’un des personnages lesbiens de la pièce Monologues du vagin (2007) d’Eve Ensler possède un grand poster de femme noire dans sa chambre. Dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, Gouri décrit « la peau d’ébène » de Vidvn (p. 113). Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, une affiche d’un boxeur noir est accrochée au mur de la chambre de Bruno, le héros gay. Dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, la bourgeoise fait tomber des photos d’hommes noirs sur le trottoir. On retrouve les épouvantails noirs dans le vidéo-clip de la chanson « Fuck Them All » de Mylène Farmer. Le lien entre négritude et fétichisme est clair dans « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa. Précisément, dans ce film, le Noir-fétiche porte malheur : Orient, depuis qu’il a acheté une statuette africaine chez un marchand noir un peu vaudou, n’a que des ennuis dans sa vie, ne connaît que des phénomènes paranormaux ; il jette même sa petite amie noire, pour finir homosexuel…

 

L’Afrique est tellement objetisée, mise à distance, qu’elle finit parfois par avoir la taille d’un mouchoir de poche, d’un écran de télé : « Essaie de voler, mon petit. Tu vas voir comme ce n’est pas difficile. Je te donnerai un sucre. Je te montrerai l’Afrique, tu vas voir, c’est comme un mouchoir. » (le Vrai Facteur dans le pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi)

 

Film "The Watermelon Woman" de Wiktor Grodecki

Film « The Watermelon Woman » de Wiktor Grodecki


 

Plus que le Noir réel, c’est l’improbable et mythique « Condensé de victimes » (que représente la Femme-Noire-Lesbienne divine) qui est célébré par le héros homosexuel : « Bon, Comment ça a commencé déjà ? Donc, quand j’étais petite, je voulais être noire… gay… et dieu ! » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Vous saviez qu’il était Noir, Résus ? Oui, 1) Il appelait tout le monde ‘mon frère’ 2) Il aimait chanter la gloire de Dieu 3) Et il n’a pas eu un procès équitable, c’est plutôt évident non ? » (idem) ; « Est-ce que les lesbiennes noires seront un jour des dieux… pas des déesses, mais des dieux ? » (idem) ; « Y’a jamais eu d’Afrique. » (Sarah s’adressant à son amante Charlène une fois que celle-ci découvre que la mère de Sarah n’est pas partie avec une ONG en Afrique, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; etc.

 

Dans les fictions sur l’homosexualité, le Noir apparaît souvent comme la « transfiguration d’un état de misère » (cf. expression inventée sous la plume d’un ami romancier angevin en 2003), comme un fantasme sexuel qui instrumentalise/diabolise en même temps qu’il flatte les Noirs réels : « Allez vivre dans le tiers monde ! Riche comme vous êtes, vous devriez régner sur une cour d’éphèbes qui vous éventent les mouches à l’aide de feuilles de bananier. » (Cyrille à Hubert dans la pièce Une Visite inopportune, 1988) ; « Petit monstre, petite teigne, démon à apparence humaine, mon ballon d’oxygène, tu me plais car tu me touches beaucoup. J’aime tes fruits défendus, ton cul haut perché comme ces statues africaines. » (cf. la chanson « Quand tu m’appelles Éden » d’Étienne Daho) ; « Oui, le pied est vraiment le nègre du corps humain […] : mal traité, sentant mauvais même chez la dame la plus élégante, déformé par les souliers, martyrisé par les fardeaux que vous lui faites supporter depuis vos premiers pas, et c’est la première partie du corps à mourir. » (James Purdy, Je suis vivant dans ma tombe (1975), pp. 21-22) ; « À nos yeux, il incarnait ce que Quentin Crisps, l’icône gay, appelée – sans référence raciale, naturellement – le ‘Great Dark Man’, le grand Noir, objet de désir mythique. » (Michael offrant à son amant Ben un « plan cul à trois » avec Patreese Johnson, un Noir-objet, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 145) ; « Je pensais à Linde [l’amante régulière], et à la peau sombre et au sindhoor rouge sang de l’autre femme [Rani, qu’elle a rencontrée dans un bidonville]. » (Anamika, l’héroïne lesbienne évoquant ses deux amantes, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 18) ; « Les pitoyables pitreries d’Eddie Murphy, son rire niais qu’il trimballe depuis une longue décennie et qui finit par nous faire croire que l’acteur joue toujours le même personnage – le sien –, son sourire aux dents trop courtes comme s’il se les était fait limer pour dissimuler son évidente rapacité n’arrivèrent pas à détourner mon attention du malheur que je vivais. » (Jean-Marc dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 50)

 

Le Noir n’est pas tellement considéré comme un être humain : c’est plutôt un déguisement : cf. le film « Vivir De Negro » (« Vivre dans le noir », 2010) d’Alejo Flah. Par exemple, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Jules, l’écrivain homosexuel pédant, se décrit pompeusement comme « L’Homme en noir ». « J’aime le noir. Aussi, je m’habille toujours en noir. Si j’avais un appartement, je peindrais au moins deux murs en noir. » (Franz, l’un des héros gays de la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder)

 

NOIR masques B.D.

« Comics & Art » de Dylan Edwards (NDR)


 

Dans la nouvelle « Les Vieux Travelos » (1978) de Copi, le mythe du Noir-objet est complet, autant pour l’homme noir (il est question de son incroyable « carrure : un géant de presque deux mètres, beau comme un dieu. […]. Descendant de la reine de Saba par sa mère, il avait la réputation d’avoir le visage le plus parfait de la race noire. », p. 92) que pour la femme noire (« Une jeune impubère noire comme l’ébène descendit toute nue les escaliers de l’avion », idem, p. 94). Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Mathieu couche avec son amant noir qui se révèle être un escort : « C’est une pute. ». Au départ, Jacques, l’ex de Mathieu, se réjouissait pour lui : « Il avait l’air tout en muscles. »

 

Dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, c’est la puissance génitale du Noir qui est célébrée ; et cette ode se veut « solidaire », alors qu’elle n’est en réalité qu’une attitude de consommateur occidentalisé. « Elle [la bite africaine] traîne un peu les pieds, mais elle arrive toujours triomphante… Le continent qui se présente compense sa pauvreté par sa puissance créatrice ! »

 
 

d) Le roman Les Dix Petits Nègres (1939) d’Agatha Christie :

Cela pourra paraître totalement anecdotique, ou tiré par les cheveux, de parler d’un tel roman dans ce chapitre sur la négritude (il aurait d’ailleurs pu figurer aussi dans le code « Bourgeoise » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), mais en même temps, c’est CE chef d’œuvre de la littérature anglo-saxonne mondiale qui est repris dans beaucoup d’œuvres homo-érotiques, et à mon avis pas par hasard. « Notre demeure est fortement isolée. Oui, cela vous rappelle sans doute quelque chose. Agatha Christie. Chateaubriand. Daphné Du Maurier ou Scooby-Doo. Peu importe qui ou quoi. Si vous frissonnez agréablement et éprouvez le désir de mettre un gros pull ou de faire un feu de cheminée, c’est que vous êtes dans la bonne direction. » (cf. les premières lignes du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 13) ; « Gabrielle n’a pas fermé l’œil de la nuit. La compagnie de la bonne Agatha Christie n’y a pas suffi. Gabrielle a toujours été fascinée par l’œuvre de cette romancière, autant que par le personnage. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 97)

 

On retrouve des allusions plus ou moins claires au Dix Petits Nègres d’Agatha Christie dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude (qui reprend exactement la structure du livre de Christie), le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, l’adaptation cinématographique des Dix Petits Nègres d’Olivier Ciappa, le film « Cinq filles dans une nuit chaude d’été » (1972) de Mario Bava, le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (avec une savoureuse ambiance Cluedo), la pièce Devinez qui (2003) de Sébastien Azzopardi, le film « Ten Violent Women » (1979) de Ted V. Mikels, la pièce Le Cabinet de Curiosité (2008) de Cédrick Spinassou, la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, etc.

 

L’oeuvre d’Agatha Christie caresse le thème de l’homosexualité selon les adaptations. Dans le téléfilm « Les Dix Petits Nègres » (2015) de Sarah Phelps, l’homosexualité est sous-jacente. Par exemple, Miss Émily Brent pousse sa jeune domestique Béatrice Taylor au suicide après l’avoir convoitée. Quant à William Blore, l’inspecteur, il est homophobe et a violé dans une cellule de la prison de Dartmoor un prostitué homosexuel, James Stephen Landor, qui faisait le tapin dans les pissotières, et qu’il a fait condamner aux travaux forcés à perpétuité où il a fini ses jours : « Edward Landor était un pédéraste. Plutôt mourir que de m’approcher d’un de ces pervers ! »
 
 

e) Le personnage homosexuel voue un culte à la chanteuse Joséphine Baker (1906-1975) :

 

NOIR Baker fourrure

 

Je vous renvoie à la comédie musicale À la recherche de Joséphine (2007) de Jérôme Savary, au film « Frida » (2002) de Julie Taymor (avec la supposée relation lesbienne entre Frida Kahlo et Joséphine Baker), au film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz (le héros homosexuel João, qui se travestit, a pour idole Joséphine Baker), au film « Zouzou » (1934) de Marc Allégret (avec Joséphine Baker dans le rôle principal, justement), etc.

 

Dans le sketch « Le Couple homo » de Pierre Palmade et Michèle Laroque, Roberto (19 ans), le petit copain noir d’Alain (48 ans), est décrit comme un prostitué arriviste, notamment grâce à la comparaison avec Joséphine Baker (« Il suffit qu’Alain arrive au procès avec sa jolie Joséphine Baker derrière… »). Dans la pièce La Cage aux folles (version 2009, avec Clavier et Bourdon) de Jean Poiret, Jacob, le domestique gay, se compare à Joséphine Baker.

 

Parfois, le héros homosexuel incarne Joséphine Baker en personne. Par exemple, dans l’épisode 85 « La Femme aux gardénias » (2017) de la série Joséphine Ange-gardien, Lena Collins est une chanteuse de jazz, un peu la Joséphine Barker, qui est l’amante secrète d’Albertine. Elle chante dans La Revue nègre, à Paris. Leur « amour » est mis sous le signe de la lutte anti-racisme : « Et moi, tu crois que ça m’a pas demandé du courage pour en arriver là ? Est-ce que tu as vu la couleur de ma peau ? Tu penses que c’est facile pour moi ? » (Lena)
 
 

f) La prostituée noire revient très souvent dans l’iconographie homo-érotique :

 

On retrouve la prostituée noire dans le roman Lady Black (1971) d’Yves Navarre, le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon (avec le personnage de Candela), la chanson « Ma Vénus d’ébène » de David Jean, le film « Cowboy Jesus » (1996) de Jamie Yerkes, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne, le film « La Femme flambée » (1982) de Robert Van Ackeren, le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino (avec la chanteuse noire dans le cabaret), le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier (avec la voisine noire, matée pendant qu’elle prend son bain), etc.

 

Le personnage homosexuel considère cette putain fictive comme sa mère désirante : « Chez Adrien, chose étrange, la figure de la mère perdue aurait pris les traits de l’être métissé, les traits de l’homme à la peau noire : ceux de Malcolm. » (Adrien dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 40) ; « En rentrant j’ai trouvé un cadavre, celui de la dame négresse du tabac, nue avec des talons aiguilles et la gorge tranchée. » (la voix narrative dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 26) ; « la dame négresse du tabac (mon ancienne maîtresse morte, bien qu’elle ne l’a jamais su). » (idem, p. 47) ; « J’irai ainsi sans rien comprendre, jusqu’à la mort, avec cette haine pour cette femme mystère, noire. Complètement noire. » (Omar dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 36) ; « Je me suis assis à côté d’une vieille femme noire. La seule noire. Sans la saluer. Et j’ai levé les yeux au ciel pour regarder le soleil grand et plein qui arrivait lentement vers nous. […] Le soleil de notre monde était mort. » (idem, p. 58) ; « J’aime Hadda. Elle est noire, Hadda. Elle est très grande. Je n’arrive pas à lui donner un âge. Vingt ans ? Elle ressemble à une femme que j’ai connue de loin, juste avant l’adolescence. Qui ? Où ? Une parente ? Une parente noire ? Hadda ne parle pas. On lui a coupé la langue ? Elle n’a plus rien à dire ? Elle a déjà tout dit ? Tout ? Tout ? On m’a dit qu’elle était devenue muette. […] Je l’ai suivie, Hadda. Un corps généreux, tellement noir. Un corps vaste, inédit. Beau ? Un corps pour les hommes, les saints, les dieux. Les enfants. Un appel. […] Où commencent les origines de Hadda ? De quelle forêt arrive-t-elle ? » (idem, pp. 78-79) ; « Une saveur qui me venait de ma mère allait désormais être liée à cette femme noire et sans voix. » (idem, p. 103) ; « En la regardant maintes fois, j’ai compris un peu de la beauté mystérieuse des femmes noires. » (Hadda, parlant du tableau exposé au Louvre Portrait d’une Négresse de Marie-Guillemine Benoist, idem, p. 193) ; « La Négresse du tableau ne m’aimait pas. Elle avait raison. Elle était devenue, au fil du temps, ma rivale. Mon ennemie. Des yeux qui ne se fermaient jamais. Elle avait, elle aussi, le don de voir. » (Hadda, idem, p. 196)

 
 

Omar – « Hadda était une pute, elle aussi ?

Khalid – Probablement.

Omar – Qu’est-ce que cela veut dire, Khalid ?

Khalid – Je n’aime pas les putes.

Omar – Moi, oui. »

(cf. un extrait de dialogue entre les deux amants homos du roman Le Jour du roi, idem, p. 117)

 
 

La femme noire célébrée par le personnage homosexuel est une figure de déchéance suprême : « Comme j’ai deux esprits, j’ai aussi deux amours. L’un est mon réconfort, l’autre mon désespoir. Mon bon ange est un homme d’une grande beauté, et mon mauvais ange est une femme bronzée. » (William Shakespeare, Les Sonnets, 1609) ; « Ourdhia était une femme et en plus, ô désolation, elle était noire ! » (la voix narrative du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 57) ; « Ce soir, je serai noire comme on a voulu que je le sois. » (Hadda la servante noire violée, dans le roman Le Jour du roi, idem, p. 207) ; « Je suis mauvaise. Une dévergondée. Une putain. » (Hadda, idem, p. 195) ; « La folle Noire de la favela, quand elle passe, tout le monde se moque. […] Ma peau noire est mon armure de courage. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, par exemple, Bram, l’amant caché de Simon, est noir. Et Simon dit son adoration des femmes noires, même s’il ne les touchera pas : « J’adore les femmes noires. Enfin… pas comme si j’avais un truc spécial pour les femmes noires… J’adore toutes les femmes. » La négritude est envisagée comme un destin, une soumission, une invisibilité : « Je suis Hadda. Je suis noire. On ne me voyait pas. On ne me voit toujours pas. » (idem, p. 209) ; « Je suis partie en Afrique parce que j’ai cru que l’Afrique pourrait défaire mon histoire. » (Julia, la femme violée par son père, et qui finit par devenir mannequin avant de partir vivre en Côte d’Ivoire, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La défense du peuple noir par la communauté homosexuelle :

Je vous renvoie au documentaire « Greta’s Girls » (1977) de Greta Schiller, au documentaire « A Darker Side Of Black » (1994) d’Isaac Julien, au documentaire « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti (avec Salvo, homosexuel, et son amant noir), aux photos Abandon et Ying et Yang de Jean-Daniel Cadinot, au tableau Ladies And Gentlemen (1975) et à la série polaroïds « Drag Queen Wilhelmina Ross » (1974) d’Andy Warhol, à l’exposition photos Garçons de Cotonou (2015) de Michel Guillaume, etc.

 

Le 23 novembre 2011, j’ai eu la chance, pour l’association Tjenbé Rèd (réunissant les personnes bisexuelles et homosexuelles d’origine africaine), d’animer au Théâtre du Temps à Paris, une soirée « Négritude et Homosexualité ». Pour la première fois, le temps d’une soirée, on me demandait de développer mes compétences de chercheur de l’homosexualité, et de parler d’un code précis et inattendu de mon Dictionnaire (merci au chanteur Jann Halexander, au passage). Expérience que je pourrais vivre avec les 185 autres codes de mon répertoire, et qui serait tellement riche !

 

Film "Finn's Girls" de Laurie Colbert et Dominique Cardona

Film « Finn’s Girls » de Laurie Colbert et Dominique Cardona


 

Bien sûr, il existe un lien fort entre homosexualité et négritude. Déjà parce qu’il y a beaucoup de personnes à la peau noire qui se sentent homosexuelles ou bisexuelles (Malcolm X, la chanteuse Billie Holliday, l’écrivain James Baldwin, l’activiste et philosophe Angela Davis, la chanteuse Tracy Chapman, le chanteur soul Luther Vandross, la chanteuse de blues Bessie Smith, l’écrivain Langston Hughes, le chanteur Johnny Mathis, la romancière Alice Walker, l’activiste Bayard Rustin, la chanteuse de blues Ma Rainey, le danseur Alvin Ailey, la chanteuse Joséphine Baker, le plongeur Greg Louganis, le chanteur Little Richard, la performeuse RuPaul, le chanteur Jann Halexander, l’acteur Will Smith et Duane Martin, etc.) ; et d’autre part, parce qu’un certain nombre d’intellectuels (Michel Foucault, Jean Genet, Marguerite Yourcenar, Leonard Zoe, Allen Ginsberg, Jean Cocteau, Alwin Nikolais, Marlon Brando, etc.) ont défendu/défendent les droits des Noirs, et notamment les Black Panthers dans les années 1960-1970, au moment où émergeaient les premières revendications identitaires LGBT. Par ailleurs, beaucoup d’artistes homosexuels ont contribué à l’essor du mouvement culturel noir « The Harlem Renaissance » : Bola de Nieves, Gastón Baquero, James Baldwin, Little Richard, Cole Porter, Franck O’Hara, Tennessee Williams, Claude McKay, Langston Hughes, Wallace Thurman, Gladys Bentley, Alain Locke, Carl Van Vechten, Bruce Nugent, etc. « Les Antilles françaises qu’on le veuille ou non comptent une importante communauté homosexuelle. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, Un Fils différent (2011), p. 142)

 

Aux États-Unis, l’un des synonymes d’« homosexuel » dans la langue vernaculaire, c’est « boogie » qui signifie « Noir ».

 

Mon voyage d’une semaine en Côte d’Ivoire en juin 2014 m’a fait comprendre l’étendue de la pratique homosexuelle en Afrique, pratique qui ne sera pas remise en cause tant qu’elle ne se voit pas et qu’elle ne se cristallise pas en identité publique. La pratique homo reste un grand déshonneur dans les familles africaines… mais paradoxalement, il y a de plus en plus d’autochtones qui se sentent homosexuels, en lien avec l’expérience de l’inceste (très marqué et présent sur le continent) et avec les images circulant par la télé, le cinéma, Internet. J’ai l’impression que là-bas, la pratique homosexuelle prend des formes plus ou moins similaires à celles d’Occident : bisexualité due à l’alcool et au monde de la nuit, prostitution, ascension sociale, impact croissant des médias dans les mentalités assoiffées de modernité (à Abidjan, j’ai vu des pubs pour la 4G partout, et la chaîne gay friendly Canal + partout !), infidélité et double vie des hommes mariés, pression étatique pour faire passer l’homosexualité pour « banale » et sous la forme d' »aides au développement », de « lutte contre les discriminations », de campagnes sanitaires en faveur de « l’égalité des sexes » et de la « prévention sexuelle ».

 

Certaines personnes homosexuelles ont dit ouvertement leur attachement à la négritude ou à l’Afrique : « L’Afrique, ma seule alternative. » (Pier Paolo Pasolini dans le reportage « Les Fioretti de Pier Paolo Pasolini, 1922-1975 » (1997) d’Alain Bergada) Par ailleurs, le travesti noir est souvent très valorisé par certains membres de la communauté homosexuelle : « Et comment ne pas reconnaître l’homosexualité poétique de Declan Donnellan dans l’inoubliable Rosalinde incarnée avec génie par Adrian Lester, acteur noir qui joue du vocabulaire féminin avec un art consommé. » (Georges Banu, « Jeux théâtraux et enjeux de société », dans l’ouvrage collectif Le Corps travesti (2007) de Georges Banu, p. 3)

 

Film "FIT" de Rikki Beadle-Blair

Film « FIT » de Rikki Beadle-Blair


 

Parfois, la négritude est interprétée comme un symptôme d’homosexualité ou de lesbianisme : « Avec ton premier livre [Le Cœur est un chasseur solitaire], on a su que tu aimais les nègres, et avec celui-ci [Reflets dans un œil d’or] on comprend que tu es une gouine. » (les parents de Carson McCullers à leur fille lesbienne, cités dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, p. 115) ; « Dans un élan fraternel nous trinquons à la santé… des nègres et des pédés. » (Lionel Vallet cité la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 50) ; « Ce qui est remarquable, c’est que l’égalité entre Noirs et Blancs, hommes et femmes, semble avoir été générée par l’homosexualité. » (Colin Spencer, « La Politique à l’âge du jazz », dans Histoire de l’homosexualité de l’Antiquité à nos jours (1998), pp. 394-397) Dans la publicité pour les matelas Léo (2017), même le très viril judoka noir Teddy Riner joue les homos en faisant croire qu’il va passer une nuit torride avec un homme qui se révèlera finalement être son lit.

 

Dans les années 1970 aux États-Unis, pour certains artistes, dire qu’ils étaient en faveur des droits des Noirs, cela revenait à faire un coming out officiel, comme l’explique avec humour Eric Burdon, le chanteur gay du groupe The Animals (il raconte dans le documentaire « Sex’n’pop – Part I » (2004) de Christian Bettges comment il a été accueilli une fois dans un hôtel où il passait la nuit par une pancarte qu’il pouvait lire depuis la fenêtre de sa chambre, et où était inscrit en gros « Eric Burdon loves niggers »… ce à quoi il répond : « J’ai eu envie de descendre pour écrire en dessous : ‘Ouf course I am !’ ». Traduction : « Bien sûr que j’en suis ! »).

 
 

b) Un métissage amoureux complexe et peu réussi :

Il y a parmi les couples homosexuels réels un certain nombre d’union mixte. Parmi les plus connues, Monty Woolley a vécu les dernières années de sa vie en couple avec un de ses serviteurs noirs. Quant aux biographies écrites par Sir Roger Casement (Les Carnets noirs et Rapport sur le Congo, 1908), elles traduisent toute l’ambiguïté du colon qui veut sincèrement aimer les Noirs à partir du moment où ces derniers lui restent soumis.

 

NOIR Pub Prévention

 

L’écrivain homo Hugues Pouyé, dans un article qu’il consacre au site Les Toiles roses, en 2009, sent bien que le non-dit du viol – et du viol colonial entre autres (esclavage, traite des Noirs, ségrégation raciale, apartheid, tourisme sexuel, prostitution masculine, exploitation par le porno, etc.) – n’est toujours pas levé concernant l’attrait homosexuel pour les Noirs… et lui-même ne le dévoile qu’à demi mot, comme on avoue un péché mignon dont on ne souhaite surtout pas se débarrasser : « Mon prochain roman, je voudrais qu’il se passe en terre de négritude, une nouvelle histoire d’amour métissée avec pour fond une réflexion sur ce que fut la colonisation. J’ai l’intuition qu’on n’est pas allés jusqu’au bout, sur le plan anthropologique, de ce que fut la rencontre du Blanc et du Noir. Il s’est joué dans la colonisation autre chose qu’un rapport de domination-soumission. […] Cette fascination du Blanc pour le Noir, c’est chez moi de l’ordre du désir, comme l’écriture, profond, mystérieux, fascinant. Souvent je m’interroge sur cette attirance pour l’homme noir. Et mes amis blacks ne m’ont jamais vraiment éclairé là-dessus, pas plus que les Blancs d’ailleurs ! » Il y a chez cet auteur, mais aussi chez certaines personnes homosexuelles, une forme de fantasme embellissant mais misérabiliste du Noir, qui fait que celui-ci est aimé à terre plutôt que debout : « C’est vrai d’ailleurs, on peut être un mendiant handicapé et homosexuel, noir qui plus est, mais ça tout de même ce n’est pas si commun, ce serait la figure sublime… enfin, je plaisante, quoique… » (Hugues Pouyé, idem) Si le Noir est à l’égalité, il n’intéresse plus : il n’est plus « à sauver », « à aimer »… ou bien il est craint.

 
 

c) Le Noir-objet, le pantin noir :

L’Homme noir est très souvent utilisé comme un objet d’art par les artistes homosexuels, ou bien davantage apprécié pour ses charmes physiques d’Apollon en ébène « dominateur et bien monté », que pour sa personne et ses qualités d’âme. « Sur la terrasse où Serge T. s’est installé avec son fourbi, je le vois découper des photos de grands nègres avantageux en vue d’un collage sur Jean Genet. Cet homme-là ne s’ennuie pas, il découpe des grands nègres. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 160) ; « Le quatrième jour, il m’est arrivé une chose extra-ordinaire, à mes yeux extraordinaire. J’ai rencontré Karabiino. Il travaillait à notre hôtel comme garçon de chambre. Noir. Très noir. […] Un corps surprenant, tout entier dans l’allongement. Maigre, mais puissant. Solide. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 72) ; « Je n’avais pas beaucoup voyagé dans ma vie. Face à Karabiino, je me rendais compte que l’Humanité est une espèce qui m’était en grande partie inconnue. Ce garçon n’était pas comme moi. Ne pouvait pas avoir les mêmes origines que moi. Les mêmes racines. Impossible. Évidemment, je le savais, mais je ne pouvais pas m’empêcher de le remarquer, de me le répéter. Après tout, j’étais africain moi aussi, comme lui. Il avait l’air encore pur, encore frais, encore précieux, loin de la banalité des autres hommes. Ce garçon de 17 ans réinventait l’homme pour moi et révolutionnait du même coup l’idée que je me faisais de la grâce. » (idem, p. 73) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Christian, le dandy quinquagénaire, est parti en Afrique en tant que coopérant, dans ses jeunes années : il raconte comment il fantasmait sur les hommes noirs qui se baignaient dans la mer, et qu’il regardait depuis sa fenêtre.

 

Le Noir auquel se réfèrent certains auteurs ressemble plus à une marionnette, à un pantin, à un être symbolique imaginaire, qu’à un être humain de chair et de sang. Par exemple, le photographe Robert Mapplethorpe expose les pénis en érection de ses amis noirs. L’automate noir qui garde la Villa Sospir de Jean Cocteau est surnommé « Le Seigneur ». Dans son autobiographie Mon Père et moi (1968), J. R. Ackerley évoque l’existence de son pantin noir : « On a beau le rejeter, il s’arrange toujours pour revenir à la surface. » (J. R. Ackerley cité sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) Didier Roth-Bettoni parle des films de « blaxplotation » traitant des Noirs en lien avec l’homosexualité.

 

De l’adulation fétichisante au mépris iconoclaste raciste, il n’y a qu’un pas… qui est souvent franchi par les membres de la communauté homosexuelle. « Pendant le dîner, nous avons appris que l’esthéticienne avait été hétérosexuelle avant d’être touchée par la grâce [= l’homosexualité]. Elle avait passé des années en Afrique avec son seigneur et maître qui s’engraissait à faire suer le burnous et elle tenait sur les Africains des propos qui m’ont stupéfiée. J’ai découvert avec surprise ce soir-là qu’on peut être encore de nos jours d’un racisme effarant. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 156) Par exemple, le dessinateur argentin Copi se fait en partie évincer de la Rédaction du journal Libération le 8 août 1979 après avoir publié un dessin jugé raciste : « 1960 : l’Oncle Sam montre ses seins. En l’an 2000, je me suis fais enculer par un Noir. » Michaël Kühnen (1955-1991), condamné en 1984 à trois ans de prison pour incitation à la violence et à la haine raciale, fait son coming out en 1986 alors qu’il est encore en prison.

 

Docu-fiction "Brüno" de Larry Charles

Docu-fiction « Brüno » de Larry Charles


 

Dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, Brüno semble pétri de bonnes intentions pour le Darfour : « Je kiffe les Blacks ! […] Ça me botterait d’agir pour l’Afrique. » Mais on découvre bien vite le pot aux roses de son charity business : « Les œuvres caritatives, c’était super pour devenir célèbres ! » D’ailleurs, il se filme en train d’adopter un petit bébé noir qu’il transporte comme un colis, dans un carton, sous les yeux ahuris et choqués de la communauté noire nord-américaine.

 

Aux États-Unis, Jeffrey Dahmer (« le monstre de Milvaukee ») est un vrai cannibale et nécrophile, homosexuel de surcroît : entre 1978 et 1991, il a tué dix-sept jeunes hommes. Jeffrey couchait avec des mannequins, et en particulier des Noirs car il disait apprécier la texture particulière et fine de leur peau.

 

J’aborde plus amplement le phénomène du fantasme de fusion violente entre l’Homme blanc et l’Homme noir dans le code « Je suis un Blanc-Noir » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels ; mais déjà, ce qu’on peut dire, c’est qu’il faut aussi se méfier de l’élan en apparence « amoureux » ou « solidaire » du Blanc vers le Noir (et inversement), car l’un comme l’autre peuvent se servir l’un de l’autre, homosexuellement parlant, pour au fond se centrer sur leurs propres intérêts respectifs, leurs appétits de gloire, de pouvoir, et de vengeance. Il est même possible, comme l’a vu Patrick Bougon dans le cas de Jean Genet, qu’ils s’instrumentalisent entre eux en vue de s’opposer à leurs semblables sociaux, raciaux : « La position politique de Genet est moins propalestinienne qu’anarchiste. […] Ce qui intéresse Genet chez les Black Panthers et les Feddayin, c’est qu’ils sont des vecteurs de déstabilisation du pouvoir et de l’État. » (Patrick Bougon, « Politique et Autobiographie », dans Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 69) Attention, donc, à bien regarder si l’amour inter-racial – qui peut exister, et dans ces cas-là, c’est une grande joie – soit vraiment effectif, appuyé sur des actes, et pas uniquement un tissu de bonnes intentions.

 

Concernant les romans de Frantz Fanon, qui abordent souvent les rapports de cœur entre Blancs et Noirs, Stuart Hall explique que le post-colonialisme de Fanon prend la forme de l’amour incestueux : « Je crois que pour Fanon, ce qui est important, c’est le conflit avec le père. C’est ce qui est au centre du texte : le conflit entre le fils noir et le père colonisateur. C’est cette relation Noir-Blanc / père-fils qui donne cette profonde masculinité à sa vision d’ensemble, qui génère le rôle ambigu des femmes dans le texte, et explique pourquoi ses sentiments sur les relations homosexuelles sont porteurs comme souvent aux Caraïbes, du même genre d’ambiguïtés. On est donc très près du complexe d’Œdipe. »

 

Comme nous venons de le voir, l’adulation homosexuelle pour le Noir flirte presque systématiquement avec le racisme, le viol, la prostitution, ou l’inceste. « Les Arabes et les Noirs sodomisent et châtrent leurs ennemis vaincus. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 260) ; « Avec l’apparition du Sida, à New York, y’avait tous ces Black qui, comme ils avaient peur et étaient désœuvrés, ont créé la house music. » (Didier Lestrade dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel)

 

Par exemple, dans l’affaire du préservatif en Afrique, la communauté homosexuelle occidentale a tendance à prendre vraiment les Africains (d’Afrique noire) pour des imbéciles – qui prendraient les mots du Pape au pied de la lettre (c’est bien mal les connaître et bien mal connaître la réalité religieuse complexe de leur pays !) – et pour des victimes sur qui pleurer sans jamais leur venir concrètement en aide. Tout ça pour justifier son propre libertinage effréné.

 

Un cliché parmi d'autres des travestis noirs M to F pris en photo par Andy Warhol

Un cliché parmi d’autres des travestis noirs M to F (Wilhelmina Ross) pris en photo par Andy Warhol


 

Le pire, c’est qu’actuellement, beaucoup de personnes homosexuelles noires semblent trouver leur compte dans cette exploitation. Elles rentrent de plus en plus dans le jeu du racisme positif que certains de leurs adorateurs leur imposent, puisqu’elles découvrent dans la défense de leur statut d’« Homosexuel » et de « Noir » une double raison (voire une triple raison, quand elles sont nées femmes !) de se définir comme les plus grandes victimes interplanétaires de tous les temps, des intérêts financiers mais surtout symboliques. « Après tout, étant le bizarre du village, l’efféminé, je suscitais une forme de fascination amusée qui me mettrait à l’abri, comme Jordan, mon voisin martiniquais, seul Noir à des kilomètres. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 33) Le lien entre homosexualité et négritude, qu’elles causalisent en l’essentialisant autour de leur personne, leur permet de se forger une nouvelle identité de survivants de « l’ignominie occidentale », et de revendiquer un droit de vengeance sur les prétendus ennemis de leurs « libertés fondamentales ». C’est pour cela que ces semi fausses victimes, embarquées dans des conflits d’intérêts qui les dépassent mais qui les grisent aussi, pour le coup, puisqu’on leur déroule le tapis rouge et on les applaudit avec la larme à l’œil, sont de plus en plus utilisées par les associations LGBT en faveur de la propagande actuelle des « droits des homos ». Cela fait toujours son petit effet de mettre au micro « Super Victime » (comprendre = une femme lesbienne noire : ça, c’est le must !) pour défendre le mariage gay… même si, au fond, la couleur de peau n’a rien à voir avec le mariage des personnes de même sexe. On s’en fout ! On mélange tout. La victimisation fait table rase des différences ! Du moment qu’on se partage le butin (= argent, sexe, honneurs) en coulisses… Et on s’en va en vainqueur en posant la question insoluble : « Mais pourquoi diable, Dieu ne serait-il pas une lesbienne noire ? » (Albert Le Dorze, La Politisation de l’ordre sexuel (2008), p. 108)

 

Je me souviens, à ce propos, d’un débat intitulé « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s » (rien que les tirets prouvaient toute l’hypocrisie de l’événement…), organisé par l’association David et Jonathan à la Mairie du XIe arrondissement de Paris le 10 octobre 2009, débat pendant lequel bizarrement on ne débattait pas du tout et on ne réfléchissait pas : l’analyse avait été supplantée par une série de témoignages émotionnels censés donner du contenu pour l’avancée des « droits LGBT ». Assis tranquillement dans mon coin, j’étais juste atterré par le niveau intellectuel des interventions, mais il y avait tellement de monde qui écoutait béatement les discours que j’ai préféré me taire ; de toute façon, l’assistance n’avait pas tellement la parole ni le cœur à parler, et il eût semblé totalement déplacé d’aller à contre-courant d’une telle effusion émotionnelle collective. Je ne vais pas vous rapporter l’intégralité des propos qui ont été tenus par les 5 invités qui se sont succédés au micro. Simplement, je ferai mention de la petite boutade qu’a sortie la toute dernière intervenante, Gisèle, une femme noire de 40 ans, car sa blagounette m’a légèrement passionné. En effet, quand elle s’est présentée, elle a d’emblée commencé par nous montrer tous ses diplômes de Victime, comme pour se prémunir de toute éventuelle attaque, et surtout pour s’offrir à elle-même la légitimité d’être le bouquet final du somptueux Feu d’artifice de la Victimisation auquel nous avions été conviés pendant près d’une heure et demie. Elle a dit ceci : « Je suis une femme noire homosexuelle… Je ne suis pas encore juive ! » La majorité du public a à peine souri, puis s’est inclinée devant de si beaux atouts, de si manifestes bleus au corps devinés, de si jolies couronnes d’épines en papier. Moi, personnellement, j’ai juste trouvé ça puant, déloyal, et finalement raciste et homophobe, un tel arrivisme. Ceux (et je sais qu’ils sont nombreux) qui ont pleuré devant la méritante athlète LESBIENNE+NOIRE+FEMME qui visiblement parcoure le marathon des droits LGBT (sponsorisé par Têtu, le SNEG, Yagg, David et Jonathan, et la Mairie de Paris) depuis des siècles et des siècles pour accumuler des droits qui ne lui reviennent pas (non du fait qu’elle soit lesbienne, ou noire, ou trisomique, ou cul-de-jatte, que sais-je encore… mais simplement du fait qu’elle est humaine !), m’auraient certainement jugé comme un sans-cœur du simple fait que cette femme – qui certainement a vécu de vraies épreuves – n’ait pas réussi à me toucher. Mais comment faire comprendre à ces gens que dans cette grande Foire à la Victime, les sans-cœurs racistes et égoïstes sont justement ceux qui ont les yeux humectés de larmes ?

 

Il y a un tel retard sur la compréhension de la connexion entre homosexualité et négritude ! Ce lien a été si rarement analysé ! On peut presque dire qu’on est actuellement au point mort, tout simplement par phobie de l’accusation de racisme ou de communautarisme négro-sexuel. Alors pour pallier à ce manque, en général, que fait-on ? On se met à créer de faux débats sur les fossés « culturels » et religieux entre les continents, ou bien on s’invente des différences bidon entre communauté noire et communauté homo, qui ne font pas du tout avancer les choses. On en reste au paraître, à la question creuse de la visibilité : « La différence entre être homosexuel et être Noir, c’est qu’être Noir, ça n’a pas à s’annoncer : ça se voit. L’homosexualité, ça ne se voit pas forcément. » (Lionel dans l’émission-radio Je t’aime pareil d’Harry Eliezer (thème : « Papa, maman, les copains, chéri(e)… je suis homo »), le 10 juillet 2010, sur France Inter)

 

Il serait tellement pertinent et plus éclairant de se limiter à lier la négritude et le désir homosexuel pour les deux seuls dénominateurs qui soient existants : le fantasme de viol d’une part, et la haine de soi d’autre part ! Car il ne suffit pas de se revendiquer fièrement Noir, ou fièrement gay, ou fièrement « Homo noir », pour s’aimer soi-même. Il ne suffit pas d’avoir la peau noire pour ne pas jamais être raciste. Par exemple l’écrivain nord-américain John Edgar Wideman, issu d’un quartier noir pauvre de Pittsburgh, écrit dans sa biographie Brothers And Keepers (1984) que « sa négritude l’accuse », qu’il vit dans « la peur qu’on découvre le diable en lui et qu’on le rejette comme un lépreux. » (pp. 56-57) N’entendons-nous pas cette haine de soi exprimée ? Et si nous l’entendons, pourquoi nous n’en parlons jamais et nous ne la réglons pas ?

 

Les exemples d’amis noirs homosexuels complexés pullulent autour de moi ! Et bien sûr, je ne justifie pas du tout leur auto-détestation : je suis le premier à la déplorer ; à les encourager à s’aimer un peu plus eux-mêmes ; et je suis aussi le premier à constater la manigance de certains Noirs qui, pour camoufler la honte existentielle secrète qu’ils portent depuis l’enfance au sujet de leur propre couleur de peau, vont se mettre à chanter excessivement leur coming out, comme si celui-ci allait tout réparer, comme si l’homosexualité avait le pouvoir de les réconcilier totalement avec eux-mêmes. Mais n’ont-ils pas compris que le couple homosexuel n’était qu’un cache-misère du racisme et d’une homophobie sociale galopants ?

 
 

d) L’importance du roman Les Dix Petits Nègres (1939) d’Agatha Christie :

Sans transition, je finis ce long chapitre de la négritude homosexuelle par une touche plus légère, d’une part en vous parlant à nouveau du roman Les Dix Petits Nègres (1939) d’Agatha Christie, mais du point de vue de l’actualisation, et d’autre part des liens concrets qui ont existé entre Joséphine Baker et la communauté homo.

 

À propos des Dix Petits Nègres, beaucoup de personnes homosexuelles aiment particulièrement ce roman d’Agatha Christie. Le Noir réel y est d’ailleurs totalement absent : aucun des personnages de l’histoire n’est de race noire. En fait, l’Homme noir est juste lointain, fétichisé, inerte comme une statue. Chacun des dix protagonistes est symbolisé par une statuette de Nègre exposée dans le salon de la villa. Et c’est avec stupeur que les invités de l’île voient tour à tour disparaître les statuettes à leur effigie à chaque fois que l’un d’eux est assassiné. Ainsi s’actualise une forme de rite vaudou créant une atmosphère inquiétante et paranormale très haletante.

 

Je me suis longtemps demandé pourquoi, étant adolescent, cette histoire m’avait tellement marquée ; pourquoi, de tous les romans d’Agatha Christie que j’avais lus, celui-ci avait largement ma préférence. L’intrigue des Dix Petits Nègres m’a habité très longtemps. Vers l’âge de 8 ans, j’en faisais des cauchemars (il faut dire que j’étais influencé par les réadaptations que je voyais à la télévision, dans des séries B telles qu’Amicalement vôtre, Matt Houston, Chapeau-melon et Botte de cuir, etc.), mais en même temps, ce roman me fascinait. À l’École des Beaux-Arts de Cholet, vers l’âge de 12 ans, j’ai même repris les personnages de Dix Petits Nègres pour les intégrer à une de mes sculptures éphémères (mon personnage préféré du roman étant comme par hasard la seule belle et jeune femme de l’histoire, la secrétaire Vera Claythorne).

 

Et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir quelques années plus tard, au cours de mes rencontres, que les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie n’était pas une lubie uniquement personnelle, une vérité isolée de mon désir homosexuel, mais bien un point commun que je partageais avec bon nombre de mes frères homos ! Plus j’avançais dans mes recherches sur l’homosexualité, plus je découvrais – sans jamais en faire une règle ou une généralité sur « les » homos – que ce roman était très « gay », même s’il ne parlait à aucun moment explicitement de désir homo.

 

À mon avis, ce qui fait son succès dans la communauté homo, c’est qu’il renvoie directement à la beauté du viol. Les assassinats perpétrés dans cette œuvre sont faits avec une telle élégance, une telle finesse, une telle précision d’orfèvre, qu’ils finiraient par être désirés par le lecteur. Le machiavélique meurtrier interne, dissimulé parmi les 10 héros, a signé LE crime parfait. L’émergence soudaine du meurtre dans le rose-bonbon bourgeois est source de fantasme chez beaucoup de personnes homosexuelles, je le crois vraiment.

 

De temps à autre, il m’arrive de sonder discrètement les personnes homosexuelles que je rencontre (même si maintenant, je suis un peu grillé, parce que ce code commence à être connu de mon entourage amical proche, donc l’effet de surprise s’amenuise avec le temps…). Et certaines m’ont révélé spontanément leur passion pour Les Dix Petits Nègres : c’est le cas d’un jeune ami romancier nommé Yannick B. (et que j’ai rencontré à Paris en 2006) par exemple, du réalisateur Alejandro Amenábar (il avoue d’ailleurs qu’il « dévorait » littéralement les romans d’Agatha Christie quand il était adolescent), du metteur en scène Ladislas Chollat. Le 22 avril 2010, j’ai demandé pendant une conversation Facebook au réalisateur français Olivier Ciappa de m’expliquer pourquoi il avait eu le projet de faire un film sur le modèle des Dix Petits Nègres : il ne s’est pas étendu en détails. Il s’est contenté de m’écrire cette phrase laconique, mais qui a suffi à faire mon bonheur : « J’adore le concept. »

 
 

e) Certaines personnes homosexuelles vouent un culte à Joséphine Baker (1906-1975) :

Ce n’est pas par hasard si la chanteuse noire Joséphine Baker est une icône gay. Elle est la première Noire-objet de l’ère contemporaine, la première femme de peau noire à devenir une grande star mondiale. Cette sulfureuse figure du music hall, née aux États-Unis et devenue française à partir de 1937, a osé revendiquer une identité minoritaire méprisée, une fierté d’être noire. Pétrie de paradoxes, elle a tout de la prostituée glorieuse et « assumée », de la figure du viol consenti (l’autre nom du désir homosexuel), de la femme phallique (avec son pagne-gode-ceinture aux multiples bananes-verges) qui exhibe fièrement sa réification. « Vous êtes le contraire de Barbette. Il cache tout, vous montrez tout ! » (Jean Cocteau à Joséphine Baker, dans la biographie La Véritable Joséphine Baker (2000) d’Emmanuel Bonini, p. 52) Pas étonnant, par conséquent, qu’elle « parle » à autant de personnes homosexuelles d’hier et d’aujourd’hui !

 

Joséphine Baker

Joséphine Baker


 

Joséphine Baker était la « fille à pédés » par excellence. Par exemple, Violette Morris (lesbienne) raconte qu’elle allait en boîte avec elle. Joséphine Baker est d’ailleurs classée parmi les « bisexuels célèbres » dans beaucoup de répertoires dédiés à l’homosexualité. Figure majuscule des Années folles en France, elle est en lien avec beaucoup d’artistes homos planqués (par exemple, elle prendra la pose avec l’acteur Rudolf Valentino). Elle est aussi une des pionnières de la militance pour l’« égalité des droits », un concept politique très récent (elle a notamment participé à la Marche de la Liberté organisée par Martin-Luther-King) Elle a côtoyé de près le monde de la nuit homosexuel, des Folies Bergère en passant par le Palace. Par exemple, elle a remis en personne la « Coupe de la Beauté travestie » à une fausse Marlene Dietrich, à l’issue d’un concours de costumes au dancing de Magic-City en 1937.

 

On retrouve parmi les personnes homosexuelles beaucoup de fans de la chanteuse, toutes générations confondues : Jean-Claude Brialy, Michel Gyarmathy, Denis Daniel, Jérôme Savary, Jean-Luc Lagarce, Jean Cocteau, Jean Marais, Pierre Meyer, Marc Allégret, etc. « Fascinée comme moi par le spectacle, ma tante Germaine m’offrait régulièrement le cinéma l’après-midi. Un soir, elle eut la bonne idée de m’emmener voir Joséphine Baker aux Folies-Bergère. Ce fut un total émerveillement ! » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 50) Panama Al Brown, l’amant du poète Jean Cocteau, jouait un temps les danseurs de claquettes dans La Revue Nègre de Joséphine Baker (Cocteau lui a même baisé les pieds). Michel Simon assistera à l’enterrement de la diva.

 

Joséphine Baker est même parfois considérée comme une mère adoptive par certaines personnes homosexuelles : « En cette époque magique, toute notre intelligentsia se trémoussait la nuit au rythme endiablée de sa ceinture en bananes, la toute nouvelle star du music-hall : Joséphine Baker ! C’est au milieu de ce vacarme que je me décidai à venir au monde […]. » (Denis Daniel, Mon Théâtre à corps perdu (2006), p. 13) Le chanteur-compositeur britannique Bill Pritchard, par exemple, prend la défense de son idole : il distingue la « Mamma Baker » qui se ruina en adoptant une ribambelle d’orphelins, et l’artiste qui, en avance sur son temps, combattit les préjugés en assumant courageusement sa vie de femme libérée : « Nous rions tous pendant que Joséphine Baker fait le guet / À cause du Klan dans le Sud, / Nous sommes tous les formes informes / De l’état invisible. » (cf. la chanson « Mamma Baker » de Bill Pritchard)

 

La légende de Joséphine Baker nourrit actuellement l’univers imaginaire de beaucoup d’hommes travestis M to F. Cette femme noire est l’un des personnages typiques des cabarets transformistes (cf. le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan, avec l’homme transsexuel Nancy). Dans les années 1960-70, Michel Catty (alias Michou) faisait des imitations burlesques de Joséphine Baker. À la Gay Pride berlinoise de 2008, un des derniers « triangles roses » encore vivants à l’époque, Rudolf Brazda, a imité la Baker au music hall. Par ailleurs, il est à noter que la chanson « La Petite Tonkinoise » de Joséphine Baker existe dans une double version, féminine et masculine ! Enfin, on retrouve aussi Joséphine Baker sur le logo du célèbre bar gay le Banana Café, qui existe encore à Paris, et qui ne désemplit pas.

 

NOIR Baker Les Années Jazz

 

Bref, je me risquerai à dire que celle que l’on surnommait parfois « Joe » ou « la Putain » quand elle était encore en vie, est symboliquement le premier modèle transgenre du XXe siècle (elle succède à la Joconde) : « Le spectateur à peine éveillé voit débouler sur la scène un morceau de caoutchouc recouvert de guenilles, salopette noire et chemise blanche en lambeaux… […] Est-ce un homme ?, est-ce une femme ? Quand le phénomène se met à se déhancher de façon diabolique au son fantastique charleston, l’assistance a le souffle coupé. ‘La Baker’ vient de naître. » (Emmanuel Bonini, La Véritable Joséphine Baker (2000), p. 40)

 
 

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Code n°132 – Obèses anorexiques (sous-codes : Faim / Vomi / Festins non-débarrassés / Nourriture comme métaphore du viol / Poison)

obèses an

Obèses anorexiques

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Le 17 novembre 2012, alors que je me trouvais à côté d’un char d’une des premières Manif Pour Tous à Paris, près des Invalides, une vieille mamie m’a spontanément adressé la parole (sans m’avoir reconnu, et sans raison logique puisqu’elle ne savait pas que j’étais homo et que je ne lui avais pas adressé la parole). Elle s’est mise à me parler d’homosexualité. Et elle me faisait cette judicieuse comparaison à laquelle je n’aurais pas pensée en ces termes (même si j’avais déjà depuis longtemps écrit dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels ce code des « Obèses anorexiques ») : « Vous savez, je crois que l’homosexualité, c’est exactement comme l’obésité : il y en a certains qui ne l’ont absolument pas choisie et qui n’y sont pour rien ; il y en a qui à la fois l’ont subie et à la fois s’y installent ; d’autres qui en sont totalement responsables par leurs comportements. » Elle semblait ainsi me faire comprendre qu’avec tous ces degrés différents de liberté, on voit bien qu’on ne peut socialement ni l’applaudir, ni la proposer comme norme d’identité et de bonheur. Je me suis gardé de commenter quoi que ce soit. Mais j’ai souri intérieurement. Ça fait tellement longtemps que je nous considère, nous les personnes homosexuelles, comme des êtres humains en tension entre boulimie et anorexie !

 

« Obèses anorexiques »… Voilà une périphrase antinomique qui a de quoi étonner. Comment peut-on être les deux à la fois ? Les personnages homosexuels pratiquants (et parfois les individus homos réels) réussissent cet exploit ! Ils se définissent eux-mêmes ainsi, d’ailleurs. Et dans les fictions traitant d’homosexualité, ils alternent les phases de boulimie et les moments de régime drastique… comme pour illustrer que le désir homosexuel est un trop-peu d’amour qui se traduit en général par un trop-plein (de câlins, d’objets, de sexe, de consommation, de sincérités, etc.) pour mieux faire passer sa violence comme « belle ». Car violence du désir homo il y a : dans la vie réelle des personnes homos et hétéros confondues, la boulimie provient souvent d’un manque d’amour (mal compensé) ou d’un viol, et l’anorexie indique de manière générale l’existence de l’inceste ou le sentiment de ne plus exister.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Différences physiques », « Bonbons », « Cannibalisme », « Tout », « Aube », « Fan de feuilletons », « Collectionneur », « FAP la « fille à pédé(s) », à la partie « Crâne en cristal » du code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », à la partie « Paradoxe du libertin » du code « Liaisons dangereuses », à la partie « Maman-gâteau » du code « Mère possessive », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le personnage homosexuel est présenté ou se présente comme un glouton :

 

Beaucoup d’œuvres traitant d’homosexualité abordent la question de l’obésité : cf. le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, le film « Inspecteur Gadget » (1999) de David Kellogg, le film « Superstar : The Karen Carpenter Story » (1987) de Todd Haynes, le film « Fat Girls » (2006) d’Ash Christian, le film « Anita, Tanze Des Lasters » (1987) de Rosa von Praunheim, le film « Thulaajapoika » (« Le Fils prodigue », 1992) de Veikko Aaltonen, le film « 50 façons de dire Fabuleux » (2005) de Stewart Main, le tableau L’Homme à l’oiseau (2000) de Luan Xiaojie, la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, le roman Nourritures terrestres (1897) d’André Gide, la chanson « Mes bourrelets d’antan » de Marie-Paule Belle, le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville (l’héroïne lesbienne se bâfre de gâteaux), le film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton (avec Otho, le protagoniste homosexuel obèse), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters (avec Tracy, l’héroïne obèse au physique difficile), le film « Good Morning England » (2009) de Richard Curtis (avec la cuisinière lesbienne), le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, etc. Par exemple, dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, le producteur homosexuel, est bien en chair.

 

Otho, le héros gay obèse du film "Beetlejuice" de Tim Burton

Otho, le héros gay obèse du film « Beetlejuice » de Tim Burton


 

« Conquiers ta gloutonnerie. » (cf. une réplique de la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg) ; « La gourmandise… » (le santon de la Vierge Marie s’adressant d’un air sévère à la jeune Marie, dans le film « Mon Arbre » (2011) de Bérénice André) ; « Continue à manger des gâteaux jusqu’à 50 ans et tu seras obèse. » (cf. une remarque faite à Harvey, le héros homosexuel du film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant) ; « J’ai pas toujours été l’Adonis sculptural que vous avez devant les yeux. » (un des clients homosexuels du sauna, ex-obèse, se définissant comme une « taille XXL, large comme une baleine » pendant son adolescence, dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot) ; « Tu m’étonnes que tu grossisses, avec tout ce que tu bouffes. » (Océane Rose-Marie parlant à sa compagne, dans son one-woman-show Chaton violents, 2015) ; « Arrête de te gaver de cacahouètes. » (Katya s’adressant à son ami gay Anton, pourtant mince, dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; « C’est quoi l’avantage à être un gros gay ? » (Arnaud, le héros homo, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 

Par exemple, le Roi Ubu (1896) d’Alfred Jarry, ou bien le Falstaff de William Shakespeare, sont présentés comme des gloutons gargantuesques. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Paul est décrit par sa sœur comme un goinfre qui « mâche en rêve », qui « crève de gourmandise et refuse de faire un effort ». Dans Le Banquet (- 380 av. J.-C.) de Platon, Aristophane, le défenseur de l’amour androgynique (on dirait aujourd’hui « homosexuel »), se couvre de ridicule : il a le hoquet car il a trop mangé. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne despotique, se commande à elle toute seule « une pété de pizzas ». Dans la pièce Revenir un jour (2014) de Franck Le Hen, Steeve, l’un des héros homos, a prix 30 kg et tient une baraque à frites. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, les héros homos sont des goinfres : Nono prends 4 fois du dessert ; Stef, 3 fois. Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, Largui se mange tout le pot de confiture de lait. Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Benoît, le héros homosexuel, raconte qu’étant adolescent, il avait des grosses joues de hamster. Dans la pièce Le Gang des Potiches (2010) de Karine Dubernet, Nina, l’héroïne lesbienne, est obèse et se remplit de biscuits BN. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum a écrit plusieurs livres sur le « Syndrome de Stockholm », le « transfert émotionnel », et un ouvrage intitulé Arrête de bouffer Pénélope. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, trouve son « corps lourd » et disgracieux. Il est ensuite dit qu’« il est petit, vulgaire et gras ». Dans le film « Spotlight » (2016) de Tom McCarthy, Sacha Pfeiffer, la journaliste, interviewe Joe, un homme homosexuel obèse, très anxieux, qui a été violé par un prêtre à l’adolescence, et qui gobe les muffins en grande quantité pour compenser. Dans la série Demain nous appartient diffusé en 2017 sur la chaîne TF1, Étienne, l’interne homo à l’hôpital de Sète, était pendant l’adolescence l’ancien camarade de classe de Victoire Lazzari, le souffre-douleur du lycée, surnommé « Bouboule » par ses camarades.

 

Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, tous les personnages sont filmés continuellement en train de manger, de consommer (des pâtes et des spaghettis surtout, de la boisson alcoolisée, du tabac, du sexe, de la sensation naturelle, etc.). C’est en fait un film sur la consommation, et destiné à des consommateurs bobos. D’ailleurs, l’héroïne ne s’en cache pas : « Je mange de tout. Je pourrais manger en continu toute la journée. » (Adèle)

 

La gourmandise du libertin homosexuel prend au départ des allures de fête, de gala. On retrouve le festin dans plusieurs œuvres abordant la thématique homosexuelle : cf. le film « Les Damnés » (1969) de Luchino Visconti, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « Salò ou les 120 Jours de Sodome » (1975) de Pier Paolo Pasolini (avec le banquet burlesque des noces), l’album Le Festin de Juliette (2002) de Juliette, le roman Festin nu (1959) de William Burroughs, le film « Tableau de famille » (2002) de Ferzan Ozpetek, le roman Pique-nique au paradis (1968) de Joanna Russ, le roman Off-Side (1969) de Gonzalo Torrente Ballester, la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz, le roman Le Banquet des anges (1984) de Dominique Fernandez, le film « Desperate Living » (1977) de John Waters, le film « Le Banquet des chacals » (2006) de Stéphane Marti, le vidéo-clip de la chanson « Gourmandises » d’Alizée, le film « One Night Stand » (2006) d’Émilie Jouvet, etc.

 

La boulimie prend aussi des allures d’amour, devient luxure (cf. je vous renvoie au code « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Dans beaucoup de créations homo-érotiques, le désir homosexuel est comparé à une irrépressible sensation de faim : « J’aime plusieurs personnes. Je ne parle pas de mon homosexualité mais de mon appétit sexuel… et je ne suis pas un libertin. » (Larry, le libertin enchaînant les « plans cul », dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « [Il me fallait] assouvir cette faim que j’avais du féminin. D’autant que je prenais conscience que seul le corps, chez les femmes, m’intéressait. Je ne me sentais pas capable d’aimer vraiment. […] J’avais peur de moi. Quand je sentais monter ce besoin de chair, peu m’importaient les moyens et la figure de celle qui me donnerait ce qu’il me fallait. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 56-57) ; « Supporter une journée sans voir sa voisine lui mettait au ventre un sentiment de manque tel qu’elle avait l’impression de ne pas avoir mangé. » (idem, p. 184) ; « J’ai faim. » (Henri, juste après avoir embrassé pour la première fois sur la bouche un inconnu à la gare, dans le film « L’homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « Je n’arrive pas à croire que je suis assise là à vous raconter que j’ai eu les yeux plus grands que le ventre. » (Anamika, l’héroïne lesbienne, au moment d’annoncer son homosexualité au vieil Adit, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 201) ; « Vous aimez sûrement manger. Je me le suis dit tout de suite. » (Léopold s’adressant à son futur amant Franz, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Ô belle Amérique ! » (2002) d’Alan Brown, Andy demande à Brad comme on peut être sûr qu’on est vraiment homo ; ce dernier lui répond : « Tu le sais comme tu sais que tu as faim. » Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, Valentín se laisse conquérir par le désir homosexuel à partir du moment où il se goinfre de nourriture : « La Femme-Araignée m’a montré du doigt un chemin dans la forêt, et maintenant que j’ai trouvé tant de choses à manger, je ne sais plus par où commencer… » (p. 263) Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Dodo a grossi depuis qu’il est « marié » avec son pote Henri.

 

Le bonheur de l’assouvissement de la gourmandise sexuelle est de courte durée. Et déjà, certains héros homosexuels expriment les affres de la digestion difficile ou les désagréments de l’obésité désirante/charnelle. « Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient. […] J’ai songé à rechercher la clef du festin ancien où je reprendrais peut-être l’appétit. » (la voix narrative au tout début d’ d’Une Saison en enfer (1873) d’Arthur Rimbaud, p. 135) ; « Le banquet d’hier était très bon. » (Noé, le héros homosexuel, après avoir été vu par son fils Secundo en train de masturber un homme dans une camionnette, dans le film « Mon Père », « Retablo » (2018) d’Álvaro Delgado Aparicio).

 

C’est l’« amour » homosexuel qui semble trop calorique. « Nous, ce qui aurait dû nous alerter, c’est la prise de poids. J’étais devenue un angelot obèse. » (Océane parlant de sa relation amoureuse avec sa compagne Nathalie, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) ; « C’était un repas équilibré… » (Jean-Luc, ironique, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) ; etc. Par exemple, dans la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell, Tania, l’héroïne lesbienne, a l’appétit coupé une fois qu’elle est homosexuellement amoureuse : elle semble calée.

 
 

b) Le personnage homosexuel est présenté ou se présente comme un être squelettique :

 OBÈSES angoisse

 

Paradoxalement (et conjointement à la boulimie), beaucoup d’œuvres traitant d’homosexualité abordent aussi la question de l’anorexie et de la maigreur corporelle : cf. la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, le roman L’Affamée (1948) de Violette Leduc, la chanson « J’ai faim, j’ai chaud, j’ai soif » de la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, l’album « Faim de siècle » de Jean Guidoni, la pièce Faim d’année (2007) de Franck Arrondeau et Xaviéra Marchetti, le roman Alambres (1987) de Néstor Perlongher, la fameuse robe de viande crue Vanitas, robe de chair pour albinos anorexique (1987) de Jama Stark, le film « La Dernière Fois » (2010) de François Zabaleta (dédié à l’anorexie), etc.

 

« Je veux mourir mince, ne pas me nourrir avant de mourir. Je veux rester jeune. » (Didier Bénureau dans son spectacle musicale Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Je ne mange pas de charcuterie. C’est très vulgaire. » (Bernard, le héros homosexuel de la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo) ; « Moi qui sais que ma maigreur t’intrigue… » (un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Surtout je faisais très très attention à ma ligne. » (un des personnages homos parlant de son arrivée dans le « milieu homo », dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Esti [l’héroïne lesbienne] sortit de la baignoire et examina son corps d’un œil critique, debout devant le miroir. Elle était, décréta-t-elle, trop mince. D’année en année, elle perdait du poids. Il fallait agir. Elle se l’était déjà dit, bien décidée à manger plus ; une résolution prise quasiment chaque semaine. Elle enduisait de beurre ses légumes et faisait rissoler les pommes de terre dans de la graisse d’oie. […] Mais elle avait beau cuisiner tant et plus, son appétit s’évanouissait dès qu’elle atteignait la table. Si elle se forçait à manger, son estomac la récompensait par des nausées effroyables accompagnées de crampes intestinales. Elle décida néanmoins de faire un nouvel effort. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), pp. 33-34) ; « C’est pour ça qu’ils sont tous rachitiques. » (Samuel Laroque parlant de ses pairs homos, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « C’est comme l’anorexie. Je ne veux plus. Trop d’amis à moi sont morts d’anorexie. » (Rodolphe Sand, travesti, se mettant dans la peau d’une odieuse bourgeoise dirigeant un orphelinat au Burkina-Faso, et entourée d’enfants faméliques, dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Mais je suis gay ! Grossir ?!? Et puis quoi encore ?! » (le jeune Mathan dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Auvergnat Cola… pour les anorexiques. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Si seulement t’étais pas sous-alimenté… Mange, petit. » (Arthur s’adressant à son amant Jimmy, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc.

 

Par exemple, dans son opéra King Arthur (2009), Hervé Niquet vante parodiquement en chanson sa « taille de guêpe » qui apparemment ferait des émules : « On a le béguin pour ma silhouette. » Dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, Max, la grande folle, ne veut porter que des vêtements moulants : « Et puis c’est la mode, merde ! » Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Romeo se moque de son amant Johnny, qu’il présente comme un « Blanc maigre ». Dans la nouvelle « La Baraka » (1983) de Copi, Puce, le tenancier d’un bar, est dépeint comme un « vieux pédé à moitié travesti, les cheveux longs décolorés sur un corps squelettique » (p. 44) Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, les protagonistes homosexuels se conseillent de suivre le fameux régime Slim Fast pour rester potables sur le marché LGBT. Dans le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, les deux amants Cédric et Laurent sont les seuls invités à table à faire passer le fromage sans se servir. Dans le film « Footing » (2012) de Damien Gault, pour expliquer à son amie d’enfance (obèse) sa maigreur à lui, Marco, le héros homo dit qu’il a « le ver solitaire » (au sens propre comme au figuré, puisqu’il vient de se séparer d’avec son copain). Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves sait qu’il doit manger mais il se rationne ou n’a pas d’appétit : « J’ai pas faim. » Dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, la physionomie (revendiquée !) de Lacenaire, c’est la maigreur. Dans le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, Francis, le héros homosexuel, fait attention à sa ligne et ne veut pas manger trop sucré. Dans son one-woman-show Free, The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon s’identifie aux esclaves noirs chantant le blues, aux enfants faméliques des pubs d’Action Contre la Faim : « J’ai vraiment un corps de base. SI j’étais une voiture, je serais sans options. Moi, si je me mets à nue, je peux faire une pub pour Action Contre la Faim. Avec des mouches autour des yeux. » Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Heiko, le héros homosexuel décédé par noyade s’adressant à son amant Konrad, dit qu’il est « maigre comme un clou ». Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, plus Davide, le héros, s’homosexualise, plus son entourage lui fait la remarque qu’il maigrit à vue d’œil.

 
 

c) Le personnage homosexuel alterne les crises d’anorexie et les crises de boulimie :

Série "Modern Family" avec le couple gay formé par Mitchell et son amant obèse Cameron.

Série « Modern Family » avec le couple gay formé par Mitchell et son amant obèse Cameron.


 

Aussi bizarre que cela puisse paraître, un certain nombre de héros homosexuels sont décrits/se décrivent comme des obèses anorexiques… ou bien ils forment un duo contrasté avec une personne beaucoup plus enrobée ou beaucoup plus rachitique qu’eux (cf. je vous renvoie au code « FAP la ‘fille à pédé(s)’ » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf.  le film « Des oiseaux petits et gros » (1966) de Pier Paolo Pasolini, le one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba (et le binôme Afid – l’obèse – et Crevette – le fin), la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis (avec Hugo, obèse et homosexuel, vivant avec Benjamin, son colocataire mince), le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, etc.

 

« Ingrat. Un gras ici. Un maigre là… » (cf. un calembour assumé comme pourri, dans le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Frédérique Quelven) ; « Ils [les gens du Peuple] disent que nous mangeons trop. » (la Princesse s’adressant à sa mère la Reine, décrite par la Vache sacrée comme un « squelette aveugle » (p. 86), dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Mme Pignou s’arrêta, extasiée, devant la vitrine des œufs de Pâques à l’angle de la rue Henri-Monnier et de la rue Victor-Massé. Elle n’avait pas mangé depuis une semaine, non pas par manque de pain, certes, mais par gourmandise. » (Copi, la nouvelle « Madame Pignou » (1978), p. 45) ; « Elle est robuste et grasse. J’ai toujours été fascinée par cette sorte de filles, moi qui suis née trop menue. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 13) ; « Je suis c’qu’on appelle un faux maigre. » (Jérôme Commandeur dans son one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret, 2008) ; « Dans mon cas, plus les gens sont gros, plus ils me trouvent maigre. » (Laurent Gérard dans son one-man-show Gérard comme le prénom, 2011) ; « Le majordome entra, apportant le thé. ‘Du sucre ? demanda Angela. – Non, merci’, dit Stephen [l’héroïne lesbienne] ; puis, changeant soudain d’idée : ‘Trois morceaux, s’il vous plaît’ ». (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 183) ; « La maigreur de la duchesse d’Albe lui avait attiré le sobriquet peu élégant de ‘La Esqueleta’. […] Elle offrait de somptueux dîners où elle mangeait comme un ogre, sans pouvoir jamais dépasser son poids. » (Copi, la nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978), pp. 9-12) ; « Je passais prendre la bouillotte et embrasser grand-mère, que je surprenais souvent à moitié déshabillée, danseuse obèse et déchue, environnée de tout un Niagara de dentelles, de chairs gélatineuses qui moutonnaient à l’infini par la grâce du double reflet de l’armoire à glaces et de la psyché. » (le narrateur homosexuel décrivant sa grand-mère, dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 12) ; « Tu goûtes à mon amour comme une anorexique. » (cf. la chanson « Anorexique » du chanteur Queen Mimosa) ; « Sur Internet, tu parles toujours de régimes. À quoi ça sert si tu t’empiffres de gâteaux apéro ? » (le jeune Mathan s’adressant à son amant Jacques, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; etc.

 

 

Par exemple, dans le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier, Francis (interprété par Dieudonné) refuse les gâteaux qu’on lui propose en journée… et se lève en cachette la nuit pour s’empiffrer avec ce qu’il y a dans le frigo. Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, Philibert suit un régime et pourtant n’arrête pas de réclamer à manger ; il est d’ailleurs surnommé « gros pépère » par son amant David. Dans ses poèmes « ¿Por Qué Seremos Tan Hermosas ? » et « Circo », Néstor Perlongher décrit les personnes homosexuelles comme des filles à la fois « obèses » et « anorexiques ». Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Cécile fait très attention à son poids (il lui arrive de vomir souvent)… mais à d’autres moments se goinfre de bonbons : « Je blêmis, trouve refuge dans les toilettes, vomis, ça devient une habitude. » (p. 22) ; « Plus je me trouvais grasse, plus je m’empiffrais. » (p. 79) ; etc. Dans le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, le chanteur Elton John est défini comme « le crooner pour vieilles peaux et midinets obèses » (p. 118) et comme un obèse anorexique : « Chacun connaissait ses difficultés surpondérales, le plongeant tour à tour entre obésité suintante et régime drastique. » (p. 122) Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, l’un des héros homosexuels – le plus efféminé – est le premier à faire attention à sa ligne, mais à exercer ses talents de cuisinier pour se goinfrer par personnes interposées, en les surnourrissant. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Tedd, le jeune dramaturge homosexuel, soigne sa ligne et pour cela, ne mange que du poisson ; ça ne l’empêchera pas d’être boulimique pour d’autres choses : « Moi ce que je vise, c’est le fric ! » Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, après avoir été bouboule pendant son adolescence, Emily, la future femme d’Howard, homo refoulé, sombre maintenant dans l’anorexie à cause du coming out de son futur mari : « 34 kg : j’ai perdu 34 kg ! C’est pour ça que je suis pratiquement anorexique ! »

 

Film "Le Derrière" de Valérie Lemercier

Film « Le Derrière » de Valérie Lemercier


 

Dans son one-man-show Gérard comme le prénom (2011), Laurent Gérard nous propose tout un sketch sur la maigreur. En filigrane, il compare l’homosexualité à l’anorexie : « J’ai une différence que mon entourage vit de plus en plus mal… » Après nous avoir fait croire qu’il allait faire son coming out, il simule qu’il se retrouve dans un groupe de parole genre Alcooliques Anonymes parce qu’il vit mal sa minceur. Il critique sévèrement ceux qu’il appelle les « dictateurs du régime », qui lui reprochent sa maigreur (« Vous êtes tellement maigre qu’on va croire que vous allez perdre un œil ! » leur fait-il dire) : « Les gens épais me bouffent ! »

 

Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca passe des crises de boulimie (à cause de ses chagrins d’amour) à l’anorexie (en ayant par exemple la turista en plein voyage en Asie) : « Heureusement, j’ai fini par perdre 12 kg en 1 semaine. Une turista… : tu la proposes à un obèse, il ne la veut pas ! »
 

Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, la grand-mère d’Antonio et de Tommaso, les deux frères homos, a tout de la femme soumise-insoumise, qui s’est mariée par devoir, mais qui ensuite envoie promener tous ses carcans avec l’âge : elle mange sucré, ne se médicamente pas toujours, boit plus que de raison, justifie l’homosexualité de ses petits-enfants, et finit même par se suicider en se goinfrant de gâteaux. Après s’être privée toute sa vie, elle se rattrape dans la démesure !
 

Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa raconte que vers l’âge de 6-7 ans, elle mangeait énormément (« Je m’empiffrais de tout ! »), mais que ses parents la rationnaient (elle les qualifie pour cela de « discount », de « cruels tortionnaires » !). À l’adolescence, elle a oscillé entre période d’auto-surveillance (« De l’Est, je suis passée à l’Ouest. ») et période de reprise de poids (« De Bouboulette, je suis passée à Bouboule. ») Enfin, à l’âge adulte, elle dit qu’elle essaie en vain un régime et se justifie d’avoir repris ses kilos : « J’ai toujours voulu être capitaliste. J’ai un capital : c’est mon corps. J’ai décidé de capitaliser mon corps de l’intérieur. » Elle se qualifie elle-même de « capitaliste interne ».

 
 

Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1979) de Manuel Puig, Molina, le héros homosexuel efféminé, à la fois se prive de nourriture et s’en gave (il fait de même avec son compagnon de cellule, Valentín, qui passe du rationnement carcéral au festin apporté par la soi-disant « mère de Molina »).

 

Valentín« C’est ma faute, Molina.

Molina – Notre faute… Nous avons mangé plus que d’habitude. »

(Valentín et Molina, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 221)

 
 

Toujours dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, le personnage homosexuel d’Harold – le plus fourbe et le plus manipulateur de la bande –  condense bien ce mépris voilé de soi que symbolise l’entre-deux entre boulimie et anorexie, entre surconsommation et retenue, entre libertinage et ascèse, entre bisexualité et asexualité. Tantôt il rejette le gavage alimentaire (maternel notamment : « Ma détestable mère en mettait [de l’herbe] dans les salades, sans le savoir, et je crois qu’elle aimait ça. Parce qu’à chaque repas, même au petit déjeuner, elle disait : ‘Une salade ?’ »), tantôt il le recherche (« Je cherche désespérément à prendre poids. » dit-il à Michael en se resservant en lasagnes. « Je mangerais à en devenir malade. J’ai très faim. Je goûterais bien tes lasagnes à l’opium. »). Michael, son colocataire (et ex-amant) se moque de son apparent paradoxe – non seulement alimentaire mais aussi existentiel et amoureux – qui le trahit : « Toute la journée, tu te prives, tu prends du café et du laitage, puis tu t’empiffres en un repas. Ensuite, tu culpabilises, tu te trouves gros et moche, alors que tu n’as jamais été aussi mince. »

 

Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William, le héros homosexuel, par dépit amoureux, arrête de manger pendant des semaines… et l’ironie de l’histoire, c’est qu’il est pourtant surnommé « Sugar » (« sucre » en anglais) par son amant Georges !

 

L’hybridité entre obésité et anorexie marque une irréalité, un désir et un fantasme proche de la schizophrénie. « Pas besoin d’être gros pour être une Fat Girl, pas besoin même d’être une fille : c’est un état d’esprit. » (cf. une réplique du film « Fat Girls » (2006) d’Ash Christian) Celle-ci ne sera pas sans effet ni sans violence, comme on va le voir tout de suite après.

 
 

d) Le va-et-vient entre anorexie et boulimie illustre un viol :

En règle générale, le traitement fictionnel de la nourriture dans les œuvres homo-érotiques n’est ni respectueux ni bon signe pour les héros homosexuels.

 

Par exemple, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1979) de Manuel Puig, Molina, le héros homosexuel cherche à soutirer des informations à Valentín, son amant et colocataire carcéral, en le faisant manger des mets succulents ; il est un indic de la police d’État.

 

Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Nina, l’héroïne lesbienne, souffre d’anorexie. Celle-ci est expliquée par le fait qu’elle n’ait pas été aimée par ses parents, puis par le fait qu’elle soit manipulée par ses amants puis ses amantes lesbiennes : « Ma mère m’a toujours dévalorisée. Elle est incapable de me faire un compliment. Elle ne m’a jamais aimée. La preuve : elle ne voulait pas me garder. Et mon père… : j’avais un an quand il m’a reconnue. Faut pas s’étonner que je sois anorexique… » (Nina) ; « Elle n’a rien mangé depuis trois jours. » signale cyniquement Lola, la femme qui se sert de Nina comme maîtresse et « second repas », à son amante régulière Vera qui lui répond non moins ironiquement : « C’est souvent le cas chez les anorexiques. »
 

Le va-et-vient entre anorexie et boulimie indique aussi une misère affective, intellectuelle, spirituelle. « Finalement, la seule chose qui a définitivement crevé en moi, au cours de cette crise, ça a été ma foi. Je me suis réveillé affamé d’une bonne faim, assoiffé d’une bonne soif, et réconcilié avec la vie. Je ne croyais plus en Dieu. Je ne croyais plus qu’à la force de mon amour. » (Mourad, le héros homosexuel, au moment de s’assumer en tant qu’homo, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 339) ; « Ma sœur me reproche d’être trop gâtée. Mais elle n’arrête pas de m’offrir des cadeaux. » (Kanojo, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; etc.

 

Le héros homosexuel crie à l’overdose auprès de ses parents et de sa société qui n’ont pas su l’aimer dans une juste mesure. Par exemple, dans le film « Beautiful Thing » (1995) d’Hettie MacDonald, Ste, le protagoniste homosexuel issu d’un milieu culturellement pauvre, cuisine pour son père et reçoit dans sa gamelle le contenu de l’assiette de ce dernier. Il ne peut alors que lui répondre dans l’impuissance : « Je ne mangerai jamais tout ça… » Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, le père de Charlène (l’héroïne lesbienne) la force à manger des œufs au petit déjeuner alors qu’elle n’a pas du toutfaim : il insiste lourdement : « Mange ! Mange ! » Voilà que l’enfant de la pauvreté est paradoxalement suralimenté ! Dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, le héros homosexuel refuse toutes les attentions et les prévenances de sa famille (il exècre « les trop doux parents », p. 73) ainsi que de l’État-Providence. Le jeûne sera son unique moyen de résistance et de revendication identitaire : « Je ne mange plus. Par insouciance. J’entame un jeûne presque complet qui va bientôt affoler tous mes protecteurs providentiels, commerçants pour la plupart, vendeurs de bouffe patentés et convaincus qu’il s’agit de se nourrir pour bien se porter. » (p. 111)

 

La boulimie ou l’anorexie sont très souvent les signes d’un abandon, d’un vol, d’un viol ou d’un inceste, d’une surabondance matérielle masquant un vide béant d’amour. « C’est horrible d’avoir faim. Il y a des gens qui en deviennent tout blancs et qui meurent dans d’atroces souffrances. » (Kanojo, l’héroïne lesbienne noire, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « La constipation, c’est de famille. » (le narrateur homosexuel imitant sa mère s’adressant à lui, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Je ne vois pas pourquoi tu me forces à toujours prendre le thé. Tu sais que je déteste tes gâteaux ! » (Louise s’adressant à Jeanne dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi, p. 91) ; « Durant presque toute la nuit, le rêve n’était que cela, cette leçon de cuisine, ce lien par la nourriture, ce rapprochement inédit, corps contre corps et, au milieu, une petite bougie. Le bien encore possible. La gourmandise sans fin. Mon ventre qui ne cesse de gonfler. Qui va bientôt exploser. Et Hadda qui n’arrêtait pas de me resservir. Encore et encore. Et encore. Le rêve enfantin qui se rapproche petit à petit de l’enfer. » (Omar, le héros homosexuel gavé dans son rêve par la bonne Hadda, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 103) ; « C’était bon mais j’étais terrifiée. Une fois qu’elle m’avait bien gavée… » (une patiente qui se fait nourrir de billets de 500 euro, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Et tous ces enfants qui meurent de faim chaque jour… et nous qui allons passer un repas somptueux… » (Jules, l’homo dandy puant, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Faisons la paix, ouvrons ce frigo pour manger une fois pour toutes ce gâteau d’anniversaire ! Je meurs de faim ! Je n’ai rien mangé de sucré depuis ton dernier anniversaire ! » (Mère s’adressant à sa fille « L. » juste après qu’elles aient tué le père, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Est-ce normal de mourir pour être allé dîner dans un restaurant ? » (Bryan, le héros homosexuel qui perd tragiquement son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 456) ; « Tu as mangé des gâteaux et de la glace toute la journée. » (Juna s’adressant à son amie lesbienne Kanojo, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « C’est toi que je ne digère pas. » (Juna s’adressant à son amante Kanojo dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; etc.

 

Par exemple, dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau se met dans la peau d’une mère possessive qui couve à l’excès son jeune garçon de 9 ans, Jeanjean, le gave de cochonneries (si bien qu’il devient obèse) et le drogue de cachets pour qu’il s’endorme et ne résiste pas à son traitement carabiné de sollicitude : « C’est le bonheur qui fait grossir. » ; « 9 ans : 85 kg. » ; « Maman’ a toujours été très très gentille avec Jeanjean. » ; « Pas de femmes ! Que ta petite maman ! » ; « Jeanjean, il est gros, gros, qu’est-ce qu’il bouffe ! Et puis il dort ! Il lui faut ses 16 heures de sommeil. Au moins, le mien, il est pas prêt de bouger ! » Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, c’est en achetant ses fruits et légumes chez son maraîcher qu’Omar, le héros homosexuel, découvre par accident que le vendeur a eu une liaison avec sa mère.

 

Il est fréquent qu’on voie le héros homosexuel vomir : cf. le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg, le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le roman L’Homme qui vomit (1988) de Mathieu Lindon, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, les peintures de Francis Bacon, la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon, le roman Puck Of Pook’s Hill (1906) de Rudyard Kipling, le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, la chanson « J’en ai marre » d’Alizée, le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley, le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, la chanson « Histoires de fesses » de Mylène Farmer, etc. Par exemple, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, la mère du héros homosexuel dégueule tout son dîner de pizzéria. Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, Madame Gras vomit tout le temps… et pourtant, elle est obèse. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le Père 2, homosexuel, reçoit une pluie de vomi orangé dans la gueule.

 

« Ça sent le vomi, ici ! » (Jean, l’un des héros homos de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Je vais vomir. » (Alan, l’hétérosexuel exprimant son malaise de se retrouver dans une « soirée de pédales », dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin ; Michael rajoute ironiquement : « Avant, ça sentait le vomi. Maintenant, le vomi à la rose. ») ; « J’ai juste envie de vomir à chaque fois que tu me touches. » (Édouard s’adressant à son amant Georges, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; « Pour pas vomir, elle broute. » (Margot, la vache lesbienne de la nouvelle « Margot, histoire vache » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 121) ; « J’ai essayé l’anorexie, mais du coup ça ne marche pas parce que je vomis avant de manger ! Du coup, j’ai faim. » (Lise, l’actrice obèse de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « J’ai presque couru jusqu’aux toilettes, comme si j’allais vomir au lieu de pleurer, me suis assise sur le couvercle de la cuvette et j’ai pleuré, pleuré, sans comprendre pourquoi. J’ai regardé mon reflet dans le miroir de la salle de bains, les traces de larmes, les yeux rouges, et je me suis souvenue d’une chose, juste une chose, d’un moment semblable, d’une époque semblable. Où je me regardais dans ce miroir. En pleurant. Je savais ce que c’était. La sonnette de la porte d’entrée a retenti. » (Ronit, l’héroïne lesbienne dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 167) ; « Je te rappelle que les beaux gosses te rendent si nerveuse que tu vomis. » (Amy s’adressant à sa copine Karma, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « Des geysers de vomi et de merde… Qu’est-ce que je fous ici ? » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Je pue le vomi. » (Éric, le héros homo, dans l’épisode 2 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc. Par exemple, dans le film « Pauline » (2009) de Daphné Charbonneau, l’héroïne lesbienne est prise d’une envie de vomir dès qu’elle découvre son désir lesbien. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, quand Frank dit à son psy (le Dr Apsey) qu’il a des penchants homosexuels, ce dernier lui demande instantanément s’il a des « vomissements ».

 

Régulièrement, dans les fictions, les tables non-débarrassées (filmées à l’écran) montrent que la fête homosexuelle n’est pas complète. Les lendemains d’orgies laissent place à l’amertume, à la culpabilité voire au dégoût d’avoir « trop mangé » : cf. le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti, le film « Les Amants diaboliques » (1942) de Luchino Visconti, le film « Intrusion » (2003) d’Artémio Benki, le roman Fin De Fiesta (1962) de Juan Goytisolo, le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitman, le roman Après le banquet (1960) de Yukio Mishima, le roman Fin de Fiesta (1930) de Federico García Lorca, le film « Él Y Él » (1980) d’Eduardo Manzanos, le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, le film « When The Party’s Over » (1991) de Matthew Irmas, le film « Depois Do Almoço » (« After Lunch », 2010) de Rodrigo Diaz Diaz, le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin (avec la terrasse inondée de Michael après l’orage), le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini (avec l’appart en bordel de Greg et Hannah), le film « Avant la nuit » (2000) de Julian Schnabel, etc.

 

« Le dégoût. Ce terrible dégoût. […] Demain sera une journée pleine de dégoût. » (Michael, le héros homosexuel, à la fin du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Comment te dire ? Je suis un vieux pantin en lendemain de fête, un vieux pantin entre les mains d’un enfant bête. » (cf. la chanson « En miettes » d’Oshen) ; « Les yeux perdus dans mon assiette. Et mon bonheur n’est qu’amas de miettes. Un crumble froid. […] Grand-mère, Grand-mère, ne désespère pas! On est deux à haïr ces repas. »  (cf. la chanson « À table » de Jann Halexander) ; « En regardant les verres à demi vides, leurs parois emperlées de petites gouttes de pluie, Amande eut un frisson. La belle table du début de la soirée n’était qu’un amas de reliefs détrempés. Les bougies s’étaient éteintes. Les bouquets s’étaient affaissés. Dans le prolongement de la bouteille renversée, la coulée rouge s’était élargie, avait viré au rose pâle. L’air froid avait figé le gras dans les assiettes encore parsemées de rondelles de pain spongieuses. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 451) ; « Les deux amoureux sont debout, au milieu de cette grande salle vide. Rien n’a été nettoyé. Les tables sont encore jonchées d’assiettes sales et de verres à moitié vides. Sur la piste de danse, quelques ballons bougent encore, poussés par des courants d’air imperceptibles. » (Jean-Pierre et Laure, dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, p. 277) ; « La fête est finie. » (Rupert, le héros homosexuel de 10 ans, dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; etc.

 

Idem côté cœur. En « amour » homosexuel, il semblerait que le poids (alimentaire) des sentiments fonctionnent comme des vases communicants ou un sablier : quand l’un des deux amants est rempli de sentiments, c’est au détriment du vide amoureux de l’autre… ou parce que ce dernier a chippé dans l’assiette du premier. « Lorsqu’il avait fini son assiette, il piquait naturellement dans la mienne, en ignorant mon regard sombre et mon énervement, tout en feignant de m’écouter avec sérieux. Ça aussi, ma mère aurait dû le remarquer ! On ne faisait pas ces choses-là avant. Avant de nous aimer. » (Bryan par rapport à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pp. 146-147) ; « Tu m’as couché affamé, tu m’as couché affamé. » (Luca, non rassasié en amour, dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; etc.

 

Il arrive même que la nourriture soit utilisée pour tuer (poison) ou pour maquiller une mort, un suicide. « Je me caloricide. » (Brüno dans le film « Brüno » (2009) de Larry Charles) ; « Me mange pas. Tu vas être malade. » (Shirley Souagnon se décrivant comme un « yaourt périmé » face aux hommes, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc. Elle devient la métaphore du viol : cf. le film « La Tendresse des loups » (1973) d’Ulli Lommel, le film « Picnic à Hanging Rock » (1975) de Peter Weir, le film « Eat the Rich » (1987) de Peter Richardson, le film « The Lawless Heart » (2002) de Neil Hunter et Tom Hunsinger, etc.

 

On retrouve le poison dans certaines créations homosexuelles : cf. le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec la mère de Romain qui empoisonne et tue son fils homosexuel), la nouvelle L’Encre (2003) d’un ami romancier angevin, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le film « Le Poison » (1945) de Billy Wilder, le vidéo-clip de la chanson « Tristana » de Mylène Farmer, le film « Le Nom de la Rose » (1986) de Jean-Jacques Annaud, le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1979) de Manuel Puig, la pièce A Sodoma En Tren Cobijo (1933) d’Álvaro Retana, le film « Poison Ivy » (1992) de Katt Shea Ruben, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-Ik, la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz, le film « Poison » (1991) de Todd Haynes, le téléfilm « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure, le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay (avec les sandwiches empoisonnés), le roman Un Goûter d’anniversaire (2004) de Jean-Claude Tapie, le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet (avec l’arête dans le poisson), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec les champignons hallucinogènes, ou encore le suicide au cyanure), la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi (avec les champignons vénéneux), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (où le Baron Lovejoy, homosexuel, administre du poison à Elliot), le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (à la fin, Paul se fait empoisonner par sa sœur Catherine qui le veut tout à elle), la chanson « Poison » de Bilal Hassani, etc.

 

« Je me suis empoisonnée à peine mon enfant né. » (Lou, l’héroïne lesbienne, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Elle [Vicky] a peut-être même empoisonné le champagne ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Garde la tête froide, me dit Rakä. Fais surtout attention aux narcotiques qu’elles peuvent glisser dans nos aliments ! » (le rat narrateur dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 46) ; « Ils [la dernière reine inca, le Jésuite, la Princesse, et la Vaché sacrée]  moururent empoisonnés sous le soleil brûlant au beau milieu du désert. » (Copi, La Pyramide !, 1975) ; « Je suis empoisonnée. Ce sort me dévore. » (Juna, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael décrit le jeune Tex qu’il a vu au sauna comme un « chien empoisonné ». Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Franz a avalé de l’arsenic pour se suicider ; et lorsqu’il annonce sa mort imminente à sa mère au téléphone, celle-ci ne montre aucune tristesse, et lui souhaite au contraire « Bon voyage ». Dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa, Cunégonde est l’amie prétendument « empoisonneuse » qui invite ses amis à manger. Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, China tue son mari Rogelio en empoisonnant son dessert ; Hortensia, la femme de Venceslao, a mangé de la mort-aux-rats et meurt empoisonnée ; China met de l’insecticide pour les cafards dans le biberon de son bébé, croyant que c’était du lait concentré… Dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, il y a des vers de terre dans les donuts au chocolat. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Nathan, le héros homosexuel, pour se venger d’un camarade de classe homophobe qui lui taxe toujours des clopes, les empoisonne pour le rendre malade… et ça marche.

 

Dans la fantasmagorie homosexuelle, la nourriture est souvent associée au meurtre ou au viol (cf. je vous renvoie à la partie sur le « viol » dans le code « Bonbons », ainsi qu’au code « Cannibalisme » du Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. les ouvertures impromptues de restaurants dans les films « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar et « Les Amants diaboliques » (1943) de Luchino Visconti (suite à des meurtres conjugaux masqués… où le mari assassiné est donné à manger au client), le gazpacho-traître dans le film « Mujer Al Borde De Un Ataque De Nervios » (« Femme au bord de la crise de nerfs », 1987) de Pedro Almodóvar, le café bouillant dans le film « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » (1984) de Pedro Almodóvar (qui défigure la femme à qui le mari est venu apporter le petit déjeuner au lit), la prostitution masculine dans le film « Breakfast On Pluto » (2005) de Neil Jordan, l’étouffement de l’amant au hot-dog dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, le somnifère dans le gazpacho dans le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le règlement de comptes parricide dans la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le serpent farci au rat dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, la vis que Mme Simpson donne à manger à sa fille Irina dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, l’histoire du gigot tueur dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, etc.

 

Film "Volver" de Pedro Almodovar

Film « Volver » de Pedro Almodovar


 

Par exemple, dans le roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, la profusion de nourriture est une métaphore du viol, du mariage forcé. Dans le film « Salò O Le 120 Gionate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, les aliments sont soit dégoûtants (les bourreaux forcent leurs victimes à manger des excréments humains), soit mortels (la victime qui dévore le gâteau apparemment appétissant que lui tend le bourreau meurt en crachant son sang car il y avait des clous à l’intérieur…). Dans le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, les céréales multicolores lancées en l’air annoncent le viol pédophile. Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, le narrateur homosexuel va s’acheter une pâtisserie (une bûche) juste après avoir commis son meurtre : « Une bûche au rhum […]  J’insiste. Mme Audieu m’a bien dit d’acheter une bûche au rhum à deux cents francs. » (pp. 89-90) Dans la one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, le repas illustre l’étroitesse et la xénophobie du grand-père de Camille. Dans la pièce Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou, le restaurateur du restaurant bio finit par tuer son client. Dans le film « Serial Mother » (1994) de John Waters, Madame Sutphin s’imagine que ceux qui mangent du poulet sont d’ignobles assassins d’innocents oiseaux… ce qui va réveiller chez elle une terrible folie meurtrière. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, la prostituée surnommée Krisprolls (parce qu’« elle avait toujours quelque chose dans la bouche ») morte d’avoir reçue une trop grosse quantité de « purée » (= sperme) dans la bouche au moment d’une fellation qu’elle a faite à une homme qui n’avait pas baisé depuis longtemps : mort par overdose sexuelle. Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, le serpent avale l’iguane alors qu’il n’a pas la place de le manger, et finit par en mourir : « L’iguane expira et le serpent, devenu trop gros, se hissa avec difficulté sur le plus haut rayon de la bibliothèque où il s’endormit ronflant très fort. » (p. 110)

 

Le poison, c’est souvent la relation amoureuse homosexuelle tout court : « Tu m’empoisonnes. » (William s’adressant à son amant à Georges, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Certaines personnes homosexuelles sont présentées ou se présentent comme des gloutons :

Chaz Bono

Chaz Bono


 

Beaucoup de personnes homosexuelles actuelles, avant d’avoir aujourd’hui la taille mannequin, ont été ou se sont jugées boulottes ou obèses. « Je ne supporte pas les enfants. Il suffit d’être assis deux minutes dans un avion avec un enfant pour en être vaccinés. » (Nina Myskow citant Elton John avant qu’il ait obtenu des enfants par GPA, dans le documentaire « Elton John, A Singular Man » (2015) de Christian Wagner, diffusée sur la chaîne ARTE le 9 janvier 2016) Je vous renvoie au film biographique « Enfances » (2007) de Yann Le Gal (sur Alfred Hitchcock). Le romancier Thibaut de Saint Pol a écrit plusieurs ouvrages sur l’obésité : Obésité et milieux sociaux en France : les inégalités augmentent (2008) ; Le corps désirable. Hommes et femmes face à leur poids (2010).

 

Bears and daddies

Bears and daddies


 

Par exemple Olympe, le chanteur de  l’émission The Voice 2 (en 2013), étant petit, a eu de gros problèmes de poids. Beaucoup de personnes homosexuelles, durant l’enfance et l’adolescente, étaient bien grassouillettes, ou bien se sont senties ainsi : Laurent Ruquier, Vled, Harry Glenn Milstead, Violette Morris, l’acteur Marlon Brando (à la fin de sa vie), par exemple. D’autres souffrent encore d’obésité : je pense par exemple au chanteur Sam Buttery (dans The Voice UK, en 2012), au rappeur Monis, au journaliste Daniel Konrad, à l’actrice transsexuelle F to M Chaz Bono (fille de la chanteuse Cher), au présentateur Gok Wan, à l’animateur Jesús Vázquez, à Beth Ditto (la chanteuse lesbienne des Gossip), etc. Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Jup, un homme brésilien travesti en femme, est énorme et souffre de ne passer que pour l’amuseur public, sans être véritablement aimé pour qui il est vraiment. Les personnes homosexuelles bien en chair sont même devenues une mode physique avec le temps (butch pour les femmes, bears et daddies pour les hommes qui cultivent leur forme de nounours).

 

De ma propre expérience, j’ai pu remarquer parmi mes amis homosexuels qu’il y en avait pas mal qui souffraient d’un embonpoint mal porté, que celui-ci soit existant ou non d’ailleurs (je parle d’un sentiment et d’un ressenti avant tout). Ce n’est pas le poids qui crée l’homosexualité, bien sûr (il ne s’agit pas de dire que les personnes obèses ont tendance à être homosexuelles, ni que les personnes homosexuelles sont/ont été toutes obèses), mais bien un rapport douloureux et haineux à son propre corps ; et quand le corps est volumineux, il est évident que ça n’aide pas la personne qui le porte à l’aimer et à accepter sa sexuation.

 

Laurent Ruquier

Laurent Ruquier


 

J’ai eu l’occasion de rencontrer – notamment parmi les adolescents – certains individus homosexuels qui étaient (ou se prenaient pour des) « gros ». Et dans mon « tableau de chasse », sur la dizaine d’hommes avec qui je suis sorti, je peux attester qu’il y avait au moins deux ex-obèses. En les rencontrant et en voyant ce qu’ils étaient devenus, jamais je n’aurais pu deviner leur passé. En revanche, ce que je peux dire de leur caractère, c’est qu’ils avaient tous deux une mère très incestueuse, et qu’ils avaient tendance à rechercher avec moi, en amour, une fusion absorbante similaire.

 

Photo de Rancinan

Photo de Rancinan


 

La gourmandise des libertins homosexuels prend au départ des allures de fête, de gala. Par exemple, Marcel Proust et ses amis Gregh, Dreyfus, Halévy, Finaly, fondèrent en 1892 la revue Le Banquet. Par ailleurs, les femmes (actrices, chanteuses) qui ont un poids conséquent (et dont certaines sont bisexuelles) rencontrent un certain succès auprès du public gay : la chanteuse Juliette, la chanteuse Gossip, la cantatrice Marianne James, la chanteuse Carole Fredericks, etc. Dans sa pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011), Jérémy Patinier met en scène une Marilyn Monroe version hippopotame obèse en tutu.

 

La boulimie prend aussi des allures d’amour, d’art, devient luxure (cf. je vous renvoie au code « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Dans beaucoup de discours de personnes homosexuelles ou gay friendly, le désir homosexuel est comparé à une irrépressible sensation de faim : « Quand on est trans, on déteste le manque. » (la femme transsexuel F to M interviewée dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier) ; « Je mange comme un ogre. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 113) ; « Copi, cuisinier raffiné et show-man excentrique, à la Rabelais. » (Enzo Moscato, « Les Étoiles psychotiques », dans l’ouvrage collectif Il Teatro Inopportuno Di Copi (2008) de Stefano Casi, p. 11) ; « Thomas Wolfe est un autre de mes auteurs aimés, en grande part à cause de sa merveilleuse manière de décrire la nourriture. […] Quand j’ai appris à lire, j’ai tout de suite été attirée par les histoires où il y avait quelque chose à manger. Une surtout, je m’en souviens, à propos d’un petit garçon qui avait les yeux plus grands que le ventre, et qui est mort de s’être trop bourré de gâteaux, de bonbons et d’une crème glacée grosse comme une montagne. Une image le montrait, vêtu d’un costume marin, à genoux au milieu de toutes ces sucreries, les contemplant d’un regard affamé. Je l’aimais. Aujourd’hui encore, quand j’ai faim, je m’offre un festin par procuration – à travers le Satiricon, Rabelais, Mr Pickwick, ou les romans de Thomas Wolfe. » (Carson McCullers, la romancière nord-américaine lesbienne citée dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, p. 35) ; etc.

 
 

b) Certaines personnes homosexuelles sont présentées ou se présentent comme des êtres squelettiques :

Paradoxalement (et conjointement à la boulimie), beaucoup de personnes homosexuelles sont concernées de près par la question de l’anorexie et de la maigreur corporelle : « C’est incroyable le nombre de personnes anorexiques que je connais ! Si tu veux continuer à être actrice… » (Lucía Etxebarría, la romancière bisexuelle, lors la présentation de son roman Le Contenu du silence (2012), organisée à la Galerie Dazelle à Paris, le 12 juin 2012) ; « Elle [Hélène, lesbienne] n’arrivait plus à fermer l’œil, elle n’avalait plus rien et elle devenait un vrai squelette. L’envie de se détruire la reprenait dans ces moments-là. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 57)

 

Dans l’émission Controverse diffusée le 24 janvier 2010 sur la chaîne belge RTL-TVI, l’archevêque de Malines Bruxelles en Belgique, Mgr Léonard, l’ancien évêque de Namur, n’a pas hésité cette fois à comparer l’homosexualité à l’anorexie : « Je prends une comparaison pour éclairer… Comparaison qui ne signifie pas que j’identifie les deux situations. Par exemple, je pense qu’anthropologiquement, l’anorexie […]  est un développement qui n’est pas dans la logique de l’appétit […]  Mais jamais je ne vais dire que les anorexiques sont des anormaux… »

 

Certains articles et études confirment que l’homosexualité est facteur à risque pour l’anorexie, même si elle n’est en rien une cause ni une conséquence de celle-ci.

 

OBÈSES Piment

 

Nous sommes plusieurs, de par notre morphologie de faméliques (mais aussi et surtout de par nos comportements alimentaires) à pouvoir être qualifiés d’anorexiques : Copi, Pierre Palmade, Brahim Naït-Balk, … moi-même ! Cette anorexie est d’abord une impression avant d’être une réalité : l’homosexualité a quelque chose de « l’anorexie mentale » ( = je me sens gros… mais réalité, je ne suis pas vraiment anorexique) dont il est question dans cette vidéo d’Arnaud Dumouch.

 
 

c) Certaines personnes homosexuelles alternent les crises d’anorexie et les crises de boulimie :

On mange mais attention faut pas !

On mange mais attention faut pas !


 

Aussi bizarre que cela puisse paraître, un certain nombre de personnes homosexuelles sont décrites/se décrivent comme des obèses anorexiques… (cf. je vous renvoie au code « FAP la ‘fille à pédé(s)’ » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans son roman autobiographique Parloir (2002), Christian Giudicelli décrit un de ses amants, Nicolas, comme un garçon « avide de babas au rhum et d’exercices physiques » (p. 101).

 

« Mon corps nu, à géographie variable, reflète mes états d’âme : je me sens mal, je mange, je grossis, je me déprécie plus à mes propres yeux. Puis il arrive un moment où je me dis : ‘Stop !’ Je me reprends en main, je mincis, je vais mieux, je me sens bien dans ma peau. En résumé, j’associe rondeurs et ‘mal-être’, minceur et ‘bien dans ma peau’. » (Dominique Avrile, « Un vilain petit canard ? », dans l’essai Attirances : Lesbiennes fems, Lesbiennes butchs (2001) de Christine Lemoine et Ingrid Renard, p. 205) ; « Au restaurant je le forçais à choisir un plat consistant qu’il ne finissait pas : ‘Mange, tu es maigre – J’ai plus faim, je vais exploser. Toi, gros gourmand, mange pour moi.’ Il remplaçait mon assiette vide par la sienne. » (Christian Giudicelli parlant de son amant Kamel, dans son autobiographie Parloir (2002), p. 16) ; « Mutation brusque du corps (à la sortie du sanatorium) : il passe (ou croit passer) de la maigreur à l’embonpoint. Depuis, débat perpétuel avec ce corps pour lui rendre sa maigreur essentielle (imaginaire d’intellectuel : maigrir est l’acte naïf du vouloir-être-intelligent). » (Roland Barthes parlant de lui à la troisième personne, dans son autobiographie Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 36) ; « J’avais oublié mon corps. Je ne mangeais presque plus. J’étais maigre et je le suis resté longtemps. Longtemps. […] J’étais en train de devenir gros, gras. Perdu, même dans mon corps. […] C’était cela, la vérité. Mon corps réel. Il fallait changer. Le changer. Revenir au jour du départ et de l’arrivée. Maigrir. Absolument maigrir. Arrêter de manger. Jouer de nouveau, sans le savoir, avec la mort. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 60-63) ; « J’étais maigre. À cet âge mes parents me surnommaient fréquemment ‘Squelette’ et mon père réitérait sans cesse les mêmes blagues ‘Tu pourrais passer derrière une affiche sans la décoller.’ Au village, le poids était une caractéristique valorisée. Mon père et mes deux frères étaient obèses, plusieurs femmes de la famille, et l’on disait volontiers ‘Mieux vaut pas se laisser mourir de faim, c’est une bonne maladie. (L’année d’après, fatigué des sarcasmes de ma famille sur mon poids, j’entrepris de grossir. J’achetais des paquets de chips à la sortie de l’école avec de l’argent que je demandais à ma tante – mes parents n’auraient pas pu m’en donner – et m’en gavais. Moi qui avais jusque-là refusé de manger les plats trop gras que préparait ma mère, précisément par crainte de devenir comme mon père et mes frères – elle s’exaspérait : ‘Ça va pas te boucher ton trou du cul’ –, je me mis soudainement à tout avaler sur mon passage, comme ces insectes qui se déplacent en nuages et font disparaître des paysages entiers. Je pris une vingtaine de kilos en un an.) » (Eddy Bellegueule dans son roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 16-17) ; etc.

 

Personnellement, j’ai un rapport en dents de scie à la nourriture : je suis rachitique et en même temps grosse bouffe. Mon frigo est vide et me nourrit très mal en temps normal (cela est dû, je l’avoue, à ma flemme et mon tempérament économe, pour ne pas dire « radin avec moi-même ») MAIS ceux qui m’ont vu en soirée sont souvent estomaqués de voir mon sacré coup de fourchette et la rapidité avec laquelle j’engloutis les plats qu’on me présente. Je ne suis pas un gourmet, mais un vrai gourmand… qui ne mange que très rarement ;-). C’est à la limite de la politesse (mais je me soigne peu à peu ^^). Voilà le tableau d’un « anorexique boulimique » pressé, qui voit les repas seul comme une formalité, et qui a certainement peur du manque pour faire autant chroniquement « garde-manger »…

 

L’hybridité entre obésité et anorexie marque une irréalité, un désir et un fantasme proche de la schizophrénie, un mépris de soi. Celle-ci ne sera pas sans effet ni sans violence, comme on va le voir tout de suite après.

 
 

d) Le va-et-vient entre anorexie et boulimie illustre parfois un viol , au moins un fantasme de viol:

Le va-et-vient entre anorexie et boulimie indique souvent une misère affective, intellectuelle, spirituelle. Beaucoup de personnes homosexuelles, en passant par ces états corporels souffrants, crient à l’overdose auprès de leurs parents, de leur(s) amant(s) et de leur société qui n’ont pas su les aimer dans une juste mesure. Le jeûne ou la gourmandise, selon elles, sera leur unique moyen de résistance et de revendication identitaire : « Je vis dans une société de surabondance qui a érigé en dogme cette folie de la maigreur. » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 8) ; « Mon récit serait celui d’une overdose de ‘bonheur’ qui faillit être mortelle pour beaucoup d’entre nous, enfants du baby-boom venus au monde avec tant de bonnes fées penchées sur notre berceau. […] Enfants surnourris, gavés, à qui l’on dit : on ne parle pas la bouche pleine. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 17) ; « J’avais lu trop de livres, vu trop de films. Ma vie et mes sentiments me dépassaient. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 41) ; etc.

 

La boulimie ou l’anorexie sont très souvent les signes d’un abandon, d’un vol, d’un viol ou d’un inceste, d’une surabondance matérielle masquant un vide béant d’amour. « On ne saurait trop insister sur cette horreur et cette fuite de l’ennui dans les manifestations du goût camp [promu en premier lieu par la communauté homosexuelle]. Le goût camp ne peut se concevoir que dans le cadre des sociétés d’abondance, des sociétés, ou des cercles sociaux, où se développent les effets psycho-pathologiques de l’abondance. » (Susan Sontag, « Le Style Camp », L’Œuvre parle (1968), p. 446) ; « Ce grand amour que j’avais pour elle, à 18 ans, le refuge absolu qu’elle représentait. Et j’étais boulimique. » (Annie Ernaux parlant de sa mère, dans son autobiographie Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 82) ; « Selon ces croyances [africaines], certains homosexuels passifs demandeurs de services sexuels auraient comme caractéristique essentielle un certain embonpoint, non pas tant une obésité réelle qu’une certaine allure de quelqu’un qui a un poids légèrement au-dessus de la moyenne. Cela leur viendrait, d’après les représentations les plus courantes, de la semence de leurs partenaires qu’ils ont absorbée. À l’inverse, un imprudent qui se livrerait à un commerce sexuel avec un homosexuel court le risque de maigrir, donc de perdre de l’énergie, de se laisser sucer par ses partenaires. » (Séverin Cécile Abega, « Afrique de l’Ouest », dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 12) ; « (Toujours à cette période, vers l’âge de dix ans, une idée ne me quittait plus : une nuit que je regardais la télévision – comme je le faisais régulièrement toute la nuit quand mes frères et sœurs s’absentaient, partaient dormir chez des amis –, j’avais vu un reportage sur un centre d’amaigrissement pour personnes obèses. Les jeunes obèses étaient encadrés par une équipe qui les contraignait à un régime drastique : alimentation, sport, régularité du sommeil. Longtemps après avoir vu cette émission je rêvais d’un pareil endroit pour les gens comme moi. Hanté par le spectre des deux garçons [les deux collégiens qui le maltraitent régulièrement], j’imaginais des éducateurs qui m’auraient battu chaque fois que j’aurais laissé mon corps céder à ses dispositions féminines. Je rêvais d’entraînement pour la voix, la démarche, les façons de tenir le regard. Je m’appliquais à chercher, avec acharnement, de tels stages sur les ordinateurs du collège.) » (Eddy Bellegueule dans son roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 83-84) ; etc.

 

L’association de l’alimentation à la violence peut signifier un rapport brutal ou paranoïaque au corps et à la Nature, comme le montre ce récit d’enfance du romancier homosexuel japonais Yukio Mishima concernant l’une de ses nourrices : « J’étais sûr qu’elle complotait de m’empoisonner pour se venger. Des vagues de peur déferlaient dans ma poitrine. J’étais certain que le poison avait été versé dans mon bol de bouillon et je n’y aurais touché pour rien au monde. » (Yukio Mishima, Confession d’un masque (1971), pp. 30-31)

 

Jeff Zarillo et Paul Katami à San Francisco (USA) en 2010

Jeff Zarillo et Paul Katami à San Francisco (USA) en 2010


 

Parfois, on voit certaines personnes homosexuelles vomir de la décharge de bonnes intentions et de bienveillance d’un monde ultra-érotisé qui ne les reconnaît pas vraiment telles qu’elles sont. Par exemple, John Waters (« Divine ») est surnommé « Prince of Puke » (traduction : le Prince du Vomi). Dans le docu-fiction éponyme (2009) de Larry Charles, Brüno étale aussi son vomi. « Ernestito et Nacho entrèrent dans la caravane des putes. Des journaux traînaient par terre, des photos pornos étaient accrochées aux murs, au plafond était pendue une bougie rouge, sur le lit vide se distinguait une tache écarlate. Nacho se précipita pour toucher le drap. ‘Merde, du sang ! s’écria Nacho. Elle avait ses règles. Qu’il est con, le Zèbre. Il eut envie de vomir et s’essuya la bouche au drap. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 259)

 

Idem côté cœur. En « amour » homosexuel, il semblerait que leurs lendemains d’orgies et de frasques sexuelles laissent place à l’amertume, à la culpabilité voire au dégoût d’avoir « trop mangé ». « J’avais seize ans. J’ai zoné dans les bosquets, moyennement rassuré. Un mec s’est approché, beaucoup plus vieux que moi, trente ans, moustachu. Il m’a demandé ce que je faisais là. J’ai dit ‘Je drague’. Il a dit ‘Moi aussi’. Je l’ai suivi jusque derrière une espèce de monument grec. On s’est embrassé. J’avais déjà roulé des pelles à deux ou trois filles, mais là c’était différent. Électrique. Après on s’est sucé. Le goût était horrible. J’ai joui, je ne me souviens pas comment. Je ne me permettais pas de faire très attention à ces choses-là à l’époque. Quand je suis rentré à la maison j’étais en sueur, j’avais envie de vomir. » (Guillaume Dustan racontant sa première fois homosexuelle, dans son autobiographie Plus fort que moi, 1998) Il arrive même à certaines personnes homosexuelles de qualifier explicitement l’acte homosexuel ou leur désir homosexuel acté comme un poison : « Pendant que mon cousin prenait possession de mon corps, Bruno faisait de même avec Fabien, à quelques centimètres de nous. Je sentais l’odeur des corps nus et j’aurais voulu rendre palpable cette odeur, pouvoir la manger pour la rendre plus réelle. J’aurais voulu qu’elle soit un poison qui m’aurait enivré et fait disparaître, avec comme ultime souvenir celui de l’odeur de ces corps, déjà marqués par leur classe sociale […]. » (Eddy Bellegueule dans son roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 153) ; « Un poison me rongeait […] Le vrai nom de ce venin, l’homosexualité, je n’en avais aucune idée. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 13) ; « J’ai l’impression que je serai mort bien avant la diffusion de ce film. Je ne sais pas pourquoi je vous parle. J’ai l’impression d’un retour de ce vieux poison. Je le ressens comme une punition. Parce que je donne une mauvaise image de ces pauvres chrétiens. » (Thomas, homosexuel, dans le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein », « Tu ne seras pas gay » (2015) de Marco Giacopuzzi) ; etc.

 

Elles associent également la nourriture au meurtre ou au viol (cf. je vous renvoie à la partie sur le « viol » dans le code « Bonbons », ainsi qu’au code « Cannibalisme » du Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko raconte comment ses différents amants l’ont appâté avec de la nourriture pour parvenir à le violer : « On y mange bien. […] Le curé vanta les bons produits de son terroir. » (p. 34) ; « Il m’emmenait dans une garçonnière du huitième arrondissement pour me faire l’amour sans retenue, il m’offrait aussi de bons plats du terroir dans un restaurant chic. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du viol pédophile dont il a été victime à l’adolescence, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 124) ; etc.

 
 

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Code n°133 – Ombre (sous-codes : Enfant dans la galerie des ancêtres / Fils d’une célébrité / Amant-ombre / Obscure clarté)

Ombre

Ombre

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Dans l’iconographie homosexuelle, la conscience expulsée du personnage homosexuel apparaît souvent sous la forme de l’ombre. Symboliquement, cela a du sens. Un bon nombre de personnes homosexuelles considèrent, parce qu’elles le fantasment, mais aussi parce que cela peut être vrai, que quelqu’un leur a fait de l’ombre dans leur vie : leur père, leur mère, leur frère, un camarade de classe, une célébrité, leur amant homosexuel, elles-mêmes à l’état de reflet dans le miroir ou de photo jaunie sur un pêle-mêle. Elles s’imaginent qu’aux yeux des autres elles n’existent pas pour elles-mêmes mais pour une lignée abstraite, un passé « glorieux » pesant (cf. je vous renvoie à la partie sur la « Peur d’être unique » du code « Moitié » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ce n’est pas par hasard si la métaphore de l’enfant déambulant dans la galerie où sont exposés tous les tableaux des victoires supposées de ses aïeux vient fréquemment habiter la fantasmagorie homosexuelle. Le drame homosexuel, selon moi, n’est ni plus ni moins que de se prendre pour une photocopie, de douter de son originalité et de son unicité. Nombreux sont les enfants de personnes célèbres qui se disent homosexuels parce qu’ils ont longtemps souffert de leur statut de « fils de… (l’Homme invisible ombreux) » : Judith Gauthier, Anna Freud, Lucien Daudet, Maurice Rostand, Jaime Salinas, Klaus Mann, Siegfried Wagner, Saadi Khadafi, etc. Par exemple, Robin Maugham, neveu de Somerset Maugham – lui-même homosexuel –, a écrit une autobiographie dont le titre est éloquent : Escape From The Shadows (traduction française : « Fuir les ombres »).

 

Robin Maugham

Robin Maugham


 

Quand l’ombre apparaît dans les œuvres artistiques homosexuelles, en général, ce n’est pas dans un sens positif. Idéalement, elle aurait pu être envisagée comme la marque salutaire de notre incarnation humaine, l’heureux signe de notre « être-au-monde », la preuve que nous sommes certes limités mais aimés/réchauffés par un Dieu solaire… Mais non. Pour la conscience homosexuelle, l’ombre est plutôt synonyme d’ambiguïté oxymorique diabolique (l’amant homosexuel se révèle sous un jour décevant, triste ou violent), envisagée comme le « côté obscur de la force » de l’amour homosexuel, comme le poids pesant d’une hérédité niant l’unicité de l’être humain. La peur d’être unique, voilà bien l’un des terreaux majeurs du désir homosexuel.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Doubles schizophréniques », « Mère possessive », « Parricide la bonne soupe », « Actrice-Traîtresse », « Inceste », « « Je suis un Blanc-Noir » », « Moitié », « Inceste entre frères », « Innocence », « Amant diabolique », « Couple homo enfermé dans un cinéma », « Morts-vivants », « Haine de la famille », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Clown blanc et Masques », « Fresques historiques », « Homme invisible », « Poids des mots et des regards », « Se prendre pour le diable », « Mère gay friendly », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Noir », « Fusion », « Jumeaux », à la partie « Ombres chinoises » du code « Femme et homme en statues de cire », à la partie « Crâne en cristal » du code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », à la partie « Peter Pan » du code « Parodies de Mômes », à la partie « Père et fils gays » du code « Inceste », et à la partie « Veuve » du code « Mort = Épouse », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) L’ombre au tableau :

B.D. "Au-delà des ombres" de Brent Weeks

B.D. « Au-delà des ombres » de Brent Weeks


 

Il est beaucoup question d’ombre dans les œuvres fictionnelles traitant d’homosexualité. Souvent, le personnage homosexuel est suivi par une obscurité énigmatique : cf. le poème « Les Étrennes des orphelins » d’Arthur Rimbaud, le film « Les Ombres gigantesques » (1922) de Loïe Fuller, les chansons « Avant que l’ombre » et « À l’ombre » de Mylène Farmer, le conte L’Ombre d’Hans Christian Andersen, le roman L’Ombre (1941) de Francis Carco, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, le film « Les Ombres de la nuit » (2004) de J. T. Seaton, le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser, le film « De l’ombre il y a » (2015) de Nathan Nicholovitchetc, la chanson « Shadowland » de K.D. Lang, la chanson « Le Long des berges grises » de Reda Caire, la chanson « I’m The Boy » de Serge Gainsbourg, etc.

 

En général, l’ombre est de mauvais augure : « Nous nous sommes allongés dans l’herbe à l’ombre d’un arbre en lisière de la route, lorsqu’un bruit de moteur nous tire de notre ennui. Une forme apparaît au loin dans le ciel. Un aéroplane. Nous le regardons s’approcher, incrédules et curieux. Il vient vers nous. Tout à coup, un cri retentit : ‘C’est un avion allemand. Il va nous tirer dessus ! » (Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 34) ; « Les bâtiments abandonnés sont comme les gens abandonnés. Ils deviennent aigris et peu fréquentables. Vous n’avez pas vu des ombres traverser la cour la nuit ? » » (Karl Becker s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 67) ; « Jane regarda une nouvelle fois le bâtiment en ruine qui s’élevait de l’autre côté de la rue, comprenant que, même en été, son ombre s’étirerait dans la chambre, étouffant toute chance de chaleur. Elle avait pris l’immeuble de derrière pour une réplique, plus jolie que le leur, plus élégant et rénové, mais peut-être était-ce l’inverse et leur bâtiment était-il le reflet de l’immeuble délabré. Cette idée lui donna l’impression d’être petite, et l’enfant qu’elle portait plus petit encore, un poisson solitaire piégé dans des eaux fluviales. » (idem, pp. 70-71) ; « L’obscurité commençait à filtrer à l’intérieur de l’église, les ombres des arbres du cimetière entraient par les fenêtres en vitrail et s’allongeaient sur les dalles de pierre. » (idem, p. 204) ; « Love Song quand je vois l’ombre nous séparer. » (cf. la chanson « Love Song » de Mylène Farmer) ; « Vous êtes très obscure. » (Geoffrey s’adressant à l’écrivaine lesbienne Virginia Woolf, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc. Par exemple, dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1977) de Copi, la mort-ombre est omniprésence et porte malheur à tous les personnages : Venceslao le gaucho se suicide, Rogelio est empoisonné, sa jeune femme meurt sous les balles des militaires, etc.

 
 

b) Je ne suis que l’ombre de moi-même :

Souvent, c’est le héros homosexuel qui se prend pour l’ombre : cf. le roman Les Vivants et leur Ombre (1977) de Jacques Lacretelle, le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec Léni, la « collabo »), le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green (avec le personnage diabolique de Brittomart, qui agit comme un double malfaisant du héros), la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti (avec Audric parlant à son ombre), etc.

 

« J’ai toujours préféré l’ombre et la liberté qu’elle autorise. » (Cyril, l’internaute psychopathe surdoué du roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 12) ; « Moi, c’est Claire et je me mets souvent dans des situations sombres. » (Claire à sa compagne de cellule, dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) d’Adeline Blais et Anne-Lise Prat) ; « Vous n’êtes plus qu’une ombre. » (la Reine s’adressant au Rat dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Je singe les ombres. » (cf. la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer) ; « Les ténèbres, je connais bien. » (le Baron Lovejoy, homosexuel, dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « Ma vie me faisait peur, je ne faisais que jouer un rôle… et je ne redevenais que moi-même quand j’étais dans le noir. La solution c’était le noir éternel ou porter une perruque sur une scène. » (Actrice, dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; « Sûrement que le soleil s’éteint et que Lucifer me guide, et je serai une ombre comme la Tour de Babel… et ton amour, Père rappelle-toi !! L’Église promulgue que je suis une pédale de merde, si c’est ça mon péché, je suis coupable, comme une infâme Inquisition. Mais je n’ai tué personne. » (cf. la chanson « Madre Amadísima » de Haze et Gala Evora) ; etc.

 

Comme pour Peter Pan, l’ombre représente souvent ce double schizophrénique et narcissique du héros, l’immaturité de ce dernier, sa mauvaise conscience, sa peur d’exister, sa méchanceté (espiègle ?) : cf. le roman La Sombra Del Humo En El Espejo (1924) d’Augusto d’Halmar, le film « Le Testament d’Orphée » (1959) de Jean Cocteau (avec la figure du poète emporté par deux ombres de cheval), etc. « C’est pas moi ; c’est mon ombre. » (Andersen dans le film « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] décida sombrement qu’elle avait dû rester enfant. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 111-112) ; « Ton ombre suit ton corps de trop très. » (Paul s’adressant à son amant Jean-Louis dans la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset) ; « Faisons à nous deux un héros de roman. […] J’irai dans l’ombre à ton côté. Je serai l’esprit. Tu seras la beauté. » (Cyrano à Christian dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan) ; « Tu n’es plus que l’ombre de toi-même. » (cf. la chanson « Bambino » de Dalida) ; « Je ne supporterai pas plus longtemps de vivre dans l’ombre. » (Gabriel s’adressant à son amant Philippe qui ne l’assume pas, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.

 

C’est souvent un personnage diabolique qui revêt le costume de l’ombre : « Un homme s’avance dans les salles à peine éclairées du musée. Son ombre glisse sur chaque tableau, le visiteur nocturne sait qu’il ne sera pas inquiété. […] Il a les cheveux longs, légèrement ondulés. Il est habillé tout de noir et a gradé son imperméable. […] Il a l’air de parler tout seul, mais cette impression est la conséquence des nouvelles technologies, qui rendent les téléphones portables presque invisibles. […] La Mission commence. […] La femme qui vient à la rencontre de l’homme énigmatique, dans la salle numéro cinq, sait très bien, elle aussi, ce que la ‘Mission’ recouvre comme réalité. […] Le Maître est le numéro un d’une organisation plus ou moins secrète, dont le nom complet est : La Guilde de Saint Dibutades. […] La Guilde a rompu ses liens avec l’Église à la fin du seizième siècle, lorsque ses membres ont canonisé Dibutades, contre l’avis de la papauté. Aujourd’hui encore, la puissance de l’organisation s’étend à la planète entière, mais seuls le Maître et ses proches associés en connaissent la véritable ampleur. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), pp. 15-16) Par exemple, dans le film d’animation « La Princesse et la Grenouille » (2009) de Ron Clements et John Musker, le marabout Dr Facilier, autoproclamé le « Maître des Ombres », est particulièrement efféminé.

 

Il n’est pas rare que l’ombre soit la figure esthétisée de la mort/de la femme violée jugée « belle » par le personnage homosexuel (cf. je vous renvoie à la partie « Veuve » du code « Mort = Épouse » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Je suis fatiguée des ombres. » (Sibylle s’adressant à Dorian qui la poussera au suicide, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « La mère est là. Elle est là, droite, debout devant moi, raide dans la douleur. Sa raideur ressemble à la rigidité d’un cadavre. Ce n’est pas l’expression d’une forme de dignité même si je ne doute pas un seul instant que cette femme soit d’une exemplaire dignité. C’est l’immobilité de la souffrance absolue, la position de qui lutte pour ne pas mourir. […] La mère est là. Elle est grise, comme si le visage était de cire, comme si toute lumière avait disparu, comme si l’ombre avait affaissé tous ses traits, comme si l’obscurité s’était emparée d’elle. […] On est submergé par sa douleur à elle. » (Vincent décrivant la mère de son petit ami Arthur qui a perdu son fils à la guerre, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 189-192) ; « La duchesse d’Albe se tenait presque cachée dans l’ombre d’un jasmin, le visage dissimulé sous une mantille noire. » (Copi dans sa nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978), p. 13) ; « Est-ce moi qui tangue comme une ombre sur les talons d’une reine en cavale ? » (cf. la chanson « Les Enfants de l’aube » de Bruno Bisaro) ; « Quand j’arrivai dans le dernier couloir menant à la tour Nord, j’eus la certitude d’apercevoir de nouveau un morceau de robe blanche et les rubans d’une robe de mariée flotter un instant à l’autre bout du lugubre corridor, avant de disparaître dans l’ombre. » (Bathilde parlant du fantôme Lady Philippa qu’elle considère comme une jumelle tragique, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 304) ; etc. Par exemple, dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, Bijou, la Reine des rats, se fait aussi appeler « La Reine des Ombres » (p. 27).

 

L’identification du héros homosexuel à la pénombre annonce sa mort prochaine ou effective. Par exemple, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack, l’un des deux amants de l’intrigue, se définit comme une ombre (« Ça fait longtemps que je suis mort ? Peut-être trop longtemps. »), un « mec vampirisé » par son amant Paul : il finit d’ailleurs par se suicider. Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1977) de Copi, le héros, Venceslao, se pend après s’être confessé au perroquet de sa maîtresse, et revient sous la forme d’une ombre.

 
 

c) Être « le fils de », le fils de l’ombre :

Dans les fictions homo-érotiques, l’ombre renvoie généralement à quelqu’un qui a fait de l’ombre dans la vie du héros homosexuel : son père, sa mère, son frère, une actrice, lui-même (en chair et en os).

 

Cela peut être l’ombre du père qui lui fait ombrage par sa célébrité et ses hautes fonctions : cf. le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman (avec Ronit, l’héroïne lesbienne, fille d’une sommité du monde juif : le Rav), le film « Le Neveu de Beethoven » (1985) de Paul Morrissey, le film d’animation « Shark Tale » (« Le Gang des Requins », 2004) d’Éric Bergeron (avec Lenny, le requin douillet et mauviette, dont le père, Don Dino, n’est rien moins que le parrain du gang des requins), le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, le film « All Over Brazil » (2003) de David Andrew Ward, le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, le film « Laberinto De Pasiones » (« Le Labyrinthe des passions », 1982) de Pedro Almodóvar, le roman Le Fils du Président (2001) de Krandall Kraus, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant (avec Scott, le héros homosexuel dont le père est le maire de la ville), etc.

 

« À seize ans, moi, j’étais encore seulement un fils. Le fils d’un très grand médecin, le saviez-vous ? L’agrégation, la faculté, l’Académie, la faculté, l’Académie, toutes ces choses en imposent à un fils. Je me souviens d’une ombre portée sur nos vies, d’un homme plus grand que nous tous, sans que nous sachions véritablement si cette grandeur était une aubaine ou un malheur pour notre futur d’homme. Aujourd’hui, avec le recul, sans doute, je dirais que notre indifférence réciproque était plus feinte que réelle, et qu’au final j’aurai appris de mon père. » (Vincent, le jeune héros homosexuel de 16 ans, parlant de son père à Marcel Proust, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 54) ; « Je sais l’importance qu’il accorde à la lignée, comme si nous étions des pur-sang chargés de reproduire l’espèce. » (idem, p. 96) ; « Le maire du village, c’est mon père. C’est pas drôle. Depuis qu’il sait que je suis homo, il ne veut plus me voir. Ça fait 6 ans qu’on ne se parle plus. » (Antoine, héros homosexuel, dans le téléfilm « Le Mari de mon mari » (2016) de Charles Nemes) ; « Cecilia a toujours travaillé dans l’ombre de sa mère. » (Dallas, l’assistant-couturier homosexuel œuvrant au service de la grande styliste, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Éric, le héros homosexuel, est le fils du présentateur télé Georges de la Ferrinière (lui-même homosexuel !). Dans le film « K@biria » (2010) de Sigfrido Giammona, Giovanni, le père de Francesco, est politicien et se montre incapable d’accepter l’homosexualité de son fils. Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Zach, le héros homosexuel, est le fils du directeur de l’université. Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Barthélémy, le jeune héros homosexuel, est l’un des héritiers de l’Empire Lanzac et vit dans l’ombre de son père, chef d’entreprise. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Édouard, le héros homosexuel, a pour père le président de la République, Gérard Couret, homophobe au possible, et qui lui met une pression incroyable pour la passation de pouvoir ; Sofia, la secrétaire de Gérard, exerce aussi sur lui la pression de l’héritage politique : « T’as ça dans le sang ! Tu as le sang de ton père ! » Dans la nouvelle « L’Apocalypse des gérontes » (2010) d’Essobal Lenoir, le fils du Roi Rigane est homosexuel… ce qui ne semble pas faire l’orgueil de son père : « J’aurai même un fils homosexuel pour justifier qu’on dépense de l’argent pour cette maladie de tantouses […]. » (p. 134) Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, Rayon, le héros transsexuel M to F, se rend chez son père, homme politique riche, pour lui demander de l’argent ; il vit encore avec le poids du regard sombre de ce dernier sur lui : « As-tu honte de moi ? » Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, les deux héroïnes lesbiennes, Kena et Ziki, ont chacune respectivement leurs pères qui se présentent (en rivaux, donc) aux élections d’une municipalité de Nairobi (Kenya), Slopes : John Mwauras et Peter Okemi. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Adam, le héros homo, est le fils du proviseur (Monsieur Groff) et en souffre : « J’aimerais être un mec normal avec une queue normale et un père normal ! » (c.f. épisode 1 de la saison 1).

 

La mère peut également exercer une influence sombre sur son fils ou sa fille homosexuel(-le) : cf. le film « Homme aux fleurs » (1984) de Paul Cox, le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, le film « Sonate d’automne » (1978) d’Ingmar Bergman, le film « Psycho » (« Psychose », 1960) d’Alfred Hitchcock, le film « Tacones Lejanos » (« Talons aiguilles », 1991) de Pedro Almodóvar (avec l’ombre des chaussures de la mère sur l’affiche), le film « Mi Hijo No Es Lo Que Parece » (1973) d’Angelino Fons, etc. Je vous renvoie évidemment aux codes « Mère gay friendly », « Mère possessive » et « S’homosexualiser par le matriarcat », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

« Je me laisse mourir au fond de mon lit avec pour seule compagne l’ombre de ma mère emprisonnée entre mes bras qui brassent le vide. […] Vivre cachée comme une chose dans l’ombre de ma mère. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 64)

 

L’homosexualité du héros apparaît alors non pas comme une identité naturelle et libre, mais comme une stratégie de résistance et d’opposition, comme la cristallisation d’une peur (réelle ou projetée) de décevoir les attentes du père/de la mère, comme le produit de l’homophobie parentale et de sa propre homophobie intériorisée : « J’pourrais me raser le crâne pour ne pas lui ressembler. » (Chloé parlant de sa mère, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] profitait, semblait forte, et quand ses cheveux poussèrent, on découvrit qu’ils étaient auburn comme ceux de Sir Philip [le père de Stephen]. Il y avait aussi une petite fente à son menton, si petite qu’elle sembla d’abord une ombre ; et quelques temps après […], Anna [la mère de Stephen et l’épouse de Philip] vit que ses yeux devenaient pers et pensa que leur expression était celle du père. […] Anna croyait devenir folle car cette ressemblance avec son mari la frappait comme un outrage. Elle haïssait la façon dont Stephen se mouvait. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 20-23)

 
 

d) Être « le frère de », le frère de l’ombre :

Cf. je vous renvoie au code « Jumeaux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Film "Soudain l'été dernier" de Joseph Mankiewicz

Film « Soudain l’été dernier » de Joseph Mankiewicz


 

Parfois, c’est le frère du héros homosexuel qui est l’ombre portée. « Mon frère a surgi de nulle part. » (Donato, le héros homosexuel, parlant de son frère Ayrton, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) Certains personnages homosexuels ont l’impression de remplacer le frère mort ou idéalisé par la famille : cf. le film « Le Clan » (2003) de Gaël Morel, le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (avec l’ombre du cousin homosexuel décédé sur Laurent, le héros homosexuel), le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, etc.

 

Dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz, Daniel déclare vivre constamment « dans l’ombre de son frère Robert ».

 
 

e) La pression d’une lignée sombre ou trop glorieuse :

Sur les épaules du héros homosexuel pèse souvent le lourd fardeau d’un héritage familial et national présenté comme glorieux, le poids de la responsabilité d’assurer la descendance (c’est parfois lui-même qui se met la pression tout seul) : cf. la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, etc.

 

« Il va hériter du blason, du château, des estancias et de mes îles d’Outremer ! Et nous allons tout tenter pour en faire un Vice-Roi ! » (Pédé parlant de son petit-fils Gilles Blaise de la Soledad, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Tanguy s’arrêta devant un petit hôtel dont la façade régulière accusait le style français. Il sourit. Il trouvait amusant de penser qu’il était le petit-fils de celui qui avait habité cet hôtel, et possédé des terres innombrables et des maisons à travers toute l’Espagne. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), pp. 180-181) ; « Dans son orgueil de mâle, Clément de Bassignac avait vécu les cinq premières maternités de son épouse comme une réelle frustration. Dylan [le héros homo, le sixième enfant après cinq filles], dès sa naissance, cet enfant ‘mâle’, fut la gloire et la fierté de sa famille. Le ciel leur envoyait Dylan pour aider Clément à hisser la bannière de sa virilité comme lui-même avait tenu naturellement ce rôle auprès de son père Étienne de Bassignac. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, dans son roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011), p. 32) ; « De toute façon, vous ne pouvez rien pour moi. Au-dessus de moi, il y a tout le poids de mon éducation. » (une patiente à sa psy dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Quoi qu’elle [Gabrielle, l’héroïne lesbienne] ait réalisé, jamais elle n’en a reçu la moindre reconnaissance sociale ; toute l’admiration, la célébrité sont revenues aux hommes de la famille : à son grand-père, le pionnier, à son père, le fondateur de l’usine, puis à son mari, ‘ingénieur aux cent brevets’. Elle n’a été qu’une femme de l’ombre, à la suite de tant d’autres… » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 50)

 

Par exemple, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, Manon ne supporte pas d’être le portrait craché de son père ; et sa grande sœur Carmen n’accepte pas davantage de vivre dans l’ombre de sa sœur Manon. Dans le one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, le protagoniste affirme être « le raté de la famille ». Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel décrit le poids de la tradition juive et de la pression nataliste pesant sur ses épaules. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les deux pères de Gatal, le héros homosexuel, lui mettent une pression de malade pour qu’il se marie, perpétue leur nom de famille et leur race : « Ta semence est épaisse et riche. » ; « Tu es le prétendant, cow-boy ! » ; « Il faudra bien t’assurer que ta descendance est bien le fruit de ta descendance. » Le promis de Gatal ressent cette même chape de plomb : « Pourquoi cet héritage empoisonné ? » clame-t-il à ses parents qu’il nomme « les fantômes du passé ».

 

Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Tommaso, le héros homosexuel, porte un double poids sur les épaules : il doit reprendre l’entreprise de pâtes de son père qui lui fout une pression de malade (alors qu’il aspire à une carrière littéraire) ; et il doit aussi supporter le coming out inattendu de son frère Antonio, révélation qui l’empêche de faire la sienne.
 

Parfois, le héros homosexuel se dévalorise en se comparant à une famille fictionnelle et cinématographique (ses stars, ses héros de dessins animés et de films, une figure politique lointaine et charismatique…) plutôt qu’à sa famille réelle : cf. le film « Merci… Dr Rey ! » (2003) d’Andrew Litvack, le roman À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919) de Marcel Proust, la chanson « Du côté de chez Swann » de Dave, le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa (avec l’ombre du roi Hassan II), etc. Par exemple, dans son one-man-show Gérard comme le prénom (2011), l’humoriste Laurent Gérard a peur/en a marre d’être confondu avec l’imitateur Laurent Gerra : « Qu’on ne me prenne plus pour un homonyme ! » Dans le film « Sacré Graal » (1974) de Terry Gilliam et Terry Jones, le prince Herbert souffre d’être le fils deux parents célébrités.

 
 

f) L’enfant homosexuel visitant le Panthéon de ses ancêtres :

Scénario curieux. Très souvent dans les œuvres homo-érotiques, on peut observer la même mise en scène : le personnage homosexuel se retrouve seul dans une galerie d’art dans laquelle sont exposés les exploits de ses aïeux, ou à l’intérieur d’une chambre remplie de photos de stars (cf. je vous renvoie au code « Fresques historiques » et à la partie « Crâne en cristal » du code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Il oscille entre admiration et vertige : cf. la pièce La Reine morte (2007) d’Henry de Montherlant (avec le prince), le film « Sancharram » (2004) de Licy J. Pullappally (avec Kiran pénétrant dans la maison familiale), le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman (avec Ronit, l’une des héroïnes lesbiennes visitant la maison de son enfance, p. 165), le film « Dead Poets Society » (« Le Cercle des Poètes disparus », 1989) de Peter Weir (avec la scène des photos de classe que Monsieur Keating fait parler), le film d’animation « Anastasia » (1997) de Don Bluth et Gary Oldman, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « For The Boys » (1991) de Mark Rydell, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le vidéo-clip de la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « The Servant » (1963) de Joseph Losey (avec Hugo dans la chambre ornée de posters de bodybuilders), le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion (Isabelle perdue dans la galerie de statues italiennes), etc.

 

« À peine engagé entre les décors vagues du studio désert, Paul devint un chat prudent auquel rien n’échappe. » (la voix-off de Jean Cocteau dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville) ; « Il traverse la chambre abricot, son regard saute d’une image d’Épinal à l’autre, sous verre, encadrées de noir, en frise autour de la pièce, Vengeance d’une portière, Le Prince Mirliton, Till L’Espiègle, Histoire de Mimi Bon-Cœur. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 48) ; « Dans mon enfance, j’étais venue ici une fois. À l’époque, il y avait partout de grands fauteuils et des tables ; je ne me rappelle pas les icônes, mais seulement les petits dieux pleins d’allégresse et les pampres qui ornaient le plafond vert céladon. » (Laura, l’une des deux héroïnes lesbiennes du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 109) ; « Ma mère m’a ruinée, elle a tout gaspillé dans sa galerie d’art ! Ma mère est une femme excentrique et insupportable ! » (« L. » à Hugh dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Ah, combien de souvenirs se sont abrités sous ces frondaisons ! Décors de maisons de maîtres, conversations dans un jardin d’hiver, scène de bals masqués, voyages de noces à Baden-Baden ! Sous cette coupole d’images, elle s’était assoupie pour toujours. » (Laura, l’un des deux héroïnes lesbiennes du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 11) ; « Derrière elle, tous les meubles de la famille l’avaient vue grandir : le vaisselier breton, les chaises de velours grenat, la lourde table Henri II, le fauteuil dans lequel son tuteur était mort, mais qui venait d’une autre maison, la desserte en poirier luisant, tout cet ensemble d’une majesté un peu funèbre formait un décor loin duquel Élise se sentait inquiète et mal à l’aise. […] Cette salle à manger est ma forêt natale. Je suis là comme une bête sauvage dans sa jungle.’ Aujourd’hui, pourtant, le regard qu’elle jetait sur ces meubles en détournant la vue des arbres n’était pas sans l’anxiété de quelqu’un qui, à la fois, souhaite et redoute qu’un événement se produise. » (Fabien dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, pp. 202-203) ; « C’est là que tout a commencé, la fondation du cabinet, les premiers locaux, les premiers succès. Ne l’oubliez pas, monsieur de Linotte, nous sommes à la fois des héritiers et des conquérants… » (Monsieur de Binette faisant visiter les prestigieux et glaciaux locaux du Cabinet Fersen au jeune Antoine, dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, p. 49) ; « L’ouverture des Maîtres chanteurs de Wagner retentit dans sa salle. Sur l’écran, Antoine reconnut le visage d’Andrew Fersen et les bureaux bostoniens. » (p. 63) ; « Maria-José [un homme transsexuel M to F] était la seule héritière de Louis du Corbeau, propriétaire de la plus complète collection au monde d’art précolombien, sans compter les Rubens et les Géricaults qui tapissaient son château du Berry. Elle se demanda ce qu’elle allait faire de sa fortune. » (Copi, « Le Travesti et le Corbeau » (1983), p. 33) ; « Elle [Stephen, l’héroïne lesbienne] avait, pour la première fois, passé la lourde porte d’entrée toute blanche, sous le brillant vantail demi circulaire. Elle avait marché dans le vieux hall carré où il y avait des peaux d’ours et les portraits des Gordon si bizarrement costumés, le hall avec son porte-cravaches où Stephen rangeait ses cravaches, le hall avec sa belle fenêtre irisée qui donnait sur les pelouses bordées de plantes herbacées. Et peut-être que, la main dans la main, ils avaient passé le hall, son père, un homme, sa mère, une femme, déjà marqués de leur destinée… et cette destinée avait été Stephen. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 113) ; « En vérité, elle courait en passant sous la lourde porte blanche sous le vantail demi circulaire et dans l’escalier qui conduisait au hall où étaient accrochés les anciens portraits bizarres des Gordon… des hommes morts depuis longtemps, mais encore merveilleusement vivants, puisque leurs pensées avaient façonné la beauté de Morton, puisque leur amour avait créé des enfants de père en fils… de père en fils jusqu’à la venue de Stephen. » (idem, p. 139) ; « Alors, le silence revient dans la chambre de mon enfance. Je regarde les volets fermés sur la fenêtre ouverte. Je regarde le liseré rouge de la tapisserie, les photographies sur le mur, la reproduction d’une toile du Greco, les meubles du siècle dernier, qui proviennent de l’ancienne demeure des aïeux disparus, l’imposant miroir au-dessus de la cheminée de marbre, un fauteuil dont l’étoffe est usée, et le lit où nous nous trouvons étendus, dans le désordre des draps de famille, ceux où figurent les initiales des noms du père et de la mère, comme des armoiries ridicules. Je regarde ce tout petit monde qui n’est pas à notre mesure, ce lieu étrange où je n’imaginais pas perdre ma virginité, cet espace incertain où nous tanguons délicieusement. » (Vincent en parlant de lui et de son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 68) ; « Il était avant tout un nain, creusant des galeries obscures dans les mines de la littérature, à la recherche d’un filon scintillant. Il était un conservateur de rêves. Oui, le dernier archiviste d’histoires futiles. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 171) ; etc.

 

En général, le regard du héros homosexuel sur le patrimoine dont il hérite par le sang et le Réel n’est pas très valorisant. Par exemple, dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, les membres de la famille, allongés et endormis, sont passés au crible de la lampe-torche tenue par les deux amants homosexuels. Dans la chanson « À table » de Jann Halexander, le narrateur homosexuel contemple, navré, aux côtés de sa grand-mère (une sorte de jumelle narcissique, de matriarche dont on se moque comme un animal de foire qu’on expose « pour la galerie ») le triste spectacle d’un repas de famille : « Grand-mère, Grand-mère, ne désespère pas ! On est deux à haïr ces repas. On n’en peut plus de la famille. » Dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, Gouri et Rakä visitent les galeries des grottes de la Cité des Rats : « La Reine inspectait les étages supérieurs où elle trouva, dit-elle, d’excellentes fresques sur le mur dans le goût de celles des grottes d’Altamira qui représentaient des rats aux cheveux longs, probablement nos ancêtres que no légendes font venir de l’Atlantide. » (p. 142) Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, a fait du grenier familial sa caverne aux merveilles, où il se travestit, accroche les photos de ses actrices, se maquille. C’est pourtant le drame quand son père, qui a découvert le pot aux roses, l’y entraîne de force pour tout y casser au marteau, surtout les miroirs. Davide résiste en vain : « Papa ! Rentrons à la maison ! » Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la voix-off s’adresse à la reine pseudo « lesbienne » Christine, jouée par une actrice qui regarde ses parents et ancêtres accrochés en toiles aux murs de son château, pour mettre en relief le poids de la lignée royale pesant sur ses épaules : « Ton père compte sur toi pour suivre son œuvre. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Vita Sackville-West se ballade dans son manoir d’enfance de Knole, avec son amante Virginia Woolf, et semble écrasée par son lignage. Elle dit être « passée d’une lignée d’hommes à une autre », sans s’y reconnaître.

 

La galerie tristement « familière » du personnage homosexuel est en réalité la vitrine du narcissisme mortel de ce dernier : « Plusieurs fois dans les mois qui suivent je retourne seul au Louvre (sans jamais réussir à m’y faire enfermer ; j’aimerais beaucoup vivre ici et le dis chaque fois aux gardiens) […] À force d’observations, je finis par découvrir que je figure sur trois peintures au moins et que sur celle signée Raphaël j’apparais carrément tout entier à poil […] : c’est là devant ce tableau que pour la première fois de son existence Vincent Garbo aura éprouvé sur tout son corps l’émotion de l’amour. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 45). Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Hugo, le héros gay, a toujours été fasciné par le bureau d’un certain Monsieur Carroll, constructeur d’une gare éponyme, qu’il regardait de l’extérieur sans pouvoir y rentrer (Il se trouve que ce Monsieur Carroll, ayant vécu au XIXe siècle, était un homosexuel planqué). Hugo fait visiter à son futur amant Patrick l’officine de Carroll qu’il parvient enfin, en tant qu’adulte, à pénétrer : « C’est le bureau de Monsieur Carroll. Quand j’étais petit, j’adorais coller mon front et voir toutes les affaires telles qu’il les a laissées. C’est comme un musée. L’histoire de toute une vie. » (Hugo). Patrick est sous le charme aussi : « C’est dingue. On dirait qu’on est remontés dans le passé. »

 
 

g) J’ai épousé une ombre : L’ombre comme métaphore du viol et de l’amour possessif

À l’ombre des jeunes amants en fleurs… Souvent, l’ombre est tellement imposante et crainte qu’elle finit par devenir amoureuse (cf. je vous renvoie également au code « Amant diabolique » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels). Il n’est pas rare, dans les fictions traitant d’homosexualité, que l’amant homosexuel prenne la forme de l’ombre sous laquelle il fait bon se protéger, mais qui soudain se montre inexplicablement froide et menaçante : cf. le roman Una Sombra Entre Los Dos (1934) d’Elisabeth Mulder, l’affiche du film « Swimming Pool » (2003) de François Ozon, la chanson « Sleeping With Ghosts » du groupe Placebo, la chanson « Cap Falcon » d’Étienne Daho, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, les chansons « Shadow Of love » et « Je cherche l’ombre » de Céline Dion, la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim, etc.

 

« Laissez venir les ombres. » (les personnages de la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « J’aime être dans le noir. » (Cherry, l’héroïne lesbienne de la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Nous nous sommes retrouvés dans la pénombre climatisée, son ombre sur le mur, son corps sur le mien. » (Ashe à propos de Paul, dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 45) ; « D’un coup du cœur enlace l’ombre qui passe. » (cf. la chanson « Tristana » de Mylène Farmer) ; « J’ai eu envie de me branler. Je me suis mis sur le dos, j’ai gardé les yeux entrouverts […]. Quand j’ai ouvert les yeux, […] j’ai eu l’impression que l’obscurité de la forêt derrière moi s’était étendue. Mais ce n’était pas ça, c’était une ombre, une vraie, et j’ai pensé que quelqu’un d’autre avait partagé mon plaisir. » (Claudio, l’un des personnages homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 103) ; « Tu es une ombre – non pas l’ombre d’une morte, mais celle d’une femme encore à naître. » (Sylvia à son amante Laura, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 97) ; « Je suis son ombre. Il me raconte tout. » (Yoann, le héros homosexuel, par rapport à Julien son amant, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; etc.

 

Quelquefois, l’amant homosexuel fictionnel apparaît comme une ombre, une séduisante et troublante menace diabolique, qui empêche d’exister : « Je demande à mon ombre, sans trêve… si ce baiser sacré… peut me trahir. » (cf. les paroles d’un boléro dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 215) ; « Je me demande si tu ne manœuvres pas dans l’ombre pour manipuler Lola. » (Nina s’adressant à Vera, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « J’appréhende l’ombre qu’il fait sur moi quand ça va pas. » (cf. la chanson « Amélie m’a dit » d’Alizée) ; « Il n’est de Jean Valjean sans l’ombre de Javert. » (Valjean s’adressant à Javert, pendant qu’ils se déclarent leur flamme l’un à l’autre, dans la comédie musicale Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy) ; « Je t’ai vu passer en moto, toi tu ne m’as pas vu ! Si je n’avais pas reconnu la moto… tu n’aurais été qu’une ombre qui passe ! » (Kévin s’adressant à son amant Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 305) ; « J’aime une ombre, un fantôme… » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, op. cit., pp. 309-310) ; « Je t’ai vu descendre du ciel, un matin d’hiver. Je t’ai vu seul, sombre et silencieux. » (idem, p. 453) ; « Elle [Esti, l’amante lesbienne] a reculé d’un pas. La moitié de son visage a disparu dans l’ombre. Autour de nous, les arbres bruissaient et bourdonnaient. » (Ronit, l’héroïne lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 143) ; « Je pensais à Linde, et à la peau sombre et au sindhoor rouge sans de l’autre femme [Rani, la servante-amante rencontrée dans un bidonville]. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 18) ; « Nos trois sexes formaient un seul canon, qui traversait nos corps encastrés, dirigés par un cerveau unique. Nous éjaculâmes en rafale, le garçon de derrière, puis moi, puis l’ange. À l’instant où ce dernier déchargeait cette accumulation de nos énergies vitales, une forme hideuse jaillit de l’ombre. […] Un rai de lumière dévoila cette créature. […] Aussitôt nous fûmes embrochés comme des infidèles, et son sperme ardent traversa nos trois corps comme un fluide électrique. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Queue du diable » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 116-118) ; « Mais dans quelle ombre vous nous foutez ? J’suis déjà l’ombre de mon homme. » (Raulito, l’homme travesti M to F, s’adressant à l’agent, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Je ne veux plus […] vivre à côté d’un homme comme son ombre ! » (l’un des personnages de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je ne voulais pas vivre dans ton ombre, sous ta tutelle. » (Luc s’adressant à son amant Jean-Marc qu’il a quitté, dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; etc.

 

L’ombre représente en réalité l’invisibilité et l’absence d’amour. Par exemple, dans la pièce Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse, les hommes absents sont comparés à des ombres.

 

L’ombre qui plane sur le héros homosexuel, c’est aussi plus dramatiquement celle du viol et de l’inceste… ou de la honte que ces derniers inspirent : « Je m’apprête à passer des formidables vacances à Rome, j’accepte même de jouer le romantisme indispensable dans cette vieille ville entre deux coïts rapides dans un coin sombre avant d’aller boire une bière avec son partenaire Piazza Navona et lui prêter dix mille lires que vous ne reverrez plus. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 22) ; « Maintenant je suis un mec, je viens de te voir passer devant moi dans la rue, je te chope dans un coin sombre et je te baise comme la belle salope que tu es… » (Claude, l’héroïne lesbienne, s’adressant à sa copine Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 74) ; etc.

 

L’ombre est d’ailleurs tout simplement la métaphore du violeur, du ravisseur : « J’avais rêvé que j’observais le viol de lady Philippa par les vitraux brisés de la chapelle. En même temps, j’étais lady Philippa moi-même, contemplant terrorisée mon propre visage dans l’ouverture en forme d’ogive, depuis la pierre tombale où je subissais ce terrible attentat. En revanche, mon agresseur lui-même n’était dans mon rêve qu’une masse sombre et sans visage. » (Bathilde dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 303) ; « Il fixa des yeux une tache sur son bouvard. […] C’était une tache d’une forme bizarre qui fait songer à l’ombre d’une main sans pouce. […] Cela ressemblait à une main de voleur, mais de voleur qui eût volé autre chose que de l’or. ‘Un voleur de vent’, murmura Fabien. Et plus haut il répéta : ‘Voleur de vent, voleur de vent. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 29) ; etc.

 
 

h) Obscure clarté diabolique :

Film "L'Inconnu du lac" d'Alain Guiraudie

Film « L’Inconnu du lac » d’Alain Guiraudie


 

En définitive, l’ombre figure la dualité diabolique de la lumière froide, obscure et intensive de Lucifer (cf. je vous renvoie aux codes « Homme invisible » et « Lunettes d’or » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le roman L’Ombre ardente (1897) de Jean Lorrain, le film « Shatten Der Engel » (« L’Ombre des anges », 1976) de Rainer Werner Fassbinder, le film « L’Âge atomique » (2012) d’Héléna Klotz, le recueil de poèmes Ombre du paradis (1944) de Vicente Aleixandre, le roman Le Reflet d’une ombre (2004) de Jonathan Denis, le film « L’Ombre blanche » (1924) d’Alfred Hitchcock, le roman Les Neiges interdites (2002) de Thierry Brunello, la pièce La Corte Del Cuervo Blanco (1914) de Ramón Gy de Silva, le film « In The Shadow Of The Sun » (1972-1980) de Derek Jarman, la chanson « Les Fleurs de l’interdit » d’Étienne Daho, le film « Black Shampoo » (1976) de Greydon Clark, le film « Ghostlight » (2003) de Christopher Hermann, le film « L’Ange noir » (1993) de Jean-Claude Brisseau, le roman La Trace de l’ange noir (1949) d’Hans Henny Jahnn, l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec la bande des Étoiles noires, semant la terreur dans Monopolis), le film « Les Astres noirs » (2009) de Yann Gonzalez, le film « Day’s Night » (2005) de Catherine Corringer, le film « Una Noche » (2012) de Lucy Molloy, etc.

 

« Le soleil était devenu, année après année, une grande obsession morbide pour Khalid. Il en parlait tout le temps. Il en avait une connaissance scientifique, intime, amoureuse. Il voyait le soleil comme une menace sérieuse, certaine. […] Le soleil et la mort se regardent fixement. Le soleil gagne. Il va bientôt triompher. Exploser. Tout deviendra ombre. […] J’imagine le soleil qui vient vers moi. […] Il me noircit. Il me transforme. En cendres ? En quoi exactement ? Je me demande si, juste à la toute fin, je serai complètement noir. Noir de brûlures. […] Quelle est la lumière des ténèbres ? » (Khalid, l’un des héros homosexuels du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 69-71) ; « Sur la blancheur de l’oreiller, la tête de Fabien faisait une grande tache sombre. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 303) ; « À mesure que l’obscurité se faisait plus épaisse, la blancheur du lit se détachait plus vivement dans cette sorte de nuit en plein jour et l’on finissait par ne plus voir que ce grand rectangle couleur de neige où gisait Fabien. » (idem, p. 305) ; « Toi aussi je t’aime, même si tu es moins claire que les autres. » (Aldebert à Hud, une femme noire, dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado ; Hud dira qu’elle « est l’éclipse qui couvre la lumière blanche ») ; « Vois la pénombre qui éclaire mon visage. » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer, en référence à « l’Autre » diabolique) ; « Il fait toujours nuit pour moi. » (Léo, le héros homosexuel aveugle, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; etc.

 

L’ombre des fictions homosexuelles est diabolique, non d’être 100% mauvaise et obscure, mais d’être précisément un peu lumineuse et attractive. Par exemple, dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de John Mankiewicz, Sébastien meurt au moment du jour où le soleil est au zénith et qu’il perd son ombre. Ceci est confirmé par cette phrase de Garnet Montrose dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy : « À midi tu n’as pas d’ombre, et sur toi le Démon exerce son emprise. » (p. 78) Dans un roman La Confusion des sentiments (1928), Stefan Zweig évoque les « voies infernales entre l’ombre et la lumière » (p. 117).

 

L’obscure clarté est au bout du compte ce mal qui prend l’apparence du bien, de l’« amour » possessif qui n’aime pas et qui étouffe : cf. le film « Ombres de soie » (1977) de Marie Stephen. « Tu ne me verras pas. Je ne t’importunerai pas. Je vivrai dans ton ombre. Je t’entourerai d’une protection dont tu n’auras même pas conscience. » (Félicité s’adressant à son fils Fernand, dans le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, p. 80)

 

Enfin, l’ombre, c’est aussi la honte et la visibilité agressive de l’homosexualité, l’homophobie intériorisée du héros homosexuel, l’obscurité qui s’habille de lumière parce qu’il s’efforce de l’appeler « identité » ou « amour » : « Contrairement à ce qui se passait aux Antilles, ici en métropole, nous poursuivions le combat avec acharnement. L’imminence d’une manifestation sur la voie publique se précisait à mesure que nous imposions nos idées. […] Plus que jamais le moment était venu de sortir de l’ombre, et les grands chambardements de la société de mai 68 furent une aubaine. » (Ednar, le héros homosexuel racontant ses premières années de militantisme homosexuel, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 172)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’ombre au tableau :

Roman "L'Ombre ancestrale" de Georges Eric Dang Tseny

Roman « L’Ombre ancestrale » de Georges Eric Dang Tseny


 

Regardez et écoutez ce que nous, personnes homosexuelles, avons à vous dire. Dans nos propos, aussi inconscients soient-ils, se trouve parfois l’ombre (… d’un doute… ou plutôt d’une identité et d’un amour douteux) : cf. les photos Ombre (1979) et L’Ombre (1981) d’Andy Warhol, le roman L’Ombre ancestrale (2013) de Georges Eric Dang Tseny, etc. « Mais derrière cette façade glamour se cache sans doute une part d’ombre. » (Peter Gehardt, ironique, dans son documentaire « Homo et alors ?!? », 2015)

 

Dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata, Charles Trénet avoue qu’il souffre, en amour, d’un « mal mauve », celui « de l’ombre et du remord ».
 
 

b) Je ne suis que l’ombre de moi-même :

D’ailleurs, certains individus homosexuels se prennent vraiment pour une ombre : « Je suis un spectre, une ombre. » (le chanteur Stéphane Corbin lors de son concert Les Murmures du temps au Théâtre de L’île Saint-Louis Paul Rey, à Paris, en février 2011) ; « Par peur d’être catalogués, les homosexuels sortaient uniquement à la tombée de la nuit (pareil à des chauves-souris) pendant que les voyous et les drogués squattaient en permanence les lieux. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, dans son roman autobiographique Un Fils différent (2011), p. 188) ; « J’ai commencé à m’aimer en regardant mon ombre marcher à côté de moi. » (Déborah, personne intersexe élevée comme une fille, dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018) ; etc.

 

Comme pour Peter Pan, l’ombre peut symboliser concrètement chez eux un double schizophrénique, une immaturité, une mauvaise conscience, une méchanceté, un désir noir, voire la folie : « En 1964, j’ai vu arriver dans mon bureau, un tout petit homme, tout mince, assez sombre, l’air d’un oiseau. » (l’éditeur Christian Bourgeois décrivant le dramaturge argentin Copi, et cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 157) ; « Les ombres de la folie se firent bientôt plus menaçantes, et à l’automne de 1918, Nijinski montra des signes inquiétants de déséquilibre qui culminèrent à la fin de l’année. » (Christian Dumais-Lvowski dans l’avant-propos des Cahiers (1919) de Vaslav Nijinski, p. 10)

 
 

c) Être « le fils de », le fils de l’ombre :

Dans le discours de l’individu homosexuel, l’ombre renvoie généralement à quelqu’un qui lui a fait de l’ombre : son père, sa mère, son frère, une actrice, lui-même (en chair et en os). Je vous renvoie évidemment aux codes « Mère gay friendly », « Mère possessive » et « S’homosexualiser par le matriarcat », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels ; ainsi qu’à l’essai Luis Cernuda En Su Sombra (2003) d’Armando López Castro, à l’autobiographie Lions And Shadows (1938) de Christopher Isherwood, et à l’autobiographie Escape From The Shadows (1975) de Robin Maugham, etc.

 

La mère ou le père a pu avoir sur son fils ou sa fille homosexuel(-le) une influence sombre : cf. la photo Andy Warhol And Julia Warhola (1958) de Duane Michals, le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne (avec la vraie mère du réalisateur, regardant son fils dans l’obscurité de la salle de théâtre où il raconte son histoire, à la fin), etc. « J’ai longtemps eu le sentiment de n’être qu’un ersatz de mon père. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 15) ; « L’ombre menaçante de la peau de vache envahissait toute la chambre. » (Frédéric Mitterrand en parlant de sa mère, La Mauvaise Vie (2005), p. 116) ; « C’était une ombre, mon père. Donc c’est difficile d’avoir une colère contre lui. » (Andrew Comiskey, en conférence à la Trinité à Paris, le 3 octobre 2014) ; « Il faut que je m’avoue la prédominance de la jalousie et d’une absurde vexation. Il remporte la victoire partout où il se montre. Sortirai-je jamais de son ombre ? Mes forces y suffisent-elles ? … Bref, ‘les Grands Hommes’ ne devraient pas avoir de fils… » (Klaus Mann en parlant de son père Thomas Mann, dans son Journal (1989-1991), p. 115) ; « Mes rapports avec lui étaient difficiles et point exempts d’un sentiment de culpabilité, puisque mon existence jetait par avance une ombre sur la sienne. » (Thomas Mann parlant de son fils Klaus, cité dans l’article « Famille Mann » de Jean-Philippe Renouard, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 309) ; « Je suis né de ce traître, se dit-il, je porte son nom, son œuvre, sa honte, je suis son héritier. » (Dominique Fernandez parlant de son père collabo sous l’Allemagne nazie, dans la biographie Ramon (2008), p. 18) ; « » (un témoin homosexuel gendarme, dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) ; « un autre ‘fils de quelqu’un’, dont le père était, pareillement, un intellectuel de grand renom, Nicolaus Sombart. » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 123) ; etc.

 

Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, Nicolaus Sombart avoue qu’il s’est senti condamné à être le fils de son père, à être toute sa vie « le fils de Werner Sombart » (p. 273). La fille de Johnny Depp et Vanessa Paradis, Lily Rose, se dit lesbienne/bisexuelle.
 

L’homosexualité des personnes homos apparaît alors non pas comme une identité naturelle et libre, mais comme une stratégie de résistance et d’opposition, comme la cristallisation d’une peur (réelle ou projetée) de décevoir les attentes du père/de la mère, comme le produit de l’homophobie parentale ou de leur propre homophobie intériorisée : « Ses illusions de m’aider à faire une carrière politique en Argentine à son image (ce pour quoi je fus conçu) avait échoué avant la première tentative. » (le dramaturge homosexuel Copi parlant de son père diplomate et ambassadeur à l’étranger, à Paris en août 1984 dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 85)

 
 

d) Être « le frère de », le frère de l’ombre : 

Cf. je vous renvoie au code « Jumeaux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Parfois, c’est le frère du sujet homosexuel qui est l’ombre portée : cf. le film « Enfances » (2007) de Yann Le Gal (avec Fritz Lang et son frère), etc. À ce titre, je vous renvoie à la partie « Jalousie » du code « Inceste entre frères » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Par exemple, toujours dans le film biographique « Enfances » (2007) de Yann Le Gal, on nous apprend qu’Ingmar Bergman, petit, a essayé d’étouffer sa petite sœur bébé avec un coussin parce qu’elle lui avait « piqué » sa place de benjamin. Quant à Romaine Brooks, elle a connu une enfance perturbée à cause de l’attention excessive que sa mère accordait à son jeune frère.

 

Il n’est pas rare que certains individus homosexuels aient l’impression de remplacer (dans le cœur de leurs parents) le frère mort ou idéalisé : « J’ai le sentiment que ma mère s’en veut toujours du décès de mon frère, comme si elle n’avait pas bien pris soin de moi, alors qu’elle n’avait que 15 ans ! J’ai aussi le sentiment qu’elle a fait une sorte de transfert sur moi. J’ai remplacé l’enfant mort. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 15) ; « Ma sœur était morte (à l’âge de cinq ans) et ma mère m’appelait ‘sa petite fille’ et m’apprenait le canevas. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 77) ; « Je suis née parce que ma sœur est morte, je l’ai remplacée. Je n’ai donc pas de moi. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 44) ; « Là, dans cette obscurité, dans cette exécution, cette mort volontaire, je me suis souvenu de ma sœur hantée. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 123) ; etc.

 

C’est parfois la ressemblance troublante avec ses frères de sang qui a jeté une ombre dans l’esprit de l’individu homo. Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko raconte que lorsqu’il était adolescent, les amis de son père le « confondaient toujours avec ses sœurs » (p. 17). Parmi mes amis homosexuels, certains ont d’ailleurs souffert d’avoir été pris dans la rue pour telle ou telle grande sœur ou tel ou tel petit frère.

 
 

e) La pression d’une lignée sombre ou trop glorieuse :

Sur les épaules de l’individu homosexuel pèse souvent le lourd fardeau d’un héritage familial et national présenté comme glorieux, le poids de la responsabilité d’assurer la descendance (c’est parfois lui-même qui se met la pression tout seul) : « Tu m’apparaissais comme une ombre suspendue dans l’air. » (Alfredo Arias à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-fantômes (1997), p. 156) ; « Je suis le zéro de la famille, celui qui ne compte pas. » (Lucien Daudet, homosexuel, complexant du succès littéraire de son père Alphonse et de son frère Léon, cité dans le Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997) de Michel Larivière, p. 116) ; « Pendant cette période de maladie et de jeux solitaires, la sollicitude exacerbée de ma mère développa en moi des manières de poule mouillée, au grand mécontentement de mon père. Je devenais un être incontestablement hybride, bien différent de la lignée familiale des héros conquérants du Tennessee oriental. La lignée paternelle avait été illustre. » (Tennessee Williams parlant de son adolescence, Mémoires d’un vieux crocodile (1972), p. 30) ; « Je rentre en Cours Préparatoire. Mon père et mon grand-père sont passés par ces mêmes bancs des années plus tôt. Et maintenant c’est à moi de prendre la relève… » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 9) ; « Je suis l’aîné de sept frères et sœurs : ni mon environnement social et provincial ni ma place d’aîné dans ma fratrie n’étaient propices à un épanouissement sexuel. […] La position d’aîné dans une famille maghrébine implique de se comporter en modèle, dans le strict respect des traditions : virilité, mariage, paternité et autorité sur les cadets, autant de ‘qualités’ qui me manquaient cruellement. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 7-8) ; etc.

 

Par exemple, dans sa biographie Rosa Bonheur, sa vie, son œuvre (1909), Anna Klumpke raconte comment on a caché à Rosa Bonheur sa bâtardise en lui faisant miroiter un passé familial magique : « Tu descends par ta mère d’une race royale. » (p. 172) Michel Foucault, le philosophe français, est attendu au tournant dès son adolescence : son père, son grand-père et son arrière-grand-père furent médecins ; il s’opposera toute sa vie avec véhémence à son « destin familial ». De son côté, Federico García Lorca, le fils aîné de sa famille, subit la pression de son père qui veut faire de lui un « homme important » ; le dramaturge espagnol fera l’inverse de ce (qu’il croit) qu’on attend de lui puisqu’il choisit d’exercer le « métier le plus inutile du monde », à savoir poète. Quant à Louis II de Bavière, il hérite très jeune de l’empire de son père disparu prématurément, et vivra toute sa vie la tête polluée des conquêtes passées opérées par ses ancêtres. Dans la biopic « Vice » (2018) d’Adam McKay, Mary, la fille du vice-président nord-américain Dick Cheney, est lesbienne.

 

Selon le sociologue Didier Éribon (dans son autobiographie Retour à Reims, 2010), tout Homme serait forcément esclave de son destin familial, serait l’objet d’un conditionnement par l’« ordre social » : « Car ils sont tôt tracés, les destins sociaux ! Tout est joué d’avance ! Les verdicts sont rendus avant même que l’on puisse en prendre conscience. Les sentences sont gravées sur nos épaules, au fer rouge, au moment de notre naissance, et les places que nous allons occuper définies et délimitées par ce qui nous aura précédé : le passé de la famille et du milieu dans lesquels on vient au monde. » (pp. 52-53)

 

En réalité, beaucoup de personnes homosexuelles se dévalorisent en se comparant à une famille fictionnelle et cinématographique (leurs stars, leurs héros de dessins animés et de films, une figure politique lointaine et charismatique…) plutôt qu’à leur famille réelle. Comme je l’expliquais en notice, beaucoup d’enfants de célébrités se déclarent plus tard homosexuels : Judith Gauthier, Anna Freud, Lucien Daudet, Maurice Rostand, Jaime Salinas, Klaus Mann, Siegfried Wagner, Saadi Khadafi, Robin Maugham, etc. Par exemple, la photographe lesbienne Claude Cahun est la nièce de Marcel Schwob. Christopher Ciccone, le frère de la chanteuse Madonna, est ouvertement gay. Roxane Depardieu, la fille de Gérard Depardieu, se dit lesbienne.

 
 

f) L’enfant homosexuel visitant le Panthéon de ses ancêtres :

Scénario curieux. Quelquefois, dans le discours de l’individu homosexuel, on peut observer la même mise en scène : il se décrit en train de se balader seul dans une galerie d’art dans laquelle sont exposés les exploits de leurs aïeux, ou à l’intérieur d’une chambre remplie de photos de stars (cf. je vous renvoie au code « Fresques historiques » et à la partie « Crâne en cristal » du code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Il oscille entre admiration et vertige : « Ma tante, moderne et indépendante, habitat un studio au-dessus de son salon : un grand lit par terre, des photos d’artistes collées au mur, Henri Garat et Mireille Balin, Jean Gabin, Michèle Morgan, Arletty, tout y était un peu bohème. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 19) ; « Au mur, une ancêtre nous regardait malicieusement dans son tableau. » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 35) ; « Je pénétrai sans bruit dans la chambre décorée de meubles chinois en laque de Coromandel, partout des petits personnages, des fleurs, des oiseaux qui me faisaient rêver de l’Orient. » (idem, p. 41) ; « En sortant de la brasserie, j’ai observé longuement la façade de la gare du Nord, et j’ai pensé que mon père était une des statues, boulonnées sur la corniche, et qu’il me regardait, et j’ai pensé : est-ce qu’il me regarde ou est-ce qu’il me surveille ? » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 91) ; « Notre maison regorgeait de livres, des jeux de société, ainsi que des décorations militaires qui peuplaient le salon. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 18)

 

Par exemple, dans son autobiographie Confession d’un masque (1971), Yukio Mishima raconte comme il s’est introduit dans la chambre de sa grand-mère, qu’il présente comme un sanctuaire « plein de kimonos colorés et d’obis garnis de roses afin de se travestir en une magicienne qu’il avait admirée sur une scène de théâtre ». François Reichenbach, quant à lui, est élevé dans une riche famille de collectionneurs de tableaux. Dans le documentaire « Louis II de Bavière, la mort du Roi » (2004) de Ray Müller et Matthias Unterburg, la figure de Louis II est filmée en train de se promener dans la galerie de ses ancêtres où sont exposés des toiles relatant les exploits qu’il devra imiter… mais qu’il n’imitera pas car il fuira ses responsabilités de roi.

 
 

g) J’ai épousé une ombre : L’ombre comme métaphore du viol et de l’amour possessif

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock

 

À l’ombre des jeunes amants en fleurs… Souvent, l’ombre est tellement imposante et crainte qu’elle finit par devenir amoureuse (cf. je vous renvoie également au code « Amant diabolique » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels). Il n’est pas rare, dans l’esprit du sujet homosexuel, que son amant prenne la forme de l’ombre sous laquelle il fait bon se protéger, mais qui soudain se montre inexplicablement froide et menaçante car elle empêche d’exister : « Mais j’avais l’impression d’avoir perdu mon ombre. Je courus vers toi. » (la narratrice lesbienne s’adressant à son amante, dans le roman La Vallée heureuse (1939) d’Anne-Marie Schwarzenbach) ; « Martine éprouvait pour moi une admiration sans bornes. D’après ses critères, j’étais celle qui avait réussi, alors qu’elle avait tout raté. Dans cette logique, il était souhaitable pour elle de rester dans mon ombre et de continuer à vivre ainsi, par procuration. » (Paula Dumont parlant de sa relation amoureuse « malsaine » avec sa copine Martine, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 72)

 

L’ombre qui plane, c’est aussi celle du viol et de l’inceste… et surtout celle de la honte que ces derniers inspirent : « Je voudrais te demander pardon. Je sais que tu ne me pardonneras jamais. Tu me l’as dit à l’époque, très fermement. Mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Mon désir de perfection me hante. C’est désagréable, j’en conviens. En plus, je t’ai fait peur dans la pénombre de la chambre que nous partagions. Tu as ouvert les yeux. On pouvait lire ton étonnement. Mais ça me prenait comme ça, de me réveiller vers deux ou trois heures du matin, comme un somnambule. J’allais jusqu’à l’armoire où se trouvaient tes vêtements que je revêtais, à moitié endormi. » (Alfredo Arias à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-fantômes (1997), p. 160) ; « Après avoir poussé mon désir d’entrer dans l’âge adulte, mon père m’intimait donc l’ordre de me rétracter intelligemment, espérant que j’étais assez grand pour découvrir, seul, les secrets de la vie d’un père de famille. C’était compter sans l’ombre persistante qui pesait sur mon chemin, dans le décor éclaboussé de chaleur et d’amour, de mon amour maternel. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 48)

 

Parfois, l’ombre est tout simplement la métaphore du violeur, du ravisseur : « Je ne vais pas te violer tout seul… Nous allons tous te violer. Faire de toi une vraie petite fille…’ Il a ouvert la porte. La peur m’a repris. Elle montait. Elle m’inondait. M’aveuglait. Les autres sont entrés. Ils étaient quatre et non deux comme au début. Comme il faisait encore un peu sombre dans la pièce, je n’arrivais pas à voir à quoi ressemblaient les deux nouveaux. Ils se sont tous déshabillés aussitôt. La sex party allait commencer. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 24) ; « Plus tard, à l’approche de la première lumière qui annonce le grand jour, je me retrouvais dans sa chambre sans trop savoir pourquoi. Sa forte ombre qui tournait autour de moi bourdonnait des mots incompréhensibles, tel un chanteur aux mâchoires serrées. […] La sensation de beauté qui m’avait ébloui la veille, laissa la place à un visage banalement masculin, pas nécessairement très beau mais sexy, avec un air d’ivresse dans les yeux. » (Berthrand Nguyen Matoko décrivant son amant d’un soir qui va le sodomiser sauvagement, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), pp. 66-67) ; etc.

 
 

h) Obscure clarté diabolique :

En définitive, l’ombre décrite par certaines personnes homosexuelles figure la dualité diabolique de la lumière froide, obscure et intensive de Lucifer (cf. je vous renvoie aux codes « Homme invisible » et « Lunettes d’or » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Elle est diabolique, non d’être 100% mauvaise et obscure, mais d’être précisément un peu lumineuse et attractive : cf. le documentaire « Les Mille et un soleils de Pigalle » (2006) de Marcel Mazé (racontant le quotidien de deux jeunes Maghrébins dans les sex-shops parisiens). Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la comédienne transgenre F to M, pendant qu’elle chante « Are You Boy Or Girl ? », reçoit des spots de couleurs qui projettent sur un mur blanc trois ombres colorées d’elle : une bleue, une rose, une jaune. Signes de sa schizophrénie mégalomaniaque.

 

L’obscure clarté est au bout du compte ce mal qui prend l’apparence du bien, de l’« amour » possessif qui n’aime pas et qui étouffe : « Dans mon enfance, ma mère était pour moi une ombre blanche. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 93) ; « Avec la neige, j’ai toujours les idées noires. » (André Schneider, le réalisateur homosexuel du docu-fiction « Le Deuxième Commencement », 2012) ; etc.

 

Enfin, l’ombre, c’est aussi la honte et la visibilité agressive de l’homosexualité, l’homophobie intériorisée du sujet homosexuel pratiquant, l’obscurité qui s’habille de lumière parce qu’il s’efforce de l’appeler « identité » ou « amour » : « De Brazzaville à Goussainville, l’homosexualité était devenue l’ombre de moi-même : un véritable cheval de bataille, impliqué autoritairement dans ma vie de tous les jours. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 103)

 
 

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Code n°134 – Orphelins (sous-codes : Bâtards / Enfants adoptés / Parents divorcés)

Orphelins

Orphelins

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Tous enfants du divorce ou de parents absents ?

 

À travers ce code, nous allons voir les nombreux liens qui existent entre homosexualité et divorce/parents absents (toutes les personnes homos qui sont les enfants du divorce ou de l’adoption ou de la bâtardise). Quand je pense que la grande majorité des Occidentaux osent actuellement nous matraquer avec violence et mépris que l’homosexualité, c’est NORMAL, ce n’est pas un choix, c’est de l’Amour, et que TOUT VA BIEN. Quelle ignorance, quelle indifférence, quel mépris de la souffrance d’autrui – et surtout des personnes homosexuelles – sous couvert de respect !

 

Notre société gay friendly ne veut pas voir que l’homosexualité, loin d’être banale et géniale, est la marque d’une rupture des êtres humains avec leurs origines et le Réel, mais aussi le signe de l’incapacité des couples femme-homme hétérosexuels/bisexuels à s’aimer. Et pourtant, ça crève les yeux !

 

La résurgence du motif de la bâtardise dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité montre, non pas que toutes les personnes homosexuelles seraient des « bâtards », des enfants abandonnés, des individus adoptés, des « produits du divorce et des familles désunies », mais qu’il existe des liens étroits et non-causaux entre homosexualité et adultère, homosexualité et divorce, homosexualité et peur d’être unique et détaché de ses parents ( = une non-intégration incestuelle de la castration symbolique et du Complexe d’Œdipe, si vous préférez), homosexualité et manque de (l’amour de) la différence des sexes. Avec nous, les personnes homosexuelles, vous avez donc affaire, ayez-en conscience, à des faux-vrais orphelins physiquement parlant, à des « orphelins semi-volontaires » (oxymore), mais en tous cas à des orphelins d’Amour et de Désir, ça c’est sûr !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Haine de la famille », « Parodies de mômes », « Homosexualité noire et glorieuse », « Femme et homme en statues de cire », « Éternelle jeunesse », « Pédophilie », « Moitié », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Petits morveux », « Mère gay friendly », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Parricide la bonne soupe », « Mère Teresa », « Solitude », « Mort-Épouse », à la partie « Solitude à deux » du code « Île », à la partie « Mère-putain » du code « Matricide », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

MAL-AIMÉ, JE SUIS LE MAL-AIMÉ !!!

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

a) Les pauvres petits orphelins homosexuels sans défense :

Dessin animé "Rémi sans famille"

Dessin animé « Rémi sans famille »


 

Dans les fictions homo-érotiques, beaucoup de personnages homosexuels sont orphelins ou jouent le rôle des Rémi sans famille : cf. le poème « Les Étrennes des orphelins » d’Arthur Rimbaud, le film « L’Innocent » (1976) de Luchino Visconti, le roman Oh Boy ! (2000) de Marie-Aude Murail, la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand (avec Hervé), le film « Fingersmith » (2005) d’Aisling Walsh, le film « Fiona » (1999) d’Amos Kollek, le film « Salmonberries » (1991) de Percy Adlon, le film « La Traversée du phare » (1998) de Thierry Redler, la pièce Les Orphelins (1984) de Jean-Luc Lagarce, le roman À ta place (2006) de Karine Reysset (avec le personnage lesbien de Chloé), le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Dick Tracy » (1990) de Warren Beatty (avec la Gavroche lesbienne), le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie (avec Li-Ming et Chen An), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec Elliot, le héros orphelin), le film d’animation « Anastasia » (1997) de Don Bluth et Gary Goldman, le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec Le Gros, Le Singe, et le Sénateur, qui sont tous les trois orphelins parce que leurs parents sont morts de tuberculose), la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi, le film « Candy Boy » (2007) de Pascal-Alex Vincent (avec l’orphelinat), le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, le film « L’Orpheline » (2011) de Jacques Richard, le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder (avec la compagne de Petra, qui est orpheline), le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel (avec Nathan, le héros homosexuel, orphelin de mère), etc. Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, le Livre IV est intitulé « Orphelin ».

 

Écoutez la litanie des Caliméros homosexuels : « Je me nomme Sidonie Laborde. Je suis orpheline de père et de mère. Bientôt, je ne serai plus personne. » (Sidonie, la lectrice lesbienne de la reine Marie-Antoinette, en conclusion du film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot) ; « Nous étions deux filles. Vous étiez la plus belle à l’orphelinat. Quand on nous passait en revue vous étiez toujours la préférée des parents d’adoption. » (Vicky parlant à sa sœurs jumelle la Comédienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai pas de parents. J’ai pas d’amis. » (John, l’héroïne lesbienne de la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco) ; « Deux orphelins que le temps défigure… » (cf. la chanson « Ainsi soit-je » de Mylène Farmer) ; « Big Mama s’est pendue. Je regardais de mon berceau, en jouant avec mon zizi. Et nous ne saurons jamais qui était Papa. » (Sabu, le héros homo du film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick) ; « Elle [Gabrielle, l’héroïne lesbienne] se sent elle aussi orpheline, à plus de quatre-vingts ans ! » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 89) ; « Je ne suis plus qu’une orpheline, une fille à qui on a pris son père. » (Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 39) ; « J’ai eu une enfance très malheureuse. Je n’ai pas de maman. J’ai été trouvé dans un œuf Place des Vosges. » (le poussin de la B.D. La Femme assise (1982) de Copi, p. 43) ; « Ma mère ? Non, elle est morte, j’avais dix ans. » (Adrien, l’un des héros homosexuels du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 19) ; « Ma mère est morte quand j’étais petit. » (Gabriel, l’un des deux héros homos du film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; « Le genre humain s’est peu à peu éloigné de moi ; de toute façon, cela faisait déjà longtemps que mes propres parents m’avait abandonné. » (Virgilio Piñera, Cuentos Fríos, cité dans l’essai Historia De La Literatura Gay (1998) de Gregory Woods, p. 247) ; « Il pensait à sa mère, à son père, qui l’avait abandonné, se demandant pourquoi il n’avait pas été traité comme les autres enfants et ce qu’il avait bien pu faire pour ne pas être comme eux. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 82) ; « Je n’ai plus de parents. » (Suzanne, une des deux héroïnes lesbiennes de la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « Oui, nous sommes orphelins… » (Stephany, Mike et Jeff faisant la quête devant leur local LGBT londonien, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « J’avais cinq ans quand ma mère est morte. » (Adineh l’héroïne transsexuelle F to M, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; « Je suis un enfant hors de chez lui. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, le mot de passe de Suzanne, l’héroïne lesbienne, en temps de résistance est : « Je suis un enfant trouvé. » (p. 107) ; d’ailleurs, elle repart de chez Alix avec le livre Sans famille sous le bras. Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit, l’héroïne lesbienne, est orpheline de mère. Dans la nouvelle « Madame Pignou » (1978) de Copi, la boulangère était surnommée dans son enfance « l’orpheline à lunettes » (p. 50). Dans le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion, Isabelle, l’héroïne bisexuelle, « n’a plus ni père ni mère ». Dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le père de Smith (le héros homosexuel) est mort dans un accident de voiture quand il était petit. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah, l’une des héroïnes lesbiennes, fait croire que sa mère est absente et partie en ONG en Afrique ; en réalité, sa mère demeure en France, est alcoolique et bat sa fille avec qui elle vit seule. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, se retrouve sans père car ce dernier est mort. Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, Sieger, le héros homosexuel, a perdu sa mère dans un accident de moto. Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Lola, une des héroïnes lesbiennes, est fille de divorcés. Quant à Nina, son amante, elle n’a pas été désirée par sa mère qui aurait voulu avorter. Et son père a mis du temps à l’adopter : « Ma mère ne m’a jamais aimée. La preuve : elle ne voulait pas me garder. Et mon père… j’avais un an quand il m’a reconnue. » Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Damien, l’un des héros homos, a été abandonné à la naissance. Dans le film « Miss » (2020) de Ruben Alves, Alex (le héros transgenre M to F qui candidate pour être Miss France) est orphelin et a perdu ses deux parents biologiques dans un accident de voiture. On le voit à la fin déposer des fleurs dans le cimetière.

 

Par voie de conséquence, il n’est pas rare que le personnage homosexuel soit un enfant adopté. Par exemple, dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, Steven, l’un des héros homosexuels, apprend de manière brutale et accidentelle qu’il a été abandonné par sa mère quand il était bébé, et qu’il est en réalité un enfant adopté. Dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, Paul, homosexuel, a également été adopté. Dans le film « Ma vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh, le personnage de Matt Damon (Scott) vient d’une famille déstructurée : il est passé de foyer en foyer, puis a ensuite été placé en famille d’accueil.

 
 

b) Les orphelins un peu réels, voulus ou volontaires :

L’absence de filiation peut certes être une réalité effective du vécu du héros homosexuel, mais finalement, on découvre que ce dernier a de toutes façons toujours une filiation (personne ne naît de nulle part !), et que la rupture avec ses racines existentielles est soit venue de personnes extérieures (on parlera dans ce cas-là d’un état d’orphelin voulu par un tiers, provoqué, et donc subi par le personnage homosexuel), soit venue de lui-même (on parlera alors d’un état d’orphelin volontaire, désiré, mimétique) : « Ah ! Je n’ai pas de famille. J’ignore tout de la famille. […] Et après tout, quelle importance qu’un homme ait ou non un père et une mère ? » (Jack dans la pièce The Importance To Being Earnest, L’Importance d’être Constant (1895) d’Oscar Wilde) ; « On n’a pas de père ! Oublie-le ! » (Ody s’adressant à son frère Dany, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras) ; « Je suis non-déclaré. » (Smith, le héros homosexuel du film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Dans ce milieu, même les maladies sont orphelines. » (Rodolphe Sand par rapport à Rosetta, la fille pauvre, dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « J’existe pas pour mes parents. C’est comme si j’étais de la merde. » (Louis, le héros homosexuel, dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel) ; etc. Par exemple, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret Sonia, l’héroïne lesbienne, dit à Clara qu’elle est venue au camp de vacances à cause de ses parents : « Ce sont mes parents qui se sont débarrassés de moi. Je leur fais peur. On ne se comprend pas. » Dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire s’est éloigné de ses parents. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon fait croire qu’elle n’a pas de mère, puis se reprend : « Non, c’est pas vrai. » Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm, Emmanuel, l’un des séminaristes, noir et homosexuel, a été adopté, et est en rejet complet avec sa famille d’accueil : « Mais qu’est-ce que vous pouvez comprendre à ma vie ? Laissez-moi ! Oubliez-moi ! » Souvent, les personnages homosexuels coupent les liens avec leur filiation parce que préalablement, leur société et leur famille les y a bien aidé !

 

C’est la raison pour laquelle certains se qualifient d’« orphelins » même s’ils n’ont pas vraiment perdu leurs parents et qu’ils ont grandi bien au chaud dans des familles bourgeoises. Ils font comme s’ils étaient abandonnés, d’abord pour se rendre intéressants dans la victimisation (cf. le film « Lucky Bastard » (2008) d’Everett Lewis) et s’écarter volontairement de leurs géniteurs, ensuite pour cacher qu’ils n’ont pas été assez aimés ou qu’ils n’ont, dans leurs élans incestueux, pas voulu partager leur mère avec leur père (ou inversement). Je vous renvoie à la partie « Mère-putain » du code « Matricide », ainsi qu’à la partie sur la mère divorcée du code « Mère gay friendly », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Par exemple, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, Robbie, le héros homosexuel, affirme à sa grand-mère que ses parents sont morts, alors que ce n’est pas vrai. Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, dès que Stan, le héros hétéro, découvre l’homosexualité de Ninon, ne peut s’empêcher de laisser échapper une méprisante plainte : « Pauvre petite fille perdue ! ».

 

Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi, l’un des héros bisexuels, a perdu ses deux parents. « J’ai pas de famille. C’est pas pour rien que je m’appelle Rémi. » ; « Ma mère est morte quand j’avais 5 ans. » En réalité, on découvre que son père est toujours vivant, mais qu’il a été rayé de la carte par son fils. Rémi, parlant de son père à son ami-amant Damien, dit que c’était un homme « lunaire » qui a cessé de le considérer comme son fils à partir de la mort de son épouse (et donc de la mère de Rémi) : « Moi, il ne me voyait même plus. J’étais invisible. » Il décide, à l’âge adulte, de renoncer à être père à son tour, et de tuer le papa en lui : « Je n’ai même pas été le fils de mon père. Alors comment voulais-tu que je sois le père d’un fils ? »
 

Le héros homosexuel, s’il est orphelin ou se dit orphelin, ne l’est pas d’abord par l’absence de ses deux parents biologiques. Il est surtout orphelin d’AMOUR ENTRE SES DEUX PARENTS BIOLOGIQUES, orphelin de la différence des sexes aimante/aimée, orphelin du Réel. C’est d’ailleurs pour cette raison que les orphelins homos dont parlent les œuvres homo-érotiques se qualifient/sont qualifiés de « bâtards », sont parfois des enfants adultérins ou des enfants du divorce, et des victimes de l’infidélité de leurs parents : cf. la chanson « Manchester » de Ricky dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon, la chanson « Le Bâtard de Rhénanie » de Jann Halexander, le film « Potiche » (2010) de François Ozon (avec Laurent, fils bâtard et homo), la pièce Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson (avec Arthur, fils homosexuel issu d’un acte prostitutif : sa mère était prostituée et l’a eu avec un client), la pièce musicale Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias (l’un des trois ambassadeurs est bâtard), le film « Dossier 51 » (1977) de Michel Deville, la pièce Le Roi Lear (1606) de William Shakespeare (avec Edmond, le frère bâtard du Roi), la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim (avec Natacha, la bâtarde), le roman La Bâtarde (1964) de Violette Leduc, le film « Juste un peu de réconfort » (2004) d’Armand Lameloise (avec le personnage de Guillaume), la pièce La Reine morte (1942) d’Henry de Montherlant (avec Inès de Castro, la fille illégitime), le poème « Prendimiento De Antoñito El Camborio En El Camino De Sevilla » (1928) de Federico García Lorca, le roman Les Bâtards (1977) de Bai Xianyong, le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli (avec Rafe le fils bâtard), le film « Les Bâtards » (2005) de Stéphane Berry, la pièce Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, le spectacle Les Invasions bâtardes (2008) de « Mado, la Garce du Québec », la série Beautiful People (2009) de Jonathan Harvey (avec Simon, le bâtard gay), etc. Par exemple, dans la pièce Le Roi Lear (1606) de William Shakespeare, le mot « bâtard » s’oppose à « naturel », à « légitime ». Dans le roman Hawa (La Différence, 2010) de Mohamed Leftah, Zapata et Hawa, les deux jumeaux, sont le fruit de la rencontre entre un soldat américain et une prostituée. Dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, London est la demi-sœur de Smith, le héros homosexuel ; et tous les deux sont des enfants illégitimes.

 

Film "La Fin de la nuit" d’Étienne Faure

Film « La Fin de la nuit » d’Étienne Faure


 

« Bastard ! » (John s’adressant à Daphnée dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Bâtards. Pourquoi nous marquer de ce mot ? » (le protagoniste de la pièce Des Lear (2009) de Vincent Nadal) ; « Tous les hommes sont des bâtards. » (Max, l’un des héros homosexuels de la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « Nous sommes tous des bâtards ! » (un des personnages de la pièce Cymbeline (1609) de William Shakespeare) ; « Je suis un chien abandonné, un bâtard. » (Anne Cadilhac dans son concert Tirez sur la pianiste, 2011) ; « Tu crois que ça m’a pas foutu les boules de voir ma mère se faire larguer par tous ces mecs ?! » (Stéphane, le héros homo s’adressant à sa meilleure amie lesbienne, Florence, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Je préfère partir sans revoir ma mère. […] Dites-lui, si vous en avez le courage, que je ne lui en veux pas de m’avoir fait bâtard. » (Bernard écrivant à son père, dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, p. 26) ; « J’étais un bâtard ! » (Bacchus, vexé de ne pas parvenir à séduire les trois sœurs Minias, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage, Jean-Louis se qualifie d’« orphelin » : « J’étais plus boulangerie rayon bâtard. » Dans le film « Le Secret d’Antonio » (2008) de Joselito Altarejos, Antonio, le jeune héros homosexuel de 15 ans, a été abandonné par son père. Dans le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, Cal (James Dean) a/aurait perdu sa mère à la naissance, et nourrit une haine féroce envers son père : en réalité, il est le fruit d’une union illégitime et découvre que sa mère vit encore (… et qu’elle est un gangster). Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, les héros homosexuels se font insulter de « Bent Bastards ! » par un des fils homophobes de Maureen… (« Qu’ils viennent ici ! Ils se régaleraient ! ») qui se révèlera à la fin très gay friendly.

 

Le héros homosexuel a pu s’estimer « orphelin » (à juste titre d’ailleurs, puisqu’il n’y a pas que la filiation de sang dans la vie ! Il y a aussi la filiation de sang couronnée par le désir, donc la filiation symbolique !) à cause du divorce de ses parents. Suite à la rupture de ces derniers, il a perdu son statut d’enfant pour acquérir de force celui de substitut marital du père ou de la mère, par conséquent un rôle incestuel (… d’où l’impression logique d’être un vrai bâtard, un fils adultérin). « Mon père est un salopard et un manipulateur. Il a trompé ma mère même la dernière année de sa vie. Il a baisé ma prof de théâtre et il m’a… » (Zach dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Je regrette de l’avoir fait. » (le père d’Adineh l’héroïne transsexuelle F to M, femme qui a perdu sa mère à 5 ans, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; etc. Nombreux sont les héros homosexuels à être des enfants de parents divorcés : Emma dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche (avec une mère très « open »), Matthieu dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Hugo dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Marcel dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot (il a 4 ans quand ses parents divorcent), Augusten dans le roman Courir avec des ciseaux (2006) d’Augusten Burroughs, Lou l’héroïne lesbienne de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Juliette l’adolescente lesbienne du film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, le narrateur homosexuel de la chanson « Luca Era Gay » de Povia, Gabriel dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, Ernst dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Zoé dans le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, Félix dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Nico dans le film « Krámpack » (2000) de Cesc Gay, Esther dans le film « Pôv’ fille ! » (2003) de Jean-Luc Baraton et Patrick Maurin, Emilio Draconi dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi (il a « étranglé sa mère pour lui voler sa pension de divorcée », p. 71), Elizabeth dans le roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, etc. Par exemple, dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (épisode 1 de la saison 2), la mère de Guillaume, le séminariste homo, a été quittée par son mari.

 

« Mes parents ont divorcé quand j’avais 7 ans. » (Hubert, le héros homosexuel du film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan) ; « Vous avez un problème de violence dans la famille ou quoi ? » (Kévin, le héros homosexuel s’adressant à son amie lesbienne Sana, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Dans mon enfance, mes parents m’ont annoncé leur divorce à proximité d’un coffre. C’est pour ça que depuis, je ne supporte pas les coffres. » (Camille, l’héroïne lesbienne du one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « Cela va peut-être te surprendre, mais je partage l’avis de ta mère qui dit que pour beaucoup de gays la vie se résume à la recherche du sexe. Cependant, je ne crois pas que la vie d’un jeune hétérosexuel se résume à autre chose… Au Canada, comme ici en Floride, tous les garçons de ma classe ne pensent qu’à coucher. Et l’explosion du nombre de divorces montre que les hétérosexuels ont (aussi) un problème avec la notion d’engagement… » (Chris à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 119) ; « Mes parents ont divorcé quand j’ai eu 5 ou 6 ans. Pour ma part, tout ça m’a beaucoup affecté. » (Franz, le héros homosexuel de la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Cet enfant est lié au divorce ? » (Marie-Muriel par rapport à Élie, le « fils » de Maxime – le héros homosexuel –, dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Bram, le héros homo, a des parents séparés : « Bienvenue dans la vie des enfants de divorcés ! » ; etc.

 

L’homosexuel fictionnel (ou l’homme travesti M to F) est régulièrement l’enfant du divorce, comme le montrent le film « Madame Doubtfire » (1993) de Chris Colombus, la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, le roman Le froid modifie la trajectoire des poissons (2010) de Pierre Szalowski, la chanson « Snowball » de Zazie, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli (avec les parents de Willie), ou bien la scène de dispute entre les parents de Paulo dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron.

 

Dans le film « Benjamin » (2018) de Simon Amstell, le dialogue entre les 2 amants Noah et Benjamin illustre que leur homosexualité s’origine dans le sentiment de culpabilité généré par le divorce de leurs parents respectifs : « Désolé. Mes parents ont divorcé. » (Noah) « Les miens aussi. » (Benjamin) « Tu veux parler du divorce ? » (Noah) « J’avais 13 ans. » (Benjamin) « Et moi, 5. » (Noah) « Tu sais que c’était pas de ta faute ? » (Benjamin).
 

Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, les deux membres du couple homosexuel, Bryan et Kévin, ont respectivement des parents divorcés : « Je vis seul avec ma mère. Mes parents sont divorcés. » (Bryan, p. 14) ; « J’ai vécu dans cette ville pendant quinze ans. Mes parents se disputaient souvent, pour des choses sans importance me semblait-il. Et ces petits désaccords prenaient parfois des proportions démesurées. Je détestais les voir ainsi s’entre-déchirer. » (idem, p. 18). Kévin aborde notamment les blessures d’enfance dues à la mésentente de son père et de sa mère (« Pendant des années, j’ai été réveillé en sursaut par les cris de mes parents. Quand mon père rentrait bourré, c’était l’horreur… », p. 416), même si tout de suite après, il relativisera dans le déni (« Ce n’est pas important. J’ai envie d’oublier toutes ces choses qui hantent ma mémoire. »). Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, Jean-Henri a des parents qui se disputent et cassent des assiettes : « Mes parents ne font pas l’amour. Ils font juste des enfants. » Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, les disputes interminables des parents de Charlène, jeune lycéenne, semblent être à la source de ses penchants homosexuels naissants. Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Gabriele, le héros homosexuel, avoue que chez lui, pendant son enfance, c’est sa mère qui régentait tout. À cause de cela, son père a quitté le domicile familial.

 

L’homosexualité du personnage homo ne s’explique pas que par le divorce ou la séparation des parents, mais peut s’originer dans une expérience plus directe de la séparation (chez les héros bisexuels, bien évidemment). Par exemple, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Didier va tromper sa compagne avec Bernard quand il apprend qu’elle a un amant.

 

Le héros homosexuel, pour se cacher à lui-même l’extrême violence du divorce de ses parents, essaie d’incarner à lui seul la différence des sexes mal-aimée. Illusion d’unification des pots cassés par une auto-construction identitaire de survie : l’homosexualité (le coming out), voire même le transsexualisme. « Si Tanguy souffrait, c’était justement de ne pas être comme les autres garçons ; de ne pas avoir comme eux un foyer avec un père et une mère qui s’entendent. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 23) Par exemple, dans le film « Gun Hill Road » (2011) de Rashaad Ernesto Green, les parents de Michaël, le héros transsexuel M to F, sont infidèles et chacun va voir ailleurs. Dans la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le « Je suis homo » de Vincent résonne comme un « Papa et maman, j’ai peur que vous vous sépariez ». Étonnamment, le personnage homosexuel dit parfois qu’il est le divorce, qu’il le personnifie à lui tout seul, pour réparer en sa personne cette unité d’Amour que les adultes n’ont pas su préserver.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Concrètement, certains héros homosexuels ont encore leurs deux parents. Mais ces derniers ne sont pas considérés comme de vrais parents, parce qu’ils n’ont pas/n’auraient pas assez aimé leur fils/fille homo, parce qu’ils n’ont pas été assez aimés de lui/d’elle : « Mes parents, ça fait dix ans que je ne les ai pas vus. » (Vincent dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « À quel sein se vouer ? Qui peut prétendre nous bercer dans son ventre. […] Je suis d’une génération désenchantée. » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « Sometimes I feel like a motherless-child. » (le héros dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Si j’avais eu une vraie famille, je s’rais peut-être heureux, aimé, et amoureux. » (cf. la chanson « Optimiste » de Stéphane Corbin) ; « He’s just a poor boy from a poor family. » (cf. la chanson « Bohemian Rhapsody » du groupe Queen) ; « Love is a fucking bastard. » (l’homme travesti en chanteuse de cabaret, dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi) ; « Ma mère est devenue folle parce que mon père buvait trop. À quinze ans j’ai quitté l’école, et j’ai pris le premier métro. » (cf. Johnny Rockfort dans la chanson « Banlieue Nord » de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; etc.

 
 

Simon – « J’ai pas de père ni de mère, voilà. Je sais pas quoi dire d’autre, y’a rien à dire, même ça, ça ne compte pas.

Mike – Comment ça, pas de parents ? Ils sont morts ?

Simon – Non. Mais j’en ai pas, c’est tout. Il faut toujours venir de quelque chose, ça me saoule. Mes parents m’ont juste fait naître. Le reste, je l’ai fait tout seul. Je dois rien à personne. »

(cf. le dialogue entre les deux potes homosexuels dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 33)

 
 

Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Philippe, le héros homosexuel, fait d’abord croire qu’il n’a pas de parents : « Gabriel, je n’ai PAS de famille. » Gabriel, son amant, l’appelle à la nuance : « Tu n’as pas eu les parents que tu voulais. » Au fur et à mesure de la pièce, on découvre qu’en réalité, Philippe a changé de nom de famille pour renier ses vrais parents, mais pire encore, qu’il les a abandonnés pour privilégier sa carrière d’écrivain alors qu’ils étaient au bord de l’agonie et qu’ils sont morts tout seuls : « J’suis un salaud. »

 

Il arrive fréquemment que le héros homosexuel se dise « orphelin » du fait qu’il ne croit plus en l’Amour universel, parce que ses parents – biologiques ou cinématographiques – lui en ont donné une image faussée et catastrophique (Je vous renvoie aux codes « Haine de la famille », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Femme et homme en statues de cire », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Si on réfléchit bien, l’amour c’est la première cause de conflits dans un couple. Enfin de ce que j’en connais. » (l’homme dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier)

 

Ce mensonge identitaire sur ses propres origines peut correspondre à un fantasme esthétique ou bien amoureux. Par exemple, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), le travesti M to F Charlène Duval exprime sa fascination pour les actrices interprétant les rôles ingrats et sublimes de l’orpheline (la petite marchande d’allumettes, par exemple). Et souvent, les créateurs homosexuels aiment dépeindre et s’identifier à la femme divorcée, abandonnée par son mari, esseulée : Victoria (Julie Andrews) interprétant la femme libérée du mariage, séparée, sans attache, indépendante, dans le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, en fournit une parfaite illustration.

 

Se faire passer pour un orphelin, c’est aussi une tactique de drague homosexuelle… même si, pour le coup, celle-ci est un aveu inconscient d’une recherche amoureuse incestueuse et immature (cf. je vous renvoie au code « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans le film « Week-End », Russell fait croire à son amant Glen qu’il est « orphelin », même si l’on émet de sérieux doutes quant au fait que ça s’applique exactement à sa situation de vie (« Je ne connais pas vraiment mes parents. Je crois que je ne les ai jamais connus. »). Glen, le plus sérieusement du monde, trouve cela « excitant » et le rend encore plus amoureux de Becky. Un peu plus tard dans le film, Becky surnomme Glen « Dad » ; et ce dernier mord parfaitement au jeu de rôles incestuel puisqu’il lui déclare avec amour : « Et si je faisais semblant d’être ton père… ».

 

Le personnage homosexuel a une conception bien incestueuse/amoureuse de la filiation/adoption… En effet, il a pu se définir comme un orphelin ou un enfant bâtard uniquement parce qu’il n’a pas supporter d’être tout à son père, tout à sa mère, tout à son frère, ou tout à son amant : « Je pourrais te faire passer pour mon fils adoptif. » (« L. » voulant se marier avec le Rat en dépit de leur grande différence d’âge, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « C’est un bâtard ! Un bâtard de papa ! » (François en parlant de son frère Djalil, dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti) ; « On est deux pédés et on aimerait se faire adopter par une femme. » (les deux héros s’adressant à la femme bourgeoise dont ils occupent insolemment la voiture décapotable, dans le film « La Fin de la nuit » (1998) d’Étienne Faure) ; « On sait que la blancheur ne reviendra jamais, que la mère orpheline possèdera toujours ce visage, dorénavant, qu’il ne se modifiera plus, qu’il est figé dans la grisaille. » (Vincent en parlant de la mère pleurant son fils Arthur mort au combat, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 190) ; etc. Par exemple, dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, Göran tombe sous le charme d’un jeune délinquant Patrik au commissariat, avant de découvrir que c’est son futur fils adoptif. Dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, la figure de Marcel Proust essaie de trouver l’amour dans les bras des hommes pour, dit-il, « cesser enfin d’être l’orphelin » (p. 100). Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, c’est au moment où Shirin, dans un cauchemar, réclame sa « maman », que Shirin, sa meilleure amie, vient la rejoindre pour la première fois dans son lit.

 

L’amour homosexuel est envisagé comme un lien de complétude qui palliera à l’incomplétude existentielle du soi-disant « orphelin homosexuel » : « Pietro [l’amant homosexuel] est sans famille, si ce n’est Michael et moi. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 141) ; « En fait, nous sommes deux orphelins. » (Chéri à sa femme Edmée dans le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears) ; etc. Et comme cette fusion est humainement impensable et impossible, le héros homosexuel finit par considérer son amant comme un traître qui ne remplit pas sa promesse, comme un « gros bâtard ». « T’es un gros bâtard. » (Ryan s’adressant à son amant « caillera » Steeve dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays)

 

En confondant ainsi filiation et amour, le héros homosexuel se sent lésé sur les deux terrains, et se fait donc logiquement passer volontairement pour un « enfant abandonné », pour un maudit d’Amour.

 

Cette frustration de singularité ne concerne pas que la différence des sexes ou des générations : elle s’aligne aussi sur la différence des espaces et la différence entre Créateur et créatures. C’est la raison pour laquelle, par exemple dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander, le métissage est comparé à ladite « bâtardise de l’homosexualité », ou à la « bâtardise de la bisexualité » : « Les métisses, c’est des bâtards. »

 

Film "Rimbaud Verlaine" d'Agnieszka Holland

Film « Rimbaud Verlaine » d’Agnieszka Holland


 

La bâtardise devient dans la bouche de certains héros homosexuels une posture esthétique de rebelle, de marginal politique opposé aux gouvernants de son pays, aux pères de la Nation, à sa Mère-Patrie ou au Réel : « On est des orphelines de la société ! » (les membres de l’équipe homosexuelle de volley-ball du film « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun) Par exemple, dans la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, le narrateur homosexuel estime que « les » homosexuels sont plus orphelins que les autres, y compris que les « nègres, juifs ou infirmes, tous les damnés possédant un havre, une famille où on les aime, où on les élève au moins dans la fierté » (p. 24).

 

La revendication d’une « bâtardise idéale » d’avant-garde (cf. je vous renvoie au code « Homosexualité noire et glorieuse » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) traduit également chez le personnage homosexuel une blessure d’orgueil travaillée, une misanthropie théâtrale, une solitude et une unicité mal assumées (car tout être humain est, par nature, orphelin, limité et radicalement seul !), une frustration de ne pas être Dieu, de ne pas être affranchi des limites humaines, de ne pas parvenir à être fusionnel/incestueux avec son autre moitié d’homme, comme l’androgyne. Par exemple, dans la pièce Des Lear (2009), le comédien Vincent Nadal, en répétant lentement le mot « bâtard », coupe son corps et son visage en deux avec sa main. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo qui n’assume pas son homosexualité au moment où il se découvre amoureux d’une femme, Ana, fait passer son futur « mari » Antoine pour son demi-frère, pour un orphelin suicidaire parce que sa mère serait morte et qu’il se ferait suivre par un psychiatre.

 

Ce fantasme homosexuel de l’orphelin, traduisant un refus de sa finitude humaine, et pouvant n’être qu’une revendication voilée de ne pas être soi, pense se justifier lui-même en reproduisant cette fois des vrais divorces et en créant des vrais orphelins/bâtards. Aussi curieux que cela puisse paraître, le personnage homosexuel recherche la bâtardise, tente à la reproduire en s’attaquant aux enfants, aux couples femme-homme et même aux couples homosexuels (cf. je vous renvoie aux codes « Haine de la famille », « Petits morveux » et « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Vos gueules, les bâtardes ! » (Bijou, la mère des deux rats femelles Iris et Carina, dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, p. 24) ; « Elle l’a chié votre saloperie de bâtard ! » (Madame Simpson parlant à Madame Garbo de l’enfant que cette dernière a/aurait eu avec sa fille Irina, dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Il n’est l’enfant de personne. Ou l’enfant d’un ennemi. Tu es le fils d’un pauvre Ali et moi la fille d’une conne, comment pouvoir faire de lui une importante personne ? […] Je ne veux pas être mère ! » (Lou, l’héroïne lesbienne parlant de son bébé à son futur mari Ahmed, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « On n’a qu’à adopter un p’tit Coréen. » (Benji à son ami Hugo, dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis) ; « Je m’ennuie… On devrait peut-être adopter ? […] On devrait peut-être adopter un p’tit Noir. Ce serait plus généreux. » (un couple gay dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos(2011) d’Alain Marcel) ; « J’essaie de la faire parler des enfants : elle sait qu’on en a adopté trois, elle ne savait pas qu’ils étaient morts. […] Ces enfants étaient maudits de par leur race. […] C’est à cause de ça qu’ils sont morts de façon accidentelle, ils devaient expier le péché de leur père noir qui était par ailleurs trafiquant de drogue. » (le narrateur homosexuel parlant de sa femme, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 88) ; etc. Par exemple, dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire veut faire capoter le couple Joséphine/Luc en séduisant Joséphine. Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit, l’héroïne lesbienne, encourage le divorce des couples femme-homme : elle couche avec Scott, un homme marié. Dans le film « Elena » (2011) de Nicole Conn, Elena plaque mari et enfants sur un coup de tête pour partir avec une femme.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Il arrive parfois que ce soit le personnage homosexuel lui-même le parent divorcé ou démissionnaire, laissant ses enfants (d’une première union hétérosexuelle) orphelins : « Moi, j’ai une tante qui est devenue lesbienne à 40 ans. » (Océane Rose-Marie parlant de sa tante divorcée, dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « À présent, je n’ai plus de fille ! » (Solitaire à propos de Lou dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je dis que je ne supporte plus qu’elle prennent toutes les décisions, je veux divorcer. Elle rit de son rire américain, tu n’oseras jamais, dit-elle, et elle continue de lire avec ses lunettes de contact. Je me sens sans force, je vais pleurer dans la cuisine. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 97) ; « Nous [Gouri et Rakä] ne sûmes jamais qui était le fils de qui, mais qu’importe. » (Gouri, le héros bisexuel qui vient d’avoir des enfants en même temps que son ami Rakä, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 143) ; « Quand vos parents vous apprennent qu’ils divorcent, c’est comme être fauché en plein sprint. » (Théo, le héros dont le père biologique va partir avec un homme, dans le roman Je ne veux pas qu’on sache (2007) de Josette Chicheportiche) ; etc. Par exemple, dans la pièce Veuve la mariée ! (2011) de David Sauvage, Roger, le héros dont on soupçonne l’homosexualité, a divorcé cinq fois. Dans la série Hit & Miss (2012) d’Hettie McDonald, Mia, le héros trans M to F, a quitté femme (Wendy) et enfant (Ryan, un fils de 11 ans) pour vivre sa vie. Dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura a été mariée avant de vivre son homosexualité. Dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël », Martin, le héros homo, laisse femme et enfants sur le carreau pour vivre son homosexualité. Dans le film « Mon arbre » (2011) de Bérénice André, Marie est la fille naturelle d’Isa et Jean-Marc, deux parents divorcés et respectivement en couple homo. Dans le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan, Catherine, femme mariée, est au bord du divorce avec son mari à cause de sa liaison lesbienne secrète avec Chloé, une prostituée lesbienne. Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, Don Venceslao a un fils illégitime, Rogelio. Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, Daphnée est le cliché de la mère divorcée, démissionnaire, qui pratique même l’infanticide. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, la jeune Anna reproche à Petra et Jane, ses voisines de pallier lesbiennes qui attendent un enfant par PMA, de créer un bâtard : « Votre compagne Petra va attendre que votre petit bâtard soit né et puis elle vous l’enlèvera pour aller vivre avec son autre femme. […] Mon père m’aime plus que n’importe quelle mère pourrait m’aimer. C’est pour ça que j’ai de la peine pour votre bébé. » (p. 123) Jane lui répond, comme pour se justifier : « Beaucoup de gens ignorent qui est leur père. » Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol, l’héroïne lesbienne, est la mère démissionnaire qui quitte son mari et abandonne sa famille, sa fille Rindy, pour Noël pour les beaux yeux de Thérèse.

 

Certains personnages homosexuels prennent même d’assaut les orphelinats et demande à ce que les enfants seuls et sans attache se multiplient pour qu’ils puissent leur servir de parents ! : cf. le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier (avec l’orphelinat en Asie du Sud-Est), le film « I Love You Baby » (2003) d’Alfonso Albacete et David Menkes. C’est beau, quand même, cette « angoisse d’être unique » mal gérée…

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) Les pauvres petits orphelins homosexuels sans défense :

 

Violette Leduc, "la Bâtarde"

Violette Leduc, « la Bâtarde »


 

Même s’il n’y a pas de statistiques prouvant qu’il y a dans la communauté homosexuelle une plus grande proportion d’enfants de parents divorcés ou de géniteurs en situation de grande sècheresse affective (et heureusement ! : si le divorce, l’adultère ou le fait d’avoir perdu un de ses deux parents – voire les deux – prédestinait le fait de se dire homosexuel, on assisterait à une vague de coming out sans précédent aux quatre coins du monde !), on peut au moins constater que parmi notre entourage homosexuel, nombreux sont les individus qui soit ont été abandonnés par leurs parents dans leur enfance, soit sont en rupture avec eux, soit sont « nés sous X », soit ont grandi dans des familles d’accueil, soit ont des parents divorcés, soit sont élevés dans une famille monoparentale, soit ont cristallisé leur crainte que leur père et leur mère se séparent sous forme d’homosexualité (cf. je vous renvoie à la partie « Père absent » du code « Parricide la bonne soupe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Très jeunes, certaines personnes homosexuelles ont été orphelines de mère (Claude Vivien, Virginia Woolf, Marguerite Yourcenar, James Dean, etc.), de père (Jean Cocteau, François Mauriac, Louis II de Bavière, Bruce Chatwin, Miguel de Molina, Violette Leduc, Colette, James Baldwin, Teena Brandon, Pierre Herbart, Rock Hudson, Marlon Brando, etc.), ou de leurs deux parents (Truman Capote, Jean Genet, Somerset Maugham, Thomas Bernhard, Greg Louganis, François Augiéras, etc.). D’autres sont des enfants adoptés ou abandonnés (Jean Genet, Greg Louganis, Cary Grant, Violette Leduc, Michel del Castillo, etc.). Par exemple, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), Paula Dumont raconte que sa compagne Martine a été adoptée par un couple stérile alors qu’elle n’avait que six mois ; elle avait été placée dans un établissement pour enfants abandonnés de Rennes. Dans l’émission Dans les yeux d’Olivier d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq (intitulée « Les Femmes entre elles », consacrée à l’homosexualité féminine, diffusée sur la chaîne France 2 le 12 avril 2011), Florence, 47 ans et lesbienne, a été adoptée à l’âge d’un mois. Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, Christine, la reine pseudo « lesbienne », porte aux nues son père auquel elle s’identifie même physiquement, et qu’elle perd très jeune, à l’âge de 5 ans et onze mois. Elle avoue dans son journal avoir eu une « enfance peu enviable ».

 

Le syndrome de l’orphelin exprimé par certaines personnes homosexuelles, concrètement, nous met sur la piste des liens entre homosexualité et avortement (beaucoup de femmes, pour effacer la culpabilité d’un avortement, enchaînent, par désespoir et pour corriger leur meurtre, avec un enfant illico : c’est un processus particulièrement courant), entre homosexualité et absence des parents/PMA/GPA/fécondations in vitro. « Ma mère a voulu se faire avorter de moi. Elle me l’a dit avant sa mort : elle ne me désirait pas. » (Yann, homosexuel, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Dès que ma mère a appris qu’elle était enceinte de moi elle a hésité à me garder. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; etc. J’en tiens pour preuve le mail d’un ami polonais reçu en décembre 2012 : « J’ai été très intéressé par votre témoignage, d’autant que depuis un an, je suis engagé dans le programme psychothérapeutique d’un psychiatre canadien : le professeur Philip Ney. Depuis quarante ans, ce psychiatre oriente ses recherches sur les séquelles dues à l’avortement. Il a découvert que ces séquelles touchent l’ensemble de la famille et surtout les enfants qui ont survécus à l’avortement. Pour nommer ces enfants, Philip Ney, utilise le terme suivant : ‘les survivants’ (survivors). Ces enfants manifestent certains troubles ou symptômes post-abortifs. Même s’ils n’avaient pas eu connaissance de ce qu’il s’était passé dans leur famille, Philip Ney a démontré qu’inconsciemment, ils le savaient. Quels sont les caractéristiques de ces symptômes post-abortifs sur les enfants et ces-ce qu’ils sont devenus adultes – La peur permanente de la mort – La colère contre leurs parents (car ils ont supprimé la fratrie) – Ces survivants vivent pour l’ensemble et à la place de leur fratrie. Ce qui génère un grand effort et une perte d’identité. – Ils ne se sentent ni dignes de vivre ni d’avoir le droit de vivre. – Ils veulent se détruire et engagent des processus d’autodestruction multiples plus ou moins consciemment. – Ils sont souvent dans des états dépressifs allant jusqu’à la dépression. – Leur santé est plus fragile que les autres individus. – Selon mon expérience, ces survivants, aux différents stades d’évolution de l’enfance à l’âge adulte en passant par l’adolescence, cherchent inconsciemment leur fratrie dans leurs relations d’amitié et d’amour. Ils s’approchent des personnes du même sexe, au debout non à cause du désir sexuel, mais comme un frère s’approcherait de son frère (une sœur s’approcherait de sa sœur). Les quelques personnes homosexuelles que j’ai rencontrées, sont toutes issues de familles touchées par l’avortement. Mon hypothèse est la suivante : si les survivants ont expérimenté ‘la violence primordiale’ et radicale c’est-à-dire la mort de leur fratrie. Peut-être, veulent-ils (inconsciemment) reproduire la violence qui se peut manifester des diverses façons. Par exemple il a été confirmé que ceux qui, dans leur famille d’origine, ont subi des séquelles d’avortements, participent, eux aussi, à des avortements ! Ces hypothèses peuvent éclairer voire expliquer la violence que vous avez décrite dans les comportements des personnes homosexuelles. Je tiens à préciser, bien sûr, que cela ne concerne pas que les populations homosexuelles. À Paris, selon les statistiques, une femme sur deux a avorté de son enfant. Quant à moi, je suis polonais, je suis un ‘survivant’ et j’en ai les symptômes. Depuis plus d’un an, je m’occupe de personnes atteintes par le symptôme post-avortement. » Certaines personnes homosexuelles se sont estimées bâtardes parce qu’elles le sont vraiment, symboliquement et au niveau du désir : depuis qu’elles sont arrivées au monde, elles ont pu être reniées et rejetées de leurs propres parents. Par exemple, quand Jean Marais est né (juste après le décès de sa sœur Madeleine), sa mère, qui voulait absolument une fille, l’a repoussé dans la salle d’accouchement : « Enlevez-le, je ne veux pas le voir ! » (cf. le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) Yves Riou et Philippe Pouchain)

 
 

b) Les orphelins un peu réels, voulus ou volontaires :

L’absence de filiation peut certes être une réalité effective du vécu du sujet homosexuel, mais finalement, on découvre que ce dernier a de toutes façons toujours une filiation (personne ne naît de nulle part !), et que la rupture avec ses racines existentielles est soit venue de personnes extérieures (on parlera dans ce cas-là d’un état d’orphelin voulu par un tiers, provoqué, et donc subi par l’individu homosexuel), soit venue de lui-même (on parlera alors d’un état d’orphelin volontaire, désiré, mimétique), soit un peu des deux. Souvent, les personnes homosexuelles coupent les liens avec leur origine parce que préalablement, leur société et leur famille les y a bien aidé, il faut bien le reconnaître !

 

Vidéo-clip de la chanson "Moi, Lolita" d'Alizée

Vidéo-clip de la chanson « Moi, Lolita » d’Alizée


 

C’est la raison pour laquelle certaines se qualifient d’« orphelins » même si elles n’ont pas vraiment perdu leurs parents et qu’elles ont grandi bien au chaud dans des familles bourgeoises. Elles font comme si elles étaient abandonnées, d’abord pour se rendre intéressantes dans la victimisation et s’écarter volontairement de leurs géniteurs, ensuite pour cacher qu’elles n’ont pas été assez aimées ou qu’elles n’ont, dans leurs élans incestueux, pas voulu partager leur mère avec leur père (ou inversement). « Je pensais qu’on m’aimerait plus si j’étais une petite orpheline. » (Zouk citée dans la pièce Zouc par Zouc (1974) de Nathalie Baye) ; « Nous, les poètes argentins, sommes nés orphelins. » (Tamara Kamenszain, Historias De Amor (1995), p. 117) Je vous renvoie à la partie « Mère-putain » du code « Matricide », ainsi qu’à la partie sur la mère divorcée du code « Mère gay friendly », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

L’individu homosexuel, s’il est orphelin ou se dit orphelin, ne l’est pas d’abord par l’absence de ses deux parents biologiques. Il est surtout orphelin d’AMOUR ENTRE SES DEUX PARENTS BIOLOGIQUES, orphelin de la différence des sexes aimante/aimée, orphelin du Réel. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a tendance à se qualifier/être qualifié de « bâtard », qu’il est parfois un enfant adultérin ou un enfants du divorce, une victime de l’infidélité de ses parents. « Je n’ai pas conservé un très bon souvenir de mon enfance et j’ai tendance à incriminer le milieu familial. J’étais fils de… mes parents sont morts. Mes parents étaient ce que l’on appelle un couple uni. Et je dois dire que la vision de la vie de ce couple uni, enfin… prétendument uni, m’a à tout jamais probablement déçu de la vie de couple et de ce que l’on appelle une union qui passe aux yeux du monde pour réussie. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) Par exemple, Rosa Bonheur, Violette Leduc, Jean Genet, James Baldwin, Colette, Michel del Castillo, J. R. Ackerley, sont des personnes homosexuelles nées d’unions dites « illégitimes » : « L’histoire dramatique de ses mère et grand-mère a déterminé beaucoup de choses dans la vie de Rosa Bonheur. D’abord la bâtardise. » (Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004), p. 213)

 

Un sujet homosexuel peut s’estimer « orphelin » (à juste titre d’ailleurs, puisqu’il n’y a pas que la filiation de sang dans la vie ! Il y a aussi la filiation de sang couronnée par le désir, donc la filiation symbolique !) à cause du divorce de ses parents. Suite à la rupture de ces derniers, il a perdu son statut d’enfant pour acquérir de force celui de substitut marital du père ou de la mère, par conséquent un rôle incestuel (… d’où l’impression logique d’être un vrai bâtard, un fils adultérin).

 

Nombreuses sont les personnes homosexuelles à être des enfants de parents divorcés : Truman Capote, Frédéric Mitterrand, Philippe Jullian, Maurice Sachs, Keith Vaughan, Hart Crane, Lord Alfred Douglas, Bruce Chatwin, Rainer Werner Fassbinder, Rock Hudson, Étienne Daho, Oscar Wilde, etc. « Nous étions sans but, abandonnés. Mon père était en mer, ma mère et moi allions d’un lieu à un autre. » (cf. l’article « Apuntes Biográficos » de Bruce Chatwin, dans le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) ; « Parallèlement à tous ces évènements brièvement décrits, notre vie familiale était très difficile à vivre suite à une grande difficulté conjugale entre mes parents : je ne reprendrai pas tous les détails de ces difficultés mais finalement, mon père se suicida en 1995. » (un ami homosexuel de 52 ans, dans un mail d’octobre 2013) ; « Je ne sais plus si je me suis présenté, je m’appelle Pierre-Adrien. Je suis de Toulouse. J’ai 30 ans. Mes parents ont divorcé quand j’avais 7 ans. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; « Mes parents s’étaient séparés en 1936. Ils ne s’entendaient plus depuis des années. Quand je dis que mes parents s’étaient séparés, je n’ai rien dit. On peut se séparerbien, rester en bons termes, ne pas obliger les enfants à choisir. Mes parents se séparèrent aussi mal que possible. Huit ans, de 1936 à 1944, sans se revoir, du moins sans permettre aux enfants de voir leurs parents ensemble. Pour nous, les enfants, il y avait entre nos parents comme une cloison étanche. Pour moi, de onze à quinze ans, il y eut deux mondes sans communication possible. Le monde de la mère et le monde du père. Incompatibilité renforcée par la division politique : le monde de la mère gaulliste et le monde du père collabo. » (Dominique Fernandez, Ramon (2008), p. 36) ; etc. Par exemple, les parents du dramaturge homosexuel Copi divorcent en 1955. L’écrivaine lesbienne Lucía Etxebarría a des parents divorcés. La journaliste lesbienne Caroline Fourest se crispe dès qu’un contradicteur, genre Éric Zemmour, lui montre publiquement qu’elle règle dans un militantisme agressif la souffrance intime du divorce de ses parents. Dans le documentaire « Des Filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger, Oriane, une femme lesbienne de 21 ans, est enfant de divorcés. Dans le film documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cajori et Amei Wallach, Louise Bourgeois raconte les disputes de ses parents, les infidélités de son père volage. Dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon, Éric, homosexuel et séropositif, a des parents divorcés. À la fin de son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), Jefferey Jordan avoue qu’à travers son spectacle, il a essayé de réunir ses parents divorcés, le temps d’une heure fictionnelle.

 

Charles Trénet a vécu une situation familiale incestuelle extrêmement malsaine : « Mon enfance, elle a été éclipsée par des situations de famille, des choses compliquées, que je comprenais trop bien. » (le chanteur homosexuel Charles Trénet dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata) Il n’a vu son père qu’à l’âge de 6 ans. Et en 1920, quand il n’avait que 7 ans, ses deux parents se séparèrent. « C’est un enfant de divorcés. » (Serge Hureau dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata) La mère de Charles Trénet, divorcée, a préféré son nouvel amant à ses deux fils qu’elle a au départ abandonnés. Ensuite, le chanteur a vécu sous les jupes de sa mère. Il avait avec elle des rapports pour le moins conflictuels.
 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Il nous faut reconnaître qu’il existe un lien non-chronologique et non-causal entre la pratique de l’homosexualité et les divorces : « Les mêmes mots, les mêmes rejets, les mêmes engouements se retrouvent chez les militants homosexuels et les féministes, au point que l’on peut parler d’alliance objective. Les rares hommes politiques qui assument ou revendiquent leur homosexualité sont aussi les féministes les plus ostentatoires. Il y a une rencontre sociologique, au cœur des grandes villes, entre homosexuels, militants ou pas, et femmes modernes, pour la plupart célibataires ou divorcées. » (Éric Zemmour, Le Premier sexe (2006), pp. 22-23) J’ai d’ailleurs remarqué que les mères les plus gay friendly et les « filles à pédés », qui applaudissent au couple de leur fils ou de leur meilleur ami homo, cachaient très souvent un divorce et tentaient de réparer/occulter ce dernier par un enthousiasme pro-gayexcessivement travaillé. « J’ai étudié la psycho sur les origines de mon homosexualité. Cela est dû au fait que ma mère dénigrait tous les hommes, à commencer par mon père. Ils étaient divorcés. » (Nicolas, un ami sur Facebook, en octobre 2013)

 

Ce n’est pas que moi qui instaure ce lien de coïncidence entre divorce et pratique homosexuelle. L’Histoire est là pour nous le rappeler. Rien qu’en France, au XVIIIe siècle, c’est la Révolution française qui a instauré le mariage par libre consentement… et le divorce qui va avec. Le « mariage d’amour », c’est tout récent et ça a 130 ans. Tiens ! Exactement comme l’homosexualité et l’hétérosexualité, nées en 1869 et 1870, comme par hasard…

 

Il arrive souvent que le sujet homosexuel, pour se cacher à lui-même l’extrême violence (de la menace) du divorce de ses parents, essaie d’incarner à lui seul la différence des sexes mal-aimée. Illusion d’unification des pots cassés par une auto-construction identitaire de survie : l’homosexualité (le coming out), voire même le transsexualisme. Le « Je suis homo » résonne alors comme un « Papa et maman, j’ai peur que vous vous sépariez ». Étonnamment, l’individu homosexuel dit parfois qu’il est le divorce, qu’il le personnifie à lui tout seul, pour réparer en sa personne cette unité d’Amour que les adultes n’ont pas su préserver : « À l’adolescence, j’étais dans un climat familial assez perturbé, et je savais au fond de moi qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. » (Corinne, lesbienne, dans l’émission Ça se discute, diffusée sur la chaîne France 2 le 18 février 2004) ; « Ma famille était dysfonctionnelle. Il n’y avait pas beaucoup d’amour, on ne se parlait pas, c’était un climat tendu. J’achetais ma paix en m’arrangeant pour plaire à tout le monde. Je n’avais aucune identité à ce moment-là ; tout ce qui comptait, c’était de me faire aimer. Jusqu’à 17 ans, je serai le bon petit gars à papa et la petite fille que maman n’a pas eue : parce que j’étais plutôt efféminé comparé à mes frères. Tout pour vaincre ma peur que mes parents se séparent, quoi. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 245)

 

Concrètement, de nombreuses personnes homosexuelles ont encore leurs deux parents. Mais ces derniers ne sont pas considérés comme de vrais parents, parce qu’ils n’ont pas/n’auraient pas assez aimé leur fils/fille homo, parce qu’ils n’ont pas été assez aimés de lui/d’elle. Même si certaines ont grandi dans des foyers paisibles où leurs deux parents biologiques se sont aimés, elles ont pu cristalliser leur peur/la menace objective de les voir se séparer en désir homosexuel : « Ce sont les impressions de l’enfance qui marquent l’individu au point de vue sexuel. Si elles ont été désastreuses, l’individu cherche souvent refuge dans l’homosexualité. C’est l’histoire banale des foyers désunis, où la mère, malheureuse et terrorisée par un père brutal, étouffe son enfant sous des manifestations d’affection anxieuse. Elle le retient dans son développement et tend à le conserver pour elle, comme un bébé. L’enfant, dans ces circonstances, témoin d’un rapport sexuel entre ses parents, l’interprète comme une attaque contre sa mère, une brutalité. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48) ; « Une autre fois, ma mère dut s’absenter quelques jours pour se rendre au chevet de sa mère malade. J’ignorais tout à cette époque de la vie que pouvait mener mon père. Un soir, entrant dans la chambre de mes parents, que je croyais vide, j’eus la surprise d’y trouver mon père tenant dans ses bras notre cuisinière à demi dévêtue… Mon père m’administra un soufflet, pour me punir d’être entré sans frapper ; c’était la première fois qu’il me giflait… » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, op. cit., p. 79) ; « J’ai toujours vu ma mère malade, insatisfaite, de mauvaises humeur et prête à faire une scène à mon père pour la moindre peccadille ou à me houspiller sans motif sérieux. Mon enfance s’est déroulée, à la maison, dans un climat d’électricité, d’insécurité et de stress permanent. » (Paula Dumont, Mauvais genre (2009), p. 35) ; « Très tôt après leur mariage, ma mère commença de ne plus éprouver pour son mari qu’un sentiment constant d’hostilité, qui s’exprimait à grands cris, et parfois dans le bruit des portes qui claquent ou le fracas de la vaisselle jetée à terre, lors de leurs fréquentes disputes, mais, plus profondément encore, se manifestait à chaque instant ou presque de leur vie commune. Leur relation s’apparentait à une longue et incessante scène de ménage, tant ils semblaient incapables de s’adresser la parole autrement qu’en s’invectivant de la façon la plus méchante et la plus blessante possible. À plusieurs reprises, elle eut la volonté de divorcer. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 80) ; « Un jour, je surpris mes parents en pleine dispute. Mon père accusait ma mère d’une part, d’être trop conciliante à mon égard et d’autre part tout en pesant ses mots […], lui reprochait cette éducation qui selon lui, était un gâchis inestimable pour un garçon. […] Ma mère lui expliquait, tant bien que mal, sa détermination à me protéger. […] Les quelques disputes qui avaient pris l’habitude de jaillir sporadiquement entre eux, ne firent qu’aggraver cette situation ; ni l’un ni l’autre, assuma la part de ses responsabilités. C’est alors tristement, comme toute fin brutale, que je me vis ballotter de bras en bras sans comprendre ce qui m’arrivait. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 13-14) ; etc. C’est certainement cette peur enfantine du divorce que mon homosexualité exprime, quand j’ai senti que le lien de mes propres parents se délitaient à une époque (maintenant révolue, surtout grâce à la puissance de la foi).

 

Il arrive fréquemment que le sujet homosexuel se dise « orphelin » du fait qu’il ne croit plus en l’Amour universel, parce que ses parents – biologiques ou cinématographiques – lui en ont donné une image faussée et catastrophique (Je vous renvoie aux codes « Haine de la famille », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Femme et homme en statues de cire », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « La jeunesse du futur poète [Oscar Wilde] s’écoule, non pas dans le calme, mais dans les échos et les remous d’un scandale qui désagrège sa famille : la maîtresse de son père fait du chantage, intente un procès aux Wilde en prétendant avoir été endormie au chloroforme puis violée par sir William. Les amis de collège d’Oscar, qui suivent le procès dans les journaux, ne lui épargnent aucun détail… ‘Voilà donc où conduit ce grossier amour des hommes pour les femmes, à cette boue !’ écrira-t-il plus tard, en parlant de cette lamentable affaire. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 170)

 

Ce mensonge identitaire sur ses propres origines peut correspondre à un fantasme esthétique ou bien amoureux. Par exemple, pour mon cas personnel, j’étais fan dans ma jeunesse du manga japonais Princesse Sarah, cette orpheline pure à qui il arrive tout un tas de malheurs ; je me mettais dans la peau de cette victime fictionnelle, non par la correspondance avec mon propre vécu (car j’ai grandi dans une famille avec deux parents qui s’aiment), mais bien parce que l’icône de la Cosette, magnifiée par l’esthétique cinématographique, donnait corps à ma haine/fuite de moi-même.

 

C’est surtout un bâtard cinématographique auquel s’identifient narcissiquement beaucoup d’individus homosexuels… même si, évidemment, ce personnage peut renvoyer indirectement à une blessure d’enfance ou familiale réelle. Par exemple, en commentant son film « N’importe où hors du monde » (2012), le réalisateur français François Zabaleta s’incorpore dans l’esprit d’un enfant de huit ans pour raconter, de manière implicite, sa propre histoire : « Ce qui m’intéressait, c’était de prendre un livre, Le Bâtard imaginaire, un livre qui m’obsède, et de ne pas l’adapter. De ne surtout pas l’adapter. De ne pas chercher à l’illustrer. Qu’est-ce qui se passe, au cinéma, quand on se sert d’un livre comme matière première, et qu’on veut faire autre chose que de le mettre en image, prendre des acteurs, leur donner des rôles, les faire parler ? Je ne me voyais pas engager un petit garçon et lui faire dire des choses que j’étais censé avoir dites lorsque j’avais son âge. Pendant des années j’ai renoncés à faire ce film qui me semblait impossible. » (François Zabaleta dans le livret/programme du 18e Festival Chéries-Chéris du 9 octobre 2012 au Forum des Images de Paris, p. 73)

 

Se faire passer pour un orphelin, c’est aussi une tactique de drague homosexuelle… même si, pour le coup, celle-ci est un aveu inconscient d’une recherche amoureuse incestueuse et immature (cf. je vous renvoie aux codes « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Éternelle jeunesse » et « Pédophilie » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Beaucoup de personnes homosexuelles ont une conception bien incestueuse/amoureuse de la filiation/adoption… En effet, elles ont pu, dans certaines situations où elles ont voulu se montrer défaillantes, se définir comme un orphelin ou un enfant bâtard uniquement parce qu’elles n’ont pas supporté d’être tout à leur père, tout à sa mère, tout à leur frère, ou tout à leur amant(e). L’amour homosexuel est envisagé par le sujet homosexuel comme un lien de complétude qui palliera à l’incomplétude existentielle du soi-disant « orphelin homosexuel » qu’il serait. Et comme cette fusion est humainement impensable et impossible, l’individu homosexuel finit par considérer son amant comme un traître qui ne remplit pas sa promesse, comme un « gros bâtard ». En confondant ainsi filiation et amour, il se finit fatalement lésé sur les deux terrains, et se fait donc logiquement passer volontairement pour un « enfant abandonné », pour un maudit d’Amour.

 

Cette frustration de singularité ne concerne pas que la différence des sexes ou des générations : elle s’aligne aussi sur la différence des espaces et la différence entre Créateur et créatures. C’est la raison pour laquelle, par exemple, le chanteur Jann Halexander présente sa bisexualité ou son identité métisse (il est né d’une mère française et d’un père gabonnais) comme une « bâtardise ».

 

Les individus homosexuels développent parfois une passion soudaine pour la veuve et l’orphelin (eux-mêmes, dans leurs fantasmes, en l’occurrence !). Je vous renvoie aux codes « Mère Teresa » et « Mort-Épouse » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Je pense notamment à l’association LGBT Le Refuge (créée en France en 2003), structure d’accueil des jeunes adolescents expulsés du domicile parental soi-disant « au nom de leur homosexualité ».

 

La bâtardise devient dans la bouche de certaines personnes homosexuelles une posture esthétique de rebelle, de marginal politique opposé aux gouvernants de son pays, aux pères de la Nation, à sa Mère-Patrie ou au Réel : « L’Argentine et Paris nous condamnent. À Buenos Aires, on célèbre des messes. À Paris, la critique nous descend. » (Alfredo Arias, le dramaturge argentin homosexuel exilé, cité dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 13) ; « Nous sommes des orphelins de nations. » (Sami Tchak, « Entretien de Boniface Mongo-Mboussa », cité sur le site www.africultures.com, publié le 19 janvier 2004) ; etc. Quelques individus homosexuels estiment que « les » homos sont plus orphelins que les autres, y compris que les minorités ethniques réputées « stigmatisées » : « À la différence des Juifs ou des Beurs où la prise en compte de la différence est appartenance (elle vous relie à votre famille, à vos amis, à votre entourage), la découverte de l’homosexualité est isolement, solitude. Tous les homosexuels ont eu, un jour, l’impression de ne pas être ‘chez eux, chez eux’. » (Frédéric Martel, Le Rose et le Noir (1996), p. 707) On observe dans le milieu homosexuel LGBT actuel une passion pour les orphelins, qui justifiera, aux yeux de certains militants zélés et de gouvernants arrivistes, toutes les projections sentimentales, tous les intérêts personnels, tous les vols, toutes les usurpations d’identité, toutes les lois (et notamment l’ouverture de l’adoption aux « couples » de même sexe) : je pense à Louis-Georges Tin qui va prendre sous son aile l’Ougandais persécuté (pour mieux asseoir les idées LGBT en Afrique), je pense à Anne Hidalgo (actuelle maire de Paris) encourageant et portant aux nues l’association Le Refuge, etc.

 

La revendication d’une « bâtardise idéale » d’avant-garde (cf. je vous renvoie au code « Homosexualité noire et glorieuse » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) traduit également chez certaines personnes homosexuelles une blessure d’orgueil travaillée, une misanthropie théâtrale, une solitude et une unicité mal assumées (car tout être humain est, par nature, orphelin, limité et radicalement seul !), une frustration de ne pas être Dieu, de ne pas être affranchi des limites humaines, de ne pas parvenir à être fusionnel/incestueux avec son autre moitié d’homme, comme l’androgyne.

 

Ce fantasme homosexuel de l’orphelin, traduisant un refus de sa finitude humaine, et pouvant n’être qu’une revendication voilée de ne pas être soi, pense se justifier lui-même en reproduisant cette fois des vrais divorces et en créant des vrais orphelins/bâtards. Aussi curieux que cela puisse paraître, un certain nombre d’individus homosexuels recherchent la bâtardise, tentent de la reproduire en s’attaquant aux enfants, aux couples femme-homme et même aux couples homosexuels (cf. je vous renvoie aux codes « Haine de la famille », « Petits morveux » et « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Dans nos sociétés occidentales, combien de personnes, après parfois 30 années de mariage, quittent femme/mari et enfants pour vivre leur homosexualité !

 

John Travolta et sa femme Kelly Preston demandent le divorce

John Travolta et sa femme Kelly Preston demandent le divorce


 

On voit ainsi que les parents divorcés ou démissionnaires, laissant leurs enfants (d’une première union hétérosexuelle) orphelins, créant des petits de manière illégitime, tels des savants fous ou des manipulateurs génétiques, ce sont parfois les personnes homosexuelles elles-mêmes ! D’une bâtardise subie, elles passent à une bâtardise reproduite ! C’est assez effrayant et paradoxal, ce mimétisme dans la reproduction du manque.

 

Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Jacques, homosexuel, est séparé de sa femme, et a laissé cinq enfants pour aller vers un homme, Bernard. Dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne, le rêve de Xavier, homosexuel, et ancien homme marié, c’est que sa femme (dont il s’est séparé), tous ses amants et sa famille vivent sous le même toit. Dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013, l’homosexualité est toujours (sans exception dans tous les témoignages du plateau) associée au divorce ou à la séparation de la différence des sexes. Par exemple, c’est lui, Jacques Viallatte, le père démissionnaire, qui s’est séparé de sa femme après 23 ans de mariage, en quittant 4 enfants, pour aller vivre avec des hommes.

 

À l’heure actuelle, et en France en particulier (avec la loi sur le « mariage pour tous »), certains couples homosexuels souhaitent même prendre d’assaut les orphelinats et demandent à ce que les enfants seuls et sans attache se multiplient pour qu’ils puissent leur servir de parents ou de parrains ! « Avant, le lien d’adoption était le pis-aller de la société. » (Michel Boyancé lors de sa conférence « La Théorie du Genre dans les manuels scolaires : comprendre et discerner », au Collège des Bernardins, le 6 décembre 2011) Maintenant, dans notre société qui n’a plus de souci du corps, ce lien est devenu une obsession et un argument politique de l’arsenal des « droits des homos » ! Les couples homosexuels voulant la PMA (Procréation Médicalement Assistée), l’adoption et la GPA (Gestation Pour Autrui) créent de vrais bâtards : ils éloignent de l’enfant – qu’ils vont obtenir par la technique scientifique, par l’argent, par une tierce personne de l’autre sexe qu’ils mettront peu à peu de côté – l’autre sexe, l’un des deux parents biologiques, l’amour dans la différence des sexes.

 

C’est beau, quand même, cette « angoisse d’être unique » mal gérée…

 

Il nous est impossible et peu souhaitable de dire que l’adoption crée et diffuse l’homosexualité (beaucoup d’enfants élevés par des couples homos ne se révèlent pas homosexuels)… même si certaines statistiques nord-américaines – avançant que 23% des enfants adoptés aux États-Unis se disent homosexuels à l’âge adulte (cf. TEDxSalonAlsace, en mai 2011) – le laissent penser. En revanche, la privation de la différence des sexes aimante, on ne peut le nier, est un climat adoptif et parental qui n’aide pas les êtres humains à accueillir la différence des sexes. Il est donc logique que beaucoup de personnes adoptées ou élevées par un couple homo se disent homosexuelles : j’en connais beaucoup !

 

Planche "Le bonheur" de la B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi

Planche « Le bonheur » de la B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi

 
 

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Code n°135 – Oubli et Amnésie (sous-code : Trou noir)

Oubli

Oubli et Amnésie

 

NOTICE EXPLICATIVE

Alzgaymer

 

À force de voir dans les fictions homo-érotiques autant de personnages homosexuels atteints d’énigmatiques troubles de la mémoire, on a de quoi suspecter qu’il existe des liens forts entre amnésie et homosexualité, et plus fondamentalement entre irréel et homosexualité, entre viol et homosexualité. Dans leur cas, doit-on trancher entre la mémoire sélective ou l’oubli inconscient ? Non, car avec le désir homosexuel, on oscille constamment entre fantasme de viol et viol réel.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Fresques historiques », « Planeur », « Noir », « Déni », « Viol », « Faux intellectuels », « Funambulisme et somnambulisme », « Morts-vivants« , « Témoin silencieux d’un crime », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Sommeil », « Symboles phalliques », « Manège », « « Première fois » », « Aube », « Drogues », à la partie « Hypnotiseur » du code « Médecines parallèles » et à la partie « Hamlet » du code « Parricide la bonne soupe », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

a) La perte de mémoire :

OUBLI 1

Film « Amnesia – The James Brighton Enigma » de Denis Langlois


 

Dans les fictions homo-érotiques, il est souvent fait référence à l’oubli : cf. le roman Les Amnésiques (1995) d’Hervé Claude, le roman Fue Ayer Y No Me Acuerdo (1995) de Jaime Bayly, le film « Forgive And Forget » (2004) de Steve John Shepherd, le film « Saved By The Belles » (2003) de Ziad Touma, la chanson « Nobody’s Perfect » de Madonna (« I can’t remember… when I was young… »), le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino, le recueil de poèmes Donde Habite El Olvido (1934) de Luis Cernuda, le roman À la recherche du temps perdu (1913-1927) de Marcel Proust, le roman La Presqu’île des brouillards (1991) de Francis Robert, le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau (avec les trous de mémoire d’Orphée, qui fait l’expérience troublante de l’insomniaque descendant aux enfers), la chanson « Jalousies » d’Étienne Daho (« Profonde amnésie, tu ne te souviens même pas de qui je suis. »), le roman Julia (1970) d’Ana Maria Moix, la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, le film « Potains mondains et amnésie partielle » (2001) de Peter Chelsom, le film « L’Incroyable histoire vraie de deux filles amoureuses » (1995) de Maria Maggenti, le film « La Fenêtre d’en face » (2002) de Ferzan Oztepek, le film « La Ville » (1998) de Yousry Nasrallah, la nouvelle « L’Écrivain » (1978) de Copi, la chanson « J’ai des doutes » de Sarah Mandiano, le film « Avant que j’oublie » (2007) de Jacques Nolot, la chanson « Oups ! I Did It Again ! » de Britney Spears, la série télévisée humoristique Samantha Oups ! (2004-2007) de David Strajmayster, la comédie musicale Se Dice de Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet (avec Elsa et ses trous de mémoire), la chanson « Les Liens d’Éros » d’Étienne Daho, le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta (avec le passage où Daniel, le héros homosexuel, commence toutes ses phrases par « Je me souviens… », sur un ton tellement endormi et automatique que son introspection ressemble plutôt à un assoupissement), le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, le sketch de Belle-Maman de Didier Bénureau (souffrant Alzheimer, soi-disant), la chanson « Blur » de Britney Spears, le film « Khochkach » (« Fleur d’oubli », 2006) de Salma Baccar, la chanson « L’Oubli » de Michel Rivard, la chanson « Veux-tu danser ? » de Michel Rivard, etc. Par exemple, dans le film « Partisane » (2012) de Jule Japher Chiari, il y a le livre Cultural Amnesia dans la chambre de la protagoniste lesbienne, Mnesya.

 

Souvent, le personnage homosexuel ou l’un de ses proches a une mémoire de poisson : « Je sais, j’ai pas de mémoire. » (une des héroïnes de la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd) ; « Je suis née très très loin. Où ? Je sais plus. » (Cherry, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Comme vous l’avez probablement déjà soupçonné, je n’ai pratiquement plus de mémoire. » (le narrateur du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 9) ; « Toi ! Tu es encore tombée dans l’amnésie, crétine ! » (Joséphine à sa sœur Fougère, dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi, p. 46) ; « Je ne sais pas pourquoi je suis ici. » (Franz dans l’appartement de Léopold, l’homme qu’il a suivi dans la rue, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Tu sais que j’ai pas de mémoire. » (le docteur Bosmans s’adressant à Jean, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « Mon voisin sur un coup de tête s’est jeté aux oubliettes. » (cf. la chanson « Mon Voisin » du Beau Claude) ; « Je ne me souviens jamais des titres, même des films. » (Vincent, le jeune héros homosexuel de la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Des légères pertes de mémoire… C’est pas grave. » (Richard, l’un des héros homosexuels du film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Le plus terrible quand on vieillit, c’est la mémoire. » (Ben, le héros homosexuel, dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs) ; « T’as une mémoire de poisson rouge. » (Otis s’adressant à son meilleur ami gay Éric, dans l’épisode 2 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Saint Valentin » (2012) de Philippe Landoulsi, le jeune client de Valentin (un caissier de supermarché) fait semblant d’oublier toujours un article pour repasser à la caisse et le draguer ; Valentin ne se rend pas compte de son manège : « C’est bon, vous avez rien oublié ? » Dans le roman Quand as-tu vu ton père pour la dernière fois ? (2014) d’Alex Taylor, le père de 90 ans est atteint de la maladie d’Alzheimer. Dans le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou, Kai oublie quatre fois de rendre son CD à sa mère Junn. Elle ne l’écoutera qu’après sa mort. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol, l’héroïne lesbienne, oublie (de manière manifestement intentionnelle) ses gants dans le magasin de jouets de sa future amante Thérèse.

 

Copi, le dramaturge argentin, semble spécialiste du traitement du manque de mémoire ! Dans sa pièce La Journée d’une rêveuse (1968), tous les personnages oublient quelque chose : le « vrai facteur » égare ses souliers chez Jeanne ; Jeanne, elle, oublie des moments (« À vrai dire, je ne m’en souviens pas au juste. […] Je crois que j’ai perdu un moment. Est-ce que ça arrive ? de perdre un moment ? ») ; et un peu plus tard, toujours le vrai facteur affirme ne plus du tout se souvenir du « jour de la gondole ». Pareil dans la pièce La Pyramide ! (1975) : « Il [le fantôme du Rat] a perdu la mémoire, le malheureux. » ; « Vous avez encore perdu la mémoire ? » demande la Reine au Jésuite. On retrouve les pertes de mémoires dans une autre pièce de Copi, Loretta Strong (1978) : « Ma mémoire, ma mémoire, de quoi elle parle ? » s’interroge l’héroïne ; « Vous ne vous souvenez plus de rien ? Je peux toujours vous raconter votre histoire mais je ne vois pas à quoi ça vous avancerait, puisque vous n’avez plus de mémoire ! » dit Loretta à Linda. Dans la nouvelle « La Baraka » (1983), Madame Ada « est en pleine crise d’amnésie » (p. 45). Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986), la Comédienne zappe complètement son texte : « J’ai oublié la suite. Miloud, tu me souffles. On est page 9. » Dans la toute dernière œuvre théâtrale de Copi, Une Visite inopportune (1988), c’est Cyrille, le héros homosexuel, qui, à la veille de sa mort, se remémore difficilement certains épisodes de sa vie : « Une nuit de printemps dont l’année échappe à ma mémoire… »

 

L’amnésie est parfois l’autre nom donné à l’homosexualité, ce qui est logique car le désir homosexuel, étant donné qu’il éjecte le socle fondateur du Réel humanisant qu’est la différence des sexes, est un élan déconnecté du Réel, de la mémoire, de l’identité, de la vie. « Je crois que je t’ai aimé. Mais j’oublie. » (Anthony s’adressant à son ex-amant Scrotes, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) Par exemple, dans la pièce Hors-piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, c’est précisément quand Stan est en pleine amnésie qu’on le prend soudain pour un homo. Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Benoît, le héros homosexuel, dit être est en « mode ‘amnésie’ » : « C’est décidé, demain, j’arrête… de me réveiller. » Dans le roman Encerclement (2010) de Karl Frode Tiller, David est frappé d’amnésie.

 

L’acte homosexuel est souvent intrinsèquement lié au déni de celui-ci par l’oubli, donc à l’homophobie. Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Peter a couché avec son pote Bernard un soir d’ivresse, mais « il a fait comme si rien ne s’était passé » : il devait être « tellement saoul qu’il ne se souvenait de rien ». Beaucoup de personnages homosexuels, par peur d’eux-mêmes et de la conséquence de leurs actes sexuels, jouent les amnésiques ou le sont vraiment. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel simule d’avoir oublié d’avoir embrassé Léo, à cause de l’alcool. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, Nathan, le héros homo, n’assumant pas son baiser à Louis, déclare : « Je ne me souviens pas qui c’était. J’étais saoul. »

 
 

b) L’amnésie comme métaphore du viol :

Le personnage homosexuel a tendance à oublier, parce que précisément il a été jadis oublié, compté pour rien, peu aimé : « Ma vie fut celle d’être celui qui souffre et qu’on oublie. » (Cyrano de Bergerac dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan) ; « J’ai retrouvé ma mère. Le problème, c’est qu’elle m’a oublié. Pour rester avec elle, j’ai pris la place du chat. » (Bill, le héros de la pièce éponyme (2011) de Balthazar Barbaut) ; « Depuis que t’es parti, je fais de l’amnésie ! » (Vincent s’adressant à son amant Fabio, Dans l’épisode 96 « Trois anges valent mieux qu’un ! » de Joséphine ange gardien) ; etc.

 

OUBLI 2 Kaboom

Film « Kaboom » de Gregg Araki


 

Plus grave encore. On découvre que ses trous de mémoire « inexpliqués » sont souvent générés par un viol ou un choc violent : cf. la pièce A Streetcar Named Desire (Un Tramway nommé Désir, 1947) de Tennessee Williams, le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec Gabrielle, la femme faussement violée et faussement amnésique), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec les victimes d’une secte, ayant une mémoire très parcellaire et éclatée), le film « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock (dans lequel Marnie a enfoui le meurtre parricide), le film « L’Arbre et la forêt » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec les parcelles de souvenir des camps de concentration), le film « Giogino » (1994) de Laurent Boutonnat, etc. « Je ne me souviens pas de ce qui m’est arrivé. » (Graciela qui a perdu connaissance après s’être fait attaquer par un homme, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 52) ; « Marcel nécessitait encore de longues heures en réadaptation et beaucoup d’aide. Il fallait tout lui rappeler. Ses oublis se multipliaient. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 15) ; « Je n’aimais pas son haleine à l’odeur de bière et de cigarette. […] Quand j’ai été dans sa bouche, j’ai trouvé ça divin. J’ai oublié qui j’étais. » (le jeune Mathan parlant de sa première fois homosexuelle, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « J’ai tout oublié dans l’instant. » (Vincent s’adressant à son ex-compagnon Stéphane, qu’il a quitté et qu’il frappait régulièrement, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Jane resta allongée dans le noir, attendant l’oubli. » (Jane, l’héroïne lesbienne dénonçant le viol d’Anna, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 102) ; « Sa mémoire lui jouait des tours. » (idem, p. 231) ; etc.

 

Par exemple, à la fin du film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, l’amnésie de Catherine sera finalement expliquée par le choc traumatique du meurtre homophobe de Sébastien, son cousin homosexuel ; par ailleurs, les oublis de Mrs Venable (la mère de Sébastien) trouvent leur source dans l’occultation du rapport incestueux mère-fils : « Ah ! Ce manque de mémoire… ! Mon plus grand défaut ! » Dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, sous l’effet de space cookies ingérés à une fête, Smith, le héros homosexuel, est plongé dans une drôle de rêverie amnésique : « J’ai perdu connaissance à mon réveil. » Cette rêverie fait suite à une scène de viols sur une femme rousse dans une forêt. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Hank, l’un des héros homosexuels, raconte le traumatisme de sa première aventure sexuelle avec un homme (il est parti de la ville où sa femme, enceinte, devait accoucher, pour lui être infidèle et vivre un « plan cul »)… puis il essaie de relativiser : « Je suis tombé sur un gars sympa. Je ne l’ai jamais revu ensuite. […] Ce qui est drôle, c’est que je ne me rappelle pas son nom. […] Après, ce fut plus facile. On s’améliore avec la pratique. » Dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet, le personnage de Muriel a subi une lobotomie qui l’a transformée en amnésique : « Il paraît que l’on a sectionné dans ma tête une substance blanche… » Dans le roman A Sodoma En Tren Cobijo (1933) d’Álvaro Retana, Nemesio, suite au viol homosexuel qu’il a vécu, souffre d’amnésie. Dans le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, les enfants violés, qui deviendront homosexuels à l’âge adulte, sont tous amnésiques (certains remplacent même le souvenir du viol par la croyance aux extra-terrestres). Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Chloé, l’héroïne lesbienne, devient complètement amnésique après avoir subi un viol dans une forêt. Dans le film « Notre Paradis » (2010) de Gaël Morel, Angelo, un prostitué, est retrouvé inanimé par son futur amant Vassili au Bois de Boulogne, et a tout oublié des violences qu’on lui a infligées : « Je suis né il y a quelques jours dans un bois. Et tout qui s’est passé avant ça compte pas. » Dans le film « La Ley Del Deseo » (« La Loi du désir », 1987) de Pedro Almodóvar, Pablo Quintero, après un accident de voiture qui l’a plongé dans le coma, se remet doucement du choc à l’hôpital, mais ne se souvient plus de rien. Il existe un lien entre amnésie et monstruosité. Par exemple, dans le film « Otto ; Or, Up With Dead People » (2007) de Bruce Labruce, Otto, un jeune zombi paumé, sans souvenirs, erre dans Berlin.

 

Le plus étrange, c’est que ce qui est oublié occupe quelquefois quand même tout l’espace psychique de la mémoire sensorielle et immédiate du héros homosexuel violé de façon obsessionnelle. Par exemple, dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm, Emmanuel, l’un des séminaristes, noir et homosexuel, a dirigé des fouilles archéologiques à Carthage pour le musée du Louvre, et a vécu là-bas sa première expérience homosexuelle avec un homme anonyme : « Il était grand, costaud. Je sais même pas s’il était beau. Je ne me souviens même pas de son visage. […] Les détails s’imposent à moi de façon démoniaque ! »

 

L’alliance/l’alternance paradoxale et fusionnelle entre l’amnésie et la mémoire – signe d’un désir schizophrénique ou d’une gestion de la différence des sexes particulièrement déséquilibrée et violente (donc hétérosexuelle ou homosexuelle) – est parfois représenté par un couple femme-homme dans lequel l’un d’eux dit ouvertement et inconsciemment ce que l’autre a oublié ou veut cacher. Par exemple, dans la pièce Macbeth (1606) de William Shakespeare, c’est Lady Macbeth qui avoue, lors d’une balade somnambulique, le crime oublié que son mari a perpétré. Dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, les personnages qui se targuent d’avoir une très bonne mémoire (« J’ai une excellente mémoire. […] J’ai une excellente mémoire pour ce qui concerne les détails. » déclare Juan Domingo Perón) voit leur autre moitié schizophrénique répondre l’inverse (« J’ai encore perdu mes lunettes ! Où est-ce que j’ai pu les laisser ? » lui rétorque sa femme Evita). Dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, la Reine-mère et sa fille sont comme les deux moitiés androgyniques/encéphaliques d’un même désir divisant, niant les individualités : « Dès que ma fille n’est plus là, ma mémoire défaille. » Dans le film « Tell Me A Memory » (2010) de Jon Bryant Crawford, l’amnésie rejoint l’inceste puisque Jack tombe amoureux de Finny, un grand-père beaucoup plus âgé que lui, et qui a la maladie d’Alzheimer.

 

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B.D. « Femme assise » de Copi


 

L’homosexualité est parfois le masque commode ou la stratégie de survie employés par le héros amnésique pour occulter le viol dont il a été victime. « Vas-y ! J’oublie tout ! » (Maryline, l’héroïne bisexuelle violée par Gérard, dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas). C’est exactement ce que se passe dans le film « Amnésie, l’Énigme James Brighton » (2005) de Denis Langlois, où Matthew, un jeune Nord-Américain, est retrouvé nu et amnésique dans un parking du Vieux Montréal, avec la seule certitude d’être gay (on découvre en fait qu’il a été embrigadé dans une secte). Dans le roman Nouveau Départ (2011) de Yukari Yashiki, Katsuzô, le héros homosexuel, ne supportant plus que son amant bisexuel Tomoki ne soit pas tout à lui et aille voir aussi les femmes, l’assomme et le transforme en amnésique, pour qu’il s’homosexualise entièrement. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, sommé d’expliquer devant Madame le proviseur son étrange passion pour « l’imitation de chanteuses mélodramatiques décédées », prétexte le trou de mémoire : « Je n’en ai aucun souvenir puisque j’étais dans un état second quand c’est arrivé. »

 

Chez le héros homosexuel, l’oubli est parfois l’instrument du déni de la mort, de la violence, et de la souffrance ; ou bien l’instrument de son irresponsabilité et de sa complicité avec le mal : « Si vous saviez comme j’aimerais ne me souvenir de rien. » (la figure d’Anton Tchekhov, dans la pièce Anton, es-tu là ? (2012) de Jérôme Thibault, au Funambule de Montmartre, juin 2012, Paris) ; « Zut ! J’avais oublié que vous étiez mort ! » (l’Infirmière à Cyrille et à Regina Morti, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Moi, j’ai pas de mémoire. À chaque fois qu’on me fout en taule, c’est pour un truc dont je me souviens que dalle ; c’est là mon malheur. » (Mimile, le héros du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 62) ; « Mes spécialistes disent que j’ai pas de mémoire parce que j’ai reçu un éclat d’obus sur la tête quand j’étais dans la Légion, mais c’est faux, je n’en ai jamais reçu, c’est la seule chose dont je me souvienne. » (idem, p. 63) ; « Vous dites : cet été est si beau. On s’en veut de l’aimer tellement. Je dis : on oublie la guerre avec ce merveilleux soleil. La guerre, on ne sait plus ce que c’est. Vous dites : ce sont des choses épouvantables, les choses que vous dites, vous ne devriez pas dire de pareilles choses. Vous pensez comme moi. Vous oubliez la guerre. » (Vincent à la figure de Marcel Proust, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 19) ; « Oublier, c’est revivre. » (cf. la chanson « Adieu » de Philippe Tailleferd) ; « Tu dis : je suis l’homme sans ascendance, ni fraternité, ni descendance. Je suis cette chose posée au milieu du monde mais non reliée au monde. Je suis celui qui ne sait pas d’où il vient, qui n’a personne avec qui partager son histoire et qui ne laissera pas de traces. Ainsi, quand je serai mort, c’est davantage que le nom que je porte qui disparaîtra, c’est mon existence même qui sera niée, jetée aux oubliettes. » (Marcel Proust à son jeune amant Vincent, op. cit., p. 101) ; « Ça va peut-être te choquer, mais cet attentat me rassure. À cause de son caractère exceptionnel. Parce que le hasard ne choisit pas que les drames. Je suis persuadé que nous nous rencontrerons, que dans très peu de temps […] nous oublierons que les tours tombent et que le temps passe. » (Christ parlant du 11 septembre à son amant Ernest, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, pp. 133-134) ; « Le visage de ma mère ? Je l’ai oublié. Parce que je n’avais pas le droit de me plaindre. Ce droit, aujourd’hui, je le prends. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 93) ; etc.

 

Il n’est pas rare que le héros homosexuel travestisse son déni de viol en ré-écriture « historique » : « Pourquoi j’ai l’impression que l’oubli est une forme de mémoire ? » (Maurice dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti) Il atténue ou relativise son passé douloureux en le jetant discrètement aux oubliettes. Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin aborde les blessures d’enfance dues à la mésentente de ses parents (« Pendant des années, j’ai été réveillé en sursaut par les cris de mes parents. Quand mon père rentrait bourré, c’était l’horreur… », p. 416)… mais tout de suite après, il nie, dans un optimisme forcé, qu’elles lui font encore mal : « Ce n’est pas important. J’ai envie d’oublier toutes ces choses qui hantent ma mémoire. » Un peu avant, Bryan, son compagnon, est tombé dans le coma suite à son accident de moto ; mais quand Kévin vient lui rendre visite à l’hôpital, et qu’il sort de son coma, il simule quand même l’amnésie pour faire une petite blague (« Ton petit numéro d’amnésique n’est pas drôle ! », p. 203).

 

OUBLI 3 - bougie

Film « Goldfish memory » d’Elizabeth Gill


 

L’amnésie dont parlent les fictions homo-érotiques ressemble à une errance identitaire, à une captation amoureuse diabolique, à un ravissement, à une soumission consentie. Elle a un nom : consentement au mal. « Je souffre de ne pas savoir quelle blessure vous me faites. » (le héros homosexuel à l’homme qui vient le draguer, dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès) ; « J’en sais rien. J’ai pas de nom. » (Dick, le héros homosexuel violé, dans la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « Je sais à peine comment je m’appelle : Tourbillon de poussière. Peut-être qu’un vent m’a poussé çà et là. Je n’ai ni foi ni patrie. Je suis menteuse, ça oui, et je sais seulement que je mens. » (le narrateur du poème « Polvareda » de Copi) ; « Depuis que je t’ai rencontré, je ne sais plus quel est mon nom, je ne sais plus où vont mes pas. Que m’as-tu fait ensorceleur ? » (Raulito à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Profonde amnésie, tu ne te souviens même plus de qui je suis. » (cf. la chanson « Jalousies » d’Étienne Daho) ; « Dis que tu viens d’un monde effacé… monde de songe… » (Molina, le héros homosexuel à son amant Valentín, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979), Manuel Puig, p. 219) ; « Je suis dans ton ventre, je suis un fœtus, je m’oublie. » (Alice à son amante Elsa, dans le film « Alice » (2004) de Sylvie Ballyot) ; « Ces absences, tu les as toujours ? » (un amant de Dany, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras) ; etc. Par exemple, dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny a peur de s’abandonner, et donc son futur amant Romeo lui apprend à faire « la planche » dans la mer : « Pour flotter, il faut lâcher prise et tout oublier. »

 

Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, on ne comprend pas pourquoi Paul, le héros, protège son agresseur, Dargelos, qui lui a pourtant jeté volontairement une pierre à la poitrine qui l’a assommée : une fois revenu à lui, il niera les faits en disant qu’il n’a reçu qu’une boule de neige et qu’il a tout oublié.

 

Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, l’oubli renvoie à la perte de personnalité engendrée par la fusion au sein du couple homosexuel, ainsi qu’au meurtre expiatoire destiné à empêcher cette fusion (Omar finira par tuer Khalid dans la forêt, pour lui ravir son identité et récupérer la sienne) : « Tu m’as ignoré, oublié, écarté. Tué. Tu ne m’as même pas regardé, Khalid, tu n’as même pas cherché à me prendre avec toi par les yeux. » (Omar, p. 132) ; « À l’intérieur de cette forêt noire, […] Khalid a eu une idée surprenante. Il oubliait visiblement, de plus en plus, qui il était et surtout qui était son père. La forêt juste devant nous, proche, très proche, la foule derrière nous, abandonnée, nous avons repris notre conversation à la fois sérieuse et folle. Et, cette fois-ci, c’était moi qui avais du mal à suivre, à être à la hauteur. » (idem, p. 123)

 

Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, Frank est sujet à de drôles de trous de mémoire, qui agacent son analyste le Dr Apsey, parce qu’ils ressemblent à de la comédie et de la mauvaise foi : « Vos trous de mémoire se manifestent toujours aux moments les plus opportuns. » Et en effet, l’oubli indique un mensonge et surtout un acte de débauche : Frank avoue à son psy qu’il est allé dans un sex club : « J’ai baisé pour oublier qui j’étais. »

 

L’amnésie est, non sans raison, associée à la pulsion violente : « Est-ce qu’il y a dans la testostérone une substance amnésique ? » (Léa s’adressant avec misandrie à Lennon, le héros homosexuel, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2012) de Christophe et Stéphane Botti)

 

L’oubli en question est plutôt l’intention d’oubli face à l’impression à la fois douce et désagréable d’un éternel recommencement, d’un ennuyeux « déjà-vu » dans le libertinage. Bref, il est synonyme de lassitude, de sacrifice raté, de désespérance, d’enfer : « À la place de l’excitation d’une nouvelle rencontre, je ressens de l’abattement. Je regrette mon idée. C’est une fois encore la même chose, la même histoire, avec les mêmes protagonistes et la même inconnue d’avance. Ça ressemble à un épisode de Derrick. Un peu de drague cheap, son regard cheap, son regard triste, mes mains qui se perdent sur son corps, sa queue fine et dure, son cul humide, sa langue molle et son jus. La rencontre, l’amour, le vide intersidéral, les adieux lâches, l’oubli. » (Mike, le héros homosexuel vivant un ènième « plan cul », dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 60) ; « Qu’est-ce que j’ai fait de mes menottes, moi ? Ah oui ! Je les ai oubliées chez Hervé ! » (un ami homo du couple lesbien Kim/Alexandra, parlant de sa relation « amoureuse » sado-masochiste, dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier) ; « Si seulement je pouvais avoir le souvenir de ce qui nous est arrivé… » (Didier, le héros homosexuel par rapport à la « nuit d’amour » qu’il vient de vivre avec Bernard sous l’effet de l’alcool, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Je me sens si différent. Comme si avant, j’avais un corps mais j’étais pas dedans. » (idem) ; etc.

 

C’est parfois l’argent et la cupidité (autrement dit l’idolâtrie) qui aveuglent le héros homosexuel, qui lui font perdre la conscience : « Est-ce que le lecteur soupçonne que j’oublie ce que j’écris ? En tout cas bon débarras, un roman de plus, une avance de plus. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 155)

 

Le héros homosexuel n’est pas forcément passif par rapport à l’oubli et à l’effacement de mémoire : il rentre parfois dans leur jeu. Par exemple, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Pédé est un père démissionnaire, qui a abandonné sa fille Lou pendant 17 ans : « J’avais oublié cette enfant ! » Dans l’épisode 5 (intitulé comme par hasard « Oublier Paris »…) de la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, JP, le héros gay, incite sa meilleure amie Clara à avorter. Dans la pièce Un petit jeu sans conséquence (2012) de Jean Dell et Gérard Sibleyras, Patrick, le personnage homosexuel, « a provoqué l’Alzheimer de son grand-père ».

 

Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, l’amnésie occupe une grande place, et est moteur/écran du viol. Jean, l’un des héros homos, a de nombreuses absences : il oublie le gigot dans le four (« Oh, merde, j’ai complètement oublié ! ») ou bien la vinaigrette pour la salade de ses invités (« Oh, merde, j’ai oublié ! »). Finalement, les oublis des personnages annoncent soit des pulsions sexuelles obsessionnelles (« Tu parles peut-être de ma bite, enfin, de celle que tu as dans la tête. Va, oublie-moi, elle va bien ramollir dans ta mémoire, ma bite ! » reproche Luc à son amant Jean), soit des crimes affreux. Par exemple, Daphnée, après avoir tué son bébé d’une balle dans la nuque, est assaillie par les trous de mémoire, d’une part parce qu’elle rentre dans un processus de déni particulièrement pathologique, d’autre part parce qu’elle se drogue énormément (elle est sous acide) : « Oh, j’avais oublié qu’elle était morte ! » ; « Oh, mon Dieu ! que c’est dur de descendre après l’acide. J’ai le cerveau en marmelade ! »

 

Dans le roman Le Bal des folles (1977), toujours de Copi, le narrateur homosexuel se décrit comme un écrivain apathique, sans inspiration, sans désir, souffrant de « crises d’amnésie » (p. 137), ayant « l’air absent » : « J’oublie tout ce que j’écris. » (idem, p. 9) ; « Je ne me souviens plus de ce que j’ai fait ces quatre derniers jours. » (idem, pp. 133-134) ; « Je suis devenu amnésique, c’est ça qui est ennuyeux. » (idem, p. 136) Pour tuer l’ennui, il raconte qu’il commet des crimes odieux, qui sont tellement teintés d’amnésie qu’on finit par comprendre qu’ils sont fantasmés. « Enfant des rues, il est habitué au tourisme. Plus amoureux de moi qu’il ne le croit, il a besoin de mon regard pour vivre, je suis déjà son assassin. Enfin, assassin c’est un grand mot, je ne sais pas encore que je vais le tuer, il ne sait pas que je peux l’oublier. » (idem, p. 23)

 
 

c) J’ai un trou… :

OUBLI 6 Femme assise

B.D. « Femme assise » de Copi


 

En lien avec la perte de mémoire, et aussi avec le trou naturel de la sexualité porteuse de vie (à savoir le vagin ; pas trop le nombril), on remarque que les allusions à un certain « trou (noir) » sont nombreuses dans les fictions homo-érotiques : cf. le film « Ô trouble » (1998) de Sylvia Calle (avec le trou noir considéré comme un sujet de conversation hétérosexuel excluant les homos), le film « Good Morning England » (2009) de Richard Curtis, la chanson « Le Trou de mon quai » des Charlots, le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec la tanière des rats qui les rend invisibles), la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi (avec les puits creusés dans le sable), le film « Garçon stupide » (2004) de Lionel Baier (avec l’entrée effrayante de la grotte, à la toute fin), la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le roman L’Agneau carnivore (1975) d’Agustín Gómez-Arcos (avec la grotte), le film « Le Trou aux folles » (1979) de Franco Martinelli, le film « Y’a plus de trou à percer » (1971) de J. Johnsone, la B.D. Kiwi au paradis (1999) de Teddy of Paris, le dessin Le Trou de l’œil (1965) d’Endre Rozsda, la chanson « Les Crises de l’âme » de Jeanne Mas, le film « Le Trou » (1960) de Jacques Becker, le film « Le Maillot de bain » (2013) de Mathilde Bayle, etc.

 

« Oh pardon, j’ai un trou ! » (l’Assistante dans la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « J’veux juste m’enfuir dans un désert et creuse un trou dans une dune. » (Hubert, le héros homosexuel, s’adressant à sa mère qu’il cherche à fuir, dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan) ; « Moi, j’ai toujours la même place : un gros trou que j’ai creusé dans le sable et où j’ai installé quelques effets personnels et même un phonographe à piles. » (le narrateur homosexuel du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 52) ; « La balle est passée de l’autre côté du meuble. Voilà le trou. » (Copi, La Tour de la Défense, 1974) ; « Alors, Dieu, vous avez fait un bon voyage ? Pas trop d’encombrements dans les trous noirs ? » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’bouche les trous, j’suis un vrai bouche-trous. » (Line, le présentateur travesti en bourgeoise, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Dans la vie, tout homme sort d’un trou pour finir dans un autre. » (la psy dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Tu croyais la tenir, roturière, la couronne, tu te la fous dans ton trou ! » (Fifi s’adressant à l’héroïne lesbienne Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Ce n’était point un trou à rats. » (cf. la chanson « Chroniques d’une famille australienne » de Jann Halexander) ; etc. Par exemple, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, Sylvie est définie par David comme un « trou normand ».

 

Mais cette référence au trou noir n’est généralement pas positive. Elle dénote au contraire d’une conception négative de la mémoire et de la sexualité humaine, et renvoie parfois directement à la mort : « Elle a un trou de balle dans la nuque ! » (Jean oscultant le cadavre de la petite Katia, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Je vais chercher le chalumeau et je vais te faire un trou grand comme ça sur le front, tu vas voir ! » (Goliatha s’adressant au frigo, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « À la verticale de ma fenêtre, le trou bée sous moi comme un tombeau ouvert. » (Laura dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 201) ; « Tu rêves d’un trou dans lequel on s’enterre pour ne plus être que deux. » (Robert parlant à son frère Louis, dans la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Là où j’étais et fus toujours, je ne serai plus, je serai loin, caché dans les grands espaces, dans un trou, à me mentir et à ricaner. » (Louis dans la pièce Juste la fin du monde (1999) de Jean-Luc Lagarce) ; « Ils [les penetrators violeurs] avaient des gants. Ils peuvent te faire disparaître. Comme dans un trou noir. » (Dick, le héros homosexuel violé, dans la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « Va draguer autour des gares ! Ici, ce n’est pas ton trou ! » (Fifi, le travesti clochard s’adressant à Pédé, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « J’ai froid, je me sens sac vide, je tombe en arrière, m’enfonce dans le mou du lit, et perds connaissance dans un trou noir. » (le narrateur dans le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 114) ; « Je vais tout de même pas me faire enculer sous prétexte que c’est un ami. […] Il s’agit de mon trou du cul. Et mon trou du cul, j’ai pas envie de le transformer en entrée de métro. » (Michel Blanc dans le rôle d’Antoine, dans le film « Tenue de soirée » (1986) de Bertrand Blier) ; « On broie du noir. On va finir dans un trou noir. » (Didier, le syndicaliste du one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) ; « Comme j’étais mal et que j’avais envie de chialer, je suis parti en roulant très vite. Après, c’est le trou noir. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 205) ; « Si je pouvais creuser un trou par terre pour que personne ne me voie, je le ferais. » (Patricia, l’héroïne lesbienne du film « P.A. » (2010) de Sophie Laly) ; « Je ne suis rien. Je suis une absence. Une lacune. Un trou noir. » (Nina, l’héroïne lesbienne dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Ça te fait peur, toi, les trous noirs ? » (Wilfried Tuche, le héros homo refoulé, allongé sur la plage avec son pote Raphaël qu’il drague, dans le film « Les Tuche » (2011) d’Olivier Baroux) ; etc.

 

Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel raconte que les gays adorent organiser des soirées déguisées à thèmes, et que ses amis sortent à cette occasion leur « trou », c’est-à-dire leur mauvaise part cinématographique d’eux-même : « Et le trou. Eh ben oui. Tous mes copains ont une sœur maléfique. »
 

Dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, Gabrielle, l’une des deux héroïnes lesbiennes, creuse un trou noir dans son jardin pour y enterrer ses journaux intimes : « Elle jette dans le trou ses cahiers toilés, ses carnets intimes, des lettres de Marc. Elle jette ses années de jeune fille, de femme, de mère… » (p. 124) Dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, les puits de poules servent de tombeaux pour les chiens. Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, Harper parle souvent du trou de l’ozone.

 

Le trou noir semble figurer ce passage de l’inconnu sexuel qui fait peur : « Au fond, seule issue protégée par une barrière extensible, un escalier en colimaçon grimpait jusqu’au grenier. J’attendis que les employés bleus eussent atteint le point le plus éloigné de leur boustrophédon, et le trou béant m’engloutit à mon tour. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Au Musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 109) ; « Je ne veux pas mourir assassiné par une femme. J’ai passé ma vie à fuir les femmes ! […] Quand je quittais la scène, elles m’attendaient en coulisse par grappes ! Parfois elles montaient par le trou du souffleur ! » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Dès les dernières scènes, j’ai toujours attendu avec impatience la fin d’un spectacle. Je voulais me débarrasser au plus vite de mon personnage. Quand le rideau est tombé, avant de regagner votre loge, il y a un instant où vous n’êtes personne. C’est un plaisir inimaginable. Je vais essayer de me faufiler dans l’au-delà par l’un de ces trous noirs. » (idem) Par exemple, dans le film « Alice In Wonderland » (« Alice au pays des merveilles », 2010) de Tim Burton, le trou noir représente clairement la peur du mariage et de la sexualité.

 

Ou bien il s’agit du trou noir du voyeurisme. Dans le film « Une si petite distance » (2007) de Caroline Fournier, Camille découvre un petit trou dans le mur de sa salle de bain par lequel elle peut voir sa voisine nue en train de prendre son bain. Idem dans le film « Psycho » (« Psychose », 1960) d’Alfred Hitchcock, avec Norman Bates, l’inverti refoulé, espionnant par le trou de ses murs Marion Crane en train de se déshabiller. Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, l’héroïne lesbienne, raconte « l’épisode du trou » (p. 142) que ses deux bonnes et elle percent dans le mur de sa chambre afin d’y fixer un miroir à travers lequel elles peuvent satisfaire leur voyeurisme : « Le trou se présentait à nous parfaitement rectiligne, et la bonne en était très fière. Elle se proposa d’aller chercher le miroir et de le tenir à la place que nous avions prévue afin que nous puissions voir l’effet qu’il faisait. » (p. 140). « Comme prévu, la bonne posa le miroir sur l’orifice, côté chambre. » (p. 142) ; « Marie décrocha la gravure que nous avions accrochée devant notre ‘trou’. » (p. 151)

 

D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle le trou noir se rapporte souvent à un contexte prostitutif (cf. je vous renvoie surtout à la partie « Pute borgne » du code « Regard féminin » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Change de trottoir ! Le mien est piégé. Sors du trou noir, je fais mon métier ! J’ai peur de rien. Je suis une femme pressée ! » (cf. la chanson « Une Femme pressée » des L5) ; « Le trou sera tout élargi pour nous. » (un homme en parlant de la prostituée, dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto) ; « Je sortirai de ce trou de ta mémoire où tu m’as jeté on ne sait quel jour, trou noir à l’envers de quoi j’ai plongé dans ma nuit la tête en bas. » (Vincent Garbo à Carole « la salope », dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 79) ; etc. Je vous renvoie également au film « Punition en uniforme, le chevillage au carré pour trou rond » (1991) d’Hisayasu Sato, au film « Les Rencontres d’après-minuit » (2013) de Yann Gonzalez (où l’Adolescent, faisant partie d’une orgie, est borgne comme un pirate), ainsi qu’au film « Le Trou noir » (1997) de François Ozon (avec la prostituée borgne qui fait une fellation à son client avec l’orifice de son œil manquant… en lui chantant la Marseillaise…). Dans le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley, le trou de balle de Nathan est au centre de l’intrigue : on croit au départ que c’est un furoncle, puis on se demande si ce n’est pas une piqûre d’araignée… Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, Gwendoline, à 16 ans, se retrouve à tourner son premier film porno « Danse avec mes deux trous ». Dans le roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan, le narrateur dit que les Arabes le « trouent ». Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien, en couple avec Yoann, est sujet à des « trous noirs » parce que sa belle-mère le drogue, pour le violer et le photographier dans des situations compromettantes : « Le trou noir… le trou normand, oui. » grommelle Yoann.

 

L’acte sexuel est comparé à l’intrusion d’une épingle dans une image, ou d’une perceuse dans un mur, ou du pénis dans un autre trou corporel que le vagin (en général l’orifice de l’œil… ou bien l’anus ; rarement le nombril) : « C’était rapide comme un jingle pub et maladroit comme tous les hommes la première fois où ils tiennent une perceuse dans les mains. On essaie de trouer mais il faut juste ne pas commencer comme ça, tout de suite, à vouloir retaper tout le garage. » (une jeune femme dans la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « La bite espagnole joue avec nos nerfs pour qu’on y aille et quand on y est, décapitation, paf dans l’œil ! » (la Comtesse Conule de la Tronchade dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Son nombril était profond et sentait un peu le cul. […] Je n’ai jamais entendu parler d’un nombril pareil, je pense que c’était une monstruosité de la nature. » (le narrateur homosexuel parlant du trou noir de son amant Pietro, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 40) ; « Esteban a fini par taper à l’aveugle par taper à l’aveugle, un bras après l’autre, pesamment, de plus en plus vite, et puis les autres aussi s’y sont remis en m’insultant, et puis après ça a été le trou noir. » (Mourad, l’un des deux personnages homosexuels du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 341-342) ; etc.

 

Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, raconte le vide existentiel qu’il expérimente du fait de ne pas connaître son père biologique, vide s’originant vraisemblablement dans la conduite de prostituée de sa mère, Glass, enceinte d’un homme à 16 ans (elle se définit elle-même comme « Bitch » : « pute » en anglais… donc comme un vulgaire trou) : « Et aujourd’hui ? C’est normal de ne rien savoir sur notre père, le mystérieux numéro 3 de la liste. Pour moi, ça restait un vide étrange. Un trou noir. Comme si le vide en moi prenait des couleurs. » Ce trou noir (on comprend que c’est le vide paternel et le vide généalogique) obsède Phil : « Pourquoi ce foutu trou noir me mine à ce point ?!? Comment quelqu’un peut te manquer, alors que tu ne le connais pas ? »
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) La perte de mémoire :

OUBLI 4 Mylène

Mylène Farmer, en plein forme


 

Le motif de l’amnésie n’est pas qu’un cliché fictionnel. Il peut renvoyer à certaines réalités du désir homosexuel. On peut déjà constater que le thème de l’oubli occupe toute l’œuvre de Manuel Puig, Copi, Tennessee Williams, Elia Kazan, Alfred Hitchcock, etc. On le retrouve aussi dans le « milieu homosexuel » : par exemple, L’Amnésia est un café qui se trouve au cœur du quartier homosexuel français du Marais, rue Vieille du Temple, à Paris.

 

Chez les personnes homosexuelles, l’oubli est à la fois inconscient et recherché. Difficile de trancher entre les deux… car c’est souvent les deux ! : « Lorsque j’écris un roman […], il s’écrit presque tout seul, après quoi je l’oublie, car je ne garde pas en mémoire mes romans. » (Copi, le dramaturge et romancier argentin, cité dans l’article « Copi : ‘Je suis un auteur argentin même si j’écris en français’ » de Raquel Linenberg, sur le journal La Quinzaine littéraire du 16 janvier 1988) ; « Mon ancien camarade de classe me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… Et tout à coup, le visage de Durieu que j’avais oublié et qui m’a arraché un cri : un visage d’ange résolu. Silencieux aussi celui-là, on ne le voyait pas, il disparaissait, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir sa beauté comme une brûlure, une brûlure incompréhensible. Un jour, alors que l’heure avait sonné et que la classe était vide, nous nous sommes trouvés seuls l’un devant l’autre, moi sur l’estrade, lui devant vers moi ce visage sérieux qui me hantait, et tout à coup, avec une douceur qui me fait encore battre le cœur, il prit ma main et y posa ses lèvres. Je la lui laissai tant qu’il voulut et, au bout d’un instant, il la laissa tomber lentement, prit sa gibecière et s’en alla. Pas un mot n’avait été dit dont je me souvienne, mais pendant ce court moment il y eut entre nous une sorte d’adoration l’un pour l’autre, muette et déchirante. Ce fut mon tout premier amour, le plus brûlant peut-être, celui qui me ravagea le cœur pour la première fois, et hier je l’ai ressenti de nouveau devant cette image, j’ai eu de nouveau treize ans, en proie à l’atroce amour dont je ne pouvais rien savoir de ce qu’il voulait dire. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24) ; etc.

 

Dans mon entourage amical homosexuel, j’ai déjà constaté à diverses reprises que certains amis avaient une vraie mémoire de poisson, alors que par ailleurs, cela ne les empêchait absolument pas d’être très drôles et d’avoir un cerveau qui fonctionne très bien ! En fin de compte, la question de l’amnésie homosexuelle ne concerne pas l’intellect, mais bien le cœur (par conséquent l’intelligence, le désir). Le désir homosexuel étant un manque de désir, il interfère donc sur la mémoire.

 
 

b) L’amnésie comme signe du viol ou fantasme de viol :

L’oubli chez les personnes homosexuelles peut être la marque d’un non-amour de soi, de fuite de sa réalité, précisément parce que jadis elles ont été oubliées, comptées pour rien, peu aimées : « Quelque chose d’étrange en moi les touchait. Mon absence au monde. L’oubli de mon corps. Mes 50 kg. Mon effacement progressif. […] On ne m’avait donc pas complètement oublié malgré mon désir de disparaître, devenir invisible. […] J’avais oublié mon corps. Je ne mangeais presque plus. J’étais maigre et je le suis resté longtemps. Longtemps. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 59-60) ; « C’était tellement horrible que j’ai préféré oublier. » (un jeune témoin homo étant tombé sur un get-apen tendu par un groupe de caïds qui se sont faits passer pour un amant sur un site de rencontres, dans le reportage « Homo en banlieue : le combat de Lyes » de l’émission Envoyé Spécial, diffusé sur France 2, le 7 février 2019) ; etc.

 

Plus grave encore, il est connu que l’amnésie intégrale fait généralement suite à des faits très traumatiques comme des chocs violents (accident, confrontation subite à la mort, forte émotion), ou le viol et les abus sexuels : « J’étais dans ma deuxième vie. Je venais de rencontrer la mort. J’étais parti. Puis je suis revenu. Je courais. Je courais. Vite, vite. Vite. Vite. Vers où ? Pourquoi ? Je ne le sais pas pour l’instant. Je ne me rappelle pas tout. Je ne me rappelle rien maintenant à vrai dire. Mais ça va venir, je le sais. » (cf. les toutes premières lignes de l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008) d’Abdellah Taïa, quand il raconte comment il a survécu à une électrocution étant enfant, p. 9) ; « Plus tard, à l’approche de la première lumière qui annonce le grand jour, je me retrouvais dans sa chambre sans trop savoir pourquoi. Sa forte ombre qui tournait autour de moi bourdonnait des mots incompréhensibles, tel un chanteur aux mâchoires serrées. […] La sensation de beauté qui m’avait ébloui la veille, laissa la place à un visage banalement masculin, pas nécessairement très beau mais sexy, avec un air d’ivresse dans les yeux. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 66-67) ; « ‘Tu m’appartiens désormais, me dit-il’. C’était des mots d’homme, des mots possessionnels et j’en avais la cognition. À seize ans, je n’étais plus le même. J’avais soudainement comme une impression de vide, ce vide qui semblait être ma mort et mon humiliation. […] Qu’étais-je devenu, pour un jour, une nuit, toute une vie ? » (idem, p. 70) ; « Ce qui est arrivé, oublie-le. Je ne tiens pas à ce que cela se sache et encore moins à ce que tu le prennes comme la naissance d’un amour véritable. Vous êtes ‘toutes’ les mêmes. » (un ex-amant parlant à Berthrand Nguyen Matoko du viol qu’il lui a fait subir, op. cit., p. 72) ; « Je n’ai aucun souvenir de ce qui s’est passé. Ce sont mes agresseurs qui ont raconté. […] J’ai, Dieu merci, souvenir de rien. » (Bruno Weil, jeune homme homosexuel passé à tabac par quatre hommes qui l’ont laissé pour mort, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; « Je me souviens de pas grand-chose. Mes souvenirs sont troubles de cette nuit-là. » (Wilfred, homme homosexuel de 39 ans tabassé par un groupe d’hommes homophobes, idem) ; etc.

 

Dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon, Romain demande à ses amis homos séropos quelle a été leur pire expérience sexuelle. Seul Mateo répond en boutade : « Ma pire expérience sexuelle ? Je sais pas. Y’en a eues tellement ! » Il raconte plus sérieusement qu’il a été violé à l’âge de 15 ans, dans un bar gay, par « un type qui avait mis une saloperie dans son verre ». Il avoue que sur le coup qu’il ne se souvenait plus de rien.
 

L’homosexualité devient parfois le masque pratique employé par certains individus pour occulter le viol dont ils ont été victimes. « J’ai choisi d’oublier et de ranger dans une petite boîte de mon cerveau tout ce qui était arrivé pendant mon adolescence. […] Arrivé à ce point de ma vie, j’accepte et je suis même content d’être gay. » (André, 33 ans, sodomisé sauvagement par son père à l’âge de 13 à 16 ans, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, pp. 130-131) ; « De fait, quand j’essaie de me rappeler les années où j’étais au collège, je me rappelle seulement de ma main sur d’autres garçons, rarement et seulement s’ils me le demandaient, mais je ne me rappelle de la main d’aucun d’entre eux sur moi. […] Quand je me rappelle de cette époque, je me vois comme un jeune garçon innocent. » (J. R. Ackerley, Mon Père et moi (1968), sur le site www.islaternura.com); « En fait, j’étais très jeune et aussi très expérimenté, et je l’aurais… Bon, je sais pas… C’est d’ailleurs quelque chose dont je ne me souviens même pas, que j’ai complètement évacué de ma mémoire, en fait. Quelque part aussi, je n’ai sans doute pas opposé de résistance absolue. D’ailleurs, j’en aurais été incapable, parce que physiquement, c’est quelqu’un qui était beaucoup plus fort que moi. Et ça m’a laissé un très mauvais souvenir sur le moment. Ça m’a dissuadé de… recommencer ce genre d’expérience sur la base du volontariat… pendant quelques temps. » (Pierre, homme homosexuel parlant de son violeur, cité dans l’essai Le Viol au masculin (1988) de Daniel Welzer-Lang, p. 182)

 

Il n’est pas rare que certaines personnes homosexuelles jouent l’amnésie pour jeter discrètement leur passé douloureux aux oubliettes, et aussi pour se laisser aller à un train de vie de débauche, sans liberté ni sens, où les amants s’oublient et s’utilisent l’un l’autre tacitement : « Je ne sais pas. Je n’ai jamais su. Vivre. Trop dur. Trop de malheur. Tout est de ma faute. Non pourtant. Oublier. Vider la tête. » (Guillaume Dustan, Nicolas Pages (1999), p. 15) ; « J’aimerais partir. Ne rien faire. Pour tout oublier. Devenir sage. » (Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton) ; « Pendant toute une nouvelle période, je courus de nouveau les aventures, cherchant surtout à oublier et à me faire oublier. » (Jean-Luc, homme homosexuel de 27 ans, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 108) ; « C’est comme un objet qu’on pose sur une table. Des fois on oublie qu’il est là. » (un témoin homosexuel parlant d’un amant, dans la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo) ; « Par la suite, j’ai eu des oublis par rapport à mon enfance et tout ce qui s’est passé à ce moment-là. […] Toute cette période, je l’ai effacée. Je n’ai pas de notion de temps. […] Ça n’a pas été un souci pour moi. […] J’ai quelques séquelles de tout ça, même si je l’ai toujours bien pris et que ça se passe très bien… mais j’ai des séquelles dans ma vie de femme. Et ça, par contre, je peux pas vraiment en parler avec lui. Pour moi, tous les hommes sont un peu homosexuels, donc c’est un peu compliqué tous les jours. » (Amandine, femme quarantaine qui, à 19 ans, a appris que son père était homosexuel, et qui raconte son histoire – proche finalement de l’inceste – dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013)

 

Nul n’est passif par rapport à l’oubli. Parfois, on entend des individus homos rentrer dans le jeu de la destruction de la mémoire. « J’ai vu ses beaux yeux bleus, en effet, et j’ai fait comme tout le monde : j’ai oublié la démocratie. » (Philippe, l’ami de Pascal Sevran, prenant la défense du beau dictateur de Syrie, dans l’autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006) de Pascal Sevran, p. 90) Pour compléter, je vous renvoie bien évidemment à un des codes les plus importants de ce Dictionnaire des Codes homosexuels, c’est-à-dire celui du « Déni ».

 
 

c) J’ai un trou… :

Le trou noir évoqué par certaines personnes homosexuelles, bien plus encore qu’une perte de mémoire, renvoie à une sacralisation du vide : « Ce trou-là, personne n’en parle alors que tout le monde le vit. » (Céline Sciamma, lesbienne, parlant de la période Sida, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; « La conversation s’engage. Une conversation pleine de trous. Parce que, quand l’interlocuteur a envoyé sa réplique, s’ensuivent deux ou trois dessins où ça ne cause pas. […] On voit bien que ça pense, là-dedans. Copi a des silences éloquents, dirai-je. […] Déconcertant, voilà. Copi est déconcertant. » (Cavana parlant de la Femme assise (2002) de Copi) Par exemple, dans son article « Deux Copi, conformes au maître » publié dans le journal Libération le 31 décembre 1999, René Solis propose aux spectateurs de « se faufiler dans l’au-delà par un de ces trous noirs » indiqués par le dramaturge homo Copi. Dans le documentaire « Viol : elles se manifestent » (2014) d’Andrea Rowling-Gaston (où plusieurs intervenantes sont lesbiennes), certaines femmes ont été violées dans une clairière ou une forêt, ou parlent d’un « trou noir ».

 

Et comme je l’ai évoqué plus haut, ce trou noir symbolise aussi plus profondément la mort, et une peur/diabolisation excessive de la sexualité (cf. je vous renvoie surtout à la partie « Pute borgne » du code « Regard féminin » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Elle était petite de taille, sans âge et portait des habits noirs. Elle était sans doute une mendiante et elle avait hérité d’un certain pouvoir. Elle savait faire. Elle savait toucher. […] Elle était entrée en moi, dans mon esprit, mon âme lui appartenait, elle la regardait avec douceur, avec brutalité. […] Et enfin, de sa main droite, elle a bouché mes narines. Plus d’air. Le grand sommeil. Le noir paisible. […] La dame en noir a lâché mon nez et de sa bouche a soufflé sur moi. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 93-94) ; « Je l’ai fait. Je savais ce que je faisais. J’ai fait avec ce garçon ce que je n’ai jamais fait avec toi. Des gestes nouveaux. Des pratiques nouvelles. Du danger. Une grande violence. Le noir autrement qu’avec toi. » (Abdellah Taïa racontant ses infidélités à son amant régulier Slimane, op. cit., p. 122) ; « Je laissais couler le temps dans mes pensées pour me retrouver tranquillement dans les bras de ma mère. Nous vécûmes ainsi pendant longtemps avec des accents de surréalisme, comme quand on entre dans un tunnel et que l’on ne sait pas si, on va en ressortir vivant. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de sa relation incestuelle avec sa maman, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 14) ; etc.

 

Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Celia, la conservatrice de musée, recherchant avec Bertrand la représentation de la monstruosité dans les chefs-d’œuvre de la peinture, souligne pour elle « l’importance de la trouée » : elle dit qu’« il y a toujours un trou d’air » chez le monstre.
 
 

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Code n°136 – Parodies de Mômes (sous-codes : Peter Pan / Bilboquet / Immaturité / Refus de grandir / Sales gosses)

 

Parodies de mômes

Parodies de mômes

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Vidéo-clip de la chanson "Sans contrefaçon" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer


 

Question délicate et peu traitée, alors qu’elle crève pourtant les yeux : le désir homosexuel est-il signe d’une immaturité, d’un refus de grandir ? On a toutes les raisons de le penser… même si la communauté homosexuelle n’a pas le monopole de l’adolescence rebelle, et qu’elle est le signe d’un éloignement social et plus global du Réel. Oui. Ça ne fera pas plaisir à tout le monde de l’entendre, mais je le dis quand même : l’homosexualité est la marque d’un refus de devenir un adulte responsable et pleinement libre.

 

Ce n’est pas l’enfance que la plupart des individus homosexuels célèbrent quand ils défendent la beauté de la jeunesse, mais un fantasme d’adultes fondé sur un passé réécrit (dans l’angélisme et la diabolisation), un état antérieur à la vie, un stade pré-natal dont ils ignorent tout, un bambin littéraire asexué qui force sa jeunesse et auquel ils désirent s’identifier. Ils cultivent sérieusement l’effacement de la frontière entre enfance et âge adulte, et affirment très souvent ne plus vouloir grandir. On les voit parodier ce qu’ils imaginent être l’enfance, pour idéaliser/diaboliser et les vrais enfants et les vrais adultes, mais aussi pour se conduire en sales gosses qu’ils ne seraient pas s’ils apprenaient à s’aimer un peu plus eux-mêmes. Jérôme Savary n’a pas tort quand il soutient que « l’homosexualité est souvent le refus d’entrer dans la vie d’adulte. » (cf. l’article « Tous ses personnages, c’est lui » de Gilles Costaz, dans le Magazine littéraire, n°343, mai 1996, p. 42) Il n’y a qu’à voir dans les créations homo-érotiques les nombreuses références faites à Peter Pan, aux contes, aux dessins animés, aux bandes dessinées, aux boîtes à musique, pour s’en convaincre.

 

Au fond, leur désir d’éternelle jeunesse ressemble à la tristesse de l’adulte déconnecté du Réel, perpétuellement angoissé par les mouvements de la vie qui l’obligent à s’adapter aux autres. Il ne leur permet pas d’accéder à la vraie jeunesse éternelle, celle que fournit l’espérance en la vie, et non simplement l’âge biologique ou l’apparence physique. Jeunesse et homosexualité ne font pas souvent bon ménage. On croise plus de « vieux vieux » et de « jeunes vieux » blasés parmi les personnes homosexuelles qu’on n’en rencontre dans les maisons de retraite, je peux vous l’assurer ! Vieillir, ce n’est pas simplement souffler des bougies sur un gâteau et voir son corps se défaire : c’est déserter ses idéaux, à 20 ans comme à 89 ans. La belle Nina Bouraoui ne me contredira pas : « Il n’y a aucune jeunesse homosexuelle. J’ai perdu mon âge, j’ai perdu mes illusions, je suis un corps de 100 ans. » (la narratrice lesbienne du roman Poupée Bella (2004) de Nina Bouraoui, p. 7)

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Éternelle jeunesse », « Conteur homo », « Petits Morveux », « Amant diabolique », « Prostitution », « Se prendre pour Dieu », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Jeu », « Dilettante homo », « Pédophilie », « Milieu homosexuel infernal », « Poupées », « Scatologie » et « Homosexuels psychorigides » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) J’ai 10 ans, je sais que c’est pas vrai mais j’ai 10 ans…

 

Film "Créatures célestes" de Peter Jackson

Film « Créatures célestes » de Peter Jackson


 

En général, dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homo veut rester éternellement jeune. Il le dit lui-même : « Plus grandir, j’veux plus grandir, plus grandir pour pas mourir, pas souffrir. » (cf. la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer) ; « Ne brise pas une enfant. Soyez sympas : ne m’enfoncez pas. » (cf. la chanson « Maman » de Sally, dans la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall) ; « Aujourd’hui, c’est trop tard. Je ne peux plus grandir. » (Bill dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut) ; « J’aimerais bien avoir treize ans. » (Ada dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Enfin jeune ! Jeune à jamais, comme l’Amérique ! » (le héros homo de la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] décida sombrement qu’elle avait dû rester enfant. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 111-112) ; « Pourquoi grandir ? » (Élisa, l’héroïne lesbienne du film « Le Sable » (2005) de Mario Feroce) ; « Moi, je préfère penser que je vais pas grandir. C’est une idée qui me rassure. […] Je vieillirai plus. J’ai quatre ans. Pour toujours. » (le jeune narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, pp. 9-11) ; « Il m’arrive souvent de rêver encore à l’adolescent que je ne suis plus. On sourit en revoyant sur les photos jaunies l’air un peu trop sûr de soi que l’on prend à 16 ans, et que l’on fait de son mieux pour paraître plus vieux. » (cf. la chanson « Du côté de chez Swann » de Dave) ; « Vous ne voulez plus grandir. Pour ne pas mourir. » (le narrateur homosexuel, parlant de lui-même à la deuxième personne du pluriel, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 54) ; « Il s’avéra que même si j’étais destinée à vieillir et à mourir, je pourrais avoir une jumelle, installée dans un satellite se déplaçant à la vitesse de la lumière, qui ne vieillirait pas au même rythme que moi. » (Anamika, l’héroïne lesbienne de 18 ans qui prétend rechercher « l’immortalité », dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 219) ; « Tu n’as plus l’âge de tes poupées. » (cf. la chanson « Lola » de Jeanne Mas) ; « Je n’ai pas dû grandir. Je suis resté un môme. » (Kévin, l’un des héros homosexuels du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 12) ; « J’ai l’impression d’avoir dix ans. » (India, le héros homosexuel s’adressant à son copain au lit, dans le film « FAQ’s », « Prends-moi » (2005) d’Everett Lewis) ; « On aurait cru un enfant qui quémandait un sucre d’orge. D’ailleurs c’est ce qu’il est, un enfant de vingt ans qui agit comme les gosses dont on dit aux parents avec un air contrit ‘Mais qu’est-ce qu’il est gracieux ce petit, pour ne pas dire, mais qu’est-ce qu’il a l’air pédé, ce petit’. Simon a l’air pédé» (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 21-22) ; « Cette fille pleure comme un enfant, je ne m’en étais jamais rendu compte. » (Mike parlant de son amie lesbienne Polly, idem, p. 121) ; « Tu vois, c’est marrant, à l’aube de nos trente ans, on se retrouve comme quand on en avait vingt ! Toi tu cherchais la preuve que l’amour existe, tu n’en étais pas sûr, Simon la preuve que l’amour n’existe pas, et moi je suis venue ici pour le trouver. Et aujourd’hui, après tout ce temps, on est tous les trois revenus au même point, hein ? » (Polly, idem) ; « Décidément, quand on est tous les trois : des vrais gamins. » (le couple homo Seb et Loïc ainsi que leur meilleure amie Marie, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc.

 

Ce jeu de l’éternelle jeunesse peut être encouragé par un développement tardif ou inexistant des signes extérieurs physiques de l’âge adulte et de la puberté. Par exemple, dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Frankie, l’homo blondinet et féminin, se moque de l’immaturité de Todd, son futur amant : « T’as quel âge ? 12 ans ? » ; et ce dernier, cautique, lui rétorque : « Mais moi, j’ai pas l’air d’un petit garçon… » Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Mélodie, l’héroïne bisexuelle, tient le même discours immature aux deux personnes avec qui elle sort séparément, Charlotte puis Michel, et qu’elle embrasse sur la bouche et va voir pile au moment où il ne faut pas (« Je suis désolée. C’est pas très adulte. »)… et elle se voit répondre la même chose par eux (« On s’en fout d’être adultes. »). Face à ses coups de cœurs et ses actes sexuels inconséquents, elle conclut (en lien avec un chèque que lui a donné sa grand-mère) : « Ça me fout les boules. J’ai l’impression d’avoir 15 ans. » Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, se fait surnommer « Little » par ses camarades. Et on lui reproche de ne pas grandir.
 
 

b) Peter Pan :

Film "Peter Pan" de Walt Disney

Film « Peter Pan » de Walt Disney


 

Par conséquent, on ne s’étonnera pas de voir que le personnage homosexuel s’identifie quelquefois à Peter Pan, le mythique héros qui refuse de grandir : cf. le roman El Beso De Peter Pan (1993) de Terenci Moix, la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, la chanson « In Search On Peter Pan » de Kate Bush, la chanson « On ne grandit vraiment jamais » de Lorie, la chanson « Corto » de David Jean, la chanson « Chaque seconde avec toi » de Stéphane Corbin et Marie Aliquot, la chanson « Peter Pan » de Nicolas Bacchus, la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot (le « Capitaine Crochet » est un des nombreux noms donnés à l’appareil génital masculin), la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone (où est mentionnée la fée Clochette), etc. « Peter Pan et Tom Sawyer m’attendent. » (cf. la chanson « Boulevard des rêves » de Stéphane Corbin) ; « Pierre me rejoignait dans ma chambre, entrait dans mon lit, et je lui racontais un long feuilleton dans lequel deux petits enfants nommés Susan et Peter, orphelins comme il se doit, erraient dans une Angleterre de fantaisie à la recherche d’un mystérieux trésor. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 24) ; « Ce n’est pas Peter Pan qui fait battre plus vite le cœur de Ben, mais le Capitaine Crochet. » (Michael, le héros homo du roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 131) ; « J’ai couché avec le Capitaine Crochet. » (Kévin, le personnage homosexuel de 17 ans, dans la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte) ; « Quel fils de pute, ce Peter Pan ! » (Bruno, le héros homo reprochant en boutade à Peter Pan de lui avoir fait croire qu’il était possible de voler dans les airs, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger) ; « T’as le syndrome de Peter Pan. » (Philippe, le héros homosexuel s’adressant à son frère hétéro Alex, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce ; un peu plus tard, Alex accuse son psy homosexuel, Gabriel, d’avoir le syndrome de Peter Pan) ; « J’étais Peter Pan, mais à la bourre. » (Schmidt dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller) ; « Alors comme ça, tu aimes bien les dessins animés ? Je dis ça par rapport à ton pseudo Peter Plan… » (Jérémy Lorca discutant avec Damien, un internaute qu’il a rencontré « en vrai », dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc. Par exemple, dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Brad, le « méchant », surnomme Chance « la Fée Clochette » pour se moquer de lui et le féminiser. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, le skinhead efféminé est décrit comme « un Peter Pan sauvage » (p. 95).

 
 

c) Parodie du môme immature jouée par un adulte:

Vidéo-clip de la chanson "Que mon coeur lâche" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Que mon coeur lâche » de Mylène Farmer


 

Bien souvent, le personnage homosexuel se présente (ou est présenté) comme un grand enfant : « On me vieillit, mais je rajeunis tous les jours sur la Terre. » (Machiavel dans la pièce Dialogue aux enfers (1864) de Maurice Joly) ; « Un homme lui avait pris son premier amour. Marie ne savait pas que l’enfance finissait un jour. » (Alexandra, la narratrice lesbienne reprochant à sa bonne, Marie, son attachement à l’hétérosexualité, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 185-186) ; « Vous êtes habituée à vivre avec votre sœur qui vous facilitait tout. Toute seule, vous êtes comme un enfant. » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Je sais, c’est une écriture de gosse. » (Dick décrivant sa propre écriture à Tom, le héros homosexuel, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; etc. Par exemple, dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, Adam, pourtant adulte, affirme qu’il est un enfant. Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau imite un gamin de 10 ans, très efféminé. Dans le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina, on voit la protagoniste lesbienne s’habiller en collégienne (il ne lui manque plus que les couettes), se farder avec du rouge pour se donner une apparence mi-enfantine mi-adulte. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, les adultes imitent les conneries de leurs enfants : Diane et Kyla, les deux mères au foyer, se comportent comme deux adolescentes, et suivent Steve, le héros homosexuel désorienté, dans ses excès. Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, les deux héroïnes lesbiennes, Idgie et Ruth, jouent les gamines adultes qui font des bêtises et qui refusent de grandir. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Mathias Le Goff, entraîneur de water-polo hétéro, qualifie l’équipe gay dont il a la charge de « bande d’ados ». Il se désole d’avoir à fliquer sans arrêt un groupe d’immatures désobéissants, qui montrent sans arrêt leur bite.

 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, l’un des héros homosexuels (le plus efféminé), raconte, avec les yeux fixés dans le vide, d’un air béat, comme envoûté, son premier émoi homosexuel pour Peter, un lycéen un peu plus âgé que lui (tiens, comme par hasard : Peter…), alors qu’il n’était encore qu’au collège et qu’il se comportait déjà comme un adolescent puéril qui, pour la fête du collège, confectionnait des décorations enfantines : « Je lui ai raconté que je faisais des étoiles en alu, et des nuages en coton. Il faut une folle pour ce genre de choses. […] Je l’ai aimé dès que mes yeux se sont posés sur lui. J’étais au collège et lui au lycée. »

 

Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Mr Mack définit Jim, son fils homosexuel, comme un être « ni homme ni môme ».
 

Dans les films ou les romans traitant d’homosexualité, les enfants sont parfois interprétés par des acteurs adultes se mettant à parler comme ils imaginent que parleraient les enfants : cf. la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, la pièce Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse (dans laquelle des actrices adultes jouent à redevenir enfants), le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (Mathilde Sagnier et Virginie Ledoyen rentrent dans la peau de petites filles chipies et faussement modèles), le film « Teens Like Phil » (2011) de David Rosler et Dominic Haxton, la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi (avec Irina, la gamine peu docile, qui se prostitue et qui est jouée par un homme adulte), le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit (avec Gwendoline, la lycéenne qui se prostitue et fait des tournantes dans les caves), le film « Glue » (2006) d’Alexis Dos Santos, la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Par exemple, dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès, Luca, le protagoniste, suce son pouce. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, Jeff, le héros homosexuel, devient l’ami des enfants : ils lui font des couettes comme avec une poupée. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M se met dans la peau d’une petite fille modèle ridiculement habillée en princesse par ses parents. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, saute comme un gamin sur le matelas de son lit à baldaquin. Hunger lui attribue un « comportement puéril », « une longue aventure irresponsable », « des exigences exorbitantes ».

 

Le héros homosexuel déjà mûr se met même à se désolidariser du monde adulte, comme s’il n’en faisait plus partie : « Le monde des adultes est un vilain lieu. » (Jean Sennac, le poète homosexuel du film « Soleil assassiné » (2002) d’Abdelkrim Bahloul) ; « Le monde adulte, un monde abrupt, et là, je broie du noir. » (cf. la chanson « Dessine-moi un mouton » de Mylène Farmer) ; « Les grands ont des griffes comme des bouts de ciment. […] Les grands ont des rires qui vous giflent en passant. » (cf. la chanson « Parler tout bas » d’Alizée) ; « Les adultes dénigrent l’amour. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 151) ; « Ça fait deux enfants à la maison. Ça fait beaucoup. C’est la famille. » (Emma parlant d’elle-même et affirmant qu’elle s’entend très bien avec la gamine de sa compagne Liz, et qu’elles font même des bêtises ensemble, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche) ; « Tu es timide et orgueilleuse… ce qui ne facilite pas le rapport avec les autres. » (le père de Claire, l’héroïne lesbienne, s’adressant à sa fille, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « J’ai deux papas et deux mamans. Mais je suis toujours un enfant. » (cf. la chanson « Le Monde moderne » de Calogéro) ; etc.

 

Chez le héros homosexuel, le refus de vieillir et l’obsession pour la jeunesse ont leur revers déplaisant : ils le transforment bien souvent en petit sale gosse turbulent et immature… car en effet, à son insu, ils l’ont éloigné du réel. Par exemple, dans son roman Sodome et Gomorrhe (1922), Marcel Proust décrit les homosexuels comme des êtres « immatures ». Dans Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2012) de Christophe et Stéphane Botti, Martin, le héros sur qui pèse pendant toute la pièce une forte présomption d’homosexualité, dit qu’il « n’a pas encore eu le temps de faire sa crise d’adolescence ». Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, nous voyons que Valentín commence à « s’homosexualiser » au moment justement où il rentre dans le jeu de l’infantilisation de Molina, son compagnon de cellule homosexuel qui lui apporte des provisions de repas et le considère comme son amant-poupée : il ne supporte pas les fins des récits de Molina (comme les enfants, il trouve que les histoires sont trop courtes), mange de plus en plus, dit sa peur de l’abandon, marque une dépendance à l’image et aux contes, se laisse gagner par le sommeil, tolère de moins en moins l’autorité. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le jeune héros homosexuel, est l’archétype du pédé fashion victim ingérable, capricieux, consommateur, despotique.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Souvent, le personnage homosexuel est présenté ou se présente comme un fils-à-maman turbulent, suffisant, teigneux et insupportable : « Quel enfant gâté ! » (Claire parlant d’Erik, son ami homo, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs) ; « Ta Majesté jamais ne te déplace sans ton petit oreiller. » (cf. la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer) ; « Je suis l’enfant insouciant. Je n’ai pas de morale. » (Vincent, le héros homosexuel de 16 ans, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 46-47) ; « Nous sommes, insolemment, gâtés pourris. » (cf. la chanson « Cet air étrange » d’Étienne Daho) ; « Vous vous croyez malins en jouant masculins, mais vous pleurez maman quand vous n’êtes pas bien. » (cf. la chanson « Benoît tourne-toi » du groupe Benoît) ; « Je fais c’que j’veux ! » (Camille, l’héroïne lesbienne s’adressant à ses parents, dans le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « Les pédés obtiennent toujours tout les premiers. » (Senel Paz, Fresa Y Chocolate (1991), p. 10) ; « Ce jeune homme se comporte comme un enfant de 12 ans. […] Alors que l’âge adulte se présente devant lui, il fait demi-tour et retourne jouer au parc avec les autres enfants. » (Thibaut de Saint Pol, N’oubliez pas de vivre (2004), p. 162) ; « J’ai des impatiences et des amuseries d’enfant sauvage. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 9) ; « Cette impérieuse envie de fuguer qui la reprend à quatre-vingts ans. Grotesque ! » (Gabrielle, une des héroïnes lesbiennes du roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 77) ; « C’est ce gosse [en moi] qui en a profité. » (le voisin âgé du bel Emmanuel, le payant pour qu’il se dénude devant lui, dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré) ; « Je ne suis pas finie. » (l’héroïne dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « C’est pas mon genre de faire le mec. J’essaie. Je n’y arrive pas. Quelque part, je n’ai pas grandi. » (Julien Brévaille dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre (2006), p. 54) ; « Sylvia adorait la littérature néerlandaise moderne, sans doute parce que celle-ci, à une ou deux exceptions près, se compose exclusivement d’une espèce plus ou moins améliorée de livres pour grands adolescents, qu’on ne lit plus au delà de 25 ans. » (Harry Muslisch, Deux femmes (1975), p. 42) ; « 5, Je dis ce que je veux. » (cf. la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer) ; « Je n’ai jamais supporté l’autorité. » (Cyril, le héros du roman Pavillon noir  (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 191) ; « Je prends goût à tout ce qui est inachevé. » (Prior, l’un des héros homos de la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « Je veux pouvoir choisir de ne pas choisir. » (Paul, le héros homosexuel, à la fin du film « Grande École » (2003) de Robert Salis) ; « J’aime pas quand on m’impose un truc. » (Pierre, le héros homosexuel de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « L’attente, je déteste ça. » (Jonathan, le héros homosexuel de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « C’est mon anniversaire, je fais ce que je veux ! » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Les pédés, ils sont flous, excessifs, durs. » (un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Tout le monde m’aimait, et pourtant, j’étais capricieux. » (idem) ; « Seize ans, c’est l’âge des possibles. Je ne m’interdis rien. Pourquoi m’interdirais-je quoi que ce soit ? » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 23) ; « Ma tante rangeait derrière mon oncle, ma grand-mère derrière mon grand-père. D’un côté, j’en étais indignée. Mais de l’autre, j’aimais être un petit prince. Quand je serais grande j’aurais un harem plein de femmes. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 168) ; « Je suis un égo sur jambes. Y’a que moi qui m’intéresse. » (la productrice dans la pièce Psy cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Tes amis sont tous immatures. On devrait s’en débarrasser. » (Jean-Marc, le héros homosexuel s’adressant à son amant Jean-Jacques, à propos du groupe d’homosexuels refoulés des Virilius, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Vous ne pouvez pas continuer de fuir comme ça toute votre vie. Un jour, il va falloir que vous deveniez adulte. » (Mollie s’adressant à Christopher Wren, le héros homosexuel, dans la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; « Moi aussi, j’ai mauvais caractère. Un peu comme toi, d’ailleurs. » (Romane, l’héroïne lesbienne s’adressant à son père Alain, dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; « Tu n’as pas l’habitude d’essuyer des refus. » (sir Harold Nicolson s’adressant à sa femme Vita Sackville-West, lesbienne, à propos de Virginia Woolf, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Je vous renvoie également au film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka, à la chanson « Bohemian Rhapsody » du groupe Queen (avec Freddie Mercury jouant l’enfant refusant de mourir et de se séparer de sa maman), au film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier (avec Loïc, le héros paresseux et despotique), etc.

 

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville


 

Par exemple, les personnages homosexuels du roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie « se comportent en enfants gâtés » : « Ils ne sont pas autre chose. Ils ont toujours été entourés, choyés, cajolés. » (p. 81) Dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, Arnold, le héros homo, est montré comme un être puéril et impossible à vivre : « Il faut pas mal de cran et un sacré sens de l’humour pour vivre dans les pompes d’Arnold »… Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Zulma, la grand-mère travesti M to F, vole à l’étalage, pour sa fille Alba. Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Stéphane, le héros homosexuel, se décrit comme un « ado attardé qui n’arrive pas à grandir ». Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, le couple âgé homosexuel se comporte comme des gamines (Stella mange des sucettes, matte du porno lesbien ; Dotty fugue de sa maison de retraite) ; et après, Stella s’étonne quand même qu’« on la traite comme si elle avait 9 ans » ; et Dotty la recadre : « On n’est plus des petites filles, Stella. » Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec Nicole Stéphane et Édouard Dermith), Paul et Catherine se comportent comme des enfants turbulents, chipant des objets dans les épiceries, tirant la langue aux petites filles dans les restaurants, se chamaillant sans arrêt, etc. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne, l’héroïne bisexuelle de 15 ans, commande sérieusement un Happy Meal (pour les enfants) au Mc Do, et finit par agresser la restauratrice si elle n’obéit pas : « Je VEUX le jouet ! ». Avec ses jumelles-jouet gagnées avec son plat, elle scrute de près sa meilleure amie lesbienne Marie : « Trop bien ! Je vois les pores de ta peau ! » Ça saoule Marie : « J’en ai marre de tes conneries de gamine ! » Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, les deux amants Sieger et Marc font du trempoline avec Neetlje, la petite sœur de Marc.

 

Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, le trio d’homosexuels trentenaires Rudolf/Gabriel/Nicolas accumule les bourdes et les gamineries d’enfants espiègles et turbulents dans les montagnes autrichiennes. Par exemple, Gabriel et Nicolas ouvrent les cages à lapins alors que c’était défendu, et ils foutent la honte à leur ami Rudolf. Ils sont incapables de se tenir et d’agir en adultes. Plus tard, Nicolas joue à déglinguer les tire-fesses. Rudolf finit par capituler devant tant d’immaturité : « On n’a plus vingt ans. Moi, j’ai changé. Pas vous ! C’est pas Paris que je fuis : c’est vous ! »

 

Concrètement, beaucoup de héros homosexuels jouent des gamins qui sont « plus enfants que les enfants mêmes ». Autrement dit, ils sur-interprètent une enfance forcée, violée, aussi involontairement violente que l’hommage des personnes travesties ou transsexuelles M to F aux femmes réelles quand elles affichent avec sincérité une hyper-féminité d’apparat. L’hyper-jeunesse est fictionnellement signe ou moteur de violence.

 
PARODIES Collégiennes
 

Certains titres d’œuvres homo-érotiques connues sont d’ailleurs des signatures de la nature capricieux et inconstantes du désir homosexuel : cf. le troisième album Never Enough (1993) de Melissa Etheridge, le film « I Want What I Want » (1971) de John Dexter, le film « Nincsen Nekem Vagyam Semmi » (« C’est ce que je veux et rien d’autre », 2000) de Kornel Mundruczo, le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie (avec le faux magazine gay Obstiné, parodie de Têtu), la chanson « J’aime pas » de Stéphane Corbin, etc.

 
 

d) L’amour adolescent ou la sexualité régressive :

Film "Créatures célestes" de Peter Jackson

Film « Créatures célestes » de Peter Jackson


 

L’immaturité rejoint également la recherche d’amour homosexuel. Souvent, le héros gay est attiré amoureusement par la jeunesse, ou bien sa relation homosexuelle est circonscrite à une période d’adolescence prolongée : cf. la chanson « Depuis qu’il vient chez nous » de Dalida, le roman Les Vieux Enfants (2005) d’Élisabeth Brami, le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz), le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon (entre Victor et Selim, 17 ans), le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill (avec l’amour entre deux adolescents irlandais, Jim et Doyler), le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins (Chiron, le jeune héros homosexuel, sort avec son camarade Kevin), le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (racontant l’amour tumultueux entre deux lycéennes, Sarah et Charlène), le film « L’Âge atomique » (2012) d’Héléna Klotz, le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma (dépeignant l’« amour » entre Marie et Floriane, deux adolescentes de 15 ans), le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer (Johnny et Romeo, avant d’être amants, étaient d’anciens camarades de collège), le roman Deux Garçons (2014) de Philippe Mezescaze, le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, le film « Nagisa No Sindbad » (« Grains de sable », 1995) de Ryosuke Hashiguchi (Ito, lycéen rêveur, secrètement amoureux de son meilleur ami Yoshida), le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp (avec les deux jeunes athlètes Marc et Seiger), etc. (cf. je vous renvoie aussi aux codes « Pédophilie » et « Élève/Prof » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Avec son partenaire amoureux, ils retombent en enfance. Par exemple, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno et Pablo ont une drôle de façon de se déclarer leur flamme : ils s’offrent en cadeaux une pelle et un seau… Dans la chanson « Les Attractions-Désastre » d’Étienne Daho, la voix narrative invite son amant à venir « faire l’avion » avec elle. Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, les amants homosexuels jouent au cerf-volant ensemble dans une prairie. Dans le film « Cost Of Love » de Carl Medland, le beau Dale donne le biberon à un homme âgé qui est l’une de ses conquêtes. Dans le film « Die Bitteren Tränen Del Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, Petra traite sa servante-amante comme une petite fille (elle l’envoie même faire des coloriages !). Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Esti et Ronit, après avoir été meilleures amies d’enfance, reconstituent à l’âge adulte la parodie, cette fois sérieuse et amoureuse, de leur lien enfantin. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack et Paul qualifient d’enfantillages de cour de « récréation » leur relation conjugale. Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Mariam Keshavarz, la relation amoureuse entre Shirin et Atefeh reste cantonnée à leurs années lycées, quand elles avaient 16 ans. Dans la pièce Tu m’aimes comment ? (2009) de Sophie Cadalen, la bisexualité se marie directement à l’enfance, avec l’enfant garçon qui veut avoir des « z’amoureux ». Dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, Karma et Amy, deux lycéennes, cherchent à être populaires dans leur lycée en se faisant passer pour lesbiennes. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Tommaso, le héros homosexuel, pour expliquer à son frère Antonio qu’il est vraiment gay, revient sur son amitié particulière avec son camarade d’enfance Sasa : « On n’a jamais joué aux petites voitures, avec Sasa… » Dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Guillaume a connu son premier émoi homosexuel à 15 ans avec un certain Michael.

 

Dans les fictions homo-érotiques, l’homosexualité est spontanément associée à une sexualité de petit enfant, inachevée, incomplète, pré-pubère : « Vous faites de l’homosexualité infantile. » (Georges s’adressant à Jacob et Zaza, dans la pièce La Cage aux Folles (1973) de Jean Poiret) ; « On dirait des ados amoureuses. » (Bernd s’adressant à sa femme Marie par rapport à l’amante de celle-ci, Aysla, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; « Nous sommes comme les petits garçons qui mélangent leur sang. » (Malik à son amant Bilal, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « Ah la pension… j’ai que des bons souvenirs là-bas. J’ai rencontré Johnny là-bas. » (Maxime, le héros homosexuel de la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; etc. L’homosexualité est reléguée à l’expérience d’adolescence passagère : « Je pensais à une petite amourette, comme des écolières. » (Ninette par rapport à l’amour que lui propose Rachel, dans la pièce Three Little Affairs (2010) de Cathy Celesia) ; « Tu t’es entichée d’elle comme une gamine. » (Richard, le copain de Thérèse, l’héroïne lesbienne, lui reprochant de partir avec une femme, dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes) ; « On a fini dans mon lit d’enfance. » (Abby racontant qu’elle a couché avec son amie d’enfance Carol qu’elle connaît depuis l’âge de 10 ans, idem) ; etc. Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Angela Crossby ne prend pas au sérieux sa liaison amoureuse passagère avec Stephen, l’héroïne lesbienne : pour elle, il s’agissait juste de « quelques baisers d’écolières » (p. 196). Dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt, Eddy, jouant le rôle du père d’Édouard, suspecte ce dernier d’avoir eu une relation homosexuelle avec Michael, un camarade (fictif) du primaire, sur la cour d’école. Dans la pièce Les Amours de Fanchette (2012) d’Imago, la mère d’Agathe, voyant que sa fille est lesbienne, se lamente de son immaturité : « Faudrait d’abord qu’elle grandisse… » Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Jean-Marc affirme avoir une « sexualité adolescente » ; et Luc, son ex-compagnon, parle de « refaire du touche-pipi » avec lui. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben, le vieil oncle homo, pique la chambre d’adolescent de son petit neveu Joey, et y vit même une étreinte avec son amant George dans les lits superposés pour enfants.

 

Certains héros homosexuels, une fois qu’ils pratiquent les actes homosexuels, vivent différentes formes de régressions aux stades infantiles décrits par la psychanalyse (stade oral ou buccal, anal, génital, etc.) : « L’ocytocine, la molécule qui procure une sensation de plaisir pendant l’orgasme est aussi celle qui favorise le lien unissant la mère et l’enfant au moment de la tétée et la fidélité dans le couple. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « La voisine prit le nouveau-né dans ses bras, ouvrit son corsage, mettant à nu un sein bien rond d’où, tout gonflé comme il était, le lait sortait déjà. Elle le guida vers la petite bouche qui instantanément se mit à téter. Je m’imaginais tétant ce joli sein, et me renouvelai la promesse que je m’étais faite : posséder un corps féminin et en avoir tous les plaisirs possibles. » (Alexandra, femme mariée attirée par les femmes soit plus mûres soit plus jeunes qu’elle, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 27) ; « Je la déshabillai tout à fait. J’approchai  ma bouche de son intimité, la léchant tendrement, comme un petit animal qui laperait du lait. » (idem, p. 65) ; « Elle a de bonnes mains chaudes et, vu notre différence de taille, quand elle s’occupe de moi, je retombe presque en enfance… […] Parfois, quand il y a trop d’huile et qu’elle l’essuie, je me sens comme une gamine dont on nettoierait le derrière. » (idem, p. 95) ; « J’eus alors l’idée de sucer mon pouce en la fixant. » (idem, p. 99) ; « Elle s’approcha de moi, ouvrit son corsage, sortit un sein puissant et rose, elle prit dans ses doigts le téton et l’approcha de ma bouche. Je le happai instantanément, comme je l’avais vu faire par l’enfant de la voisine. » (idem, p. 99) ; « Nous nous sommes embrassées lentement d’un jolie baiser de jeunes filles. » […] J’aurais voulu que cette préparation fût plus longue encore, pour que je puisse sentir un désir tendre monter en moi, comme lorsque j’étais jeune fille. » (idem, p. 194) ; etc. Par exemple, dans le roman La Cité des Rats (1974) de Copi, un parallèle est fait entre le lait maternel et le sperme de Mimile bu par sa fille Vidvn (p. 64). Pareil dans la pièce La Pyramide ! (1975), où le lait de vache symbolise la fellation. Fictionnellement, le sperme masculin est régulièrement confondu avec le lait maternel : je pense en particulier au film « La Manière Forte » (2003) de Ronan Burke (avec Adam, qui est utilisé comme une vache-à-lait du couple d’héroïnes lesbiennes), ou bien encore au film porno « Le Lait Nestlé » (2003) d’Hervé Joseph Lebrun. Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, lécher une glace est vu comme un signe d’homosexualité. Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, la mère de Laurent (jouée par Laurent lui-même) confond les Playboys et les Playmobils. Il n’est pas innocent que, dans les créations artistiques crypto-homos, le coït homosexuel fasse l’objet d’un traitement musical sur le mode de la comptine. Je vous renvoie par exemple au faux film porno « Bourre, bourre et ratatam » dans lequel Rick a joué dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie.

 

L’un des nombreux symboles fictionnels de la régression infantile que représente l’amour homosexuel, je dirais que c’est le bilboquet. « Quand Solange était petite, à l’âge de 5 ans, elle était fascinée par un enfant qui vivait sur le même palier, de 2 ans son aîné, qui passait sa journée assis dans l’escalier en train de jouer au bilboquet. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 112) ; « Je lui ai arraché les yeux pour m’en faire un bilboquet. » (Doris, l’héroïne lesbienne, parlant de l’actrice blonde Truddy, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; etc. On retrouve ce jouet en tant que code (un peu trivial et potache, du coup) censé mimer la pénétration anale par exemple dans le film « Les Hommes ne pensent qu’à ça » (1953) d’Yves Robert, le film « La Reine Margot » (1954) de Jean Dréville (avec le roi Henri III et son bilboquet), la chanson « Le Bilboquet » (1930) de Fernandel (abordant directement le sujet de l’homosexualité), la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim, etc. Dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, la statue de l’enfant au milieu de la place joue au bilboquet (p. 18). Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Bill se définit lui-même comme un bilboquet : « Bill comme Bilboquet » Par exemple, dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony MacMurrough qualifie ses amants-prostitués de « bilboquets merdeux ».

 

Le héros homosexuel demande en général deux choses impossibles à son amant : que ce dernier l’aime comme lui imagine qu’une mère (incestueuse) aime son enfant ; ou qu’il se laisse aimer par lui comme un enfant, par son cœur de père : « Je caresse tes cheveux blonds. J’enlace ta jeunesse. » (Vincent à son amant Arthur, pourtant à peu près du même âge, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 47)

 

En sortant avec un homme nettement plus jeune que lui, il a l’impression de redevenir jeune, par un curieux atavisme fusionnel ; et de même, avec un homme beaucoup plus âgé, qui le dorlotera comme un petit bébé : « Il m’a semblé qu’aimer Ben c’était aimer celui que j’avais été, des années auparavant. » (Michael dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 26) ; « Je m’étais fait l’illusion de retrouver en vous ma propre jeunesse, mais rien en vous ne me séduit. Il y a trente ans je vous aurais peut-être trouvé désirable, et encore je ne suis pas sûr de cela, et puis vous n’étiez qu’un nouveau-né. » (Cyrille, le héros homo, au jeune journaliste, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Je rentrai à la maison à pied avec le sentiment d’être à la fois étrangement jeune et étrangement vieille. » (Anamika, l’héroïne lesbienne de 18 ans, après avoir couché avec Linde, une femme mariée qui a l’âge d’être sa mère, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 43) ; « J’ai l’impression d’être à la recherche de mon enfance… » (Polly, l’héroïne lesbienne, évoquant son aventure avec son premier amour lesbien, Amandine, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 18) ; « La vérité, c’est que la différence entre Claude et moi, c’est l’âge ! Trente ans. Exactement trente ans trois mois et sept jours. Vous savez c’que ça veut dire cette différence ? Ça veut dire que j’ai la jeunesse, que cette salope m’a choisie pour ça, et qu’elle me jalouse. » (Polly parlant de sa compagne Claude, de 30 ans son aînée, op. cit., p. 78) ; « Vardelek revenait toujours avec l’air d’être beaucoup plus âgé, épuisé et las. Gabriel [jeune homme de 14 ans] se précipitait à sa rencontre et l’embrassait sur la bouche. Alors le comte [Vardelek] frissonnait légèrement et, après un petit moment, recommençait à avoir l’air très jeune. » (Erick von Stenbock, Histoire vraie d’un vampire, 1894) ; « Lola, viens ici. Je ne t’autorise pas à faire ce genre de caprice. » (Vera s’adressant à son amante Lola en la grondant, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Ça va ! Je suis pas ta mère ! » (Lola s’adressant à son amante Nina, idem) ; « Tu ne sais jamais rien. J’en ai assez de te materner, Nina. » (idem) ; « Tu es une petite fille dans ta tête. » (Vera s’adressant à Nina, idem) ; « Oui, c’est confortable de stagner dans l’enfance. » (Lola parlant de Nina à Vera) ; etc. Rien d’étonnant qu’à un moment donné, il finisse par ne plus supporter ni l’infantilisation ni son paternalisme !

 

L’infantilisation qu’est la pratique homosexuelle dépasse largement le « couple » fictionnel homosexuel. Elle renvoie à la société toute entière, à un processus étatique. « C’est criminel de la part d’un État d’avoir infantilisé ainsi les gens. » (le père de Claire, l’héroïne lesbienne, à propos du gouvernement Hollande qui a fait passer le « mariage pour tous », dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
 
 

a) J’ai 10 ans, je sais que c’est pas vrai mais j’ai 10 ans…

Steevy Boulay

Steevy Boulay (et son Bourriquet)


 

L’homophilie est une structure psycho-affective, une tendance ou, si l’on préfère, une période de latence occupant les six ou sept premières années de l’enfance. L’être humain n’a donc pas vocation de s’y installer éternellement, et encore moins à l’âge de la maturité adulte. Et s’il s’y installe (à travers une homosexualité-identité ou une homosexualité actée), il s’expose fatalement à adopter des comportements régressifs, autrement dit immatures.

 

En général, les personnes homosexuelles veulent rester éternellement jeunes, ne jamais quitter l’enfance. Elles le disent parfois explicitement : « J’ai l’impression d’être un enfant bloqué dans un corps d’adulte me confrontant aux mondes d’adultes. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; « Longtemps, je n’ai pas voulu grandir. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 258) ; « Cher Jorge Lavelli, Je te donne cette pièce en souvenir attendri de la ville de Buenos Aires qui a été, pour nous aussi, un peu le parc de notre enfance. C’est dans un coin de rue rose de cette ville que nous avons tué à coups de marteau dix-sept facteurs, un marchand de melons et la putain du coin avant d’aller comme des gosses scier les arbres des patios de San Telmo. » (cf. l’extrait d’une lettre de Copi à Jorge Lavelli, en préface de la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « Je me reconnais à 100% dans le personnage de Claudine Dorsel dans le Club des Cinq ; Comme elle, je ne voulais pas grandir, comme elle j’aurais préféré vivre à l’âge adulte seule dans mon île avec mon chien. […] Grandir me terrorisait. J’en faisais des crises d’angoisse dès que j’y pensais. J’ai accueilli comme un soulagement le redoublement du CM2, et j’ai pu sympathiser avec des filles plus jeunes, qui partageaient donc plus mes centres d’intérêt. Mais la puberté a été quand même été terrible pour cette raison. Je ne voulais surtout pas devenir comme ces femmes que je connaissais. Surtout comme ma mère. J’avais l’impression qu’elle vivait sa maternité comme une source de frustration, à l’époque. S’il fallait grandir, je voulais garder le goût de l’aventure, le plaisir du jeu. Un peu comme un homme, me disais-je. Je voulais être militaire, pilote de chasse, parce que c’était à mes yeux le truc le plus enivrant qu’on puisse faire. Ma vue, qui s’est détériorée, ne m’a pas permis de perdurer dans cette ambition. […] À partir de 14 ans, je me suis progressivement volontairement coupée des jeunes de mon âge, jusqu’à finir dans un isolement complet en prépa. J’étais devenue une fille repliée sur elle-même, asociale, complexée, effrayée de tout. » (cf. l’article « Tom Boy à l’affiche » de Bab El) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007), le couple Gustav Hofer et Luca Ragazzi se montre en train de laver ses figurines en plastique des dessins animés de Walt Disney dans une bassine (« Pour se détendre, ils cultivent en eux l’enfant qu’ils n’ont jamais cessé d’être. » commente la voix-off). Le poète homosexuel espagnol Luis Cernuda, quant à lui, décida toute sa vie de « se réfugier dans son imaginaire ou rester comme un enfant » (Armando López Castro, Luis Cernuda En Su Sombra (2003), p. 16). Le documentaire « Jenny Bel’Air » (2008) de Régine Abadia est présenté comme « l’histoire d’un petit garçon [le travesti M to F Jenny Bel’Air] à qui on a volé une enfance » (dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 80). Parmi mes amis homos, j’en connais énormément qui sont restés accros à leurs peluches, à leurs dessins animés, et à leurs jouets, alors même qu’ils ont trente ans passés…

 

Le réalisateur grec Panos H. Koutras

Le réalisateur grec Panos H. Koutras


 

Par ailleurs, je me faisais la remarque que le jeunisme était un des signes les plus latents de l’homosexualité un jour que je me trouvais dans le métro face à deux couples d’hommes gays de 50 ans qui se trouvaient dans le même wagon que le mien. J’ai immédiatement deviné leur homosexualité simplement parce qu’ils ne portaient pas les vêtements de leur génération, et qu’ils faisaient tout pour ne pas faire leur âge. En dehors de tout jugement moralisant ou de débat de goûts (car en plus, je trouve que parfois, la contrefaçon est très réussie et à peine identifiable/ridicule), je constatais que ne pas assumer son âge et s’habiller « jdeunes » et « fashion », ça faisait particulièrement homosexuel, ça faisait tout de suite pédale du Marais ou métrosexuel bisexuel.

 
 

b) Peter Pan :

PARODIES Peter Pan Girls

 

Pour poursuivre sur la même idée, il est peu surprenant que certaines personnes homosexuelles s’identifient à Peter Pan, le mythique héros qui refuse de grandir : « Elle est belle, mais difficile à peindre… Tu aurais dû choisir Peter Pan. » (Silvia parlant à Delia de son portrait d’Evita, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 182) ; « J’aimais les histoires de chevalier, je m’imaginais Robin des Bois, ou encore Peter Pan. » (cf. l’article « Tom Boy à l’affiche » de Bab El) ; etc. Peter Pan est le personnage préféré de beaucoup de personnalités homosexuelles (Jean Sennac, Michael Jackson, Alan Moore, Clive Barker, Bruno Moneroe, etc.). Par exemple, l’acteur britannique homosexuel Ian McKellen a joué le Capitaine Crochet dans le spectacle Peter Pan (1998). William Burroughs s’est énormément inspiré de la mythologie de Peter Pan pour écrire son roman Les Garçons sauvages (1972). Lors du débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017, Lucas Carreno, femme F to M, est née jumelle avec un frère. Quand elle était petite, elle s’identifiait toujours à Peter Pan ou Mowgli. Certaines chanteuses et icônes gays sont rentrées dans la peau de la fée Clochette ou de Peter Pan : Alizée, les Spice Girls (cf. le vidéo-clip de la chanson « Viva Forever »), etc.

 

Tout cela s’explique assez bien. Le désir homosexuel, parce qu’il s’éloigne du Réel en rejetant en grande partie la différence des sexes, encourage les individus qui le ressentent à s’éloigner aussi d’un autre « roc » du Réel qui est la différence des générations. Le psychologue Dan Kiley a tracé, non sans raison, le lien entre homosexualité et Syndrome de Peter Pan (SPP), même s’il se garde fort heureusement de tomber dans la généralité : « Il est intéressant de voir qu’au théâtre le rôle [de Peter Pan] est généralement confié à une jeune fille. » (p. 132) ; « Je ne veux bien évidemment pas dire que tous les gays le sont parce qu’ils sont victimes du SPP (même si certains d’entre eux correspondent effectivement à la description de la victime du SPP). » (idem, p. 42)

 
 

c) Parodie du môme immature jouée par un adulte:

Comme le constate à juste raison Pascal Bruckner dans son essai La Tentation de l’innocence (1995), « Notre époque privilégie un seul rapport entre les âges : le pastiche réciproque. Nous singeons nos enfants qui nous copient. » (p. 95)

 

Film "Tick Tock Lullaby" de  Lisa Gornick

Film « Tick Tock Lullaby » de Lisa Gornick

 

Ce refus de vieillir et cette obsession pour la jeunesse ont leur revers déplaisant : ils transforment bien souvent leur adulateur homo en petit sale gosse turbulent et immature… car en effet, à son insu, ils l’ont éloigné du réel : « Il faut admettre que ce comportement d’éternel adolescent me jouait parfois de vilains tours. Effectivement, je tombais amoureux mais cela ne durait pas plus d’une semaine. » (Ednar, dans le roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 132) ; « Si j’aime, je dis que je ne n’aime pas. Si je n’aime pas, je dis que j’aime. » (Jean Cocteau, cité dans le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala) ; « Marc avait raison, elle serait perpétuellement une éternelle gamine qui ne mûrirait jamais. Il arrive que des inconscients me fassent remarquer que je ne sais pas ce que c’est que d’avoir des enfants. Ils sont dans l’erreur car pendant douze ans, j’ai eu Martine sur les bras. » (Paula Dumont parlant de sa compagne Martine, avec qui elle est restée 12 années, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 163) ; « Je me préfère toujours aux autres et je n’ai jamais eu envie de changer quoi que ce soit ni à mon apparence ni à mes attirances. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), pp. 7-8) ; « Si tant est que je puisse être modeste… » (Blandine Lacour à l’émission Homo Micro de Paris Plurielle, diffusée le 11 avril 2011) ; « Je devins bientôt un enfant brillant mais de caractère difficile. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 12) ; « Je déteste beaucoup de choses dans la vie. » (Lucía Etxebarría, auteure bisexuelle, lors de la présentation de son roman Le Contenu du silence (2012), organisée à la Galerie Dazelle de Paris, le 12 juin 2012) ; « J’ai été mal dans ma peau jusqu’à l’âge de 20 ans. Je me trouvais moche, je ne plaisais pas. J’ai vite compris qu’il fallait que je séduise par autre chose que mon physique. J’avais l’humour caustique, un peu anglais. J’étais vieux à 20 ans et jeune à 40, l’âge où j’ai commencé à déboutonner mon corset. » (Stéphane Bern, Paris Match, août 2015) ; « Dans un tract politique nazi du 16 septembre 1919, on pouvait lire ce slogan : ‘L’Allemagne est en train de devenir une ‘maison chaude’ pour les fantasmes et l’excitation sexuelle.’Cette formule correspondait à une réalité certaine. Des touristes du monde entier venaient à Berlin, parce qu’elle était surnommé ‘Sin City’… On pouvait même trouver des filles de 10-11 ans portant des habits de bébés qui se promenaient de minuit à l’aube en concurrence avec des blondes luxuriantes, nues dans leurs manteaux de fourrures. Ou avec des garçons habillés en poupées, poudrés, les yeux faits, et du rouge aux lèvres. Pas moins de deux mille prostitués mâles sillonnaient les rues de Berlin, tous listés par la police. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 31) ; etc.

 

Certains ouvrages homo-érotiques sont des signatures de la nature capricieuse et immature du désir homosexuel. Je vous renvoie au titre du magazine homosexuel français par excellence, Têtu.

 

Pochette du single "Plus grandir" de Mylène Farmer

Pochette du single « Plus grandir » de Mylène Farmer


 

Par exemple, dans ses chansons, Mylène Farmer, l’icône gay française en titre, joue presque systématiquement la femme-enfant capricieuse ou névrosée (cf. « Plus grandir », « Chloé », « Sans contrefaçon », « L’Horloge », « On est tous des imbéciles », « Dessine-moi un mouton », « Libertine », « Maman a tort », « Effets secondaires », « Comme j’ai mal », « Lonely Lisa », « Monkey Me », etc.) ; et de plus, elle a « salegossisé » sa petite protégée, Alizée, en lui faisant chanter des mélodies aux jeux de mots salaces (« Mon Maquis », « Veni Vidi Vici ») ou en la forçant à grossir sa jeunesse (« J’en ai marre », « J’ai pas 20 ans ! », « Youpidou », « Parler tout bas »).

 

Autre exemple, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, le spectateur assiste, médusé, à la chorégraphie de petites fillettes façon mangas adolescents japonais effectuée par les quatre comédiennes adultes. Elles sont font à elles-mêmes des réflexions qui résonnent comme des aveux : « T’es devenue trop mature. » (Kanojo s’adressant à son amante Juna)
 

La parodie de jeunesse ainsi effectuée par la communauté LGBT ne rejoint pas les vrais enfants, mais au contraire l’enfant métaphorique despotique (mi-sale gosse mi-adulte) que certaines personnes homosexuelles deviennent parfois. Leur relationnel garde souvent d’elles une image de petits tyrans puérils et inconstants. C’est ce qui transparaît quand on lit les biographies de Virginia Woolf, Marcel Proust, Violette Leduc, Jean Genet, Federico García Lorca, Luis Cernuda, James Dean, Charles Trénet, Miguel de Molina, pour ne citer qu’eux. « Tous ceux qui ont connu Julio Antonio Gómez Fraile parlent d’un grand enfant, capricieux et obstiné dans ses désirs. » (www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) ; « Genet était insaisissable, cabotin, profiteur, insupportable. Et en même temps sa gentillesse, son côté enfantin ! » (cf. l’article « Jacques Guérin : Souvenirs d’un collectionneur » de Valérie Marin La Meslée, dans le Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 73) ; « Dès le début de sa carrière, Cocteau entre de plain-pied, après une adolescence fiévreuse et brûlante d’enfant gâté, dans les hauts parages de la société parisienne. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 204) ; « Il ne supportait pas l’ennui. Il fallait toujours le surprendre sinon il se dégoûtait vite. » (Myriam Mezières dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 71) ; « Marcel est génial, mais c’est un insecte atroce, vous le comprendrez un jour. » (Lucien Daudet à propos de Marcel Proust, cité par Jean Cocteau dans son article posthume Le Passé défini, 1983) Par exemple, l’écrivain Paul Bowles a très bien décrit « l’enfant-femme que Carson McCullers a été toute sa vie » (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 17) ; « J’aimais énormément Carson. C’est un démon, mais je la respectais. » (Truman Capote dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, p. 189) ; « J’ai toujours ressenti Carson comme une destructrice, et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi de ne jamais me lier trop intimement avec elle. De l’affection pour elle, j’en avais très réellement. […] Carson reste dans mon esprit comme un génie enfant. » (Elizabeth Bowen à Virginia Spencer Carr, op. cit., p. 261) Gómez de la Serna présente Antonio de Hoyos comme « un enfant gâté par sa mère » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 129) ; « Cocteau a eu la vie facile. » (la voix-off du documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) Yves Riou et Philippe Pouchain) ; etc. Dans le biographie James Dean (1995) de Ronald Martinetti, James Dean est défini par Alec Wilder comme « un gosse avec un esprit de gosse » (p. 90) et un « enfant gâté manipulateur et extrêmement égoïste » (p. 21). Dans la biographie du poète homosexuel espagnol Federico García Lorca, écrite par le frère de ce dernier, Francisco, il est question de « cette sensation de pouvoir infantile qui se réveille en Federico » (Francisco García Lorca, Federico Y Su Mundo (1980), p. 27). Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, les amants Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent se traitent mutuellement d’« enfants gâtés ». Dans son essai Le Rose et le Noir (1996), Frédéric Martel qualifient certains militants homosexuels des années 1970-1990 d’« enfants gâtés du capitalisme » (p. 114). Les personnes homosexuelles ne démentent pas toujours leur côté sale gosse. Par ailleurs, Jean Cocteau avouait lui-même avoir grandi « avec trop de chance, dans un milieu qui ne goûtait pas les choses qu’il devait lui devenir saintes » (cf. le documentaire « Jean Cocteau, autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky).

 

PARODIES barbu nounours

 
 

d) L’amour adolescent ou la sexualité régressive :

L’immaturité rejoint également la recherche d’amour homosexuel. Souvent, le sujet homosexuel est attiré amoureusement par la jeunesse, ou bien son histoire d’amour homosexuel est circonscrite à une période d’adolescence prolongée (cf. je vous renvoie aux codes « Pédophilie » et « Élève/Prof » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Avec son partenaire amoureux, ils retombent souvent en enfance. « Une des caractéristiques de l’amour homosexuel, avec son culte du jeune homme merveilleux, consiste à abolir le temps. » (John Sutherland, Is Heathcliff A Murderer ? Puzzles In The 19th Century Fiction, 1938) ; « Quand on est en couple, on essaie de ne pas trop attirer l’attention. Comme beaucoup d’ados, d’ailleurs. » (Wilfried de Bruijn, homo en couple, à propos des « couples » homos, dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt) ; « Et cet amour tel qu’il s’exprime reflète peut-être un manque de maturité. » (Franco Brusati interviewé par Claude Beylie au sujet de l’homosexualité, dans la revue L’Avant-Scène Cinéma, n°277, le 1er décembre 1981) ; « Je ne comprends toujours pas comment j’ai pu atteindre mon âge si avancé, tomber amoureux de plusieurs garçons et passer à l’acte, même si ma pratique sexuelle restait très adolescente, sans réaliser que j’étais tout simplement homosexuel. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 30) ; « J’ai l’impression que pour moi le temps s’est arrêté à l’adolescence. Aujourd’hui, j’ai 45 ans et je suis systématiquement séduit par des très jeunes hommes d’environ une vingtaine d’années, comme si moi-même j’étais resté fixé à cet âge-là. » (idem, pp. 47-48) ; « J’ai regardé notre couple avec indulgence : deux vieilles adolescentes qui avaient attendu vingt ans pour s’aimer. » (Paula Dumont parlant de son couple avec Catherine, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 41) ; « Moi, je m’estimais immature et nullement prêt pour être livré à moi-même. […] Je ressentais un vif plaisir à rester le fils de ma mère, en jouant avec mes camarades dans des rôles, où l’on pouvait me protéger, où je n’avais pas à prendre de décisions ou à prouver un statut de responsable. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 19-20) ; « C’est pendant mon adolescence que j’ai vécu les ‘mauvaises habitudes’. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; etc.

 

PARODIES Tatu

 

Freud et la psychanalyse avaient vu juste en décrivant la structure homosexuelle comme un arrêt dans le développement psycho-sexuel d’un individu. Car du côté homosexuel comme non-homosexuel, on remarque que l’homosexualité est spontanément associée à une sexualité de petit enfant, inachevée, incomplète, pré-pubère. Certaines personnes homosexuelles, une fois qu’elles pratiquent les actes homosexuels, vivent différentes formes de régressions aux stades infantiles (stade oral ou buccal, anal, génital, etc.) qu’elles décrivent parfois sans même se rendre compte de la signifiance de leurs propos : « C’est comme ça. Je me suis toujours senti plus à l’aise en couches. J’ai toujours trouvé les mecs en couches très excitants. » (Jerry, graphiste homosexuel canadien de 38 ans, cité dans l’ouvrage Le Sexe bizarre (2004) d’Agnès Giard, p. 131)

 

Même si elles y mettent du sentiment et de la sincérité (dans le meilleur des cas), les personnes homosexuelles n’ont pas une sexualité véritablement adulte quand elles choisissent de vivre en couple : celle-ci relève prioritairement du jeu adolescent, de la simulation, de l’imaginaire, de l’artifice. Certaines plaisantent très souvent entre elles sur la « sexualité touche-pipi »… mais elles ont quasiment toutes commencé par elle – souvent avec angoisse d’ailleurs –, et l’ont maintenue à l’âge adulte, cette fois dans sa version « trash », pour se donner l’illusion qu’elles la vivaient de manière plus mature et responsable. De même, nous pourrions tout à fait comparer la fellation (pratique qui n’est pas exclusivement homosexuelle mais qui reste très répandue parmi les hommes gay) à une sorte de retour au biberon, comme l’a suggéré à juste raison Hervé Joseph Lebrun dans son film érotique « Le Lait Nestlé » (2003), preuve que la sexualité humaine est parfois régressive. Helene Deutsch, Sigmund Freud, ou bien encore Simone de Beauvoir, évoquent le rapport de proximité entre homo-sexualité et adolescence. Il n’est pas innocent que Colette décrive le coït lesbien comme une « sexualité de petites filles », ou que le rapport homogénital fasse l’objet d’un traitement musical sur le mode de la comptine : par exemple, les chansons « Quel souci La Boétie ! » de Claudia Phillips, « Orgasmique » du rappeur homo Monis, et « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, reprenant l’air d’« am-stram-gram », se référent ludiquement aux coïts homosexuels masculins.

 

Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko, homosexuel, raconte comment le premier attouchement pédophile qu’il a vécu l’a ramené à un agréable souvenir  sensoriel d’enfance : « J’avais trouvé cette pratique agréable au même degré que lorsque tout petit ma nourrice s’amusait à faire de mes fesses et de mon sexe, son jouet favori. » (p. 35)

 

L’un des nombreux symboles de la régression infantile que représente l’amour homosexuel, c’est à mon avis le bilboquet. Ce jouet était, dans l’imaginaire collectif homosexuel, l’ancêtre espiègle des sex toys d’aujourd’hui. Par exemple, dans l’essai Le Musée de l’Homme : Le Fabuleux Déclin de l’Empire masculin (2005) de David Abiker, Victor, l’ami gay, possède sur la table basse de son salon, des magazines (Têtu, Match, Télérama) et… un bilboquet !

 

Il est fréquent que certains individus homosexuels idéalisent un amour de jeunesse dont ils n’ont pourtant qu’un vague souvenir (le Maximin de Stefan George, le Ednar de Jean-Claude Janvier-Modeste, le Jimmy de Gore Vidal, etc.) En sortant avec un homme nettement plus jeune qu’eux, ils ont l’impression de redevenir jeunes ; et de même, avec un homme beaucoup plus âgé, qui les dorlotera comme un petit enfant : « Aux différents âges de ma vie, ceux qui m’ont aimé se sont adressés à moi comme un enfant. Il est vrai qu’aimer consiste à ne pas sortir de l’enfance. Ainsi n’ai-je pas accédé à l’état adulte. J’ai la faiblesse de croire qu’il s’agit d’une grâce. » (Christian Giudicelli dans son autobiographie Parloir (2002), p. 60) ; « J’ai tout d’abord rencontré Claire, une femme de mon âge, à l’air austère. Mais elle n’était attirée que par les filles de vingt ans. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 198) Mais ils ne se rendent pas toujours compte qu’ils demandent en général deux choses impossibles à leur amant : que ce dernier les aime comme ils imaginent qu’une mère aime son enfant (souvent une mère incestueuse, trop obligeante dans sa sollicitude) ; ou qu’il se laisse aimer par eux comme un enfant, par leur cœur de père. Rien d’étonnant qu’à un moment donné, ils finissent par ne plus supporter ni l’infantilisation ni leur propre paternalisme !

 

Vidéo-clip de la chanson "Lucky Love" d'Ace of Base

Vidéo-clip de la chanson « Lucky Love » d’Ace of Base


 

(Je rappelle pour finir que ce code fonctionne en doublon avec le code « Éternelle jeunesse » dans ce même Dictionnaire.)

 
 

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Code n°137 – Parricide la bonne soupe (sous-codes : Destruction des hommes / Père absent ou indifférent / Hamlet / Recherche du père avortée)

Parricide

Parricide

À mon papa, José Ariño,

que j’aime comme un fils essaie d’aimer son père.

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

Homosexualité : la crise mondialisée de paternité

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

L’homosexualité indique-t-elle un problème relationnel avec le père ? « N’importe quoi ! » me diront les quelques rares personnes homosexuelles qui soutiennent qu’elles s’entendent parfaitement bien avec leur papounet d’amour. Et elles n’auront pas tort : le cliché de la haine homosexuelle du père reste une image qui inclut de nombreuses exceptions humaines. « Sottise ! » sortiront ceux qui pensent que « tout le monde a un problème avec son père, homos et hétéros confondus ». Et ils n’auront pas tort non plus ! Tous les êtres humains ont, universellement, un contentieux à régler avec leur papa, non seulement biologique mais aussi adoptif et symbolique (par « père symbolique », j’entends le Réel, le pouvoir, la Loi, la force, l’effort, la guerre, les limites, la Parole, Dieu). La paternité est un enjeu fort qui se joue, se règle, et s’accomplit sur la durée et la distance. Mais dans la gestion de ce contentieux, certains individus s’en sortent beaucoup mieux que d’autres. Et à l’évidence, le rapport au père, de la part des personnes homosexuelles, est particulièrement blessé, tendu, inexistant, excessivement fusionnel.

 

Les clichés de l’homosexualité évoquant le père absent ou la haine du père, même si évidemment ils ne sont pas à transformer en causes directes de l’apparition d’un désir homosexuel, sont, je crois, le signe que les individus homosexuels et hétérosexuels ont vécu une rupture avec leur père plus marquée que les personnes non-homosexuelles et non-hétérosexuelles, et ce, de manière quasi générale, comme le prouve l’enquête Spira et tous les témoignages amicaux que je peux entendre : « Le sous-échantillon Spira confirme que les adolescents homosexuels masculins ont des relations beaucoup plus faciles avec leur mère qu’avec leur père, et ce dans des proportions extrêmement significatives, qui le sont encore davantage si on les compare aux hétérosexuels. Le dialogue sur la sexualité avec le père était ‘difficile’ ou impossible pour la quasi-totalité (98%) des adolescents homosexuels. » (Alfred Spira, Les Comportements sexuels en France, 1993) L’aversion homosexuelle pour le père biologique et ses figures symboliques traduit bien plus largement une misandrie sociale, c’est-à-dire un mépris croissant pour les hommes du simple fait qu’ils seraient naturellement, de par leur sexuation, des prédateurs, des bébés immatures, des abrutis vulgaires, violents, et prétentieux. Aujourd’hui, ce mépris anti-mâles passe complètement inaperçu aux yeux de nos contemporains féministes luttant contre le diable de la « domination masculine patriarcale », et retombe de surcroît en violence accrue sur les femmes réelles.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homme invisible », « Haine de la famille », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Ombre », « Inceste », « Matricide », « Homosexuels psychorigides », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Don Juan », « Femme et homme en statues de cire », « S’homosexualiser par le matriarcat », et « Orphelins », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

La diabolisation des hommes

par les hommes gays

 

Beaucoup d’individus gays nourrissent depuis leur enfance une haine viscérale contre la gent masculine. Le « mâle » et le « mal » sont souvent des synonymes dans leur esprit et dans leurs discours. Malgré leur maturité d’adultes, ils restent encore étonnés de trouver chez les garçons les qualités qu’ils n’envisageaient découvrir que chez les femmes (douceur, attention, écoute, grâce, sensibilité, etc.). Par conséquent, à chaque fois qu’ils pensent voir ces dernières chez les hommes, ils se laissent totalement charmer et perdent tous leurs moyens. Ils tombent dans le piège de croire que le seul individu (avec eux !) qui incarne cette autre « nature masculine exceptionnellement raffinée » n’est pas vraiment homme, et qu’ils doivent sûrement l’aimer d’amour. Pour ce qui est du reste de leurs semblables sexués, ils s’en font en général une image particulièrement déshumanisée et machiste de brutes épaisses. Par cette caricature réductrice, ils ne prennent pas conscience qu’ils blessent vraiment les hommes réels non-hétérosexuels (qui n’ont rien à voir avec les personnages masculins des publicités et des films).

 

Le principal représentant de ces derniers est bien sûr le père. Beaucoup de sujets homosexuels disent avoir une relation très mauvaise voire inexistante avec leur père (biologique, et surtout symbolique). Ils gardent de lui l’image d’un bon à rien qu’ils doivent remplacer et qui a rendu leur mère éternellement malheureuse. À les entendre, le père universel possède tous les défauts qu’un être humain puisse avoir : il est odieux, ridicule, autoritaire, démissionnaire, mort, ou endormi parce qu’il déserte son rôle de géniteur (… un peu comme eux finalement). Beaucoup de réalisateurs homosexuels ont coutume de présenter la recherche de père comme un prétexte au faux voyage, ou bien une quête perdue d’avance. Dans leurs fictions, ils inversent les rapports d’éducation : ce sont les enfants fictionnels qui éduquent leur père, et non l’inverse.

 

En matière de sexualité, la substitution au père peut se traduire par la composition de couples homosexuels dont l’écart d’âge entre partenaires est assez prononcé. L’homosexualité agit alors comme un meurtre à la fois réel et symbolique du père : nous retrouvons très souvent dans les œuvres homo-érotiques le thème du parricide, et notamment une prédilection pour le personnage d’Hamlet. Comme, en fantasme, certains individus homos ont désiré que leur père meure, ou bien parce qu’ils ont regretté son absence (du fait de sa mort, de son indifférence, de son éloignement géographique…), ils pensent parfois l’avoir réellement tué. La haine du père peut également cacher un désir incestueux refoulé. Par exemple, John, dans le film « Rebel Without A Cause » (« La Fureur de vivre », 1955) de Nicholas Ray, avant d’avouer que son père est toujours vivant et qu’il le déteste à travers l’idéalisation, fait croire qu’il est un héros légendaire de la mer de Chine mort courageusement au combat.

 
 

Ces femmes lesbiennes

misanthropes et misandres

 

Généralement, les femmes lesbiennes ne respectent pas davantage les hommes que les hommes gay. Certaines aiment beaucoup les messieurs, certes, mais pour s’en servir comme paravent de la sexualité. « Les garçons me protégeaient ; j’étais à l’abris avec eux. » (Véronique, femme lesbienne interviewée dans l’essai Les Chrétiens et l’homosexualité (2004) de Claire Lesegretin, p. 258) Elles les regardent comme des objets, étant donné qu’elles disent très souvent qu’elles les préfèrent « vus de dos » (Marie-France, femme lesbienne de 54 ans, dans le documentaire « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) et non de face. Ceci est particulièrement flagrant dans les romans de Colette, où les protagonistes masculins sont quasiment toujours observés de dos ou endormis (Je vous renvoie également à la partie « Dos » du code « Amant comme modèle photographique » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

L’aversion lesbienne pour les hommes n’est pas à prendre totalement au pied de la lettre, dans la mesure où beaucoup de femmes ont confondu l’homme imagé avec l’homme réel. C’est pourquoi, lorsque certaines déclarent très sincèrement que la haine lesbienne des hommes est un « mythe homophobe » (Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004), p. 152), je crois qu’elles ont en partie raison, du moins dans le monde de l’intention. Mais dans le monde de la réalité concrète et des désirs, comme la distinction entre image et Réalité n’a pas toujours été faite, cette haine peut devenir effective. La butchphobie ou la gayphobie sont des signes tangibles de ce rejet de l’image des hommes, et parfois des hommes réels, exercé par certaines femmes lesbiennes. À entendre beaucoup d’entre elles, l’homme n’aurait jamais fait le bonheur de la femme au cours de l’histoire de l’Humanité. Il ne serait qu’un être lubrique, un obsédé sexuel, un violeur en puissance qui ne penserait qu’à « grimper les femmes ».

 

Paradoxalement, leur critique virulente du patriarcat s’accompagne d’une idéalisation diabolisée de la gent masculine. Elles pensent que l’homme, parce qu’il possède un pénis, est le seul à pouvoir être rongé par l’orgueil, étant donné qu’elles ont fétichisé le pénis en sceptre magique (qu’elles appellent à tort « phallus », alors que ce dernier ne désigne pas l’organe génital « pénis », mais la puissance narcissique et sexuelle n’appartenant pas plus aux hommes qu’aux femmes : cf. Jacques Lacan, « La Signification du phallus », conférence prononcée en 1958 et publiée pour la première fois dans les Écrits (1966), pp. 685-695) avant d’afficher pour celui-ci un profond mépris : « Ça gêne les hommes de savoir que les femmes lesbiennes puissent avoir du plaisir sans leur pénis ! » disent certaines. Beaucoup de femmes lesbiennes s’opposent au sexisme parce que précisément elles sont en général sexistes et génitalistes.

 

Enfin, à propos de la relation entre les femmes lesbiennes et leur papa, elle n’est habituellement pas plus pacifiée que chez les garçons gays : le père est tout autant jugé comme un rival (parce qu’il a mis un frein au rapport fusionnel avec la mère) ou un pote trop proche pour créer le mystère générant le désir génital pour l’autre sexe. Dans les deux cas, c’est l’inceste ou un désir incestueux qui se trouve à la racine de la distance/rupture avec le père, et du souhait parricide.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) La misandrie (mépris des hommes-mâles) :

Film "Huit Femmes" de François Ozon

Film « Huit Femmes » de François Ozon


 

Beaucoup d’œuvres de fiction traitant d’homosexualité expriment nettement une haine des hommes, c’est-à-dire une misandrie. Le portrait des hommes dressé dans les fictions traitant d’homosexualité est tout sauf brillant : leur musculature et leur assurance grotesque sont inversement proportionnelles à leurs qualités humaines intérieures : cf. le film « Baise-moi » (2000) de Virginie Despentes, le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011) de Karine Dubernet.), le film « Macho Dancer » (1988) de Lino Brocka, le film « Macho » (1994) de Bigas Luna, la chanson « Macho Man » des Village People, la pièce À trois (2008) de Barry Hall, la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et Maria Ducceschi (avec Gérard, la caricature du gros macho), le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta (avec les machos obsédés sexuels), la pièce Coming out (2007) de Patrick Hernandez (avec les hétéros buveurs de bière et gros bébés), le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot (avec les hétéros gratuitement homophobes), le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1999) de Pedro Almodóvar, la pièce Les Amazones, 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret (avec Pablo, l’hétéro de base, volage et macho), le film « Beignets de tomates vertes » (1991) de Jon Avnet, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne (avec Bernard), la pièce String Paradise (2008) de Patrick Hernandez et Marie-Laetitia Bettencourt (où la haine des machos est clairement exprimée), la chanson « Viril » d’Oshen, le vidéo-clip de la chanson « Rumour » de Chlöe Howl, le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion (où les hommes y sont dépeints comme des prédateurs, des manipulateurs), le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska (avec un milieu masculin des plus brutaux), le film « In & Out » (1997) de Frank Oz (avec les amis de Howard pendant son enterrement de vie de garçon), etc.

 

« Et les hommes, tu crois qu’ils ne sont pas cruels ? » (Sophie dans la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd) ; « Les hommes ne sont-ils pas tous des gros salauds ? » (Steve, le frère hétéro de George le héros homosexuel, dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner) ; « Ahhh… les hommes… » (John, soupirant contre l’aveuglement et le désintéressement de l’homme qu’il aime à son égard, comme le ferait une femme déçue, dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron) ; « Tu détestes les hommes autant que je les déteste. » (Alba, l’héroïne lesbienne s’adressant à Yolanda dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet) ; « Vous êtes cons, les gars. » (Karina, une fille à pédés, s’adressant à la bande de Fábio, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; « Les hommes ne savent rien des femmes. Comment peuvent-ils se permettre de parler en notre nom ? » (Junon s’adressant à Jupiter, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « J’imagine que tu dois souvent avoir envie de tuer Tielo. » (Jane l’héroïne lesbienne s’adressant à Ute, la femme mariée à Tielo son mari, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 33) ; « Depuis toujours, il est mou. » (Vanessa parlant de son mari Franck, dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux) ; « Nymphomane’, pour les hommes, ça s’appelle ‘la vie’. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Tous les hommes sont des ignobles soldats allemands avec une cicatrice dans la lèvre. » (Alfonsina, l’ouvreuse dans un ciné porno, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « C’est pas drôle d’être homo. Y’a des mecs dans la salle, ce soir ? Bande de salauds ! C’est vous qui nous faites souffrir ! » (Fabien Tucci, homosexuel, en pleurs, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « C’est son rapport aux hommes qui est compliqué. » (Sandra parlant de Maryline, l’héroïne bisexuelle violée par Gérard, dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas) ; « Les hommes, je les comprends pas. » (Maryline, idem) ; « Je ne peux pas être chevalier. Je veux être dentiste ! » (le Prince homosexuel de la pièce La Princesse Rose et le retour de l’ogre (2019) de Martin Leloup) ; etc.

 

Se cache derrière cette misandrie un viol, une jalousie, une trahison : « Un homme lui avait pris son premier amour. Elle [Marie, une des héroïnes lesbiennes] ne savait pas que l’enfance finissait un jour. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 185-186) ; « Ma tante rangeait derrière mon oncle, ma grand-mère derrière mon grand-père. D’un côté, j’en étais indignée. Mais de l’autre, j’aimais être un petit prince. Quand je serais grande j’aurais un harem plein de femmes. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 168) ; « Les mecs nous font gerber. On n’aime pas les sucer ! » (la troupe de chanteurs homosexuels du musical Adam et Steve dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Quant à Stephen [l’héroïne lesbienne], elle détestait Roger Antrim, et cette aversion s’augmentait d’un sentiment d’envie des plus humiliants. Car, en dépit de ses imperfections, elle enviait au jeune Roger ses lourds et forts brodequins, ses cheveux ras et sa veste d’Eton ; elle lui enviait son droit de grimper aux arbres, de jouer au cricket et au football : son droit d’être parfaitement naturel ; elle lui enviait par-dessus tout son admirable conviction qu’être un garçon constituait, dans la vie, un privilège. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 63) ; etc. Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M défend une vision vulgaire, beauf, rustre, de la masculinité : elle envie au niveau des attitudes (roter, péter, jurer, etc.) ce qu’elle abhorrerait chez les hommes réels.

 

Dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, il y a un club exclusivement masculin dans la ville de Stepford, où on voit les hommes réunis se comporter comme des ados. Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, tous les hommes sont présentés comme des prédateurs : par exemple, Shirin, l’une des deux héroïnes lesbiennes, est forcée de voir un chauffeur de taxi se masturber avec son pied à elle ; un peu plus tard, en boîte à Téhéran, elle « chauffe » un beau mec pour ensuite avoir le plaisir et l’énergie de l’envoyer balader (« Dégage ! »). Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie et Floriane partagent leur dégoût des hommes et des autres… et à l’écran, difficile de ne pas les suivre : François est un queutard qui prend son pied sans tenir compte du plaisir des femmes qu’il engrosse, les mecs sont des gros dégueus et des obsédés. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, l’image des hommes est pathétique : ils sont montrés comme des bourrus qui n’ont que la réussite financière en tête (exemple avec le père d’Adèle), de gentils beaufs ignorants et incultes (Thomas), des ennuyeux ou des terres à terre, des profiteurs et des tentateurs (le collègue instit). Les seuls qui trouvent grâce aux yeux du réalisateur sont soit homos (Valentin), soit « artistes » bisexuels (Joachim), soit rebeux et volontairement instables (Samir). Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, le couple lesbien Dotty-Stella est particulièrement misandre : elles méprisent tous les mâles de leur entourage (le jeune autostoppeur Prentice, le père de ce dernier, etc.) ; l’homme nu est présenté comme immonde et révulsif ; Dotty chie dans le bidet du père de Prentice.

 

Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Stan, le héros hétérosexuel, est traité comme un chien par ses trois autres partenaires bi-homosexuels. Il a tous les défauts : beauf, vulgaire, infidèle (il a cocufié Camille avec sa secrétaire blonde à gros seins), « radical de droite », raciste, homophobe, capitaliste (il travaille dans les mutuelles), « hermétique aux sentiments ». Guen, le héros homosexuel, avoue qu’il a des envies de meurtres à son égard. Et Ninon nie Stan dans son identité, dans sa virilité : « En fait, en tant qu’homme, tu sers à rien. »
 

Très souvent, le héros homosexuel dépeint le personnage masculin dit « hétérosexuel » comme une brute épaisse qu’il cherche à détruire : « Y’a que des salauds ! » (Manju, l’héroïne lesbienne parlant des hommes à son amante, dans le film « Flying With One Wing » (2002) d’Asoka Handagama) ; « Tous les hommes sont des porcs. » (Mademoiselle Ott dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 60) ; « Les mecs ils sont tous nuls. » (le personnage travesti M to F de la chanson « Parle à ma main » de Fatal Bazooka) ; « Je déteste les hommes, je ne peux pas les supporter. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 144) ; « Il puait l’homme comme les hommes peuvent puer. Il me prenait comme le taureau prend une vache. […] Les hommes sont tellement bêtes. » (Petra, l’héroïne lesbienne, parlant de son ex-mari Franck, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Un homme nymphomane c’est juste un homme. » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Juna, pardonne-moi. Non, ne les laisse pas me toucher. » (Rinn, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Juna, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; etc. Par exemple, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, le mari de Linde la battait, avant qu’elle ne le quitte… pour une petite jeune. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, les hommes sont tous des absents ou des salauds. Dans le roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, la narratrice lesbienne nous parle de « ces hommes toujours en rut » (p. 56) : « J’ai vite compris que je devais me retirer de ce pays masculin, ce vaste asile psychiatrique. » (idem, p. 21) ; « C’est vraiment des biques, les mecs ! » (Gwendoline, l’adolescente travesti M to F, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Les curés, ce sont des hommes comme les autres : de obsédés. » (Frédérique Quelven dans son one-woman-show Nana vend la mèche, 2009) ; « Un garçon pense au sexe toutes les 30 secondes. Alors vous en mettez deux ensemble… » (Matthieu se justifiant de coucher le premier soir avec Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Comme quoi… un garçon ça ne pense qu’au sexe. » (idem) ; etc.

 

Dans les discours de certains héros homosexuels, « le mâle » devient vite synonyme de « mal » : « Il n’y a pas de mâle à cela. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 78) Dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, le jeu de mot entre « mal » et « mâle » est également repris par Suzanne. Sur le dessin Et puis, c’est si laid un homme (1891) de J.-L. Forain, deux femmes s’entretiennent, et l’une décourage l’autre de se tourner vers les hommes.

 

Les hommes sont vus comme des violeurs et des monstres par beaucoup de personnages homosexuels : « Il [le mari de Rani, sa servante] m’apparut en imagination, un type laid au visage grêlé et aux mains sales. Riant et la prenant à son corps défendant. Soulevant son sari pour l’envahir. Poussant un brusque gémissement avant de s’endormir. Exactement comme dans un film que j’avais vu à la télé. Je voulais le tuer. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, pp. 58-59) ; « Les hommes n’existent que pour nous faire souffrir. » (cf. une réplique de la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim) ; « Il la violera tous les soirs pendant 7 ans dans sa cave. » (Rodolphe Sand parlant de Rosetta et de « l’homme de sa vie », dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Jane avait détesté la puberté, l’intrusion du sang et des seins, les messes basses entre filles et les invitations des hommes qui les suivaient en voiture en roulant au pas. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 29) ; « C’était comme si certaines filles portaient une marque secrète que seuls les pervers pouvaient voir. Une fois qu’elles avaient été abusées, d’autres salauds parvenaient à le sentir d’une façon ou d’un autre, et ils les pistaient pour prendre leur tour. […]Pourquoi est-ce que tu cherches sans cesse des excuses à ces hommes ? Ils ont cherché à gagner ta confiance pour abuser de toi. Même le prêtre ; il a préféré ignorer quel âge tu avais. Tu ne fais pas du tout dix-sept ans. Au fond de son cœur, il savait que tu étais trop jeune. Tu ne le vois pas ? » (Jane, idem, p. 242) ; etc.

 

La séduction qu’opèrent les hommes vient, selon les héros homosexuels, menacer l’équilibre fragile de l’identité homosexuelle et des « amours » homosexuelles. Elle est donc parfois envisagée comme de l’homophobie. Par exemple, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1), Liam est suspecté de machisme parce qu’il tombe amoureux de Karma, présentée par la rumeur comme « lesbienne », alors qu’elle aussi est attirée par lui.

 

Cela arrange alors la population gay friendly ou LGBT des fictions de caricaturer la majorité de la gent masculine en obsédés. Par exemple, dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa, Nathalie réduit les hommes à leur sexe anatomique : « Je n’ai pas besoin d’un homme : j’ai besoin d’un pénis. » Rien d’étonnant qu’après, elle considère tout homme qui vient vers elle comme un violeur (cf. la scène du flic qui l’arrête au volant de sa voiture).

 

Pourtant, les instincts animaux des « mâles » ont souvent été suscités par la provocation misandre et hétérophobe de certains protagonistes homosexuels, gay friendly, et/ou féministes : « Oui, j’étudie les hommes depuis des années, professionnellement… un peu comme une prostituée en somme… » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2012) de Jérémy Patinier)

 

La violence ignorante ou volontaire des hommes est bien souvent une simple projection fantasmée du héros homosexuel qui joue « les mâles hétéros » pour se justifier de ne pas rencontrer les hommes réels. Par exemple, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, le groupe d’homosexuels refoulés des Virilius se conduisent comme des gros beaufs hétérosexuels : « On vaincra ! On a un phallus ! »

 

La vengeance misandre des femmes phalliques ou des hommes honteux d’être des hommes ne s’annonce pas toujours comme menaçante : elle adopte parfois le langage souriant de l’émancipation et de l’éducation libertine ; elle encourage à l’infantilisation et à l’homosexualité. « On devrait permettre le changement de sexe à l’âge de la puberté, avant que les caractères virils ne commencent à s’accentuer. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 39) Par exemple, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, les hommes des années 1970 en France sont présentés comme des brutes épaisses et machistes… même si, ensuite, cette haine n’est pas assumée par les héroïnes lesbiennes : « On n’est pas contre les mecs. On est pour les femmes. » dira Carole.
 

Mais là encore, on cherche à « dresser » et à « mater » les machos, en étouffant à petit feu ce qu’il leur reste de force. Par exemple, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, tous les personnages masculins sont soit impuissants (quand ils sont hétéros), soit homos. Dans le film « La Croisière » (2011) de Pascale Pouzadoux, l’intégralité des hommes du film sont mis à mort et émasculés : entre les curés pervers complètement frustrés, les pauvres « mâles » qui reçoivent des bouchons de champagne dans les valseuses, les queutards menottés et réduits au silence sur leur lit par des femmes-enfants prostituées et cleptomanes, les maris qui délaissent leur femme et oublient de leur fêter leur anniversaire, ceux qui sont obligés de se travestir (comme Raphaël) pour avoir le droit de s’approcher du carré VIP féminin, ceux qui s’égarent à tout jamais dans les toilettes, ceux qui démissionnent de leur poste de travail (Alix dira au capitaine du bateau Jean Benguigui – souhaitant abandonner son navire – qu’il « ne sert à rien ».), on assiste au procès pur et simple et au meurtre symbolique du pouvoir masculin.

 

Toute la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier est orientée vers le parricide : c’est le père de famille bisexuel (Georges), ou encore le bon « hétéro » pas du tout concerné par l’homosexualité (Pierre) et qui devient comme par « magie » homophobe, qui sont placés sur la sellette. On assiste au procès des pères de famille et des mâles en général. Ils s’en prennent plein la figure et sont sommés de faire leur coming out, leur mea culpa gay friendly, ou alors ils méritent les insultes et les coups. C’est le mariage traditionnel, la paternité et la masculinité passant au crible de la coalition fraternelle (et incestuelle) d’une part (celle de William et sa sœur Adèle), et la coalition homosexuelle (celle des deux amants réconciliés William/Georges, liaison clairement incestuelle aussi) d’autre part. Hallucinant. Les incestueux qui font la morale à la paternité et à la conjugalité. On aura tout vu !

 

Il arrive que le mépris misandre se mute en menace de meurtre, et finisse dans un bain de sang : « La servante aspergeait M. Alphand de gasoil et y mettait le feu. » (cf. la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi, p. 75) Par exemple, lors de son concert Tirez sur la pianiste (2011) d’Anne Cadilhac, Olga tente d’étouffer son copain avec un oreiller, et cherche à lui couper le sexe : « Maurice, après l’amour, il s’endort. Je vomis l’odeur de son corps. » Dans le film « Drool » (2008) de Nancy Kissam, le personnage du mari est tué par le couple de lesbiennes. Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, le programme « Scum » compte se débarrasser des machos. Dans le film « Monster » (2003) de Patty Jenkins, Aileen, lesbienne, et sa copine Selby, tuent des hommes pour se venger des violences qu’ils leur ont fait subir. Dans le film « Thérèse Desqueyroux » (1962) de Georges Franju, Thérèse empoisonne son mari. À la fin du film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, tous les hommes sont dévorés ou abattus au pistolet de chasse par les femmes, les Bacchantes. Par exemple, Panthée est bouffé tout cru. Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, les hommes sont tous présentés comme des brutes : Evelyne a un mari, Ed, qui la méprise et la traite comme une boniche (avec sa bière devant la télé) ; Idgie (lesbienne) se fait lourdement draguer par Gredy ; et Idgie finit par commanditer le meurtre du mari brutal de Ruth, Bennett, parce qu’elle est en couple secret avec elle.

 

On constate que le meurtre misandre ou le mépris homosexuel des hommes s’origine dans un sentiment de jalousie et d’adoration mal placée à l’égard de la gent masculine. Par exemple, dans le film « Les Deux papas et la maman » (1995) de Jean-Marc Longval, la femme lesbienne est celle qui va « foutre un coup de boule » à Jérôme parce que celui-ci a osé draguer sa copine. Dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet, toutes les héroïnes se disputent le Prince charmant, l’unique protagoniste masculin de l’histoire, au point de le déchirer et de « tuer la beauté même » : « Vous rêviez toutes de cet homme, et vous l’avez écartelé ! » leur reprochera Magdalena, navrée du drame passionnel qui s’est produit.

 

En réalité, les hommes fictionnels, quand ils se comportent mal, ne sont jamais obsédés tout seuls. La misogynie et l’homophobie sont toujours le signe et le miroir d’une misandrie agressive et d’une homosexualité militante qui leur font face, qui menacent l’identité masculine.

 

Ceci est particulièrement visible dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Marie raconte que ce sont ses penchants lesbiens pour sa jeune voisine, qui a eu le mauvais goût de pactiser avec le « mâle » en se mariant à l’âge adulte, qui la rendront misandre : « Un homme lui avait pris son premier amour. […] Elle nourrit vis-à-vis des hommes un ressentiment irrémédiable, d’autant que celui qui avait ravi son amour n’avait pas de visage pour elle. D’instinct, elle se méfia dès lors de tous. » (p. 186). Toujours dans ce même ouvrage, Alexandra, l’héroïne, dresse un portrait sévère des hommes : ils seraient « tous bavards », incapables de « garder un secret » (p. 137), prédateurs (« Ils ont un goût instinctif pour la domination, et souvent, après une longue absence, ils cherchent à se rassurer en ‘prenant’ leur femme. Ils veulent, comme les animaux, marquer à nouveau leur territoire et utilisent cet appendice de leur corps comme une arme, sans se soucier du mal qu’ils peuvent faire. », p. 164) On sent chez elle une claire jalousie des hommes (« Je sentais bien que mes paroles ne pesaient rien face aux arguments et surtout à l’expérience de cet homme [son jardinier]. », p. 138), et notamment par rapport au phallus-pénis (« La nature ayant généreusement doté le jardinier sur le plan qu’on sait, il avait sur elle un avantage qui, connaissant la bonne, n’était pas négligeable. », p. 143) mais plus universellement au phallus-pouvoir (« Ma seule préoccupation était le pouvoir, et je ne ferais rien pour rétablir mon mari dans son privilège de commandement. », p. 190). On l’entend à la fois mépriser l’appareil génital masculin (concernant son mari, elle voudrait « qu’il voie l’inutilité de son masculin », p. 169) et l’idolâtrer (« Je suis bien décidée à ne pas me laisser blesser l’âme par le coup qu’il veut me porter avec ce qu’il a reçu en naissant garçon, de peur que cette blessure ne se referme jamais. », p. 169). Elle joue soi-disant « sexuellement l’homme » avec sa bonne en la prenant par derrière : « Je me mis derrière elle […], adoptant la position des hommes quand ils sont pressés et veulent posséder une femme violemment. Bien que ce fût une impossibilité, étant née femme, je me pressai contre son dos avec la force d’un amant. » (idem, p. 141) Elle couche avec ses domestiques féminines pendant l’absence de son mari, et son homosexualité actée accroît son dégoût des hommes : « Peut-être agit-il comme avant son départ, sauf que maintenant je ne le supporte plus. » (idem, p. 164) Pour pouvoir vivre librement ses aventures lesbiennes sans que son mari l’en accuse, elle tente de pousser ce dernier à l’adultère… comme cela, ils seraient quitte dans le vice : « Le principe de l’action est simple : le pousser à la faute avec une autre femme et le surprendre dans ses ébats. » (idem, p. 165) Les femmes du roman de Dominique Simon atteignent l’orgasme en asservissant les hommes : « Résolument tournée vers le masculin, la marquise prenait un plaisir très particulier, s’évertuant, malgré le goût vif qu’elle avait des hommes, à les réduire à rien. Elle aimait à faire naître une passion qui lui permettait de les faire souffrir. » (p. 211) Chez ces matrones, l’un des moyens les plus employés pour le meurtre symbolique des hommes est l’infantilisation incestueuse : elles traitent les membres de la gent masculine de « bébés » : « Mon pauvre ami, tu es un enfant. » (Alexandra à son mari, p. 196)

 

Quelquefois, le terme de « misandrie » – peu connu du grand public tellement la réalité à laquelle il renvoie est niée dans nos civilisations contemporaines – sera remplacé par celui de « misanthropie », à savoir la haine du genre humain (« Nous, les lopes, misogynes et misanthropes », déclare par exemple un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel)… ce qui n’est bien sûr pas exactement la même chose : la misanthropie reconnaît tout autant comme victimes les femmes que les hommes, mais non spécifiquement les hommes, alors que la misogynie, au contraire, reconnaît spécifiquement l’agression faite aux femmes. À nouveau, on nie aux hommes-mâles leurs fragilités et leur objective statut de victimes dans certains cas.

 

La misandrie des personnages homosexuels a bien évidemment pu être maquillée par un coming out, ou impulser l’« amour » homosexuel. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara et Zoé, les deux meilleures amies, trouvent les mecs « très cons », craignent de connaître leur premier acte sexuel avec un homme, et tentent de se décourager l’une l’autre : « Tu crois encore au prince charmant ?? » Même le père de Clara va dans leur sens : « Il faut se méfier des garçons. » Elles finissent par sortir ensemble… à cause de Zoé, qui aboutit pourtant dans les bras d’un garçon, Sébastien, en laissant sa copine Clara en proie à des questionnements plus sérieux sur son homosexualité. Au bout du compte, Zoé identifie la source misandre de l’homosexualité de son amie : « J’t’aime plus, Clara. J’ai fait l’amour avec Sébastien. À cause de toi, j’ai failli faire une croix sur les garçons. C’est toi qui as un problème avec les mecs. Pas moi. »

 
 

b) Mépris pour le père :

Pièce "Happy Birthday Daddy"

Pièce « Happy Birthday Daddy » de Christophe Averlan

 

Le principal représentant des hommes, c’est évidemment le père. Beaucoup de personnages homosexuels disent avoir une relation très mauvaise voire inexistante avec leur père (biologique, et surtout symbolique). « Tout part d’un mauvais rapport au père ! » (Mr Alvarez, l’huissier face au travestissement en femme de son client Damien, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine)

 

La lettre salée qu’adresse Bernard, le héros du roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, à son « géniteur », va nous servir d’excellente introduction pour illustrer cette omniprésente inimitié anti-paternelle exprimée indirectement dans les fictions homo-érotiques :

« Monsieur, J’ai compris […] que je dois cesser de vous considérer comme mon père, et c’est pour moi un immense soulagement. En me sentant si peu d’amour pour vous, j’ai longtemps cru que j’étais un fils dénaturé ; je préfère savoir que je ne suis pas votre fils du tout. Peut-être estimez-vous que je vous dois la reconnaissance pour avoir été traité par vous comme un de vos enfants ; mais d’abord j’ai toujours senti entre eux et moi votre différence d’égards, et puis tout ce que vous en avez fait, je vous connais assez pour savoir que c’était par horreur du scandale. […] Je préfère partir sans revoir ma mère, parce que je craindrais, en lui faisant mes adieux définitifs, de m’attendrir et aussi parce que devant moi, elle pourrait se sentir dans une fausse situation ce qui me serait désagréable. Je doute que son affection pour moi soit bien vive ; comme j’étais le plus souvent en pension, elle n’a guère eu le temps de me connaître, et comme ma vue lui rappelait sans cesse quelque chose de sa vie qu’elle aurait voulu effacer, je pense qu’elle me verra partir avec soulagement et plaisir. Dites-lui, si vous en avez le courage, que je ne lui en veux pas de m’avoir fait bâtard ; qu’au contraire, je préfère ça à savoir que je suis né de vous. […] La décision que je prends de vous quitter est irrévocable. […] Il va sans dire que je préfère ne rien recevoir de vous à l’avenir. L’idée de vous devoir quoi que ce soit m’est intolérable et je crois que, si c’était à recommencer, je préférerais mourir de faim plutôt que de m’asseoir à votre table. […]. Je signe du nom ridicule qui est le vôtre, que je voudrais pouvoir vous rendre, et qu’il me tarde de déshonorer. Bernard Profitendieu. » (pp. 25-26)

 

Il est très fréquent dans les créations artistiques homosexuelles que le personnage homosexuel déclare détester son père : c’est le cas dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec le personnage de Bruno), la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri (quand on écoute Vincent), la chanson « Papa Don’t Preach » de Madonna, le film « My Father Is Nothing » (1992) de Leone Knight, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg (avec le père maltraité), le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, le roman Papa a tort (1999) de Frédéric Huet, etc.

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les pères fictionnels ne sont pas portés dans le cœur de leur fils ou fille homosexuel-le : « J’la déteste. J’le déteste aussi ! » (Cal – interprété par James Dean – par rapport à son père et sa mère biologiques, dans le film « East Of Eden », « À l’est d’Éden » (1955) d’Elia Kazan) ; « My father was always wrong. » (Mr Farnsworth dans le film « The Man Who Fell To Earth », « L’Homme qui venait d’ailleurs » (1976) de Nicolas Roeg) ; « Je ne pourrai jamais aimer mon père. » (Môn, l’un des héros homos du film « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun) ; « Papa papa papa, t’es plus dans l’coup papa. » (cf. la chanson « Papa t’es plus dans l’coup » de Sheila, reprise dans le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon) ; « Il n’aimait pas son père. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 20) ; « Son père sentait le lâche. » (idem, p. 244) ; « Nos pères sont des salauds. » (une réplique de la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau) ; « Il était une fois un petit garçon qui avait honte de son père… » (Jean-Marc lisant sa propre histoire à son amant Luc, à la fin de la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; « Mon père a été le déclencheur de ma violence. Le responsable que j’accuse ! Complice secret de Satan […] » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 66) ; « Je n’aime pas mon père – ou aussi peu que toi ta mère. » (Ahmed à la lesbienne Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je ne sais ce qui s’est passé, mais un jour, j’l’ai détesté. » (Hervé Nael chantant une chanson sur son père, lors de son concert au Sentier des Halles, le 20 novembre 2011) ; « Il m’énerve… mais je l’aime… mais il m’énerve. » (Bill par rapport à son père, dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut) ; « Tu n’as pas idée des disputes que j’ai eues avec mon père. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 54) ; « Il est exactement comme notre père, mais il le déteste. » (SDF parlant de son frère homo, dans le bâti Norén Lars (2011) d’Antonia Malinova) ; « J’ai seize ans et je sais parfaitement ça, que d’avoir seize ans, c’est un triomphe. […] Le père […] est l’homme de l’autre siècle, du passé. Il est vieux. » (Vincent, l’un des héros homosexuels du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 14-15) ; « Il ne m’a jamais réellement compris et je ne suis pas certain de l’avoir réellement aimé. » (idem, p. 55) ; « Je n’ai jamais eu de père. » (Rosa dans la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi) ; « Dans toutes les cours d’Europe, on avait surnommé le père de la duchesse d’Albe, Don José Ignacio, ‘El Conde del Horror’, tant sa laideur était repoussante. » (cf. la nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978) de Copi, p. 10) ; « Mon père pleure. Mon père marocain pleure. Ce n’est pas un bon exemple pour moi, cette conduite. Il ne faut pas que je devienne comme lui. Apparence d’un homme. Déchéance d’un homme. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 31) ; « Autour de lui, une atmosphère d’Apocalypse. » (idem, p. 39) ; « Un martyr, mon père ? Je vois son calvaire. Il est en route. Il marche. En traînant lourdement les pieds. Il porte toujours la djellaba de son mariage. Il a à la main gauche une bouteille de vin rouge bon marché… Et, à la main droite, un paquet de cigarettes La Marquise. » (idem, p. 158) ; « Mon grand-père n’était pas de ces hommes dont un petit-fils peut être fier. Il a forcément fait des choses terribles. C’est un salaud. » (Théo parlant de son papy nazi, dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 58) ; « Je veux mettre [ma grand-mère] en garde : celui qu’elle aime est un monstre. » (idem, p. 166) ; « Ce grand-père oublié des siens, les miens, était-il ce monstre entouré de mystère ? » (idem, pp. 189-190) ; « Marie ne connaissait des hommes que son père, qui, sans qu’elle sût bien pourquoi, lui faisait un peu peur. […] De lui, elle avait appris le silence. » (Marie, une des héroïnes lesbiennes du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon) ; « Ça me dégoûte et je voudrais ne plus jamais voir ou entendre ça, le sacrifice permanent des femmes à cette race que je méprise, et à laquelle mon (gentil) père appartenait pourtant. Adorable comme père, mais affichant une virilité répugnante : tout pour que la gamine que j’étais n’ait pas envie, plus tard, de coucher avec ces choses immondes qui ne font que du mal, qui mentent en plus, et qui nous prennent pour des connes. […] Et je suis très satisfaite de ne pas être devenue cette pauvre victime consentante qu’est la femelle hétérosexuelle. » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 49) ; « Papa est un gros mangeur de viande rouge. » (Claire, l’héroïne lesbienne s’adressant à sa compagne Suzanne, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « Vous êtes un vrai salaud. » (Suzanne, idem) ; « Mon père et moi, c’était pas le grand amour. » (Jézabel, l’héroïne bisexuelle du film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco) ; « Mon père, il est réac, conservateur. Il comprend pas. […] Avec mon père, je n’ai jamais pu parler. » (Chris, le héros homosexuel parlant de son père, un chasseur-trappeur avec mitraillette, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Mon père… j’avais un an quand il m’a reconnue. » (Nina, l’héroïne lesbienne dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Si tu crois que c’est facile d’avoir un connard homophobe comme père ?! » (Nathan s’adressant à son père Stéphane, dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel) ; « On est comme deux étrangers. » (idem) ; « Il est complètement dingue. » (Louis, le héros homo, parlant de son père, idem) ; « De toute façon, j’ai pris ma décision. Je vais couper net avec lui, il m’empêche de vivre. À chaque fois que je me retrouve devant lui, j’arrive pas à aligner deux mots. Je suis comme paralysée. » (Romane, l’héroïne lesbienne, à propos de son père, Alain, dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; « Mais tu m’écoutes jamais ! À chaque fois que je dis quelque chose, ça va pas ! Écoute papa, franchement, tu me fais pitié. » (Romane condescendante par rapport à son père) « Je suis là en train de t’expliquer ce que je veux, avec qui j’ai envie d’être. Et toi, tu n’écoutes pas. Comme toujours. Tu te défiles, comme à chaque fois. On n’a plus rien à se dire toi et moi. Ici, t’es chez moi. Et je veux plus te voir, d’accord ? Tu t’en vas ! Vas-t’en, j’te dis ! Dégage d’ici ! » (Romane face à son père, idem) ; « Avec mon père, c’est plus compliqué. C’est quelqu’un qui exprime pas beaucoup, qui a du mal à échanger. On n’est pas toujours sur la même longueur d’ondes. » (Victor, le héros homo, euphémisant la relation désastreuse qu’il a avec son père devant l’assistante sociale de qui il veut obtenir l’agrément pour l’adoption d’un enfant, dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; « Plus jamais je t’appellerai papa ! Et à partir de maintenant, on s’adresse la parole le moins possible ! » (idem) ; « Ta gueule, connard ! » (Frida, l’héroïne lesbienne, s’adressant à son père Mario, dans le film « C’est ça l’amour » (2019) de Claire Burger) ; « Va te faire foutre ! » (Ritchie, le personnage homo, s’adressant à son père, dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies); etc.

 

Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, les héros homosexuels ont tous une relation très conflictuelle avec leur papa. Adam ne supporte pas d’être le fils du directeur de son lycée Monsieur Groff. Et en plein bal de l’établissement (c.f. épisode 7 de la saison 1), il l’empoigne devant tout le monde en lui déclarant publiquement sa haine : « Je te déteste !! ». Quant à Éric, son futur amant, ce n’est guère mieux avec son propre daron. Il se travestit et défie les interdits paternels en le narguant (alors qu’il va se faire violer parce qu’il est sorti travesti en femme) : « Salut papa ! » (c.f. épisode 5 de la saison 1). Il reproche aussi à Adam sa dureté « paternelle » : « T’étais déjà une brute quand t’es né ou t’as décidé d’imiter ton père ? » (c.f. épisode 8 de la saison 1).
 

Dans la pièce The Importance To Being Earnest (L’Importance d’être Constant, 1895) d’Oscar Wilde, Jack n’a que mépris pour son père (« Il n’y a bien sûr rien à redire sur les mères. […] Je ne connais personne au club qui adresse la parole à son père. »), ce à quoi Algernon, qui n’honore pas plus le sien (« Nous ne nous sommes même jamais adressé la parole. Il est mort avant que j’aie un an. »), rajoute : « C’est vrai. Les pères n’ont pas très bonne presse en ce moment. » Gwendolen tient également un discours parricide cherchant à materniser la figure paternelle : « En dehors du cercle familial, papa, je suis ravie de le dire, est un parfait inconnu. Et je crois que c’est très bien ainsi. Le foyer me paraît être le cadre idéal pour un homme. Et il ne fait pas de doute que dès qu’un homme se met à négliger ses devoirs domestiques, il devient péniblement efféminé, n’est-ce pas?» Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel présente son père comme un gros beauf.

 

Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon surnomme son propre père « Vooouin » tellement il est un homme qui passe vite, un être absent, un courant d’air, ou bien un individu qui l’a prise pour un objet et qui l’a violentée : « J’ai vraiment un corps de base. Si j’étais une voiture, je serais sans option. Mon père m’a eue en soldes. C’est un radin. » Elle finit par le renier : « Je ne sais même pas quel est le prénom de mon père. »
 

Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Bryan, homosexuel, ne supporte pas son père. Et quand il apprend que son amant Tom a pu être physiquement puni par son père, il déclare solennellement à Tom – comme une preuve d’amour – qu’il n’hésitera pas à aller casser la gueule à son « beau-père ».
 

Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, a une relation conflictuelle avec son père Jouko qu’il accuse d’avoir tué sa mère. Ce dernier le devine : « Je sais que tu me tiens responsable de la mort de ta mère. Tu ne crois pas que je me sens responsable, moi aussi ? » Leevi finit par quitter son papa, en suivant ainsi les pas de sa mère qui avait quitté aussi son mari : « Tu fais vraiment fuir tout le monde. »
 

Il arrive que le père du héros homosexuel soit présenté comme malade, un monstre, un clown : cf. le roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan, la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi (avec Rodrigo, le père aveugle), le roman Quand as-tu vu ton père pour la dernière fois ? (2014) d’Alex Taylor, etc. Dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, le père de Félix a la tuberculose. « Qui croire ? et si je devenais folle, à l’image de mon père dont le cerveau se détériore lentement. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, pp. 186-187) ; « Les vieux nobles qu’elle recevait étaient des amis de son père, aussi laids qu’elle. Le vieux comte des Asturies était couvert de verrues et le duc de Castille, son parrain, était bossu. » (Copi, la nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978), p. 12) ; « J’ai grandi en coulisses. Mon grand-père était un clown. » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « L’homme se frotta les yeux et gémit. Il avait un crâne chauve constellé de taches de vieillesse ; sa bouche, large avec des lèvres fines, aurait été une bénédiction pour un clown. » (Jane décrivant le vieux Karl Becker, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 62) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, le père incestueux de Christian est désigné comme un monstre. Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, la haine des pères biologiques ou des pères politiques est très prégnante : « papa » est qualifié de « débile affectif » ; et on nous parle de « la face stupide et répugnante du président ». Dans le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel, le père de Romain est traité de « pauvre con ». Dans le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, les pères sont giflés. Dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie-Lou (2011) de Michel Tremblay, Manon ne supporte pas d’être le portrait craché de son père. Elle le juge « écœurant », au point que sa grande sœur, Carmen, lui reproche de se poser en victime et de ré-écrire la relation entre leurs parents de manière excessivement manichéenne : « T’es complètement folle ! Notre mère, c’était pas une martyre, et notre père, c’était pas le diable, bon Dieu ! »

 

Le mépris pour le père s’explique très souvent par les réactions odieuses et les actions violentes que ce dernier montre à l’écran. Par exemple, toujours dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, le portrait du père, Léopold, est catastrophique : c’est un gros beauf scotché devant la télé (« Si la télévision portative sort de la chambre, je sors de la chambre aussi ! » déclare-t-il), qui a violé sa femme (« Comme les trois autres fois où tu m’as violée, tu m’as fait un autre petit. » dit sa femme Marie Lou), qui conduit sa famille à la mort dans un accident de voiture. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, le père de Charlène (l’héroïne lesbienne), bat sa femme. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Gérard Couret, le père d’Édouard (le héros homosexuel), est un homme politique froid, odieux avec son fils (il le traite de « néant »), bureaucrate, homophobe. Dans le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, le film « Le Cercle des poètes disparus » (1989) de Peter Weir, le film « Billy Elliot » (1999) de Stephen Daldry, le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, le roman Le Jardin d’acclimatation (1980) d’Yves Navarre, le roman All-American Boys (1983) de Frank Mosca, le roman Dream Boy (1995) de Jim Grimsley, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le one-man-show Les Bijoux de famille (2015) de Laurent Spielvogel, etc., l’image du père est particulièrement catastrophique. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les « pères » homosexuels de Gatal sont de véritables despotes avec leur fils unique : ils téléguident sa vie à sa place : « Ça ne peut plus durer. Ça rime à quoi ?? » s’excite l’un d’eux parce qu’il ne comprend pas que son fils en soit pas en couple avec un homme. Ils ne lui disent jamais qu’ils l’aiment : « Comment n’ai-je que ce fils de rien ? » (le Père 2) Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, le héros homosexuel, vient rendre visite à son père qui ne lui ouvre pas la porte. Et il est dit qu’il a été « enfoncé » par ce dernier. Dans le film « Faut pas penser » (2014) de Raphaël Gressier et Sully Ledermann, le père bobo d’Arthur passe du mépris à l’indifférence gay friendly sans qu’on ne comprenne pourquoi. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques, le héros homo, n’a que mépris pour ses parents (« Je les emmerde tous. Mes parents les premiers. ») ainsi que pour son propre statut de père puisqu’il est père du petit Louis : « J’aimerais que mon fils soit fier de son papa. C’est complètement con ce que je dis. On n’a pas à être fier de son père. »

 
 

c) Père absent ou indifférent :

Dans les fictions homo-érotiques, quand il n’est pas montré comme le grand méchant loup, le père est au mieux dépeint comme un être éteint, absent, lointain, lunaire, lointain, figé, allongé, voire mort : cf. le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, le sketch de « La Fermeture du salon de coiffure » de Muriel Robin (avec le mari complètement indifférent, et qui finit la tête grillée dans le casque chauffant), le film « L’Arbre et la forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec Frédérick, le père absent homosexuel, qui n’est même pas là pour l’enterrement de son fils Charles), etc.

 

Par exemple, dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe et Stéphane Botti, une immense photo de Maurice, le père de François, trône dans le salon ; mais c’est le seul personnage absent de la famille. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi, parlant de son père à son ami-amant Damien, dit que c’était un homme « lunaire » qui a cessé de le considérer comme son fils à partir de la mort de son épouse (et de la mère de Rémi) : « Moi, il ne me voyait même plus. J’étais invisible. » Il décide, à l’âge adulte, de renoncer à être père à son tour, et de tuer le papa en lui : « Je n’ai même pas été le fils de mon père. Alors comment voulais-tu que je sois le père d’un fils ? » Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, ne répond pas quand on lui parle de son père. Il est élevé seul par sa mère (qui se drogue), et le père est totalement absent. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, le héros homo allemand, déclare qu’il a à peine connu son père : ce dernier est parti de la maison quand il était petit. Dans l’épisode 268 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 13 août 2018, Bart et son amant Hugo se trouvent « un point commun » : ils ont tous les deux manqué de père, Bart parce qu’il ne l’a jamais connu, Hugo parce qu’il a été abandonné à 6 ans par son père. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Arthur a perdu son père dans un accident de voiture et dit qu’il n’a jamais réalisé sa mort : il l’a attendu longtemps. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, le jeune héros homo de 10 ans, déclare que comme point commun fort qu’il partage avec John, lui-même homo, est « le fait qu’ils aient des rapports compliqués avec leur père » Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Monsieur Groff, le proviseur du lycée de Moordale, est le père d’Adam, l’un des héros homosexuel : il est très froid avec son fils, ne lui témoigne aucune affection, et lui rappelle sans cesse l’ordre : « Tu connais les règles. » (c.f. épisode 1 de la saison 1). Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, pendant l’enterrement de son fils gay Jean, le père de Jean reste glacial, ne semble pas affecté.

 

Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, vit seul avec sa mère et sa sœur. Elle les a eus à 16 ans. Glass a été mise enceinte à 16 ans aux États-Unis et vit désormais en Allemagne. Phil est fruit de ce viol, et raconte le vide existentiel qu’il expérimente du fait de ne pas connaître son père biologique : « Une femme avec deux enfants et pas de mari, ça faisait tache ici. Mais on gérait, même sans homme à la maison. Les copains nous interrogeaient sur notre père. Alors on demandait à Glass, qui disait un truc du genre ‘Un marin en voyage’. Ou bien ‘Un cow-boy dans un ranch’. Et plus tard, quand on ne gobait plus tout ça, ‘Je vous le dirai quand vous serez prêts’. Un jour, on a arrêté de demander, vu que ça ne servait à rien. Et aujourd’hui ? C’est normal de ne rien savoir sur notre père, le mystérieux numéro 3 de la liste. Pour moi, ça restait un vide étrange. Un trou noir. Comme si le vide en moi prenait des couleurs. » Le trou noir (on comprend que c’est le vide paternel et le vide généalogique) obsède Phil : « Pourquoi ce foutu trou noir me mine à ce point ?!? Comment quelqu’un peut te manquer, alors que tu ne le connais pas ? » À la fin du film, Phil part à la recherche son père aux States.
 

Si le père s’absente, ce n’est en tous cas pas pour les bonnes raisons. Il est volage, démissionne de son rôle de père, se présente comme un handicapé de la relation, incapable d’instaurer un dialogue profond avec son fils ou sa fille homosexuel(-le) : « Je ne suis pas ton père, ma fille. » (Bacchus s’adressant à Europe, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « Henri, mon père, peu présent, partait souvent en ‘voyage d’affaires’. Mais en ce début de siècle, en cette année 2000, la situation s’aggrava : il ne rentrait plus du tout à la maison… Il vivait avec une autre femme ! » (Bryan dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 19) ; « Mon père, je l’ai jamais vraiment connu. Il est parti quand j’étais petit. » (Fred, le héros homosexuel de la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Soleil : de plus en plus de taches. Notre astre suprême serait-il malade ? » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Je le hais. De pas savoir, jamais, être là. Simplement là. » (le narrateur parlant de son père, dans le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 11)

 

Par exemple, dans le film « Le Secret d’Antonio » (2008) de Joselito Altarejos, Antonio, à 15 ans, a été abandonné par son père. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, le père d’Henri fait son coming out alors qu’il est prêtre et qu’il a renié son fils caché pendant toute sa vie. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère » (1999) de Pedro Almodóvar), la jeune sœur Rosa (Penélope Cruz) n’est même pas reconnue par son propre père (Fernando Fernán Gómez), qui la prend pour une simple passante dans la rue. Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, Robert Pujol est chef d’entreprise et mari volage, souvent montré prostré dans un lit. Dans le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, le père de Steven est déguisé en cosmonaute et délaisse totalement son fils homosexuel. Dans le film « Gun Hill Road » de Rashaad Ernesto Green, Michael, le héros trans M to F, a un père absent, Enrique, qui est allé en taule, et qui ne l’a pas élevé ; les vols et les crimes du père font miroir à la transsexualité du fils, qui prétend détester son père et en arrive à souhaiter qu’il retourne en prison. Dans le film « Little Gay Boy » (2013) d’Anthony Hickling, Jean-Christophe a été abandonné par son père à la naissance (sa mère prostituée l’a eu avec un client). Dans le troisième volet, « Little Gay Boy 3, Holy Thursday (The Last Supper) » (2013), le héros, la vingtaine, rencontre son géniteur pour la première fois : c’est la désillusion totale. Dans le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, le père de Cal a fait croire à son fils que sa mère était morte, alors que ce n’est pas le cas. Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, Marcel n’a pas été un enfant désiré par ses parents ; Georges, son père, avait même suggéré l’avortement à sa mère. Georges est le stéréotype du père absent. Il trompe sa femme Brigitte, la bat, et se moque complètement de son fils homo : « Marcel était déjà mort à ses yeux. Il avait abandonné tout espoir. Il avait rejeté ce fils dont il ne voulais plus, dont il n’avait finalement jamais voulu, et qu’il ne voudrait certainement plus jamais –, telle une serviette jetable après usage. » (p. 15) Et Bertrand, qui a fait faire à un couple lesbien un enfant, a tout du père démissionnaire : « Mais ce dernier ne s’implique pas beaucoup dans la vie du garçonnet et des deux lesbiennes, préférant un appel téléphonique hebdomadaire et quelques visites chaque année. » (p. 29) Dans le roman A Boy’s Own Story (1982) d’Edmund White, à plusieurs reprises, le petit garçon appelle son père à l’aide pour rompre le cordon ombilical ; et à chaque fois, le père fait la sourde oreille et le rejette. Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry regrette que son père, qui l’avait jadis érigé en fétiche (« Mes fils, c’est ce que j’ai de plus précieux. »), le délaisse : « J’avais beau lui dire : ‘Papa, ouh ouh, j’suis là ! On peut communiquer ?’… » ; « Papa, oui, c’est moi, ton fils » ; « Mon père m’a ignoré pendant toute l’après-midi… » Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, Rayon, le trans M to F, se rend chez son père, homme politique riche qu’il n’a pas vu depuis très longtemps, pour lui demander de l’argent… et « un peu » pour lui réclamer de l’attention : « As-tu honte de moi ? » Dans l’épisode 363 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 25 décembre 2018, André Delcourt, le père de Chloé l’héroïne, fait son coming out, après un « mensonge » et une disparition de plus de 35 ans, pendant lesquels il a abandonné femme et enfants (Anna et Chloé) : « À l’époque, je n’ai pas trouvé d’autre solution que de disparaître. »

 

Le père démissionnaire dément sa réputation de père invisible. Par exemple, dans le film « Footing » (2012) de Damien Gault, Marco, le héros homosexuel, reproche à son père son indifférence ; et ce dernier trouve ça déplacé. Mais parfois, il la reconnaît quand même : « Rakä et moi […] nous nous dîmes que nous nous connaîtrions probablement pas nos enfants, mais nous-mêmes non plus ne connûmes pas nos pères et cela nous nous empêcha pas d’avoir une vie dont nous tirions orgueil par la diversité de l’aventure. » (Gouri et Rakä, les deux rats mâles du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 102) Par exemple, tout le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou s’attaque aux pères, au profit d’une glorification des mères et des homosexuels. Même Junn, l’héroïne hétéro, finit par répudier son prétendant Alan, vieillard certes mignon mais vicelard et père démissionnaire : « J’ai pas été un très bon père. »

 

Il est fréquent que le personnage homosexuel reproche à son père son indifférence, son absence, sa froideur. Je vous renvoie à la chanson « Papa Can You Hear Me ? » de Lara Fabian, la chanson « Un père passe et manque » de Mélissa Mars, le film « Where’s Poppa ? » (1970) de Carl Reiner, la chanson « Un Homme qui passe » de Ronan dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon, la pièce Où va le cœur des filles quand ils sont partis ? (2008) d’Annelise Uhlrich, etc. « Tu t’es jamais préoccupé de moi ! » (Dany à son père, dans le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun) ; « À seize ans, moi, j’étais encore seulement un fils. Le fils d’un très grand médecin, le saviez-vous ? L’agrégation, la faculté, l’Académie, la faculté, l’Académie, toutes ces choses en imposent à un fils. Je me souviens d’une ombre portée sur nos vies, d’un homme plus grand que nous tous, sans que nous sachions véritablement si cette grandeur était une aubaine ou un malheur pour notre futur d’homme. Aujourd’hui, avec le recul, sans doute, je dirais que notre indifférence réciproque était plus feinte que réelle, et qu’au final j’aurai appris de mon père. » (Vincent, le héros homo s’adressant à la figure de Proust, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 54) ; « Alors, sans que j’aie rien demandé, tu évoques le père inconnu et donc forcément absent, la blessure de cette absence. […] Tu évoques l’imagination qu’il faut déployer pour tenter de constituer une image du père, et le désespoir ravageur au bout de ces tentatives forcément vaines, de ces essais nécessairement voués à l’échec. […] Tu évoques cette filiation unijambiste. Tu dis : quelquefois, j’aurais préféré un père mort, plutôt que pas de père du tout. Tu ajoutes : non. Pas quelquefois. Souvent. […] Tu évoques les années de l’enfance, quand les autres à l’école se moquaient de toi, quand il fallait inventer l’histoire d’un père aventurier, voyageur, disparu ou mort au cours de je ne sais quel hasardeux combat […] » (idem, pp. 98-99) ; « Ça ne m’étonne pas que je te déteste tellement, tu n’écoutes jamais rien ! » (Ronit, l’héroïne lesbienne, à son père, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 266) ; « Voilà trois ans qu’on ne s’est pas vus, trois ans qu’on n’existe plus pour toi et que tu n’existes plus pour nous… Alors à quoi ça sert de se revoir ? » (Bryan à son père dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 226) ; « Pourquoi tu ne m’as jamais aimé ? » (p. 412) ; « Elle éprouve l’angoisse d’une petite fille qui n’a pas été aimée par sa mère et qui, quoi qu’elle dise, s’est sentie abandonnée par son père. » (Suzanne à propos d’Erika, une de ses amantes, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 200) ; « Deux ans. Deux ans déjà qu’il ne me parle pas. […] Je reste sale et indigne de sa parole ; je suis une femelle au sexe pourri qu’il faut absolument ignorer afin d’échapper à la condamnation divine ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 31) ; « Mon père, indifférent, comme d’habitude. Il regardait la télé… » (Bernard, le héros homosexuel, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Il est vrai que, dans mon enfance, j’ai reçu très peu de ces marques d’affection que sont les caresses, mes parents étaient trop occupés et n’ayant aucun goût pour ça. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 96) ; « Il ne veut rien accepter de moi. » (Cal – interprété par James Dean – par rapport à Will, son père, avec qui il a du mal à communiquer, dans le film « East Of Eden », « À l’est d’Éden » (1955) d’Elia Kazan) ; « Mon père, il se contrefoutait de moi à la naissance. […] J’ai grandi sans référent masculin, ou peut-être trop, ce qui revient finalement au même. Des hommes de passage. » (Jean-Louis dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « Pour lui, vous n’existez pas. » (Jean-Charles, qui en travesti M to F se fait appeler « Jessica », parle de son père en se vouvoyant lui-même, idem) ; « J’craignais déjà qu’il ne m’aime pas. » (cf. la chanson « papapapapapa » lors du concert d’Hervé Nahel le 20 novembre 2011) ; etc.

 

Par exemple, dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Barthélémy, le jeune héros homosexuel, communique très peu avec son père, et le lui reproche : « C’est difficile de te parler. »

 

Le père indifférent et démissionnaire, c’est souvent le héros homosexuel lui-même. Par exemple, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc, le père de famille secrètement homo, abandonne sa femme est enceinte, et la trompe avec Engel. Elle lui dira d’ailleurs qu’elle se sent traitée « comme mère-célibataire » par lui. Dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Martin est l’homo laissant femme et enfants sur le carreau pour vivre avec un homme. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, certains héros homosexuels (Alan, Hank, etc.) sont pères avec plusieurs enfants et ont laissé leur famille pour vivre « librement » leur homosexualité. « La première fois que je l’ai fait, c’était pendant la grossesse de ma femme. IL y avait une réunion de professeurs, à New York. Ma femme ne se sentant pas bien, j’y suis allé seul. Et dans le train, j’y ai pensé. J’y pensais, j’y pensais pendant tout le voyage. Et peu après mon arrivée, j’avais emballé un mec dans les toilettes de la gare. » (Hank)

 
 

d) Le souhait parricide naissant d’un désir incestuel frustré :

Il se peut que le reproche que le héros homosexuel fait à son père soit justifié, si en effet ce dernier a vraiment manqué d’amour et de présence envers lui. Mais bien souvent, au lieu de dénoncer ce premier manquement, il en rajoute un second qui cette fois vient de lui : la revendication d’un rapprochement au père ou d’une inversion des rôles, qui tient de l’inceste (cf. la chanson « Papa m’aime pas » de Mélissa Mars).

 

Certains héros (souvent les héroïnes lesbiennes) détestent leur père biologique d’avoir cru que ce dernier était un dieu ou leur amant secret. « Je ne suis pas un de tes supers-méchants de tes B.D. Je n’ai pas le pouvoir dont tu parles. » (le père de Danny à son fils homo dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Vos parents sont des zéros/z’héros. » (le Dr Katzelblum, homosexuel, s’adressant à son patient homo Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « J’ai eu honte j’ai souffert. Je ne vais pas sortir les violons même si pour mon père c’est l’instrument de prédilection. […] Mais j’ai toujours eu en tête d’un jour lui reconnaître que j’aime profondément son dos pour rendre justice aux mots. » (cf. le poème « Un autre dos » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 46) ; « Elle aimait son large dos, elle avait toujours aimé ce dos très bon, rassurant et protecteur. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 115) ; « Ça doit être mon père qui m’a fait ainsi ! Il était trop beau lui aussi ! Comme un gamin-papillon, j’étais fasciné par sa beauté d’homme solitaire. Peut-être que je m’y suis brûlé les ailes ! Je devrais jeter toutes ces photos que j’ai de lui ! Cesser de penser que j’aurais hérité de lui cette attirance pour les garçons. Un désir refoulé qu’il m’aurait transmis en quelque sorte. Et tout cela, parce qu’il nous prodiguait, à moi et à mon petit frère, la tendresse de la mère perdue. » (Adrien, le narrateur homosexuel, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 60) ; « Mon père était quelqu’un d’exceptionnel. » (Daniel, en boucle face au tombeau de son père homosexuel, dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz) ; etc. Par exemple, dans la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, l’héroïne lesbienne Vanina se qualifie comme la fille chérie de son père, « l’homme qui posait comme un play-boy ». Dans le film « Le Maillot de bain » (2013) de Mathilde Bayle, le jeune Rémi, 10 ans, ressent son premier émoi pour un beau papa de 35 ans. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Négoce, homosexuel, se présente comme le « voyou de feu son papa ». Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Segundo enterre son père homosexuel, Noé, et met dans son cercueil le retable qu’il a confectionné pour lui et où il s’est représenté en plâtre avec lui : « Papa, voici notre retable. »

 

Le personnage homosexuel applique la vieille vengeance de l’enfant capricieux qui n’aurait pas été assez écouté… et surtout qui veut être aimé pour un peu plus que ce qu’il est, à savoir un substitut marital. Comme ce souhait n’est pas possible, il va nourrir envers son père adoré un projet de destruction.

 
 

Film "Xenia" de Panos H. Koutras (avec le père pointé au pistolet par son fils Dany)

Film « Xenia » de Panos H. Koutras (avec le père pointé au pistolet par son fils gay Dany)


 

Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Ody et son petit frère homo Dany haïssent leur père – biologique et fantasmé – qui les a abandonnés à la naissance, mais que Dany idéalise physiquement (il se rêve endormi sur son torse velu) : « On n’a pas de père ! Oublie-le ! » (Ody) ; « Je m’endormais sur son torse. Il était hyper poilu. » (Dany à propos de son père) ; « J’avais deux ans quand t’es parti. » (Dany à son père) ; « C’est toi le branleur. » (idem) ; « Ton erreur, c’est de m’avoir fait. » (idem) ; etc. Leur mère les a encouragé à détruire celui qu’ils nomment « L’Innommable » : « Elle s’est mise à insulter l’Innommable, comme d’habitude. » (Dany) Ils finissent par retrouver ce père tant détesté, qui est/serait devenu un homme politique remarié. Ils essaient de le faire chanter pour lui soutirer de l’argent. À la fin du film, Dany pointe son pistolet contre lui et le fait se déshabiller, avant de prendre ses clics et ses claques.

 

PARRICIDE Xenia Ody à Dany

Ody à son frère Dany dans le film « Xenia » de Panos H. Koutras


 

Le fantasme de parricide, c’est donc tout simplement le désir incestueux : le personnage fait mourir le lien filial avec son père en le considérant comme un amant. Par exemple, dans le film « The Parricide Sessions » (2007) de Diego Costa, Diego tente de convaincre son papa de jouer devant sa caméra le rôle de ses différents amants. Dans la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le père est détesté d’avoir refusé de se prêter au rôle de l’amant : le personnage homosexuel lui reproche son indifférence à son égard : « Ça me fait bander de te voir impuissant. »

 

On retrouve le lien entre désir incestueux et parricide avec le dialogue entre « L » et sa mère dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi (pp. 30-31) :

L. – « Si papa savait ce que tu es devenue, il en mourrait une deuxième fois !

Mère – Et s’il savait que c’est toi qui l’a tué, il en mourrait une troisième fois !

L. – Tu sais très bien que je n’ai pas tué papa ! Pourquoi est-ce que j’aurais tué papa ?

Mère – Parce qu’il te sodomisait ! Je t’ai vu l’assommer à coups de talon aiguille avant de l’étrangler avec des bas de soie ! »

 

Le parricide fictionnel s’opère symboliquement par une inversion des rapports père/fils et la violation de la différence des sexes, autrement dit par le fantasme incestueux : « Si t’es un bon papa, alors tu fais qu’est-ce que je veux… » (l’enfant à son père dans la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 5) ; « Je suis ma propre mère. Mon propre frère. Ma propre sœur. Je suis la famille entière, éclatée, réunie. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 199). Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, John Mwauras, le père de Kena l’héroïne lesbienne, est volage et a un enfant avec une autre femme que la mère de Kena. En fait, Kena apprend qu’elle va avoir un petit frère (et demi-frère), à cause des infidélités de leur père, en même temps qu’elle fait son coming out.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

En plus, les hommes volages, qui vont voir ailleurs ou qui fuient leur paternité, ce sont finalement les héros homosexuels eux-mêmes : par exemple Didier, qui va tromper sa femme avec Bernard, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia. Dans le film « Tu n’aimeras point » (2009) de Haim Tabakman, Aaron, le héros homosexuel, commence à devenir agressif avec son fils Nataniel, précisément au moment où il est sur le point de pratiquer son homosexualité.

 
 

e) Mépris homosexuel du père inspiré de la misandrie de la mère (réelle ou cinématographique) :

Tiens, tant qu’on parle d’inceste, restons-y… Parfois dans les fictions homo-érotiques, l’absentéisme ou l’effacement paternel résulte d’un parricide opéré par la mère : cf. le film « Treading Water » (2001) de Lauren Himmel, le film « Por Que As Mulheres Devoram Os Machos ? » (1980) d’Alan Pak, le film « Anne Trister » (1985) de Léa Pool, le film « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman, le film « The Others » (« Les Autres », 2001) d’Alejandro Amenábar, la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, etc. « Ne me pose plus de questions sur ton père. » (la mère de Smith, le héros homo, dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Dad hits mum / Mum hates dad / Family’s done / Growing ou sad / Dad is fool / Mum is crying / Deep in my soul / Something’s breaking / Dad has stopped to hurt mum / A strange shot when dad is gone / Mummy’s head leaning over / Dad is Dead / Game over. » (cf. la chanson « Snowball » de Zazie) ; « Je suis laminé, Joëlle. Ta mère m’a achevé. » (Robert Pujol à sa propre fille Joëlle, dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon) ; « Papa est un boulet ! » (Grany devant sa fille, dans le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte) ; « Il était arrivé déjà le même doute pour les corps de son père, il est possible que les deux cadavres qui cohabitent dans cette tombe minuscule ne se soient jamais rencontrés de leur vie. » (Pietro, le personnage homosexuel, face à la tombe de ses deux parents ayant péri dans un incendie, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 14) ; « Comprendre quoi ? Que t’as tué mon père ? » (Gabriel, héros homo s’adressant à Morgane, sa mère transgenre M to F, dans l’épisode 402 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 18 février 2019 sur TF1) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, toutes les femmes entourant le « couple » homo Tom/Louis ont bazardé leur mari ou ont eu une aventure extra-conjugale cachée : la mère de Tom a quitté son mari (elle répète sans cesse : « Il m’appelle. J’réponds pas. », et sa mère lui dit : « Tu as viré le seul homme qui pouvait te rendre heureuse. ») ; la grand-mère de Tom a été adultère pendant la Seconde Guerre mondiale ; Graziella, la présentatrice-télé, est une femme-tigresse qui fait du jardinier gay un chippendale ; Cindy, la « fille à pédé », se sert de Tom pour s’assurer une visibilité en jouant sa copine. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Sam, mère capricieuse, coupe son fils Rupert, le jeune héros homo de 10 ans, de son père biologique : « T’es un menteur, comme ton père. »
 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Certaines mères prétendent se substituer aux pères, quitte à les détruire : « Fred, je suis ton père. » (Marina, la mère de Fred s’adressant à son fils homo, avec une voix parodique à la « Star Wars », lui expliquant qu’elle est un homme transsexuel F to M, dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Les voisines disaient qu’elle était devenue un homme. Elles avaient raison. Ma mère faisait sa révolution. Elle se libérait. Retrouvait sa jeunesse. Et pour cela, elle avait besoin de détruire notre monde, le centre de notre monde : mon père. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 34-35) ; « Elle avait, mon père n’avait pas cessé de le répéter, ce par quoi il était irrésistiblement attiré. Ce qui le rendait jaloux, possessif, fou. Elle avait en elle cette part de lui qu’il ne comprenait pas et qu’il ne comprendrait jamais. Elle avait le sexe sur sa figure, à en croire mon malheureux père. Elle avait le pouvoir. Et c’est pourquoi il l’avait emprisonnée les premières années de leur mariage. » (idem, p. 56.)

 

Par exemple, dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, la mère de Greta cache à sa fille le nom de son père. Dans le film « Les Frissons de l’angoisse » (1975) de Dario Argento, Carlo, le héros homosexuel, a vu sa mère tuer son père sous ses yeux. Dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, la mère de Micke tire sur son mari dans une salle de cinéma où était projeté un western de John Wayne. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, la mère de Yolanda a tué son mari. Dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, le père de la Reine est mangé par la Reine et sa petite-fille : « Palalalo, écoute-moi ! Mangeons le Jésuite ! Il a toujours été mauvais père pour toi ! » (la Reine s’adressant à sa fille Palalalo, dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, la mère-prostituée travestie M to F tue un de ses clients octogénaire en lui faisant atteindre l’orgasme. Dans le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, la mère de Cal (interprété par James Dean), a tiré un coup de revolver sur son mari, Will.

 

Il arrive que le fils homosexuel encourage sa mère à tuer le père : « Je veux un couple comme toi et papa, où tu prends le dessus de suite ! » (Zize, le héros travesti M to F s’adressant à sa mère, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) Par exemple, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, la mère de Loretta et sa fille partage un gâteau pour fêter le meurtre du mari/père ensemble : « Faisons la paix, ouvrons ce frigo pour manger une fois pour toutes ce gâteau d’anniversaire ! Je meurs de faim ! Je n’ai rien mangé de sucré depuis ton dernier anniversaire ! » Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homo, empêche sa mère Diane de former un couple avec Paul, homme qu’il dénigre : « P’tain de beauf ! » En réalité, le fils et la mère se sont ligués contre la gent masculine : « Ils sont tous pareils, putain. » (Steve). Steve, comme par hasard, se retrouve sans père car ce dernier est mort. Il n’a que mépris pour lui : « Ça devait être un enfoiré de touriste, mon père. » Sa mère le confirme dans son élan parricide : « Le père crève ! Le fils l’achève ! »

 

PARRICIDE Fripouille 1

PARRICIDE Fripouille 2

 

Quand la mère ne tue pas son mari, en tous cas elle l’anesthésie et le transforme en mauviette émasculée. « C’est chose terrible, la sentimentalité d’une mère. Parole de Garbo. Et vraie calamité un père lui-même sirupeux tout lâche à l’heure de se coltiner ce primordial mensonge de l’amour maternel qui vous raconte la vie gentil conte de fée, de sa voix doué vous berce de l’illusion jusqu’à profond sommeil plein de rêves, et au réveil, ensorceleur encore, vous console de l’histoire pas vraie en vous minaudant de pires faussetés à l’oreille. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 87) ; « Tu m’emmerdes ! Tu nous fais chier avec tes préjugés ! » (Françoise, la mère gay friendly d’Antoine son fils homo, s’adressant à son mari « homophobe » et « rétrograde » pendant le « mariage » de leur fils, dans le téléfilm « Le Mari de mon mari » (2016) de Charles Nemes) ; etc. C’est le cas par exemple dans le film « Mon Fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, dans lequel la possessivité maternelle est la conséquence de l’apathie paternelle. Dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, le faible père d’Elliot baisse la culotte devant sa femme. Dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, le père de Gabriel (le héros homosexuel) n’a aucune autorité : « Elle a toujours tout régenter. » dira-t-il par rapport à sa femme. Dans le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi, la mère de Joaquín, le héros homosexuel, est ultra-protectrice et diabolise le père devant son fils.

 

Ou bien la mère du héros homosexuel fait son possible pour que son fils ne puisse pas retrouver son père disparu ou n’arrive pas à se rendre à l’enterrement de ce dernier : cf. le film « 510 mètres sous la mer » (2008) de Kerstin Polte, la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti (tous les personnages se retrouvent un jour de Toussaint autour des secrets de la mère, pour l’anniversaire de la mort de leur père), le film « Donne-moi la main » (2008) de Pascal-Alex Vincent (avec le voyage vers l’enterrement de la mère, qui finit en escapade champêtre), le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, le film « La Traversée » (2001) de Stéphane Bouquet, le film « Burlesk King » (1999) de Mel Chionglo, le film « Violet’s Visit » (1995) de Richard Turner, le film « Le Secret d’Antonio » (2011) de Joselito Altarejos, le roman Le Cimetière de Saint Eugène (2010) de Nadia Galy, etc. La recherche de père est souvent avortée, présentée comme utopique et irréfléchie : « J’aime bien d’ailleurs cet aspect-là de Nino : qu’il ne soit pas à la recherche du père mais qu’au contraire, il cherche presque à être père de lui-même. » (Michaël Cohen à propos du personnage de Nino, dans le film « Le Héros de la famille » (2006) de Thierry Klifa, sur l’essai Le Cinéma français et l’homosexualité (2008) d’Anne Delabre et de Didier Roth-Bettoni, p. 281) Par exemple, dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, la vieille Mathilde dénigre la recherche paternelle de Félix : « Votre père, ce n’est qu’un prétexte. Il ne vous manque pas plus que moi mon mari : vous vous en foutez. » Le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco commence précisément par l’enterrement du père de Jézabel, l’héroïne bisexuelle : « C’est mon père : il est mort. » Jézabel arrive en retard et se fait engueuler par sa mère. Dans le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, Grany décourage son petit-fils Simon à retrouver son père. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Manuela ne veut pas qu’Esteban retrouve la trace de son père et découvre le secret de sa conception. Dans le film « Intrusion » (2003) d’Artémio Benki, l’auto-stoppeuse lesbienne, Florence, empêchera Clara de revoir son père à Gibraltar. Dans le film « Yossi » (2012) d’Eytan Fox, Yossi Hoffman, un jeune homosexuel part à la recherche de sa mère. Dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, Alicia fait croire qu’elle recherche son père, mais elle ne le verra jamais. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, depuis l’Albanie, Dany et Ody cherchent à retrouver leur père en Thessalonique… mais pour le fric, et finalement sans être sûrs que c’est vraiment leur père : leur voyage est un prétexte pour réussir un concours de télé-crochet grec. Dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, au moment de l’enterrement de son père où il devrait pourtant être présent, Antoine, le héros homosexuel, fuit sa famille et décide de partir loin, en avion.

 

Je vous renvoie également à la partie « Politique du non-dit de la mère » du code « Matricide » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Parfois, c’est en cherchant à tuer l’imitation du père – vue comme un signe de lesbianisme -, que la mère du héros homosexuel tente d’anéantir son mari. « Stephen [l’héroïne lesbienne] profitait, semblait forte, et quand ses cheveux poussèrent, on découvrit qu’ils étaient auburn comme ceux de Sir Philip [le père de Stephen]. Il y avait aussi une petite fente à son menton, si petite qu’elle sembla d’abord une ombre ; et quelques temps après […], Anna [la mère de Stephen] vit que ses yeux devenaient pers et pensa que leur expression était celle du père. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 20) ; « Anna croyait devenir folle car cette ressemblance avec son mari la frappait comme un outrage. Elle haïssait la façon dont Stephen se mouvait. » (idem, p. 23)

 
 

f) Hamlet :

Rien d’étonnant, dans ces contextes fictionnels de parricide opéré par la mère du héros homosexuel, que ce dernier s’identifie fréquemment à la figure tragique d’Hamlet, l’emblématique personnage shakespearien dont la mère a tué le père (et celui-ci apparaît d’ailleurs devant son fils sous forme de spectre prononçant la fameuse phrase « Remember me… ») : cf. la pièce Hamlet, Prince du Danemark (1602) de William Shakespeare, le film « Hamlet » (1990) de Franco Zeffirelli, le téléfilm « Hamlet » (1972) de David Giles, l’opéra Hamlet (1888) de Piotr Ilitch Tchaïkovski, le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef von Sternberg (avec la référence à Hamlet), la chanson « L’Horloge » de Mylène Farmer (et le lancinant « Souviens-toi… »), la série des tableaux Hamlet (1875) de Gustave Moreau, la pièce Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet (1974) de Bernard-Marie Koltès, la pièce Hamlet (1988) de Patrice Chéreau, la pièce Hamlet (1925) de John Gielgud, le film « Hamlet » (1921) de Sven Gade, le film « Hamlet » (1976) de Celestino Coronado, le film « Hamlet » (1976) de Jack Smith, le film « Hamlet » (1948) de Laurence Olivier (où le thème du travestissement traverse toute l’intrigue), le film « Lucky Luke » (2009) de James Huth (avec la scène où Jessie James – Melvil Poupaud – interprète Hamlet en grande drama queen drapée), etc.

 

Le héros homosexuel entend une voix qui lui dit qu’il a perdu son père : « Une voix m’accompagne dans cette chute interminable, cette mort seul. Vers l’enfer éternel. ‘Bye-bye… Tu n’es plus marocain… Bye-bye… Tu n’as plus de père… bye-bye… Tu n’as plus de Roi…’ Je suis toujours dans la chute. J’ai peur. J’ai peur. » (Khalid, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 21-22)

 

« Pourquoi les yeux de mon tonton nous dévisagent fixement ? » (Raulito à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Cette histoire avec Malcolm, c’était aussi fort que si le fantôme de son père, mort quelques années auparavant, était réapparu. » (Adrien parlant de son amour fini pour son ex, Malcolm, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 95) ; « Pourquoi cet héritage empoisonné ? » (le fiancé de Gatal, se dirigeant à ses parents qu’il nomme « les fantômes du passé », dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, le gardien du lycée apparaît comme un spectre du passé. Dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, Léopold, le père, est décrit comme un « fantôme » effrayant, qui, selon ses propres mots, « a la gueule en sang ». Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne, critique le jeu de l’acteur Lawrence Olivier dans Le Fantôme d’Hamlet. Dans le film « And Then Came Summer » (« Et quand vient l’été… », 2000) de Jeff London, David parle à son amant Seth de Hamlet. Dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, le dictateur Perón est représenté comme un spectre stoïque. Dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, Cyrille, le personnage homosexuel principal, a joué plusieurs fois le rôle d’Hamlet au théâtre : « Je n’ai pas joué Hamlet depuis un siècle ! Je ne me souviens même plus du texte… » ; « Montrez-lui ma photo dans le rôle d’Hamlet. » Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, la Mère critique son mari devant sa fille « L. », en le qualifiant de spectre (« ton fantôme de père »). Dans la pièce La Cité des Rats (1979) de Copi, le Diable des Rats apparaît à son fils Gouri pour lui révéler qu’il est l’enfant du viol : « Je suis ton père que tu n’as pas connu ; j’ai violé ta pauvre souris blanche de mère vierge dans le caniveau de la rue de l’Ancienne-Comédie un soir de folie. » Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Maurice, le père de Delphine, fait une crise cardiaque qui le rend tétraplégique, pile au moment où sa fille se lesbianise à la capitale. C’est face à ce « beau-père » grabataire, qui ne bouge pas mais qui entend, que Carole, la copine cachée de Delphine, fait son coming out.

 

Parfois même le père devient un dangereux (ou ignorant) Minotaure : cf. la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir (et le père avec « ses épaisses moustaches en forme de cornes de taureau », p. 29) Dans le one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out (2010) d’Anthony Kavanagh, quand le héros essaie de faire son coming out à son père, ce dernier évite sans cesse le sujet, fait semblant de ne pas comprendre, et répond à son fils qui lui dit « Papa, j’suis homo » : « Eh bien moi, j’suis taureau et ta mère est balance ! »

 

Du père viendraient un héritage et un destin maudits. « Ces enfants étaient maudits de par leur race. C’est à cause de ça qu’ils sont morts de façon accidentelle, ils devaient expier le péché de leur père noir qui était par ailleurs trafiquant de drogue. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 88)

 
 

g) Meurtre du père :

Film "Poltergay" d'Éric Lavaine

Film « Poltergay » d’Éric Lavaine


 

Plus souvent, c’est le héros homosexuel lui-même (au lieu de sa mère) qui achève fictionnellement son père. Le motif de l’assassinat du père est récurrent dans la fantasmagorie homosexuelle : cf. le film « Ken Burns » (2011) d’Adrienne Alcover, le film « Insects In The Backyard » (2010) de Tanwarin Sukkhapisit, la sculpture La Destruction du père (1974) de Louise Bourgeois, le roman Tuer le père (2011) d’Amélie Nothomb, la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan (où le héros homosexuel ligote son père et le bat à mort), le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (qui se termine par le suicide du père, l’unique protagoniste masculin de l’histoire), les chansons « L’Innamoramento » et « L’Amour naissant » de Mylène Farmer, les films « Kika » (1993) et « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar (dans lesquels les pères sont frappé mortellement), le film « Tu marcheras sur l’eau » (2005) d’Eytan Fox (avec le meurtre du grand-père), le film « Sitcom » (1997) de François Ozon, le film « Infernal Affairs » (2003) d’Andrew Lau et Alan Mak, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant (qui s’achève par l’enterrement du père), le film « Alice et Martin » (1998) d’André Téchiné, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie (dans lequel le père est mortellement assommé par le couple de lesbiennes), le roman Adrienne Mesurat (1927) de Julien Green (avec le père poussé dans les escaliers), le film « Ostia » (1970) de Sergio Citti, le film « Merci… Dr Rey ! » (2001) d’Andrew Litvack, le film « Ken Park » (2002) de Larry Clark (avec les deux grands-parents assassinés par leur petit-fils homo dans leur chambre à coucher), le film « Ghost Of Mars » (2001) de John Carpenter, le film « Regarde les hommes tomber » (1993) de Jacques Audiard, le film « Le Soleil assassiné » (2003) d’Abdelkrim Bahloul, le film « Je veux seulement qu’on m’aime » (1975) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Jin Nian Xia Tian » (« Fish And Elephant », 2001) de Yu Li, la chanson « Papa m’aime pas » de Mélissa Mars (où le père se fait flinguer : « Papa m’aime pas. Au nom du père, fais ta prière, les mains en l’air. Papa m’aime pas. J’ai verrouillé toutes les issues. Il est foutu. […] Adieu papa ! »), le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, le film « Diferente » (1961) de Luis María Delgado (où on fait mourir le père d’Alfredo accidentellement), la série The Borgias (2011-2012) de Neil Jordan (épisode 5 de la saison 2, où on découvre que le père du sodomite qui est mort a été tué par ce dernier), etc.

 

« J’vais vous briser ! » (Jules, le héros homosexuel parlant avec son père au téléphone, dans une discussion particulièrement houleuse, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Il ne dira pas qu’il a tué son père, sa mère, son frère, ses chats. » (cf. la chanson « Il ne dira pas » d’Étienne Daho) ; « J’ai tué mon père par deux fois. » (cf. la chanson « Je t’écris » des Valentins) ; « Mon père m’a engendré pour que je le fasse souffrir, pour que je sois son tortionnaire. » (le héros du roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan) ; « D’ailleurs, j’ai tué mes parents. […] Je n’ai jamais aimé trop mes parents. » (Pretorius, le vampire gay de la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « S’il le fallait, je les tuerais. Allongé sur mon lit j’envisage calmement le parricide. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, pp. 50-51) ; « Va falloir vite se résoudre à couper l’affectif cordon qui me rattache à cette pantomime sentimentale. Depuis longtemps, ce père a failli. » (idem, p. 87) ; « Résultat, aujourd’hui il est mort… et ça me laisse complètement indifférent. » (Bryan, le héros homo parlant de son grand-père, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 406) ; « J’aurais voulu être Superman pour l’éclater. Mais un soir, il s’en est pris à moi. J’étais en CP, j’avais ramené un bulletin de notes un peu moins bon que d’habitude. Il m’a mis tout nu, m’a allongé sur le lit… j’étais terrifié. Il a défait sa ceinture et a commencé à me frapper, sans tenir compte de mon âge, comme si j’étais un adulte ou un criminel. Mais le bulletin, ce n’était qu’un prétexte. Il trouvait que j’avais l’air efféminé. À six ans ! Il me traitait de petit pédé, qu’il allait faire de moi un homme. » (Kévin, l’amant de Bryan, op. cit., p. 422) ; « Mes parents, ils sont morts. » (Henri, le héros homosexuel répondant à un de ses plans cul qui lui demande s’il a des parents, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « Pour moi, mon père est mort. Je vais vivre ma vie d’adulte. » (Édouard, le héros homosexuel de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; « Mon grand-père le clown s’est suicidé en cours de spectacle. Il s’est pendu au trapèze, tout le monde croyait à un numéro comique ! Il a eu quinze minutes d’applaudissements avant qu’on s’aperçoive qu’il était mort ! » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Tu vois ton papa. Son haleine te dégoûte. Tu l’aurais bien tué. Ou t’avais rien sous la main pour faire ça. » (Bacchus parlant à Europe, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « Les parents, c’est des connards. » (Willy, le gamin transgenre M to F qui se prend pour une fille, dans le film « Le Tout Nouveau Testament » (2015) de Jaco Van Dormael) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, Lala, l’une des héroïnes lesbiennes, après avoir nié la présence de son père (« Mon père n’existe pas. »), le tue concrètement. Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, Ornithoman veut tuer son père. Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, le narrateur assomme et tue son éditeur. Dans la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, Vanina, l’héroïne lesbienne, raconte comment elle a découvert, une fois adulte, que son père avait été un militaire qui avait pris part à la dictature argentine des années 1970-1980 ; elle décide de le rayer de la carte : « Le pire, c’est qu’il sera toujours mon père, même si je ne le reverrai plus jamais. » Dans le film « Les Noms du père » (1974) de Geneviève Hervé, trois actrices (diva, star, anti-star), trois générations (grand-mère, mère, fille), tuent théâtralement leur mari. Dans le film « Hazel » (2012) de Tamer Ruggli, le père est délicatement recouvert au Tipp-Ex sur toutes les photos de famille. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, essaie de se débarrasser de son beau-père lors de l’enterrement du père de son meilleur ami transsexuel Annonciade. Dans la comédie musicale Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphane Druet, le père de Yolanda la prostituée a été « assassiné à coups de talons aiguilles » Dans le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, Cal (interprété par James Dean) provoque la crise cardiaque de son père, crise qui lui sera fatale. Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, Nina, la « fille à pédés » enceinte de Vince, un homme hétéro qu’elle n’aime pas, décide d’élever son futur enfant avec son meilleur ami gay, George, qui fera office de père de substitution. George et elle décident de confisquer à Vince, le père de sang et de droit, son rôle de père : « Vince, je veux élever mon enfant avec George. » annonce solennellement Nina. Et Vince, blessé et agressif, lui rétorque : « Tu sais quoi ? moi, je veux l’élever avec l’Homme invisible. »

 

Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, rejette l’appel téléphonique de son père et abandonne carrément son portable dans la rue. Plus tard, le père détruit au marteau le grenier où Davide vit son monde secret avec ses miroirs et ses photos d’actrices. Il tente de « guérir » son fils en le piquant avec une seringue aux fesses. À la fin du film, alors qu’il tente de le ramener de force à la maison, Davide se saisit d’un éclat de verre juste avant de monter dans la voiture paternelle. Le spectateur pense que le héros va trancher la gorge de son père avec l’arme de fortune. Finalement, il la retourne contre lui, sous les cris d’horreur de son père qui l’amène d’urgence à l’hôpital.
 

Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Vanessa et Nicolas, la sœur et le frère (homosexuel), assistent à l’enterrement de leur père, Richard, après le tragique suicide de leur mère Christiane survenu un an auparavant. Le père avait une maîtresse, Rose, avec qui il a eu un fils caché, Vincent, qui n’est autre que l’amant de Nicolas ! Au moment de l’enterrement, Vanessa et Nicolas apprennent que Rose et Vincent recevront seuls tout l’héritage, ce qui provoque l’ire de Vanessa sur la tombe de son défunt père (qu’elle porte responsable du suicide de sa femme) : « Sale porc ! Vicieux ! T’es qu’un gros dégueulasse ! Assassin ! Oser faire ça à maman ! » Plus tard, Géraldine, la femme de Nicolas, accuse Vincent d’avoir conduit son père (caché) à la mort : « C’est Vincent qui l’a tué ! » Quant à Nicolas, en couple avec son demi-frère, il rend responsable son père décédé de leur homosexualité à tous les deux (et, du coup, à tous les trois !) : « Tu vas voir tes deux fils s’aimer. Mais tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même ! »
 
 

h) Le parricide porté comme une culpabilité plus ou moins fondée :

Le meurtre parricide dans les fictions n’est pas nécessairement effectif ou prémédité : il se limite parfois à un cauchemar fait par le héros homosexuel, à une culpabilité (dénégatrice) ressentie face à la radicalité et à la brutalité de la mort naturelle/accidentelle du père (ou de la mère), à une impression honteuse d’avoir été pris à son insu la main dans le sac de l’inceste. Beaucoup de héros revêtent le deuil de leur papa au point de s’y identifier : « Mon père ne bougeait pas. Son visage était caché. On eût dit qu’il était mort. » (le petit Justin, découvrant à 5 ans son père mystérieusement mort dans le salon familial dans le film « Les Voleurs » de Téchiné) ; « Je sais pas comment j’ai compris que maman était morte. […] Peut-être c’est moi qui l’ait tuée. […] Comment leur dire que maman est pas vraiment morte et que papa a jamais existé ? » (le narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, pp. 10-11) ; « Adieu papa ! Lalalala. Papa m’aime pas. Je pourrai jamais dire papa. Je n’en ai pas. » (cf. la chanson « Papa m’aime pas » de Mélissa Mars) ; « Là, le monsieur couché, c’est qui ? C’est papa ? Il est mort ? » (la psy parlant à Auriane, une petite fille qui croit avoir tué son père en rêve, et qui commente son dessin, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Ma mère est morte quand elle m’a donné le jour. » (Dicky Teyer, le héros homo de la comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus (2006) de Christian Siméon) ; « Ma mère est morte quand j’étais petit. » (Gabriel, l’un des deux héros homos du film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; « Comme m’a dit mon père avant de mourir dans mes bras : ‘Je ne comprends rien. Je n’ai jamais rien compris. » (Michael, l’un des héros homosexuels du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Je l’ai démolie. Elle est là. Morte. Elle suffoque. Je devrais pourtant m’extraire. » (le narrateur de la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust) ; « Je me demande si mon père est mort parce que je lui faisais honte. » (Arthur, le héros homo, dans le roman Harlem Quartet (1978), mise en scène par Élise Vigier en 2018, de James Baldwin) ; « Écoute, t’as changé depuis la mort de maman. Je sais que tu culpabilises et je sais que ça a été difficile pour toi comme pour moi. Mais ça te donne pas le droit de tout contrôler dans ma vie. Tu comprends, ça ? Je n’en peux plus, j’ai besoin de respirer. » (Romane, l’héroïne lesbienne, s’adressant à son père dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; etc.

 

Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, Bilal culpabilise de la mort de sa mère, même s’il n’a conservé aucun souvenir de sa maladie ; et Malik se sent coupable de la mort de son père dont il est l’un des seuls à connaître le cancer. Dans le film « Collateral » (2004) de Michael Mann, Vincent fait croire qu’il a tué son père quand il avait 12 ans. Dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, Sébastien est hanté par le souvenir de sa mère suicidée. Dans le film « Nocturne » (1990) de Jacqui Duckworth, ou bien dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, la mort de la mère est portée comme une faute. Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Luc culpabilise de la mort de son père.

 
 

i) Lien causalisé entre parricide et homosexualité:

Est-ce le meurtre (réel ou symbolique) du père qui a provoqué l’homosexualité, ou le désir homosexuel qui incite à l’assassinat du père ? Ni l’un ni l’autre. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il existe un lien fort, souvent signifiant, mais non-causal, entre homosexualité et parricide dans les fictions homo-érotiques. Loin de renvoyer à un désir de meurtre qui va toujours s’actualiser, il indique plutôt chez le héros homosexuel un éloignement du Réel, une fuite de sa famille/de sa propre paternité, une gémellité incestueuse entre homosexualité et homophobie.

 

Le héros homosexuel est lui-même très mal à l’aise avec sa propre homosexualité, qui trahit une relation incestuelle/incestueuse avec son père, et qu’il envisage parfois comme un parricide. Par exemple, dans le film « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues, au moment où le héros homosexuel Ze María tue son petit copain d’une balle, il dira bizarrement que « son père est mort » ; ensuite, tout fier de son crime passionnel, il déclarera à son père transsexuel : « J’ai tué un pédé comme toi qui ne méritait pas de vivre. » Dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, Uloomji, face au cadavre de son père veillé par sa famille Kamoulk, se fait accuser de parricide (« C’est toi qui a tué ton père ! »), officiellement pour son éloignement géographique (il a quitté sa famille pour vivre à Moscou), officieusement parce que son homosexualité a été découverte. Dans le film « Ander » (2009) de Roberto Castón, quand la mère d’Ander meurt, ce dernier culpabilise énormément (« C’est de ma faute. ») : il croit que c’est son homosexualité qui a mystérieusement tué sa mère, même si elle est morte sans l’avoir apprise. Dès l’incipit du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman (qui traite de l’homosexualité féminine dans sa globalité), on assiste à la mort du père de Ronit (l’héroïne lesbienne), Rav Krushka le grand ; plus tard dans le livre, Dovid, le « gentil » mari d’Esti, fait un malaise au moment de découvrir que sa femme le trompe avec une autre : « J’ai observé Dovid affalé sur le sol de la chambre dans une posture étrange, une jambe tordue sous lui. » (p. 243) Dans le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, Marc, le héros, assomme presque mortellement à la pelle le père de sa femme Emma en croyant se débarrasser d’un des nombreux fantômes homosexuels habitant sa maison. Dans le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le père botaniste se fait tuer par le couple de lesbiennes Min et An dans la serre, juste au moment où il découvre leur liaison. Dans le sketch « Le Mariage homosexuel bientôt en France » de l’humoriste Lamide Lezghad, à l’émission On n’demande qu’à en rire sur France 2 du 31 janvier 2011, le mariage gay de Rachid provoque le suicide de son père. Dans le film « 510 mètres sous la mer » (2008) de Kerstin Polte, tout concoure à ce que Simone, la protagoniste lesbienne, reste bloquée dans un aéroport, fasse une rencontre amoureuse homosexuelle, et ne puisse pas se rendre à l’enterrement de son père (la première phrase de ce court-métrage est d’ailleurs « Mon père est mort. »).

 

Il est parfois explicitement dit que le coming out a provoqué la mort du père, ou bien que la mort du père a révélé chez le héros une homosexualité : « Je n’exclus pas que son absence brutale de ma vie, à un moment peut-être crucial pour moi, n’ait été responsable du fait que je sois devenue homosexuelle. » (Suzanne en évoquant sa mère qui est morte quand elle avait 11 mois, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 19) Par exemple, dans la nouvelle « La Césarienne » (1983) de Copi, Jean-Paul, le jeune homo, reçoit un colis des États-Unis, contenant la tête de son père : « Après un instant de stupeur, Jean-Paul se sentit pour la première fois de sa vie coupable de son homosexualité. » (p. 73) Dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt, Eddy (jouant le rôle fictif du père) offre à son pseudo fils Édouard Père manquant, fils manqué dès qu’il le suspecte d’être homo. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Vincenzo, le père, fait un infarctus suite au coming de son fils Antonio.

 

Le père est haï surtout parce qu’il exprime son malaise ou son refus de l’homosexualité de son fils/de sa fille. Par exemple, dans le film « K@biria » (2010) de Sigfrido Giammona, Giovanni, le père de Francesco, est politicien et se montre incapable d’accepter l’homosexualité de son fils. Dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, Bruno, le fils homosexuel, s’est fait surnommer « la chochotte » par son père quand il était petit. Dans le sketch « Le Papa Zonard » de Bruno Salomone, le fils se fait soupçonner de « dalepé » par son père parce qu’il écoute la comédie musicale Roméo et Juliette. Dans le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi, le père de Joaquín force son fils homosexuel de 15 ans à s’endurcir, en le faisant jouer à la boxe ; voyant qu’il est impossible de l’endurcir, il finit par le maltraiter et par exprimer tout haut son homophobie.

 

L’homosexualité pratiquée devient, pour certains héros, l’instrument de la punition filiale. Par exemple, dans le roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan, le héros homosexuel méprise son père colonisateur d’Algérie, et cherchent, en couchant avec les Algériens, à rembourser « la dette sans fin, la dette infinie qu’il lui faudrait payer en se livrant à des Arabes, en livrant son cul à des Arabes, pour déshonorer son sang, sa race, la dette contractée à travers son père à travers la Guerre d’Indépendance, à travers le renoncement au sol arabe, à travers ce supplice du sexe violé ».

 

Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, le père d’Adineh l’héroïne transsexuelle F to M veut la forcer à se marier avec un homme (son cousin à elle) pour que sa fille ne déshonore pas la famille. Il aurait voulu qu’elle ne vienne pas au monde : « Je regrette de l’avoir fait. » Rana, une mère de famille et amie d’Adineh, essaie de faire entendre raison au père d’Adineh, en le rabaissant : « Vous ne l’avez jamais comprise. » Le père de cette femme intersexe s’acharne à la marier avec un homme pour la faire rentrer dans le rang : « Ou sinon, elle devra me considérer mort, comme sa mère. » assure-t-il.
 

On devine que le père du héros homosexuel est très mal à l’aise avec l’attrait homosexuel de son fils, au point qu’il essaie au départ de l’éradiquer à tout prix. Par exemple, dans le film « Le Fils préféré » (1993) de Nicole Garcia, Francis, le héros homosexuel, est rejeté par le père qui voulait en faire un boxeur. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, le père de Chance, le héros homosexuel, essaye de faire de son fils un soldat (ses enfants l’appellent même « chef ») ; et le père de Lévi, aussi homosexuel, veut transformer contre son gré son fils en champion de foot, et Lévi n’ose pas lui tenir tête.

 

C’est sans doute l’effet-miroir désirant entre le père et le fils qui pose problème. Par exemple, dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Jean-Loup, le héros homo, est en conflit avec son père (qui se trouve être aussi homosexuel !). Cet effet-miroir, indiquant un viol ou un événement ressenti comme tel, peut faire des étincelles et avoir une issue dramatique.

 

Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, le père de Danny s’oppose au film que son fils homosexuel a réalisé sur leur histoire houleuse (on devine qu’il l’a soit violé soit battu) : « Mon père est un salopard et un manipulateur. Il a trompé ma mère même la dernière année de sa vie. Il a baisé ma prof de théâtre et il m’a… » Chacun reproche à l’autre la maladie (cancer) puis la mort de la mère/femme : « Tu ne comptes plus, depuis que tu as fait souffrir maman jusqu’à la tuer ! » (Danny à son père, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) Le père de Danny renie l’existence de son fils.

 

Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Franz, le héros homosexuel, raconte qu’il a rêvé deux fois que l’amant de sa mère (son beau-père) pénétrait dans son lit pour le violer : « Puis il est venu dans mon lit. J’avais l’impression de devenir de plus en plus petit. Comme une fille. Puis il est rentré en moi. » Dans le one-man-show Cet homme va trop loin (2011) de Jérémy Ferrari, le père Vert, curé gay et pédophile, a jadis été violé par son père et par ses profs.

 

La haine homosexuelle du père est plus largement une attitude anti-sociale, car souvent, c’est toute la société qui est hétérosexualisée et patriarcalisée par les héros gays friendly bisexuels. « Tout le monde s’en fout de votre vieille tradition patriarcale. » (Shane, le héros homo s’adressant au couple hétéro réac de droite Loren/Tommy, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La misandrie (mépris des hommes-mâles) :

Le XXe siècle a-t-il signé la mort à petit feu de la paternité, de la valorisation des pères, et plus globalement des hommes ? Tout porte à croire que oui. « Les hommes aujourd’hui sont sur la sellette. » (Meret Becker dans le documentaire « 68, Faites l’amour et recommencez ! » (2008) de Sabine Stadtmueller) Si on regarde dans l’Histoire humaine, en France par exemple, en 1935, le droit de correction paternelle est supprimé. Les progrès de la contraception ont rendu de plus en plus les femmes responsables des engendrements, et les pères sont devenus des objets annexes, des guichets automatiques. Peu à peu, le père a été réduit à la fonction symbolique de la nomination. En 1970, l’expression « chef de famille » a été supprimée. Est arrivée l’égalité des droits sociaux et politiques, la légalisation de l’avortement. La psychanalyse a basculé du père freudien à la maternalisation par l’intermédiaire de Mélanie Klein, Ferenczi, Winnicott… Dans Passeurs de vie : essai sur la paternité (1997), Xavier Lacroix explique comment actuellement les pères ne sont quasiment plus protégés par la loi et le droit en cas de divorce (il indique d’ailleurs les chiffres alarmants du taux de suicide des pères : les hommes divorcés se suicident dans une proportion de 3 à 6 fois supérieures aux hommes mariés).

 

Socialement, l’éloignement-rupture avec le père, et la fonction symbolique de ce dernier – à savoir le rappel du Réel, de la structuration humaine et des normes communes pour un mieux vivre ensembleindique un glissement de nos civilisations vers des rapports humains qui se virtualisent, s’uniformisent, se fragilisent, deviennent violents, paradoxalement au nom du confort et d’une béatification des victimes féminines/féminisées : « Il n’y a plus d’hommes, il n’y a plus de femmes, rien que des êtres humains égaux, forcément égaux, mieux qu’égaux, identiques, indifférenciés, interchangeables. […] on suggère la supériorité évidente des ‘valeurs’ féminines, la douceur sur la force, le dialogue sur l’autorité, la paix sur la guerre, l’écoute sur l’ordre, la tolérance sur la violence, la précaution sur le risque. […] La société unanime somme les hommes de révéler la ‘féminité’ qui est en eux. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 10) Comme l’explique parfaitement Philippe Muray dans son essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), il existe une corrélation forte entre misandrie et destruction du Réel. Notre monde douillet et maternant, qui veut nier la mort et la souffrance pour mieux les laisser gagner, diabolise la force et le pouvoir en les affublant de doux surnoms tels que « patriarcat », « domination masculine », « hétérosexisme », « homophobie » : « De la domination masculine, comme on sait, procède tout les maux. » (p. 14)

 

Plusieurs années de féminisme idéologique et de libertarisme bisexualisant/homosexualisant ont rendu la misogynie moralement et légalement inacceptable dans la sphère publique, alors qu’à l’inverse la misandrie est maintenant justifiée, banalisée et excusée par la grande majorité de nos contemporains. Certains vont même jusqu’à nier agressivement son existence ! « La misandrie, ça n’existe pas ! Un homme agressé : IMPOSSIBLE ! Il ne peut être que l’agresseur de la femme ! Seules les femmes et les homosexuels sont des victimes ! » entend-on à longueur de temps. Dans nos sociétés occidentales gynocentriques – c’est-à-dire centrées sur les problèmes et les besoins des femmes – et misandriques – mettant en évidence la méchanceté et les imperfections des hommes –, les hommes, les maris, les grands-pères, ont de moins en moins droit de cité. Et ce mépris a parfois pour conséquence une radicalisation des camps hommes/femmes, et un accroissement des violences faites aux deux ! Dommages collatéraux logiques.

 

La communauté homosexuelle suit docilement le sillon anti-mecs (et donc, au final, anti-femmes) tracé par les militantes féministes agressives (expression pléonastique…). Ses membres dépeignent les hommes dits « hétérosexuels » comme des brutes épaisses, et cherchent à les détruire. « On s’en fout des hommes ! » (une des clientes lesbiennes d’une boîte parisienne, dans le documentaire « Les Femmes entre elles » de l’émission Dans les yeux d’Olivier (2011) d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011) ; « J’aime les femmes. Je n’aime pas les garçons. Ils sont trop brutaux. Ils ne sont pas beaux. Ils sont machos. » (Anne, femme lesbienne interrogée dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 87) ; « Je m’appliquais à me rapprocher le plus possible des garçons pour apaiser mes parents. En vérité, je m’ennuyais beaucoup en leur compagnie. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 105) ; « Je suis arrivé dans le salon. Et je les ai accusés de m’avoir fait homosexuel. Je leur ai dit que c’était de leur faute. » (Alexandre, jeune témoin homo de 24 ans, parlant de lui à 14 ans en 2001, dans l’émission Temps présent spéciale « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur la chaîne RTS le 24 juin 2010) ; « J’ai défoncé mon placard, et maintenant je vais te détruire. » (par rapport au « mâle dominant ») (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Je vous renvoie également au documentaire « Elula, les hommes on s’en fout » (2000) de Josée Constantin et Catherine Gonnard, ainsi qu’à l’essai Le Musée de l’Homme : Le Fabuleux Déclin de l’Empire masculin (2005) de David Abiker. Dans le documentaire « Regarde, elle a les yeux grand ouverts » (1978) de Yann Lemasson ou « La Domination masculine » (2007) de Patric Jean, on nous présente la caricature du macho comme un portrait fidèle de la réalité masculine. La haine des hommes est aussi exprimée par certaines femmes lesbiennes dans le documentaire « Mamá No Me Lo Dijo » (2003) de Maria Galindo.

 

« Nul mari ni amant ne m’approchera en érection ! » (Lise et Clara, le couple lesbien du documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau) ; « Les mecs sont interdits… non… en fait, j’dis en déconnant. C’est une affaire de proportion. Il nous faut une part des garçons comme il nous faut une part d’handicapés dans les entreprises. (rires) » (Charlotte et Marion, un « couple » lesbien, dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy, diffusée dans l’émission Tel Quel, sur la chaîne France 4, le 14 mai 2012) ; « Pendant ce temps, paradoxe du sexe, paranoïa de l’amour, mes relations avec les garçons déchiffraient une sorte de partition où participaient une attraction-répulsion, un jeu d’amour-haine. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 58)

 

Par exemple, dans le documentaire « Le Bal des Chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder, un groupe de femmes lesbiennes décrit le torse velu des hommes comme le summum de l’horreur.

 

C’est la domination sur les hommes plutôt que la domination masculine que beaucoup de personnes homosexuelles (et leurs icônes-chanteuses) promeuvent et font semblant de dénoncer. Par exemple, lors de son (très décrié) concert de l’Olympia en juillet 2012, la chanteuse Madonna bâillonne lentement un de ses choristes sur l’air de la chanson « Je t’aime moi non plus », en simulant la scène SM de correction sexuelle.

 

Même si c’est mal compris et reçu, le mépris homosexuel des hommes s’origine majoritairement dans un sentiment de jalousie et d’adoration mal placée à l’égard de la gent masculine. « La jalousie dirigée contre les hommes n’est que la projection de sa propre attirance érotique pour les hommes. » (cf. l’article « Le Rôle de l’homosexualité dans la pathologie de la paranoïa » (1911) de Sandor Ferenczi, cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 406)

 

Les personnes homosexuelles pratiquantes (et en particulier les femmes lesbiennes) nient en général leur misandrie par le fait (souvent avéré) qu’elles sont jalouses des hommes et qu’elles ne pourraient donc pas les détester (c’est bien mal connaître l’ambiguïté violente et fusionnelle de l’idolâtrie). « Je n’ai aucun problème avec les hommes. La preuve : j’ai un mec à l’intérieur de moi. » (Shirley Souagnon, lesbienne, dans l’émission Bref à Montreux (Suisse), sur la chaîne Comédie +, diffusée en décembre 2012) Par exemple, dans l’autobiographie Mauvais Genre (2009) de Paula Dumont, celle qui demandait à sa mère pourquoi elle n’avait pas de pénis et qui s’habillera plus tard en cow-boy dira, comme par amnésie, qu’« elle n’a jamais considéré les hommes comme des rivaux » (p. 115) et qu’« en aucune façon elle aurait voulu être un homme » (p. 117)… ce qui est en partie faux et en partie vrai, car l’hyper-masculinité cinématographique n’est pas le sexe masculin véritable mais a été considérée comme telle par l’écrivaine.

 
 

b) Mépris pour le père :

Le principal représentant des hommes, c’est évidemment le père.

 

Génétiquement, c’est le père qui détermine le sexe de l’enfant. Étant donné que beaucoup de personnes homosexuelles n’acceptent pas leur sexuation biologique de naissance, il est logique qu’elles s’en prennent à leur papa. Par ailleurs, dans leur enfance, le ressentiment contre leur géniteur a pu être renforcé par la relation fusionnelle avec la mère. En général, les personnes homosexuelles n’ont pas résolu leur complexe d’Œdipe, c’est-à-dire un désir incestueux pour la mère et un désir homicide envers le père. « Mes expériences m’ont également appris, de façon toujours renouvelée, que lors de l’attitude œdipienne négative les garçons ne font pas que haïr leur mère, mais qu’ils sont envieux et jaloux de son rôle auprès du père. […] Les hommes sont jaloux d’une rivale dans tous les cas où des motions homosexuelles latentes ou manifestes apparaissent en eux. » (Félix Boehm, « Le Complexe de féminité chez l’homme », dans l’essai Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 435)

 

Nombreuses sont les personnes homosexuelles qui ont une relation mauvaise voire inexistante avec leur père (biologique, et surtout symbolique)… même si, avec le temps, le conflit d’adolescence a parfois fini par se tasser ou par devenir cordial : on peut penser à Lord Alfred Douglas, Marlon Brando, François Ozon, James Baldwin, André Gide, Julien Green, Federico García Lorca, Rupert Everett, Cary Grant, Abraham Ángel, Serguei Esenin, Gus Van Sant, Peter Weir, Frank Mosca, Bai Xianyong, Yves Navarre, Oscar Wilde, Havelock Ellis, Jean Le Bitoux, Dominique Fernandez, Élia Kazan, Bruce Chatwin, John Cheever, Jim Grimsley, Andy Warhol, Tennessee Williams, Fritz Lang, Frédéric Lopez, etc. « Je ne l’aimais pas. Je ne l’avais jamais aimé. » (cf. les propos d’ouverture de l’essayiste français Didier Éribon, dans sa biographie Retour à Reims (2010), p. 15) ; « Mon père ivre » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 14) ; « Habitué au silence entre lui et moi » (idem, p. 58) « Faut que je te dise aussi un truc, c’est que je t’aime et que t’es mon fils, quand même, mon premier gamin.’ Je n’avais pas trouvé ça, comme on pourrait le penser, beau et émouvant. Son ‘je t’aime’ m’avait répugné, cette parole avait pour moi un caractère incestueux. » (idem) ; « Lui et moi n’avons jamais eu de véritable conversation. Même des choses simples, ‘bonjour’ ou ‘bon anniversaire’, il avait cessé de me les dire. » (idem, pp. 111-112) ; « Je n’étais pas un enfant désiré et mon père n’incarnait pas la bienveillance, expliquait-il. Il n’était que dans le dénigrement et les coups. […] Pour un fou rire qui l’agaçait, je pouvais me retrouver puni, enfermé dans un cagibi. J’étais terrorisé! Mon père n’était qu’une menace. » (Frédéric Lopez, présentateur français sur France 2 de Rendez-vous en terres inconnues, novembre 2016 pour TV Magazine) ; etc. Par exemple, Edmund White décrit son père comme un homme haineux. Lors de sa conférence en janvier 2012 au Centre LGBT de Paris, à l’occasion de la sortie de son essai sociologique Délinquance juvénile et discrimination sexuelle, Sébastien Carpentier tourne en dérision la « mode de revalorisation de l’image du père ». Dans son autobiographie Notes Of A Native Son (1955), James Baldwin raconte qu’il a repoussé le plus longtemps possible les visites à son père mourant, alors que toute leur vie, ils se sont menés une guerre sans merci : « J’avais dit à ma mère que c’était parce que je le haïssais. Mais ce n’était pas vrai. La vérité, c’est que je l’avais haï et que je tenais à conserver cette haine. Je ne voulais pas voir la ruine qu’il était devenu : ce n’est pas une ruine que j’avais haïe. » (p. 98) Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko parle, concernant son père, d’« une aversion qu’il vouait à son égard » (p. 49). Dans le film documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cajori , Amei Wallach, la sculptrice raconte les disputes de ses parents, les infidélités de son père volage, et dit qu’elle n’aime pas ce dernier et qu’elle n’est pas « réconciliée » avec lui.

 

Il arrive que le père soit présenté comme malade, un monstre, un clown, une brute : « L’homme que j’avais connu, vociférant à tout propos, stupide et violent, […] dans les mois, les années peut-être, qui avaient précédé sa mort, il avait cessé d’être la personne que j’avais détestée pour devenir cet être pathétique : un ancien tyran domestique déchu, inoffensif et sans forces, vaincu par l’âge et la maladie. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 31) ; « Tu ne m’avais jamais dit que mon grand-père faisait des masques de carnaval en papier mâché. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans l’autobiographie de ce dernier, Folies-Fantômes (1997), p. 156) ; « Une autre fois, ma mère dut s’absenter quelques jours pour se rendre au chevet de sa mère malade. J’ignorais tout à cette époque de la vie que pouvait mener mon père. Un soir, entrant dans la chambre de mes parents, que je croyais vide, j’eus la surprise d’y trouver mon père tenant dans ses bras notre cuisinière à demi dévêtue… Mon père m’administra un soufflet, pour me punir d’être entré sans frapper ; c’était la première fois qu’il me giflait… » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 79) ; « Mon père m’a fait souffrir. » (Arnaud, femme F to M, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc.

 
 

c) Père absent ou indifférent :

Quand il n’est pas montré comme le grand méchant loup, le père est au mieux dépeint comme un être éteint, absent, lointain, lunaire, lointain, figé, allongé, voire mort. Il est fréquent que les individus homosexuels lui reprochent son indifférence, son absence, sa froideur : « Je ne sais si j’aimais ou non ce monsieur de haute taille, affectueux sans cajoleries, qui ne m’adressait jamais de remontrances et parfois de bons sourires. Il était pour moi la grande personne autour de laquelle tournait la mécanique de ma vie. » (Marguerite Yourcenar à propos de son père, dans sa biographie Quoi ? L’Éternité, citée sur le Magazine littéraire, n°283, décembre 1990, p. 18) ; « Je n’ai pas beaucoup de souvenirs d’enfance avec mon père ; je garde de lui l’image d’une figure absente. Parfois, j’ai même l’impression d’avoir grandi sans père. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 16) ; « Abandonnée par son père, élevée pas sa tante. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme et parlant de lui-même, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Comme le retranscrit Emilio Barón dans la biographie Luis Cernuda Poeta (2002), le poète espagnol Luis Cernuda n’avait que mépris pour sa mère qui « ne cherchait jamais à le comprendre et se moquait de lui », et pour son père : « Je me rappellerai toujours mon père enfermé dans son bureau. […] Ma présence le gênait. » (p. 18) ; « Mon père a énormément de difficulté à écouter. » (l’un des témoins homosexuels du documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Membre d’un parti qui prenait de l’ampleur, il devint rare à la maison. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 12) ; « Mon père n’est pas présent dans ma vie. » (Marvin, jeune témoin homo, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Quand ils ont renoncé leur homosexualité, leurs proches les ont rejetés » diffusée sur France 2 le 8 juin 2016) ; etc. Dans le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) d’Yves Riou et Philippe Pouchain, le comédien Jean Marais est décrit comme « un fils élevé avec une image paternelle absente ». L’écrivaine bisexuelle Lucía Etxebarría évoque l’absence de son père. Charles Trénet n’a vu son père qu’à l’âge de 6 ans. Et en 1920, quand il n’avait que 7 ans, ses deux parents se séparèrent. « C’est un enfant de divorcés. » (Serge Hureau dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata) Dans l’émission Toute une histoire spéciale « Quand ils ont renoncé leur homosexualité, leurs proches les ont rejetés » diffusée sur France 2 le 8 juin 2016, les deux invités homosexuels ont eu un père qui est parti quand ils avaient 3 ans.

 

Le père indifférent et démissionnaire, c’est souvent les personnes homosexuelles elles-mêmes, soit parce qu’elles fuient leur paternité/maternité, soit parce qu’elles fuient leurs devoirs parentaux et l’amour de leur géniteur du sexe complémentaire qu’elles auraient pu offrir à leurs progénitures. Par exemple, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013, c’est bien lui, Jacques Viallatte, le père démissionnaire, qui s’est séparé de sa femme après 23 ans de mariage, en quittant 4 enfants, pour aller vivre avec un homme.

 

d) Le souhait parricide naissant d’un désir incestuel frustré :

Il se peut que les reproches que formulent certains sujets homosexuels à leur père soit justifiés, si en effet ce dernier a vraiment manqué d’amour et de présence. Mais bien souvent, au lieu de dénoncer ce premier manquement, ils en rajoutent un second qui cette fois vient d’eux : la revendication d’un rapprochement au père ou d’une inversion des rôles, qui tient de l’inceste. Le fantasme de parricide, c’est aussi simplement le désir incestueux : l’individu fait mourir le lien filial avec son père en le considérant comme un amant : « Mon père a toujours été très tendre envers mon grand frère et moi, mais pour nous, ses câlins étaient des moments de dégoût. De dégoût puis de honte. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 34) ; « Au lieu de trouver un équilibre entre son amour et sa haine, en s’identifiant avec son père et en se représentant soi-même comme le futur père de ses enfants, l’enfant se dresse contre son père et devient l’amant potentiel de sa mère. Ne pouvant envisager des relations incestueuses avec elle, il se détournera de toutes les autres femmes (c’est ce qu’on appelle un phénomène de ‘compensation’). » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48)

 

Dans la biographie Ramon (2008), Dominique Fernandez fait la prouesse de retracer la vie de son père qui « a été un collabo, des plus notoires », jusqu’à ses funérailles : « Cette tête est celle de la mort. Cette photographie a été prise sur le lit de mort de cet homme. Cet homme qui est mon père, que je retrouve 62 ans après l’avoir vu pour la dernière fois. […] De temps en temps, dans les journaux, je voyais un visage lourd, massif, d’une virilité agressive. […] Force épaisse et butée, sans aucun rapport avec cette finesse de traits que j’ai maintenant sous les yeux, avec cette pureté d’expression, cet air de n’y être pour personne… Personne sauf peut-être pour son fils, qu’il a connu à peine, dont il ne s’est guère soucié, mais qui se trouve être aujourd’hui le dépositaire de cette vie et se heurte à un mystère insoutenable. Si beau dans la mort, si blâmable dans l’action : est-ce possible ? » (pp. 13-14) ; « Je suis né de ce traître, se dit-il, je porte son nom, son œuvre, sa honte, je suis son héritier. » (idem, p. 18) Dominique Fernandez nourrit une ambiguïté incestuelle vis-à-vis de son père qui ne fait aucun doute : « J’avais intériorisé l’interdit maternel. […] Amoureux de mon père, je l’ai toujours été, je le reste. Ma mère, je l’ai admirée, je l’ai crainte, je ne l’ai pas aimée. Lui, c’était l’absent et c’était le failli, l’homme perdu, sans honneur. C’était le paria. » (idem, p. 45)
 

Certains sujets (souvent lesbiens) détestent leur père biologique d’avoir cru que ce dernier était un dieu ou leur amant secret. « J’ai longtemps eu le sentiment de n’être qu’un ersatz de mon père. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 15) ; « Tout Louhoua estimait mon père. Star-patriarche du coin, charismatique, c’était un homme très séduisant, très adulé par les femmes. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 17) ; « Aujourd’hui, c’est le 19 juin, la fête des Pères, et comme tu es mon Miam, mon papa Miam, je ne t’oublie pas. » (Julien à son amant Pascal Sevran, dans l’autobiographie de ce dernier Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 169)

 

Par exemple, dans le documentaire « Cet homme-là est un mille-feuilles » (2011) de Patricia Mortagne, Xavier est montré comme un père absent, coureur de jupons, et finalement homosexuel ! : « Ton père, il aimait bien plaire en société. » Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, Christine, la reine pseudo « lesbienne », porte aux nues son père auquel elle s’identifie même physiquement, et qu’elle perd très jeune, à l’âge de 5 ans et onze mois : « C’était vraiment la petite fille à son papa. Elle adorait son père. » (la biographe Karin Borgkvist). Finalement, une fois arrivée à l’âge adulte, elle le descend de son piédestal : « Mon omniscient père avait tort. » Par ailleurs, l’ancien chroniqueur de Quotidien, Panayotis Pascot, a sorti un livre en août 2023 (La prochaine fois que tu mordras la poussière), qui est une autobiographie où il fait son coming out, tout en réglant ses comptes avec son père, pourtant décédé, en disant qu’il l’a écrite pour tuer une seconde fois son géniteur : « Ce livre me fait peur. Il a été douloureux à pondre. Mon père nous a annoncé qu’il n’allait pas tarder à mourir et je me suis mis à écrire. Trois années au peigne fin, mes relations, mes pensées paranoïaques, mon rapport étrange avec lui, crachés sur le papier. […] Je me suis donné pour but de le tuer avant qu’il ne meure. Ce que je ne savais pas c’est que j’allais traverser un épisode dépressif si intense que j’allais frôler la mort moi aussi… »

 
 

e) Mépris homosexuel du père inspiré de la misandrie de la mère (réelle ou cinématographique) :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Tiens, tant qu’on parle d’inceste, restons-y… Il est fort probable que la haine du père, observable chez une majorité de personnes homosexuelles, soit le fruit d’une imitation/soumission au discours misandre d’une mère cherchant à diviser le père et le fils pour, après un cuisant divorce, mieux régner amoureusement sur le second. La maman castratrice s’avance, un fusil à la main, pour tuer symboliquement son mari, et le ridiculiser auprès de son enfant homosexuel : « J’ai toujours eu l’impression que mon père n’était pas à la hauteur. » (Éric, homosexuel, dans l’essai Les Femmes et les homosexuels (1996) de Virginie Mouseler, p. 38) ; « C’est un homme plutôt doux, et surtout effacé, qui a abdiqué son autorité au profit de la mère. » (idem, p. 37) ; « Maman me parlait toujours mal de papa. Mon père ne prenait pas de décision et ma mère prenait trop de place. » (cf. la chanson « Luca Era Gay » de Povia) ; « Elle a distillé en moi une sorte de rancœur à l’égard de ce père toujours absent. Elle a ainsi contribué à faire germer en moi une culture d’affrontement avec le père. » (Jean Le Bitoux concernant sa mère, dans l’essai Citoyen de seconde zone (2003), p. 26) ; « Triomphe de la femme dominant un carnage de victimes masculines. Les héroïnes de Moreau sont fatales : les Érinnyes, Hélène de Troie, Salomé, inlassablement repeinte, Dalila, Circé, Lucrèce, Messaline, Lady Macbeth. » (Françoise Cachin, « Monsieur Vénus et l’ange de Sodome : L’androgyne au temps de Gustave Moreau », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 88) ; « Tu en as tellement bavé avec papa et tu voudrais que je répète le même schéma ? » (Brahim Naït-Balk à sa mère, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 89) ; « De mon père, j’ai le souvenir lointain d’un officier pâle, doux, presque timide, perpétuellement en butte aux sarcasmes de son épouse. » (Jean-Luc, homme homosexuel de 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 75) ; « Je crois que pour Fanon, ce qui est important, c’est le conflit avec le père. C’est ce qui est au centre du texte : le conflit entre le fils noir et le père colonisateur. C’est cette relation Noir-Blanc / père-fils qui donne cette profonde masculinité à sa vision d’ensemble, qui génère le rôle ambigu des femmes dans le texte, et explique pourquoi ses sentiments sur les relations homosexuelles sont porteurs comme souvent aux Caraïbes, du même genre d’ambiguïtés. On est donc très près du complexe d’Œdipe. » (Stuart Hall parlant du héros du roman Peaux noires, masques blancs (1952) de Frantz Fanon) ; « Tu sais, je n’ai rien fait de méchant. C’est plutôt ton père qui était un peu con, il faut l’avouer. Il faut remercier Dieu de l’avoir rappelé à ses côtés aussi rapidement. » (la mère d’Ernestino à son fils homosexuel, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 177) ; « Ce sont les impressions de l’enfance qui marquent l’individu au point de vue sexuel. Si elles ont été désastreuses, l’individu cherche souvent refuge dans l’homosexualité. C’est l’histoire banale des foyers désunis, où la mère, malheureuse et terrorisée par un père brutal, étouffe son enfant sous des manifestations d’affection anxieuse. Elle le retient dans son développement et tend à le conserver pour elle, comme un bébé. L’enfant, dans ces circonstances, témoin d’un rapport sexuel entre ses parents, l’interprète comme une attaque contre sa mère, une brutalité. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48) ; « Mon père (présent/absent, toujours fatigué) a essayé de jouer son rôle de père malgré lui. Mais aucune affinité entre nous. Pas beaucoup de conversation car je le trouvais superficiel. Il cherchait à bien se faire voir auprès des autres alors qu’il n’avait pas les moyens de se payer les choses ou qu’il promettait des choses qu’il ne tenait jamais. C’était ses parents qui l’aidaient pour acheter de jolies voitures. Il se vantait auprès des autres de trucs qu’il faisait pour nous alors que il filait juste la pension et de quoi couvrir le manger pas les vêtements. Et encore… il disait que c’était lui qui payait presque tout. […] J’ai eu une enfance heureuse avec une mère qui me surprotégeait en dévalorisant à mes yeux mon père et un père présent absent qui n’a jamais été un pilier exemplaire. La mère a joué le rôle du père, je me rappelle que j’ai dit a ma mère que je voulais lui faire l’amour vers les 4 ans et elle a rigolé et ça m’a blessé comme si elle m’avait rejeté dans ma sexualité, castré. […] Mon père me considère toujours comme un gamin et j’ai remémoré des émotions en moi auprès de ma mère de lui et ma gorge m’a fait tousser presque à ne plus pouvoir parler une bonne partie de l’après midi. […] J’ai vu des médiums et énergéticiens qui me disent que c’est la colère envers la figure paternelle, l’absence du père qui me détruit, l’absence d’un père qui m’a bloqué dans mon évolution, ma construction d’homme auprès des femmes, professionnellement et médicalement et une mère poule qui me saoule, qui a toujours besoin de moi, toujours sur mon dos et qui fait tout à ma place. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014); etc.

 

Par exemple, dans ses Mémoires (1995), l’écrivain nord-américain Gore Vidal raconte comment sa mère a méprisé son mari devant lui : « Ton père est un raté, ou du moins l’était jusqu’à ce qu’il m’épouse. » (p. 105) Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013), Guillaume Gallienne laisse entendre que son père n’est pas fidèle à sa mère : « Maman, j’adore quand tu parles espagnol. T’es encore plus belle que les secrétaires de papa. » Et il lui en veut d’avoir voulu le transformer en garçon, et donc de l’éloigner de sa mère : « Je ne sais pas pourquoi il ne veut pas que je sois une fille. C’est à cause de lui que ma mère m’habille en garçon. »

 

Beaucoup de personnes homosexuelles ont fini par intégrer dans leur cœur le discours binaire, démagogique, et parricide de leur maman : « Comment les pères surnomment-ils leur fils ? Idiot-bête. Glandu. Dorenchiant. L’imbécile. Une mère dit mon chéri, ma puce, Christ. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 52) ; « J’ai étudié la psycho sur les origines de mon homosexualité. Cela est dû au fait que ma mère dénigrait tous les hommes, à commencer par mon père. Ils étaient divorcés. » (un ami en octobre 2013 sur Facebook) ; etc.

 

Certaines mères de personnes homosexuelles prétendent se substituer aux pères, quitte à les détruire : « Dans les cas d’homosexualité, c’est la mère qui se trouve avoir fait loi au père au moment décisif. » (Jacques Lacan, « Les formations de l’inconscient », Le Séminaire V, en janvier 1958, p. 210) ; « Ma mère était assez violente, peut-être plus que mon père, en réalité, et dans la seule confrontation qui, à ma connaissance, les opposa physiquement, ce fut elle qui le blessa, en lançant sur lui le bras du mixeur électrique qu’elle était en train d’utiliser pour préparer une soupe : le choc fut tel qu’il en eut deux côtes fêlées. Elle est assez fière de ce fait d’armes, d’ailleurs, puisqu’elle me l’a raconté comme on raconte un exploit sportif. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 81) ; etc.

 
 

f) Hamlet :

Hamlet (Sarah Bernhardt travesti en homme) face au crâne de son père

Hamlet (Sarah Bernhardt travesti en homme) face au crâne de son père


 

Rien d’étonnant, dans ce contexte discursif de parricide ou d’indifférence entretenu par certaines mères d’enfant homosexuel, que des individus homosexuels s’identifient à la figure tragique d’Hamlet, l’emblématique personnage shakespearien dont la mère a tué le père : « Mon drame, c’est celui d’Hamlet, mais lui n’avait pas la chance d’enregistrer des disques. » (Mylène, Charlie Hebdo, 1984, citée dans la biographie Mylène Farmer, L’Ange blessé (2003) de Caroline Bee, p. 7) ; « Mon rôle favori était celui d’Hamlet. » (Luchino Visconti, le réalisateur homosexuel italien, cité dans l’article « Biographie de Visconti » d’Olivier Bombarda, sur le site www.arte-tv.com) ; etc. Hamlet est un personnage qui fascine les membres de la communauté homosexuelle, car inconsciemment, il est le porte-parole d’un mépris social des pères. Par exemple, dans l’histoire du théâtre, Hamlet a souvent été joué travesti ou par des femmes (pensons à Sarah Bernhardt, la rebelle, ayant osé au début du XXe siècle la transgression en composant un Hamlet androgyne). En 1975, Elton John travaille aux côtés de Ken Russel à un projet de film-opéra-rock d’après le Hamlet de Shakespeare, avec David Bowie pour interpréter le rôle d’Ophélie (projet qui ne verra jamais le jour). L’écrivain espagnol Vicente Molina Foix a collaboré auprès de José Carlos Plaza pour la pièce Hamlet (1989). Dans son essai Para Enterdernos (1999), Alberto Mira fait longuement référence à Hamlet (p. 22). Dans le téléfilm « Hamlet » (1972) de David Giles, comme par hasard, c’est l’acteur homosexuel Ian Murray McKellen qui joue le rôle titre.

 

Hamlet représente tous ces maris, ces pères, ces frères, ces hommes, rendus invisibles par le peu d’attention qu’on leur prête : « En quelque sorte, ma vie quotidienne est désormais hantée par le spectre d’Alzheimer. Un spectre qui vient du passé pour m’effrayer en me montrant l’à-venir. C’est ainsi que mon père continue d’être présent dans mon existence. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 17) ; « La fille unique que je suis n’a jamais eu à se mesurer à un frère, donc à un garçon. Elle ne s’est heurtée qu’à un fantôme. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 40) ; « Les hommes n’ont pas de corps. » (Oshen, la « lesbienne invisible », lors de son concert à L’Européen, à Paris, le 6 juin 2011) ; « En sortant de la brasserie, j’ai observé longuement la façade de la gare du Nord, et j’ai pensé que mon père était une des statues, boulonnées sur la corniche, et qu’il me regardait, et j’ai pensé : est-ce qu’il me regarde ou est-ce qu’il me surveille ? » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 91)

 
 

g) Meurtre du père :

Loin de renvoyer à un désir de meurtre qui va toujours s’actualiser (je vous rassure, je ne connais, à ce jour, aucune personne homosexuelle qui ait tenté d’assassiner vraiment son père !), l’expression claire de la part d’un certain nombre de sujets homosexuels d’une profonde aversion pour leur père, indique plutôt un éloignement du Réel, une fuite de sa famille/de sa propre paternité, une gémellité incestueuse entre homosexualité et homophobie… Ce qui n’empêche pas, cela dit, que cet oubli des pères, relégués au statut de moins que rien, puisse engendrer à plus ou moins long terme des suicides, des meurtres, de vrais parricides. « Parallèlement à tous ces évènements brièvement décrits, notre vie familiale était très difficile à vivre suite à une grande difficulté conjugale entre mes parents : je ne reprendrai pas tous les détails de ces difficultés mais finalement, mon père se suicida le 25 août 1995. » (un ami homosexuel quinquagénaire, dans un mail datant du 19 octobre 2013) ; « Elles [le « couple » lesbien Charlotte et Marion] cherchent à couper le cordon, à se libérer enfin de l’emprise de leurs parents. » (la voix-off du documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy dans l’émission Tel Quel, diffusée sur la chaîne France 4, le 14 mai 2012) ; etc.

 

Par exemple, le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini a quitté définitivement son père qui était très violent. Rayé de la carte ! Le 26 janvier 2017 en Suisse, un jeune gay de 19 ans comparaissait devant un tribunal zurichois du district de Hinwil (campagne zurichoise) pour avoir tenté un an plus tôt de poignarder à mort son père, après des années d’insultes et de souffrances psychologiques.

 

Lors de l’avant-première de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco au Théâtre Clavel de Paris en février 2012, un des spectateurs homos, à l’issue du spectacle, s’en est pris à l’acteur qui jouait le rôle du père homophobe d’Édouard, le héros homo, en cherchant à le tabasser, tellement il s’était identifié à la fiction !

 

Ensuite, il existe beaucoup de parricides homosexuels parallèles : pensons à ces hommes gays qui font tout pour ne pas imiter leur père et ne pas être pères eux-mêmes ; à ces femmes lesbiennes qui s’affairent à rentrer dans la peau de leur père idolâtré/fantasmé afin de tuer par la substitution leur vrai père ; à ces hommes transsexuels M to F qui se châtrent et se mutilent chirurgicalement pour tuer le père en eux. « Quand j’était cet homme que j’ai tué… » écrivait l’Américain transsexuel M to F Patricia Ann Morgan, à 24 ans, dans ses mémoires. Difficile d’être plus clair !

 

Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, on nous raconte la rencontre entre Nicolaus Sombart et son amant beaucoup plus âgé que lui Carl Schmitt. Nicolaus Sombart semble utiliser l’homosexualité et son amant âgé comme parricide : « De toute ma vie, personne n’a plus occupé mes réflexions que Carl Schmitt. Pas même mon père. » (p. 273)
 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

J’observe également un parricide symbolique (et malheureusement réel parfois) à chaque fois que j’entends les membres de la communauté homosexuelle rayer le père biologique de la carte du Réel, pour parfois prendre sa place, comme c’est le cas dans le discours des promoteurs de la « famille » homoparentale. Ainsi, lors de sa conférence « L’homoparentalité aux USA » à Sciences-Po Paris le 7 décembre 2011, Darren Rosenblum, jeune professeur de droit qui a acheté avec son compagnon « leur » petite fille à une mère porteuse (GPA), tient un discours qui tend à effacer les parents biologiques pour les remplacer par des rôles qui peuvent être tenus par des personnes asexués ou de tous les sexes. Face au public, il nie ouvertement qu’il ne dira pas à « sa » fille Myriam qui est son père, mais on le comprend puisque lui et son compagnon se le cachent déjà à eux-mêmes ! « Un de nous est le père biologique de Mélina. » ; « On ne voulait pas savoir qui était le père biologique. On sait maintenant qui est le père biologique, mais on garde le secret. » ; « Je soutiens une interprétation de la biologie. Je trouve que ces rôles de père ou de mère ne sont pas essentiels. Si dans une famille un homme veut être la mère, il doit pouvoir le faire. » De son propre aveu, Darren recherche une « parentalité androgyne » et parle de « désexuer la parentalité ». À propos des qualificatifs « père » et « mère », il dit : « Le sens de ces termes, je pense, va fondre. » Et il fait passer sa censure et son éloignement du Réel pour une incroyable créativité, en se valant du relativisme culturel : « Il y a un potentiel de jeux de rôles qui se développe dans les familles homoparentales. […] La parentalité, chez nous aux États-Unis, c’est aussi quelque chose de culturel. »

 

Un discours parricide semblable est tenu par Thierry Morisseau lors de l’émission Le Magazine de la Santé sur la chaîne française France 5, en décembre 2009 (ce documentaire fait partie de la série d’émissions 7 minutes pour une vie avec le titre « Homoparentalité : Le Parcours de deux mamans et deux papas ») : « La question de la disparition de la mère/du père doit exister » soutient-il. D’ailleurs, dans ce même reportage, quand on écoute le témoignage de Pascale et Julie, deux femmes en couple ayant réussi à « avoir un enfant » grâce à une insémination par don anonyme, on voit très clairement que l’existence du père est niée : « On est deux, pas un trio. […] On a fait le pari de construire nos propres références. » Elles refusent de connaître l’identité du donneur. Le père est assassiné, en quelque sorte.

 

Dans le documentaire « Zwei Mütter » (« Two Mothers, 2013) d’Anne Zohra Berrached, Katja et Isabella, à 43 et 37 ans, désirent un enfant. Mais il n’est pas question pour elles qu’une troisième personne vienne s’immiscer dans la vie de leur « couple heureux », amoureux et marié : « Les femmes ne veulent pas de père, juste du sperme » (cf. le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 42). Et après, les critiques de ce film ont le culot de se demander « pourquoi un amour qui semble si profond peut-il malgré tout être mis en danger » (idem) et souffrir des résistances. Et la misandrie ou l’effacement des origines des enfants, ce n’est pas violent, peut-être ?

 
 

h) Le parricide porté comme une culpabilité plus ou moins fondée :

Le meurtre parricide opéré par certains individus homosexuels n’est pas nécessairement réel ou conscient, comme je viens de le dire : il se limite parfois à une impression, à une culpabilité ressentie face à la radicalité et à la brutalité de la mort naturelle/accidentelle du proche parent, à une impression honteuse d’avoir été pris à son insu la main dans le sac de l’inceste. Il n’est absolument pas rare, par exemple, de voir que certaines personnes homosexuelles, à la mort de leurs parents, revêtent le deuil de leur papa, et surtout de leur maman, au point de s’y identifier, de s’en rendre malades, et de penser qu’elles ont commis un parricide irréparable… alors que bien évidemment, il n’y a pas eu assassinat. Notamment dans son article « La Douleur pour destin » (sur le Magazine littéraire, n°350, janvier 1997), Pietro Citati décrit « l’acharnement avec lequel Proust s’est poignardé lui-même, avec ses remords, surtout à l’égard de sa mère, au point de croire l’avoir tuée » (p. 24) On les a parfois tenu responsables d’un crime qu’elles se sont senties obligées de porter. René Crevel n’a que 14 ans quand sa mère le conduit devant le corps de son père pendu dans le salon familial. Dans son autobiographie Mémoire d’un nomade (1972), Paul Bowles raconte que son père l’a porté responsable de la maladie de sa mère : « Ta mère est très malade, et tout cela par ta faute, mon petit. Ne l’oublie pas. » (cf. le site www.islaternura.com). Quand sa mère meurt, Maurice Rostand sombre dans la démence parce qu’il croit l’avoir assassinée. Lorsque le père de Virginia Woolf décède, cette dernière pense l’avoir tué : « Sa vie eût entièrement mis fin à la mienne » rédige-t-elle dans son Journal, le 28 novembre 1928. La mère de Truman Capote, ou bien encore le père de Jean Cocteau, se sont suicidés alors que ces derniers n’étaient encore que des enfants. On peut penser également au désespoir qui s’abat sur Roland Barthes à la mort de sa mère, une insurmontable souffrance.

 

Parfois, cette culpabilité du parricide bascule en fausse indifférence. « On m’en veut parce qu’elle a voulu se suicider, mais, puisqu’elle a fait ça, c’est qu’elle est folle et moi je n’y suis pour rien. » (Stéphane, jeune homme qui se prostitue homosexuellement, parlant de sa propre mère, dans l’autobiographie Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014) de Paul Veyne, p. 234) Par exemple, la mort de la mère de Marguerite Yourcenar survient quelques jours après la naissance de l’écrivaine ; à l’âge adulte, celle-ci dira : « Je crois que le manque a été absolument nul. Car enfin, il est impossible, à moins d’avoir un caractère extrêmement romanesque, de s’éprendre, de s’émouvoir d’une personne qu’on n’a jamais vue. » (Marguerite Yourcenar, citée dans l’essai Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004) de Marie-Jo Bonnet, p. 213)

 

L’idéalisation des parents, mis concrètement à distance, peut agir également comme un parricide symbolique : par exemple Arthur Rimbaud écrit Lettres aux siens (1881) alors qu’il a passé toute sa vie à les fuir. L’épigraphe-crachat « À personne » qu’Hervé Guibert choisit de mettre en tête de sa biographie Mes Parents (1986), qu’il dédie pourtant à son père et sa mère, est particulièrement parlante ! De son côté, Colette fait de sa maman Sido l’héroïne principale de ses romans (surtout à partir de La Naissance du jour, 1928), mais en réalité, elle adore une mère éloignée et la déteste dans la proximité puisqu’elle ne répond pas à ses lettres, ne va jamais la voir, lui cache les scandales de sa vie tumultueuse, dissimule son divorce d’avec Willy, ne l’accompagne pas aux derniers jours de sa maladie (alors qu’elle la sait pourtant à l’agonie), et refuse même d’assister à son enterrement (cf. l’article « Sido, Colette, portraits croisés » de Michèle Sarde, dans le Magazine littéraire, n°266, juin 1989, pp. 30-32).

 
 

i) Lien causalisé entre parricide et homosexualité:

Est-ce le meurtre (réel ou symbolique) du père qui a provoqué l’homosexualité, ou le désir homosexuel qui incite à l’assassinat du père ? Ni l’un ni l’autre. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il existe un lien fort, souvent signifiant, mais non-causal, entre homosexualité et parricide : « Je demande pardon pour avoir tué ma mère. » (Alfredo Ormando dans la lettre testamentaire qu’il a rédigée juste avant son suicide par le feu sur la place saint Pierre en 1998, pour dénoncer la condamnation des actes homosexuels par l’Église, cité dans le documentaire « Les Règles du Vatican » (2007) d’Alessandro Avellis) ; « Sans la mort de mon père, sans la culpabilité que j’ai portée de cette mort, le mal ne se serait pas répandu en moi. […] La mort de mon père ne m’a pas fait devenir glorieux ou infamant, elle a ranimé mon sang, elle m’a baptisé. » (Christophe Honoré évoquant la mort de son père survenue juste au moment de sa première expérience sexuelle homo-érotique à 15 ans, dans Le Livre pour enfants (2005), pp. 86-87) ; « Lucien a fait son coming out à 19 ans, depuis la mort de son père. » (la maman de Lucien, un jeune témoin homosexuel suisse, dans l’émission Temps présent spéciale « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur la chaîne RTS le 24 juin 2010) ; etc.

 

La seule chose qu’on peut assurer de manière générale, c’est que nombreux sont les psychanalystes ou médecins psychiatres qui dénoncent les ravages psychiques que l’absence de père provoque, plus particulièrement sur les garçons.

 
 

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Code n°138 – Passion pour les catastrophes (sous-codes : Accident / Télé voyeuriste)

Passion pour catas

Passion pour les catastrophes

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La catastrophe pour cacher et redorer la violence de l’homosexualité

 

Davantage performante que le registre de la comédie, l’alliance entre homosexualité et catastrophe dramatique fait en ce moment recette dans les cinémas et plus largement au service de la propagande identitaire et amoureuse LGBT. Le scénario-catastrophe conquiert de plus en plus les cœurs et est extrêmement efficace car il confère de la gravité, du réalisme et du dramatisme « beau » à l’homosexualité, tout en faisant diversion sur la gravité réelle des actes homos puisque ceux-ci sont totalement noyés ou dissociés ou blanchis par le fond cataclysmique noir qui les encadre. En revanche, c’est le surgissement téléphoné et illogique de la catastrophe, tombant comme un cheveux sur la soupe homosexuelle, qui est rarement identifié et dénoncé, mais qui est clairement malhonnête et violent, car il fonctionne sur le chantage affectif et l’instrumentalisation de la souffrance des vrais gens pour leur faire dire ce qu’on veut, et surtout ce qu’ils n’auraient jamais défendu, à savoir l’homosexualité.
 

La thématique homosexuelle est justifiée et diluée dans ces films de propagande parce qu’elle est couplée à un inattaquable thème dramatique suscitant la compassion (le handicap, la discrimination raciale, la pauvreté, un accident, une catastrophe naturelle, un conflit armé, une intolérance religieuse, l’homophobie gratuite, une maladie, etc.). Or une catastrophe dite « naturelle », tout comme le désir homosexuel, n’est jamais purement « naturelle ». Elle est un signe de péché, ne l’oublions pas. Et ce péché, c’est l’éjection, en amour, de la différence des sexes et de la différence Créateur/créatures.
 

Comme les films de blacksplotation (qui n’hésitent pas à marier le Gay Power au Black Power, l’anti-homophobie à l’anti-racisme, pour servir leurs propres intérêts), on peut constater actuellement que certains réalisateurs pro-gays surfent sur la vague victimiaire de la crise économique actuelle, des actes homophobes, de la maladie, de la mort cruelle, ou du cataclysme, pour donner corps à leurs propres fantasmes amoureux, pour faire passer l’homosexualité pour un « moindre mal » voire pour LA solution qui conjurera le mauvais sort « homophobe », « hétérosexuel », économique et politique, mauvais sort soi-disant « totalement extérieur et étranger à l’homosexualité ». Nous avons affaire à l’amalgame classique entre différence des sexes (souplement intangible) et différence des espaces (sans cesse changeante). C’est une démarche malhonnête et mensongère, en plus d’une exploitation des plus pauvres. Dans les films défendant l’homosexualité, l’accident est orchestré à des fins idéologiques irréalistes, mais paradoxalement pour prouver une réalité crue vraie : en effet, les réalisateurs homosexuels qui aujourd’hui construisent la beauté de leurs amours sur pellicule (parce qu’ils ne peuvent pas les vivre dans le Réel) sont maintenant persuadés qu’ils peuvent vivre leur vie par procuration avec les personnages idéalisés de leurs créations pathos, vraisemblables mais pas réalistes, sont persuadés qu’ils n’ont rien orchestré du tout. Malaise et circonspection. Nous sommes bel et bien arrivés à l’époque de la « minute difficile » annoncée par Jean Cocteau, où l’esthétisme émotionnel se substitue à l’intelligence, où la Vérité est confondue et occultée par la sincérité, où la plupart de nos contemporains et nos créateurs ne distinguent plus la fiction de la Réalité. J’ai de la peine et de la colère contre ces menteurs professionnels sincères, qui embarquent tant de monde dans leurs utopies. Car ça, c’est réellement catastrophique.

 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Ennemi de la Nature », « Première fois », « Plus que naturel », « Mort = Épouse », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Amour ambigu de l’étranger », « Innocence », « Voyeur vu », « Espion homo », « Homosexualité noire et glorieuse », « Inversion », « Homosexuel homophobe », « Milieu homosexuel infernal », « Viol », « Entre-deux-guerres », « Témoin silencieux d’un crime », « Mort », « Adeptes des pratiques SM », « Fan de feuilletons », « Femme au balcon », « Méchant pauvre », « Mère Teresa », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Bobo », « Amant diabolique », « Oubli et Amnésie », « Aube », « Humour-poignard », « Clonage », « Jeu », « Fresques historiques », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Amant triste », « Poids des mots et des regards », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Clown blanc et Masques », à la partie « Paradoxes du libertin » du code « Liaisons dangereuses », et à la partie « Adieux » du code « Un Petit Poisson Un Petit Oiseau », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) L’accident et la catastrophe subis :

Vidéo-clip de la chanson "Les Mots" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer


 

Dans les fictions homo-érotiques traitant d’homosexualité, il est souvent question des catastrophes, de l’Apocalypse, de la fin du monde, des accidents, du déchaînement destructeurs des forces naturelles, tous ces événements apparemment extérieurs et indépendants de la volonté humaine : cf. le film « Catastrophes » (1996) d’Emma-Kate Croghan, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec la référence au Radeau de la Méduse), le film « Concussion » (2013) de Stacie Passon, le film « The Last Island » (1990) de Marleen Gorris, Le tableau Le Radeau de la Méduse (1819) de Théodore Géricault, le film « L’Imposteur » (2005) de Christoph Hochhaüsler, la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès (sur fond de la guerre de Corée), le film « In & Out » (1997) de Franz Oz (avec la guerre du Vietnam), le roman Éden Éden Éden (1970) de Pierre Guyotat (avec la guerre d’Algérie), le vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer (avec la catastrophe du Radeau de la Méduse), le film « Giorgino » (1994) de Laurent Boutonnat (sur fond de chute de l’Empire communiste), le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec l’épidémie de choléra et Venise en flammes), le vidéo-clip de la chanson « There Is A Light That Never Goes Out » du groupe The Smiths (parlant d’un accident de voiture et réalisé par Derek Jarman), le film « Vivere » (2008) d’Angelina Maccarone, le film « Hustler White » (1995) de Bruce LaBruce, la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi (avec l’accident de voiture), la chanson « Accident » de Barbara et Catherine Lara, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, le roman Incidents (1987) de Roland Barthes, le film « Les Amis » (1970) de Gérard Blain, le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, le roman Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill (sur fond de Première Guerre mondiale en Irlande), le film « Intrusion » (2003) d’Artémio Benki, la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès, le film « Mulholland Drive » (2000) de David Lynch, le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala (avec l’accident de Maxime), le roman Currito El Ansioso : Accidentada Historia De Un Gomoso Pervertido (1920) d’Álvaro Retana, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « Un Nuage entre les dents » (1973) de Robin Davis, le film « No Soy Como Tú » (2012) de Fernando Figueiras (avec l’accident ferroviaire), le film « Elle + Elle : leur histoire d’amour » (2012) de Sranya Noithai (Bua souffre d’un cancer incurable), le film « La Nuit américaine » (1972) de François Truffaut, le film « L’Inattendue » (1987) de Patrick Mimouni, le film « The Linguini Incident » (1992) de Richard Shepard, le film « Lan Yu, histoire d’hommes à Pékin » (2001) de Stanley Kwan, le film « The Accident » (1999) de Julian Lee, le film « L’Incident » (1967) de Larry Peerce, le film « O Beijo » (1964) de Flavio Tambellini, le film « Rage » (1976) de David Cronenberg, le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le film « Total Loss » (2000) de Dana Nechushtan, le film « Tableau de famille » (2000) de Ferzan Oztepek, le film « Siegfried » (1986) d’Andrzej Domalik, le film « Respire ! » (2004) de Dragan Marinkovic, le film « Tras El Cristal » (1985) d’Agusti Villaronga, le film « Segunda Piel » (1999) de Gerardo Vera, le film « Haijiao Tianya » (« Incidental Journey », 2001) de Jofei Chen, le film « Más Allá Del Jardín » (1997) de Pedro Olea, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus (avec l’annonce subite du cancer des os de Chris, le héros homo), le roman Le froid modifie la trajectoire des poissons (2010) de Pierre Szalowski (avec le grand froid paralysant Montréal), le film « Indian Palace » (2011) de John Madden (avec la maladie incurable de Graham, le héros homo, qui veut revoir son premier amour, Manadj, avant de mourir), le film « Freeheld » (2015) de Peter Sollett (avec le cancer du sein de Laurel), le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, le roman L’Amant pur (2013) de David Plante (avec Nikos et sa tumeur au cerveau), le film « Un accident est si vite arrivé » (2006) d’Anne Crémieux, le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec la noyade inattendue d’Heiko, l’amant de Konrad ; puis la chute en moto d’Ayrton), la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand (avec le fatal accident de vélo d’Isabelle), etc.
 

Par exemple, dans le film « Adored Diary Of A Porn Star » (2004) de Marco Filiberti, Federico et son frère Riki sont témoins d’un accident de voiture mortel. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, la mère de Steve, le héros homosexuel, est victime d’un accident de voiture, heureusement sans trop de gravité : un chauffard lui coupe la route. Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, le père David meurt en scooter. Dans le film « Bayaw » (2009) de Monti Parungao, Rhennan est témoin de la mort accidentelle de Pia, tuée par Nilo. Dans le film « Rebel Without a Cause » de Nicholas Ray (« La Fureur de vivre », 1955), les lycéens – dont Jim, le héros homosexuel – se rendent tous au Planétarium de Los Angeles, et assistent à une conférence sur la fin de l’Univers. Dans le film « Morgan » (2012) de Michael Akers, Morgan, le héros homosexuel, devient paraplégique suite à un accident dans une course cycliste. Dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, Juliette, l’héroïne lesbienne, regarde une scène d’un accident de voiture à la télé. Dans son one-(wo)man-show Madame H. raconte la saga des transpédégouines (2007), Madame H. fait l’inventaire de toutes les catastrophes qui se sont déroulées au cours de l’Histoire de l’Humanité. Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton regarde sur internet les agressions homophobes filmées : elles le vampirisent, le fascinent, l’obsèdent… et finalement, c’est ce qui va lui arriver à la fin du film. Dans le film « le Placard » (2000) de Francis Veber, dans sa cuisine, la radio allumée, François Pignon, le héros hétéro qui jouera l’homosexuel, éteint le bulletin des mauvaises nouvelles qui le submergent. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, dans le salon familial, pendant le dîner, Jonas, le héros homo et ses parents regardent à la télé les informations datant de 1997 et relatant la mort de la Princesse Lady Di. Plus tard, à l’époque contemporaine (15 juillet 2015), Jonas suit les infos cette fois annonçant la fusillade de Lafayette en Louisiane. Et enfin, dans la scène finale, on voit le père de Jonas suspendu aux mauvaises nouvelles du transistor de la cuisine, faisant état de la mort de Nathan. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Esteban, le jeune héros homosexuel, meurt dès le début du film dans un accident de voiture, avant d’avoir pu réaliser sa carrière artistique. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès que Rana, chauffeuse de taxi, découvre la transsexualité de sa passagère intersexe F to M Adineh, elle hurle, la gifle et la voit comme un monstre : « Me touche pas ! Sors de ma voiture !! » C’est en cherchant à la fuir qu’elle a un accident avec son taxi. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, un Allemand, est en couple épisodique avec Oren, un Israëlien, qui finit par se tuer dans un accident de voiture à Jérusalem.
 

En général, la catastrophe, l’épreuve (la maladie, la mort, le meurtre, etc.), l’accident (bête), arrivent de manière impromptue : « Il s’est fait renverser par ce chauffard de merde. » (Richard, pleurant son amant Kai, décédé dans la rue en allant prendre son bus, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Le jour de l’accident, tout s’est arrêté. » (Junn, la mère de Kai, idem) ; « La tour d’en face prend feu ! » (Micheline, l’homme travesti M to F décrivant un hélicoptère qui s’est scratché sur un immeuble, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; etc. Mais comme ils sont juxtaposés à une intrigue amoureuse voulue magnifique ou un instant de « vérité » comme le coming out, l’accident ou la catastrophe est vite jugé(e) comme méchant(e), cruel(-le), homophobe, meurtrier(e).
 
 

b) L’accident et la catastrophe homosexualisés :

Le héros homosexuel se prend parfois lui-même pour la catastrophe. Il dit : « Je suis catastrophique » : « Je suis Monsieur Sinistre. » (Elliot, le héros homosexuel du film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee) Je vous renvoie au code « Entre-deux-guerres » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 

C’est parfois la pratique homosexuelle et le coming out qui provoquent ou qui sont l’accident, la catastrophe : cf. le film « Post Apocalyptic Cowgirls » (2010) de Maria Beatty, la chanson « Dile A Tu Amiga » de Dalmata (le chanteur se fait renverser par une voiture, puis a des hallucinations lesbiennes en boîte), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (l’histoire homosexuelle démarre sur un accident de voiture), etc. « Je le vois avoir un accident de voiture. » (Bryan parlant de son amant Tom, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; « Le désastre est total. » (cf. la phrase subséquente au départ de la reine Marie-Antoinette avec Madame de Polignac, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot) ; « On pourrait appeler ça une Révélation. » (Steven évoquant l’accident qui a coïncidé avec son coming out, dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa) ; « Est-ce que tu sors avec une bande de tantes ? J’aurais pu deviner que ça allait arriver. Tes fantasmes paranoïaques d’arrestation et d’accident ont été le premier symptôme. » (Myrma Minkoff s’adressant à Ignatius le héros homo, dans le roman La Conjuration des imbéciles (1981) de John Kennedy Toole, p. 414) ; « J’ai eu un accident très très grave. Je suis tombée amoureuse des femmes. » (Océane Rose-Marie évoquant son adolescence, dans son one-woman-show Châtons violents, 2015) ; etc. Par exemple, dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq, c’est le baiser homosexuel qui provoque l’accident de voiture de Manu et Philippe. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Peter, en voiture, manque d’écraser Howard, son futur amant qui roulait en vélo en pleine campagne. Dans la biopic « Vice » (2018) d’Adam McKay, c’est l’accident de voiture de Mary Cheney qui déclenche son coming out à sa famille. Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, Jim meurt dans un accident de voiture… mais son amant George revient en pèlerinage sur le lieu du drame, comme si celui-ci magnifiait leur amour. Dans son one-man-show Changez d’air (2011), Philippe Mistral dit qu’il a rencontré son « mari » pour la première fois le 11 septembre 2001. Dans le film « La Dérade » (2011) de Pascal Latil, après avoir subi une greffe cardiaque qui lui a sauvé la vie, Simon apprend que le donneur est en fait son compagnon François décédé dans un accident de voiture. Ils se sont mutuellement sauvés la vie et bien que séparés, ils vont finir leurs jours ensemble. Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, les deux amantes Stephen et Angela se rencontrent à cause d’un accident impliquant un chien. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, Nathan, le héros homosexuel, raconte que, quand il avait 19 ans, il a été pris dans une tempête de neige alors qu’il se trouvait en voiture avec son amant Arnaud. Ils ont été rendus invisibles. Nathan s’est imaginé un accident dans lequel une voiture se serait encastrée dans la leur, et que leurs corps calcinés auraient été ensuite retrouvés sans vie, constitueraient les funestes carcasses noircies d’une homosexualité vécue dans l’ombre et stigmatisée socialement. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, a rencontré Nicholas lorsqu’ils n’avaient que 8 ans… et se retrouvent quelques années plus tard, dans le même lycée. Leur rencontre initiale d’enfance résonne comme un signe du destin (lié par une boule à neige en verre) : Phil a bousculé Nicholas qui sortait d’un supermarché et a fait renverser son sac plastique rempli de bouteilles d’eau minérale.
 

Film "The Burning Boy" de Kieran Galvin

Film « The Burning Boy » de Kieran Galvin


 

Dans le film « The Burning Boy » (2000) de Kieran Galvin, le premier baiser homosexuel entraîne la mort. En effet, c’est au moment où Ben donne à son meilleur ami Chill le signe charnel que ce dernier attendait tant que paradoxalement l’accident arrive. Ben essaie de relativiser l’acte qu’ils viennent de poser (« Écoute, ça va, c’est pas grave. Je sais que je te plais. ») mais Chill s’énerve, pousse son copain, qui finit par faire une mauvaise chute le laissant totalement inanimé dans un cabanon qui prendra entièrement feu. Ce film vise à faire comprendre au spectateur que le refus de sa propre homosexualité est criminel ; mais au-delà de cette dialectique idéologique, on nous montre en toile de fond que le baiser homosexuel tue.
 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael, le héros homosexuel, essaie de forcer Alan, le héros hétéro, à assumer son attraction naissante pour Hank… en lui présentant son désir homosexuel comme un accident qu’il ne pourra pas éviter : « Tu n’arrives pas à partir. Comme pour un accident. On ne peut regarder ni détourner le regard. ». Plus tard, Donald, un pote gay de Michael, lui fait la remarque que les accidents n’existent pas : « Il n’y a pas d’accidents. » ; et Michael lui répond : « Je te souhaite d’en avoir un en rentrant. » L’amour est vraiment considéré par les personnages de ce film comme un déterminisme, une fatalité implacable, où le désir et la liberté humaine n’ont plus leur place.
 

L’accident, c’est en réalité la rupture radicale avec la différence des sexes. Par exemple, dans le film « Ander » (2008) de Roberto Caston, suite à un accident dans lequel il va se casser une jambe, Ander, le coureur de jupons, va découvrir son homosexualité.
 

L’accident ou la cata, c’est, aux yeux du héros homosexuel, la différence des sexes qui n’a pas su devenir communionnelle, qui a clashé, qui n’a pas survécu à la fusion ou qui s’est encastrée sur elle-même : « Un homme et une femme occupaient la grosse voiture de sport noire. Au même instant j’eus la vision de l’hôtel où ils allaient : un palais blanc, à Cannes ou à Monte-Carlo, avec sa haute grille de fer forgé et ses allées de gravier. […]Ils s’étaient encastrés sous le mastodonte, comme s’ils avaient fui quelque chose. L’espace d’un instant je les vis tous les deux dans leur automobile déchiquetée : courbés en avant dans leur sommeil. » (Laura, l’un des héroïnes lesbiennes, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, pp. 149-151) Par exemple, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, au moment où Solange et Silvano s’embrassent, Silvano se fait massacrer par les CRS. Au fond, c’est toute la sexualité qui est diabolisée et envisagée comme « accidentelle » ou « cataclysmique ». Ce n’est pas un hasard si le premier court-métrage de Pascal Alex-Vincent, daté de 2009, représentant un jeune adolescent de 18 ans (Gaëtan) et une jeune adolescente du même âge (Juliette) découvrant sereinement la génitalité ensemble dans une forêt, s’intitule « Tchernobyl » : pendant qu’ils « font l’amour », un speaker à la radio évoque une catastrophe nucléaire…
 

Beaucoup plus gravement (car quand le lien entre homosexualité actée et catastrophe est causalisé, il devient de l’homophobie : en effet, l’homosexualité actée ne provoque pas la Fin des Temps, même si elle en est l’un de signe ou voyant social), il arrive que ce soit le couple homosexuel – en famille « homoparentale » – qui soit désigné comme déclencheur des cataclysmes mondiaux, voire rendu responsable de la Fin du Monde si jamais il ne sacrifie pas l’un de ses membres. C’est le cas dans le film homophobe (en même temps que gay friendly… ce qui va ensemble) « Knock at the Cabin » (2023) de M. Night Shyamalan, qui met en scène un couple homo – Eric et Andrew – ayant obtenu par GPA (Gestation Pour Autrui) une petite fille asiatique, Wen, et qui est accusé/prévenu par 4 individus faisant irruption dans sa maison de vacances – présentés nommément comme « les 4 Cavaliers de l’Apocalypse » mais qui ne sont ni homophobes (ils passent leur temps à les disculper, à tenir le discours gay friendly de soutien ou de blanchissement du couple homo, et ils s’interdisent de sacrifier eux-mêmes la famille gay : ils préfèrent se suicider les uns après les autres et s’entretuer plutôt que de toucher à la famille homoparentale) – que s’il ne sacrifie pas un de ses trois membres, il provoquera des cataclysmes mondiaux et la Fin du Monde. Et le plus fou dans ce scénario – preuve que désormais la vague d’homophobie déferle actuellement sur nos écrans sans même que personne ne l’identifie, ne s’en offusque ni ne la dénonce, puisque c’est excusé par le surnaturel, la bonne intention et le ressort fictionnel/esthétique -, c’est que l’avertissement des 4 prophètes de malheur gays friendly qui se sacrifient – se révèle vrai : c’est bien le refus de la famille homoparentale de supprimer un de ses membres qui engendre et alimente l’enchaînement des fléaux à échelle planétaire (tsunamis, pandémie virale, crashs aériens, méga incendies), en plus du massacre méticuleux et successif des martyrs-avertisseurs ; et c’est bien le sacrifice final d’Eric (qui en arrive à gober la prophétie sacrificielle des 4 cavaliers de l’Apocalypse pesant sur son couple, et reposant sur la croyance au lien de causalité entre homosexualité actée et catastrophe) qui met un cran d’arrêt aux fléaux et qui permet à l’Humanité le retour à l’équilibre et à la normale. De surcroît, lors du dénouement, le spectateur découvre que les 4 « illuminés » ne l’étaient pas tant que ça vu qu’ils ont dit vrai sur leur propre vie dès le départ, et ont annoncé des événements terrifiants qui ont bien eu lieu. Donc finalement, le film cache ses intentions homophobes, en se drapant dans l’argument de l’irrationnel ou du genre « horreur » ou du film-catastrophe barré, ou dans le discours de l’innocence visionnaire mâtiné de zèle prophétique irrépressible et gay friendly qui ne se comprend pas lui-même (Par exemple, à aucun moment les voyants ne demandent au couple gay de se séparer, de se convertir, de rendre la petite Wen à sa mère, de nier leur homosexualité ou de reconnaître que leur situation est mauvaise et peccamineuse, ou de se convertir/repentir pour adhérer à une secte ou une Église évangélique). Mais au bout du compte, c’est bien le couple gay qui est à la fois présenté comme le sauveur de l’Humanité (pris séparément, en tant qu’individualités, et tant que l’homosexualité n’est pas pratiquée) mais aussi comme le fossoyeur de l’Humanité (dès qu’il forme couple et « famille »). Si ce n’est pas un message – et une conception du couple homo-acte ou de la famille homoparentale – homophobe, qu’est-ce que c’est ? Enfin, pour parachever ma démonstration et faire un clin d’œil au nom que j’ai donné inconsciemment à ce code (« Passion pour les catastrophes », j’ai expliqué à moultes occasions que la Marque de la Bête de l’Apocalypse serait actualisée par 4 choses principalement : 1) l’hétérosexualité (l’absolutisation des différences au détriment de la différence des sexes et de la différence Créateur/créatures ; promotion d’une bisexualité asexualisante) ; 2) la puce électronique RFID subcutanée, autrement dit le 666 sur la main ou sur le front ; 3) l’humanisme intégral (les valeurs du Christ, sans le Christ) ; la référence au mot « passion » (pas la Passion du Christ, évidemment, mais les goûts et la volonté personnels). Eh bien je ne me suis pas trompé. Car dans le film « Knock at the Cabin », c’est au moment où l’armoire à glace Leonard rencontre dans la forêt la petite Wen (8 ans) qui parle aux sauterelles qu’elle a enfermées dans un bocal, et qu’il lui serre la main pour sceller leur pacte apocalyptique (dans le sens mondain du terme, à savoir luciférien et catastrophiste : d’ailleurs, Lucifer est très présent tout au long du film, et Eric le reconnaît puisqu’il dit voir plusieurs fois « une silhouette dans la lumière »), qu’on voit furtivement mais distinctement tatoué sur la main droite de Leonard le mot « PASSION ». Et ça, je suis sûr et certain que c’est une coïncidence eschatologique qui a échappé au réalisateur M. Night Shyamalan.
 
 

c) L’accident et la catastrophe orchestrés :

Souvent, dans les fictions homo-érotiques, les événements accidentels ou dramatiques tombent comme un cheveu sur la soupe dans l’intrigue, et viennent à la fois briser l’« identité » et l’« amour » homosexuels, à la fois confirmer ceux-ci dans leur beauté, innocence et éternité. Le spectateur découvre que l’accident et la catastrophe dépeints ne sont pas si catastrophiques ni si fortuits que ça. « Dans son obsession du contrôle il avait besoin de prévoir l’imprévisible jusque dans ses moindres détails. » (Jason, l’un des héros homosexuels dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 377) Il semble qu’ils aient été programmés, et même voulus, « érotisés », « esthétisés » par le héros homosexuel. Et même si, au départ, il n’en avait pas l’initiative, il finit par s’y faire et par les considérer comme les cadres idéaux de sa personnalité et de son amour (ex : les plans drague calculés, la croyance aux coups de foudre, etc.) : cf. le roman Ma catastrophe adorée (2004) de Mathieu Lindon, le film « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py (parlant d’un accident tragique d’avion qui ne laisse aucune trace de tristesse chez le héros homosexuel), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec le faux accident prétexté), la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, le film « Play Dead » (2001) de Jeff Jenkins, le film « Pon Un Hombre En Tu Vida » (1999) d’Eva Lesmes, le vidéo-clip de la chanson « Beau Malheur » d’Emmanuel Moire, etc.
 

En quelque sorte, l’accident semble « naturaliser », « évidentialiser » le lien sentimental homosexuel. Par exemple, dans le film « Amour toujours » (1995) de Gabriel de Monteynard, nous retrouvons le thème de l’accident-pas-si-accidentel-que-cela : deux hommes tombent amoureux suite à un accident de vélo soi-disant involontaire. Ce qui se veut amour sincère et spontané en réalité se révèle être une surprise complètement scénarisée, une réalité trafiquée, puisque l’amant de Gustave Durant lui avoue à la fin qu’« il a provoqué l’incident qui a permis leur rencontre ». Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1985) de Copi, Vicky a été victime d’un attentat au drugstore, attentat qui l’a fortement handicapée… et peut-être qu’elle-même portait la bombe. Dans la biopic « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh, le pianiste virtuose Liberace attribue son coming out à sa vision de l’attentat de John Fitzgerald Kennedy à la télé : « Ce qui a tout fait basculer dans ma vie, c’est le jour de l’assassinat de Kennedy. »

 

Souvent déçu par ses expériences homosexuelles, le héros homosexuel tente de justifier son attraction pour les accidents/catastrophes par le cynisme ou le registre ironique : « J’irais bien voir ‘La Liste de Schindler’. Pour décompresser. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Qu’est-ce qu’on s’est poilés à Fukushima. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « L’enfer n’est pas pire que ce Monde. » (Rinn, l’héroïne lesbienne de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; etc. Il rentre dans la peau de la bourgeoise grande folle, qui parle toujours de catastrophes, qui en voit partout, et qui aime se faire peur : « Un cataclysme ? Pourvu que ça n’arrive pas chez vous ! » (la Reine dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Y’a eu une catastrophe !… J’étais effondré à cause de ma dinde ! » (Romain Canard, le coiffeur homo, par rapport à sa dinde au four, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; etc. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent est paniqué devant la télé avec ses amis, à regarder le JT sur la Guerre d’Algérie : « Tu te rends compte, si ça bascule, on aura l’air malins… » Et Betty, son amie bourgeoise, de répondre en riant : « J’ai toujours rêvé d’une catastrophe financière ! ». Dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien, l’héroïne lesbienne Romane a remplacé la nouvelle de son homosexualité par celle d’un accident fictif pour éviter d’affronter son père. Ce dernier (Alain Richepin) réagit, par conséquent, très bien : « Ça va. Apparemment, ton accident, c’est pas trop grave. » Une fois qu’il découvre le pot aux roses, il demande à sa fille pourquoi elle lui a menti. Elle lui répond : « Parce que je voulais rester en Thaïlande et que j’ai inventé cette histoire d’accident, voilà. »
 

Film "Après lui" de Gaël Morel

Film « Après lui » de Gaël Morel


 

Mais la plupart du temps, c’est le registre sérieux, idolâtre, nostalgique, politique, dramatique et violent qui prend le dessus. « À t’entendre, on dirait que vous êtes sur le radeau de la Méduse. » (Colette s’adressant à Jason, le héros homosexuel du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 34) ; « Le chaos est dans l’air. » (cf. la chanson « Gabon » de Jann Halexander) ; « Tout est chaos à côté. » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; etc. Certains héros homosexuels semblent craindre autant qu’être attirés par les drames humains, par morbidité, paranoïa-victimisante-qui-tient-chaud et voyeurisme malsains. C’est la raison pour laquelle certains sont fanas de la presse à scandale, de la télé-réalité, des émissions voyeuristes fondées dont le scandale et la mort sont le fond de commerce, des faits divers sur les accidents semi-orchestrés, des meurtres non-élucidés : cf. le ballet Alas (2008) de Nacho Duato (à propos de l’impact des journaux à scandale), le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec Bruno, le héros homosexuel psychopathe, et grand lecteur de press people), le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar (avec la « Télé Suicides en direct »),, le film « Serial Mother » (1994) de John Waters, le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone (avec la fausse émission Suicide en direct), le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec l’attraction morbide et incestuelle d’une mère pour le meurtrier accidentel de son fils), les romans Un Garçon d’Italie (2003) et L’Homme accidentel (2008) de Philippe Besson, la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen (avec l’émission de télé-réalité Stars chez eux menée par une présentatrice folle-dingue, Graziella), etc. D’ailleurs, les créateurs homosexuels maquillent mal leur complaisance ou leurs pulsions sadiques derrière la confortable excuse du « second degré ».
 

« Enfant, il examinait avec un soin particulier les photographies des journaux illustrés où la part la plus large était faite à l’assassinat. Aujourd’hui son destin voulait qu’il se trouvât lui-même à l’intérieur d’une de ces images violentes, ainsi qu’un spectateur qui se serait subitement transporté sur la scène et au milieu du décor qu’un instant plus tôt il regardait de la salle. » (Paul dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, pp.117-118) ; « Jane s’imagina des snipers embusqués parmi les monuments, une bombe frappant les tombes, les personnes déjà mortes projetées en l’air ; résurrection et Jugement dernier. » (Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 37) ; « La survie de notre espèce m’importe bien peu et, oserais-je le confesser ? Il m’arrive même parfois de rêver de l’écroulement des empires. » (la figure de Marcel Proust dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 96-97) ; « Une crise arrive dans le pays, c’est la débâcle c’est la faillite. […]La télé est éteinte au lieu d’être allumée. Moi qui rêvais de drames, ceux des autres, pas les miens… » (cf. la chanson « À table » de Jann Halexander) ; « L’an 2000 sera spirituel, c’est écrit dans ELLE. Du fun pour une fin de siècle. » (cf. la chanson « L’Instant X » de Mylène Farmer) ; « J’aime les scandales quand ils concernent les autres. » (Dorian, le héros homosexuel du roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; etc.
 

La catastrophe ou l’incident est utilisé(e) comme un gage/une preuve d’innocence par le héros homosexuel qui, pour ce faire, rentre dans un jeu de « folle perdue », de fashion victim, ou de vierge effarouchée bobo étonnée par elle-même. Il mime sur lui-même, de manière publicitaire, les effets de l’accident pour mieux se convaincre qu’il n’a rien orchestré : « Il n’y a pas de stratégie. Je ne sais pas avoir de stratégie. » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 17) Le personnage homosexuel simule d’être surpris par sa programmation du hasard, d’être foudroyé par un amour incompréhensible qu’il aura pourtant initialement orchestré : « Il se passe une chose que je n’avais pas prévue. » (Éric s’adressant à son amant Sven, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 139) ; « Depuis cette nuit-là, elles [Gabrielle et Émilie] s’écrivent, s’interrogent sans relâche sur la nature de leur sentiment, sur ce fol élan réciproque que rien ne laissait prévoir. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 12) ; etc.
 

Chose incroyable mais réelle : le héros homosexuel se met alors à désirer vraiment l’accident, la catastrophe. Par exemple, dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, Harper est à l’affût des « catastrophes cosmiques ». Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca tourne en dérision le tsunami d’Asie du Sud-Est. Dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, à un moment, sur un écran géant, sont montrées au public des images de guerre, du tsunami japonais et de Fukushima, sur un air de fête et de gospel. Toute la bande d’amis libertaires célèbre leur idolâtrie millénariste : « Ce soir, la dernière nuit du Monde, restons tous ensemble regarder la lune. » (Claude) Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David lit la revue à scandales Voici. Dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, Victor est friand des histoires de disparitions racontées dans les journaux. Dans le film « L’Imposteur » (2005) de Christoph Hochhaüsler, Armin, le protagoniste, cultive une passion morbide : il adore observer les accidents de la route. Dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, le narrateur homosexuel avoue son « petit goût de drame qui couve, de catastrophe qui mitonne » (p. 29). Il est fan d’opéras classiques dans lesquelles il peut observer les drames des autres (réels ou fictionnels) et y projeter son propre narcissisme mortifère : « Je suis un personnage muet qui assiste avec une joie méchante aux malheurs des autres. » (p. 18) ; « Le trio [des personnages de l’opéra La Bohème de Puccini] s’enroule autour de moi, je me vautre dedans, je vis avec une grande délectation les trois malheurs qui se déploient en même temps dans mon oreille, je peux vivre simultanément trois malheurs, c’est ça, je crois, qui me plaît le plus. » (idem) ; etc. Par exemple, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, la présentatrice-télé lesbienne, confesse sans honte qu’elle attend impatiemment que les drames arrivent, que les bombes explosent, pour avoir un scoop qui la rendra célèbre : « Plus le monde va mal et mieux je me porte ! »
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’accident et la catastrophe subis :

Dans les discours courants sur l’homosexualité, il est souvent question des catastrophes, de l’Apocalypse, des accidents, du déchaînement des forces naturelles, tous ces événements apparemment extérieurs et indépendants de la volonté humaine. Par exemple, le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein » (« Tu ne seras pas gay », 2015) de Marco Giacopuzzi commence par une représentation du Déluge qui engloutit des poupées Ken gays. Dans l’émission Temps présent spéciale « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur la chaîne RTS le 24 juin 2010, la maman de Lucien, un jeune témoin homosexuel suisse, raconte la sensibilité de son fils « face aux nouvelles qu’ils écoutaient à la radio » petit.
 

Il y a un lien indéniable entre homosexualité et décadence, désir homosexuel et catastrophes. Il n’est pas causal. Mais l’arc-en-ciel est toujours signe de pluie, même s’il peut la précéder ou la suivre. J’ai souvent coutume de dire que le désir homosexuel ne crée rien, mais qu’il est le voyant rose d’une catastrophe déjà passée ou imminente. L’Histoire humaine me donne raison (cf. je vous renvoie au code « Entre-deux-guerres » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « En l’an 1000. – Cette époque, pour laquelle la légende prédisait la fin du monde, connut un grand relâchement des mœurs. La sodomie (d’après les chroniqueurs du temps) devint alors le vice le plus répandu dans toutes les classes de la société, chez les princes comme chez les serfs, chez les évêques comme chez les moines. L’abbé de Clairvaux, Henri, écrivait au pape Alexandre III, en 1177 : ‘L’antique Sodome renaît de ses cendres ! » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 128) On peut penser notamment à la coïncidence entre les années folles et l’irruption de la folie nazie dans les années 1930 ; à la simultanéité de l’arrivée du Sida et la débauche de pratiques homosexuelles qui se vivaient dans les années 1970-1980. La permissivité, l’excès, la luxure, louvoient souvent avec les accidents, les catastrophes, les maladies. La Nature reprend toujours ses droits, et d’autant plus violemment qu’ils Lui ont parfois été injustement retirés.
 
 

b) L’accident et la catastrophe homosexualisés :

L’accident, dans l’esprit de beaucoup de personnes homosexuelles, recycle la pulsion entre grande love story, en coup de foudre : « C’était un coup de foudre réciproque. » (Élisabeth par rapport à son amante Catherine dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Il a levé les yeux, a souri et moi je suis tombé amoureux, immédiatement, instantanément. On appelle ça le coup de foudre. Moi, j’appelle ça la reconnaissance mutuelle. […] Je ne l’ai pas quitté. Il ne m’a pas quitté. On a dansé ensemble. Une fois. Un slow. ‘Pull marine’. Isabelle Adjani. » (Abdellah Taïa parlant de son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 108)
 

L’accident était pourtant potentiellement l’espace salutaire laissé pour le doute face à l’homosexualité, pour la gêne face à la viol/au fantasme de viol (qui passera, aux yeux de certains militants pro-LGBT, pour de l’homophobie intériorisée) : « Faudrait pas qu’on ait un accident. » (la dernière phrase de Kamel s’adressant à son amant-ventouse Christian, dans l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli, p. 168) Une intuition de la conscience humaine avertit les personnes homosexuelles que le véritable accident qui les fait souffrir, la catastrophe qui les guette, c’est uniquement le passage à l’acte homosexuel ainsi que les sentiments homo-érotiques assumés. Par exemple, la forme qu’a choisie Jean Cocteau pour déclarer sa flamme à Jean Marais par téléphone est signifiante. Il lui annonce une « catastrophe ». Cette catastrophe, c’est qu’il l’aime : « Il y a une catastrophe : je suis amoureux de vous. » Jean Marais lui répond que lui aussi (cf. l’article « Jean Marais : le Disciple dissipé » de Patrick Renaudot, dans le Magazine littéraire, n°423, septembre 2003, p. 33). Par rapport au roman La Mort à Venise (1912) de Thomas Mann, Kurt Hiller lui a seulement reproché que « l’amour pour un garçon soit diagnostiqué comme un symptôme de décadence et décrit presque comme le choléra » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 122).
 

Mais malheureusement, le motif de l’accident sert d’alibi à beaucoup de personnes et de créateurs homosexuels pour ne pas à avoir à s’interroger sur les échecs et les insatisfactions de la pratique homosexuelle. Si ça n’a pas marché, « c’est le destin », « c’est le hasard », « c’est que c’était pas le bon moment ni la bonne personne », « c’est la vie », « c’est l’amour ».
 

« Le grand point faible de l’homosexualité, c’est sa lâcheté : surpris en flagrant délit ‘d’outrage aux mœurs dans un lieu dit public’, le pédéraste ne peut chercher aucun secours chez son partenaire de rencontre ; il est seul. Personne n’est jamais homosexuel… sauf celui qui se fait pincer. Une ignoble loi de la jungle régit notre existence et nous vivons dans la perpétuelle attente de la catastrophe. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 103)
 

 

c) L’accident et la catastrophe fantasmés et orchestrés :

Marilyn Monroe passant sur une bouche d'aération

Marilyn Monroe passant sur une bouche d’aération


 

La plupart des personnes homosexuelles n’écoutent pas leur conscience, et trouvent plutôt dans les accidents/catastrophes un motif esthétique fantasmé dans lequel masquer/justifier leurs sentiments et leurs actes homosexuels. Les cataclysmes et les incidents sont une façon de combler leur effondrement désirant/identitaire, ou bien leur fantasme victimisant de viol/mort. « Je rêve si souvent de catastrophes propices aux évasions héroïques et aux aventures ! » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 59) ; « Je me persuade que nous allons avoir un accident. C’est un jeu, une construction. J’anticipe le dérapage, les freins qui hurlent, les tonneaux, l’explosion du moteur. Et mon corps projeté dans un fossé. Je touche de mes mains le sang qui coule de mes tempes, j’ai perdu la voix. J’attends de savoir ce qu’on fera de moi après la mort des miens. […] Je frotte une dernière fois l’idée de ma mort pour en faire jaillir ma légende, et déjà la voiture freine, l’exceptionnel cesse. Je ne suis qu’un garçon quelconque et envieux. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), pp. 41-52) ; etc. Par exemple, dans son Journal (1992), Jean-Luc Lagarce raconte qu’il est tellement fasciné par les catastrophes qu’il tient un journal nécrologique des personnalités médiatiques défuntes. Andy Warhol aime prendre en photo les crashs d’avion, les défenestrations réelles. Truman Capote est attiré par la catastrophe et le crime odieux : cette passion est relatée dans la biopic « Scandaleusement célèbre » (2007) de Douglas McGrath. Dans le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein » (« Tu ne seras pas gay », 2015) de Marco Giacopuzzi, Sofiane, musulman homosexuel de vingt ans, lit sa revue Closer.
 

Aussi dur que paraisse le constat, certaines personnes homosexuelles, de leur propre aveu, identifient l’apparition du Sida dans les années 1980 comme LA Catastrophe qui leur confère un statut de victimes homosexuelles : « Une certaine proportion d’homosexuels sont dans une sublimation de la séropositivité ou revendiquent une séroconversion volontaire. […] La séropositivité permet d’annoncer son homosexualité, de faire en quelque sorte partie du ‘club’. » (la Direction Générale de la Santé, citée dans l’essai Sida, le vaccin de la vérité (1995) de Thomas Montfort, p. 30)
 

Une grande part de la communauté homosexuelle trouve dans l’homophobie, les accidents ou les catastrophes une occasion en or de se rendre intéressante en se victimisant, de s’acheter un héroïsme à peu de frais. Elle survivrait à un danger permanent, à une oppression permanente qui pourrait surgir de tous côtés et à n’importe quel moment. « À l’époque, il y avait de la discrimination partout. C’était affreux. » (le danseur transsexuel M to F « Carmen Xtravaganza », dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé sur la chaîne Arte le 20 octobre 2014)
 

L’accident ou la catastrophe incontrôlée permettent à un certain nombre de créateurs/cinéastes homosexuels de donner corps magiquement/instantanément à leurs amours impossibles/insatisfaisantes. Ces événements tragiques tombent comme un cheveu sur la soupe dans les intrigues qu’ils filment, et viennent à la fois briser l’« identité » et l’« amour » homosexuels, à la fois confirmer ceux-ci dans leur pseudo beauté, innocence et éternité. L’accident et la catastrophe dépeints par les personnes homosexuelles militantes pro-gays ne sont pas si catastrophiques ni si fortuits que ça. Il semble même qu’ils aient été programmés, et même voulus, « érotisés », « esthétisés » par elles : cf. la photographie Catastrophe mauve (1963) d’Andy Warhol. Et même si, au départ, elles n’en avaient pas l’initiative, elles finissent par s’y faire et par les considérer comme les cadres idéaux de leur personnalité et de leur amour. Il s’agit de prouver l’amour par son contraire.
 

Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, à chaque fois que le mythe de l’amour homo éternel peut subir la moindre égratignure, les auteurs font survenir l’accident de manière totalement abusive, comme une forme de censure, et de justification de l’amour homo par la catastrophe scabreuse, injuste, homophobe : Bryan se retrouve dans le coma après un accident de moto ; son amant Kévin est sur le point de se pendre ; Bryan finit assassiné à la fin du roman par une agression homophobe inattendue. Ce roman tente de nous certifier deux convictions contradictoires : que l’amour homo est magnifique ET impossible.
 

De même, le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot obéit à la même spirale sentimentalo-tragique : tous les personnages vivent simultanément des amours homosexuelles totalement idéalisées ET aussi totalement dramatisées (ça va ensemble quand un désir rejoint l’irréel !) : Marcel a 4 ans quand il a son accident qui le rend tétraplégique ; Ahmed et Saïd sont frappés par la foudre (qui sera fatal à Saïd) pile au moment où ils s’embrassent ; Patrick, le grand frère de Lucie, meurt tragiquement dans l’attentat contre les tours du World Trade Center ; quant à Lucie, elle voit sa compagne Ginette partir à la guerre en Irak.
 

La juxtaposition cinématographique d’un mal accidentel et de l’homosexualité est une recette qui marche de plus en plus au cinéma et dans les séries car elle repose sur un chantage aux sentiments et des réalités humaines douloureuses qu’il est extrêmement difficile de cautionner. Tout comme le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure exploitait la difficulté du coming out pour justifier le « couple » homo, tout comme le film « Les Joies de la famille » (2008) d’Ella Lemhagen exploitait le malheur de l’orphelin pour justifier la « beauté » de l’adoption « homoparentale », tout comme le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald exploitait le malheur de la précarité et du chômage pour dépeindre une idylle amoureuse homosexuelle, tout comme le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears exploitait le malheur de la xénophobie pour justifier la force de l’« amour » homo, tout comme le film « Loin du paradis » (2002) de Todd Haynes exploitait le malheur du racisme pour justifier la « véracité » de l’« identité homosexuelle », tout comme le films « Love ! Valour ! Compassion ! » (1997) de Joe Mantello exploitait sincèrement le malheur du Sida pour justifier les « couples » homos, tout comme le film « Tom Boy » (2011) de Céline Sciamma exploitait le « malheur » de l’adolescence et de sa soi-disant « cruauté » pour justifier la schizophrénie transidentitaire d’une adolescente, tout comme le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq exploitait le malheur de la stérilité pour justifier la Gestation Pour Autrui (= les mères porteuses), tout comme le téléfilm « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure exploitait le malheur de la guerre pour justifier la force de l’histoire d’« amour » homo, tout comme le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald exploitait le malheur de la vieillesse et de la mort pour prouver la beauté du « couple » homo, tout comme le film « Harvey Milk » (2008) de Gus Van Sant exploitait le malheur de l’homicide et de la folie meurtrière pour justifier le courage du militantisme LGBT, tout comme le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenn Ficarra exploitait le malheur de la prison pour démontrer la puissance de l’amour entre deux hommes, tout comme le film « Week-end » (2011) d’Andrew Haigh exploitait le désespoir amoureux pour justifier la « beauté » des « plans cul », tout comme le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2005) d’Ang Lee exploitait le malheur de l’homophobie intériorisée pour rappeler l’urgence du coming out, le film « Pride » utilise également la misère du monde ouvrier et les maladresses parfois violentes d’un monde hétéro découvrant l’existence des personnes homosexuelles, pour nous faire signer aveuglément le certificat d’« amour » décerné à la relation entre deux personnes de même sexe. Désolé, mais cela reste du mensonge.
 

Quand nous voyons des films traitant de l’homosexualité et choisissant pour toile de fond des événements terribles venant détruire une romance ou une identité homosexuelle présentée comme idyllique, nous avons tous envie de dire à la fin de la projection que la spectaculaire catastrophe ou l’agression extérieure rendent les unions homosexuelles, sinon idéales, du moins justifiables, même si dans les faits, ces films sont bien éloignés de la réalité quotidienne des « couples » homosexuels de chair et d’os. Qui peut essayer de comprendre avec un certain détachement les mécanismes de l’homophobie, après avoir vu un tel carnage d’« amour » construit sur pellicule ? Qui peut paraître humain de remettre en cause une image d’Épinal de l’« amour » homosexuel contrebalancée par une violence visuelle assurément percutante, mais ô combien exagérée ? Difficile, par exemple, de ne pas avoir le cœur brisé en voyant sur les écrans le désarroi du mari de Cathy Whitaker dans le film « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes, homme qui n’arrive résolument pas à réprimer ses penchants homosexuels malgré toute la bonne volonté du monde, ou de ressortir du visionnage du « Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee en affirmant la bouche en cœur que l’« amour » homosexuel n’est pas réel et merveilleux, même si nous l’avons vu entravé. Qui peut humainement se réjouir de voir dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus la spoliation (pour reprendre les termes de cette chère Arlette Laguillier) des droits des mineurs, la répression policière, la maltraitance des villageois au chômage et crevant de froid en hiver sans chauffage, le rejet d’un adolescent homo par sa famille bourgeoise hétérosexiste ? Personne ! Vraiment personne !
 

Mais, je vous le demande, est-ce que l’Amour ne se manifeste que dans les cas extrêmes où la liberté humaine se rapproche de la nullité ? À travers de tels films, les réalisateurs homosexuels sont plutôt en train d’enfermer l’Amour et l’identité humaine dans un cadre déterministe et fataliste. Ils valident par un regard orienté vers des situations particulièrement dramatiques une vision de l’existence humaine et de l’Amour très négative. Ils énoncent que l’Homme n’est que rarement libre et heureux, et que c’est cela sa vérité d’amour et d’identité. Comment peuvent-ils espérer ensuite que leur défense du désir homosexuel apparaisse aux yeux de la société comme aimante ?
 

Il semble paradoxal de prouver l’Amour par son contraire. Face à ce nouveau type de « films choc » (qui, soit dit en passant, dans leur formule, ne s’opposent pas aux comédies sentimentales et enjouées de l’homosexualité), nous sommes pris entre l’extrême compassion et la méfiance de l’émotionnel, si bien travaillé par le cinéma. Au fond, la révolte et l’empathie ne sont que des effets recherchés par ceux qui créent le mythe du couple télégénique homosexuel heureux, ou de l’homosexuel assumé et émancipé post-coming out, pour masquer la réalité d’une union beaucoup moins rose dans les faits. Ils universalisent, en quelque sorte, un méfait opéré sur un personnage télévisuel homosexuel vivant un scénario-catastrophe, pour ensuite justifier leurs utopies personnelles et des revendications concernant la communauté gay très discutables dans la réalité concrète. L’injustice filmée ne laisse pas de marbre, c’est sûr. Mais il y a une sorte de malhonnêteté intellectuelle à traiter de l’homosexualité avec d’autres thèmes qui lui sont liés mais non de manière causale (par exemple la folie meurtrière des camps de concentration, le déferlement incontrôlé de l’homophobie dans certains milieux sociaux culturellement pauvres, une agressivité familiale exacerbée, l’émergence inopinée du Sida, le handicap, etc.). Malhonnêteté rehaussée par sa prétention (hypocrite) au réalisme et à la biographie, car souvent ce sont des films basés sur des personnes ayant déjà existé, ou sur des « faits réels ». Le pire, c’est que je crois que cette volonté naturaliste du réalisateur est sincère et qu’il ne s’est même pas rendu compte qu’il manipule le Réel et le public par l’émotionnel.
 

Ne nous laissons donc pas déborder par nos émotions : écoutons la Réalité, qui est bien meilleure conseillère. En effet, comme humainement et éthiquement nous ne pouvons pas cautionner la haine et le mépris, nous sommes encouragés à signer sans réfléchir à des versions idylliques et victimisantes de l’« amour » homosexuel. On se réveille. Le couple homosexuel n’est pas le couple homosexuel cinématographique. La communion fraternelle vécue entre personnes homos (parfois concrète et porteuse d’une chaleur amicale réelle, d’un vrai pouvoir d’actions associatives de solidarité) n’est pas le couple homo. C’est con de le dire mais c’est vrai. Ne confondons pas l’amitié avec l’amour, la solidarité avec l’amour conjugal, la sincérité de nos bonnes intentions avec la Vérité (on peut vouloir le bien sans le faire), les films avec la Réalité, l’euphorie (adulescente) avec la vraie joie.
 

L’autre manière (moins sucrée et en apparence moins naïve, moins pathos… mais au fond tout aussi naïve) de quitter le Réel, c’est, chez les artistes LGBT, la création d’accidents par la violence et par l’iconoclastie politico-artistique… reposant concrètement sur des pièces contemporaines, sur des films « masturbation intellectuelle » pornos et trash, sur des actions militantes ponctuelles genre « accident programmé » (les sitting, les dying, les dégradations de bâtiments, les kissing spontanés, les arrivées impromptues des Femen sur les lieux de culte catholique, etc.). Si l’on s’en tient uniquement au monde du théâtre LGBT actuel, la mise en scène de soirées-catastrophes, où s’enchaînent les engueulades, les règlements de compte, les accidents, les gags plus ou moins sérieux, est une spécialité de l’humour camp. Tout y est dramatique mais finalement peu grave tellement l’accident est grossier, répétitif, est un ressort dramaturgique systématique. Je pense par exemple aux pièces de Copi, de Denis Lachaud, de Rodrigo Garcia, etc. Ces œuvres iconoclastes qui finissent en apothéose de la destruction (les scènes de théâtre parfois sont défigurées d’eau, de peinture, de merde, après les happenings « accidentels » et « politiques ») chantent en réalité la victoire artistique des apparences et des sentiments sur le Réel et sur l’Amour incarné.
 

Les happenings déproblématisent totalement l’homosexualité, sont des mises en scène qui se veulent innocentes, spontanées, improvisées (car l’acte homosexuel y est présent, mais non-assumé, non-verbalisé, non-justifié en tant qu’identité ou en tant qu’amour) mais qui justifient les actes homos par omission (car la pratique scénique est déjà une justification). En somme, ce sont des instruments de censure particulièrement redoutables puisqu’ils orchestrent l’accident en enfermant le spectateur dans leur silence et dans les impressions qu’ils suscitent en lui : « Les incidents divers sont particulièrement abondants. […] Les uns font appel à la violence, d’autres à l’ironie ; les uns ressemblent à des Haï-Kaïs, les autres représentent des scènes épiques. […]Le Happening ne comporte aucune intrigue, ainsi pas d’élément interne de ‘suspens’ qui puisse susciter l’intérêt du spectateur, et finalement le satisfaire. […] Il n’est pas exact (comme le supposent certains amateurs de ce genre de spectacle) que les Happenings soient un jeu d’improvisation. Ils sont répétés avec soin pendant une période qui peut varier d’une semaine à un mois. […] Les éléments matériels, objets mous ou résistants, propres ou sales, utilisés selon leur nature, prennent, dans le Happening, une importance primordiale. Ce souci d’utilisation de la matière, qui fait que le Happening tient de l’art de la peinture, au moins autant que de celui du théâtre, apparaît encore dans une certaine façon de traiter les personnages comme des objets plutôt que comme des êtres individualisés. […] L’art, ainsi compris, est à l’évidence agressif. Agressivité à l’égard du conformisme présumé de son public, et à l’égard du milieu social lui-même. Par sa technique des oppositions flagrantes, le surréalisme cherche, sur la sensibilité, l’effet de choc. […] Le surréalisme peut viser des objectifs plus sérieux : le fondement d’une thérapeutique, par une rééducation de la sensibilité dans le domaine des arts, et par une sorte de traitement psychanalytique visant à la réforme du caractère. Et il peut constituer enfin un arsenal technique de la terreur. […] Les Happenings présentent trois caractéristiques essentielles : en premier lieu, l’objectivation ou la dépersonnalisation des personnages ; en second lieu, l’importance accordée au spectacle et au bruitage, au détriment de la parole ; enfin, une volonté délibérée d’éprouver durement le public. […] Dans les Happenings, le bouc émissaire, c’est le public. » (cf. l’article « Les Happenings : Art des confrontations radicales » de Susan Sontag, L’Œuvre parle (1968), pp. 403-420) La scénarisation de l’accident ou de la catastrophe dans les fictions homo-érotiques, en plus d’illustrer une lâcheté et une démission de la pensée, fait et veut faire violence. Ne nous y trompons pas : c’est de la censure pure… sauf qu’on a du mal à s’en rendre compte car le premier à se censurer, c’est le censeur même !
 
 

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