Archives de catégorie : Dictionnaire des Codes Homos

Code n°169 – Télévore et Cinévore

Télévore

Télévore et Cinévore

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Quoi qu’en disent les intellectuels « historiens » homosexuels, et les promoteurs d’une identité homosexuelle transhistorique indiscutable, tout porte à croire que, même s’il est indéniable qu’il a de tout temps existé comme une constante humaine, que le désir homosexuel est surtout un enfant de la modernité. Quand on observe les vecteurs de la révélation du désir homosexuel, ceux qui l’ont révélé ou stimulé, on constate que c’est surtout l’homme-objet, sacralisé dans l’ère moderne par la sculpture, la peinture, la photographie, le cinéma, la médecine légale, la psychanalyse, le théâtre, la mode, les films pornos, le sport…, qui est le messager principal du fantasme homosexuel : rarement les êtres réels de chair et de sang. Ce n’est qu’après avoir flashé sur un être télévisuel sur papier glacé que l’individu homo cherchera dans sa réalité un garçon qui se rapprochera à peu près de sa projection mentale de magazine. Il semblerait bien que si les personnes homosexuelles avaient pu sortir avec leur télé ou leur magnétoscope, elles l’auraient fait ! Il n’y a qu’à voir toutes celles qui considèrent leur vie comme un vrai film ou un vidéo-clip.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Drogues », « Obèses anorexiques », « Actrice-Traîtresse », « Substitut d’identité », « Planeur », « Bergère », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Photographe », « Fan de feuilletons », « Jeu », « Patrons de l’audiovisuel », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », « Don Juan », « Bergère », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Amant modèle photographique », « Musique comme instrument de torture », « Milieu homosexuel paradisiaque », et à la partie « Actrice iconoclaste » du code « Déni » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) Télé et ciné, l’adoration homosexuelle :

Film "L'Objet de mon affection" de Nicholas Hytner

Film « L’Objet de mon affection » de Nicholas Hytner


 

Souvent dans les fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel adore le cinéma et/ou la télévision : cf. le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick (avec le couple lesbien Rachel et Christine), le film « J’adore le cinéma » (1998) de Vincent Lannoo, le film « Chuck & Buck » (2001) de Miguel Artera (avec Buck), le film « La meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller (avec Philippe, le héros homosexuel passionné des films en noir et blanc), le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec Paul dont la chambre est décorée de photos d’acteurs et d’actrices), le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault (avec le personnage d’Angelo), l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec le personnage de Ziggy), le film « Beautiful Thing » (1995) d’Hettie Macdonald (avec Jamie), le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar (avec Esteban, le jeune cinéphile), le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec Molina, le héros homosexuel connaissant les films des années 1930 par cœur), le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues (avec Rui), la chanson « Ton cinoche » d’Étienne Daho, la chanson « J’aime la pub » de Charles Trénet, la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec Harper), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec le couple homo David et Philibert), le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra Von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder (avec Petra), le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman (avec Jarry), le roman The Rubyfruit Jungle (1973) de Rita Mae Brown, le roman La Hermana Secreta De Angélica María (1989) de Luis Zapata, le film « Armaguedon » (1976) d’Alain Jessua, le film « La jeune fille assassinée » (1974) de Roger Vadim, le film « À tout prendre » (1963) de Claude Jutra, le film « The Fan » (1981) d’Edward Bianchi, le film « Frisk » (1995) de Todd Verow, le film « Anonymous » (2004) de Todd Verow, le film « Dreamers Of The Day » (1990) de Patricia Spencer et Philip Wood, le film « A Strange Love Affair » (1985) d’Éric De Kuyper et Paul Verstraten, le film « Écran magique » (1982) de Gianfranco Mingozzi, le film « Goodbye, Dragon Inn » (2003) de Tsai Ming-liang, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, le one-woman-show La folle parenthèse (2008) de Liane Foly (avec Pedro le fan de « La Guerre des étoiles »), le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude (avec le couple Claudio et François), le film « Des choses que je ne t’ai jamais dites » (1996) d’Isabel Coixet (avec la lesbienne réparatrice de télés), la pièce Le Gang des potiches (2010) de Karine Dubernet (avec Nina, l’héroïne lesbienne et grande consommatrice de télé), la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson, la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi (avec Yoann, le héros homosexuel), etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

« Si la télévision portative sort de la chambre, je sors de la chambre aussi ! » (Léopold, le père, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « T’as pas de télé ??? Sana, mets France Info ! » (Angelo, le héros homosexuel de la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Petite, je passais ma vie devant les télés. » (Nana, comédienne lesbienne dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3ème Festigay de Paris au Théâtre Côté Cour en avril 2009) ; « J’deviens publivore. » (Jérôme Loïc dans son one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal, 2009) ; « J’aime de plus en plus la télévision. » (Hubert dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « J’aimerais aller au cinéma. » (Jacques, l’un des personnages transgenres M to F de la pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; « Tu adores les films… et les étudiants sont sûrement mignons… » (Toph s’adressant à son futur amant Zach qui est prof de cinéma en Université de Cinéma, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Tu ne penses qu’au cinéma. » (la grand-mère de Robbie s’adressant à son petit-fils homo, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « Je m’écrasais devant la télé, je regardais des vieux films en noir et blanc. » (Jean-Marc, le narrateur homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 155) ; « J’aurais voulu que la femme du bidonville [Rani] soit à mon entière disposition. Des images de films hindis dans lesquels le brahmin de la caste supérieure s’éprend de la domestique de la caste inférieure et lui fait passionnément l’amour ne cessaient de tournoyer dans ma tête. Ma vie, je voulais qu’elle progresse en avance rapide. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 20) ; « J’ai toujours voulu faire des études de cinéma. » (Smith, le héros homosexuel du film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Je le connais, mon p’tit Thomas. Il doit être à la maison en train de se faire les replays de ‘Plus belle la vie’. » (François, parlant nostalgiquement de son amant Thomas, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; « Je le connais, mon p’tit Thomas. Il doit être à la maison en train de se faire les replays de ‘Desperate Housewives’. » (idem) ; etc.

 

TÉLÉVORE Ceci-n-est-pas-un-film-de-cowboys-parent-homosexualite-court-metrage

Film « Ce n’est pas un film de cow-boys » de Benjamin Parent (sur l’impact du « Secret de Brokeback Mountain » sur des jeunes des cités)


 

Dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Hugo, le héros homosexuel, adore les comédies romantiques au cinéma. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Didier, tout de suite après avoir viré sa cuti, a décidé de s’abonner au câble. Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire a « la passion pour les comédies romantiques débiles ». Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben, l’un des héros homos, est fan de comédies musicales, telles que Bananasplit. Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Brahim , l’un des héros homos, passe son temps à regarder des conneries à la télé. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, rêve de quitter l’Albanie et de faire de son grand frère Ody la future star de l’émission de télé-crochet Greek Star (en Grèce, donc). C’est exactement le même scénario entre les deux héroïnes lesbiennes Shirin et Atafeh du film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, qui cherchent à quitter Téhéran pour Tel-Aviv afin que l’une d’elle gagne la Star Ac israélienne et que l’autre soit son agent. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., les amants Jonathan et Matthieu regardent pour la énième fois le film « Moulin rouge » à la télévision. Dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, John, le jeune héros homosexuel, est fan des films d’Emma Thompson. Dans le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, la chambre de Yali, héros homosexuel, est remplie de photos d’acteurs et de chanteurs placardées sur les murs. Dans le film « Pourquoi pas moi ? » (1998) de Stéphane Giusti, Camille, l’héroïne lesbienne, est fan de « Star Wars ». Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, le couple homo chante son « amour comme dans ‘Les Parapluies de Cherbourg’. » Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pour son anniversaire, Bryan reçoit de son amant Kévin dix places de cinéma (p. 169). Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert, le héros homo, va louer des films au Vidéo Club. Dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, Roger, le héros gay, est fan de Hairspray, la série musicale. Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antionetta se rend compte que Gabriele, son ami homosexuel, a l’esprit et le cœur contaminés « d’actrices, de chanteuses, de présentatrices ». Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, est fan des vieux films en noir et blanc. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, l’oncle Samuel de Elio, le héros homosexuel, voue un véritable culte au cinéma, notamment surréaliste : il chante les louanges de Buñuel. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, jeune héros homo de 10 ans, est hystérique face à la série Hellsome High où joue son acteur vedette John F. Donovan : « Je veux rien rater d’autre ! ». Dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien, Dallas, l’assistant-couturier, s’appelle en réalité Claude-François. Mais il a choisi ce pseudonyme télévisuel en hommage à la série télévisée américaine qu’il adore aussi : « Je connais J.R…. Et Bobby aussi. » (Dallas).

 

La télé ou le cinéma constitue pour le personnage homo un cocon protecteur qui semble le préserver de la « dureté » du Réel et de la société : « Il paraît que le cinéma, c’est pour s’extraire de la Réalité. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Il aimait le cinéma : il s’y sentait bien au chaud et entouré. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 213) ; « La télé est éteinte au lieu d’être allumée. Moi qui rêvais de drames, ceux des autres, pas les miens » (dans la chanson « À table » de Jann Halexander) ; « Quand je rêve, y’a toujours des pubs qui passent dans mes rêves. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « J’espère qu’il y a la télé Là-haut ? » (idem) ; « Ce serait bien que mon nouveau voisin me fasse voler comme dans ‘Titanic’… » (Bernard, le héros homosexuel fantasmant sur Didier son voisin de pallier, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « La vie est plus étonnante que les films. La vie est plus conne que les films. » (Jacques s’adressant à son amant Arthur, au cinéma, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc.

 
 

b) L’idolâtrie vire à la (simulation de) destruction :

La présence de la télévision ou du cinéma dans le quotidien des héros homosexuels semble pourant être démesurée et envahissante. « Le film commande. » (Lena dans le film « Los Abrazos Rotos », « Étreintes brisées » (2009) de Pedro Almodóvar) Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, voit le monde à travers le Journal Télévisé de Jean-Pierre Pernaut. Pendant la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, la télé est constamment allumée sur scène. C’est la même chose avec l’ordinateur branché non-stop sur Internet dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche.

 

Film "Das Flüstern Des Mondes" de Michael Satzinger

Film « Das Flüstern Des Mondes » de Michael Satzinger


 

Certains personnages homosexuels adorent tellement la télévision et le cinéma qu’ils cherchent à la détruire, ou plutôt à simuler sa destruction (par la parodie ou le camp) : cf. le film « Blue Velvet » (1986) de David Lynch, le film « Le Fabuleux Destin de Perrine Martin » (2002) d’Olivier Ciappa, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « L’Homme qui venait d’ailleurs » (1976) de Nicolas Roeg (avec David Bowie se révoltant contre ses écrans de télé), le film « Hollywood malgré lui » (2004) de Pascal-Alex Vincent, etc.

 

TÉLÉVORE Kang 2

B.D. « Kang » de Copi


 

Par exemple, sans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc, le héros homosexuel, est lassé des « inévitables reprises de Dynasty ou Dallas qu’on a vues cent fois et dont on voudrait étrangler les personnages tellement ils nous énervent… » (p. 67)

 

« La persistante et douloureuse soif des yeux ! » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 230) ; « J’en ai marre de la télé ! » (Damien dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois) ; « Une bande magnétique. Un soupir lui échappe. Sur un écran géant, ses yeux se ferment. Cherchez le garçon, trouvez son nom, cherchez le garçon. Réveil tragique succède. Un sommeil sans rêve. La forme de son corps ne veut rien dire pour moi. Cherchez le garçon, trouvez son nom, cherchez le garçon. Une bande magnétique. Un soupir lui échappe. Sur un écran géant, une goutte de sang. » (cf. la chanson « Cherchez le garçon » du groupe Taxi Girl) ; « I never look the publicity. » (Jules, l’homo dandy bobo adorant le cinéma et jouant pourtant le figurant dans certains films, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Lumière artificielle qui brûle tes rêves. » (la figure de Judy Garland dans la chanson « Une Étoile est née » du spectacle musical Une Étoile et moi (2009) d’Isabelle Georges et Frédéric Steenbrink) ; « Il cinema porta disgrazia. » (Pietro, l’amant du narrateur homo, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 12) ; « Jean-Rémy inculqua aux Boludos l’art du cinéma, tout en sachant qu’il en serait la première victime. » (cf. la nouvelle « La Déification de Jean-Rémy de la Salle » (1983) de Copi, p. 60) ; « Je ne me souviens jamais des titres, même des films. » (Vincent, le jeune héros homosexuel de la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; etc.

 

Ils finissent, à leur contact, par être blessés. Comme quelqu’un qui s’est frotté à une plaque coupante. Par exemple, dans le film « L’Homme d’à côté » (2001) d’Alexandros Loukos, Alkis, le héros homosexuel, affirme subir tous les après-midi un feuilleton grec débile, Elvira, que sa grand-mère suit assidûment. Mais ce qu’il ne dit qu’à demi-mot après, c’est que cela lui plaît : « À force d’être scotché devant la télé, je devenais une Elvira ! » Dans la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick, Éric, en zombie télévisuel, dort les yeux ouverts devant la télé. Dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le professeur d’université d’Angela meurt devant un film d’horreur projeté dans une salle de cinéma déserte. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Matthew, le couturier homo, se fait assassiner dans la salle de projection où il regarde un film porno gay. Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, se retrouve coincé dans une « touze » avec trois mecs qui rêvent de « se taper du rebeu », et qui entre-temps comatent devant leur télévision. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, le 15 juillet 2015, Jonas écoute les infos annonçant la fusillade de Lafayette en Louisiane dans un cinéma.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

 

a) Télé et ciné, l’adoration homosexuelle :

C’est peu de dire que les personnes homosexuelles aiment les images déréalisantes télévisuelles ou cinématographiques : littéralement, elles les adorent. Elles sont, à leurs yeux, une véritable religion : « Aller au cinéma, c’est entrer dans une église et assister à une cérémonie. » (le réalisateur Jean-Daniel Cadinot dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 64) ; « Je courais pour rencontrer le cinéma, entrer la bouche ouverte dans sa religion et ses images. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 31) ; « J’avais lu trop de livres, vu trop de films. Ma vie et mes sentiments me dépassaient. » (idem, p. 41) ; « Il y avait quand même la télé, il y avait le cinéma ! » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 30) ; etc. À titre d’illustration, dix pages sont consacrées au cinéma dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon : il s’agit du chapitre le plus long de tous ! Par exemple, dans le documentaire « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti, Andrea, l’une des témoins homosexuels, a sa chambre tapissée d’affiches de films de ciné. Tout le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand est construit sur la base de souvenir de films du héros homosexuel, héros qui s’auto-proclame cinévore : « Je suis cinéphile. Quand j’ai besoin de me défendre, je me fais une palme. » Les personnes homosexuelles sont souvent des (ex)drogués de télévision, de dessins animés, de jeux vidéo, de cinéma. La grande majorité d’entre elles croient que la Vérité sort de la bouche de leurs écrans : pour elles, il va insciemment de soi que « le monde du film est bien plus vrai que la vraie vie » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 67). Dans leur discours, réalité concrète et réalité cinématographique se mélangent très fréquemment, même si bien entendu elles sont intellectuellement capables de distinguer les deux et qu’elles s’affairent à se prouver à elles-mêmes et aux autres qu’elles sont capables de détruire les images qu’elles continueront d’aduler. Il semble que ce sont prioritairement les icônes cinématographiques qui ont fait l’effet d’électrochoc du désir homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles ont voulu coucher avec l’archétype de la beauté défini par leur époque et les médias. Leurs personnages de fiction disent eux-mêmes maintenir « des relations très intimes avec leur magnétoscope » (l’ami gay de Charlie dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear) et tomber amoureux des personnages de leurs livres, de leur télévision, de leurs magazines et des publicités. Elles-mêmes semblent préférer le cinéma à leurs amants : « Décidé. Le cinéma serait ma vie. En moi, malgré moi. Il n’y avait plus que cette vérité qui comptait. Qui continuait de parler. De suivre et d’écrire mon histoire. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 32) ; « Juste avant de partir Slimane a dit : ‘Qu’est-ce que tu préfères, l’amour ou le cinéma ?’ Il ne m’a pas laissé le temps de répondre. Il devait savoir mieux que moi ma réponse. » (Abdellah Taïa parlant de sa rupture avec son ex, op. cit., p. 109) ; etc.

 

Si un certain nombre de personnes homosexuelles croient que les estampes offertes par les médias sont fidèles à la Réalité, c’est notamment à cause d’une révolution technique audiovisuelle qui s’est produite à la fin du XIXe siècle et qui a joué et joue encore actuellement un rôle capital dans nos représentations mentales du monde et dans notre sexualité : je veux parler de la transition des images fixes aux images-mouvement, observable notamment dans le cinéma d’animation. La succession de vingt-quatre images par seconde et les images en 3D peuvent nous laisser croire qu’une photo, par essence morte, a le pouvoir de s’animer et d’aimer sans l’intervention humaine, que notre imagination est la Réalité, que ce que nous rêvons arrive à être tel que nous le conceptualisons mentalement, que le désir de celui qui a accès au maniement des nouvelles technologies iconographiques est tout-puissant.

 

L’impression saisissante de vraisemblance, permise par l’image-mouvement, n’est pas sans risque. L’image déréalisée, en déguisant le mythe en Réalité, peut encourager le passage des fantasmes à la pulsion actualisée, autrement dit la création de réalités fantasmées. Les nombreuses limites invisibles que nous impose l’objet cinématographique qui nous promet tout sans rien changer durablement à notre quotidien va réveiller chez certaines personnalités un fort sentiment de trahison et de frustration. Nous pouvons le constater par exemple avec les films pornos. Au bout d’un moment, l’image, même très réaliste et sexuellement excitante, ne suffit plus : elle en appelle d’autres, exige un passage à l’acte, encourage au désenchantement du monde, et à l’autodestruction. Les médias ne provoquent pas ce qu’ils filment : ils l’encouragent, et peuvent agir symboliquement par les effets désirants qu’ils provoquent en l’Homme. Si l’influence des images déréalisantes sur nos modes de vie n’est pas reconnue (car certaines personnes se servent du fait qu’elle est toujours imparfaite et qu’elle mobilise quoi qu’il arrive notre liberté de spectateurs pour ne pas la reconnaître), elle peut conduire à des comportements agressifs. La transition des images fixes aux images-mouvement nous fait souvent préférer le monde virtuel au quotidien, et donc impulse nos désirs de mort et de réification. Le désir homosexuel me semble être un produit de cette révolution picturale puisqu’il tend naturellement vers le matérialisme, l’« être objet » ou « icône vivante ».

 

Série Queer As Folk (version nord-américaine)

Série Queer As Folk (version nord-américaine)


 

Beaucoup de personnes homosexuelles (surtout celles qui, à certains moments, feignent de les rejeter) adorent le cinéma et/ou la télévision : Francis Bacon, Pedro Almodóvar, Jacques Nolot, Andy Warhol, Jean-Louis Bory, Abdellah Taïa, etc. « Dans les ouvrages de Burroughs, l’influence de la technique du cinéma est partout manifeste. » (Susan Sontag, « William Burroughs et le roman », L’Œuvre parle (1968), p. 147) Frédéric Mitterand, par exemple, crée son propre cinéma, l’Olympic. Dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6), on mesure tout l’impact des vidéos Youtube et Instagram dans l’imaginaire des personnes transgenres.

 

« Je suis toujours aussi émerveillé par la magie du cinéma. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 72) ; « J’allais au cinéma, évidemment, à peu près tous les soirs. » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 106) ; « J’ai toujours eu une passion qui est le cinéma. » (Mylène Farmer citée dans la biographie Mylène Farmer, le Mystère (2003) de Mathias Goudeau, p. 60) ; « Je me revois quand j’étais un garçonnet à la peau pâle et aux cheveux blonds cendrés, pas amateur des jeux et de la vie dans la rue pour un sou. […] C’est ainsi que les samedis après-midi je les passais là, dans ma chambre, en regardant sur cette télévision très grande les programmes jeunesse qu’une délicieuse speakerine, María Luisa Seco, annonçait. » (cf. l’article « Entre El Papel Y La Pluma » de Xosé Manuel Buxán, cité dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 173) ; « Je fis une station devant chaque cinéma que je croisai : le Princess, le Palace, le Cinéma de Paris, le Loew’s, le York, pour réchauffer mes pieds autant que pour regarder les affiches. Au York, Sophia Loren et Charlton Heston s’embrassaient passionnément devant un panorama de désert sec et torride, les chanceux ! » (Michel Tremblay dans son roman autobiographique La Nuit des princes charmants (1995), p. 31) ; « La télévision avait de tout temps fait partie de son paysage. Nous en avions quatre dans une maison de petite taille, une par chambre et une dans l’unique pièce commune, et l’apprécier ou ne pas l’apprécier n’était pas une question qui se posait. » (Eddy Bellegueule, parlant de sa mère, dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 63) ; « Vers l’âge de dix ans, je regardais la télévision, comme je le faisais régulièrement toute la nuit quand mes frères et sœurs s’absentaient, partaient dormir chez des amis. » (idem, p. 83) ; « J’appartenais au monde de ces enfants qui regardent la télévision le matin au réveil, […] qui regardent la télévision, encore, l’après-midi, le soir pendant des heures, la regardent entre six et huit heures par jour. » (idem, p. 102) ; « Nous avons bu un verre en regardant des niaiseries à la télévision, occupation pour laquelle Marie-France avait énormément de dispositions. […] Cette Marie-France qui ne s’intéressait qu’aux clés à molette et aux programmes télévisés les plus stupides. » (Paula Dumont décrivant une de ses amies lesbiennes, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), pp. 204-206) ; etc.

 

Dans mon essai Homosexualité intime (2008), j’avais déjà étudié l’attrait des personnes homosexuelles pour la télévision et le cinéma (même si cette idolâtrie se traduit chroniquement par une simulation bobo du rejet de ces derniers). Je n’échappe pas à cette tendance. Dès mon plus jeune âge, je fuyais le Réel à travers la télévision, le cinéma. Non pas que mes parents m’avaient abandonné ou planté devant le poste : au contraire, ils m’avaient inscrit à tout un tas d’activités – foot, scoutisme, dessin, sport… – qui m’écartaient des grands écrans. Mais malgré cela, j’ai quand même réussi à passer mon enfance et mon adolescence devant la télé, si bien que ma mère m’avait surnommé une fois « Monsieur Magnétoscope ». Il suffisait de me demander ce qui passait à la télévision tel jour : j’étais capable de répondre, vu que je connaissais le magazine Télé 7 Jours par cœur !

 
 

 

b) L’idolâtrie vire parfois à la (simulation de) destruction :

Derrière cette idolâtrie homosexuelle, il y a une peur et un manque de confiance en soi qui, poussés à l’excès, se mutent parfois en schizophrénie : « Le cinéma me montrait un monde tellement différent du mien, mystérieux et intrigant ! […] Fasciné par les stars du cinéma, je les imitais. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 48) ; « Vers l’âge de neuf, dix ans, je me suis mis à organiser des émissions fictives de radio et de télévision. Je me prenais pour un animateur […]. Je me prêtais différentes personnalités pour composer mon personnage. Avec une constante : je portais un nom féminin et je parlais, grammaticalement, comme si j’étais une femme. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 28) ; « Ma vie n’était pas si triste mais elle avait ses côtés morbides que je trompais en regardant compulsivement des films. » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 255) ; etc.

 

Film "Todo Sobre Mi Madre" de Pedro Almodovar

Film « Todo Sobre Mi Madre » de Pedro Almodovar


 

Beaucoup de personnes homosexuelles, devinant leur fragilité idolâtre sans pour autant l’affronter et la régler, feignent de détester la télé et le cinéma, pour continuer d’aller les voir (en cachette ou sur Internet ou dans leur salle de projection privée bobo) : « La 17e édition a la couleur de l’audace, de la créativité, et défend une cinéphilie LGBT rigoureuse et plus que jamais au-delà des clichés. » (cf. Pascale Ourbih, homme transsexuel M to F, parrain du 17e Festival Chéries-Chéris du Forum des Images de Paris le 7-16 octobre 2011, s’exprimant sur l’éditorial de la plaquette de l’événement) ; « Télé, plus télé, plus été, plus été. Marre de la télé ! Pourtant elle continue à répandre ses images en couleurs, une bouillie de débats de société, d’enquêtes policières, de reportages bidon. Elle s’impose comme, à la campagne, un feu de bûches dans une cheminée. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 118) ; « Je n’ai pas de télévision. Parce que je l’aime trop. Elle est ensorcelante. » (Julien Green dans l’émission Apostrophe, sur la chaîne Antenne 2 le 20 mai 1983) ; « Le cinéma est le lieu de l’absolue cruauté. […] Le cinéma nous inachève. Il nous apprend que nous ne sommes pas entiers, que notre construction est fragile. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 97) ; « Manuel Puig écrit sur la trahison du cinéma qui, en nous faisant rêver de l’impossible, nous empêche parfois de vivre nos possibles. Il brosse le portrait réaliste et impitoyable d’une société qui pratique toutes les hypocrisies, y compris sexuelle, et dont le cinéma des années 1930 et 40 est l’un des principaux modèles de conduite. […] Il entretient un rapport douloureux avec le cinéma qu’il aime. Expression parfaite de son idéal esthétique fait de kitsch et de glamour, le cinéma américain tout comme son contemporain allemand est, avant tout, cinéma de propagande. » (Lionel Souquet, Le Kitsch de Manuel Puig (1996), p. 174) ; « Le Sida est une maladie de la communication. » (cf. un étonnant slogan d’Act-Up désignant le Sida comme cache-misère médiatique et comme une instrumentalisation des personnes homos et de leurs malheurs) ; « Je ne voulais pas qu’on voie que je venais à peine d’être une nouvelle fois rejeté. Que je m’étais trompé. Je ne voulais pas me donner en spectacle. J’avais envie d’errer, de respirer la nuit seul, de traverser cette ville où, depuis que j’avais quitté le Maroc poursuivant des rêves cinématographiques, je me redécouvrais heureux et triste, debout et à terre. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 45) ; etc. Par exemple, le réalisateur homosexuel Pier Paolo Pasolini, pourtant féru d’images, prétendait haïr la télévision et ne jamais la regarder.

 

Il n’y a pas de causalité directe entre homosexualité et cinéma/télé (la télévision ne crée rien : elle n’est qu’une loupe des fantasmes et des volontés humaines, d’un rapport entre l’Humain et ce qu’il voit) : « Les enfants qui regardent la télévision plus de 4 heures par jour avant l’âge de 6 ans ont 5 fois plus de chances d’adopter des comportements violents pour résoudre les difficultés de leur vie quotidienne une fois devenus adultes. (5% de ceux qui regardent la télévision moins d’une heure par jour adopteront des comportements violents, contre 25% de ceux qui la regardent plus de 4 heures) Cinq fois plus, c’est considérable. Mais si on s’intéresse de plus près aux chiffres, on s’aperçoit que 75% des enfants qui regardent la télévision plus de 4 heures par jour dans leurs premières années… n’adopteront pas plus la violence que ceux qui la regardent moins d’une heure ! Comment se fait-il que la consommation massive d’images n’ait eu chez eux aucun des effets redoutés ? C’est tout simplement parce qu’il n’y a jamais les ‘images’ d’un côté et ‘l’enfant’ de l’autre, mais aussi l’histoire de celui-ci, sa famille, ses copains, son école, et l’ensemble de son environnement. Dans tous les cas, c’est l’intrication des images violentes avec de nombreux facteurs qui est décisive. » (cf. l’article « Les jeunes et les images » de Serge Tisseron, dans l’essai Zoom sur l’image (2004), p. 8)

 
 

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Code n°170 – Témoin silencieux d’un crime

Témoin silencieux

Témoin silencieux d’un crime

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Dans les œuvres homosexuelles, il arrive beaucoup plus souvent qu’on ne le croit que le héros homosexuel soit le témoin accidentel d’un vol, d’un meurtre, d’une agression homophobe, ou d’un viol, qu’il n’a pas commis, mais dont il est le complice, au moins oculaire, et qu’il ne dénonce pas. Le doute entre sa lâcheté de spectateur et son impuissance objective porte un nom : le désir homosexuel, celui-ci étant à la fois un désir d’amour lâche et violent par nature, et un désir de viol non-actualisé, qui s’imposerait à celui qui le ressent sans qu’il n’y puisse rien. Le fait que ce personnage ne vienne pas en aide à un de ces compagnons (en général homosexuel comme lui) montre bien la dualité homophobe du désir homosexuel, qui est à la fois pour et contre lui-même (puisque c’est un désir idolâtre). Ces exemples fictionnels de non-assistance à personne en danger, tout irréels qu’ils soient, montrent que l’homophobie intériorisée est une étape récurrente dans l’affirmation d’une homosexualité.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homosexuel homophobe », « Déni », « Défense du tyran », « Adeptes des pratiques SM », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Regard féminin », « Femme au balcon », « Amour ambigu de l’étranger », « Passion pour les catastrophes », « Voleurs », « Violeur homosexuel », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Main coupée », « Voyeur vu », « Espion », « Hitler gay », « Tout », « Couple criminel », « Milieu homosexuel infernal », « Prostitution », à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », à la partie « Désir de viol » du code « Viol », à la partie « Apocalyse » du code « Entre-deux-guerres », à la partie « L’homo combatif face à l’homo lâche » du code « Faux Révolutionnaires » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Film "Pornography : A Thriller" de David Kittredge

Film « Pornography : A Thriller » de David Kittredge


 

Dans certaines fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel est témoin d’un meurtre, d’un viol ou d’un vol, qu’en général il ne dénonce pas : cf. le vidéo-clip de la chanson « Take Me To Church » d’Hozier, la chanson « J’étais là » de Zazie, le film « Témoin » (1978) de Jean-Pierre Mocky, le film « Merci… Dr Rey ! » (2003) d’Andrew Litvack (avec le personnage de Thomas), le film « Adored Diary Of A Porn Star » (2004) de Marco Filiberti (avec Federico et son frère Riki), le film « Cahier volé » (1991) de Christine Lipinska, le film « Je veux seulement qu’on m’aime » (1976) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec Aschenbach, spectateur d’une peste urbaine), la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti (avec le personnage de Robert), le film « Le Faucon maltais » (1941) de John Huston (avec le personnage d’Avril), le film « Quai des Orfèvres » (1947) d’Henri-Georges Clouzot (avec le personnage de Dora Meunier), le film « Les Désarrois de l’élève Törless » (1966) de Volker Schlöndorff, le film « Fremde Freundin » (1999) d’Anne Hoegh Krohn, le film « Wonderland » (1988) de Philip Saveville, les films « Huit Femmes » (2001) et « Swimming-pool » (2003) de François Ozon, etc. « Madame Pignou entendit les pleurs d’un bébé dans l’arrière-boutique, essaya d’alerter la boulangère, mais pas un mot ne sortait de sa bouche, elle était devenue muette. » (Copi, « Madame Pignou » (1978), p. 49) ; « Le perroquet vert, témoin d’un meurtre d’une princesse russe, et qui perdait les plumes. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 75) ; « C’est la première fois que je perds. » (Donato, le héros homo secouriste de mer qui a laissé se noyer l’amant de son futur partenaire, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; etc.

 

 

Par exemple, dans le film « Saint » (1996) de Bavo Defurne, un adolescent, caché dans une forêt, assiste, impuissant, à l’exécution d’un homme homosexuel par une bande de soldat. Dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1959) de Joseph Mankiewicz, Catherine (Elizabeth Taylor), pendant tout le film, garde le silence sur la scène du meurtre homophobe collectif qu’a subi son cousin homosexuel Sébastien. Dans le film « Dressed To Kill » (« Pulsions », 1980) de Brian de Palma, une call-girl qui a surpris un meurtre dans un ascenseur devient la proie de la meurtrière, une mystérieuse blonde transsexuelle M to F. Dans le film « Dinero Fácil » (2010) de Carlos Montero, Jaime le prostitué est témoin d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Dans le film « Les Enfants du Paradis » (1945) de Marcel Carné, Avril, le complice et l’amant de Lacenaire, devient voyeur d’un meurtre. Dans le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1944) de Luchino Visconti, Gino est témoin du meurtre que Giovanna opère sur son mari, et s’affaire à le camoufler. Dans le film « J’embrasse pas » (1991) d’André Téchiné, Manuel Blanc se fait violer par un mec sous les yeux d’Ingrid. Dans le film « La source ou la fontaine de la jeune fille » (1960) d’Ingmar Bergman, Ingeri assiste au viol de Karin. Cachée derrière un buisson, alors qu’elle tient une pierre dans sa main pour lui venir en aide, elle n’intervient pas. Dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, Édouard est témoin du vol de livre d’Eudolfe qu’il garde secret. Dans le film « Rear Window » (« Fenêtre sur cour », 1955) d’Alfred Hitchcock, Jeff, au départ, veut faire justice lui-même et ne veut pas prévenir la police pour le meurtre qu’il a vu depuis sa fenêtre. Dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, Timofei, le héros homo, aperçoit un vol de portefeuilles mais il ne fait rien pour arrêter le voleur. Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, Jean-Jacques regarde passivement le viol de Jean-Marc, son copain, par ses camarades de « Mission ». Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie et Ruth maquillent le meurtre du mari de la seconde, Bennett.

 

Le plus étonnant, c’est la passivité et la complicité du héros homosexuel vis à vis du meurtrier qu’il a surpris ou du violeur qu’il adore secrètement. « Je ne vous dénoncerai pas. » (Robbie s’adressant au couple criminel dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « Je l’ai regardé tuer plusieurs mecs. » (Wayne concernant les meurtres de Dean, dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper) ; « Ze zont des zhomophobes qui m’ont attaqué, i’ zont voulu me tuer. I’ zont crié zale pédé, z’étaient des zhomophobes, et i’ m’ont buté. » (Willie, pourtant agressé par un homosexuel, son « ex » Doumé, dans le roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 195) ; « La peinture qu’elle avait achetée se trouvait encore devant sa porte, mais Jane avait rechigné à se mettre au travail. Les mots seraient encore là même si elle appliquait une nouvelle couche de laque ; elle voulait que leur laideur reste gravée au fer rouge dans les souvenirs des Mann comme ils l’étaient dans les siens. La colère qu’elle avait pu ressentir vis-à-vis de la fille en rapport avec le graffiti avait disparu. Si c’était Anna qui avait dégradé sa porte, elle l’avait fait par désespoir et par peur de ce que les soupçons de Jane pourraient entrainer pour son père. Si c’était Mann, alors lui aussi était désespéré et effrayé. Cette idée la travaillait. » (Jane, l’héroïne lesbienne qui ne se décide pas à effacer le graffiti homophobe « Lesben Raus ! » qui figure à la peinture rouge sur le mur d’entrée de l’appartement qu’elle partage avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 155) ; etc.

 

Film "L'Inconnu du lac" d'Alain Guiraudie

Film « L’Inconnu du lac » d’Alain Guiraudie


 

Par exemple, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, tous les personnages homos sont témoins d’un meurtre (celui que Michel a opéré sur Pascal ; Henri, de son propre meurtre par Michel), mais tous protègent par leur silence et par leur attachement à leurs pulsions sexuelles le meurtrier. Que ce soit Henri ou Franck, ils se jettent dans la gueule du loup. Le cas de Franck, le héros, est particulièrement fascinant. Il a vu pendant la nuit, caché dans les fourrés, son amant Michel noyer Pascal. Et le lendemain, il ment à l’un de ses camarades nudistes (« Je suis rentré me coucher… »), ment également au commissaire (quand ce dernier lui tend une photo de la victime, Franck fait mine de ne pas la connaître : « J’étais dans le bois… Je n’ai rien remarqué… »). On découvre que ce sont principalement les sentiments qui servent d’ultime rempart au déni du viol : quand Michel constate que Franck ne le dénonce pas et le couvre, il lui dit « Je crois que tu m’aimes toujours un peu… »

 

Film "L'Homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, le jeune Henri, par amour pour Jean, un homme criminel plus mûr que lui, se replie dans le silence et la prostitution. Au départ, dans les toilettes où Jean a laissé pour mort un type qu’il a tabassé, Henri se voit forcé au silence par un baiser forcé et cannibale que lui donne Jean. Et ensuite, c’est de son propre chef qu’Henri, hypnotisé par la nudité de Jean, couvre ce dernier et pratique les mêmes larcins.

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homo, ne porte pas secours à son amant Nathan qui se fait assassiner sous ses yeux par un prédateur sexuel dans une bagnole de laquelle il est le seul à descendre. Ce souvenir le hante jusque dans ses rêves puisque il voit Nathan frapper en vain à la fenêtre de la vitre de la voiture où il s’est enfermé, près d’une station de service où il attend son père : « Ouvre-moi Jonas ! Pourquoi tu fais ça ?!? Il arrive, Jonas ! S’te plaît, ouvre !!! » (Nathan). Dix-huit ans après, lorsque Jonas passe aux aveux et raconte les circonstances réelles de la disparition énigmatique de Nathan, la maman de ce dernier s’étonne encore de la passivité du jeune homme : « Y’a juste un truc que je comprends pas. Pourquoi tu l’as pas dit ? » Jonas ne sait pas quoi répondre, et son mutisme semble s’expliquer par un complexe de culpabilité, voire une homophobie intériorisée : « Je sais pas. J’y arrivais pas. J’avais honte. ». La mère de Nathan persiste : « Mais honte de quoi ? T’avais 15 ans… ». La question restera sans réponse. Néanmoins, Jonas se voit dédouané de toute faute par le petit frère de Nathan, Léonard : « Si tu l’avais pas abandonné au final, tu serais sans doute mort avec lui. »
 

Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Mélodie, l’héroïne bisexuelle, est avocate… mais au lieu de défendre la justice, elle se sert de son pouvoir de magistrat pour couvrir le délit ou le crime. Par exemple, face à un contrôle de police où son ami Michel manque de souffler dans un ballon alors qu’il est alcoolisé au volant, elle fait preuve de persuasion avec un policier pour échapper in extremis au retrait de permis… et ça marche. Plus tard, Mélodie a en charge un pervers qu’elle prend en pitié, qu’elle parvient à défendre en plaidoirie, en faisant passer les attouchements sexuels qu’il a fait sur une femme pour un dérapage : « Il s’agit d’un geste d’amour qui a mal tourné. » Mais à la fin du film, elle se retrouve face à une récidive beaucoup plus grave du même violeur, puisque cette fois, il est passé au viol. Elle a donc couvert et laisser courir en liberté un agresseur multi-récidiviste. Face à ses amis qui s’étonnent qu’elle ait défendu l’injustifiable, elle joue d’abord l’indifférence professionnaliste (« Bien sûr que je vais le défendre. C’est mon métier. ») avant de fondre carrément en larmes, surprise par une culpabilité inconsciente qui déborde en elle (« Je n’en peux plus de toute cette merde. Je ne sais plus à quoi m’accrocher ! ») Tout le film montre que, au même moment qu’elle vit son homosexualité, Mélodie défend à plusieurs reprises le viol : il y a une corrélation constante entre plaidoirie du viol et justification de la banalité/beauté de l’amour bisexuel/asexué.
 

Dans le film « Bayaw » (2009) de Monti Parungao, Rhennan est témoin de la mort accidentelle de Pia, tuée par Nilo, son amant qu’il défendra jusqu’au bout. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Paul, on ne sait pourquoi, protège son agresseur Dargelos qui lui a jeté volontairement une pierre à la poitrine. Dans le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine, Bruno voit Fabrice voler des cierges à l’église : non seulement il ne dénonce pas le délit, mais il tombe amoureux du larron ! Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara a laissé son amante Sonia se faire insulter et maltraiter par un groupe de garçons lesbophobes, et vient ensuite lui demander pardon : « J’suis vraiment désolée. J’arrivais à rien dire… » Dans le film « Indian Palace » (2011) de John Madden, Graham a une liaison homosexuelle avec un domestique indien, Manadj, qui finit mal puisque le père de Manadj perd son travail et toute la famille de ce dernier est renvoyée suite à ce « déshonneur ». Graham ne fait rien pour défendre son amour de jeunesse : « Au lieu de ça, j’ai laissé faire. Je n’ai pas émis la moindre protestation. » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, en même temps qu’ils entament une relation amicale renforcée qui les fait passer pour homos, les deux adolescents Vlad et Joey se font comme par hasard suspecter de vol de livres en français dans leur bahut. On découvrira qu’en réalité, c’est Ben le grand-oncle homo de Joey, qui est l’auteur du larcin. Il se dénonce bien tard, après que le pauvre Joey se soit fait engueuler sévèrement par son père et presque suspecter d’homosexualité, le temps d’un dîner tendu. Dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, la jeune Anna défendra jusqu’à la mort son père qui la viole.

 

Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène se fait maltraiter psychologiquement par son amante Sarah… mais par « amour », elle l’excuse : « T’es pas vraiment méchante, en fait. C’est à cause de ta mère. Je l’ai vue. T’es juste paumée. J’ai compris pourquoi t’es comme ça. » Victoire, la meilleure amie de Charlène, essaie de la raisonner : « J’comprends pas comment t’acceptes. Elle te traite comme une merde. » Charlène lui rétorque : « Je ne te demande pas de comprendre. » Finalement, Charlène ne fait que reproduire la soumission de sa mère vis-à-vis de son père : « Pourquoi tu lui pardonnes à chaque fois ? » lui demande-t-elle ; « Parce que je ne peux pas faire autrement… » lui répond sa maman.
 

Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (épisode 1 de la saison 2), Emmanuel, le séminariste homosexuel noir, n’a pas aidé son camarade Christian qui s’est fait agresser puis voler de l’argent par une mendiante au foyer du Bon Secours où ils tenaient une permanence d’accueil (il s’est caché sous les tables pour prier un « Je vous salue Marie » sans bouger). Plus tard, toujours par faiblesse, mais aussi par dette de sa première lâcheté, il couvre Christian (qui a décapité une statue) et garde le silence sur son méfait.

 

Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, à Moscou, Anton et Vlad, un jeune couple homosexuel est par hasard le témoin passif d’une agression de rue. Vlad déconseille à Anton d’aller secourir le jeune Nikolay : « Tu vas jouer au héros ? » Plus tard, ils apprendront que la victime a succombé aux coups et qu’il s’agissait d’un crime homophobe. Vlad refuse qu’Anton mène l’enquête, pas simplement pour le risque qu’elle revêt, mais surtout par peur que sa culpabilité de non-assistance à personne en danger soit révélée au grand jour. Sous l’effet de l’alcool, Anton finit par intégrer à cette croyance qu’en effet, la complicité de son compagnon vaille meurtre : « Tu as tué un homme, Vlad ! Tu as tué un homme ! » Vlad lui met un poing dans la gueule et le quitte définitivement. À la fin, Anton découvre que le meurtrier de Nikolay n’est autre que de ses proches amis, Audrey, qui, lui aussi, va le regarder passivement se faire rouer de coups par ses potes homophobes dans une forêt enneigée de Russie.
 

Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, l’idylle entre Kena et Ziki, les deux héroïnes lesbiennes, commence bizarrement. Les deux femmes ont des pères qui sont rivaux aux élections municipales d’un lotissement de Nairobi (Kenya)… et Kena voit Ziki arracher et vandaliser les affiches électorales de son propre père. Elle lui court après… et tombe sous le charme de la canaille.
 

Chez le héros homosexuel, le déni de la connaissance d’un meurtre ou d’un viol peut traduire aussi une haine de soi, un manque de confiance, un mal-être identitaire, ou l’intériorisation inconsciente d’un opprobre, intériorisation qui sera interprétée comme un signe d’homosexualité. Par exemple, dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Félix, le héros homo, est témoin d’un meurtre dont il n’est à l’origine pas responsable, … seulement voilà, il finit par s’en rendre un peu responsable en niant les faits. Le défense du violeur sera finalement expliquée par la haine secrète de soi, le racisme (ou l’homophobie) intériorisé : « J’avais peur de ces mecs, de ces flics, de tout. Je sais pas comment t’expliquer ça… J’arrivais pas à leur expliquer qu’un type m’avait frappé parce que j’avais une tête d’Arabe… J’avais honte. » Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, le père Adam est témoin du viol par sodomie que Adrian exerce sur le jeune Rudy (héros qui s’était jadis confessé à lui). Au lieu de dénoncer ce qu’il a vu, Adam l’incorpore comme une confirmation qu’il est lui-même bien homosexuel. Par la suite, Adrian s’amuse du chantage au silence qu’il impose à ce prêtre homosexuel refoulé, et en profite pour l’« outer » : « LE PRÊTRE EST UNE PÉDALE ! » fait-il inscrire en rouge sur un mur.

 

Film "Drôle de Félix" d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Film « Drôle de Félix » d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau


 

Le violé a vu le plaisir de son violeur au moment du coït et y a cru tellement qu’il l’a pris pour une preuve d’amour à maintenir cachée. Je vous renvoie à la partie sur le « Désir de viol » dans le code « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Dans le téléfilm « La Bête curieuse » (2017) de Laurent Perreau, Céline (jouée par Laura Smet) surprend sa collègue hôtelière Élodie en plein ébat amoureux lesbien avec une femme dans les vestiaires. Mais pour ne pas que son plus grand crime (Céline a tué son violeur puis se retrouve en liberté conditionnelle avec un bracelet électronique) soit dévoilé, elle décide de couvrir Élodie et son amante auprès de leur grand chef en l’empêchant de les surprendre dans la situation embarrassante. Il faut rappeler qu’Élodie, avant ce service rendue par Céline, se montrait particulièrement cruelle, jalouse, envers elle.
 

Également, le silence du héros homosexuel face au meurtre peut indiquer la dualité homophobe de son désir homosexuel, sa complicité avec l’homophobie. Par exemple, l’opéra Billy Bud (1951) de Benjamin Britten raconte l’histoire d’un marin persécuté pour ses opinions politiques supposées et qui tue son persécuteur sans que l’officier qui est amoureux de lui n’ose intervenir. Dans le film « Camionero » (2013) de Sebastián Miló, Raidel est témoin du viol punitif que son camarade Randy subit de la part de ses camarades cadets dans les dortoirs et les douches du lycée militaire où ils sont tous deux inscrits. Il le voit se faire pisser dessus, sans intervenir. Dans le film « Forty Deuce » (« Quarante partout », 1982) de Paul Morrissey, un prostitué (interprété par Kevin Bacon) essaie de couvrir la mort par surdose d’un autre gamin. Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, Mourad, l’un des héros homosexuels, raconte comment, lors de son adolescence au lycée, il a non seulement été témoin du tabassage d’Esteban, un camarade suspecté d’être homo, dans les vestiaires, mais en plus, pour camoufler sa propre homosexualité, il y a participé. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, même scénario. Frank, le héros homo, avant de faire à l’âge adulte son coming out, a vu et pris part au passage à tabac d’un homme homosexuel efféminé de son village, Jonathan, que les « casseurs de pédés » dont il faisait partie, n’ont pas épargné. Et depuis, dès qu’il « croise un homme balafré » dans la rue, il repense avec angoisse au visage coupé en deux de son jumeau d’orientation sexuelle. Dans le film « Le Bal de nuit » (1959) de Maurice Cloche, un gay dévalisé n’ose pas porter plainte. Dans le film « Ô Belle Amérique ! » (2002) d’Alan Brown, Andy a vu son amant Brad se faire tabasser par les garçons de sa bande. Il avoue en pleurs qu’il est resté regarder la scène sans venir le secourir. Dans le roman Pompes funèbres (1947) de Jean Genet, les Allemands violent Riton sous les yeux d’Érik Seiler, sans que celui-ci fasse un geste pour le défendre.

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, le héros homo, parle de son camarade de classe efféminé, Julien, qui s’est suicidé parce que ses camarades le rejetaient, et que lui n’a rien fait non plus pour lui venir en aide : « C’était mon frère de cœur. Nous avions la même faiblesse – si c’en est une – mais je ne me reconnaissais pas en lui. Je l’avais toujours ignoré. Finalement, j’étais peut-être pire que ceux qui se moquaient de lui. […] « Personne n’était là quand Julien en avait besoin, quand il était bien vivant, quand il désespérait. Personne pour l’écouter, pour le comprendre et lui tendre la main… alors, il est parti. […] En réalité, je déprimais complètement. On mit cela sur le compte de la mort de Julien. C’était en partie vrai, mais la vraie raison de ma déprime venait du fait que je pensais à celui [Kévin] qui n’était pas là, comme d’hab, et qui pleurait avec moi tout à l’heure, quand nos épaules s’étaient touchées. Les filles et ma mère avaient raison, je n’étais pas là, j’étais encore au cimetière. Pas avec Julien, j’y étais avec mon amoureux. » (pp. 49-52) ; « Un jour, un copain s’en est pris à Julien, il trouvait qu’il avait une démarche et des gestes efféminés. […] Nous sommes tous restés là, impassibles, immobiles, personne n’a osé prendre sa défense. Je m’en voudrai toute ma vie. Je suis jeune mais je traîne déjà mes fantômes derrière moi. C’était mon frère, il l’ignorait. Moi, je le savais, je l’ai toujours su. Je l’ai renié plus fort que les autres. Je l’ai ignoré, abandonné, laissé souffrir en solitaire. » (idem, pp. 388-389) ; etc. À la fin de l’histoire, quand Kévin se fait tabasser à mort par un groupe d’homophobes, après un dîner au resto en amoureux avec Bryan, ce dernier reste totalement passif, à regarder son amant se faire tuer. Il ne veut pas être suspecté d’être homo, et de souffrir les mêmes représailles : « Je n’étais pas fier de moi, je n’avais rien fait pour aider mon ami. » (idem, p. 264)

 

Parfois, le viol ou le meurtre que le personnage homosexuel a vu ou a cru voir – et qu’il tait, en gardant son amertume pour lui – est fantasmatique (même s’il peut reposer sur un substrat de réel) : le héros a considéré la sexualité (entre un homme et une femme ; ou bien entre deux personnes de même sexe) comme sale, odieuse, violente, et a eu un contact prématuré avec l’intimité génitale des adultes. Il interprètera son silence vis à vis du « viol » (et vis à vis de son fantasme de viol surtout !) comme une confirmation secrète de son homosexualité. « Stephen [l’héroïne lesbienne, amoureuse de sa gouvernante Collins] avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés. […] Stephen s’enfuit sauvagement, plus loin, toujours plus loin, n’importe comment, n’importe où, pourvu qu’elle cessât de les voir. Elle sanglota et courut en se couvrant les yeux, déchirant ses vêtements aux arbustes, déchirant ses bas et ses jambes quand elle s’accrochait aux branches qui l’arrêtaient. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 38-39) Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume est témoin que son meilleur ami Jérémy baise sous la pluie Lisa, et il qualifie par jalousie cette dernière de pute : « C’est vraiment une espèce de… »

 

Enfin, à plus grande échelle, le silence du héros homosexuel face aux crimes qu’il voit (dans la vraie vie comme sur ses écrans de télé) peut dire chez lui une misanthropie, une indifférence désinvolte à l’horreur et à la souffrance des autres, un égoïsme. « Il n’y a pas de mal à ça. » (Julia, une des héroïnes lesbiennes s’adressant à Lisa qui vient de se faire avorter, dans le film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino)

 

On retrouve les personnages homos dilettantes qui soufflent sur la mousse de leur bain d’actrices pendant que le monde entier s’écroule autour d’elles dans la chanson « J’en ai marre » d’Alizée, le vidéo-clip « XXL » de Mylène Farmer, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le poème « La Almena, Los Caballos » de Néstor Perlongher, etc. « Tout est chaos à côté. » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « C’est dans l’air, c’est nucléaire. On s’en fout. […] On finira au fond du trou. Et… moi je chante. Moi je… m’invente une vie. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer) ; « J’ai la peau douce, dans mon bain de mousse. Je bulle à l’ombre des bombes. » (cf. la chanson « J’en ai marre » d’Alizée) ; « J’étais à la manif avec tous mes copains. […] J’étais là pour aider pour le Sida les sans papiers. J’ai chanté, chanté. Sûr que j’étais là pour faire la fête ! Et j’ai levé mon verre à ceux qui n’ont plus rien. […] J’étais là et je n’ai rien fait. » (cf. la chanson « J’étais là » de Zazie) ; « Encore quelques jours à Singapour à rechercher l’amour du haut d’un réverbère. Je regarde la terre. Je n’y vois rien à faire. Alors je resterai réfugié à l’intérieur de mon bunker. » (cf. la chanson « Punker » du groupe Indochine) ; « Tu devras faire entrer en toi cette insensibilité à l’égard du monde. » (le narrateur de la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet) ; « C’était la première fois que cousin Sébastien avait des velléités de modifier une conjoncture terrestre. » (Leonora à propos de son cousin homosexuel, dans le film « Suddenly Last Summer », « Soudain l’été dernier » (1960) de Joseph Mankiewicz), etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Un certain nombre (non négligeable) d’individus homosexuels ont été témoins de meurtres ou de viols qu’ils taisent (cf. je vous renvoie aux codes « Déni » et « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ils sont les premiers à ne pas être capables de s’expliquer le pourquoi de leur silence. « Je n’en ai jamais parlé à personne, je n’ai pas porté plainte, et j’ai encore honte de m’être laissé faire. » (Brahim Naït-Balk évoquant la succession de viols qu’il a subis de la part du groupe de jeunes hommes qu’il encadrait, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 8) ; « Je ne me suis jamais dit : ‘Il est dégueulasse celui qui m’a contaminé. ’ J’ai pris mes responsabilités. » (Romain, homosexuel et séropositif, dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon) ; etc.

 

Le plus étonnant, c’est la passivité et la complicité de certaines personnes homosexuelles vis à vis du meurtrier qu’elles ont surpris ou du violeur qu’elles adorent secrètement. Par exemple, Truman Capote a pris la défense du prisonnier et criminel Perry Smith dont il raconte l’histoire dans son roman-réalité A Cold Blood (De sang-froid, 1966). Dans le documentaire « Stefan Sweig, histoire d’un Européen » (2015) de François Busnel, il est démontré que l’écrivain Stefan Sweig n’a pas dénoncé ouvertement le nazisme et « suit sa pente dominante qui est celle du compromis ».

 

Vidéo-clip de la chanson "Sans logique" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer


 

Quelquefois (étrange syndrome de Stockholm, par lequel la victime défend son agresseur ou bien celui qu’elle a vu agresser), le violé homosexuel a observé le plaisir de son violeur au moment du coït et y a cru tellement qu’il l’a pris pour une preuve d’amour à maintenir cachée. « Ils [les deux collégiens violeurs] sont revenus. Ils appréciaient la quiétude du lieu où ils étaient assurés de me trouver sans prendre le risque d’être surpris par la surveillante. Ils m’y attendaient chaque jour. Chaque jour je revenais, comme un rendez-vous que nous aurions fixé, un contrat silencieux. […] Uniquement cette idée : ici, personne ne nous verrait, personne ne saurait. […] Je ne sais pas si les garçons du couloir auraient qualifié leur comportement de violent. » (Eddy Bellegueule dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 38-42) ; « J’étais un efféminé qui méritait les coups. Je ne voulais pas que la surveillante me retrouve dans le même couloir, recroquevillé, le regard implorant – même si, je l’ai dit, la plupart du temps j’essayais, sans toujours y parvenir, de garder le sourire quand ils me frappaient. » (idem, p. 88) ; « Cette expérience m’était à tel point incroyable que, je préférais me taire, craignant sans doute de passer pour un être anormal et déséquilibré. Mais rien ne pouvait jamais m’ôter l’absolue certitude, que je n’avais pas rêvé ni été victime d’une hallucination. J’étais la victime et le témoin, c’est sûr, la cible d’un amour impossible. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du viol qu’il a subi, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 70) ; etc.

 

Beaucoup d’affaires criminelles impliquent les personnes homosexuelles (cf. je vous renvoie aux codes « Violeur homosexuel », « Viol », « Voleurs », « Milieu homosexuel infernal », « Homosexuel homophobe » et « Prostitution » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Mais comme en général, ces dernières ont collaboré de près ou de loin – par une pratique sexuelle, par un jeu de séduction ou par les sentiments – avec le bourreau qui a mal agit devant elles, elles préfèrent garder le silence : cf. je vous renvoie à deux articles : « Les homos taisent leurs agressions » et « Ils détroussaient des gays parce qu’ils portent moins plainte« . « Outre la mauvaise réputation qu’avait la Savane la nuit, je lui rapportais en détail certaines agressions dont j’avais été témoin. Sur la place, je rencontrais toutes sortes d’individus ; les ‘branchés’ étaient une population très hétéroclite. On était du même bord, mais on ne se fréquentait pas. Sans doute par manque de confiance, beaucoup se méfiaient de leur propre clan et jouaient à cache-cache en permanence, se dénigrant et se méprisant mutuellement. Impensable pour un groupe déjà victime du malheur de sa propre différence ! C’est quand même surprenant et regrettable d’en arriver là. » (Ednar parlant des lieux de drague antillais à sa mère, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, pp. 188-189) Par exemple, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans décrit précisément la succession des « générations de maîtres-chanteurs » (p. 39) qui se succèdent dans le cadre de la prostitution homosexuelle masculine : « Le grand point faible de l’homosexualité, c’est sa lâcheté : surpris en flagrant délit ‘d’outrage aux mœurs dans un lieu dit public’, le pédéraste ne peut chercher aucun secours chez son partenaire de rencontre ; il est seul. Personne n’est jamais homosexuel… sauf celui qui se fait pincer. Une ignoble loi de la jungle régit notre existence et nous vivons dans la perpétuelle attente de la catastrophe. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, idem, p. 103) Dans son autobiographie Retour à Reims (2010), Didier Éribon raconte (sans raconter vraiment) les « cassages de pédés » sur les lieux de drague homo : « Je dois mentionner aussi les innombrables agressions dont je fus, au fil des années, le témoin impuissant, réduit à ressasser ensuite pendant des jours, des semaines, le lâche soulagement d’avoir été épargné […]. Plus d’une fois il m’arriva de quitter précipitamment un de ces endroits, échappant de justesse au sort qui s’abattait sur d’autres. » (p. 220)

 

Le silence des personnes homosexuelles à propos du viol ou des actes d’homophobie indique la dualité homophobe de leur désir homosexuel, leur complicité avec l’homophobie à travers la pratique homosexuelle. « La question du chantage a été centrale dans toute l’histoire de l’homosexualité. Des hommes, pris au piège, étaient livrés à des voyous qui les tenaient à leur merci, et une seule rencontre malencontreuse pouvait briser une vie. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 69) Selon Himmler, « l’homosexuel » est « un objet idéal de pression, d’abord parce qu’il est lui-même passible de sanctions, deuxièmement parce que c’est un type malléable, et troisièmement parce qu’il est veule et dépourvu de toute volonté » (Himmler, cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 258)

 

Parfois, le viol ou le meurtre que la personne homosexuelle a vu ou a cru voir – et qu’elle tait, en gardant son amertume pour elle – est fantasmatique (même s’il peut reposer sur un substrat de réel) : elle a considéré la sexualité (entre un homme et une femme ; ou bien entre deux personnes de même sexe) comme sale, odieuse, violente, et a eu un contact prématuré avec l’intimité génitale des adultes. Elle interprètera son silence vis à vis du « viol » (et vis à vis de son fantasme de viol surtout !) comme une confirmation secrète de son homosexualité. « Une autre fois, ma mère dut s’absenter quelques jours pour se rendre au chevet de sa mère malade. J’ignorais tout à cette époque de la vie que pouvait mener mon père. Un soir, entrant dans la chambre de mes parents, que je croyais vide, j’eus la surprise d’y trouver mon père tenant dans ses bras notre cuisinière à demi dévêtue… Mon père m’administra un soufflet, pour me punir d’être entré sans frapper ; c’était la première fois qu’il me giflait… » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 79)

 

Enfin, à plus grande échelle, le silence des personnes homos face aux crimes qu’elles voient (dans la vraie vie comme sur ses écrans de télé) peut dire chez elles une misanthropie désinvolte, une indifférence à l’horreur et aux souffrances des autres, un égoïsme. Par exemple, dans le documentaire « Chandelier » (2002) de Steven Cohen, le performer transgenre M to F, se balade dans les bidonvilles de Johannesburg où il regarde narcissiquement et passivement la destruction autour de lui, contemple les dégâts des « méchants humains » sans bouger le petit doigt. Certains critiques disent de Marcel Proust qu’il était un « auteur asthmatique et salonnard, décadent, narcissique, fermé aux dures réalités de la lutte des classes, ignorant tout de la dialectique et des problèmes économiques. » (cf. l’article « La France de Saint-André-des-Champs » de Jean Plumyène, dans le Magazine littéraire, n°350, janvier 1997, p. 51)

 
 

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Code n°171 – Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe

Tomber amoureux

Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

L’idolâtrie jalouse et sentimentale pour l’acteur convoité ou le Don Juan des cours de récré

 

Quand on voit toutes les fois (quasi toutes) où l’homosexualité est apparue rien qu’à cause de la vue d’un acteur excitant, ou par complexe/admiration jalouse par rapport au beau gosse du lycée, plutôt qu’elle serait venue par le Réel ou par un être de chair et de sang aimant (même si, après, bien évidemment, l’icône du bellâtre cinématographique a pu être projetée sur des personnes réelles proches), on se dit : « Si l’homosexualité ne repose principalement que sur ce stimulus de merde là, elle est ballote, quand même ! »

 

C’est peu de dire que les personnes homosexuelles aiment les images : littéralement, elles les adorent ! Ce n’est pas de l’amour, mais bien de l’adoration. Quelque chose de possessif, d’inconscient, d’hypnotique, de « ravissant » (dans tous les sens du terme !). La caractéristique de ces images qui ôtent aux sujets homosexuels leur désir sexuel et leur liberté, c’est que même si elles peuvent être portées ou incarnées par des êtres humains de chair et de sang, elles sont quand même éloignées/éloignantes du Réel, retouchées, sublimées/déformées par les spots, les montages, le souvenir.

 

Sur les écrans et dans les fictions littéraires, rares sont les protagonistes homosexuels qui ne sont pas tombés amoureux d’un personnage de fiction, un bel acteur, une grande chanteuse, ou un être humain connu dans l’enfance et qui attire à lui un grand nombre de regards, genre le meilleur élève de la classe, le Don Juan sur qui toute l’attention se concentre. Ils disent eux-mêmes maintenir « des relations très intimes avec leur magnétoscope » (l’ami gay de Charlie dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear) et tomber amoureux des figurines de leurs livres, de leur télévision et de leurs magazines.

 

Ça n’arrive pas qu’au cinéma. Parfois, ça arrive par le cinéma au réel, et aux individus homosexuels bien existants ! Il semblerait que ce sont prioritairement les icônes cinématographiques qui ont fait l’effet d’électrochoc du désir homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles ont voulu coucher avec l’archétype de la beauté défini par leur époque et les médias… même les moins midinettes d’entre elles. L’homosexualité masculine, par exemple, a souvent émergé d’un sentiment de non-conformité par rapport à l’image masculine imposée par les médias, d’une peur fondée avant tout sur certaines images faussées de l’homme réel : « J’avais l’impression que d’être homosexuel faisait de moi un sous-homme. C’est pour ça que j’ai longtemps été mal parce que je courais après une espèce d’image masculine, qui est un archétype social, mais qui n’est pas une réalité en définitive. Je courais après ça… et moi, je suis pas comme ça. » (Olivier, témoin homosexuel interviewé dans l’émission « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) La même chose semble s’être produite pour l’homosexualité féminine : la comparaison excessive à la femme-objet a certainement été décisive. « Je n’étais pas bien belle. Je n’étais pas une pin-up. J’étais toujours un peu rondouillarde… » (Micheline, femme lesbienne citée dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 50) L’homosexualité est le nom donné à une crainte d’incarner une anormalité sexuelle personnifiée. Elle procède très certainement d’une peur d’être un adulte, un homme, une femme, un individu unique, différent et libre, de côtoyer le mystère de l’autre et son propre mystère, d’aimer et d’être aimé, d’être vivant ou objet. Le désir homosexuel paraît être motivé à la fois par un éloignement du Réel (donc le devenir-objet, la mort), et surtout la peur d’être unique (donc la jalousie et la non-acceptation de soi).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Télévore et Cinévore », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Super-héros », « Défense du tyran », « Fan de feuilletons », « Élève/Prof », « Don Juan », « Musique comme instrument de torture », « Bergère », « Éternelle jeunesse », « Actrice-Traîtresse », « Pygmalion », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Substitut d’identité », « Peinture », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Amant modèle photographique », « Amant narcissique », « Solitude », à la partie « Fixette sur un amant perdu et déifié » du code « Clonage », à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », et à la partie « Nécrophagie » du code « Cannibalisme », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Acteur, mon amour :

Opéra-Rock La Légende de Jimmy de Michel Berger

Opéra-Rock La Légende de Jimmy de Michel Berger


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel tombe souvent amoureux d’un être de papier, d’un chanteur, ou d’un acteur (même si intellectuellement, il se rend compte de sa chimère) : cf. le film « Dottie Gets Spanked » (1993) de Todd Haynes, le film « Emporte-moi » (1998) de Léa Pool, le film « Irma Vep » (1996) d’Olivier Assayas, la chanson « Corto » de David Jean, la B.D. Journal (1) (1996) de Fabrice Neaud, la chanson « La Fan de sa vie » de Zazie, le vidéo-clip de la chanson « Outta Love », le film « Toto Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (dans le rapport de Fefe à Pietrino), le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (avec Francis, le héros homo portant une photo de James Dean dans sa main), etc.

 

« Bobby la science, c’était mon premier vrai p’tit copain. » (Hugo parlant d’un personnage de revue scientifique d’adolescence à son futur amant Patrick, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills) ; « Je n’ai pas encore aimé – j’ai failli mourir d’amour quand Marlon Brando s’est déchiré le t-shirt sale en hurlant : ‘Stella ! Stella !’ et j’ai eu une flambée pour Burst Lancaster dans ‘Trapeze’, mais je n’ai pas encore vraiment aimé – et je me demande souvent, sourcils froncés et le trac au cœur, quand ça va se déclencher, où est-ce que je serai, avec qui ce sera et comment ça va se passer… » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 18) ; « C’est beau de sublimer, mais je commence à être pas mal vieux pour rêver que Jean Besré se meurt d’amour pour moi ou que Guy Provost m’enterre sous des tonnes de fleurs coupées parmi les plus rares et les plus odorantes. Ce petit théâtre ne suffit pas à remplir ma vie ni à combler mon besoin d’amour. » (idem, p. 19) ; « Comment j’ai su que j’étais gay ? Par exemple, je faisais sans arrêt le même rêve avec Daniel Radcliffe. » (Simon s’adressant à son amant Bram, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « Moi, j’ai compris que j’aimais les mecs en regardant ‘Games of Thrones’. Je kiffais grave John Snow. » (Bram à Simon, idem) ; « Je suis déçu : t’es pas Ryan Gosling… » (Victor, le héros gay, ironique, s’adressant à son amant Raul qu’il désir beaucoup, dans le film « Plus on est de fous », « Donde caben dos » (2021) de Paco Caballero) ; etc.

 

C’est en général cet acteur qui lui apprend qu’il est homo : « Nous commencerons par cet acteur pornographique. Ça commence toujours par là… » (Samuel Ganes dans son one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle, 2009) ; « Je l’ai aimé. C’était une grande vedette de cinéma. […] Tant qu’il y a de la pellicule, y’a de l’espoir. J’la manipule tous les soirs. » (Charlène Duval, le comédien travesti M to F parlant d’un de ses amants, dans son one-(wo)men-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Je suis sorti avec un chanteur… et il travaille à Disney maintenant. » (Matthieu dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « C’est pas facile, le plaisir. Apprivoiser ton corps glacé. » (cf. la chanson « Que mon cœur lâche » de Mylène Farmer) ; « Merci La Redoute et Les 3 Suisses ! » (Nathalie, lesbienne, en train de se branler avec son gode, dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa) ; « Vous me faites penser aux gens qui regardent des photos d’art de modèles nus en ayant la gaule. Tous ces gens qui n’ont pas encore compris que l’art ne servait pas à bander lamentablement. » (Polly, l’héroïne lesbienne s’adressant à ses deux potes homos Mike et Simon, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 36) ; « Le grand secret de ta vie… Le seul homme que t’as aimé en photo : Rudolph Valentino. » (Charlène Duval, le travesti M to F, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « J’adore Mimi Mathy. Elle a tout d’une grande. […] J’adore Jean-Paul Belmondo. » (le coiffeur homosexuel du one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Bois-Rouge respire le fin d’un monde et ce n’est pas fait pour me déplaire. On y oscille entre un aujourd’hui naufragé et un hier mythique ou pour le moins littéraire dont vous êtes à mes yeux le personnage central. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 143) ; « C’est ce jour-là que j’ai rencontré le premier amour de ma vie, il s’appelait David Bowie. Sa musique a changé ma vie. Moi j’ai changé mon nom pour lui. » (cf. « La Chanson de Ziggy » de Marie-Jeanne et Ziggy, dans l’opéra-rock Starmania de Michel) ; « Quand Brad Pitt est rentré, j’me suis transformé en gonzesse. » (un des comédiens parlant de l’acteur Brad Pitt débarquant dans un bar où il se trouvait, dans le spectacle « stand-up » Desperate Housemen (2010) de Stéphane Murat) ; « Depuis que je t’ai vu sur scène, j’en avais le souffle coupé. » (Un spectateur faisant sa déclaration en chanson à Paul, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Faudrait pas me pousser pour me marier avec KD Lang. » (Stella, une des héroïnes lesbiennes du film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « J’ai passé une nuit de folie, les garçons ! Faut que je vous raconte ! Anna l’actrice, elle s’appelle Anna et pas Vanessa, elle est folle ! » (Polly, l’héroïne lesbienne du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 34) ; « On se parle par écrans interposés. » (Daniel s’adressant à son amant-internaute adoré, Luther, qui vit à l’autre bout du planisphère, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « The Fluffer » (2001), Sean, étudiant en cinéma, tombe amoureux d’une star du porno gay. Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, tous les personnages, homos ou hétéros, fantasment sur le film « Ben-Hur » : « Charlton Heston est trop craquant… » s’extasie Mirko, l’amant de Radmilo. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane, romancier célèbre, et Stéphane, celui qui fut son jeune amant, racontent leur première rencontre : Vincent accompagnait un ami qui venait faire signer son livre auprès de Stéphane à une séance de dédicaces. Dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, Bruno tombe amoureux du fameux joueur de tennis Guy Haines qu’il rencontre dans un train. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam, le prêtre homo, danse la valse, complètement bourré, avec le portrait de Benoît XVI, son pape chéri qu’il est sur le point de tromper. Dans le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, King succombe au charme de Victor quand il le/la voit interpréter la chanson « The Jazz Hot » sur scène. Dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la voix narrative tombe amoureuse de Mathilde, une star de la chanson. Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, « M. », un des héros homos, dit « qu’il est amoureux d’Audrey Hepburn, l’actrice de ‘Breakfast At Tiffany’s » et « fan de Lio » (p. 39). Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, Claude regarde avec envie à la TV le patineur artistique. Dans le film « Amour et mort à Long Island » (1996) de Richard Kwietniowski, un romancier s’amourache d’un jeune acteur qu’il va poursuivre. Dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, l’un des deux amants avoue à son copain que durant son enfance, il est tombé amoureux du personnage fantastique « le Mounime » dans le livre de contes qu’ils sont en train de feuilleter amoureusement. Dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, Loïc tombe amoureux d’un joueur de football, Rui, dont il a seulement vu la photo dans le journal. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Patou, un des « ex » de Bernard, adorait le chanteur Étienne Daho. Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Bea, Alex s’amourache de la star Mitchell Green. Dans le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, Sébastien change de nom et se fait appeler Zack en référence à un héros de série télé qu’il a adulé dans son adolescence (Zack de Sauvez par le Gong). Dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, Dean est amoureux de Luc Alphin, un comédien de la série Flipper le Dauphin. Dans le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler, Beni, un adolescent, vit une histoire d’amour avec Fugi, un chanteur de rock. Dans son one-woman-show La Lesbienne invisible (2009), Océane Rose Marie dit en plaisantant qu’elle a eu le coup de cœur pour Hélène Rolles, l’héroïne de la série Hélène et les garçons. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Sébastien est attiré par Filip du groupe des 2BE3, et par ailleurs, appelle son petit copain « J.R. » (= Jean-René), comme le personnage de Dallas ; quant à Marcy, sa meilleure amie lesbienne, elle tombe amoureuse d’Anne-Lise, l’ex-Miss-Tee-Shirt-Mouillé de son camping de vacances. Dans le film « Backstage » (2005) d’Emmanuelle Bercot, on observe une réelle fascination de la part de Lucie pour la chanteuse de variétés Lauren Waks. Même processus dans le film « Le Rôle de sa vie » (2004) de François Favrat, dans lequel Claire Rocher, pigiste dans la mode, rencontre Élisabeth Becker, une actrice connue dont elle devient l’assistante personnelle. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, dit avoir eu son premier émoi homosexuel à 4 ans, quand sa mère l’a amené voir le ballet Casse-Noisette (1892) de Tchaïkovski, et qu’il a été fasciné par le danseur. Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Kévin, le héros homosexuel, a des posters de 2BE3 au mur de sa chambre d’adolescent. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glenn avoue qu’adolescent, il « se branlait » devant son poste de télévisuel face à l’acteur Rupert Graves. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel post-pubère, est attiré par les hommes poilus et matures : il commence à se masturber avec des photos d’hommes dans les magazines. Dans le film « Fotostar » (2004) de Michèle Andina, Konrad travaille dans un magasin de développement de photos, et « flashe » sur un inconnu posant sur l’une d’elles, qu’il va chercher à draguer (… déjà, au tout début de l’histoire, on l’avait vu, « se rincer l’œil » devant des photos de magazines de lutteurs olympiques qu’il matait dans les cabinets, en cachette…). Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, la jeune Sibylle Ashby passe son temps à consulter ou à lire des ouvrages érotiques qu’elle vole dans la librairie genevoise d’Axel Thorpe. Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’un des deux héroïnes lesbiennes, regarde régulièrement des films pornos lesbiens pour s’exciter toute seule. Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria découvre sa partenaire de scène Jo-Ann (avec qui elle doit jouer une liaison lesbienne) à travers internet et le cinéma, et ça vire à l’obsession par écrans interposés. Jo-Ann produit la même fascination chez Valentine, l’assistante de Maria, qui est fan de la jeune actrice depuis bien plus longtemps encore que sa patronne. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris, le blond, tombe amoureux d’une star du football, Ruzy Dagneau, joueur noir. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona, l’héroïne lesbienne, s’entraîne à danser la danse orientale devant une danseuse du ventre, Samia Kamaal (la plus grande danseuse d’Égypte), diffusée à la télé. Dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil, Arnaud, le fan de Johnny Hallyday, regrette que son chanteur-fétiche ne s’offre à lui comme il le voudrait : « Avec Johnny, je suis pas sûr que je pourrais avoir des relations sexuelles. » Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, héros homo de 10 ans, anglais, maintient avec John F. Donovan, un acteur de série B nord-américain, trentenaire homosexuel, une relation épistolaire passionnelle à distance pendant 5 années. Rupert idolâtre sa star fétiche, et regarde tous les épisodes de la série (Hellsome High) où joue John, vit sa vie par procuration à travers lui : « C’était mon seul lien avec la vie dont je rêvais. ». Ils échangent une centaine de lettres… et John finit par trahir le garçonnet pour que son homosexualité ne soit pas dévoilée au grand jour. Suite à ce « drame », Rupert déchire tous les posters de son acteur vedette qu’il avait accrochés dans sa chambre.

 

Film "House Of Boys" de Jean-Claude Schlim

Film « House Of Boys » de Jean-Claude Schlim


 

Le référent fantasmatique, le prisme à travers lequel le héros homosexuel envisage les personnes réelles qui l’entourent, et notamment son partenaire amoureux, est en général une créature mythique, littéraire, télévisuelle : « J’avais lu La Citadelle de A.J. Cronin, qui décrivait l’héroïne sous les traits d’une femme particulièrement belle. J’imaginai un moment que c’était elle. » (Anamika face à Linde, sa future amante, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 10) ; « Mourad [l’un des deux héros homosexuels] finit par s’emparer d’un mensuel culturiste acheté à la gare, cacha la tête d’un modèle herculéen et s’efforça de la remplacer imaginairement par celle de Jason. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 244) ; « J’ai adoré les photos de vacances que tu m’as envoyées. Les poissons que tu as capturés sont énormes ! On distingue ton torse à travers le vêtement mouillé : tu deviens un une homme charmant. Si tu as d’autres photos après une baignade nudiste… je suis preneur ! » (Randall s’adressant à Ernest, le copain de son fils, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) ; « Tu ressemblais à un acteur de bollywood. » (un des protagonistes homos à son amant, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Ronit était là. Telle qu’Esti en avait gardé le souvenir, et plus encore. Dès le premier coup d’œil, on voyait qu’elle ne vivait plus ici ; elle ressemblait à une fleur exotique qui aurait poussé de façon inopinée entre les pavés. Rose et somptueuse, elle était habillée comme les femmes des magazines ou sur les affiches. » (Ronit, l’héroïne lesbienne observant goulûment son amante Esti, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 85) ; « Il y a entre eux [Denis et son amant Luther] une intimité sensuelle comparable, à la relation entre un spectateur et son chanteur. » (la voix-off du film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; etc. Par exemple, dans la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, le narrateur homosexuel rencontre un joli garçon pendant qu’il visite Le Louvre, et s’imagine qu’il « baise » avec lui comme s’il copulait avec un des personnages du tableau qu’ils observent : « J’entrepris de comparer ostensiblement la paire de fesses de marbre noir du Cupidon qui patinait Psyché à celle de jean noir du garçon figé par l’admiration. » (p. 108)

 

La passion violente pour l’homme-objet ou la femme-objet hétérosexuel(-le) a tout l’air d’une idolâtrie, une traversée de miroir qui rend amnésique : « Alors je l’ai vu. J’en avais entendu parler à la télévision comme tout le monde et j’avais suivi ses exploits. Il est apparu. […] Écran noir. Plus rien ne passe. C’est comme si le stade s’était habillé d’un voile noir mais un peu transparent. » (le narrateur homosexuel du roman Comment j’ai couché avec Roger Federer (2012) de Philippe Roi, p. 4) Elle est proche du fanatisme, de la folie, de la fusion-rupture, car bien évidemment, elle instaure un rapport relationnel inégalitaire dominé/dominant. Par exemple, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Angelo, l’un des héros homos refoulés, après sa tentative de kidnapping de Carla Bruni dont il dit être amoureux, manque de peu d’être interné dans un hôpital psychiatrique, et est activement recherché par la police. Dans l’incipit de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Georges regarde à la télévision son « mec » Édouard faire sa campagne électorale, en le critiquant sévèrement comme s’il était un spectateur lambda, parce qu’il n’épouse pas du tout les mêmes opinions politiques que lui (… mais le public n’apprend qu’après-coup la nature amoureuse, ou plutôt passionnelle, de leur relation… une relation vouée à l’échec).

 

Parfois, l’homme télévisuel occupe une place plus importante dans le cœur du héros homosexuel que l’amant réel : « Je te préviens : le home-cinéma, c’est moi qui me le garde. » (Claude à son copain François, au moment de leur rupture, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « C’était comme au cinéma. C’était au bord de la plage. C’est alors qu’il m’est apparu. Un petit air de Ryan Goslin… avec le corps d’Élie Sémoun. » (Benjamin racontant sa première rencontre avec Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 
 

b) Le beau gosse du lycée :

Je vous renvoie également à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Vidéo-clip de la chanson "Popular" de Nada Surf

Vidéo-clip de la chanson « Popular » de Nada Surf


 

Dans le même registre, mais à une échelle un peu plus accessible, le héros homosexuel se choisit un autre écran humain sur lequel projeter ses fantasmes sexuels naissants. En général, l’heureux élu est le garçon le plus populaire du lycée, celui qui a toutes les filles à ses pieds, qui est super bon en sport, qui a tous les copains qu’il veut, bref, l’homme qui représente la « coolitude » hétérosexuelle la plus naturelle : cf. le film « To Play Or To Die » (1990) de Frank Krom, le film « Little Black Boot » (2004) de Colette Burson, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, le vidéo-clip de la chanson « Popular » du groupe Nada Surf, le film « Le Grand Alibi » (2007) de Pascal Bonitzer, le film « Winter Kept Us Warm » (1965) de David Secter, le film « Oi ! Warning ! » (1999) de Dominik et Benjamin Reding, le film « Venner For Altid » (« Amis pour toujours », 1986) de Stefan Christian Henszelman, la pièce Missing (2008) de Nick Hamm, etc.

 

C’est quand même assez flagrant comme dans beaucoup de cas fictionnels, les réalisateurs ou les romanciers projettent leurs fantasmes inassouvis et adolescents de midinette se faisant courtiser par l’inaccessible Don Juan de leur lycée d’adolescence. Par exemple, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Hugo, le héros gay adulte, retrouve Patrick un ancien camarade de lycée (de 2 ans son aîné) dont il tombe amoureux : « Il est toujours aussi mignon. Voire encore plus qu’avant. Tout le monde adorait Patrick. En plus d’être super intelligent, il était ultra populaire et sûr de lui. Les profs disaient qu’ils seraient président. » (Hugo). ans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, Suzanne tombe amoureuse de la fille la plus convoitée du lycée, Jacqueline : « Elle était populaire et n’avait évidemment pas besoin de moi. » (p. 37) Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, scotche sur Sonia, une jeune chanteuse bisexuelle qui prépare un disque et qui a un franc succès avec les garçons : « Attends, Sonia, elle peut pas être lesbienne. Elle est trop belle. Tous les garçons, ils craquent sur elle. […] T’as une de ces cotes avec les mecs, toi. » Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo tombe sous le charme du beau Gabriel, le beau gosse du lycée : « Le nouveau est super mignon. » (Giovanna, la « fille à pédés » s’adressant à son meilleur ami homo Léo) Au début de la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes, Hitler tombe amoureux du premier de la classe, Ludwig. Dans le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair, Ernest a le béguin pour Raoul, le Don Juan de son école. Dans le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, Texor, à 7 ans, est fasciné par Franck, le garçon le plus beau de sa classe. Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Ernst tombe amoureux de la photo de son correspondant allemand Rolf avant de le rencontrer en vrai. Dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, la jeune Juliette, secrètement amoureuse de sa prof de français, est jalouse du Don Juan de son collège, le bel Antoine : elle a peur qu’il lui fasse concurrence. Dans le film « Basket et Maths » (2007) de Rodolphe Marconi, Jérôme tombe amoureux de Cédric, le leader de la classe. Dans le roman Avec Bastien (2010) de Mathieu Riboulet, Bastien tombe amoureux à 8 ans de Nicolas, un de ses camarades de classe, qui disparaît peu après dans un accident de voiture. Dans le film « Cappuccino » (2010) de Tamer Ruggli, Jérémie s’éprend de Damien, le leader de sa classe, et s’imagine, parce que celui-ci accepte de se faire sucer par lui, que c’est le « grand amour ». Dans le film « Contra-corriente » (2011 de Javier Fuentes-León, Santiago craque totalement pour son amant Miguel qu’il voit diriger une célébration funéraire, et qu’il photographie de loin : « Tu avais tout d’un leader ! » Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau se dit, dans son adolescence, captivé par « Pierre et Stanislas, les premiers de la classe ». Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, essuie son premier râteau avec Jeremy, le beau gosse de sa High School en Angleterre, qu’il a cru aimer et qu’il a attendu comme une femme attend un homme. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie est fascinée par Floriane, le capitaine de l’équipe de natation synchronisée… et sa future amante. Dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, Amy et Karma essaient absolument d’être populaires dans leur lycée en faisant courir la rumeur qu’elles sont lesbiennes. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène tombe amoureuse de Sarah, la Don Juane du lycée. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), la langue de Laurent Spielvogel, le héros homosexuel, est fasciné par un camarade de lycée, le beau Stanislas : « Il est super chic. » Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, lors d’une intervention en milieu scolaire de l’association Act-Up, un élève de terminale, sans doute homo en herbe, flashe sur le beau Nathan, militant venu faire de la prévention. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, voit débarquer (au ralenti) le beau Nicholas dans sa salle de classe, et c’est tout de suite le coup de foudre. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies), Ritchie tombe amoureux de Ash, le beau gosse musclé de la fac.

 
Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, tous les héros de la bande de potes gays évoquent en fin de soirée leur premier grand coup de cœur homosexuel. Emory, par exemple, a vécu sa plus forte (et plus décevante) histoire d’amour au collège, quand il est tombé en amour pour un élève plus âgé que lui, Peter : « Il est absolument beau. » dit-il, les yeux fixés dans le vide ; « Je l’ai aimé dès que mes yeux se sont posés sur lui. J’étais au collège et lui au lycée. […] Peter était fiancé à cette conne de Loraine, dont la mère était une vraie salope. »

 

Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel dit qu’il s’est lié d’amitié à l’école avec un certain Julien, un gars avec qui il a vécu ses premières expériences sexuelles dans les cabinets de toilettes (ils se sont comparés les zizis), et qui ressemblait au chanteur Steeven du groupe de Boys Band Alliage. Jefferey dit être attiré toujours par le même type d’hommes : des grands blonds aux yeux bleus. Et Julien correspond à cet archétype, même s’il est africain : « Un Africain blond aux yeux bleus, c’est bizarre, je vous l’accorde. »
 

« Je lui montrais comment faire une explication pour le bac en français. On avait un groupement de textes tiré des Fleurs du mal. Quand je relisais avec lui Parfum exotique, j’avais des frissons des pieds à la tête. J’avais l’impression que ça parlait de lui, de nous. » (Mourad, l’un des personnages homosexuels, parlant d’Esteban, un camarade de classe, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 339) ; « Je suis sûr qu’adolescent, tu étais élu élève le plus populaire. » (Denis en extase devant son amant Luther, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « À 17 ans, j’me rendais pas compte. J’le trouvais beau, brillant, talentueux, intelligent. J’crois qu’on était toutes amoureuses de lui. » (Sandrine, pourtant lesbienne, parlant de Raphaël, dans l’épisode 261 de la série Demain Nous Appartient, diffusé sur TF1 le 3 août 2018) ; « C’était le plus beau mec de la ville. » (Sandrine Lazzari, pourtant lesbienne, se justifiant d’être tombée amoureuse de son amour de jeunesse Guillaume, dans l’épisode 509 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 17 juillet 2019 sur TF1) ; etc.

 

En remontant le fil d’Ariane, on découvre que c’est souvent la comparaison auto-dévalorisante aux autres et surrévaluante par rapport à une exception d’entre eux, qui construit la fascination idolâtre du héros homosexuel. Par exemple, dans le roman Papa a tort (1999) de Frédéric Huet, Julien tombe amoureux de son voisin de pupitre, le bel et sculptural Antoine : « J’ai remarqué qu’Antoine, il est beaucoup plus musclé que moi. […] Il est drôlement bien foutu. » Dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Francis, le personnage homosexuel, avoue, tout admiratif, à Tom, un ancien ami d’enfance du club de foot qu’ils fréquentaient ensemble, qu’il était à l’époque déjà amoureux de lui : « Avec ton âme de leader… »

 

À la base, c’est la jalousie qui explique l’adulation pour le chef de la classe. Par exemple, dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, Lukas, l’héroïne trans F to M, tombe amoureuse de Fabio, le beau gosse le plus populaire du lycée ; mais cet amour n’est en réalité qu’un désir de fusion égoïste : « Je suis jaloux de sa dégaine ! » Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, Laurent scotche complètement sur Patrick, l’homme le mieux « gaulé » de sa salle de sport, parce qu’il rêve de fusionner avec lui : « Envie de lui… envie de lui ressembler, tout simplement. » Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar tombe amoureux de Khalid, le meilleur élève de la classe, qui aura le privilège de rencontrer le Roi Hassan II du Maroc à sa place (c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il assassinera son amant plus tard).

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Acteur, mon amour :

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel tombe souvent amoureux d’un être de papier, d’un chanteur, ou d’un acteur. Je vous renvoie aux documentaires « Amoureuse de Greta Garbo » (2000) de Lena Einhorn, « Jodie : An Icon » (1996) de Pratibha Parmar, aux nombreux calendriers des Dieux du Stade achetés par un public LGBT, aux couvertures de la presse gay, à « l’excitation de groupies attardées » des journalistes de Têtu pour les beaux gosses de la planète (David Beyckam, Enrique Iglesias, Brad Pitt, George Clooney, etc.) et pour les coming out surprise des célébrités (Zakary Quinto, Jim Parsons, Ricky Martin, Jodie Foster, M. Pokora, etc.). Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar, le personnage homosexuel, est amoureusement fasciné par le Roi Hassan II du Maroc qu’il voit à la télé… ce qui se trouve être une réalité autobiographique de l’auteur lui-même. Dans l’émission Ça se discute consacrée le 18 février 2004 à l’homosexualité féminine, Sophie dit être amoureuse de Céline Dion. Le film « Scandaleusement célèbre » (2007) de Douglas McGrath retrace l’histoire vraie de Truman Capote qui, en lisant les journaux, tomba amoureux d’un serial killer. Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte comment son ami Ernestino aime admirer la musculature des sportifs.

 

Je connais dans mon entourage énormément d’amis homosexuels qui ont vécu leurs premiers émois homosexuels par le biais d’un mannequin, d’un acteur, d’un beau chanteur, ou d’un sportif. Par exemple, une de mes amies me dit qu’elle a su qu’elle était lesbienne en regardant la patineuse Katarina Witt.

 

« Je fantasme souvent sur des gars… souvent inaccessibles. […] Je tombe amoureux des hétéros et des stars (ex : M. Pokora depuis son nouvel album et depuis que je suis ses interviews). » (Galopeur, internaute s’exprimant sur le site Doctissimo, le 11 mai 2008) ; « L’impact de la fiction sur un jeune homosexuel, il est colossal. C’est rompre la solitude. Et celui qui n’a que le film homo pour s’identifier, il partage ce secret. Et ce secret, c’est un personnage de fiction. » (Céline Sciamma, réalisatrice lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; « Ce garçon est Cinéma. » (Christophe Honoré, parlant d’un acteur dont il est amoureux, dans son autobiographie Le Livre pour enfants (2005), p. 97) ; « J’aime vous lire à peu près comme on aime un amant. […] J’ai voulu vous écrire quand je suis tombé amoureux de Stéphane, le vôtre, en lisant La Vie sans lui. » (cf. un extrait d’une lettre de Florian, un fan lecteur de Pascal Sevran, dans l’autobiographie de ce dernier, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 85) ; « Quand on regarde une série, on se dit : ‘Celle-là, elle est mignonne…’, ‘Celle-là, elle est mignonne…’, etc. » (Fanny, une femme lesbienne s’exprimant dans l’émission Dans les yeux d’Olivier, « Les Femmes entre elles » d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011) ; « Un beau jour, mon regard croisa celui d’un garçon qui ne cessait de cocher, je ne sais quoi, dans son journal. […] Tantôt souriant, tantôt faisant la moue, ses mimiques très drôles lui donnaient cette familiarité, si sympathique, des personnages de bandes dessinées. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 99) ; etc.

 

Dans l’équipe de chroniqueurs de l’émission Homo Micro, sur Radio Paris Plurielle, Fabien, le spécialiste de la « Chronique Santé », avoue qu’il a flashé très jeune sur l’acteur de la série L’Homme de l’Atlantique, Patrick Duffy.

 

Patrick Duffy

Patrick Duffy


 

Les sentiments pour un acteur ou une actrice de cinéma pointe souvent en toile de fond une jalousie et une schizophrénie mal gérées : « J’étais en adoration devant un animateur d’Europe 1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. Europe 1 réalisait certaines de ses émissions en direct dans différentes villes de France, le fameux ‘Podium’. En prévision de son passage dans notre région, je me préparais donc à cet événement en endossant le rôle de sa femme imaginaire dans mes jeux. J’avais choisi un prénom de fée : je m’appelais Viviane Lafont. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « À l’adolescence, j’ai commencé à regarder les films autrement. Je craquais pour les acteurs, mais au lieu de m’imaginer vivre une histoire très romantique avec eux, je m’imaginais dans leur peau, je m’imaginais eux. C’est un peu bizarre, mais je pense quand même que c’était bien du craquage adolescent. » (Isabelle dans son article « Tom Boy à l’affiche »); etc.

 

Dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), le bel Alexandre Delmar avoue être tombé amoureux du personnage d’Esteban dans le dessin animé franco-japonais Les Mystérieuses Cités d’Or : « Oui, on peut trouver un personnage de dessin animé infiniment beau ! Absolument ! Je ne trouve pas ce concept du tout surprenant. » Puis il le compare à l’acteur principal d’une série nord-américaine de son adolescence : « Bon, d’accord, je dois quand même reconnaître qu’il n’est pas aussi beau qu’un garçon de mon âge qui joue dans une autre série, Sauvés par le Gong, et qui répond au doux prénom de Zach. Tout me plaît chez lui. De la tête aux pieds, sans la moindre exception. Sa coupe de cheveux, sa blondeur, son visage fin, son teint hâlé, son look décontracté, sa popularité, son succès auprès des filles… Je voudrais tellement lui ressembler, même un tout petit peu. Mais il approche de la perfection faite ‘garçon’, ou du moins de l’image que je peux m’en faire, que je ne vois pas comment je pourrais lui arriver à la cheville. » (pp. 13-14) À l’âge adulte, Alexandre Delmar continue à se faire des films avec des acteurs de ses fictions : « Je tombe littéralement amoureux d’un acteur de film prénommé Johan et son image hante chacune de mes nuits. » (idem, p. 110)

 

En règle générale, cela vexe un peu les membres de la communauté homosexuelle de découvrir que leur premier émoi sexuel est d’abord télévisuel et non réel… car quoi de plus naïf, adolescent, et immature, que de prêter des sentiments à une idole de papier, à un écran de télé, ou à un chanteur inaccessible ? Quoi de plus obsessionnel, schizophrénique, et pathétique que de projeter sincèrement sur de beaux acteurs retouchés de partout ses propres fantasmes d’homosexualité (… pour, la plupart du temps, ne pas assumer la sienne…) ?

 

Dans mon parcours personnel, je peux attester que mon désir homosexuel n’est pas venu d’abord pour une personne de mon entourage réel (mon frère, mon grand-frère, mon père, mon cousin, un prof, un camarade de classe, un ami de la famille, que sais-je encore), mais m’a été annoncé par des êtres plus lisses : les illustrations de la Grèce Antique par le dessinateur homosexuel Roger Payne sur des livres pédagogiques, les catalogues par correspondance La Redoute ou Les 3 Suisses, les manuels de biologie du collège ou les livres d’éducation sexuelle de la maison, des acteurs – pas forcément dénudés d’ailleurs – des séries télévisées et des films que je regardais : Sean Connery, Alex Corretja, Pete Sempras, Alec Baldwin, les hommes des films de la Movida espagnole. Ce n’était même pas des images érotiques à proprement parler. Il suffit d’un bout de bras, d’une chemise échancrée, d’un beau visage, d’une publicité suggestive, un bidou qui dépasse, etc., pour que le charme agisse. Par conséquent, nul besoin de partir en croisade contre le porno, de traquer la moindre nudité, ou de s’offusquer des hommes-objets s’affichant en slip sur les affiches publicitaires urbaines ; pas de quoi jeter un voile pudique sur les photos de Gay Pride, les couvertures de Têtu, et d’enfermer ses enfants chez soi. Certes, plus les corps perdent de leur intimité, plus ils appellent à la pulsion homosexuelle, poétiquement appelée « sentiment » ou « amour ». Mais je crois qu’elle arrive aussi par des voies très innocentes, anodines, et belles.

 

Sean Connery

Sean Connery


 
 

b) Le beau gosse du lycée :

Pour pallier à un effondrement identitaire, à un manque d’assurance et de confiance en soi, ou plus fondamentalement à un complexe de vivre, certaines personnalités – qui se révèleront parfois homosexuelles à l’âge adulte –, choisissent de s’identifier à des supers-héros télévisuels, ou bien à des personnes de leur entourage (scolaire) présentées extérieurement comme fortes (fortes par la beauté, l’intellect, le charisme, la séduction, la direction, les attributs sexuels et physiques, etc.) : ce fut le cas de Yukio Mishima, d’Arturo Arnalte, et de tant d’autres. « Je crois bien me souvenir d’avoir envié, en mon for intérieur, ceux de mes camarades qui connaissaient des jeunes filles. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 78) ; « On a tous été traumatisés, à des degrés divers, par les cours de foot au collège. Ce moment cruel où les plus populaires de la classe, de gros beaufs hétéros que vous aimiez en secret, choisissaient un à un les membres de leur équipe, et durant lequel, évidemment, ils vous choisissaient en dernier… » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 107) ; « Il me fascinait et j’aspirais à lui ressembler. Et je me suis mis à parler, moi aussi, de Godard, dont je n’avais rien vu, et de Beckett, dont je n’avais rien lu. Il était évidemment bon élève et ne manquait jamais une occasion d’afficher une distance dilettante avec le monde scolaire. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 175) ; « En sixième, j’ai oublié mademoiselle Levreau pour tomber amoureuse de la première de la classe, moi qui n’étais que deuxième, une certaine Marie-Joëlle. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 47) ; « Déjà j’adorais Gabrielle, quand j’étais jeune, parce qu’elle était super brillante, brillante à l’école, brillante partout j’adorais Gabrielle. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, s’exprimant dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 58) ; « J’ai été traité de fille très jeune (6/8 ans) par un beau-frère assez tyrannique, avec le recul je m’aperçois que je ne m’en suis jamais vraiment remis… tout du moins ma construction en tant qu’homme a été très compliqué, j’ai toujours eu du mal à me sentir viril (pour résumer)… et avec du recul, je me rend compte que j’ai passé mon enfance à essayé de copier les mimique des gars que j’admirais (le profil hétéro, chef de bande, bagarreur, sportif, drôle, avec du succès avec les filles). Même si je ne suis pas devenu comme eux, j’essayai du moins de me faire accepter par eux, je voulais, en fait, être eux (en lisant les 1ères page de Confession d’un Masque de Mishima, j’ai vu que c’était le cas de certains homos)… Malgré tout cela, je ne me sentais jamais légitime dans ma virilité, toujours mal dans ma peau, et un peu escroc sur les bords… » (cf. le mail d’un de amis homosexuels, de 23 ans, qui m’a écrit en novembre 2011) ; « Je sens pourtant que Charles-Henri tend à m’échapper. Il s’amuse bien mieux avec les autres garçons, ceux qui font du sport eux aussi, depuis toujours, qui font de la musique, comme lui, qui parlent sûrement mieux des filles. C’est un combat pour garder son amitié. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 219) ; « C’est pour un ami de collège que j’ai éprouvé le premier sentiment. » (un témoin homo suisse dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; « Quelqu’un me plaît dans ma classe. Il est l’un des seuls à avoir pris ma défense face aux hyènes moqueuse qui déversent leur fiel sous le préau et dans la cour. Il s’appelle Fabien, je l’admire… Un peu mon héros. Il est fort en foot. Il a un joli sourire qui s’ouvre sur les dents du bonheur et le visage criblé de taches de rousseur. Il rigole tout le temps. C’est la première fois qu’un garçon est gentil avec moi. Grâce à lui, de la catégorie ‘innocente victime’, je passe à celle de petit favori du garçon le plus populaire de la classe. Lui, il me défend, il me protège. Il leur dit d’arrêter. Alors forcément, mon coeur lui est acquis ! » (c.f. l’autobiographie Fils à papa(s) (2021) de Christophe Beaugrand, Éd. Broché, Paris, p. 20) ; etc.

 

J’ai connu dans mon entourage amical homosexuel des hommes qui, à l’école primaire ou dans leur enfance, m’ont avoué qu’ils avaient fortement admiré les chefs de bande de la cour. En filigrane derrière les sentiments, on peut lire une rivalité et une jalousie mal gérées : « Ayant cherché à comprendre vers la quarantaine ce qui pourrait être à l’origine de mon désir homosexuel – et éclairé alors, ou peut-être dirigé, par les pistes que donnait René Girard dans Des choses cachées depuis la fondation du monde – j’ai pensé repérer, en relisant mon histoire, un premier symptôme vers 8/10 ans dans une relation de rivalité dont l’objet était le ‘prestige intellectuel’ d’être le premier de la classe (bien que je sois loin d’être un intellectuel – je suis agriculteur – j’ai eu une scolarité facile, notamment à l’école primaire), et que le rival est devenu malignement objet du désir, pas encore réellement sexuel à cet âge, mais cela en avait l’avant-goût. Cette année-là donc, un autre Philippe me grillait la première place, et ma jalousie fut telle que j’en faisais ma tête de turc et ma victime allant jusqu’à des gestes obscènes sur sa personne. Tout de suite après – ou bien l’année suivante ? – je découvrais qu’il était mon meilleur et seul ami, bien que je doute aujourd’hui que la réciproque ait été vraie. Nous nous sommes perdus de vue, âgés de 12 ans, dans la dislocation de notre société (nous sommes des Français d’Algérie). Je l’ai revu 10 ans plus tard à l’occasion d’un mariage, et compris alors qu’il avait été mon premier amour. Tous mes désirs de garçons par la suite dans la pré-adolescence, l’adolescence et le début de l’âge adulte ont suivi le même schéma. Innommés d’abord, j’ai compris assez tard, vers 18 ans, qu’ils étaient un désir homosexuel exclusif. Mon hypothèse est-elle loufoque, ou avez-vous également rencontré ce type de construction ? » (cf. un mail d’un ami que j’ai reçu en décembre 2012)

 

Pour ma part, je dois avouer très franchement que je ne suis jamais tombé d’un camarade de classe ni même été attiré par les garçons populaires de mon lycée… mis à part peut-être une fascination pour un certain Bertrand, en terminale, mais je ne rêvais pas de lui la nuit pour autant, et n’avais pas de photo de lui cachée dans mon cahier de textes ^^.

 
 

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Code n°172 – Tout (sous-code : Extrêmes / Je suis toutes les femmes)

Tout

Tout

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Le totalitarisme extrémiste du désir homosexuel

 

Quand la totalité que nous cherchons n’est pas liée à une transcendance divine christique ni à la limite de la différence des sexes, ces deux réalités qui nous décentrent et nous instaurent dans l’humilité, notre jusque-boutisme se transforme fatalement en despotisme, en totalitarisme, en mégalomanie, en orgueil dangereux et violent. Et comme le désir homosexuel fuit la différence des sexes et la différence Créateur/créatures, il est logique qu’il encourage les individus qui lui obéissent et s’y adonnent à faire de leur quête d’absolu identitaire et amoureux un totalitarisme.
 

La liberté absolue, ça donne ça... (sur Twitter, le 29 octobre 2014)

La liberté absolue, ça donne ça… (sur Twitter, le 29 octobre 2014)


 

Quand je vous dis que le désir homosexuel (et tout autant le désir hétérosexuel : la recherche d’altérité absolue ou d’uniformité absolue obéissent au moment élan égocentrique) est totalitaire, c’est dans son acception politique aussi bien qu’étymologique : il vise l’intention de plénitude totale (plutôt qu’il ne remplit concrètement : ce n’est pas un désir plein, mais un désir totalisant), il encourage la personne qu’il habite à tout vivre, à tout vouloir (même l’impossible), à être partout, à adopter plusieurs identités, à passer d’un extrême à l’autre (cela se vérifie notamment dans le domaine politique), à être excessif, à vouloir posséder/annuler tous les sexes, à souhaiter être vu/ignoré de tous, à avoir un mode de vie inconstant et en dents de scie, à s’auto-suffire dans la totalité orgueilleuse et irréelle de la ressemblance.
 

Le totalitarisme du désir homo, expliquant par exemple l’élan inconscient de beaucoup de personnes homosexuelles pour les dictatures et les idéologies fascisantes, sait, pour un temps, faire oublier sa violence car d’une part il a, du point de vue uniquement intentionnel, quelque chose à voir avec une noble recherche de transcendance et d’ouverture aux autres différences que la différence des sexes, et d’autre part il est contre lui-même (il est « contre » et « pour » tout, donc finalement contre et pour lui-même !). Ce n’est que parce que la recherche totalitaire du désir homosexuel se révèle infructueuse et surréaliste que certaines personnes homosexuelles en arrivent à déclarer que « Tout » les énerve (comme s’il s’agissait d’une personne bien réelle), qu’il n’existe pas (le nihiliste succède souvent au totalitarisme). Car en effet, Tout, ce curieux personnage androgynique, s’il se substitue à l’Être de relation qu’est Dieu, devient (et ça, c’est en effet torturant !) pure chimère et parfois pur viol : « Tu es tout à moi ! Je suis tout à toi ! Tu es tout moi ! Je suis tout toi ! Je suis Tout » !
 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Chiens », « Promotion ‘canapédé’ », « Faux révolutionnaires », « Amoureux », « Fusion », « Extase », « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau », « Solitude », « Mère gay friendly », « Milieu psychiatrique », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Déni », « Haine de la beauté », « Super-héros », « Pygmalion », « Mère possessive », « Viol », « Se prendre pour Dieu », « Tante-objet ou Mère-objet », « Bergère », « Parodies de Mômes », « Moitié », « Liaisons dangereuses », « Désir désordonné », « Je suis différent ! », « Poids des mots et des regards », « Collectionneur homo », « Défense du tyran », « Clonage », « Voyeur vu », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Entre-deux-guerres », « Jeu », « Témoin silencieux d’un crime », « Milieu homosexuel infernal », « Hitler gay », « Obèses anorexiques », « Reine », à la partie « Peur » du code « Fantasmagorie de l’épouvante », à la partie « Homme nouveau » du code « Frankenstein », à la partie « Dictateurs homosexuels » du code « Homosexuels psychorigides », à la partie « Tatouage » et « Traître » du code « Homosexualité noire et glorieuse », et à la partie « Tout m’énerve ! » du code « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) TOUT est magnifique, ma chérie :

Pièce musicale Rosa La Rouge de Marcial Di Fonzo Bo

Pièce musicale Rosa La Rouge de Marcial Di Fonzo Bo


 

Dans les œuvres homo-érotiques, l’adverbe « Tout » est souvent employés : cf. le roman Le désir et la poursuite du tout (1909) de William Rolfe, la chanson « I Want It All » du groupe Queen, le film « Tout ou rien » (2004) de Dean Murphy, le film « Every One » (2004) de Bill Marchant, la chanson « Laisse le vent emporter tout » de Mylène Farmer, le film « À toute vitesse » (1995) de Gaël Morel, le film « More, More, More » (1976) de Wallace Potts, la chanson « Qui peut le juger ? » de Ginie Line dans la comédie musicale Dracula, l’amour plus fort que la mort (2011) de Kamel Ouali, la chanson « Total Perfekt » de Beatrice Egli, le roman Je suis un enfant de partout (2008) de David Dumortier, le film « Toute nudité sera châtiée » (1973) d’Arnaldo Jabor, le film « Justice pour tous » (1979) de Norman Jewison, le film « Tout ira bien » (1997) d’Angelica Maccarone, le film « À tout prendre » (1963) de Claude Jutra, la chanson « Tout » de Lara Fabian, la chanson « M’effondre » de Mylène Farmer, la chanson « Tu te fous de nous » de Christophe Willem, le roman Deux garçons bien sous tous rapports (2000) de William Corlett, la chanson « Tout va bien » de Jean Guidoni, le film « The Kids Are All Right » (« Tout va bien ! », 2010) de Lisa Cholodenko, la chanson « Ça n’se voit pas du tout » d’Anne Sylvestre, la chanson « Presque tout » de Monis, le roman Tous les garçons s’appellent Ali (2009) de Patrick Cardon, le roman Bordel n°3 : ouvert à tous ! (2004) de Guillaume Dustan, le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, la chanson « Tout le monde » de Zazie, la chanson « J’ai tout aimé de toi » de Carmen Maria Vega, etc.

 

Ce « Tout » est souvent l’autre nom de l’homosexualité : « Ma femme sait tout de moi, et notre fils saura tout lui aussi. Et il apprendra à respecter les autres et à se respecter lui-même. » (cf. la phrase de conclusion du film « Alang Lalaki Sa Buhay Ni Selya », « The Man In Her Life » (1997) de Carlos Siguion-Reyna). Par exemple, dans la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos, quand Catherine traite son mari de « copain de tout le monde », elle sous-entend qu’il est homo.

 

Le « Tout » dont parle le héros homosexuel se présente comme une incroyable force d’ouverture et de générosité : « Fais-moi un chèque pour le tout ! […]Pour le tout, le tout, le tout ! Le tout-tout-tout ! » (« L. », le héros transgenre M to F de la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « J’ai tout. Tu me demandes n’importe quoi. Je l’ai ! » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Je suis un dandy, Liz, si tu as compris ça, tout est élégant, c’est simple, sincère et pur à la fois. Suffit de l’avoir en tête. » (Willie, le dandy underground homosexuel, dans le roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 99) ; « Mais le sida, c’était une vraie chance, je veux dire, c’était à nous, juste les pédés, tu vois, il a complètement dilapidé le truc, on le donne à tout le monde. » (idem, p. 132) ; « Tout est dans tout. » (All le héros transsexuel M to F dans le film « Zoolander 2 » (2016) de Ben Stiller) ; etc.

 

Le fanatisme homosexuel pour ce « Tout » tourne souvent autour du fantasme incestueux de la mère (cinématographique) et de la femme-objet : cf. le film « Prête à tout » (1995) de Gus Van Sant, le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur la mère », 1998) de Pedro Almodóvar, le film « All About Eve » (1950) de Joseph Mankiewicz, le film « La Pire de toutes » (1990) de Maria Luisa Bemerg, le film « Odette Toutlemonde » (2007) d’Éric-Emmanuel Schmitt, la chanson « Toda » de Malú, l’album Toutes les femmes en moi de Lara Fabian, la chanson « Toutes les femmes du monde » de Dalida, la chanson « Forte » d’Amel Bent, etc.

 

En effet, le héros homosexuel prétend conquérir ou rejoindre une féminité absolue (il dit même, comme sa reine chanteuse, qu’il est l’incarnation de toutes les femmes, que « toutes les femmes sont en lui ») : cf. la chanson « Toutes les femmes de ta vie » du groupe L5, la chanson « La Desconocida » de Marta Sánchez, la chanson « Evergirl » de Play, la chanson « Une femme d’aujourd’hui » de Jeanne Mas, la chanson « I’m Every Woman » de Whitney Youston, etc. « Tout commence par une femme, et tout finit par une femme. » (le héros homosexuel dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Moi, je m’identifie toujours avec l’héroïne, la vedette. » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig, p. 30) ; « On nettoie tout, tout, tout. » (le couple homo travesti en femmes de ménage férues de propreté, les « Blues Brosseuses », dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Toutes les premières dames de France réunies en un seul homme. » (Arnold, homosexuel, se moquant de son meilleur ami Georges qui prétend être en couple avec Édouard, candidat à la présidence de la République, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; « Jeanne [l’héroïne lesbienne] aimait Céline Dion comme une matante. […]Elle achetait tous ses disques, malgré le contenu, s’empressait-elle d’ajouter parfois, et guettait toutes ses apparitions à la télévision. » (Michel Tremblay, Le Cœur éclaté (1989), p. 56) ; etc. Par exemple, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Simon, le héros homo, dit qu’il « adore toutes les femmes », et en s’imaginant son prochain mode de vie gay assumé, se voit intégré dans une méga comédie musicale où il se prend pour Whitney Youston dans son clip de « I’m every women ».

 

L’« amour » de cette femme-Tout est totalitaire, et finit parfois par peser trop lourd sur les épaules du personnage homosexuel qui le reçoit/qui s’y adonne : « Quand il y a de l’amour, on peut tout comprendre. » (la mère de Paulo, le héros homosexuel du film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron) ; « À sa naissance, il deviendrait une personne, quelqu’un que Jane n’aimerait peut-être pas, mais pour le moment il était tout à elle. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte parlant de son bébé, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 193) ; « La supérieure avait un peu de trouble dans le regard et sur son visage ; mais toute sa personne était si rarement ensemble ! » (Denis Diderot, La Religieuse, 1760) ; « Il continuait d’aimer sa mère par-dessus tout. Elle demeurait pour lui la plus intelligente et la plus belle de toutes les femmes. Mais quelque chose lui manquait. Il aurait voulu qu’elle songeât davantage à lui. » (Tanguy, le héros du roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, p. 30) ; « Je n’éprouve que dégoût pour la mienne. Je méprise tout ce qu’elle est ! » (Clive, le héros homosexuel parlant de sa mère, dans le film « Maurice » (1987) de James Ivory) ; etc.

 

Le « Tout » dont il est question dans les œuvres homosexuelles est presque Dieu, ou le sentiment donjuanesque d’être Tout, d’être sans limites. « J’adore. Tout. » (Elio s’adressant à son amant Oliver, dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino) ; « Elle était extrémiste en toutes choses, cette Wanda. » (Stephen, l’héroïne lesbienne décrivant son amie Wanda, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 490) ; « Allez Jarry, tu peux tout, tu peux tout, tu peux tout ! » (Jarry dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Tu sais que tu formes un tout. Et tu brilles comme la plus lumineuse étoile. » (Hedwig, le héros transgenre M to F, dans le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell) ; « Vous devez exceller partout pour réussir. […] Mais vous, qui êtes-vous vraiment ? Vous, c’est un peu Dieu. » (le narrateur homosexuel parlant à la deuxième personne du pluriel, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 17 puis p. 247) ; « J’ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! Je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! » (Arthur Rimbaud, Poésies 1869-1872) ; « Il était premier en tout, mais tenait à obtenir des notes très élevées, car il savait que cela faisait plaisir au Père Pardo et il aurait fait n’importe quoi pour lui faire plaisir. » (Tanguy dans le roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, p. 199) ; « Je suis tout ce que je ne suis pas. » (cf. la chanson « Manque de personnalité » de Doriand) ; « Je voudrais être opium, me ferai narguilé, particule d’hélium, partir toute en fumée. » (cf. la chanson « Serais-tu là ? » de Mylène Farmer) ; « Je hais la faiblesse sous toutes ses formes. » (Cyril, le héros du roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 14) ; « Tu veux tout, toi ! » (Cherry s’adressant à son amante Ada, dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Tu as tout ! » (le fiancé de Gatal s’adressant à son amant, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; etc.

 

Le « Tout » est également l’amant homosexuel contre lequel il serait possible de ne faire qu’Un (une unité androgynique et amoureuse) : cf. le roman Tout contre Léo (2004) de Christophe Honoré, la chanson « Épaule Tatoo » d’Étienne Daho, le roman Tout ce qui est à toi… (2000) de Sandra Scoppettone, la chanson « Toi mon toit » d’Élie Medeiros, la chanson « Je te dis tout » de Mylène Farmer, etc. « Je crois que je l’ai trouvé. Celui qui va tout réparer. » (Charlie en parlant de l’homme qu’il aime, dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear) ; « Vous êtes presque des demi-dieux… Rien n’est vraiment impossible aux créatures de votre espèce. Vous avez lu Platon. Alors à deux, tout est possible. » (le narrateur homosexuel parlant à la deuxième personne du pluriel, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 155) ; « Redonne-moi l’autre bout de moi, tout ce qui fait qu’on est Roi. » (cf. la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer) ; « Vous êtes ma juste moitié d’un Tout indissociable. » (Janine s’adressant à Simone, dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) ; « Je me pose tout contre lui. » (Kevin en parlant de son amant Joe, dans la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton) ; « Je suis épatée, émerveillée par mes désirs, subjuguée au point que je deviens docile à la toute puissance du fantasme. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 30) ; « Du bout de ta langue, nettoie-moi de partout. » (Ismaël s’adressant à Erwann dans le film « Les Chansons d’amour » (2007) de Christophe Honoré) ; « Khalid, j’admirais tout en lui. J’aimais tout en lui. […] Les lumières autour de lui. Sa richesse. Khalid était riche. Tout en lui me le rappelait. Me le démontrait. » (Omar parlant de son amant, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 81) ; « Nous nous complétons. Nous nous sommes devenus indispensables. Il est tout ce que je ne suis pas, tout ce que je ne puis être. […] Je veux qu’il réussisse tout ce que je ne réussirai jamais. Il est bien dans sa peau. Moi pas. Toujours d’accord avec lui-même, à la manière d’un arbre qui pousse sans histoire, harmonieux. Moi pas. » (le narrateur homosexuel du roman La Peau des zèbres (1969) de Jean-Louis Bory, p. 28 puis p. 34) ; « Qu’est-ce que j’ai pu t’espionner tout le temps qu’on était ensemble ! » (Luc s’adressant à son amant Jean-Marc, dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; « Je les veux tous. […] J’ai besoin de tout. » (Luc en parlant de ses conquêtes amoureuses, dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; etc.
 
TOUT centristes
 

Mais souvent, en amour homosexuel, le « pas du tout » succède au « passionnément ». Derrière la glorification d’une totalité sentimentale, esthétique, émotionnelle, se cache une idolâtrie qui fait souffrir le héros homosexuel, lui fait vivre les montagnes russes émotionnelles, ou qui s’annonce fusionnelle, oppressante, possessive : « Ses mains encore dans mes cheveux. Ses yeux sérieux que je regarde de tout près bien qu’il fasse trop sombre maintenant pour y distinguer quoi que ce soit d’autre qu’un fugitif éclat de lumière. Alors une brusque exhalation de tout le corps – comme en ont les fleurs, par à-coups – venue on ne sait d’où, on ne sait de qui (peut-être à la fois de nous deux) nous inclut lentement dans le même remous, nous relie aux mêmes vibrations, comme si l’air entre nous les vêtements et jusqu’à la peau même tout avait disparu, abolissant jusqu’à la conscience claire d’être soi devant l’autre… » (Mireille Best, Hymne aux murènes (1986), p. 143) ; « Avec toi, c’est tout ou rien. » (Emma parlant à son amante Adèle, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche) ; « Plus je te vois, plus je réalise que je ne te connaissais pas. Je pensais t’aimer à jamais et pour toujours. Je me trompais. Je t’ai trop aimé. Mais aussi mal aimé, comment est-ce possible ? » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 303) ; « On s’aime jamais vraiment que lorsque tout se perd et se termine. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 157) ; « Toutes les histoires d’amour se ressemblent. Même profil étrange. Mêmes scenarii étranges. Seuls les visages changent. Toutes les histoires d’amour sont les mêmes. Toujours les mêmes problèmes. Toujours les mêmes dilemmes. » (cf. la chanson « L’Inconstant » d’Étienne Daho) ; « Tout tourne autour de moi, les petites Chloé et moi aussi en miniature. » (Cécile à propos de son couple avec Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 45) ; « Tout cela n’a duré qu’un éclair : l’éclair du vendredi dans le hall de la gare (Austerlitz), pétrifiant Pierre et moi devant la carte postale. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 105) ; « Un clown, noir, pédé, d’extrême gauche… J’en ai marre des étiquettes. » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; etc.

 

Le « Tout » en question est une soumission masquée à un maître idéalisé, à un fantasme irréaliste, à un regard social extérieur, ou à un conformisme invisible : « On ne peut pas être partout. » (Monsieur d’Anremont s’adressant à Alix, dans le film « Entrevue » (1999) de Marie-Pierre Huster) ; « Vous êtes tout à lui. Il a gagné. » (le narrateur en parlant de son chat, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 234) ; « Une figure admirable, c’est pire que tout. » (l’héroïne de la pièce La Voix humaine (1959) de Jean Cocteau) ; « Souvent, tu t’es efforcé d’imaginer l’impression que tes ‘clients’ se faisaient secrètement de toi : un communiste, un Juif, un courageux, un passeur, un étudiant en chimie, un homosexuel, un soumis, un meneur, un traître, un indépendant, un garçon serviable, un jeune homme contraint, un allié, un complice, un auxiliaire ? Tu conclus : un peu tout ça. » (Félix, le narrateur homosexuel du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 72) ; « Lorsque tout le monde sera super, plus personne ne le sera. » (le méchant Syndrome dans le film d’animation « Les Indestructibles » (2004) de Brad Bird) ; etc.

 

L’absolutisme auquel le héros homosexuel s’identifie louvoie avec une idolâtrie matérialiste : « Je m’endette, je m’achète tout ce qui me passe par la tête, je me jette comme une bête sur le dernier gadget. » (cf. la chanson « L’Enfant de la pollution » de Ziggy dans la comédie musicale Starmania de Michel Berger) ; « Je lisais toujours des livres dont personne d’autre n’aurait lu plus d’une page. […]Je lis et j’ai lu presque tout ce qui existe : dans ma maison, il n’y a que des livres et du vide. » (Garnet Montrose, le héros du roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, pp. 28-29) ; « Vous n’avez pas de chance. Je conserve tout. » (Pierrette, l’héroïne lesbienne du film « Huit femmes » (2002) de François Ozon) ; etc.
 
 

b) TOUT est un jeu misanthrope, agressif et censeur :

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On découvre au fur et à mesure dans les fictions homo-érotiques que le « Tout » dont il est question renvoie chez le héros homosexuel à une peur paranoïaque (…de voir son orgueil mégalomaniaque, ou sa prétention victimiaire démasqués), à une blessure existentielle, à une misanthropie : cf. le téléfilm « Prayers For Bobby » (« Bobby, seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy. « À cause des blessures que j’ai reçues à la Guerre du Pacifique, mon aspect physique est tel que tout le monde est révulsé à ma vue, au point de vomir ou même de s’évanouir. » (Garnet Montrose, le héros homosexuel du roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 10) ; « Vous pensez toutes que je vous déteste. C’est pas vrai. J’aime tout le monde. Mais personne ne comprend ma façon d’aimer. On croit que c’est de la haine ! » (Augustine dans son film « Huit femmes » (2002) de François Ozon) ; « Il ne m’a fallu très longtemps pour comprendre que je n’étais pas à ma place au milieu de tout ça… et dès que j’en ai eu l’occasion, je suis parti pour la grande ville. » (Billy, le héros homosexuel du film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver) ; etc.
 

Comme le héros homosexuel se rend compte de la vanité du « Tout » qu’il recherche, il a tendance à s’enferrer dans l’anti-conformisme, l’opposition de principe, et la trahison ironique… démarche non moins totalitaire et bien plus sérieuse que prévue : cf. l’album « En vert et contre tout » de Véronique Rivière, le roman Tout m’énerve (2000) de Pascal Pellerin, le one-woman-show Tout m’énerve (1989) de Muriel Robin, etc. « Soyez chaque jour le traître de toutes choses. » (Nietzsche dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Ce qu’il y a de beau dans la trahison, c’est qu’elle s’applique à tout. Elle est universelle. » (Jean-Claude Dreyfus dans la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti) ; « Avec toi, c’est tout ou rien. » (Clément s’adressant à Louise, le personnage trans M to F, dans le téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier) ; etc.

 

« Tout » est employé pour nier/imposer une évidence ou imposer une indifférence/désinvolture/censure : « Je m’éloigne de tout. Je suis loin de vous. » (cf. la chanson « Agnus Dei » de Mylène Farmer) ; « Moi, je suis quelqu’un qui dit pas ses sentiments. Je garde tout. » (Benoît, l’un des héros homos de la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « C’est impossible pour moi de nouer des liens avec quelqu’un. Les gens passent, ils s’en vont, ça défile, c’est pareil avec tout, au bout de peu de temps tout s’éloigne de moi à toute vitesse. Laisse-moi Paul. Je vous le demande. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 529) ; « Comme ils se croyaient condamnés, ils se sont persuadés que tout ce qu’ils feraient ne tirerait plus à conséquence. » (André Gide, Les Faux-Monnayeurs (1997), p. 61) ; « Plus de centre, tout m’est égal… Je vis hors de moi et je pars… » (cf. la chanson « Comme j’ai mal » de Mylène Farmer) ; « Nicolas [le héros homosexuel] aimait la mélancolie sur fond de musique funky. Dans l’ancien ventre de Paris, il s’inventait un art de vivre à distance, où toute valeur était périmée, toute vérité fausse. » (Benoît Duteurtre, Gaieté parisienne (1996), p. 35) ; « C’est comme ça et puis c’est tout ! » (Damien par rapport à son homosexualité, dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi) ; « Trop fière et trop entière, encore. Il fallait m’accepter comme j’étais, un point c’est tout. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne à propos de son homosexualité, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 92) ; « Arrête de vouloir comprendre. J’aime Loïc. Un point c’est tout. » (Guillaume dans la pièce Les Amazones, 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret) ; « Tristana prête à tout, pour rien, pour tout. » (cf. la chanson « Tristana » de Mylène Farmer) ; « Je suis une femme, je suis un homme, je suis tout, je ne suis rien. » (la narratrice lesbienne du roman Poupée Bella (2004) de Nina Bouraoui, p. 9) ; « Je suis partout et nulle part. » (Cyril, le héros du roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 33) ; etc.
 
 

c) TOUT est le viol :

Ce que cache le « Tout » n’est en général pas beau du tout : cela se réfère à la misère, à la souffrance, à la mort, à la méchanceté et à la violence… une violence parfois irréelle et seulement fantasmée : « Tout est chaos à côté. » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « Voilà. Il faut retrouver cette terreur, désormais presque familière. Il faut vivre avec cela, la peur que tout s’arrête, en une minute, que l’hémorragie survienne et l’emporte. » (Lucas, le héros du roman Son frère (2001) de Philippe Besson, p. 56) ; « Être homos, ça nous oblige à tout détruire. » (Stéphane, le héros gay s’adressant à sa meilleure amie lesbienne Florence, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « J’observe la saleté de la gare de Florence, cette saleté que les gens laissent derrière eux, celle que les courants d’air transportent. Je respire les odeurs de friture, d’urine, de combustible mélangées. Je vois l’épaisse couche grise qui recouvre tout, qui finit par se déposer sur les peaux. » (Leo, l’un des héros homosexuels du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 21) ; « Je m’échine à expliquer aux autres […]à quel point ce monde est à l’envers, […] à quel point je voudrais tout bousiller, réduire en cendres. » (Mireille Best, Camille en octobre (1988), pp. 206-207) ; « Privés de toute dignité sociale, de toute charte sociale établie pour la conduite de l’homme, de la camaraderie qui, par droit divin, devrait être le propre de toute créature qui vit et respire, rejetés de tous, en proie dès leur plus tendre enfance à une incessante persécution, ils étaient maintenant plus avilis encore que ne le croyaient leurs ennemis, et plus désespérés que toute la lie de la création. Car, puisque tout ce qui, à nombre d’entre eux, avait semblé beau, une émotion belle, désintéressée, et noble parfois, avait été couvert de honte, traité d’impureté et de vilenie, ils s’étaient graduellement abaissés au niveau auquel le monde plaçait leurs émotions. Et regardant avec horreur ces hommes saturés de boisson, intoxiqués de drogue, comme s’ils l’étaient en trop grand nombre, Stephen sentit que quelque chose de terrifiant planait dans cette malheureuse salle de chez Alec, terrifiant parce que s’il y avait un Dieu, sa colère devait s’élever contre une telle injustice. Leur lot était plus pitoyable encore que le sien et l’humanité avait sûrement à en répondre. » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 564) ; « Des cinés toute seule, des expos toute seule, des anniversaires toute seule… Toujours toute seule. » (John, l’héroïne lesbienne de la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco) ; « L’homme n’a rien en fait que deux possibilités : être fort et droit, ou se donner la mort. » (Yukio Mishima, Ken, 1963) ; « On s’en fout. On est tout. On finira au fond du trou. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer) ; etc.

 

« Tout » est l’autre nom du viol (ou du fantasme de viol) : « J’ai peur de devenir folle. Toutes les nuits je rêve qu’on me viole. » (cf. la chanson « Les Adieux d’un sex-symbol » de Stella Spotlight dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « De ma vie, je ne m’étais jamais fait baiser sans le vouloir. Je sais maintenant que tout peut arriver. Et que, même sans le vouloir, on peut aimer cela. » (Bjorn, l’un des héros homosexuel du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 154) ; « Aucun plaisir n’était plus possible, à cause de Berthe. Elle empêchait tout. Paul n’osait pas se l’avouer, mais elle l’intimidait. […] Il la craignait. » (Paul dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 111) ; « L’envie de la toucher lui vint tout d’un coup et il s’étonna que ce geste si simple demeurât malgré tout impossible parce qu’il avait peur. Encore une fois il avait peur, il avait peur de cette boulangère comme il avait peur de tout le monde. » (Emmanuel Fruges, idem, p. 189) ; « Les hommes, je les utilise. Un peu de plaisir et puis c’est tout. » (Karin, l’une des héroïnes lesbiennes du film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Toi qui n’as pas vu l’autre côté, de ma mémoire aux portes condamnées, j’ai tout enfoui les trésors du passé, les années blessées. » (cf. la chanson « L’Innamoramento » de Mylène Farmer) ; « J’ai décidé d’effacer tout ça, de faire comme s’il ne s’était rien passé, et si, par hasard, Héloïse me refaisait des avances, de lui dire : ‘Non, c’est hors de question. ’ Car il me paraissait qu’elle m’avait violée, finalement. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 290) ; « Jane rêvait d’Anna. Elles étaient seules dans le noir, les doux cheveux de la fille retombaient sur le visage de Jane. Elle eut l’impression d’être au lit avec elle et se mit à paniquer ; ce n’était pas ce qu’elle voulait, tout allait de travers. Les lèvres de la fille se posèrent sur les siennes et elles s’embrassèrent, la langue d’Anna frémissante et insistante. Jane comprit à nouveau ce qu’elle était en train de faire et tenta de la repousser mais quelque force supérieure les collait l’une à l’autre. Elle sentait le poids du corps de la fille, la douceur de ses seins, et elle se tortilla pour se dégager, tentant désespérément de s’échapper, mais elle avait beau se tourner dans toutes les directions, elle était piégée. Elle repoussa Anna de toutes ses forces, mais sans résultat, elles étaient verrouillées l’une à l’autre, et brusquement Jane comprit ce qui les retenait là. Elles étaient scellées, l’une au-dessus de l’autre, sous le plancher de l’immeuble de derrière. » (Jane, l’héroïne lesbienne adulte, en couple avec Petra, et se voyant coucher avec Anna, la gamine de treize ans, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 222) ; etc. Par exemple, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna, l’héroïne lesbienne qui semble avoir une relation incestueuse avec sa grande sœur (« C’est ma faute. J’ai pas su mettre les limites. Elle ne m’a jamais fait de mal. J’ai juste besoin que tout soit clair. »), se voit justement reprocher par la femme qui l’aime, Rinn, d’être excessive : « Il faut toujours que tu en fasses trop. » Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Tom reproche à son amant Bryan qui l’oppresse ses excès : « Tout ! Tout le monde ! Tout le temps ! »

 

« Tout » est également l’homophobie, à savoir le viol orienté vers tous, y compris vers soi-même et ses semblables d’orientation sexuelle ! « Elles me font chier, toutes ces folles. » (François, précisément la plus « grande folle » de l’histoire, dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 112) ; « J’avais peur de ces mecs, de ces flics, de tout. Je sais pas comment t’expliquer ça… J’arrivais pas à leur expliquer qu’un type m’avait frappé parce que j’avais une tête d’Arabe… J’avais honte. » (Félix, le héros homosexuel ne dénonçant pas la violence qu’il a subie, par peur d’être taxé de « Maghrébin » ou d’« homosexuel », dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Ah, race de femmes maudites, vous êtes toutes des putes ignorant tout de la bite ! » (Ahmed à des lesbiennes dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « C’était un peu paradoxal – j’envisageais de révéler mon homosexualité à nos parents, et en même temps je mentais à toutes les filles que je rencontrais. » (Petra, l’héroïne lesbienne se travestissant en homme en boîte, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 83) ; « Toutes ces folles à franges se faisaient monter au rayon j’ai vingt ans, bien qu’elles en eussent au moins le double chacune » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Kleptophile » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 77) ; « On se dit partout ‘Connasse ! » (le couple homo de la chanson « L’amour ça, l’amour ça vient » du groupe Mauvais Genre) ; « Les hommes politiques, c’est un peu comme les homosexuels. Ça te fait gober tout et n’importe quoi. Et plus c’est gros, plus ça passe. […] Les homos, c’est pas de la tarte. Y’a pas plus intolérant qu’un homo dans le milieu. » (l’humoriste homosexuel Samuel Laroque lors de son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? , 2012) ; « Si on pouvait ne pas tant se haïr. C’est tout. Si on essayait de ne pas tant nous détester. » (Michael, le héros homosexuel parlant à ses pairs gays, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc.
 
 

d) TOUT est politisé en totalitarisme et en dictature : d’un extrême à l’autre

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

La violence totalitaire du désir homosexuel s’élargit malheureusement à un plus grand Tout (= le Monde), sous des prétextes universalistes identitaires et amoureux. Dans la bouche de beaucoup de héros homosexuels, le « Tout » se mute en une revendication politique, en engagement révolutionnaire grandiose et déterminé : « Ce que nous voulons : TOUT. » (cf. une phrase peinte en rouge en gros sur un mur, en écho au journal Tout ! des années 1970 dont nous reparlerons, dans la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Dizerti) ; « En serez-vous ? Si vous en êtes, faut reconnaître qu’à notre époque, ça mène à tout. Pour réussir, il faut en être. Un p’tit effort, Zou ! En serez-vous ? » (cf. la chanson « En serez-vous ? » des duettistes Gilles et Julien, 1932) ; « Les pédés obtiennent toujours tout les premiers. » (Senel Paz, Fresa Y Chocolate (1991), p. 10) ; « Le problème avec ces gens-là, c’est qu’on ne sait jamais jusqu’où ils peuvent aller. » (Alexandre parlant des homos, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion) ; etc. La totalité la plus pratique et la plus usitée par le militantisme LGBT, c’est le concept d’« Égalité ». Selon le héros homosexuel, tous les êtres humains seraient tous égaux à lui ou auraient tous à l’être.

 

Ce « Tout » planétaire convoité par les héros homosexuels concerne le désir homosexuel, les points de vue. Ils se mettent à imaginer que tout le monde pense et désire comme eux, que la Terre entière hétérosexuelle est homosexuellement refoulée : « Toutes les femmes sont des lesbiennes dans l’âme ! » (Stephany, l’héroïne lesbiennes et ses deux coreligionnaires, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus)

 

Au nom de l’anti-totalitarisme, les héros homosexuels se dirigent vers un nouveau totalitarisme, encore plus aveugle car il est enrobé de bonnes intentions anticonformistes. Ils sont les premiers à s’étonner de la dureté de leur totalitarisme : « Comment je fais pour rien faire comme tout le monde, mais réussir quand même à être aussi con ? » (Jarry dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « À mes yeux tout était vu, tu me voyais comme presque tout. […] À trop vouloir goûter au trop, je ne m’y suis pas reconnu. » (c.f. la chanson « Comme ça » d’Eddy de Pretto).

 

Dans les œuvres homosexuelles, l’homosexualité « assumée » et pratiquée est habituellement attribuée au progressisme, à l’ouverture d’esprit, à la tolérance, donc à la gauche, et mise en opposition au conservatisme « étriqué » de droite. Mais au niveau politique, les personnages homosexuels ont tendance à se situer dans les deux camps totalitaires à la fois : extrême gauche ET extrême droite. Ils louvoient avec l’extrême droite tout en faisant mine de lui cracher dessus. Par exemple, dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, Roger, l’homosexuel drôle, « ouvert » et « progressiste » ne supporte pas le conservatisme politique (« Vous vous rendez compte ? Un gay de droite, c’est aussi inconcevable qu’un gay avec une mauvaise coupe de cheveux. »)… mais il se retrouve en couple avec Jerry, un politicien de droite corrompu et qui le manipule. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Georges, de gauche, est en couple avec Édouard, homme politique de droite, homo refoulé, et en campagne présidentielle ; c’est bien sûr Georges qui est montré en modèle d’épanouissement homosexuel, et qui va, à regret, quitter Édouard, par amour de ses convictions politiques « courageuses ». Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Christophe, le « copain d’un soir » de Kevin (le héros gay de gauche), a voté Jean-Marie Le Pen aux élections présidentielles de 2002. Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, on passe d’un extrême politique à un autre : Molina est subjugué par le nazisme, tandis que Valentín est le révolutionnaire d’extrême gauche… et les deux compagnons de cellule vont sortir ensemble. Dans le film « Occident (Statross le Magnifique 2) » (2008) de Jann Halexander, Statross Reichmann, un bourgeois métis bisexuel vit une relation tourmentée avec Hans, un jeune homme blanc d’extrême droite. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Doyler, l’un des héros homosexuels, se dit « socialiste » pur jus ! Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, est le bourgeois qui prend la cause des pauvres, parce que ça fait bien. Il va tourner un film sur la Révolution communiste pour le style : « Mexico est à la mode pour tous les gens de gauche ».

 

Se rendant compte que l’extrême gauche n’est pas mieux que l’extrême droite, ou inversement que l’extrême droite n’est pas mieux que l’extrême gauche, certains héros homosexuels critiquent la bêtise des gauchistes, l’intransigeance des droitistes, ou le totalitarisme communautariste LGBT, et s’enferment dans un cynisme apolitique désabusé, bobo, tout aussi totalitaire que les extrêmes pointés du doigt, mais enrobé d’une « neutralité » confortable, installé dans un pseudo « juste milieu » distant et ironique. « T’es de gauche ? C’est hyper important pour moi. Dans la famille, on est de gauche de père en fils. » (Joyce, la lesbienne camionneuse parodiée par le comédien homosexuel Rodolphe Sand, dans le one-man-show Tout en finesse , 2014) Finalement, les personnages homosexuels se décrivent (ou décrivent leurs frères homos) comme des dictateurs absolutistes. « Cette nuit dans la pénombre, j’ai compris que d’autres ici faisaient le métier de tout diriger à leur profit. Que derrière la Gay Pride de Sydney il y avait un trafic d’ecstasy, de médicaments, de produits dérivés. Il y avait du marketing et du sex-business. Avec beaucoup de dollars à la clé. […]Je sais maintenant que Jan est mêlé à tout ça et qu’ils sont en train de s’entre-tuer à quelques semaines seulement de la grande parade sur Oxford Street, du défilé du Mardi gras. » (Bjorn, parlant de son compagnon Jan ainsi que des autres héros-mafieux homosexuels qui l’entourent, dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, pp. 167-168) Par exemple, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, Suzanne, l’héroïne lesbienne, évoque « sa tendance à tout régenter ». La trahison à soi-même et aux autres va jusqu’au bout de sa contradiction. Les héros homosexuels voient la dictature comme le meilleur moyen de s’opposer magnanimement au totalitarisme.

 

Au fond, l’origine du totalitarisme homosexuel est toujours une blessure d’orgueil, le fruit d’un idéal déçu ou d’un manque d’amour. C’est souvent en réaction à un père d’extrême droite ou à une éducation présentée comme « extrémiste » que les héros homosexuels rejoignent les rangs de l’extrême gauche ou de l’extrême droite. Par exemple, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris, le héros homosexuel, crache sur son papa : « Mon père, il est réac, conservateur. Il comprend pas. » Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Lefteris, le père de Dany (homosexuel) et Ody est candidat d’extrême droite.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 
 

a) TOUT est magnifique, ma chérie :

 

Revue Tout !

Revue Tout !


 

L’idolâtrie pour le « Tout » n’est pas que fictionnelle. Quelques organismes ou associations LGBT ou bien ouvrages portent le sceau de la totalité, de l’absolutisme, de l’extrémisme homosexuel (et hétérosexuel) : par exemple toutes les lois pro-gays se valant de la lutte contre toutes les discriminations ou de l’élargissement de droits dits « hétérosexuels » à l’ensemble des minorités culturelles « discriminées » (cf. « le mariage pour tous », « l’avortement pour tous », « la PMA et la GPA pour tous », etc.), la Fédération Total Respect (défendant les droits des personnes homosexuelles de pays en voie de développement), la circulaire All Out (qui a essayé de créer un contrepoids à la Manif Pour Tous du 5 octobre 2014 à Paris et Bordeaux), le fameux livre-scandale Tous à poil (2013) de Claire Franek et Marc Daniau, etc.

 

« Tout » est d’ailleurs le qualificatif donné (à raison) au désir homosexuel, qui est un élan mégalomaniaque, éloigné du Réel (= la différence des sexes), une blessure d’orgueil oscillant entre l’auto-dépréciation et l’auto-glorification. Par exemple, dans son autobiographie Parce que c’était lui (2005), Roger Stéphane définit son homosexualité comme un « phénomène psychologique totalitaire » (p. 22). Quant à l’essayiste nord-américain David Halperin, il écrit également que l’homosexualité masculine ou féminine est « à la fois une identité homophobe en tant que totalisante et normalisatrice, et une identité dont toute négation et tout refus ne sont pas moins homophobes », et que sa revendication est « nécessaire mais politiquement catastrophique » (cf. l’article « Sociologie » de Jean-Manuel de Queiroz, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 380)

 

Le « Tout » dont parlent beaucoup de personnes homosexuelles se présente au départ comme une force incroyable d’ouverture et de générosité : « Les extrêmes me touchent. » (André Gide, Morceaux choisis, 1921) ; « J’aime les personnages qui incarnent un point de vue extrême. » (Michael C. Hall, dans la revue Têtu de janvier 2015) ; « Les extrêmes peuvent servir de révélateur pour les autres. » (Érik Rémès dans l’interview « Érik Rémès, écrivain » de Julien Grunberg, sur le site E-llico consulté en juin 2005) ; « J’aime ce mélange entre bien et mal. Tout est mélangé. » (Barbara, un homme transsexuel M to F, dans le documentaire « Woubi Chéri » (1998) de Philip Brooks et Laurent Bocahut) ; « Le désir justifie tout, pourvu qu’il soit partagé. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 191) ; « Je suis contre tous les tabous sexuels. Je suis pour toutes les libérations. Je ne m’effraye d’aucune combinaison d’ordre sentimental ou érotique, estimant que chaque individu a le droit de disposer de son corps comme il lui plaît et de se livrer à certaines expériences. » (Gérard de Lacaze-Duthiers cité dans l’article « Inversion sexuelle » d’Eugène Armand, dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 398) ; « J’aime tricher, jouer, tout avoir sans faire de choix. Et alors ? » (Catherine, une femme lesbienne citée dans l’autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, p. 175) ; « Je mets du sentiment partout. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 315) ; etc.

 

Le fanatisme homosexuel pour ce « Tout » tourne souvent autour du fantasme incestueux de la mère (cinématographique) et de la femme-objet. L’individu homosexuel prétend conquérir ou rejoindre une féminité absolue (il dit même, comme ses chanteuses, qu’il est l’incarnation de toutes les femmes, que « toutes les femmes sont en lui ») : « Toute ma vie a été centrée sur elle. » (Pier Paolo Pasolini à propos de sa mère, cité dans le reportage « Les Fioretti de Pier Paolo Pasolini, 1922-1975 » (1997) d’Alain Bergada) ; « Ma tante Germaine, plus jeune que ma mère, est restée célibataire toute sa vie. Coiffeuse de profession, elle s’était installée à Brioude où elle avait ouvert un salon pour dames. […] Moderne et indépendante, elle habitat un studio au-dessus de son salon : un grand lit par terre, des photos d’artistes collées au mur, tout y était un peu bohème. Plutôt sportive, libre, décontractée, elle aimait l’ambiance du spectacle et, grâce à son salon, était en contact avec une faune diverse, des ‘originaux’ comme on disait. Curieuse et gaie, elle courait toutes les manifestations de peinture et de musique. Je me souviens qu’elle buvait parfois du champagne à midi, ce qui, à l’époque, me semblait être le comble de la dépravation ! Son mode de vie marginal pour le milieu un peu étriqué et bourgeois dont elle était issue, et où j’ai grandi, me fascinait. Ma grand-mère jugeait sévèrement son existence de garçonne, prenant ma mère raisonnable et rangée comme exemple. Évidemment, j’appréciais davantage le mode de vie de ma tante. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), pp. 19-20) ; « Les icônes gays, ce sont des femmes sophistiquées. Elles semblent inaccessibles, elles ont quelque chose de divin. Elles sont des objets de fantasmes : elles font envie. Il n’y a pas de désir sexuel du gay envers son idole, mais il y a un grand désir de fantasme : cette femme, elle est forte, elle fait des choses impressionnantes, elle est glamour, tout ce que je ne serai jamais mais qu’on a envie d’être au fond de nous. » (Franck Cnuddle dans l’émission Plus vite que la musique, sur la chaîne M6, 2001) ; « Je suis régénérée. J’ai des tonnes d’idées et tellement à faire que je devrais me cloner pour tout mener à bien. » (Madonna pour la sortie de son album Hard Candy, interviewée dans la revue Le Figaro Madame, le 5 avril 2008) ; Je suis une femme comme une autre ! » (Ève, homme trans M to F de 23 ans, dans l’émission de speed-dating de la chaîne M6, Et si on se rencontrait ?) ; etc.

 

L’« amour » de cette femme-Tout est totalitaire, et finit parfois par peser trop lourd sur les épaules du sujet homosexuel qui le reçoit/qui s’y adonne : « Cette sensation effarante de l’avoir toujours sur mon dos. […]Elle occupait toute la place, elle faisait écran entre moi et le reste du monde, et elle m’avait brisé depuis le début. […] Je ne comptais pas pour elle ou peut-être que je comptais beaucoup. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), pp. 88-89) ; « Cette violence me renvoie à celle qu’elle avait à l’égard de tout, de moi. Elle me fait horreur, à nouveau, l’image de la ‘mauvaise mère’, brutale, inflexible. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 88) ; etc.

 

Le « Tout » dont il est question dans les mots de certaines personnes homosexuelles est presque Dieu, ou le sentiment donjuanesque d’être Tout, d’être sans limites. cf. l’autobiographie Everybody’s Autobiography (1937) de Gertrude Stein. « Je voulais être tout le monde. » (Julien Green dans la préface de son roman Si j’étais vous (1947), p. 10) ; « Omettez toujours les défauts – ils ne font pas partie de la bonne image que vous souhaitez. » (Andy Warhol dans l’exposition « Le Grand Monde d’Andy Warhol » au Grand Palais, de 18 mars 2009 au 13 juillet 2009) ; « À 10 ou 11 ans, j’étais un enfant secret et sensible. Un tendre. Un timide, quoi. Je voulais être impeccable, toujours, en toutes circonstances. » (Michel Bellin, Impotens Deus (2006), p. 33) ; « De toute façon, la seule chose qui m’intéresse vraiment, c’est d’être premier de la classe. Ça fait peut-être con, mais c’est la stricte vérité. […] Je voulais juste être le premier de la classe et ne supportais pas l’échec. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 10 puis p. 168) ; « Je me faisais un point d’honneur d’avoir toutes les filles… […] Les hommes m’attirent bien moins, mais pour moi c’est plus pratique. […] J’aime qu’on m’admire. J’aime montrer mon corps. » (Bruno, un homme bisexuel de 25 ans, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, pp. 204-205) ; « L’homme est en discontinuité avec la nature, et tout ce qui vient de lui est original. » (Geneviève Pastre citée dans la revue Triangul’Ère 1 (1999) de Christophe Gendron, p. 75) ; « Le schizophrène n’est pas homme et femme. Il est homme ou femme. Il est mort ou vivant, non pas les deux à la fois, mais chacun des deux au terme d’une distance qu’il survole en glissant. Il est enfant ou parent, non pas l’un et l’autre, mais l’un au bout de l’autre comme les deux bouts d’un bâton dans un espace indécomposable : tout se divise, mais en soi-même. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972/1973), p. 91) ; « Sa furieuse quête de la masculinité… provoqua le désir de se purger de toute sensibilité pour devenir un objet pleinement viril. » (Lynne Segal à propos du suicide de Yukio Mishima, citée dans l’essai X Y de l’identité masculine (1992) d’Élisabeth Badinter, p. 203) ; « J’ai couché avec la terre entière. Enfin, j’ai fait ce que j’ai pu. C’est une phrase un peu donjuanesque. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; etc. Et le pire, c’est que l’usage du « Tout » se fait quelquefois passer pour de l’humilité de la part de certains auteurs homos. « C’est TOUT qui parle à ma place ; ce n’est plus MOI. » Par exemple, en épitaphe à son autobiographie Roland Barthes par Roland Barthes (1975), Roland Barthes écrit : « Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman. »

 

Le « Tout » en question est en réalité une soumission masquée à un maître idéalisé, à un regard extérieur social (souvent fantasmé), ou à un conformisme invisible : « La ‘folle perdue’, cette image diffusée dans nombres nombre de blagues et de pièces de boulevard, est le cas limite de l’homosexuel qui a accepté de tout faire pour correspondre à la caricature que ceux qui l’oppriment se font de lui. » (Michael Pollack, Une Identité blessée (1993), p. 194) ; « Je suis un bouchon au fil de l’eau, un naufragé qui tente de s’agripper à une bouée de sauvetage, on peut faire de moi ce que l’on veut, je suis prêt à toutes les aventures. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 154) ; « De quel droit écrivais-je tout cela ? De quel droit faisais-je de telles entailles à l’amitié ? Et vis-à-vis de quelqu’un que j’adorais de tout mon cœur ? » (Hervé Guibert, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), p. 106) ; etc.

 

Le « Tout » est également l’amant homosexuel contre lequel il serait possible de ne faire qu’Un (une unité androgynique et amoureuse) : « N’est-ce pas cette recherche de la ressemblance, cette quête et cette poursuite de la totalité qui, comme Platon le fait remarquer dans la bouche d’Aristophane, est à la base de l’amour ? Comme personne n’a jamais pu retrouver la totalité parfaite chez un autre être humain, homme ou femme, le jumeau est sans aucun doute l’être le plus adéquat pour combler la fracture originelle et atteindre cette totalité. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 34) ; « Nous avons tout partagé, les angoisses, les espoirs, les joies mais aussi les maisons, les tableaux, les objets d’art. Parfois les amants. » (Pierre Bergé à propos de son « couple » avec Yves Saint Laurent, dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 18) ; « C’est en cela que réside l’homosexualité de Virginia Woolf : dans cette nécessité de tout vivre à travers une femme. La médiatrice devait être belle et séduisante, comme Vita Sackville-West l’aristocrate, et posséder un univers qu’elle, Virginia, ne possédait pas. » (cf. l’article « Vivre à travers une femme » de Diane de Margerie, dans le Magazine littéraire, n°275, mars 1990, p. 36) ; « Entre moi et elle, à chaque fois, la place de l’imaginaire détermine le degré du désir. Plus l’une me rappelle au réel, plus je la fuis à tire-d’aile, ricanant que tout est possible, en fantasme du moins. Plus l’autre ancre notre amitié dans des discours raisonnables, plus je veux sa déraison, ce qui lui échappe. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 197) ; « Le sexe est une pulsion humaine fondamentale qui ne peut être bridée. Toutes les tentatives pour le contrôler ou le réglementer ont échoué. L’amour ne connaît pas de verrous. » (Terry Sanderson, Gay Kâma Sûtra (2003), p. 8) ; etc. Par exemple, dans son essai L’Homosexualité au cinéma (2007), Didier Roth-Bettoni soutient que l’amour homosexuel « transgresse toutes les barrières des genres » (p. 549)

 

Derrière cette glorification d’une totalité sentimentale, esthétique, émotionnelle, se cache une idolâtrie qui fait souffrir ou qui s’annonce fusionnelle, oppressante : « Je pensais que l’amour protégeait du malheur. Que la beauté, la candeur, la jeunesse protégeaient de tout. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 237) ; « C’est sur internet que j’ai fait mes premières erreurs. Caché derrière un pseudonyme, on se croit tout permis, on s’invente des envies, une vie, et on oublie la sienne. On est happé par cette apparente convivialité, à mille lieues de la réalité, mais, malgré tout, on s’y plaît, on s’y réfugie, on y jouit et on s’y confie. C’était plus fort que moi, je ne vivais plus que pour ça. J’ai tout pris au pied de la lettre, et je me suis retrouvé à Paris pour y rencontrer un mec que je ne connaissais pas. Après plusieurs mois d’amour virtuel, je voulais que ça continue dans la vie réelle. Ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte de ma stupidité et du fait que cette histoire ne pourrait jamais marcher. D’ailleurs, c’est ce qui s’est passé. J’y ai trop cru, alors que l’homme n’en voulait que pour mon cul. Il a négligé mon innocence au profit de sa complaisance. Après un début passionnel, la chute a été rude. » (Cédric, 18 ans, Grenoble, dans la revue Têtu, 2002) ; « L’amour n’existe pas. L’homme n’est pas fait pour la femme. Tout finit dans les cendres de l’apocalypse. » (Oscar Wilde) ; etc.

 

Les personnes homosexuelles cherchent la totalité de la différence des sexes, mais en rejetant la différence des sexes. C’est ce qui fait qu’en amour, elles vivent les montagnes russes, passent d’un extrême à l’autre. Par exemple, dans son roman Sodome et Gomorrhe (1921-1933), Marcel Proust parle des « intermittences du cœur » (p. 21).
 
 

b) TOUT est un jeu misanthrope, agressif et censeur :

On découvre au fur et à mesure dans les discours de nombreuses personnes homosexuelles que le « Tout » dont il est question renvoie chez elles à une peur paranoïaque (…de voir leur orgueil mégalomaniaque, ou leur prétention victimiaire démasqués), à une blessure existentielle, à une misanthropie : « Je me méfie d’une certaine nature humaine. Plus que tout je redoute la trahison. » (Mylène Farmer, Paris Match, n°2741, le 6 décembre 2001) ; « Je redoutais la sonnerie qui annonçait l’heure de la récréation. Alors que tout le monde dévalait l’escalier en courant, je traînais, j’hésitais à quitter la classe et la proximité des maîtres. » (Christophe Tison, Il m’aimait (2004), p. 35) ; « Quand je pense au mot ‘identité’ me viennent à l’esprit les mots ‘empreintes digitales’, ‘carte d’identité’ et toutes ces choses paranoïaques. » (cf. l’article « El Deseo De Unas Islas » (1982), dans Prosa Plebeya (1997) de Néstor Perlongher, p. 185) ; « Les conditions d’existence que crée la société aux homosexuels suffiraient largement pour expliquer toutes les névroses possibles. Comment échapperaient-ils aux angoisses et aux complexes de culpabilité, alors que tout, autour d’eux, contribue à les culpabiliser et à leur donner un sentiment d’insécurité ? » (Marc Daniel, André Baudry, Les Homosexuels (1973), pp. 58-59) ; « Parce que quand tout le monde s’est mis à lui cracher dessus après le succès de ‘Joe le taxi’, les gays ont tout de suite adoptée Vanessa Paradis. » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 101) ; « Vous avez besoin d’être partout » (Jacques Chancel s’adressant à Jean-Louis Bory, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; « Il s’agissait d’être pour et contre tout. » (Dan Savage, homosexuel, parlant de la bisexualité de David Bowie, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.
 

Comme elles se rendent compte de la vanité du « Tout » qu’elles recherchent, certaines personnes homosexuelles ont tendance à s’enferrer dans l’anti-conformisme, l’opposition de principe, et la trahison ironique… démarche non moins totalitaire et bien plus sérieuse que prévue : « En enfant de bourgeois éclairés, j’avais été élevée dans l’idée que tout m’était possible. Et chaque renoncement me faisait dégringoler d’un échelon dans l’estime de moi-même. Quand je pense que mon livre préféré de Camus était La Chute ! » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 74) ; « J’ai le Sida. J’attrape toutes les modes. » (Copi s’adressant à Facundo Bo, cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 479) ; « J’ironise un peu sur tout. » (Jean-Luc Lagarce dans son Journal, 1992) ; « J’attaquais tout. C’était un jeu. » (Jean Cocteau dans le documentaire « Jean Cocteau, autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky) ; « Je suis à la lettre une vieille recette de star : je n’explique rien, vous devinez tout, et j’entretiens le mystère… » (Mylène Farmer citée dans la biographie Mylène Farmer (2004) de Bernard Violet) ; « Ce qui emporte tout, c’est la saveur du paradoxe. » (Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 93) ; « Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, regardez seulement la surface : de mes peintures, de mes films et de moi, et me voilà. Il n’y a rien derrière. » (cf. l’article « Andy Warhol » d’Élisabeth Lebovici cité dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 495) ; « Le clown, il peut tout être. Le clown, il est au-delà. » (la femme transsexuelle F to M interviewée dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier) ; etc.

 

Dans son essai La Littérature sans estomac (2002), Pierre Jourde se moque de cette culture du pseudo « Interdit » que notre monde contemporain bisexualisant appelle « Tout » et cultive comme un objet sacré intouchable, et qui n’est en réalité qu’un rempart à la prétention humaine et au déni de la responsabilité des actes mauvais : « On vilipende d’imaginaires écoles du dégoûtant. Certains continuent à se demander si l’on peut tout dire. […]Le ‘tout’ en question, dont on fait si grand cas, s’avère à la lecture n’être qu’une anodine histoire de fesses dont il est aussi ridicule de s’extasier que de se gendarmer. Certains auteurs prétendus ‘sulfureux’, ainsi que les critiques et les éditeurs qui entretiennent cette réputation, ont l’air de vivre il y a 50 ans, ils se gargarisent d’audaces cacochymes, s’étonnent du courage qui consiste à briser des interdits pulvérisés depuis des lustres. » (p. 21)

 

« Tout » est généralement employé pour nier/imposer une évidence ou imposer une indifférence/désinvolture/censure relativistes : « Maintenant, je continue à me voir là, suspendu à la fenêtre de ce petit appartement, en train de regarder le monde passer, observant tout, isolé et heureux. » (cf. l’article « Entre El Papel Y La Pluma » de Xosé Manuel Buxán, dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 174) ; « C’est pas forcément glauque, les baisodromes. Il peut y avoir un côté sympa. C’est facile. C’est un jeu, avec des rituels. Tu consommes, sur place, un mec différent tous les soirs. C’est la quantité qui choque. Mais ça ne laisse pas de trace. Quand j’ai rencontré Stéphane, il y a un an, je ne me sentais pas sale de tout ça. » (Emmanuel, homosexuel, 33 ans, dans la revue Actualité des Religions, n°5, mai 1999, p. 38) ; « Si j’ai choisi l’anonymat, ce n’est donc pas pour critiquer tel ou tel, ce que je ne fais jamais. C’est une manière de m’adresser plus directement à l’éventuel lecteur, le seul personnage ici qui m’intéresse : ‘Puisque tu ne sais pas qui je suis, tu n’auras pas la tentation de chercher les raisons pour lesquelles je dis ce que tu lis ; laisse-toi aller à te dire tout simplement : c’est vrai, c’est faux. Ça me plaît, ça ne me plaît pas. Un point, c’est tout. » (Michel Foucault, Dits et écrits II (1976-1988), p. 925) ; « Whitman récuse avec véhémence toute possibilité d’une lecture gay de ses poèmes. » (cf. l’article « Walt Whitman » de Jean-Paul Rocchi, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 499) ; « Je suis homosexuel. Un point c’est tout. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 119) ; « On naît homo. On ne le choisit pas. Un point c’est tout. » (Philippe Robin-Volclair pendant l’intermède de son spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde, 2008) ; « Je ne sais pas si je suis né homosexuel et je ne veux pas me poser cette question. Je suis homosexuel, un point c’est tout. » (Jean-Luc Romero, On m’a volé ma vérité (2001), p. 28) ; « C’est comme ça et puis c’est tout ! Y’a des gens qui t’écrivent des théories. Moi, ça ne m’intéresse pas. » (Denis, homosexuel, dans le documentaire « Une vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre) ; « Je, moi, me, mon, ma, mes… ou tout est dans tout, ou rien ne vaut la peine qu’on en parle. » (Marguerite Yourcenar, « Les Yeux ouverts : entretiens avec Matthieu Galey » (1980), p. 218) ; « Marguerite Yourcenar ‘entre’ – ce qui est encore assez rare pour un auteur vivant – dans la Bibliothèque de la Pléiade. Elle pose des conditions assez inadmissibles, si l’on s’en tient à l’esprit des volumes de la Pléiade, mais Gallimard ne lui refuse plus rien : elle impose que l’édition ne comporte aucun appareil critique autre que ses préfaces et postfaces personnelles. On reconnaît là la volonté qu’on a vu cent fois à l’œuvre chez Marguerite Yourcenar : tout contrôler et ne pas permettre que l’on juge son travail, ses retouches, ses corrections. » (cf. l’article « Chronologie » de Josyane Savigneau, dans le Magazine littéraire, n°283, décembre 1990, p. 26) ; « Vous pouvez tout raconter, mais à condition de ne pas dire ‘je’. » (cf. les propos de Marcel Proust rapportés par André Gide dans son Journal, 1887-1925) ; « Vous êtes le contraire de Barbette. Il cache tout, vous montrez tout ! » (Jean Cocteau s’adressant à Joséphine Baker à propos de l’acrobate homosexuel, dans la biographie La Véritable Joséphine Baker (2000) d’Emmanuel Bonini, p. 52) ; « Je ne fais aucune différence entre l’hétérosexualité, la bisexualité et l’homosexualité. L’amour, c’est être consumé par un feu intérieur, qui vous emmène loin. Tout le monde a raison, tout le monde fait le bon choix, personne n’a à s’interposer quand il s’agit d’amour. […] Quant à l’homoparentalité, je ne vois pas le problème, si problème il y a. Peu importe la sexualité des parents, l’amour doit être au centre de la famille. Je suis pour le bonheur et la félicité. » (Étienne Daho cité dans la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 34) ; etc.
 
 

c) TOUT est le viol :

Ce que cache le « Tout » n’est en général pas beau du tout : cela se réfère à la misère, à la souffrance, à la mort, à la méchanceté et à la violence… une violence parfois irréelle et seulement fantasmée : « Jean Genet avait en commun avec Violette Leduc ce goût du massacre, ce besoin de démolir. Pour des gens comme eux, il fallait que tout aille mal, c’était une stimulation. » (Jacques Guérin, cité dans l’article « Genet, Violette Leduc » de Valérie Marin La Meslée, dans le Magazine littéraire, n°313, p. 72) ; « De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux. […] Simplement la souffrance est totalitaire : tout ce qui n’entre pas dans son système, elle le fait disparaître. » (la première phrase d’Eddy Bellegueule dans l’autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 13) ; « Faut-il que tout glisse et tout passe ? » (Klaus Mann, Journal (1937-1949), p. 96) ; « Burroughs est l’un des écrivains américains les plus importants de la génération d’après-guerre. Drogué et aventurier, il a tout essayé. » (Lionel Povert, Dictionnaire gay (1994), p. 104) ; etc.

 

« Tout » est l’autre nom du viol (ou du fantasme de viol) : « J’ai été victime d’un viol à Marseille, tard dans la nuit. Je n’aime pas le simplisme d’un certain féminisme qui déclare que tout viol est une chose atterrante… Je serai même assez affreux pour dire que je l’ai bien vécu… » (Gilles, homme homosexuel violé, cité dans l’essai Le Viol au masculin (1988) de Daniel Welzer-Lang, pp. 182-183) ; « Ce sont eux qui m’ont incité à voler et à me prostituer ; je suis passé par toutes les pratiques propres à l’homosexualité. » (Félix Sierra cité dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 186) ; « Même lorsqu’à la fin j’eus mal, je n’ai rien dit, comme si j’avais déjà compris que tout cela devait rester secret. (Cette chose qui n’avait pas de nom.) » (Christophe Tison, Il m’aimait (2004), p. 14) ; « Pour la première fois, j’eus l’impression de faire la pute. Le tapin. J’adoptais l’attitude la plus faussement détachée possible, ne regardant rien, fixant tout. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 213) ; « Tout homme est un violeur en puissance. » (cf. un extrait du Manifeste de juin 1976, dans la revue Le Quotidien des Femmes, n°10, vendredi 25 juin 1976) ; etc.
 

En matière de sexualité, à force de voir le viol dans tout, y compris là où il n’est pas (= la différence des sexes), beaucoup de personnes homosexuelles finissent par couvrir et justifier les vrais. « Si tout est viol, rien ne l’est. » (Michel Schneider, La Confusion des sexes (2007), p. 48) Le « Tout » homosexuel embrasse et s’attaque à tout, y compris à lui-même ! « Avant de combattre l’homophobie des autres, il faut avant tout dépasser notre propre homophobie. » (Nina Bouraoui dans l’émission Culture et Dépendances, sur la chaîne France 3 diffusée le 9 juin 2004) ; « Je sais que je ne suis pas le seul à être hanté par ce crime et par tout ce qu’il laisse supposer. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 164) ; « Je ne pensais pas qu’il y avait autant d’intolérance chez les homos. Ils se plaignent à longueur de journée de ne pas avoir tel ou tel droit et ils ne sont même pas unis entre eux. […] Les seuls papiers méchants que j’ai eus dans la presse, c’était dans la presse gay. Quand je suis sorti de La Ferme, j’ai eu 10000 lettres de fans, et six lettres d’insultes qui venaient toutes de gays. » (Vincent McDoom dans le magazine Égéries, n°1, décembre 2004/janvier 2005, pp. 52-55) ; « Pendant de longs jours, j’eus l’impression d’être guéri : la vision ignoble de ce garçon, que je croyais viril, les images de cet homme singeant la femme en présence d’un autre homme tout aussi efféminé, tout cela endormait en moi toute velléité de recommencer. Toutes mes aventures, je les avais eues ou menées sous le signe de cette domination : en un mot, je ne m’étais jamais vu moi-même. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 110) ; « Il s’entêtait, aboyait, balbutiait, m’adressait des injures de toutes sortes. » (Eddy Bellegueule parlant de son grand frère Vincent, alcoolique et brutal, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 38) ; « Je me tenais à l’écart de tout ce qui se rapprochait plus ou moins de l’homosexualité. » (Eddy Bellegueule, idem, p. 147) ; « J’affirmais toujours plus ma haine des homosexuels pour mettre à distance les soupçons. Je devais être en classe de troisième, peu avant la fin du collège. Il y avait un autre garçon, plus efféminé encore que moi, qui était surnommé ‘la Tanche’. Je le haïssais de ne pas partager ma souffrance, de ne pas chercher à la partager, ne pas essayer d’entrer en contact avec moi. Se mêlait pourtant à cette haine un sentiment de proximité, d’avoir enfin près de moi quelqu’un qui me ressemblait. Je le regardais d’un œil fasciné et plusieurs fois j’avais essayé de l’approcher (uniquement lorsqu’il était seul à la bibliothèque, car il ne fallait pas que je sois vu en train de lui parler). Il restait distant. Un jour qu’il faisait du bruit dans le couloir où une foule assez importante d’élèves était amassée, j’ai crié ‘Ferme ta gueule pédale’. Tous les élèves ont ri. Tout le monde l’a regardé et m’a regardé. J’avais réussi, l’instant de cette injure dans le couloir, à déplacer la honte sur lui. » (idem, p. 195-196) ; « Ce qui est arrivé, oublie-le. Je ne tiens pas à ce que cela se sache et encore moins à ce que tu le prennes comme la naissance d’un amour véritable. Vous êtes ‘toutes’ les mêmes. » (un ex-amant parlant à Berthrand Nguyen Matoko, dans l’autobiographie de ce dernier, Le Flamant noir (2004), p. 72) ; etc. Par exemple, dans son autobiographie Libre (2011), Jean-Michel Dunand raconte comment il a renié son homosexualité face à un garçon avec qui il avait eu une aventure : « Je te préviens, je ne suis pas du tout homo. C’est juste une expérience. », p. 38)
 
 

d) TOUT est politisé en totalitarisme et en dictature : d’un extrême à l’autre

La violence totalitaire du désir homosexuel s’élargit malheureusement à un plus grand Tout (= le Monde), sous des prétextes universalistes identitaires et amoureux. Dans la bouche de beaucoup d’individus homosexuels, le « Tout » se mute en une revendication politique, en engagement révolutionnaire grandiose et déterminé, en combat idéologisé « contre toute forme de discriminations » et « en faveur de toutes les différences » : « Manifeste de la Queer Nation : ‘Nous sommes partout. » (Albert Le Dorze, La Politisation de l’ordre sexuel (2008), p. 149) ; « Maintenant est venu le moment de continuer à défendre la Société de l’Arc-en-ciel : une société ouverte, plurielle, métisse, où tout le monde sans exception à sa place. […] Plus que jamais, nous devons être actifs dans la lutte pour la liberté, l’égalité et la fraternité. » (Pedro Zerolo cité dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 50) ; « Et on voyage, on court le monde et les fêtes, on ressent un certain orgueil à savoir vivre mieux que les autres, à être à l’avant-garde de tout, d’un milieu qui a tant de créateurs, à être en quelque sorte le fer de lance de la civilisation. » (Sébastien, Ne deviens pas gay, tu finiras triste (1998), p. 35) ; etc.

 

D’ailleurs, le journal Tout ! (sous-titre : « Ce que nous voulons : TOUT ! ») publié en 1970-1971 en France, d’extrême gauche, était d’inspiration homosexuelle puisqu’il a été élaboré avec l’aide du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) et revendiquait le « droit à l’homosexualité et à toutes les homosexualités ». Je vous renvoie également au documentaire « Männer, Helden Und Schwule Nazis » (2005) de Rosa Von Praunheim, au journal Je suis partout publié dans les années 1930 par Robert Brasillach.

 

La totalité la plus pratique et la plus usitée par le militantisme LGBT, c’est le concept d’« Égalité » (et parfois de « laïcité »). En effet, selon un certain nombre de personnes homosexuelles, tous les êtres humains seraient tous égaux (à elles, entre eux) ou auraient tous à l’être. Le totalitarisme LGBT use de la rhétorique de l’universalisme imposé à tous : Tout le monde, selon celui-ci, devrait bénéficier de tous les droits ! Partout et tout le temps ! Et que tout saute ! « Nous voulons tout, tout de suite ! » (cf. le slogan du FHAR dans les années 1970, cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 189) Qu’on le veuille ou non, il s’agit d’un discours calqué sur le stalinisme, non plus seulement fondé sur la lutte des classes mais aussi sur la lutte des sexes et la lutte contre l’Église catholique.
 

 

Ce « Tout » planétaire convoité par les personnes homosexuelles (et par leurs suiveurs « hétéros gays friendly ») concerne globalement le désir homosexuel, les points de vue. Quelques-unes d’entre elles se mettent à imaginer que tout le monde pense et désire comme elles, que la Terre entière hétérosexuelle est homosexuellement refoulée : « Pour moi, j’imaginais que les gars devaient tous être homosexuels quelque part au fond. Je n’arrivais pas à croire que l’on puisse avoir du désir pour une femme, seulement pour une femme. Je me disais que c’était une bande de menteurs. Moi, au moins, j’étais honnête. » (un témoin homosexuel interviewé dans l’essai Mort ou Fif (2001) de Michel Dorais, p. 90) En réalité, l’éloge de la diversité par la « communauté homosexuelle » n’est qu’une façade, un désir d’uniformité énonçant que tout le monde est homosexuel (… et ne l’est pas puisqu’il suffirait d’être « amoureux »).

 

Un Twittos "ouvert (...qu'avec ceux qui pensent comme lui)"

Un Twittos « ouvert (…qu’avec ceux qui pensent comme lui) »


 

Au nom de l’anti-totalitarisme, bon nombre de personnes homosexuelles se dirigent vers un nouveau totalitarisme, encore plus aveugle que les totalitarismes qui l’ont précédé car il est enrobé de bonnes intentions anticonformistes. Par exemple, dans la « Préface » de L’Anti-Œdipe (1972) de Gilles Deleuze et Félix Guattari, le philosophe Michel Foucault invite à « la traque de toutes les formes de fascisme » et prétend définir les règles de la « vie non fasciste ». Elles multiplient les injonctions paradoxales (« Tous différents mais tous égaux ! » ; « Toutes les différences sont géniales mais les différences n’existent pas ! »). Elles sont les premières à s’étonner de la dureté de leur totalitarisme : « Il y a vraiment un fascisme de la conformité. » (Steven Cohen, le performer transgenre M to F, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé sur la chaîne Arte le 20 octobre 2014) Pourtant, ce paradoxe s’explique très bien : il est difficile d’être de vrais humanistes en méprisant le socle de l’Humanité qu’est Dieu et la différence des sexes. De plus, l’enfer est pavé de bonnes intentions, et la sincérité n’est pas la Vérité (on peut vouloir le bien sans le faire concrètement !). Comme le dénonce très bien Pierre Jourde dans son essai La Littérature sans estomac (2002), « Il n’y a guère de dictatures qui ne se réclament de la démocratie et de la liberté » (p. 48).
 

Dans les discours de la plupart des personnes homosexuelles, l’homosexualité « assumée » et pratiquée est systématiquement attribuée au progressisme, à l’ouverture d’esprit, à la tolérance, donc à la gauche, et mise en opposition au conservatisme « étriqué » de droite. « L’homophobie est surtout de droite. » (cf. l’article « France » de Pierre Albertini, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 185) Beaucoup de personnes homosexuelles soutiennent l’extrême gauche (le marxisme, le socialisme, le maoïsme, le castrisme, le stalinisme, le communisme, certains mouvements altermondialistes, etc.) : Vincent Dieutre, le groupe Indochine, Guy Hocquenghem, Bola de Nieves, Reinaldo Arenas, Didier Lestrade, Pet Shop Boys, José María Mendiluce, Alberto Cardín, Eloy de la Iglesia, Augusto d’Halmar, Ian Brossat, Caroline Fourest, etc. Par exemple, Pier Paolo Pasolini a été secrétaire d’une section locale du Parti Communiste en Italie. Dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Yann, l’un des interviewés homosexuel, entre au Parti Communiste.
 
Extrême
 

Mais au niveau politique, les personnes homosexuelles ont tendance à se situer dans les deux camps totalitaires à la fois : extrême gauche ET extrême droite. Elles louvoient avec l’extrême droite tout en faisant mine de lui cracher dessus : pensons par exemple à Marguerite Radclyffe Hall, Roger Peyrefitte, Renaud Camus, Michel Caignet (qui publie la revue Gaie France dans les années 1980), Pim Fortuyn (leader politique néerlandais homosexuel), Jean-Claude Poulet-Dachary (homosexuel et chef de cabinet du FN de Toulon), Yukio Mishima, Florian Philippot, Steeve Briois, etc. Notamment, Franco Zeffirelli, en 1994, devient député sous la bannière de Forza Italia, mouvement post-fasciste d’extrême droite. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Violette Morris a travaillé pour la Gestapo. Plus proche de nous, au meeting électoral du FN à Toulon en avril 1995, le sosie de Mylène Farmer a interprété la chanson « Sans contrefaçon ». Jean-Marie Le Pen (qui avait déclaré dans les journaux Le Monde et Libération en 1995 « Je confesse qu’il doit y avoir des homosexuels au Front National, mais il n’y a pas de folles. Elles sont invitées à aller ailleurs. ») a retourné sa veste et ne semble à l’heure actuelle plus du tout gêné par la présence de personnes homosexuelles au sein de son parti.

 

Il est totalement erroné de penser que l’homosexualité ne se trouverait circonscrite qu’à l’extrême gauche, même si ça arrange beaucoup de monde de croire le contraire (y compris les gauchistes qui ne veulent pas regarder leur rigidité en face ni leur forte gémellité avec l’extrême droite). David Michels avance (à raison) que « l’incompatibilité entre adhésions des thèses d’extrême droite et existence homosexuelle est un leurre idéologique issu des années 1970, qui est d’ailleurs régulièrement contredit par certains faits » et que « même s’il plaît à certains gays de penser le contraire, il n’y a pas de paradoxe entre l’affirmation d’une identité homosexuelle et une sympathie pour les thèses de l’extrême droite » (cf. l’article « Fascisme » de David Michels, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, pp. 187-188).

 

Dans l’inconscient collectif, il y a une forme de timide « bonne intuition » de la gémellité entre extrême gauche et extrême droite, même si elle reste révélée sous cape, comme ce fut le cas de cet ami manifestant de la Manif Pour Tous (ni du FN ni LGBT), qui m’a écrit ce message Facebook le lendemain de la Manif Pour Tous provincial du 5 octobre 2014 : « Bonsoir Philippe. J’ai peut-être l’esprit tordu mais est-ce que ces affiches FN collées un peu partout sur les arbres et poteaux n’ont pas été également mises par les LGBT ? C’est incroyable comme on essaye de nous (LMPT) faire passer pour des extrémistes. Ça me désole. »
 

J’ai rencontré, à ma grande surprise, beaucoup plus de personnes homosexuelles à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche (provenant de milieux religieux tradis, des assemblées de saint Nicolas du Chardonnet, de aristocratie versaillaise, votant parfois Front National). Cela s’explique en partie par les situations familiales éclatées, cultivant un amour arbitraire, une différence des sexes asséchée et conventionnelle, de nombreux non-dits tenace sur la sexualité, de grandes frustrations, mais essayant de sauvegarder les apparences par tous les moyens.
 

Vidéo-clip de la chanson "J'ai pas 20 ans" d'Alizée

Vidéo-clip de la chanson « J’ai pas 20 ans » d’Alizée


 

Petite anecdote personnelle au passage. Un jour que j’assistais à un mariage super GUDard aristo (rarement je me suis senti aussi mal à l’aise à un mariage « catho », d’ailleurs), j’ai eu la chance d’observer, médusé, une scène dantesque de la soirée dansante : toute une bande de jeunes militaires, coupe saint Cyr, connaissait la « choré » lascive (avec déhanchés super-tapette) de la chanson « J’ai pas 20 ans » d’Alizée, et se prenait très au sérieux. Je n’ai évidemment pas demandé à ces boyscouts mécaniques leur carte du FN à la fin. Mais alors… gros LOL. Et je sais que si le Front National a eu autant de mal à assumer un discours clair contre le « mariage pour tous » en France (quoi que certains arrivent à se persuader qu’il est le seul à avoir demandé l’abrogation, mais c’est faux : Marine le Pen s’emmêle constamment les pinceaux, et si elle s’y oppose, elle le fait sans Charité ; Philippot et quelques autres sont des exceptions, et encore, j’émets des gros doutes sur la qualité de leur argumentation), c’est parce que beaucoup de personnes homosexuelles pratiquant leur homosexualité fournissent le gros de ses troupes. Et est-ce si étonnant ? Le désir homosexuel est une haine/peur de soi. L’adhésion au FN aussi. Et le FN est un cas d’école dans l’homosexualité (refoulée/pratiquée).
 

Se rendant compte que l’extrême gauche n’est pas mieux que l’extrême droite, ou inversement que l’extrême droite n’est pas mieux que l’extrême gauche, certaines personnes homosexuelles critiquent la bêtise des gauchistes, l’intransigeance des droitistes, ou le totalitarisme communautariste LGBT, et s’enferment dans un cynisme apolitique désabusé, bobo, tout aussi totalitaire que les extrêmes pointés du doigt, mais enrobé d’une « neutralité » confortable, installé dans un pseudo « juste milieu » distant et ironique. « Tout le monde sait que les nazis étaient homosexuels, n’est-ce pas ? » (Alberto Mira dans son essai Para Enterdernos (1999), p. 116) ; « Aujourd’hui encore, certains groupuscules néonazis entretiennent une forme d’ambiguïté. De nombreuses histoires circulent, sur fond de messes noires ou de satanisme. Dans leur esprit, nazisme et homosexualité participent de la même ambiance, d’une même esthétique. » (Philippe Broussard, Le Monde, 18 juin 1997) ; etc.
 

Finalement, beaucoup de personnes homosexuelles se décrivent (ou décrivent leurs frères homos) comme des dictateurs absolutistes. « Vivre dans un monde où tout le monde est pareil, c’est un enfer ! » (Jean-Paul Montanari parlant du quartier gay du Marais à Paris, dans le documentaire « Bleu, Blanc, Rose » (2002) d’Yves Jeuland) (Je vous renvoie aux codes « Milieu homosexuel infernal », « Homosexuels psychorigides » et « Hitler gay » dans mon Dictionnaire des Codes homos.) Elles se mettent parfois, pour sauver la face, à la place du camp politique qu’elles cherchent à détruire. Par exemple, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, les comédiens gauchistes homo-bisexuels rentrent très sérieusement dans la peau de ceux qu’ils dépeignent comme des fachos homosexuels (refoulés/puceaux) d’extrême droite, en parodiant les Hommen. Dans le one-woman-show Mâle Matériau(2014) d’Isabelle Côte Willems, la comédienne transgenre F to M, travesti en homme, s’imagine en pleine guerre de Vendée, dans la peau d’un soldat royaliste… alors qu’il y a fort à parier qu’elle n’en épouse pas les valeurs politiques et religieuses.
 

La trahison à soi-même et aux autres va jusqu’au bout de sa contradiction. Les personnes homosexuelles envisagent la dictature comme le meilleur moyen de s’opposer magnanimement au totalitarisme. « Cette toute-puissance du faible, Genet lui trouvera un symbole épique : Hitler. » (Jean-Paul Sartre, Saint Genet comédien et martyr (1952), p. 149) Ce fut le cas par exemple du romancier homosexuel Yukio Mishima, qui fonda sa propre société totalitaire, au Japon. Et dans la France des années 1970, le fondateur du Mouvement de « Libération » homosexuelle, Guy Hocquenghem, est décrit par ceux qui le connaissaient de près, comme un petit despote absolutiste. Plus proche encore de nous, à l’Europe, Ulrike Lunacek, élue depuis 2014 vice-présidente du Parlement Européen à Bruxelles (Belgique) impose à tous les pays européens ses programmes totalitaires pro-LGBT sous couvert de lutte en faveur de toutes les différences, et contre toutes les « homophobies »/discriminations, et cela, de manière absolument pas démocratique.
 

Beaucoup de militants homosexuels sont passés d’un extrême politique à l’autre. « Entré à la télé hétéro catho de droite, j’en ressortis quelques années plus tard homo athée de gauche. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 110) C’est le cas, par exemple, de Vénussia Myrtil, femme lesbienne qui s’encarte à l’extrême droite après être venue de l’extrême gauche. Salvador Dalí semble fasciné par tous les extrêmes. Cela va de sa passion pour l’extrême gauche en passant par celle de l’extrême droite : cf. ses tableaux Six apparitions de Lénine sur un piano (1931) et L’Énigme d’Hitler (1937). Certains ex-cathos intégristes, des anciens membres d’extrême droite repentis, ou des enfants de l’immigration (provenant de continents où la religion traditionnaliste est un véritable carcan social), remplissent les rangs des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, fortement marquée à gauche. Ils s’imaginent qu’ils fuient l’extrémisme d’où ils viennent, en choisissant celui qui lui est opposé. Ils ne font que retourner la même carte de leur emprisonnement idéologique.
 

Cette oscillation d’un extrême à l’autre indique, en plus d’une indécision et d’un violence, un état maniaco-dépressif, une personnalité perdue dans son identité et son engagement dans le monde, une absence de liberté : « Tel un jeu de Yo-Yo, je désespérais et reprenais courage en face de ce mal de vivre. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 57)

 

Au fond, l’origine du totalitarisme homosexuel est toujours une blessure d’orgueil, le fruit d’un idéal déçu ou d’un manque d’amour. C’est souvent en réaction à un père d’extrême droite ou à une éducation présentée comme « extrémiste » que les personnes homosexuelles rejoignent les rangs de l’extrême gauche ou de l’extrême droite. La tentation totalitaire vient attaquer et (mal) combler un vide, immanquablement.
 
 

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Code n°173 – Train

train

Train

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

TRANS…SIBÉRIEN ET ARRIÈRE-TRAIN

 

Le train occupe une place très importante dans la fantasmagorie homosexuelle. Par exemple, dans toute l’œuvre de Marcel Proust, il est extrêmement présent. Et comme le souligne le philosophe Giacomo Leopardi, le train est le tout premier moyen de locomotion au monde qui a aboli les distances et le temps. Et on pourrait tout aussi bien rajouter les sexes et la différence des sexes !

 
TRAIN enfant noir et blanc
 

Peut-être que l’association entre homosexualité et train étonnera, car dans l’imaginaire collectif, le train est souvent défini comme un « jeu de garçons ». Mais croire le contraire, c’est pourtant ignorer que la pratique et le désir homosexuels sont une émanation du machisme, et plus largement d’un élan amoureux désincarné, peu libre, effréné, violent, cinématographique, visant la toute-puissance mais niant les limites et les faiblesses humaines. Un élan narcissique, en somme. D’ailleurs, testez, si vous rentrez dans un métro, la place prédominante qu’occupent les miroirs ; observez les attitudes des gens qui s’y trouvent : le train est vraiment LE lieu privilégié de la drague narcissique, de la recherche du semblable, où il est impossible de ne pas se voir reflété quelque part, où beaucoup de monde se regarde à foison dans les vitres ou les portes coulissantes et a la possibilité de se scruter les uns les autres. Pas étonnant que le train soit devenu, symboliquement, iconographique, et parfois concrètement, le moyen de transport le plus plébiscité par la communauté homosexuelle pour les rencontres amoureuses. Les trains sont des lieux fortement fantasmatiques, donc bisexuels.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Télévore et Cinévore », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Voyage », « « Plus que naturel » », « Vent », « Symboles phalliques », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », à la partie « Port » du code « Eau », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Métro-homo-bobo :

Film "V For Vendetta" de James McTeigue

Film « V For Vendetta » de James McTeigue


 

Le train est un moyen de locomotion particulièrement présent dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité : cf. le film « Morrer Como Um Homem » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo, la pièce La Cage aux Folles (1975) de Jean Poiret, le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan (avec le personnage de Cal – James Dean – assis sur le toit d’un train), le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini (avec Hannah, l’héroïne lesbienne regardant le RER parisien), le roman Les Clochards célestes (1963) de Jack Kerouac, le film « Les filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le film « Chicken » (2001) de Barry Dignam, le film « Warm Nights On A Slow Moving Train » (1987) de Bob Ellis, le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, le film « W » (1998) de Luc Freit, la pièce Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou, le film « Le Crime de l’Orient-Express » (1974) de Sidney Lumet, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le film « Giallo Samba » (2003) de Cecilia Pagliarani, les romans Mi Novia Y Mi Novio (1923) et A Sodoma En Tren Cobijo (1933) d’Álvaro Retana, le film « Passagers » (1998) de Jean-Claude Guiguet, le film « Moments » (1979) de Michal Bat-Adam, le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, la pièce The Milktrain Doesn’t Stop Any More (Le train de l’aube ne s’arrête plus ici, 1963) de Tennessee Williams, le film « Last Summer » (2013) de Mark Thiedeman, le film « V For Vendetta » (« V pour Vendetta », 2006) de James McTeigue, la chanson « Saint Claude » de Christine & the Queens, le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel (avec les retrouvailles de Louis et Nathan, au ralenti, sur le quai de la gare), le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, la chanson « Il aimait les garçons » de Kelly, la chanson « Nous voici réunis » de Charpini et Brancato, la chanson « Mon Petit Pédé » des Wampas, etc.

 

Par exemple, dans le one-man-show Comment j’ai mangé du chien (2002) d’Evgueni Grichkovets sont décrits à bord d’un train deux « marins qui s’étreignent », apparemment très soucieux de leur apparence, très propres sur eux, « jetant des regards autour d’eux pour savoir si on les regarde ». Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, l’engagement militant LGBT du jeune Joe, homosexuel est suspendu à un train de banlieue, train qui prend une importance démesurée. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, dit que sur la fraterie de quatre enfants dont il fait partie, ils sont deux, sa sœur et lui, à avoir fait un coming out : « Ça fait un beau ratio ! ». Il fait la remarque qu’avec sa frangine, qui a choisi d’être chauffeur routier, de se comporter en mec, de changer les plaquettes de freins de leur père, et lui qui a décidé d’assumer sa féminité, d’être hôtesse de l’air, il a dû y avoir « inversion. Leurs parents ont cherché une explication à cette émergence massive d’homosexualité dans la famille nucléaire, et en concluent que c’est parce que c’était sans doute dû au fait que leur gars et leur fille travaillent « tous les deux dans les transports ». Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, le train électrique symbolise l’amour saphique entre Carol et Thérèse. Thérèse vend des poupées et des trains dans un magasin de jouets. Carol dit être plus intéressé par les trains électrique et tâte le terrain désirant de sa future compagne : « D’où vient cette science des trains électriques ? » Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Oren, le héros homo israélien travaille « dans l’urbanisme et les trains ». Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, vantant l’Amour homosexuel, tous les personnages gays ou gays friendly défendent le train. Hugo et Patrick tentent de sauver/restaurer une ancienne gare (celle que, il y a 150 ans, avaient fondée Monsieur Carroll et son compagnon secret) sur le point d’être transformée en centre commercial.

 

Certains héros homosexuels assurent adorer les gares, le train, le métro, et parfois même s’y identifient schizophréniquement : cf. la pièce Un train dans la tête (2007) d’Alberto Lombardo. « Petit pantin, t’es vraiment bête. Le petit train, tu l’as dans la tête. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « [Je prends le métro pour aller] Nulle part. Je prends le métro parce que j’adore le métro. J’y passe des heures. » (l’Auteur dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « On dirait trop un tramway… Non, un métro… un métrosexuel. » (Nono, l’un des héros homos, s’adressant à un autre ami homo, Vivi, dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez ; « Tanguy reprit sa place en se disant qu’il avait passé toute son enfance dans des trains. » (le narrateur homosexuel du roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, p. 49) ; etc. cf. la définition de « métrosexuel » est expliquée un peu plus bas dans cette page).

 

Par exemple, Dans la pièce The Mousetrap (La Souricière, 1952) d’Agatha Christie (mise en scène en 2015 par Stan Risoch), Christopher Wren, le héros homosexuel, est tellement déjanté qu’il quitte la scène en faisant « tchou-tchou » comme le train, de manière hyper efféminée.

 

Dans la pièce The Importance To Being Earnest (L’Importance d’être Constant, 1895) d’Oscar Wilde, le jeune Jack a été retrouvé dans un sac de voyage laissé à la consigne de la gare Victoria, près de la ligne de Brighton. Il est sans origine et sans identité. La seule identité à laquelle il peut se raccrocher, c’est le lieu (= le train) de son abandon :

 

Chasuble – « Mr. Moncrieff, à quelle gare avez-vous dit vouloir vous rendre ?

Jack (s’interrompant, l’air désespéré) – Quelle gare ! Qui diable vous parle d’une gare ? Ce que je veux simplement, c’est retrouver le nom de mon père. »

 

Dans cette pièce, il est curieux comme certains personnages (souvent hystériques et violents/violés) passent leur temps à la gare, apparemment pour rien : « Jusqu’à hier, j’ignorais qu’il existât des familles ou des personnes qui eussent un terminus pour origine. » (Lady Bracknell) ; « Venez, ma chérie, nous avons déjà manqué cinq trains, si ce n’est six. En manquer un de plus risquerait de nous exposer, sur le quai, à des commentaires déplacés. […] Je me rends compte que je n’ai pas manqué moins de neuf trains. Il n’en reste plus qu’un. » (Lady Bracknell s’adressant à Gwendoline, idem) ; etc. La gare annonce l’homosexualité latente du héros, Jack/Constant : « J’ai manqué le dernier train ! Mon neveu, il me semble que vous faites preuve d’une certaine frivolité. » (Lady Bracknell s’adressant à Jack, idem)

 
 

Il arrive que le héros homosexuel vive juste à proximité d’une voie ferrée : cf. Strella le transsexuel M to F dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras (il dit s’être habitué au passage des trains), les héros du film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, Nicolas et Gabriel (les deux potes gays parlant de tous les circuits de métro parisien qu’ils font au quotidien, en les transposant à la montagne autrichienne) dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, etc. Parfois, il se prend même pour le train ! « J’ai l’air d’un train. » (c.f. la chanson « Le Petit Rouquin du Faubourg Saint-Martin » de Fortugé).

 

Au départ, le train représente l’éloignement du Réel (il permet en effet de passer d’un lieu à un autre en un clin d’œil, et abolit, par sa rapidité, l’espace-temps qu’on peut observer dans la vie quotidienne), l’illusion-cinéma (comme le fil de la bobine cinématographique), un cliché bobo romantique rebattu (l’amour « beau » parce qu’impossible et improbable), voire le désir homosexuel lui-même : cf. la pièce A Streetcar Names Desire (Un Tramway nommé Désir, 1947) de Tennessee Williams, le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, le poème « Le Fil Pensée » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson (les premières images du film sont un plan fixe sur le défilement des vitres d’un bus qui passe), etc. « J’ai raté le train. Je ne le vois plus. » (Ada, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Adieu, Jolie, mon train va partir. » (Silvano dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 23) ; « Je me suis fait belle, belle, belle. Pour aller les voir. Je remercie toute l’équipe de la gare Saint Lazare. Gentils machinistes aux doux accents du Gard, qui m’ont permis de prendre le train du mois d’août. Je m’en vais déverser les flots de mon coming out. Je suis un garçon sensible et réfléchi. En grandissant, je ne me suis jamais affranchi de ces nuits de veille au douloureux vague à l’âme. J’ai compris bien trop tard que j’étais une femme. » (cf. la chanson « Coming out » d’Alexis HK) ; « Tu n’étais pas comme moi qu’un usager anonyme du 7h19, gare du Ranci-Villecomble-Montmerveil ; mais quoique le hasard seul nous eût placés en vis-à-vis ce jour-là, notre rencontre s’inscrivit au premier instant comme une évidence dans son livre. […] Je ‘lisaisMaurice, le roman d’Edward Morgan Forster, et toi aussi, mais tu le disais vraiment, et en version originale. Qui étais-tu, que voulais-tu ? Si je m’affichais avec ce livre, qu’il me semblait avoir suffisamment lu en voyant le film qu’en avait tiré James Ivory, c’était parce que j’aspirais à un amour aussi… comment dire ? Romantique. Par ce truchement, peut-être forcerais-je le destin ? » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Un Jeune homme timide », (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 42-43) ; « Seul demeurait face à moi le jeune homme aux doigts de cristal. […] Pour tout témoin étranger à ce manège, c’eût été un spectacle risible que ces deux jeunes personnes isolées désormais dans ce wagon de chemin de fer, épiant réciproquement les tressaillements de leurs mains. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Terminus Gare de Sens » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 64) ; « Le train s’arrêta comme ses lèvres étouffaient sur les miennes le dernier écho de notre épithalame. » (idem, p. 68)

 

 

Le train symbolise souvent l’effet cinéma. Par exemple, dans le film « Une Histoire sans importance » (1980) de Jacques Duron, Philippe regarde défiler le réel à travers les vitres du train roulant à grande vitesse. Dans le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, Ramón, hypnotisé par le train qui passe devant lui, est cet homme face à la pellicule cinématographique. « François de Séryeuse, bouleversé par la scène du train, s’interrogeait. À aucun moment, se demanda-t-il, ne ressemblé-je à ces femmes du train ? » (Raymond Radiguet, Le Bal du Comte d’Orgel (1924), p. 74) ; « Je suis dans ce train comme on regarde un film. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 16) ; etc. Le train est comme une salle obscure ou un livre feuilleté par le personnage homosexuel : « Le bruit des rails vous obsède. Vous vous effondrez au milieu du wagon. Semprun essaie de vous retenir. Mais il est trop tard. On ne quitte pas un tel wagon. » (le narrateur homosexuel du roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 187)

 

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock


 

Le train est le vecteur d’exil de la différence des sexes, donc de l’homosexualité. Par exemple, dans la scène finale du film « Aniel » (1997) de Francois Roux, Marc, qui a découvert son homosexualité, quitte sa femme, et le jeune homme qui l’a initié au désir homosexuel, en prenant le train et en tirant un trait sur toute sa vie hétérosexuelle d’avant. Dans le film « W Imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Likacz voyage en train pour retrouver son amant Adam, exactement comme il fait le pas d’assumer son homosexualité et ses sentiments pour un autre homme. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Hank raconte comment il a viré sa cuti dans une gare : « La première fois que je l’ai fait, c’était pendant la grossesse de ma femme.  Il y avait une réunion de professeurs, à New York. Ma femme ne se sentant pas bien, j’y suis allé seul. Et dans le train, j’y ai pensé. J’y pensais, j’y pensais pendant tout le voyage. Et peu après mon arrivée, j’avais emballé un mec dans les toilettes de la gare. » Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, à la fin du film, Clara part retrouver Sonia en train pour assumer leur « amour » lesbien. Dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder, le train est le symbole du changement de genre sexué.

 


 

D’ailleurs, les rencontres amoureuses homosexuelles dans les œuvres homos se concrétisent fréquemment dans un train ou dans les lieux de transit que constituent les gares : cf. le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, la nouvelle « La Queue du diable » (2010) d’Essobal Lenoir, le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano (Roberto et César se draguent dans une gare), le roman lesbien Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, le film « L’Âge atomique » (2012) d’Héléna Klotz (avec Victor et Rainer dans le train), le film « Ceux qui m’aiment prendront le train » (1998) de Patrice Chéreau, le roman Mr Norris Changes Trains (1935) de Christopher Isherwood, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Espacio 2 » (2001) de Lino Escalera (avec les regards soutenus entre les deux passagers d’un train, qui vont finir par « baiser » ensemble en descendant du convoi), le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques » (1943) de Luchino Visconti (avec Gino et son amant secret le gitan Giuseppe, qui se découvrent pour la première fois dans une locomotive), le roman Strangers On A Train (1950) de Patricia Highsmith, le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, etc. « J’ai rencontré un homme dans le train qui m’a donné son adresse. » (le jeune Thomas, dans le bâti Lars Norén (2011) mis en scène par Antonia Malinova) ; « Je suis sorti avec Marcel. Il est sorti avec Marcel. Je suis sorti avec Marcel. Il est sorti avec Marcel. Je suis sorti avec Marcel. Il est sorti avec Marcel. Dans le métro on s’est rencontrés. » (cf. la chanson « Oh les filles oh les filles » du groupe Au Bonheur des Dames) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, Laurent, le fils qu’on soupçonne homo, a rencontré Floriane dans un train à Noël ; en réalité, on ne la voit jamais… et on devine que la « Floriane » en question serait plutôt un Florian. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, la rencontre amoureuse entre Omar et Xav s’est faite à la station de métro Poissonnière à Paris. Dans le film « Petit Cœur » (2012) d’Uriel Jaouen Zrehen, une fille est troublée par une autre fille, le temps d’un regard dans le métro. Dans la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall, Ernst le Berlinois et Cliff se rencontrent dans le train. Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, la narratrice lesbienne, raconte comment elle drague (au culot) une jeune religieuse dans un train.

 

 
 

b) Gare à tes fesses !


 

Mais l’évacuation du Réel que le train symbolise, même si dans un premier temps elle ravit et enchante, finit par désarçonner et entraîner le héros homosexuel dans une course sentimentale folle, souvent destructrice. Le train est alors personnifié en désir-passion incontrôlable qui défile comme l’éclair, un inconscient qui domine l’être humain et le défigure. « On raconte qu’elle a fait le voyage de Louxor au Caire dans un train de feu. » (Clive à propos de l’écrivaine lesbienne Vita Sackville-West, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; « La locomotive a relâché… » (cf. la seule phrase que Gabriel arrive à peine à déchiffrer en braille sur le livre de son amant aveugle Léo, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) Bref, c’est la victoire de la machine et des instincts inhumains sur l’Homme : cf. le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs (le tableau fétiche du couple homo Paul-Erik est la photo d’une femme qui loupe de peu son métro, et qui a un regard décontenancé, affolé), le film « Krampack » (2000) de Cesc Gay (Dani, le héros homo, jaloux d’Elena, est à deux doigts de la pousser sur le passage d’un train à grande vitesse pour la tuer), la chanson « Regarde-moi » de Céline Dion, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (où le train est le théâtre de l’inceste : « Et cette petite fille qui roule en express pour la première fois, au lieu d’écouter le tam-tam des machines, dévore le visage de son frère. »), etc. Par exemple, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), le jeune Julien – dont le père va faire un surprenant coming out qui va ébranler toute la famille, se coince le pied (dès le tout début du téléfilm) dans la portière du train. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Gabriel, l’un des héros homosexuels, raconte qu’il a fait un cauchemar avec Franz, son « ex » : il lui donnait rendez-vous sur un quai de gare, mais ce dernier ne venait pas, et en revanche était remplacé par une drôle de cavalière : « Et là, Romy Schneider traverse le quai sur un cheval noir. » Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, le train est symbole de rupture amoureuse entre Konrad et Donato. D’ailleurs, Ayrton, le petit frère de Donato, ne le voit pas d’un très bon œil : « Ce train fait un boucan d’enfer. » Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, les voyages en train ou en bus de Marilyn sont toujours synonymes de déprime.

 

« Quelle est la différence entre un train et un psy ? Quand le train va trop vite, il déraille. » (Jonathan, l’un des héros homosexuels de la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes) ; « Une de ces machines ressemblant à un train de Walt Disney faillit l’[Truddy] écraser. L’homme noir qui la conduisait riait, il fit demi-tour et refonça sur elle. » (cf. la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978) de Copi, p. 31) ; « S’habiller en blanc avec les trains noirs, ça se remarque. » (Cherry, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « En ce moment, j’ai du mal avec le métro. » (Nicolas, l’un des héros gays du film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « Le vent est parfois si méchant. […] J’ai encore raté le train. » (Suki, l’héroïne lesbienne parlant de son billet envolé et qui lui a fait perdre son train, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Si le train déraille, je t’en supplie. Réclame le corps avant mes parents. Je t’aime Adar. » (Antoine s’adressant à son amant Adar, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin) ; « Train de retard.[…] Mais pour les gens, je déraille. » (c.f. la chanson « Get up Girl » de Mylène Farmer) ; etc.

 

De manière plus triviale mais aussi inconsciente, la locomotive figure également un symbole phallique, voire même le viol (le train qui rentre en gare, qui sort et qui rentre dans un tunnel, serait comme un pénis qui sodomise ou pénètre un orifice génital ou anal) : cf. le vidéo-clip de la chanson « XXL » de Mylène Farmer (avec la chanteuse en tête de train, crucifiée, avec le « train au cul » si je puis dire), la chanson « Le Trou de mon quai » des Charlots (avec un sous-texte homo très clair), le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse (avec Liza Minnelli simule un orgasme au moment du passage du train), le film « Túnel Russo » (2008) de Eduardo Cerveira, etc. « Le halètement d’un train en partance rappelait une poitrine oppressée. » (François Mauriac, Génitrix (1928), p. 60) ; « Le tramway s’incrusta dans la Rolls. Les vitres arrière volèrent en éclats. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 79) ; « Je t’ai montré mon arrière-train. » (cf. la chanson « Porno Graphique » de Mylène Farmer) ; « Y’a des baisers volés dans les trains de Tsarine… » (cf. la chanson « Gourmandises » d’Alizée) ; etc. D’ailleurs, dans les expressions employées dans le « milieu » homo, « faire le petit train » ou la queuleuleu suggère une activité libertine : « Allez, on fait le p’tit train ! Tout le monde s’encule ! » (Raphaël Beaumont dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles, 2011) ; « Quand vous étiez petits et que vous jouiez au p’tit train, Riton voulait toujours faire la locomotive. » (la mère de Léo s’adressant à son fils homosexuel, dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas) ; « Tu as un billet 1ère classe. Je suis le chef de train. » (Palomino, l’amant de Sergueï Eisenstein, en train de le sodomiser, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc. Par exemple, dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, Irina a « baisé » avec sa « mère » dans le transsibérien, avec les menottes. Dans les dernières images du vidéo-clip de la chanson « Gay Bar » du groupe Electric Six, le train électrique rentrant doucement dans une montagne illustre « subtilement » la sodomie. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri se cache derrière un wagon de train dans le but de vivre son premier « plan cul » (avant d’être surpris par un surveillant) : le train est ici le paravent de la débauche.

 

Le train renvoie parfois à un désir d’hyper-masculinité, un élan machiste (donc particulièrement bisexuel). Il est le vecteur de la pulsion, de l’amour précipité : cf. la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi (avec l’enfant-rat jouant au petit train), etc. « Tout le monde a un secret. Tu es pédé par exemple et nous n’en avons jamais parlé. Si je me tape des machinos de théâtre, tu es amateur de ceux de la S.N.C.F. qui sont plus virils ! » (la Comédienne s’adressant à l’Auteur, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) Par exemple, dans le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan, le train est clairement associé au désir homosexuel : il est même question d’un « désir violent ». Portable : Dans l’épisode 96 « Trois anges valent mieux qu’un ! » de Joséphine ange gardien, pour réunir le couple Fabio/Martin, Joséphine envoie un faux texto (de son propre cru) à Fabio de la part du téléphone portable de Vincent : « 10h devant le resto, ou je me jette sous un train. (Vincent) » Et la menace marche puisque le couple se réconcilie.
 

Le train est le support de l’élan homosexuel ET homophobe. Par exemple, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, le père de Chris (le héros homo) dit qu’il a vu dans le métro deux mecs qui s’embrassaient, et qu’il les a insultés en vociférant que « c’était sale ! ». Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, utilise le reflet de la vitre du compartiment du train pour se donner l’illusion spéculaire qu’il embrasse Dick sur la bouche. Le train dans ce film représente la schizophrénie.

 

Enfin, le train dans les œuvres homo-érotiques évoque également un bolide conduisant vers la mort (physique ou psychique) : cf. la chanson « Voyage sans retour » de la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon (avec le Cocaïne-Express, baptisé le « Train de la Mort »), le film « Une poule, un train et quelques monstres » (1969) de Dino Risi, le film « Terror Train » (1980) de Roger Spottiswoode, le film « Agathe et Lou » (2013) de Noémie Fy, etc. Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize travesti M to F associe son « affreux » voyage en TGV vers Paris à la prostitution (« P’tin, j’y vais. » = TGV) et à la morgue (il est assis aux côtés d’une vieille dame à l’article de la mort). Dans le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, Alexandre, le jeune héros homosexuel, met fin à ses jours en se jetant du haut du train. Dans le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, Omar, un Pakistanais homosexuel, vit avec son père tout près de la voie ferrée (où s’est suicidée sa mère) et voit sans arrêt le train passer. Dans le roman Pasión Y Muerte Del Cura Deusto (1924) d’Augusto D’Halmar, Deusto, le héros, meurt écrasé par un train. Le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas commence par le voyage en train de Valentine et Maria, où elles apprennent la mort du dramaturge qu’elles venaient rencontrer. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann, le héros homosexuel, ne se voit pas prendre le métro avec « un mort » (comprendre son vieil aspirateur usagé, Tornado, qu’il traite comme un être humain, son bébé, son chien).

 

Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, le train est le lieu de la mort et du viol : Jane, l’héroïne lesbienne, se fait agresser par des skinheads : « Une autre rame déboula dans la station avec fracas. Jane sentit le souffle d’air chaud sur sa peau. Les gens s’inquiétaient-ils tous de leur envie de se jeter sur les voies. Les portes des voitures s’ouvrirent et les punks poussèrent des acclamations. Elle leva les yeux pour voir quelle était la source de leur excitation, se demandant si elle devait emprunter une autre sortie pour les éviter, puis elle aperçut les talons hauts et le manteau rouge familiers. Elle vit Anna ouvrir grand les bras et tournoyer parmi les hommes. L’un d’eux poussa un cri de joie et l’attrapa. Ils s’embrassèrent puis il la poussa vers ses compagnons qui l’embrassèrent à leur tour. Leurs baisers étaient profonds et brutaux ; la fille s’y soumettait, s’arc-boutant dans une parodie de passion hollywoodienne, son rire haut perché et nerveux. » (p. 94)
 

Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, le train est la symbolisation du désir homosexuel, mais aussi des destructions terribles que ce dernier opère quand il s’actualise. Dès le début du film, Evelyne, l’héroïne du film, fait arrêter son mari Ed en voiture : « T’as entendu ça ? Le train… » Ensuite, elle écoute l’histoire d’amour entre Idgie et Ruth, qui débute par la mort tragique du grand-frère d’Idgie, Ruddy, qui était aussi promis à être le futur mari de Ruth : Ruddy s’est coincé la chaussure sur un des rails de la voie ferrée, et n’a pas pu s’en extraire à temps pour échapper au train qui l’a écrabouillé. Plus tard, une fois arrivées à l’âge adulte, Ruth et Idgie tombent amoureuses l’une de l’autre, notamment grâce à une virée épique dans un train où elles pénètrent clandestinement : « T’aimes les trains ? Tant mieux ! On va bien s’entendre ! » Leur liaison charnelle prend la métaphore du train : « On ne va pas encore jouer au train, Idgie ? » À la fin, Ruth, maltraitée par un mari violent avec qui elle a un fils qu’elle baptise « Buddy junior », vit une dernière mutilation dans son existence à cause du train : son fils perd son bras, arraché par le passage du train.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Métro-homo-bobo :

Même si cela peut surprendre, il existe mine de rien des liens non-causaux très étroits entre désir homosexuel et train. Ce n’est pas par hasard si, dans son autobiographie Roland Barthes par Roland Barthes (1975), Roland Barthes qualifiait le train de « lieu de formation des idées » (p. 75). Le fantasme sexuel est une force qui court aussi vite qu’un TGV, surtout quand il ne s’attache pas au Réel, comme c’est le cas du désir homosexuel.

 

TRAIN Tee-shirt

 

Par exemple, le stade « métrosexuel » (dénomination donnée aux hommes sophistiqués qui seraient hétérosexuels mais qui physiquement prennent tellement soin de leur corps et de leurs petites affaires qu’ils donneraient à croire qu’ils sont homosexuels refoulés/cultivés) est l’autre nom donné à la bisexualité, la première marche vers l’homosexualité. Le métro peut donc symboliquement conduire vers une sexualité désincarnée, donc homosexuelle. Dans le documentaire « Lesbiennes, gays et trans : une histoire de combats » (2019) de Benoît Masocco, Hervé Latapie, gérant de la boîte Le Tango à Paris, raconte comment s’organisaient les rencards amoureux homos dans les trains de la capitale. Par exemple, dans les années 1970, il y avait une publicité pour les métros parlant de « la deuxième voiture »… et celle-ci a été détournée par le public homosexuel pour se donner rendez-vous secrètement : « Les homos rentraient dans la deuxième voiture du métro. »

 

Puis quand on regarde les portraits de personnes homosexuelles à la télévision, au cinéma, ou que vous nous observez dans la vraie vie, vous pourrez remarquer que notre vie amoureuse, nos endroits d’homo-sociabilité, nos lieux de travail, sont souvent liés aux rails et aux chemins de fer. Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, est filmée une femme lesbienne de 70 ans en train de marcher le long d’une voie ferrée. Toujours dans ce même reportage, Catherine, une autre femme lesbienne, travaille dans la compagnie des wagons-lits. Dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, le cheminement d’acceptation de l’« identité intersexe » de Déborah est suggéré par les voyages en train de celle-ci.

 

Au « hasard » de mes rencontres, j’ai entendu une femme sexagénaire qui m’a raconté qu’elle a travaillé toute sa vie (pendant 30 ans, quand même) dans la compagnie des wagons-lits, en France. Et elle m’a assuré que la quasi-totalité de ses collègues de travail était homosexuels !

 

Par ailleurs, le petit ami de Richard Descoings (l’ancien directeur de Sciences Po Paris), n’était autre que Guillaume Pégy, directeur actuel de la SNCF. De plus, il existe en France une association LGBT nommée Gare !, regroupant parmi les cheminots et leurs sympathisants, une majorité de personnes homosexuelles.

 

 

Dans le biopic « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, le danseur et chorégraphe homo Rudolf Noureev est passionné de trains électriques. D’ailleurs, il est tout fier d’annoncer qu’il est né dans un train transsibérien. Et le train, par la suite, désigne l’impulsivité de son désir. Dans une scène étonnante où on le voit en train de faire marcher son train électrique, il tente un rapprochement physique avec son camarade de danse Yuri… mais ce dernier marque la distance et installe un rocher-tunnel sur le trajet du train, pour lui faire comprendre qu’il n’est pas intéressé par l’homosexualité. À la fin du film, face à une horde de journalistes, il fait du train sa marque de fabrique, d’identité et sa raison existentielle, et finit en boutade : « Je peux vivre n’importe où. Je suis bien né dans un train ! ».
 

Pourquoi voit-on des recoupements aussi nombreux entre homosexualité et réseau ferroviaire des trains ? Parce que l’un comme l’autre brouillent les frontières du Réel : la première, ce sera plus avec la différence des sexes, le second, ce sera plus avec la différence des espaces, sachant que ces deux différences se font écho et sont les « rocs » d’un même Réel. Au départ, le train accélère l’éloignement du Réel (il permet en effet de passer d’un lieu à un autre, et abolit, par sa rapidité, l’espace-temps de la vie quotidienne), favorise l’illusion-cinéma (comme le fil de la bobine cinématographique), le sentiment amoureux (l’amour sera perçu comme « encore plus beau » dans un train parce qu’improbable, furtif et inaccessible), voire le désir homosexuel lui-même. « J’étais déjà amoureux avant même de l’accueillir à sa descente du train. […] Yann était devant moi, beau et aussi gauche que moi. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), pp. 83-84) ; « Les hétérosexuelles ont toujours un métro de retard quand il s’agit de reconnaître leur attirance pour d’autres femmes. » (Oshen, alias Océane Rose-Marie « la lesbienne invisible », lors de son concert parisien à L’Européen, le 6 juin 2011) ; « Tu m’abandonnais. Tu partais. Dix minutes après, je courais après toi dans les rues du 18e arrondissement. Rue de Clignancourt. Boulevard de Barbès. Rue Doudeauville. Rue… Et le petit pont. Et le petit banc. Tu étais là. Tu m’attendais là. Assis sur le petit banc. Je te rejoignais. Et on regardait ensemble les trains de la gare du Nord passer. Dans le silence. » (Abdellah Taïa s’adressant virtuellement à son « ex » Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 120) ; « J’ai tellement insisté [pour aller voir le spectacle de magie de Fou Man Chou] que ma grand-mère a dû enfiler sa robe à volants, ses mitaines de dentelle, son petit chapeau et ses chaussures à talons. Nous avons pris le train. Pour moi, c’était comme si nous étions partis pour toujours. Légers, sans valise, à la gare centrale. Elle m’a acheté des bonbons. Comme ça, la panoplie nécessaire aux rêves était complète. […] Ce que j’aimais, c’était longer la voix ferrée avec toi. On aurait continué jusqu’à l’infini. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), pp. 150-156) ; etc.

 

TRAIN Inde

 

D’ailleurs, les rencontres amoureuses homosexuelles se concrétisent relativement souvent dans les trains ou dans les lieux de transit que constituent les gares. « C’est dans le train que j’ai rencontré Matthias l’Allemand et son ami Raphaël qui était polonais. On a fait connaissance. On s’est débrouillés pour se retrouver tous les trois dans une voiture, dans un compartiment. Et là, on n’a pas dormi. On a fait l’amour avec le train qui marchait, qui traversait la nuit. » (Abdellah Taïa, le romancier marocain homosexuel, évoquant un « plan à trois » dans un train) Par exemple, les Britanniques George Merrill et Edward Carpenter, qui furent amants pendant 40 ans, se rencontrèrent dans un train.

 

Certains amis homosexuels habitant à Paris m’ont indiqué les lignes de métro les plus prisées pour la drague homosexuelle (la ligne n°1, apparemment), et m’ont raconté les épisodes incroyables qu’ils ont vécus dans les trains-couchettes ou les rames de métro (par exemple, un occupant de leur wagon qui, juste avant de partir, leur a laissé un papier avec un numéro de téléphone préparé à l’avance – le stock déjà prêt… – ; ou bien leurs frasques sexuelles dans des trains de nuit). À tous les coups, j’hallucine car ça me dépasse complètement, ce genre de fonctionnements !

 
 

b) Gare à tes fesses !

Mais l’évacuation du Réel que le train encourage, même si dans un premier temps elle enchante, finit par entraîner certaines personnes homosexuelles dans une course amoureuse folle, souvent destructrice, car ce sont les pulsions et les fantasmes qui prennent le dessus sur l’amour ajusté au concret et aux personnes.

 

Le train peut dire une fuite ou une absence de désir, donc une violence (homosexuelle ou hétérosexuelle : peu importe, c’est pareil). « Le soir, j’étais souvent réveillé par un bruit métallique, un grincement qui augmentait peu à peu. Je croyais qu’un tramway s’était arrêté en face de chez nous et qu’il ne parvenait plus à démarrer. Le conducteur essayait en vain et son véhicule avançait et reculait de quelques mètres, dans un rythme qui devenait effréné, frénétique. C’était comme si voyageaient dans le tramway un singe et son dompteur. Je pouvais entendre les cris hystériques du singe, la voix rauque du dompteur, qui dialoguaient. D’abord ils se disputaient, ensuite ils élevaient la voix, ce n’étaient plus des mots : c’étaient des râles, des soupirs. Il y avait aussi les hurlements du singe très aigus. L’étonnant, c’est que tout s’arrêtait d’un coup. On n’entendait jamais le tramway repartir. D’ailleurs, il n’y avait pas de tramway qui passait devant chez nous. L’eau coulait dans la salle de bains. Au bout de quelques années, tu m’as dit : ‘C’étaient tes parents. »  (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), pp. 153-154) ; « Je fais la chasse aux pigeons dans les toilettes des gares. » (Herbert, homosexuel, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; etc.

 

TRAIN trans metro

 

De manière plus triviale mais aussi inconsciente, la locomotive figure également un symbole phallique, voire même le viol (le train qui rentre en gare, qui sort et qui rentre dans un tunnel, serait comme un pénis qui sodomise ou pénètre un orifice génital ou anal) : « Je me suis pris un TGV dans la figure » (Delphine découvrant brutalement ses sentiments amoureux pour Ghislaine, dans l’émission L’Amour est dans le pré du lundi 18 octobre 2021, sur la chaîne M6) ; « Les transports en commun sont des lieux privilégiés de la transphobie. » (une intervenante lors du débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017) ; « ‘Je la prends par-derrière. Ça me plaît tout autant.’ [Nacho parlant de « la Cochonne », la prostituée de la caravane] Un train passa sur la voie ferrée voisine. La Cravache, la boîte de tôle et de carton, fut violemment ébranlée. Les lumières clignotèrent. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 259) ; « J’avais été trahi par mes parents mais je conservais un caractère à donner ma confiance. Il y avait, près de chez nous, un dépôt SNCF où un ouvrier montait les voitures sur les wagons. On aimait bien l’observer. Il était gentil. Un jour il m’a proposé de l’accompagner chez lui. Moi, j’étais toujours partant pour me balader. Une fois arrivés dans sa chambre, il m’a donné un bonbon, m’a couché sur le lit, et il m’a violé. Moi je trouvais ça bizarre, je ne comprenais pas tout ce qui se passait. À tel point que je suis revenu le voir, le lendemain, avec mon copain. Il nous a virés violemment, soutenant qu’on avait fait des conneries et qu’il ne voulait plus entendre parler de nous. On n’a pas compris ce changement subit d’attitude. Sur le coup, c’est cette trahison-là qui m’a le plus blessé, pas le viol. » (Père Jean-Philippe à 12 ans, Que celui qui n’a jamais péché… (2012), p. 44) ; etc. D’ailleurs, dans les expressions employées dans le « milieu » homo et à l’extérieur, « faire le petit train » ou la queuleuleu suggère souvent une activité libertine. Mais dans les faits, le registre est beaucoup moins comique, étant donné que la rencontre entre le monde des trains et le monde homosexuel se fait souvent à travers la prostitution, le viol, l’infidélité, la clandestinité, la misère sexuelle, les accidents. Par exemple, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa raconte comment il a fini par tromper son homme dans le sous-sol de la gare de l’Est, par une rencontre sexuelle de fortune, violente et furtive. Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, va sur le Grand-8 d’une fête foraine avec son papa. Et on le voit beaucoup dans le métro, ruminant sa solitude.

 

Mylène Farmer en concert (Medley, 1999)

Mylène Farmer en concert (Medley, 1999)


 
 

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Code n°174 – Trio

trio

Trio

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Le trio qui déguise le couple homosexuel, ou qui dit un désir homosexuel latent et non-assumé, c’est vieux comme le monde ! En tous cas en littérature, au cinéma, et parfois dans le réel.

 

L’un des moyens humains qu’une personne homosexuelle emploie pour, en amour, rejeter progressivement les membres de l’autre sexe tout en conservant socialement l’apparence hétérosexuelle qui lui assure une bonne réputation, c’est la bisexualité ; c’est le discret et hypocrite stade intermédiaire du trio. Je dis « hypocrite » car le triolisme louvoie avec la beauté de l’amitié pour la pervertir par l’adultère et par l’exclusion progressive de la tierce personne… car, rappelons-le, l’amour conjugal véritable ne se conjugue pas à trois, mais uniquement à deux (quoiqu’en disent les esprits adoptant de plus l’idéologie des couples libertaires et échangistes).

 

Si elle est mariée à un homme, cette personne homosexuelle (fictionnelle avant tout ; réelle parfois) essaie d’imposer progressivement à son mari sa meilleure amie, ou bien de le pousser dans les bras d’une maîtresse pour que l’adultère de ce dernier justifie son propre adultère lesbien, ou alors carrément pour se partager ensemble la maîtresse. Si l’individu homo est marié à une femme, il essaie d’imposer progressivement à celle-ci son meilleur ami, ou bien de la pousser dans les bras d’un amant pour que l’adultère de cette dernière justifie son propre adultère gay, ou alors carrément pour se partager ensemble l’amant. Si la personne homosexuelle est célibataire, qu’elle soit homme ou femme, elle essaie de s’insérer d’abord en tant qu’ami du couple homme-femme, pour ensuite se rapprocher du membre du sexe qui l’intéresse le plus, et lyncher l’intrus(-e).

 

Dans les trois cas, le motif fictionnel du trio (extrêmement présent dans les œuvres homosexuelles) – ou carrément la réalité du trio – illustre la mise à l’écart de la femme accueillie au sein du couple homosexuel, de l’homme accueilli au sein du couple lesbien, et plus rarement de « l’homosexuel » ou de la personne homosexuelle si le couple femme-homme décide de ne pas se laisser diviser par l’homosexualité (ce qui, en occident, devient de plus en plus rare). Le trio homosexuel des fictions est généralement composé de deux acteurs et d’une actrice (peu de fois l’inverse : la principale victime du trio homosexuel, c’est bien l’héroïne féminine/la femme réelle !), et dit à la fois le fantasme de puissance androgynique du personnage bisexuel (il faut bien être deux moitiés d’Hommes plus une troisième personne entière pour constituer un couple, hétéro ou homo, non ?), et l’homosexualité détournée de chacun des deux hommes. Il exprime également un mépris machiste pour la femme innocente du trio qui se transforme souvent en faire-valoir de virilité, ou bien un rejet du membre homosexuel, donc une misogynie ou une homophobie. Le trio peut représenter aussi, dans le cas où il existe une différence de génération entre l’un des deux hommes et le couple femme-homme, un transfert de la filiation à l’inceste : nous passons du trio familial enfant-papa-maman au « trouple ».

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Quatuor », « FAP la « Fille à pédé(s) », « Destruction des femmes », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Inceste entre frères », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Clonage », « Liaisons dangereuses », « Moitié », « Parricide la bonne soupe », « Espion », et à la partie « Infidélité » du code « Manège », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Un, deux, trois, nous irons au bois…

 

Film "Cabaret" de Bob Fosse

Film « Cabaret » de Bob Fosse


 

a) L’allusion énigmatique et répétée au trio :

 

« Quand on sera grands, on se mariera tous les trois ? » (Christophe, Boris et Ludmilla, dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Tu vois, c’est marrant, à l’aube de nos trente ans, on se retrouve comme quand on en avait vingt ! Toi tu cherchais la preuve que l’amour existe, tu n’en étais pas sûr, Simon la preuve que l’amour n’existe pas, et moi je suis venue ici pour le trouver. Et aujourd’hui, après tout ce temps, on est tous les trois revenus au même point, hein ? » (Polly, l’héroïne lesbienne, s’adressant à Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 121) ; « On peut aimer deux personnes en même temps ? » (Marie, l’héroïne bisexuelle du téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann, prise entre son amour pour son mari Bernd et pour son amante Aysla) ; « Tous les trois, enfants uniques. Qu’est-ce que ça peut vouloir dire ? » (Dick s’adressant à Tom, le héros homosexuel, à propos de leur trouple avec Marge, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; etc.

 

Film « Dare » (« Entre vous deux ») d’Adam Salky

Film « Dare » (« Entre vous deux ») d’Adam Salky


 

Le trio apparaît très fréquemment dans les fictions homosexuelles. C’est d’abord l’« innocent » motif esthétique de l’errance libertaire sans limite (le trio est envisagé comme un terrain d’expérimentation de la sexualité, aux contours volontairement flous : on dira « pansexualité »). Dans le même ordre d’idée, c’est aussi la structure conjugale typique de l’indifférenciation entre l’amitié et l’amour dans les rapports d’adultes très adolescents : cf. le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « Las Cosas Del Querer » (« Les Choses de l’amour », 1989) de Jaime Chavarri, le film « Nagisa No Sindbad » (« Grains de sable », 1995) de Ryosuke Hashiguchi (avec Ito/Yoshida/Aihara), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec Rex/London/Smith), le film « El Sueño De Ibiza » (« Rêve d’Ibiza », 2003) d’Igor Fioravanti (avec Nacho/Carlos/Chica), le film « Wild Side » (2003) de Sébastien Lifshitz, le film « Les Astres noirs » (2009) de Yann Gonzalez (avec Macha/Walter/Nathan), le film « Pourquoi pas ! » (1977) de Coline Serreau, le film « Un Mariage à trois » (2009) de Jacques Doillon (avec Harriet/Auguste/Théo), la pièce Les Amours de Fanchette (2012) d’Imago (avec Agathe/Fanchette/Lucenville qui finissent par former un ménage à trois), le vidéo-clip de la chanson « Popular » du groupe Nada Surf, la pièce Les Indélébiles (2008) d’Igor Koumpan et Jeff Sirerol, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec Élisabeth/Paul/Bernard, qui chipent ensemble dans les épiceries), le film « Some Like It Hot » (« Certains l’aiment chaud », 1959) de Billy Wilder (avec Alouette/Joe/Jerry), le film « La Fin de la nuit » (1998) d’Étienne Faure (avec François/Marc/Laure), le film « L’Homme de désir » (1969) de Dominique Delouche, le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse (avec Sally/Brian/Maximilian), le film « Je t’aime moi non plus » (1975) de Serge Gainsbourg (avec Johnny/Krass/Padovan), le film « Chill Out » (1999) d’Andreas Struck, le film « Le Ciel de Paris » (1991) de Michel Bena (avec Suzanne/Marc/Lucien), le film « Y Tu Mamá También » (2001) d’Alfonso Cuarón (avec Julio/Tenoch/Luisa), le film « Pusong Mamon » (« Cœurs mous », 1998) de Joel Lamangan et Enrico Quizon (avec Annie/son collègue gay/le compagnon de ce dernier), le film « Deux garçons, une fille, trois possibilités » (1994) de Andrew Fleming, le film « A Home At The End Of The World » (« La Maison du bout du monde », 2004) de Michael Mayer (avec Bobby/Jonathan/Claire), le film « Le Journal de Lady M » (1992) d’Alain Tanner (avec Lady M/Diego/la femme de ce dernier), le film « The Trio » (1997) d’Hermine Huntgeburth (avec Karl/Zobel/la fille de ce dernier), la pièce À trois (2008) de Barry Hall, le film « Un Duplex pour trois » (2003) de Danny DeVito (avec Alex/Nancy/Madame Connelly), la chanson « Ma langue au chat » d’Élodie Frégé, le film « El Sexo De Los Ángeles » (« Le Sexe des anges », 2012) de Xavier Villaverde (avec Carla/Bruno/Rai), le film « Castillos De Cartón » (2009) de Salvador García Ruiz, les films « 2, 3, Leben » (2005) ou encore « Cybrâil » (2010) de Tor Iben, le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec Donato/Konrad/Ayrton), etc.

 

Par exemple, dans la pièce Célibataires (2012) de Rodolphe Sand et David Talbot, on assiste à une simulation de séance libertine SM entre Christiane, Antoine et Bruno, sous la tente ; ces trois personnages ont tout du couple androgynique puisqu’ils sont partis faire une chasse au trésor « en couple » mais à 3 ! Dans le roman Paysage avec dromadaires (2014) de Carola Saavedra, Erika vit en couple avec Alex, et ils accueillent chez eux une élève d’Alex, la jeune Karen, avec qui ils vont former un « trouple ». Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, la bande des gays Nicolas/Gabriel/Rudolf est surnommée « les 3 Mousquetaires » tellement ils semblent inséparables (… et « malheureux en amour » ensemble !). Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, c’est carrément l’éloge de l’amour à trois entre Charlotte, Mélodie et Michel, qui couchent les uns avec les autres.

 
 

b) Le trio en tant qu’exclusion de la différence des sexes et du désir homosexuel :

 

b) 1 – Le trio de deux hommes et d’une femme (avec la femme mise à l’écart) : le trio comme symbole de misogynie

 

« Quel trio ! Deux pédés et une pute ! » (Peio parlant du trio Reme/José/Ander dans le film « Ander » (2009) de Roberto Castón) ; « Ça fait combien de temps que tu la supportes, l’autre folle ? » (Philippe, le héros homosexuel s’adressant à son amant, dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier) ; « C’est sans doute la raison pour laquelle il a souvent l’air de s’ennuyer lorsque nous nous trouvons tous les trois ensemble. » (Cecily dans la pièce The Importance To Being Earnest, L’Importance d’être Constant (1895) d’Oscar Wilde) ; etc.

 

Téléfilm "Un amour à taire" de Christian Faure

Téléfilm « Un amour à taire » de Christian Faure


 

Quand le trio des fictions homosexuelles est composé de deux hommes et d’une femme, en général, celle-ci est mise à l’écart. Au pire elle sera traitée de « prostituée », au mieux elle gagnera la médaille de la « bonne copine », de la « fille à pédés », ou de la « mère qu’on tolère »… mais en tous les cas, la femme est mise au second plan par le couple gay : cf. le vidéo-clip de la chanson « Je suis gay » de Samy Messaoud, le film « Dakan » (1997) de Mohamed Camara, le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye (avec Jian Cheng/Li Jing/Wang Ping), la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis (avec Julien/Fred/Alice), le film « Faux semblants » (1988) de David Cronenberg (avec le duo de jumeaux Beverly et Elliot excluant la femme de l’un des deux), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec Watson/Holmes/Ilse), le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon (avec Serge/Paul/Mousse), le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq (avec Emmanuel/Philippe… Fina laissée sur le billot), le film « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure (avec la scène explicite de la balade en vélo, pendant laquelle la belle Sara est à la traîne comparé au couple homo Philippe/Jean qui caracolent à l’avant, sans même l’attendre…), le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson (avec Luca/Leo/Anna), le film « Les Chansons d’amour » (2007) de Christophe Honoré (avec Ismaël/ Erwann/Julie), le film « Les Deux papas et la maman » (1995) de Jean-Marc Longval, la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton, le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (avec Laurent/Cédric… et Carole utilisée par Cédric comme couverture d’hétérosexualité), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec Uloomji/Timofei/Vera), le téléfilm « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve (avec Vincent/Benjamin/Noémie), la pièce Madeleine, elle aime bien ça (2002) de Didier Burel et Hervé Le Pan (avec les deux protagonistes masculins passant leur temps à attendre une femme fictive qui ne viendra jamais), la pièce Son mec à moi (2007) de Patrick Hernandez (avec Daniel/Ludo/Nina), le film « Amour à trois » (1969) de Sergio Capogna (racontant l’histoire d’un garçon amoureux d’un autre garçon, et qui va devenir l’amant de la fiancée de ce dernier afin de mieux atteindre son but), le film « Making Love » (1982) d’Arthur Hiller (avec Zach et sa femme Claire, couple filant le bonheur parfait jusqu’à l’arrivée de Bart qui va convertir Zach à l’homosexualité), le film « Where The Truth Lies » (« La Vérité nue », 2005) d’Atom Egoyan (avec Lanny/Vince/Karen), le téléfilm « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen (avec Alain/Marc/Babette), le film « Clara Es El Precio » (1976) de Vicente Aranda (avec Juan/Kellerman… et Clara, le dindon de la farce), le film « The Woman I Stole » (1933) d’Irving Cummings, le film « Food Of Love » (2001) de Ventura Pons (avec Hector/Richard/Pamela), la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois (dans laquelle Amélie se fait traiter de « salope » par Damien parce qu’elle a couché avec son « frère » Samuel), le film « Liv Og Dod » (« Vie ou mort », 1980) de Svend Wam et Peter Vennerod (le dramaturge/le jeune homme/Gerda la prostituée), le film « Blessure » (2011) de Johan Vancauwenbergh (avec Tom/Marie/Steven), le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro (avec Giovanna qui tient la chandelle entre Léo et Gabriel), etc. Par exemple, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, la jolie Alba est délaissée par Tommaso (il préfère les garçons, et sort avec Marco), qui au départ l’avait embrassée. Dans la pièce Soixante Degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi et Damien se rencontrent dans une laverie. À priori, chacun est hétéro. Mais les femmes dont ils parlent sont soit invisibles (Marie, la copine de Damien et l’ex de Rémi), soit transgenres (Vanina, le drag-queen). Elles sont tellement dématérialisées que Rémi finit par tomber amoureux de Damien. « Marie ne m’a pas remplacé par un con. Elle a toujours bon goût. » dit Rémi à Damien, pour le flatter. La femme est éjectée du triangle amoureux, après avoir été encensée. Le transfert sentimental s’opère chez Rémi : « J’aime le mec de mon ex. » À la fin de la pièce, il n’assume toujours pas cette déviation : « Je ne suis même pas homo. Il y a deux ans, j’ai juste aimé follement l’homme de la vie de l’ancienne femme de la mienne. Depuis, tout est rentré dans l’ordre. » Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, un Allemand, est en couple épisodique avec Oren, un Israëlien marié à une femme Anat, qui finit par se tuer dans un accident de voiture à Jérusalem. Tomas, pour retrouver Oren, couche avec la veuve. Anat est le seul témoin vivant et sensuel qui peut ramener à Tomas, le souvenir d’Oren. Finalement, Anat se fait « sauter » (en décalé) par les deux amants homos. Tomas couche avec elle pour recoucher symboliquement avec Oren.

 

Film "Les Valseuses" de Bertrand Blier

Film « Les Valseuses » de Bertrand Blier


 
 

b) 2 – Le trio de deux hommes et d’une femme (avec l’homosexuel mis à l’écart) : l’homophobie de la bisexualité

 

Quand le trio des fictions homosexuelles est composé de deux hommes et d’une femme, il arrive que ce soit le héros homosexuel qui finisse par être éjecté du couple hétérosexuel. On retrouve ce schéma dans des films où la bienséance imposée par certains pays et certaines époques ne permet pas de laisser le dernier mot à l’homosexualité (celle-ci est présentée comme un accident, un simple jeu, ou une intrusion passagère, dangereuse, voire diabolique) : cf. le film « Noruwei No More » (« La Ballade de l’impossible », 2011) de Tran Anh Hung (avec Kizuki/Naoko/Watanabe), la pièce Casimir et Caroline (2009) d’Horváth von Ödön (avec Casimir/Caroline/Eugène), le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1942) de Luchino Visconti (avec Gino/Giovanna/Giuseppe le gitan éjecté), la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan (avec Roxane/Christian/Cyrano), le film « Tenue de soirée » (1986) de Bertrand Blier (Antoine/Monique/Bob), le film « La Meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller (avec Philippe/Chantal/Marc), le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León (avec Mariela/son mari Miguel/Santiago qui finira noyé), le film « Une Histoire sans importance » (1980) de Jacques Duron (avec Claude/sa copine/Philippe), le film « Ma vraie vie à Rouen » (2001) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec Ludovic/sa copine/Étienne), la pièce L’École des femmes (1662) de Molière, la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti (avec les trois frangins Djalil/Jasmine/François : François est jaloux de Djalil puisqu’il va même soupçonner l’inceste entre Jasmine et Djalil), le film « Amis de table d’hôte » (1910) de Pathé Production, le film « La Chair et le diable » (1927) de Clarence Brown, la chanson « Depuis qu’il vient chez nous » de Dalida, etc. La femme est parfois celle qui dresse les deux hommes l’un contre l’autre… dans tous les sens de l’adverbe ! : cf. la pièce Bodas De Sangre (1933) de Federico García Lorca, le film « West-Side Story » (1961) de Robert Wise (avec Tony/Maria/Bernardo), etc.

 

Film "Je t’aime toi" d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky

Film « Je t’aime toi » d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky


 

« Comme trio, on ferait la paire ! » (le cruel Beetlejuice s’adressant au couple Barbara/Adam dans le film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton) ; « Tout est en place. Le troisième acte s’est bien installé, les personnages – Mimi, Rodolfo, Marcello – ont eu le temps de nous situer dans l’action : Mimi tousse de plus en plus, Rodolfo prétend vouloir l’abandonner, Marcello se trouve coincé entre eux, éternel confident de deux amants qui s’adorent sans pouvoir se supporter. » (la première phrase du narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 17) ; etc.

 

Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, le trio amoureux Phil/Nicholas/Katya est très toxique : au départ, Phil sort avec Nicholas, et les deux hommes rejettent « Kat », la meilleure amie de Phil, jalouse de lui… et finalement, Phil finit par surprendre Nicholas et Katya en train de coucher ensemble dans le cabanon de Nicholas, et décide de rompre définitivement avec Nicholas car il ne veut pas « le partager ». Se sentant trahi, il coupe également tout contact avec « Kat ». Pourtant, Nicholas se satisfaisait pleinement de leur combinaison : « On pourrait continuer tous les 3. J’ai besoin de vous deux. »
 

Fictionnellement, il n’est pas anodin que le diable soit parfois le membre extérieur qui s’immisce par le biais de la séduction homosexuelle dans le couple femme-homme pour en faire un trio mettant en danger l’unité du duo (la mise à mort finale du « tentateur homosexuel » est d’ailleurs un rituel punitif fréquent des intrigues homo-érotiques, présenté comme la restauration d’un équilibre) : cf. le film « Le Trio infernal » (1974) de Francis Girod (avec Georges/Philomène/Catherine), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec le Dr Frank-N-Furter/Janet/Bard), le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec l’inconnu/la mère/le père), le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1942) de Luchino Visconti (avec Giovanna/Bragana/Gino), le film « Nettoyage à sec » (1997) d’Anne Fontaine (avec Jean-Marie/Nicole/le beau Loïc qui finira par être tué), le film « Reflections In A Goldeney » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec le major Weldon/Leonora/le jeune William qui finira par être assassiné), le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann (avec Rovo/la Tonka/Abram, le héros mis à mort), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1959) de Joseph Mankiewicz (avec Catherine/Mrs Venable/Sebastien qui finira assassiner), etc.

 
 

b) 3 – Le trio de deux femmes et d’un homme (avec l’homme mis à l’écart) : le trio comme symbole de misandrie

 

« On avait un plan tous les trois. Esti et moi, nous irions ensemble à l’université à Manchester, et Dovid nous rejoindrait à son retour de la yeshiva en Israël. On serait ensemble, à trois. » (Ronit et sa compagne Esti, rejetant dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 247) ; « Si seulement c’était un vampire, il serait parfait. » (Amy en parlant de Liam, le copain de son amante Karma, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; etc.

 

On a aussi le cas du trio de deux femmes et d’un homme, où cette fois c’est l’homme qui finit sur le carreau : cf. le film « Elena » (2011) de Nicole Conn (avec Elena/son mari/Peyton), le film « Navidad » (2009) de Sebastián Campos (Aurora/Alicia/Alejandro), la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim (avec Sébastien/Marcy/Anne-Liz), le film « La Manière forte » (2003) de Ronan Burke (avec les deux héroïnes lesbiennes qui vont jusqu’à violer Adam dans la nuit pour lui piquer son sperme), le film « Fino A Farti Male » (2004) d’Alessandro Colizzi (avec Lara/Martina/Martin), le film « Between Two Women » (2000) de Steven Woodcock (avec Kathy/Ellen/Geoff), le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald (avec Dotty/Stella/Prentice), le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan (avec le trio incestuel Steve/Diane/Kyla, qui finit par l’hospitalisation forcée de Steve), etc.

 

Par exemple, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Jean-Pierre, Catherine, Fanny composent un trio libertin explosif. Jean-Pierre est jaloux et prend ombrage de la complicité des deux femmes : « Il me semble que je n’y étais pas. » Jean-Pierre est l’homme rejeté par les deux femmes lesbiennes, dont Fanny sa femme : « Maintenant, je pleure. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, sir Harold Nicolson, le mari-couverture de Vita Sackville-West, lesbienne vivant une liaison avec Virginia Woolf, souffre d’être mis à l’écart : « Tu veux le beurre, l’argent du beurre… et toutes les crémières ! […] Ça me blesse. »
 

Le trio est un moyen pour glisser discrètement en actes vers une homosexualité. Par exemple, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, l’héroïne lesbienne, afin de pouvoir vivre librement ses aventures lesbiennes sans que son mari l’en accuse, tente de pousser ce dernier à l’adultère… comme cela, ils seraient quitte dans le vice : « Le principe de l’action est simple : le pousser à la faute avec une autre femme et le surprendre dans ses ébats. » (p. 165) Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, le trio gay friendly William/Georges/Adèle (couple homo + fille à pédés) forme une coalition pour mater « l’hétéro » homophobe Pierre qui a eu la cuistrerie de draguer franchement Adèle (Non mais dis donc !) Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, c’est un mort, Buddy (le grand-frère de Idgie, et le fiancé de Ruth), qui réunit les deux femmes.

 
 

b) 4 – Le trio de deux femmes et d’un homme (avec la lesbienne mise à l’écart) : le trio comme symbole de lesbophobie

 

Parfois, le trio d’homosexualité est composé de deux femmes et d’un homme, et cette fois, c’est l’héroïne lesbienne qui est éjectée : cf. le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman (avec Ronit/Dovid/Esti), le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan (avec David/Chloé/Catherine), le roman Huis clos (1943) de Jean-Paul Sartre (avec Inès, l’héroïne lesbienne se présentant comme « damnée »), le film « Ô trouble » (1998) de Sylvia Calle (avec Inès/le frère d’Inès/Laura), le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Mariam Keshavarz (avec Atafeh/son mari/Mehran, celle qui décidera de partir), le film « Émilienne » (1975) de Guy Casaril, etc.

 

En général, l’homme de ce trinôme est soit un mari hors paire, un modèle de force et de compréhension, soit un concurrent indépassable, macho, qui se sert des deux femmes pour les dresser l’une contre l’autre (dans tous les sens de l’adverbe) et pour prouver la toute-puissance de sa virilité : cf. la pièce Le Jour de Valentin (2009) d’Ivan Viripaev, le film « Les Biches » (1967) de Claude Chabrol (dans lequel Why et Frédérique, les amantes lesbiennes, se disputent le jeune architecte Paul ; au bout du compte, Why tuera Frédérique), le film « Harlis » (1972) de Robert Van Ackeren (dans lequel Raymond finit par séduire Harlis, une femme lesbienne en couple avec sa copine Ria… ce qui attise bien sûr les foudres de Ria), etc. Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, le trio composé du couple lesbien Mary/Stephen ainsi que de Martin (intéressé par Mary), saupoudré de bisexualité, est défini comme une « étrange trinité » (p. 555), insupportable à vivre pour chacun des membres.

 
 

b) 5 – Le triolisme (3 garçons homos ou trois filles) : le trio comme symbole d’infidélité

 

Il arrive que le couple homosexuel fictionnel, lassé de vivre une « solitude à deux », cherche à masquer son ennui en y intégrant une tierce personne, pour se fuir soit dans les amitiés extérieures soit dans la débauche. Les brochettes de 3 homos – amicales « et plus si affinités » – ne manquent pas dans les fictions homo-érotiques : cf. le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, le film « Tan De Repente » (2002) de Diego Lerman, la pièce Le Roi Lune (2007) de Thierry Debroux, le film « Arisan ! » (2003) de Nia di Nata (avec Memey/Sakti/Andien), le film « Far West » (2003) de Pascal-Alex Vincent (avec Éric et ses deux copains de la ville), le film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka (avec X/Andrew/Joey), le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin (avec Larry/Hank/Alan), etc.

 

Film "And Then Came Lola" d'Ellen Seidler et Megan Siler

Film « And Then Came Lola » d’Ellen Seidler et Megan Siler


 

Le trio est magnifié comme une relation de couple améliorée, avec valeur ajoutée (= l’amitié ou l’infidélité) : « La bonne avait envers Marie des gestes de tendresse dont la seule vue me mettait dans un état de désir intense et déclenchait une excitation qui me faisait mouiller. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 150) ; « J’veux dormir avec vous deux… même si on ne baise pas. » (Arthur s’adressant à Jacques, son amant régulier, et Mathieu, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; « On est des copains. » (Mireille s’adressant à ses amants Dominique et Marcel, « mariés » par un « mariage pour tous » blanc, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; etc. Par exemple, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Thierry, le héros homosexuel, est de temps en temps infidèle à Martin : il décide de vivre un triolisme avec Rodin et Constance. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand associe les trois mousquetaires à une union homosexuelle libertine : « Les Trois Mousquetaires font une petite épilation avant une bonne sodomie. Trois mecs tout le temps ensemble, ça crée du lien. »

 

En réalité, on découvre que le fantasme du trio ne trouve sa saveur (éphémère) que dans une jalousie mutuelle, et son utilité que dans l’ombre dénégatrice qu’il projette temporairement sur le manque d’amour vécu au sein du couple homosexuel stricto sensu. Par exemple, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Suki, l’une des héroïnes lesbiennes, souffre de la fusion entre Juna et Kanojo. Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Rosa, la prostituée, se voit courtisée par deux clients qui veulent coucher avec elle séparément. Mais elle fait tout pour les réunir pour un plan à trois :« Si vous voulez, on peut monter tous les trois. ». Au départ, le client 1 rechigne un peu, et finit par se laisser tenter : « Moi, ça me va… du moment qu’il ne me tripote pas. » Après avoir couché ensemble, les deux hommes prennent leur douche ensemble et se comparent leur bite. Rosa s’en amuse, et fait tout pour les homosexualiser : « Vous en avez fait, des folies ! J’espère que j’ai pas suscité une vocation. » Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Lola trompe sa copine Vera d’un commun accord avec Nina. Un trio diabolique s’organise autour des calculs machiavéliques de Vera, et pour faire tomber Nina : « Nina, tu es une fantaisie que j’accorde à Lola. » (Vera s’adressant à sa rivale Nina). Dans le film « Babysitting » (2014) de Philippe Lacheau, Sam et Franck s’embrassent à leur insu dans le noir (une Dark Room d’un parc d’attractions), mauvaise blague orchestrée par Sonia que les deux hommes se disputent : en découvrant les images, ça ne les fait pas rire du tout.

 
 

c) Le trio en tant qu’irréalité, que désir de se prendre pour Dieu :

« À deux, on s’amuse. Mais à trois, on s’éclate ! » (le Maître de cérémonie du spectacle musical Cabaret (2011) de Sam Mendes et Rob Marshall) ; « Le trio s’enroule autour de moi, je me vautre dedans, je vis avec une grande délectation les trois malheurs qui se déploient en même temps dans mon oreille, je peux vivre simultanément trois malheurs, c’est ça, je crois, qui me plaît le plus. » (le narrateur homo parlant de l’opéra La Bohème de Puccini, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 18) ; « Il va nous détruire. Il nous laissera jamais. Il faut que je m’en débarrasse. » (Fabien, homosexuel, s’adressant à son amant Hugues à propos de son amant Herbert, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « Fabien, Herbert et moi : deux crocodiles et un pigeon. » (Hugues, idem) ; « J’ai rencontré le Grand Amour. Comme dans les contes de fée. On s’est trouvés dans un plan à trois. Le coup de foudre. Il m’a fait un vrai festival de Cannes » ; « Nous devrions tous baiser. Femmes, hommes, animaux, tous en même temps. Que nous finissions tous ensemble, et que le monde explose, et nous mourrons comme ça, heureux. » (Hernán s’adressant à Fede à qui il propose un plan à trois avec son partenaire régulier, dans le film « El Tercero » (2014) de Rodrigo Guerrero) ; « Nous formons avec Marie ce que nous appelons un trio. C’est quelque chose de rare. » (Seb et Loïc, en couple homo, parlant de « leur » fille-à-pédés, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc.

 

On se rend compte que le trio représenté dans les fictions traitant d’homosexualité dénature la réalité de l’identité (le trio peut être le signe à la fois d’orgueil et de schizophrénie). Par exemple, dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon rit de son identité d’OVNI télévisuel en tant que femme, homosexuelle et noire : « Ces trois personnes, c’est moi ! » Le trio dénature également la réalité du couple, formé normalement de deux personnes seules. Pire, il la divise (en croyant l’élargir), au nom par exemple de la constitution d’une famille sentimentale, amicale (… et parfois « un peu » biologique), au nom d’une fusion dite « spirituelle » entre ses trois participants, au nom du progrès, de « l’évolution » de la société, de la convivialité, de la force politique (le trio est dit par nature « transgressif » et « révolutionnaire »), du libertinage, de l’égalité : « Tu vois, c’est tellement anticonstitutionnel d’être pédé et d’aimer une nana, je veux dire de vivre un couple à trois comme on fait, c’est tellement hors-norme que les gens nous en veulent presque de le vivre. » (Simon parlant de son trio avec Polly – la lesbienne – et Mike – son ami/amant –, dans le roman Des chiens (2012) de Mike Nietomertz, p. 46)

 

Par exemple, dans le film « Rue des roses » (2012) de Patrick Fabre, Medhi et Axel, en couple homo, intègre la petite fille du premier, Allison : cette dernière fait peu à peu copine-copine avec le copain de son père. Dans le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, Marie et Francis se disputant le même homme, Nicolas, la figure de l’androgynique christique.

 

Derrière le motif du trio se cache au fond le fantasme de se prendre pour Dieu, d’incarner la Trinité (Père-Fils-Esprit Saint), mais une Trinité pour le coup désincarnée, tournée sur elle-même, excluante, androgynique : cf. la chanson « Line » de Nicolas Bacchus (avec la notion de trio androgynique), le roman Le Bal du Comte d’Orgel (1924) de Raymond Radiguet (où l’on retrouve des couples à deux ressemblant à des couples à trois), le film « 2 × Adam, 1 × Eva » (1959) d’Herbert Jarczyk, le film « Les Valseuses » (1974) de Bertrand Blier (avec Jean-Claude/Marie-Ange/Pierrot), le film « Jamais deux sans trois » (1951) d’André Berthomieu, la pièce Un Rôle pour deux actrices et demie (2012) de Christine Berrou, etc. Le trio est la symbolisation d’un désir schizophrénique (donc homosexuel et hétérosexuel), comme le montrent les propos de John, la lesbienne de la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, qui s’adresse à ses deux compagnons Marilyn et Elvis en ces termes : « Faites comme si vous étiez seuls… mais à trois. » On retrouve l’idée d’égocentrisme à trois en bouche d’autres personnages homosexuels : « La petite sera le bras, Marie, la tête, et moi, la décision. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne parlant de ses deux bonnes avec qui elle couche de temps en temps, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 140)

 

Par exemple, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), le trio qu’incarne à lui seul le travesti M to F David Forgit – la grand-mère Mémé Huguette, la mère, et la fille Gwendoline – symbolise trois schizophrénies… et, au bout du compte, une misandrie ainsi qu’une misogynie.

 

Le trio rappelle finalement l’échec cuisant du héros homosexuel qui n’est pas passé loin de la différence des sexes, ni de l’amour homosexuel. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent commence à tomber amoureux de Victoire, « la femme qu’il a toujours voulu épouser » dira-t-il, mais au lit, face à un autre concurrent plus fort que lui, qui pose sa main sur la sienne (qui caressait Victoire) puis l’évacue, il abandonne la course…

 

Pour compléter la réflexion sur ce code, je vous renvoie au code « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’allusion énigmatique et répétée au trio :

« Dédié à nous trois. » (cf. la dédicace de Marguerite Radclyffe Hall à son roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude, 1928)

 

Il existe dans le réel des « petits arrangements amoureux à trois » : soit dans le cas de la bisexualité (On peut penser à un « trio » célèbre, Henry Miller/sa femme June/Anaïs Nin), soit dans le cas de l’infidélité consentie dans l’homosexualité (cf. Yves Saint-Laurent/Pierre Bergé/Bernard Buffet). Je connais certains cas dans ma vie personnelle.

 

Je ne suis pas le premier à parler de ce thème. Quelques rares études ont déjà été menées pour traiter du trio comme un emblème spécifiquement crypto-gay. Je pense notamment aux timides travaux d’Ève Kosofsky Sedgwick (Essays On Critical Theory And Queer Culture, 1998) montrant rapidement que le trio est le signe avant-coureur d’une homosexualité latente entre les deux voire les trois personnes de même sexe qui le composent, un symbole de misogynie. En revanche, je pense que ma lecture de ce symbole va un peu plus loin car elle ne cherche pas à prouver une quelconque essence homosexuelle ou amour homosexuel, ni une thèse victimisante anti-hommes ou anti-hétéros. Je m’applique simplement à expliquer que le trio homosexuel, fictionnel comme réel, dit une misogynie, une misandrie, une misanthropie, une homophobie, sociales et intrinsèques aux désirs homosexuel et hétérosexuel.

 

TRIO noir

Film « Antarctica » de Yair Hochner


 
 

b) Le trio en tant qu’exclusion de la différence des sexes et du désir homosexuel :

Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, confesse qu’il est en « ménage à trois » avec Felipe et Alvaro, et que ça lui convient très bien.
 

Le triolisme, comme l’explique très justement Éric Zemmour dans son essai Le Premier Sexe (2006), est un simulacre d’accueil de la différence des sexes, une agression faite à la masculinité et la féminité même, un élan prometteur mais avorté vers l’autre sexe parce qu’il n’est pas assumé jusqu’au bout et qu’il est englué par un effet de mode pro-homosexualité beaucoup plus arbitraire et télévisuel qu’on ne croit : « Et si nombre d’homosexuels n’étaient pas victimes d’une erreur de perspective en confondant leur désir mimétique pour le fameux tiers avec un désir homosexuel du même ? Paul ne désire pas Pierre, mais il désire Valérie en Pierre. Nuance. […] Le trio mari, femme, amant doit être revu avec ces lunettes. […] L’intercesseur du désir des hommes est désormais l’homosexuel. […] Pour plaire aux femmes, l’homme doit se comporter comme un homosexuel. » (pp. 66-67) René Girard parle de ce curieux triangle amoureux : « Je voudrais rapporter le cas, que j’ai pu observer récemment, d’un jeune homme, fiancé à une jeune femme de la façon la plus bourgeoise, et qui tombe amoureux d’un homme plus âgé que lui, qu’il prend de son propre aveu d’abord pour modèle, puis pour maître et enfin pour amant. Cet amant lui-même, bien que ‘purement homosexuel’, me racontera plus tard que, nullement attiré par mon malade au départ, il n’avait été intéressé que par la présence de sa fiancée et la situation triangulaire créée lors d’un dîner. Lorsque le malade, jaloux de son amant, abandonna pour lui sa fiancée, cet amant se désintéressa complètement de lui. Interrogé par moi sur les raisons de ce revirement, il me dit : ‘L’homosexualité, croyez-moi, c’est vouloir être ce que l’autre est.’ » (Jean-Michel Oughourlian cité dans l’essai Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978) de René Girard, pp. 469-470)

 

Film "Les Chansons d'amour" de Christophe Honoré

Film « Les Chansons d’amour » de Christophe Honoré


 

Comme je le disais en introduction, les couples à trois, qui échangent des actes aussi bien homosexuels qu’hétérosexuels (ils préfèrent ne pas les définir, d’ailleurs !), sont beaucoup plus fréquents qu’on ne le pense au sein du « milieu homosexuel » (il n’y a qu’à voir la flopée d’hommes mariés et de femmes mariées mettant timidement les pieds dans la communauté homosexuelle pour s’en convaincre). Ils témoignent d’un inconscient mépris de la différence des sexes et du Réel.

 

En effet, si elle est mariée à un homme, la personne homosexuelle qui veut vivre une polysexualité essaie d’imposer progressivement à son mari sa meilleure amie, ou bien de le pousser dans les bras d’une maîtresse pour que l’adultère de ce dernier justifie son propre adultère lesbien, ou alors carrément pour se partager ensemble la maîtresse. Si l’individu homo est marié à une femme, il essaie d’imposer progressivement à celle-ci son meilleur ami, ou bien de la pousser dans les bras d’un amant pour que l’adultère de cette dernière justifie son propre adultère gay, ou alors carrément pour se partager ensemble l’amant. « Ils en arrivent fréquemment à jeter leur propre femme dans les bras d’hommes auxquels ils aimeraient s’offrir eux-mêmes. Ces complaisances sont généralement suivies de crises de jalousie. Beaucoup de drames et de crimes de la jalousie proviennent ainsi de ce genre d’homosexualité latente. Le dégoût que les invertis éprouvent à l’égard de la femme, ils le retrouvent devant le partenaire passif avec lequel ils viennent de s’accoupler et qui est devenu ainsi l’être féminin. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 260) Si la personne homosexuelle souhaitant vivre le triolisme est célibataire, qu’elle soit homme ou femme, elle essaie de s’insérer d’abord en tant qu’ami du couple homme-femme, pour ensuite se rapprocher du membre du sexe qui l’intéresse le plus, et lyncher l’intrus(-e).

 

Film "The Houseboy" de Van Spencer Lee Schilly

Film « The Houseboy » de Van Spencer Lee Schilly


 

En ce moment, les projets d’homoparentalité (par GPA – Gestation Pour Autrui –, par insémination artificielle, par arrangement amical entre deux couples homos), en plus d’imposer le trio (voire le quatuor !) comme socle idéal et réel des « nouvelles familles » (car c’est bien des familles à minimum 3 parents que les militants homos proposent de former et de légiférer !), rentrent parfaitement dans la mouvance de misandrie et de misogynie sociales que nous vante la plupart des médias et des lobbies pro-gay : cf. le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau (avec le couple lesbien Clara/Lise qui se sert d’Alexandre pour « avoir un enfant »).

 

Par exemple, les couples homosexuels d’hommes louant le ventre d’une femme pour qu’elle porte « leur » enfant, et qui dans la plupart des cas se débarrassent ensuite de la mère (avec son consentement, c’est ça le drame, puisqu’elle repart avec le fric, et au mieux son statut de gentille « génitrice/marraine existante ») parlent bien, par leur pratique de la GPA, de cette « exploitation mutuelle » (donc misogyne et misandre) vécue dans la structure éphémère du trio (Je ne fais que citer les propos de la mère porteuse rapportés pendant la conférence « L’Homoparentalité aux USA » de Darren Rosenblum à Sciences-Po Paris, le 7 décembre 2011).

 

Et dans le discours des couples homosexuels qui obtiennent un enfant par insémination artificielle, on observe clairement que non seulement la réalité du fantasme du trio dans le cadre temporaire de la conception de l’embryon est souvent niée, mais qu’en plus l’exclusion de la différence des sexes est délibérée : « On est deux, pas un trio. » (Pascale et Julie, « mères » lesbiennes ayant eu un enfant par insémination artificielle avec donneur anonyme, donc en éjectant le père après utilisation, au micro de l’émission 7 minutes pour une vie intitulée « Homoparentalité : Le Parcours de deux mamans et deux papas », dans Le Magazine de la Santé sur la chaîne France 5, diffusée en décembre 2009)

 

Le trio homosexuel dénature la réalité du couple, formé par essence de deux personnes seules. Pire, il la divise (en croyant l’élargir), au nom par exemple de la constitution d’une famille sentimentale, amicale (… et parfois « un peu » biologique), au nom d’une fusion dite « spirituelle » entre ses trois participants, au nom du progrès, de « l’évolution » de la société, de la convivialité, de la force politique (le trio est dit par nature « transgressif » et « révolutionnaire »), du libertinage, de l’égalité : « Ernestito, Mirna et Pepe étaient devenus inséparables. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 282) ; « Ce qu’on essaie de nous faire oublier dans la revendication d’égalité des couples homosexuels [par rapport aux couples femme-homme], c’est que chez eux ce n’est pas le couple qui fera l’enfant mais un trio. Un trio au minimum, un quatuor dans certains cas, mais pas un couple. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 205)

 

Dans les faits, soit la réalité du trio est totalement niée (dans les cas d’homoparentalité principalement), soit totalement idéalisée (dans les cas de l’infidélité). J’ai déjà entendu des amis homos en couple – depuis parfois une trentaine d’années ensemble – justifier le fait qu’ils accueillaient de temps en temps dans leur lit une troisième personne pour « pimenter » leur couple, comme un « cadeau » qu’ils s’offraient mutuellement. Le concept de « trio » est alors applaudi et magnifié comme une « relation de couple améliorée avec valeur ajoutée ».

 
 

c) Le trio en tant qu’irréalité, que désir de se prendre pour Dieu :

Derrière le trio se cache en général le fantasme très inconscient, et finalement particulièrement destructeur, de se prendre pour Dieu, d’incarner la Trinité (Père-Fils-Esprit Saint), mais une Trinité pour le coup désincarnée, tournée sur elle-même, excluante, préservative, peu ouverte sur la vie concrète, androgynique. « Être homosexuel, être Juif, être Blanc sont les 3 jambes sur lesquelles je marche. J’aime utiliser ma judaïté. » (Steven Cohen, le performer transgenre M to F, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte) Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la comédienne transgenre F to M, pendant qu’elle chante « Are You Boy Or Girl ? », reçoit des spots de couleurs qui projettent sur un mur blanc trois ombres colorées d’elle : une bleue, une rose, une jaune. Signes de sa schizophrénie mégalomaniaque.
 

En d’autres termes, quand le trio s’actualise conjugalement dans le réel, on se retrouve face à trois personnes qui se considèrent et qui s’utilisent plus ou moins sciemment comme des objets de consommation : « Kamel comprit qu’un couple se formait. […] Cette fois il avait composé le trio idéal : remplacer l’insignifiante Julie par David le magnifique, quelle idée de génie ! Une femme, un homme, et lui moitié homme, moitié femme… » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 35) Pascal (le philosophe) avait bien raison : qui veut faire l’ange fait finalement la bête… et l’objet !

 
 

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Code n°175 : « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau… » (sous-codes : Bas-haut / Horizontalité-verticalité / Adieux / Amour impossible)

Un Petit Poisson

« Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau… »

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

« Dieu dit : ‘Que les eaux grouillent de bestioles vivantes et que l’oiseau vole au-dessus de la terre face au firmament du ciel.’ Dieu créa les grands monstres marins, tous les êtres vivants et remuants selon leur espèce, dont grouillèrent les eaux, et tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon. » (Gen, 1, 20-22 ; extrait de la TOB, au quatrième jour de la Création)

 

« Vus d’en haut, nous sommes tous des nains. Vus d’en bas, tous des géants. Il nous faut retrouver un regard horizontal. » (Eduardo Galeano, dans le documentaire « L’Amérique latine, à la reconquête d’elle-même » de Gonzalo Arijón, diffusé sur la chaîne ARTE, en 2008)

 

 

La vie sans les trois dimensions (haut/bas/profondeur), sans la perspective, sans centre

 

Comme le désir homosexuel ne part pas prioritairement du Réel et n’est pas attiré par Lui, puisqu’il éjecte ou magnifie excessivement la différence des sexes (qui, je le rappelle, est LE socle du Réel sans lequel nous ne serions pas là pour en parler), il est logique que l’individu qui le ressent et qui s’y adonne n’ait pas une vision du monde et des Hommes en trois dimensions : le haut, le bas, et l’horizontal (… autrement dit le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, figurés par la croix de Jésus). Souvent, les personnes homosexuelles pratiquantes, dans leur manière de vivre et d’aimer, vivent les montagnes russes, passent cyclothymiquement d’un extrême à l’autre, expérimentent la violence oscillatoire d’un mouvement de balancier en dents de scie qui sépare excessivement le haut et le bas, ou, ce qui revient au même, qui les fait fusionner. Dans les deux cas, il n’y a pas de place pour la relation ni pour la matière, le volume, le relief, la perspective, la profondeur, le Sens, l’Amour.

 
 

L’Amour comme un écran plat ou un précipice

 

Leur folie des hauteurs homosexuelle (cf. je vous renvoie aux codes « Planeur », « Icare », « Femme au balcon », et « Se prendre pour Dieu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) traduit fantasmatiquement une focalisation sur une horizontalité niant toute verticalité, et vice versa. Au niveau du désir homosexuel, il semble que le haut et la bas aient du mal à se rencontrer : dans l’iconographie homosexuelle sont souvent mis en opposition (et en fusion !) le monde aérien de l’oiseau et le monde aquatique du poisson. C’est peut-être ce qui fait dire à Pierre Verdrager, dans son essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007), que « les homosexuels sont parfois dans le monde social comme des poissons dans l’air. » (p. 113) Le désir homosexuel tend vers les extrêmes pour empêcher l’individu de regarder les choses en face, à la bonne hauteur, et en profondeur. Dans les œuvres homo-érotiques, les êtres se déplaçant lentement à l’horizontal (par exemple le cygne glissant sur l’eau, la femme courant dans la forêt, le funambule marchant droit sur une corde raide, l’horizontalité du fleuve, le déplacement rectiligne de la reine du carnaval sur son char, etc.) sont constamment sous la menace de la chute (le cygne noyé chez les néo-baroques, la femme dans la forêt violée et tombant à terre, les chutes d’eau, l’intronisation-détronisation de la reine du carnaval, etc.). En désir, la majorité des personnes homosexuelles sont trop horizontales dans leur volonté de fusion à la terre ou à l’être aimé (c’est pour cette raison qu’elles craignent la chute et qu’elles ne la voient pas venir), et trop verticales (elles planent et ne considèrent plus la Réalité).

 

Au lieu de prendre réellement de la distance par rapport à l’objet d’amour, elles s’y identifient dans l’émotionnel et se soustraient au travail de détachement par la mise en scène parodiée du départ. Elles adorent les créations de la solitude, des adieux larmoyants, de l’amour impossible. C’est pourquoi, iconographiquement, beaucoup d’auteurs homosexuels mettent en scène deux créatures qui ne pourront jamais se rencontrer et s’aimer à cause de la différence radicale de leurs milieux naturels respectifs, sur le modèle de la chanson « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » de Juliette Gréco.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Fusion », « Animaux empaillés », « Manège », « Femme allongée », « Doubles schizophréniques », « Funambulisme et Somnambulisme », « Se prendre pour Dieu », « Liaisons dangereuses », « Désir désordonné », « Aigle noir », « Eau », « Amant narcissique », « Icare », « Femme au balcon », « Planeur », « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre », « Lune », « Mort = Épouse », « Sirène », « Voyage », et à la partie « Mélodrame » du code « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Nager comme un oiseau dans l’eau !

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Curieusement, dans les fictions traitant d’homosexualité, des fusions fantasmatiques hybrides se font entre animaux terrestres et animaux marins, entre volatiles et poissons (et pourtant, il ne s’agit pas uniquement de canards, je peux vous l’assurer !) : cf. le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan (avec les oiseaux rasant l’eau de la mer), le film « Navidad » (2009) de Sebastián Campos (avec, en scène finale, l’image d’un personnage en plastique maintenu debout par l’air sortant d’une bouche d’aération urbaine, suivie d’un fondu enchaîné sur un torrent d’eau où nagent des poissons regardé par Aurora), etc. « Embrasse-moi la bouche encore encore encore comme ça. J’ai des plumes. Gentils poissons. » (cf. le poème « Lever le ventre » (1915-1917) de Gertrude Stein) ; « J’aime mon petit oiseau qui s’ébat dans l’eau. » (la voix narrative du poème « Minicamba » (2008) d’Aude Legrand-Berriot) ; « Je suis pas un poisson. Je suis pas un oiseau. » (Manu dans le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné) ; « Nage nage petit poisson. Vole vole le papillon. » (cf. la chanson finale du film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne) ; « I’m not a cat, I’m not a fish, I’m a catfish, I’m a dog. » (Stan dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Je m’appelle pas Canard, mais Rouge-Gorge. » (Mimile roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 70) ; « Aïe ! Une abeille dans la baignoire ! » (cf. une réplique de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « La mouette ! La mouette qui veut voler dans l’évier ! Elle est en pleine forme ! […] Regarde comme elle flotte ! On dirait un canard en celluloïd ! » (Luc, l’un des héros homosexuels de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Plus le poisson volant se prend pour un oiseau, moins il a de chances de bien nager. » (Joséphine à propos de Thierry, le héros homosexuel, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche ; épisode 8, « Une Famille pour Noël ») ; « Je veux juste flotter. […] Pourquoi elle m’envoie des photos de nuages ? » (Suki, l’héroïne lesbienne voulant rejoindre son amante Kanojo à la piscine, et recevant d’elle des photos en direct, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Qui donc que Dick baptiserait son bateau ‘Bird’ ? » (Marge, la compagne de Dick, le héros bisexuel, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; « Regarde les poissons volants ! » (Joe s’adressant à Jerry, dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, le héros homosexuel efféminé, parle à un moment à ses amis de bains aquatiques et d’avion sans qu’on comprenne vraiment pourquoi : « Je prends les deux. Je vais sur la Côte Ouest. » Bernard ironise : « Tu pourras jamais te passer des bains. » Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Atos Pezzini, homosexuel, chaperonne des petits jeunes artistes qui veulent évoluer dans le monde du théâtre : par exemple, il définit Diego, son assistant (habillé en marin), comme « son poisson-pilote ». Dans le film « 510 mètres sous la mer » (2008) de Kerstin Polte, on assiste à une histoire sentimentale lesbienne se déroulant dans un aéroport, avec un avion qui ne décolle pas. Dans le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, l’enfant-poisson est associé au « devenir ange ». Dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi, le héros travesti M to F accouche de poissons volants, ou parle à des mammifères semi-terrestres, semi-aquatiques : « Ah la saloperie de cacatoès qui me taillade le clitoris avec son bec ! » ; « Des poissons cacatoès volants ! » ; « J’ai quelqu’un sur ma ligne ! C’est un perroquet ! Dehors ! Dehors ! Rentre dans ta cage ! Dans ta cage ! Allô, allô, allô, allô ? C’était un poisson cacatoès, il y en a partout ! » Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, Line la bourgeoise travestie M to F, en feignant de se balader sur un marché de Lorient, compare chaque catégorie de poissons qu’elle voit sur les étalages des maraîchers à une catégorie d’homos, et à un moment, elle fait référence à des poissons volants. Le titre du roman Le froid modifie la trajectoire des poissons (2010) de Pierre Szalowski, traitant d’une intrigue homosexuelle sur fond de grand froid paralysant la ville de Montréal, induit que l’homosexualité est une déviation (pour ne pas dire péjorativement « déviance ») de la trajectoire de la sexualité incarnée, aquatique ou terrestre. Dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion, le couple homo Seb/Loïc défie Charles, l’hétérosexuel, en se présentant comme « juste une communauté qui nage à contre-courant dans votre océan ».

 

Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, les Rats (c’est-à-dire l’animalisation des homos et d’une société bisexuelle) et le Diable des Rats veulent d’un monde uniformisé où eux seuls décrèteraient la séparation entre les différents éléments de vie, autrement dit entre l’eau et l’air : « Ils opinèrent à l’unisson dans leurs langues que les eaux finiraient par baisser et qu’il se ferait encore une fois le partage entre terre, air, et mer. » (p. 114)

 

Le Dieu Poisson-Oiseau adoré par certains héros homosexuels ressemble au phallus ou au diable : « Oui, la bite est un oiseau ! Mais c’est un oiseau plongeur ! Il aime bien se baigner ! » (cf. une réplique de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Nous vîmes de notre cachette […] le Dieu des Hommes avec les deux têtes du caniche et du fox-terrier à la place de la sienne, et une queue de lézard, et j’en passe des plus bizarres, telle une tortue de mer à tête de queue de poisson. » (Gouri, le héros bisexuel du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 135)

 
 

b) La non-rencontre et la fusion entre le bas et le haut :

Si on regarde bien la plupart des créations homo-érotiques, on peut constater que le bas et le haut (ou la verticalité et l’horizontalité) soit fusionnent, soit ne se rencontrent pas : « Elle vole en parallèle. » (l’un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je descends à la verticale, pendant que mon sang se répand là-haut. » (la voix narrative de la pièce Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro) ; « La première fois, ça a été comme un shoot. Je suis monté jusqu’à la cime de cette descente. » (le héros homosexuel de la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Il faut que je me couche sous les hommes. Sinon, sans eux, j’ai pas de gravité. » (Franck dans la pièce Mon amour (2009) d’Emmanuel d’Adely) ; « Tu t’es créé un monde pour être la reine. Mais réveille-toi. Tu ne l’es pas ! T’es juste une lycéenne comme toutes les autres. Tu vas tomber de ton piédestal. Pour une fois, c’est moi qui te regarderai de haut. » (Juna, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Kanojo, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Jane rêvait d’Anna. Elles étaient seules dans le noir, les doux cheveux de la fille retombaient sur le visage de Jane. Elle eut l’impression d’être au lit avec elle et se mit à paniquer ; ce n’était pas ce qu’elle voulait, tout allait de travers. Les lèvres de la fille se posèrent sur les siennes et elles s’embrassèrent, la langue d’Anna frémissante et insistante. Jane comprit à nouveau ce qu’elle était en train de faire et tenta de la repousser mais quelque force supérieure les collait l’une à l’autre. Elle sentait le poids du corps de la fille, la douceur de ses seins, et elle se tortilla pour se dégager, tentant désespérément de s’échapper, mais elle avait beau se tourner dans toutes les directions, elle était piégée. Elle repoussa Anna de toutes ses forces, mais sans résultat, elles étaient verrouillées l’une à l’autre, et brusquement Jane comprit ce qui les retenait là. Elles étaient scellées, l’une au-dessus de l’autre, sous le plancher de l’immeuble de derrière. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 222) ; « On a vécu comme dans un univers parallèle. » (Marie avouant qu’elle est tombée amoureuse d’Aysla, face à Bernd et Dom, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; « C’est pas la hauteur qui compte. C’est le goût. » (Benjamin, homosexuel, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Restez vertical tant que vous le pouvez. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « S’aimer : résistance, dissonance. Balançoire dans l’Espace. » (cf. la chanson « Love Song » de Mylène Farmer) ; etc. Par exemple, la nouvelle Marcovaldo Tarsile De La Tour Montigny Xuclar I Fer Ampolles (1975) de Terenci Moix raconte l’histoire d’un homme dont l’obsession de sa vie est la « longitude ». Quant au Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig, il a une vision unilatérale du monde : son univers est plat comme un échiquier. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny a peur de s’abandonner, et donc son amant Romeo lui apprend à faire « la planche » sur la mer. Même scénario entre le père Adam et Lukasz dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony, le héros homosexuel s’adressant à son jeune filleul, Jim, aussi homosexuel, lui donne des conseils de natation similaires : « Il faudrait que tu t’arrêtes en faisant la planche. » Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, apprend à nager avec Juan, son protecteur. Ce dernier le soutient en lui faisant faire la planche.

 

Le vertical surgit alors inopinément de l’horizontal : c’est le cas par exemple dans le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger (la chute dans les graviers succède à la scène du miroir narcissique plat), dans la chanson « Comme j’ai mal » de Mylène Farmer (« Je bascule à l’horizontal, démissionne ma vie verticale. »), dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, etc. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, le couple lesbien Heïdi-Frédérique, de retour d’une soirée bien arrosée, nie toute verticalité, et vit donc une horizontalité qui ressemble au coma et à la vacuité : « C’était une soirée horizontale. » déclare Heïdi ; « J’ai tellement bu et mangé que j’ai peur de ne pas pouvoir rester verticale. » surenchérit Frédérique. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Rudolf, l’un des héros homosexuels, écrit un roman dans lequel il se met dans la peau de sa grand-mère, une jumelle narcissique planant tellement sur les hauteurs qu’à la fin elle finit par s’écraser : « Elle marche d’un pas régulier, calme et décidé à la fois. Elle regarde la vallée. Son village est minuscule vu d’ici. Elle décide de tout quitter : sa famille, son village, son pays. C’est agréable d’être seule. Pour la première fois de sa vie, elle est vraiment seule. Elle regarde les passants dans la rue. Leurs mouvements sont beaux. Brusquement, elle pleure. » Au même moment, le spectateur voit une succession de séquences de chutes : plongeon d’un baigneur, saut à ski, chute en tire-fesses… et Rudolf qui saute lui-même de sa fenêtre. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Frankie, le héros homosexuel, a du mal à se tenir droit, et à rester droit… si bien qu’il se croit atteint de vertiges et de signes physiques montrant qu’il est malade du Sida.

 

Le haut et le bas correspondent parfois symboliquement à l’hétérosexualité et à l’homosexualité : « Tu ne peux pas être partout : en l’air avec le dentiste, sur terre avec Lola. » (Vera l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Nina, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Depuis le mariage pour tous, dès que tu vois une alliance sur la main d’un homme, tu ne sais pas sur quelle branche il grimpe. » (Marcel, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet).
 

Fatalement, quand ni l’horizontalité ni la verticalité ne sont reconnues, c’est le risque de chute probable (des corps et des sentiments) ! (cf. je vous renvoie à la partie « Chute » du code « Icare » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) « C’est des escaliers sans cage. » (Micheline dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Avec le cassoulet allégé, préparez-vous à décoller/vous dégongler. » (Jérémy Lorca dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc. Par exemple, dans le film « Embrasse-moi » (2017) d’Océane Rose-Marie et de Cyprien Vial, Cécile se tient en équilibre à la verticale, et hurle juste avant de s’écrouler, à la vue de Océane Rose-Marie qui l’espionne derrière un fourré.

 

Parfois, la confluence entre haut et bas peut être aussi, chez le héros homosexuel, le signe d’un écartèlement d’identité perturbant, d’une schizophrénie : « J’avais l’impression qu’une partie de moi était tombée par terre, et l’autre accrochée en haut de l’arbre. » (Damien, le héros transgenre M to F racontant la découverte de son homosexualité/de sa transidentité, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine)

 
 

c) Nous ne sommes pas du même monde… : la sacralisation homosexuelle des adieux et de l’amour impossible

UN PETIT POISSON Love in

Film « Love In Thoughts » d’Achim von Borries


 

Le héros homosexuel ne sait plus où et vers où il évolue, quelle profondeur et quel sens il vit, ni dans sa propre existence, ni dans son couple. « Où va ma vie guidée par l’oiseau, au fil de l’eau ? » (Claude dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado)

 

D’ailleurs, il arrive très souvent dans les fictions homo-érotiques que les amants homosexuels ne puissent pas se rencontrer car ils ne sont pas du même monde. L’un évolue dans les eaux ou sur terre, l’autre en l’air : cf. la chanson « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » de Juliette Greco, le roman Pájaro De Mar Por Tierra (1972) d’Isaac Chocrón, le film « Poisson Lune » (1999) de Jose Alvaro Morais, le film « De Frigjort » (« Un Poisson hors de l’eau », 1993) d’Erik Clausen, le film « Fish And Elephant » (2001) de Yu Li, le roman Un Poisson sur la balançoire (2000) d’Eyet-Chékib Djazari, le conte La Petite Sirène (1836) d’Andersen, la pièce Les Précieux Ridicules (2008) de Damien Poinsard, le tableau Le Diable au paradis d’Alain Burosse, le film « Au ras du sol » (2012) de Filippo Demarchi, la chanson « Mujer Contra Mujer » de Mecano, les romans Les Mouettes volent bas (1995) et En haut des marches (1999) de Joseph Hansen, le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini (avec la non-rencontre entre Carole, la fille de l’air et de Paris, et Delphine, la fille de l’eau), etc.

 
 

« Un petit poisson, un petit oiseau s’aimaient d’amour tendre.

Mais comment s’y prendre quand on est en haut ?

Un petit poisson, un petit oiseau s’aimaient d’amour tendre.

Mais comment s’y prendre quand on est dans l’eau ? »

(cf. la chanson très homosexuellement connotée « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » de Juliette Gréco)

 

Vidéo-clip de la chanson "Regrets" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Regrets » de Mylène Farmer


 

Les membres du couple homosexuel fictionnel sont trop proches ou trop éloignés pour s’aimer. Ils disent vivre dans des univers parallèles inconciliables. L’image de la différence entre deux saisons, deux planètes, deux hémisphères, ou deux êtres vivant dans des contrées diamétralement opposées, pour illustrer le décalage entre les deux amants est un cliché commun de beaucoup de créations artistiques homosexuelles : cf. la pièce Une Rupture d’aujourd’hui (2007) de Jacques-Yves Henry, la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, la chanson « Pas le temps de vivre » de Mylène Farmer, la chanson « Le Soleil a rendez-vous avec la lune » de Charles Trénet, la « Chanson du coq et de l’âne » d’Étienne Daho et Arnold Turboust, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, La nouvelle « Le Potager » (2010) d’Essobal Lenoir (évoquant la distinction entre les homos citadins et les homos campagnards), etc. « Moi, je suis le haut. Et lui, c’est le bas. » (Philippe Mistral parlant de son « mari », dans son one-man-show Changez d’air, 2011) ; « Tu sais que l’hiver et l’automne n’ont pu s’aimer. » (cf. la chanson « Regrets » de Mylène Farmer) ; « Vous dans votre hiver, moi dans mon été. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 175) ; « Moi fille du soleil, toi qui venais du pays de la pluie, pas même une chance sur un million, quelque part au monde, qu’un jour nos deux vies se rencontrent. Moi, fille de la mer, et toi qui passais ta vie dans les airs, pas même une chance sur 100 millions, quelque part sur terre, qu’un jour nos chemins se confondent. […] Nos corps ne dansent pas la même danse. Moi fille du Sud, toi l’homme du Nord, c’était prédit qu’on se sépare. » (cf. la chanson « Fille du soleil » de Candela dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « Il est la nuit, tu es le jour. […] Tout seuls dans nos vies. » (cf. la chanson « Réveille-toi » de Philippe Tailleferd) ; « Une société hétérosexuelle. Deux garçons. La France et la Floride. Des vies différentes. » (Chris s’adressant à son amant internaute Ernest, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 94) ; « Météo : divergence entre le froid et le chaud ! Le système planétaire hésite : quelle face faut-il montrer au soleil ? La rondeur des planètes rend le choix entre la face et le dos presque impossible, conséquence : les planètes tournent sur elles-mêmes. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Dans ce monde propre, je connaissais maintenant une villa. Celle de Khalid [amant d’Omar, le héros pauvre vivant au Sud]. Elle avait un nom. Villa du Nord. Le nord de quoi ? » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 43) ; « Je n’écoutais plus, au bout d’un moment, Khalid. Il était à la hauteur. Il était préparé pour être à la hauteur. Et moi, j’étais où ? » (idem, p. 91) ; « Ma chérie, je ne pourrais plus être au-dessous, je ne pourrais être de ces humbles gens qui doivent toujours vivre sous la surface et n’apparaissent que pour un instant, comme les poissons… » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 238) ; « Je ne sais pas ce que ma sexualité débordante rendrait sur terre. » (Felicity dans le film « Good Morning England » (2009) de Richard Curtis) ; etc. Par exemple, dans le recueil Le Maléfice de la phalène (1920), Federico García Lorca relate le malheur d’un cancrelat vainement amoureux d’un papillon. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Jenko (le grand beau gosse) et son collègue Schmidt (le gros petit) se disputent beaucoup, n’arrivent pas à s’ajuster, passent à leur temps à discuter leur différence de niveaux (soit trop haut, soit trop bas) : « Tu me tires vers le bas. » (Jenko) ; « Tu étais une petite fleur et je t’étouffais. » (Schmidt)

 

L’incompatibilité entre les deux amants homosexuels semble obéir davantage à une logique physico-désirante (comme les aimants qui s’attirent ou se repoussent), incarnée dans la sexuation, qu’à une logique de volontés, de sentiments, de sincérités, de valeur individuelle des personnes impliquées dans le couple (cf. je vous renvoie aux codes « Liaisons dangereuses », « Désir désordonné », « Manège » et « Fusion », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Nos vies ne sont simplement pas conciliables, ne l’ont jamais été. Pourquoi faut-il qu’aujourd’hui elles s’entrechoquent dans le grand fatras de ces années de fer et de feu ? » (Vincent à son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 37) ; « Je te brûle ton marche-pied de la salle de bain. » (François s’adressant à son amant Thomas, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy)

 

Navrés de ne pas avoir tenu compte du Réel et de la différence des sexes qui auraient permis leur union concrète, les héros homosexuels nous rejouent régulièrement la scène de « l’amour » sacralisé et solidifié par la mort ou l’adieu. Roméo et Juliette, bis repetita : cf. le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, le film « Sur le départ » (2011) de Michaël Dacheux, le film « Adieu ma concubine » (1993) de Chen Kaige, le film « Between Love And Goodbye » (2008) de Casper Andreas, le film « Potiche » (2010) de François Ozon, le film « Tu n’aimeras point » (2009) de Haim Tabakman, la chanson « La Fin » d’Emmanuel Moire, la série Black Out (2010) de Rudee LaRue (Enrique a vu son mec mourir dans ses bras à l’hôpital), la reprise (2011) de la chanson « Ne me quitte pas » de Jacques Brel par la chanteuse Oshen (alias Océane Rose-Marie, la fameuse « lesbienne invisible »), la pièce musicale Confessions d’un Vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, le film « J’aimerais j’aimerais » (2007) de Jann Halexander (et l’amour impossible avec Philistin de Valence), la pièce L’Orféo (2009) d’Alessandro Striggio, le roman Pasión Y Muerte Del Cura Deusto (1924) d’Augusto d’Halmar, le film « Adieu je reste » (1977) d’Herbert Ross, le film « Adieu je t’aime » (1987) de Claude Bernard Aubert, le film « Goodbye Lover » (1999) de Roland Joffe, le film « Un clin d’œil pour un adieu » (1986) de Bill Sherwood, le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan (avec l’allusion au Chevalier à la rose de Strauss, opéra racontant l’histoire d’une vieille Maréchale qui consent à laisser son jeune amant la quitter pour une femme plus jeune), le roman La Symphonie des adieux (1997) d’Edmund White, la chanson « Des adieux très heureux » d’Étienne Daho, la chanson « The Power Of Goodbye » de Madonna, la chanson « Goodbye » de Céline Dion, la chanson « Au diable nos adieux » de Zazie, le film « Goodbye Gemini » (1970) d’Alan Gibson, le film « Adieu, Alexandra » (1969) d’Enzo Battaglia, le film « Bye Bye Love » (2003) de Peyton Reed, le film « Adieu forain » (1998) de Daoud Aoulad-Syad, le poème Le Condamné à mort (1942) de Jean Genet, le roman Adieu à Berlin (1939) de Christopher Isherwood, le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, le roman L’Heure des adieux (2000) de Jean-Noël Pancrazi, le roman Se résoudre aux adieux (2007) de Philippe Besson, le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, le film « Une dernière nuit au Mans » (2010) de Jeff Bonnenfant et Jann Halexander, le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre (relatant l’amour impossible mélodramatisé entre Rubén, un prostitué et son client Eloy), le film « Längs Vägen » (« Along The Road » (2011) de Jerry Carlsson (racontant la love story clandestine de deux routiers), etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack pointe un révolver sur son amant et l’embrasse une dernière fois sur la bouche, avant de retourner l’arme contre lui et de tirer. Dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, Vincent et Arthur sont cruellement séparés par la Première Guerre mondiale. Dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont, Léo raconte à son amant Rémi une métaphore de leur couple : celle d’un canard jaune (Rémi), plus beau que les autres, qui tombe amoureux d’un lézard (lui, en l’occurrence), et ensemble ils font du trempoline pour sauter jusqu’aux étoiles. Rémi finit par se suicider parce que Léo n’assume pas leur « couple ».

 

C’est la symphonie des adieux : « Dorita se donna à lui [Silvano] pour la première fois la nuit des adieux, dans la salle de classe, sur le bureau de Silvano, tandis que la pluie fouettait les carreaux. Dorita était vierge. L’expérience fut douloureuse pour tous les deux. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 12) ; « Tu sais très bien que c’est pas possible. » (François parlant de sa relation avec Thomas, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; « Après avoir subi une greffe cardiaque qui lui a sauvé la vie, Simon apprend que le donneur est en fait son compagnon François décédé dans un accident de voiture. […] Ils se sont mutuellement sauvés la vie et bien que séparés, ils vont finir leurs jours ensemble. » (cf. le résumé du film « La Dérade » (2011) de Pascal Latil, sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris du 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; « Jioseppe Campi peignait beaucoup de portraits pour des couples qui allaient se séparer. Je veux dire que, dans plus de la moitié des cas, les peintures étaient exécutées avant que le mari parte avant la guerre ou se rende dans une autre ville pour le commerce. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 82) ; « C’était une nuit d’hiver. C’était nous deux et le temps des adieux. » (le chanteur Stéphane Corbin, lors de son concert Les Murmures du temps (2011) au Théâtre de L’Île Saint-Louis Paul Rey, à Paris) ; « Je ne sais quand nous serons ensemble. » (Gabrielle s’adressant à son amante Émilie, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 16) ; « Que nous arrive-t-il ? Je sais à peine qui vous êtes, vous ne savez rien de moi. » (idem, p. 17) ; « Je te laisse parce que je t’aime. » (cf. la chanson « Comme j’ai mal » de Mylène Farmer) ; « Je t’aime… mais c’est trop tard. » (Léa s’adressant à Chéri dans le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears) ; etc.

 

Les personnages homosexuels fictionnels ne semblent aimer de l’Amour que son impossibilité : « Il avait réalisé combien il aimait Malcolm, une fois ce dernier parti. » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 34) ; « Je ne me remettrai jamais de l’amour que je n’ai jamais vécu. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 64) ; « On s’aime jamais vraiment que lorsque tout se perd et se termine. » (idem, p. 157) ; « Malgré les bonheurs que Marie me donnait tous les jours, ce bel amour simple ne me suffisait déjà plus. Cette inclination que j’ai pour la conquête est sans doute le pire. Je me sens toujours amoureuse du plus difficile, de l’impossible même, et donc condamnée à n’être jamais comblée. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 204-205) ; « Pourquoi nous sommes-nous rencontrées si tard ? Nous avons tant d’années à rattraper… perdu cinquante ans à ne pas nous connaître… » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 27) ; « Mais mon amour, ça ne peut pas être la fin de notre histoire. Elle n’a même pas encore commencé. » (Marie suppliant son amante Aysla, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; etc.

 

D’ailleurs, certains auteurs homosexuels adorent scénariser/sublimer les inachèvements rageants, les amours empêchées par les circonstances, la fortune, ou « l’homophobie » : « Des milliers de mots doux sur des pare-brises envolés. » (cf. la chanson « Des Milliers de baisers » de Céline Dion) ; « La lettre est restée de longs jours dans l’entrée avant d’être envoyée. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 62) ; « Comme pour la première, je ne sais pas si je t’enverrai cette lettre, je ne sais pas si tu la liras… si tu riras… ou si tu pleureras. » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 313) ; etc.

 

Dans les fictions homo-érotiques, les héros – notamment copiens – se mettent souvent dans la peau de l’actrice Drama Queen qui feint de partir avec fracas mais qui ne part jamais (pour se faire désirer et prier), qui fait d’interminables adieux, qui meurt à répétition (de la mort lente du désir de fusion) : « Je voudrais mourir sur scène, sous les projecteurs. » (cf. la chanson « Mourir sur scène » de Dalida) ; « Un jour je dirai bye-bye à tout ce show-business. […] Laissez-moi, laissez-moi partir, laissez-moi, laissez-moi mourir avant de vieillir. » (cf. la chanson « Adieux d’une sex-symbol » de Stella Spotlight dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Je m’éloigne de vous. Je suis loin de tout. » (cf. la chanson « Agnus Dei » de Mylène Farmer) ; « J’ai fait mes adieux à la ville. Pourtant, j’ai eu du mal à la quitter. » (l’un des protagonistes de la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou) ; « Tout le monde s’étais mis sur son trente et un pour cette soirée d’adieu. Les couleurs exaltant le bronzage étaient de sortie, environnées de parfums légers ou capiteux, boisés ou fruités. Mais Amande était à coup sûr la plus belle, une fois encore. […] Avec son turban cerise sur la tête, son débardeur assorti, sa minijupe noire et ses espadrilles à talon compensé, elle était ravageuse, et elle le savait. Une véritable reine. Mais ce qu’elle ignorait, c’est qu’elle venait en réalité de faire une toilette de condamnée à mort. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), pp. 418-419) ; « Restons ici, ma Fifi ! Moi je vais mourir aussi ! C’est mon dernier printemps ! » (Mimi à son acolyte travesti Fifi, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Miloud, ouvre-moi la porte, cette fois-ci je m’en vais pour de vrai et pour toujours ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Adieu, Jolie, mon train va partir. » (Silvano, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 23) ; « Nous n’allons pas sortir. Nous ne sortirons jamais d’ici. Jamais ! Jamais ! Jamais ! » (Goliatha s’adressant à « L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Je suis la septième à se suicider ce soir ? […] Quelle concurrence dans le métier ! Goliatha, venez dire adieu à la petite patronne ! Je rentre dans le frigo ! » (« L. », idem) ; « Assez de frigidaires pour aujourd’hui ! Je change d’éditeur ! » (« L. » à son éditeur par téléphone, idem) ; « Adieu, maître ! Je quitte l’Assistance, je rentre au foyer pour m’occuper de mon mari et faire beaucoup d’enfants. […] Adieu, monsieur Hubert. […] Adieu monsieur le journaliste. » (l’infirmière de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Au lieu de vous quitter, je préfère mettre fin à mes jours en votre présence. » (la cantatrice Regina Morti, idem) ; « Elle [Daphnée] est toujours en train de partir et elle ne part jamais. » (Jean, l’un des héros homosexuels de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Écoute, Evita, donne-moi le numéro du coffre-fort. Ou bien laisse-moi partir. Laisse-moi partir ? Tu n’as pas besoin de moi ! » (la mère parlant à sa fille dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Je ne suis pas mourante. J’ai la peau dure, je tiendrai encore le coup longtemps. » (Evita mourante d’un cancer généralisé, idem) ; etc.

 
 

Journaliste – « Au revoir, monsieur.

Hubert – C’est la deuxième fois que vous annoncez votre départ.

Journaliste – Excusez-moi, monsieur. »

(Copi, Une Visite inopportune, op. cit.)

 
 

Ces faux départs donnent l’illusion d’Amour ou de beauté. « Bizarrement, plus je me dis que je n’ai pas le droit de t’aimer, que c’est un amour impossible, et plus je sais que c’est vrai, plus tu deviens désirable ! Pourquoi sommes-nous aussi compliqués ? » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 211) ; « Après un moment, il se rhabille, je l’imite. Je lui demande son prénom, il répond ‘H.’ et j’ajoute ‘Tu vois, ce qui est important, c’est de vivre chaque instant. Peu importe quoi, peu importe avec qui.’ Puis il dit ‘Adieu’ et il s’en va sans se retourner. Je hurle le plus fort possible ‘Connard, gros connard, sale pédé de merde, va crever. » (Mike, le narrateur homo, en parlant d’un amant clandestin qu’il rencontre à la gare du Nord, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 61) ; etc. Mais concrètement, la mort, les limites des relations humaines, ou les vraies ruptures de la vie, sont des réalités peu affrontées.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Nager comme un oiseau dans l’eau !

Ce n’est pas un hasard que la chanson « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » fasse tacitement partie du répertoire caché du chansonnier LGBT, ni que la très bisexuelle Juliette Gréco lui ait prêté sa voix, ni qu’elle fut l’objet d’une reprise de l’humoriste lesbienne Muriel Robin au concert des Enfoirés en 2002.

 

Photo Le Festin des Barbares de Rancinan

Photo Le Festin des Barbares de Rancinan


 

Parfois, certaines personnes homosexuelles ont parlé de ce duo amoureux improbable entre un animal volatile et un poisson pour illustrer leurs amours ou leurs penchants homo-érotiques (et je souligne au passage que les canards sont désignés comme des animaux hermaphrodites) : « Fantôme figuratif : oiseau, poisson des îles » (cf. la légende d’un dessin de Roland Barthes fait le 24 juin 1971, illustrant son essai Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 84) ; « Je pense que les homosexuels éprouvent, peut-être inconsciemment, un tel poids d’opprobre sur leur être, au simple énoncé de ce mot, alors qu’il ne devrait s’agir que d’une lucidité sur leur vie, que la notion de péché est brouillée pour eux comme la surface d’une mare frôlée par les ailes d’un martin-pêcheur. » (Henry Creyx, Propos décousus, propos à coudre et propos à découdre d’un chrétien homosexuel (2005), p. 69) ; etc.

 

Par exemple, le film d’animation pro-gay « Le Baiser de la Lune » (2010) de Sébastien Watel (qui a fait couler beaucoup d’encre parce qu’il était programmé dans certains établissements scolaires français du primaire) raconte une histoire d’amour homosexuel entre Félix (un poisson-chat) et Léon (un poisson-lune).

 

Film "Le Baiser de la Lune" de Sébastien Chatel

Film « Le Baiser de la Lune » de Sébastien Watel


 
 

c) Nous ne sommes pas du même monde… : la sacralisation homosexuelle des adieux et de l’amour impossible

L’amour difficile entre deux animaux que la Nature sépare est à l’image de la complexité et du manque d’incarnation des couples homosexuels.

 

Par exemple, dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, Pierre Bergé décrit la non-rencontre qu’a été le « couple » qu’il a formé avec Yves Saint-Laurent : « Entre Yves et moi, les rôles ont toujours été bien définis, dans tous les domaines, y compris sexuel. Personne n’est rentré dans le domaine de l’autre. » L’imperméabilité quasi totale.

 

C’est la raison pour laquelle énormément de personnes homosexuelles chantent tout bas la beauté éphémère – mais, à leurs yeux, paradoxalement « éternelle » ! – de la mort, du plaisir, et des adieux. « Tout comme n’importe quel artiste, ils ne veulent pas quitter leur public et, de jour en jour, reculent leurs ‘adieux’. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 39) ; « Je me fais l’effet d’être ‘die alte Marschallin. » (Klaus Mann en référence à l’opéra de Strauss, dans son Journal, 1937-1949) ; « L’amour fantasmé vaut mieux que l’amour vécu. » (Andy Warhol)

 

Film "My Own Private Idaho" de Gus Van Sant

Film « My Own Private Idaho » de Gus Van Sant


 

Elles semblent préférer de l’Amour son impossibilité à sa concrétisation. Par exemple, lors de son entretien « Choix sexuel, acte sexuel » avec J. O’Higgins en 1982, Michel Foucault modifie la formule de Casanova « Le meilleur moment, dans l’amour, c’est quand on monte l’escalier », en disant que pour un sujet homosexuel, ce serait plutôt : « Le meilleur moment, dans l’amour, c’est quand l’amant s’éloigne dans le taxi. » Dans son essai Queer Critics (2002), François Cusset croque fort justement « ce goût d’impossible qui ravit les critiques queer » (p. 110).

 

Cette désincarnation de l’amour homosexuel (qui provient de la désertion du socle du Réel et du corps humain qu’est la différence des sexes), on l’observe aussi au niveau de ce qu’on appelle, pour simplifier, les cas d’« homoparentalité » : « Ma compagne, Sandrine, a 34 ans et elle ne veut plus attendre pour avoir un enfant. Moi, je n’envisageais pas vraiment d’être mère. Je décide alors de prendre ma caméra pour suivre ce parcours, notre parcours vers un enfant désiré mais aussi, pour moi, un chemin vers une maternité particulière qui ne m’a jamais semblé ‘naturelle’. Comment allons-nous faire ? Nos proches s’interrogent et nous aussi. Nous avons choisi l’insémination artificielle à l’étranger. Nous allons donc voyager, espérer et je vais profiter de ce temps pour trouver ma place de mère, car je vais devenir mère… sans porter notre enfant. » (cf. interview de Florence Mary à propos de son documentaire « Les Carpes remontent les fleuves avec courage et persévérance », 2012) Les « parents » homosexuels, en voulant un enfant à tout prix, jouent les poissons qui cherchent en vain à se rêver oiseaux.

 
 

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Code n°176 – Vampirisme

Vampirisme

Vampirisme

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

Homosexualité et vampirisme : signes d’une même passion dévorante pour l’Amour

 
 

Il est particulièrement fréquent que les films et les romans de vampire abordent la question de l’homosexualité. C’est étrange, et pourtant très logique. Le désir homosexuel étant par nature un désir de fusion avec l’être aimé, un élan né d’une dépréciation diabolisante de soi-même – diabolisation sublimée/camouflée par l’esthétique, par des intentions agressives de retour à la pureté (n’oublions que Dracula ne s’intéresse qu’aux hommes et aux femmes vierges !), il était logique qu’il trouve dans le vampirisme une de ses plus saillantes cristallisations.

 
VAMPIRISME 2 L'autre Dracula
 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Cannibalisme », « Se prendre pour le diable », « Inceste », « Fusion », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Adeptes des pratiques SM », « Morts-vivants », « Actrice-traîtresse », « Reine », « Femme-Araignée », « Obèses anorexiques », « Homosexualité noire et glorieuse », et à la partie « Sang » du code « Mariée », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

VAMPIRISME 3 Lesbian

Film « Lesbian Vampire Killers » de Phil Claydon


 

Dans les fictions, le vampirisme est extrêmement lié à l’homosexualité : cf. le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec la grande dame déguisée en Draculette), la nouvelle Carmilla (1872) de Sheridan Le Fanu, le film « Carmilla » (1963) de J. Sheridan, le film « Carmilla » (1989) de Gabrielle Beaumont, le film « Nosferatu » (1922) de Friedrich Wilhelm Murnau, le film « Les Maîtresses de Dracula » (1960) de Terence Fisher, les films « Les Cicatrices de Dracula » (1960) et « The Vampire Lovers » (1970) de Roy Ward Baker, le vidéo-clip de la chanson « Ma Révolution » du groupe Cassandre, le film « Le Bal des vampires » (1967) de Roman Polanski, le film « Et mourir de plaisir » (1960) de Roger Vadim, le film « Dracula » (1992) de Francis Ford Coppola, le film « Persona » (1966) d’Ingmar Bergman, le film « Entretien avec un vampire » (1994) de Neil Jordan, le film « La Fille de Dracula » (1936) de Lambert Hillyer, le film « Mira Corpora » (2004) de Stéphane Marti, le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza (avec la place du sang dans le vidéo-clip de Shane), le film « La Tendresse des loups » (1973) d’Ulli Lommel, le film « Swashbuckler » (1976) de James Goldstone, le film « Les Prédateurs » (1983) de Tony Scott, le roman El Vampiro De La Colonia Roma (1981) de Luis Zapata, le film « Blacula » (1972) de William Crain, le film « Some Real Fangs » (2004) de Desiree Lim, la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi, le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le film « The Velvet Vampire » (1971) de Stephanie Rothman, le film « Les Lèvres rouges » (1971) d’Harry Kümel, le vidéo-clip de la chanson « Beyond My Control » de Mylène Farmer, le film « Bloody Mallory » (2001) de Julien Magnat, le roman Dracula (1897) de Bram Stoker, le film « Les Proies du vampire » (1957) de Fernando Méndez, le roman Lestat le Vampire (1988) d’Anne Rice, la pièce Los Amores criminales De Las Vampiras (1983) d’Hugo Argüelles, la pièce Confessions d’un vampire sud-africain : L’étrange histoire de Pretorius Malan (2008) de Jann Halexander (dans laquelle Prétorius tombe amoureux de Dracula), le film « Les Vampires » (1915) de Louis Feuillade, le film « Blood of Dracula » (1957) d’Herbert L. Strock, le film « La Danse macabre » (1964) d’Antonio Margheriti, le film « Les Sévices de Dracula » (1971) de John Hough, le film « Rage » (1976) de David Cronenberg, le film « Vampire Lovers » (1970) de Roy Ward Baker, le film « Lust For A Vampire » (1971) de Jimmy Sangster, le film « Comtesse Dracula » (1972) de Peter Sasdy, le film « Contes immoraux » (1973) de Walerian Borowczyk, le film « Vampyres » (1974) de Joseph Larraz, le film « Goodbye Gemini » (1970) d’Alan Gibson, le film « Une Messe pour Dracula » (1970) de Peter Sasdy, le film « Théâtre de sang » (1973) de Douglas Hickox, les films « Vampyros Lesbos » (1970) et « La Comtesse noire » (1973) de Jess Franco, le film « La Crypte du vampire » (1964) de Camillo Mastrocinque, le film « La Furie des vampires » (1972) de Leon Klimovsky, les films « La Vampire nue » (1969), « Le Viol du Vampire » (1967), « Le Frisson des vampires » (1970) de Jean Rollin, le film « Once Bitten » (1985) d’Howard Storm, le film « Leeches » (2003) de David DeCoteau, le film « Vampire… vous avez dit vampire ? » (1985) de Tom Hollan, le film « Étrange séduction » (1991) de Paul Schrader, le film « Scab » (2005) de Thomas Jason Davis, le film « Razor Blade Smile » (1998) de Jake West, le film « Bloodlust » (1995) de Jon Hewitt et Richard Wolstencroft, les séries nord-américaines Buffy contre les vampires et Torchwood, la chanson « Déclaration d’amour à un vampire » de Jann Halexander, le roman L’autre Dracula (2009) de Tony Mark, le film « Lesbian Vampire Killers » (2009) de Phil Claydon, le roman Boquitas Pintadas (Le plus beau tango du monde, 1969) de Manuel Puig, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec le personnage transsexuel du Dr Frank-N-Furter), la comédie musicale Dracula (2011) de Kamel Ouali, le film « Dracula : Dead And Loving It » (« Dracula, mort et heureux de l’être », 1995) de Mel Brooks, la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks (ou Dracula apparaît en grande tapette), la comédie musicale Ball Im Berlin (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham (avec Tangolita, la femme-vampire), la chanson « Tout est OK » de Bilal Hassani), l’Autobiographie transsexuelle (avec des vampires) (2022) de Lizzie Crowdagger, etc.

 

VAMPIRISME 4 série am

Série « Torchwood »


 

Quelquefois, le héros homosexuel se définit lui-même (ou définit son amant) comme un vampire, généralement par contamination, ou suite à un processus de fusion : « Prétorius, j’ai fait de vous un vampire. » (Dracula à Prétorius, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Quand j’étais petite, mon frère […] me gavait de sucreries. Mais ces souvenirs-là ne me sont d’aucune utilité, c’est de Chloé dont je me nourris, je suis un vampire. » (Cécile parlant de sa compagne Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 58) ; « On va mélanger le sang et la sauce ! » (Jean parlant des haricots, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi ; « Avec sa bouche d’anthropophage rouge carrosserie, ses cheveux façon perruque en nylon du Crazy Horse, elle aurait pu jouer dans une parodie porno de films de vampires. […] » (Jason, le héros homosexuel décrivant la vénéneuse Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 56) ; « La semaine suivante, Varia est arrivée en cours avant le professeur Gritchov, et accompagnée d’une camarade que je n’avais jamais vue. C’était une brune très maquillée, habillée tout en similicuir. Elle avait l’air encore plus diabolique que Varia. […] Je les aurais tuées. » (idem, p. 58) ; « La nuit, Varia revenait me hanter. Je la voyais marcher vers moi, depuis l’extrémité d’un couloir interminable, percé de portes plus noires que des trappes, perchée sur ses talons qui perforaient le carrelage. Elle avançait, un fouet à la main, toute de blanc vêtue, la chevelure souple et ondoyante, les lèvres rouges et serrées. À quelques pas de moi, elle ouvrait sa bouche pour me sourire. Je découvrais alors des canines de vampire, maculées de sang. » (idem, p. 59) ; « Je voyais son cou à quelques centimètres de mon visage, car elle avait relevé ses cheveux. Au-dessus de son chemisier en satin noir, il était d’une blancheur vraiment immaculée. J’ai eu envie d’y planter les crocs. » (idem, p. 63) ; « Oh putain, cette fille-là, elle marche pieds nus dans la rue. Elle mord les garçons. C’est là qu’elle m’a convaincu. » (cf. la chanson « Alertez Managua » d’Indochine) ; « Si seulement c’était un vampire, il serait parfait. » (Amy en parlant de Liam, le copain de son amante Karma, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « Je ne vous crois pas. J’ai vu la façon dont vous la regardez, comme un vampire. » (Karl Becker s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne, à propos de la jeune Anna, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 220) ; etc.

 

VAMPIRISME 5 Cruise et Pitt

Film « Entretien avec un vampire » de Neil Jordan


 

Il arrive que les personnages homosexuels se mordent entre eux (cf. le code « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Code homosexuels), et cherchent à se sucer. « Je m’occupai du bout de ses seins, par petites morsures, en m’acharnant un peu pour qu’elle eût presque mal. Ils étaient devenus sensibles et rouges. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 66) ; « C’est toujours par ma bouche que s’exprime le meilleur de mon plaisir, et c’est par elle que, parfois, l’extase m’arrive. » (idem, p. 73) ; « J’ai envie de te mordre ! » (Cassie à son amante Anna dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin) ; « Tes dents sont belles. » (un amant de passage s’adressant à Henri dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « Je suis tellement en manque que je t’embrasserais. Mais je ne veux pas avoir du sang sur moi. » (Harold s’adressant à Emory, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Y’avait des traces de morsure sur le cadavre ? » (Franck, le héros homosexuel parlant du cadavre d’un noyé qui a été retrouvé près de l’île qui est un lieu de drague homosexuelle, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Emma mord vraiment Adèle au lit, et celle-ci se laisse faire… ce qui étonne Emma : « Tu m’as fait peur. J’ai cru que tu allais crier. » Adèle lui répond avec malice : « Heureusement que tu t’es arrêtée. » Dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, Fabio fait un suçon à Lukas en boîte. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack, l’un des deux héros homosexuels, se décrit comme un « mec vampirisé » par son amant Paul. Dans le one-man-show Presque célèbre (2010) de Thomas VDB, Freddie Mercury a les « dents en avant parce qu’il suce des bites ».

 

En général, l’identification au vampire exprime chez le héros homosexuel une blessure d’amour, une errance désirante, une extériorisation excessive de soi, un (désir de) viol/mort : « Oh mon Dieu, je suis perdu ! Elvire, je suis devenu comment dire ! Un homme de nuit qui frotte les murs de Paris, pour autant dire un vampire. » (le personnage de Pédé dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je n’ai pas l’impression de jouer la comédie mais d’imiter une actrice de cinéma détestable, comment s’appelait-elle ? Elle ne jouait que dans les films de vampires. » (Vicky dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai dans la bouche le goût du sang. Je bois du sang. Je lèche mes lèvres. » (Omar parlant de son rouge à lèvres Chanel qu’il applique sur la bouche, juste après avoir assassiné son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 181) ; « Tu vis par les autres. Tu vis en vampirisant les gens. » (Jack à Paul son amant, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt) Par exemple, dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Ruth, l’héroïne lesbienne, compare Léo, son frère homosexuel, à un « vampire ».

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Un nombre relatif de personnes homosexuelles se sent attiré par le vampirisme et les univers gothiques. « C’est avec le film de vampires que le cinéma exploite l’homosexualité féminine. » (la voix-off du documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) Par exemple, pendant sa carrière, le chanteur bisexuel Jann Halexander se met régulièrement dans la peau d’un vampire (qu’il a baptisé Prétorius). Quant à Rostam Batmanglij, le chanteur principal du groupe Vampire Weekend, il est ouvertement gay. Le metteur en scène Nabil Massad se confie ainsi : « Je voue une fascination de longue date à l’univers des vampires, aux BD et surtout aux films qui s’y rapportent. Cela va des œuvres de la Hammer avec Christopher Lee, aux comédies de Mel Brooks, Roman Polanski ou encore Édouard Molinaro avec son Dracula, père et fils, en passant par le Dracula de Coppola ou le récent Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch. Mais au-delà de l’aspect suceurs de sang au sens propre du terme, à quoi peut bien correspondre cette communauté de morts-vivants dans un monde tel que le nôtre ? C’est un peu cet aspect-là que j’ai eu le désir d’explorer tout en restant dans la légèreté la plus absolue, voire l’absurde tel que me l’inspirent les univers de Blake Edwards et des Monthy Python, sans négliger le théâtre dit ‘de boulevard’ à la française, dans le sens le plus noble du terme et avant que ce dernier ne soit galvaudé comme il peut l’être à notre époque. De tout cela et d’un peu plus, est né Lady Dracula… dont la mise en scène se voudra loufoque et cinématographique à souhait. » (Nabil Massad, l’auteur de la pièce Lady Dracula, 2014)

 

Lors de sa conférence « Vampirisme et homosexualité » au Centre LGBT de Paris le 12 mars 2012, l’écrivain homosexuel Tony Mark, auteur entre autres de l’anthologie Baiser de sang (2005), nous a expliqué sa fascination pour les vampires : « La première fois que je me suis intéressé aux vampires, ça a été à 14 ans. […] Je crois que je suis né au siècle dernier. » Il attribue son goût pour Dracula par l’esthétisme mystique du personnage : « Ce qui m’a plu chez lui, c’est sa théâtralité, le folklore visuel ». À l’entendre, il en a fait un ténébreux Christ universel, un dieu de la « mort éternelle » : « Toutes les minorités se retrouvent dans le personnage du vampires. C’est le symbole du marginal de toutes les époques. Il est toujours un contre-pouvoir. » Il associe volontiers homosexualité et vampirisme : « La sexualité est inhérente aux vampires. » (Tony Mark)

 

Certaines personnes homosexuelles s’identifient esthétiquement aux méchantes de dessins animés (cf. la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet). « J’ai défoncé mon placard, et maintenant je vais te détruire. » (par rapport au « mâle dominant ») (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla). Visuellement, il existe une proximité entre les personnes homosexuelles et le vampire, car le personnage de Dracula adopte en général un look androgyne (cf. les tenues de scène de Samuel Ganes ; Vampirella ou Cruella font l’unanimité quand il s’agit pour la population interlope de se déguiser à l’occasion d’un bal masqué ou d’Halloween). Je vous renvoie particulièrement aux codes « Actrice-traîtresse » et « Reine » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
VAMPIRISME 1 Ouali
 

Il arrive que les personnes homosexuelles se mordent entre elles (cf. le code « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Code homosexuels), et cherchent à se sucer. Dans certains pays comme le Canada ou l’Espagne, le verbe « manger » signifie « baiser » dans le jargon homosexuel. Et dans le discours des personnes homosexuelles (et parfois dans leurs pratiques génitales), la succion occupe une place non négligeable (suçons, fellation, tendresse et gestes absorbants…).

 

VAMPIRISME 6 Amitiés particulières

Film « Les Amitiés particulières » de Jean Delannoy


 

Horace – « Je suis devenu vampire, dit-il en suçant le sang.

Luisito – Vampirella, tu veux dire, protesta Luisito en arrangeant le bandage qui entourait sa tête. »

(Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 215)

 

Même si les vampires, bien évidemment, n’existent pas dans la réalité concrète, ces derniers peuvent tout à fait renvoyer à une réalité désirante bien présente dans l’inconscient collectif homosexuel : « Il y a du vampirisme dans la manœuvre comme dans n’importe quelle manifestation du désir. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 100)

 

VAMPIRISME 7 Thomas Jason Davis

Film « Scab » de Thomas Jason Davis


 

Dans le mythe du vampire, on décèle des traits particulièrement marqués du désir homosexuel : le fantasme de la pureté souillée, le souhait de se prendre pour un ange asexué, de fusionner avec l’être aimé, d’être absorbé et violer par lui, la croyance d’être le diable (d’ailleurs, « Dracula » signifie « diable »), la captation du désir par une idole, l’impression d’être un maudit d’Amour. « Vous avez réussi à absorber ma vie entière. » (Oscar Wilde à son amant Lord Douglas, dans sa lettre De Profundis, écrite en 1897)

 
 

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Code n°177 – Vent

vent

Vent

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

LES HÉROS HOMOS SE PRENNENT UN (POUR LE) VENT

 

Film "Vent d'ouest" de Tim Stattel

Film « Vent d’ouest » de Tim Staffel


 

Les personnages homosexuels fictionnels ont tendance à se prendre pour le vent. Ils le personnifient, lui attribuent des sentiments humains, en général désincarnés et mélancoliques. Le vent incarne leur désir de disparaître, de devenir des anges transparents et immatériels, de mourir esthétiquement (façon « bobo » : bourgeois-bohème), d’être des purs esprits. Il est également la représentation de leur désir amoureux homosexuel, de l’amant (littéralement, ils désirent « se prendre un vent » !), d’un élan aérien au départ magique, et qui, comme il est désincarné et inhumain, comme il rejette la différence des sexes, devient incontrôlable et violent.

 

Comme le dit un proverbe marin, « En voile, tous les vents sont bons quand on connaît la direction ». En revanche, étant donné que le désir homosexuel est un élan qui n’a majoritairement pour but que la jouissance sexuelle de soi avec un autre soi-même, et qu’il ne veut pas s’imposer de direction, il finit par devenir, selon les dires des héros homosexuels, et parfois même des personnes homosexuelles, une rafale méchante ou un pet de lapin plutôt qu’une brise légère et vivifiante.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Télévore et Cinévore », « Bovarysme », « Planeur », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Conteur homo », « « Plus que naturel » », « Eau », « Bobo », « Train », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Ombre », « Musique comme instrument de torture », à la partie « Paravent » du code « Maquillage » et à la partie « Schizophrénie » du code « Doubles schizophréniques », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

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FICTION

 

 

a) Le vent amoureux du désir homosexuel :

Film "L'Homme de sa vie" de Zabou Breitman

Film « L’Homme de sa vie » de Zabou Breitman


 

Il est souvent question du vent dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité : cf. les chansons « Rêver » et « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Il Vento, Di Sera » (2004) d’Adriano Adriatico, le tableau Alexandre (2006) d’Orion Delain, la chanson « Candle In The Wind » d’Elton John, la chanson « When The Wind Blows » de David Bowie, la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou, le poème « Le Fil Pensée » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval (avec Patrick Laviosa jouant au piano « Autant en emporte le vent »), le film « Gone With The Wind » (« Autant en emporte le vent », 1939) de Victor Flemming, le film « Maurice » (1987) de James Ivory (qui commence par une scène de cerfs-volants), le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau, le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer), le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec le vent dans les arbres, régulièrement filmé), le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec les images d’éoliennes dès le début), le film « Vent chaud » (2020) de Daniel Nolasco, la chanson « Aire Soy » de Miguel Bosé et Ximena Sariñana, la chanson « Veux-tu danser ? » de Michel Rivard, etc.

 

Par exemple, dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Hugo le héros homosexuel travaille son adaptation théâtrale des Hauts du Hurlevent. Dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, Émilie compare la propriété terrienne de son amante Gabrielle (Bois-Rouge) à « Tara, la propriété de Scarlett O’Hara, dans Autant en emporte le vent » (p. 50). Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le héros homosexuel fait du cerf-volant avec l’un de ses amants. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Dom, le mari d’Aysla (l’héroïne lesbienne), construit des éoliennes. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Vincent et Jean, deux co-équipiers homosexuels de water-polo, font un play-back sur la chanson « Sous le vent » de Garou et Céline Dion. Ça arrive à plusieurs reprises dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont que les deux amants homos, Léo et Rémi, imitent en expirant le souffle du vent, pour se prendre pour le vent en personne.

 

« Moi, j’aime les choses avec de l’air. » (l’un des héros homosexuels du film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio) ; « Il nous faut du vent. » (cf. la chanson « Il nous faut » de Tom Dice et Elisa Tovati) ; « J’aime les fleurs et le vent dans les branches. » (Aldebert dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) ; « C’est un moment fort où se réveille l’eau qui dort, un moment clair où je me confonds à ta chair. C’est le vent qui court sous la peau. Et c’est t’apprendre avec les doigts qui me rend tout chose. » (cf. la chanson « Les Voyages immobiles » d’Étienne Daho) ; « Hmmm… Sacré courant d’air aujourd’hui. » (Arnaud, le héros homo, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Ce que tu fais, c’est du vent ! Tu es l’armée de l’air à toi tout seul ! » (Cecilia la couturière cassant Dallas, son assistant homosexuel, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien) ; etc.

 

Il arrive même que le héros homosexuel se prenne pour le vent : cf. le film « Los Hijos Del Viento » (1995) de Fernando Merinero, le film « Quatre garçons dans le vent » (1964) de Richard Lester, etc. « Moi je suis comme le vent. » (cf. la chanson « L’Alizé » d’Alizée) ; « J’suis un enfant de la pollution. Le nez au vent, je respire vent. » (Ziggy, le héros homosexuel de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Être soi, marcher dans le vent. » (c.f. la chanson « Désobéissance » de Mylène Farmer) ; « Il avait viré comme le vent. » (c.f. la chanson « L’Oubli » de Michel Rivard) ; etc. Il est un courant d’air, une victime de la mode. Il s’identifie à ses pulsions, marche au gré de ses fantasmes. Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, accorde une importance désirante, fantasmatique et identitaire très forte au vent (« Soy un amante de la libertad. Soy libre como el viento. » entend-on à un moment donné), au souffle des femmes (« La plus grande différence des femmes, c’est leur souffle. Il varie tout le temps. »). Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca rentre dans la peau d’une actrice vieillissante qui fait des publicités, Marie-Astrid : « Dans ‘Autant en emporte le vent’, en 1939, c’est moi qui faisais le vent. »

 

C’est parce qu’il se prend pour le fils du vent. Par exemple, dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon surnomme son propre père « Vooouin » tellement il est un homme qui passe vite, qui est absent ou qui se comporte comme un courant d’air.
 

L’image-mouvement cinématographique ou littéraire, symbolisée par le vent, suscitant souvent le désir homosexuel ou bisexuel chez le personnage homosexuel. « ‘Il a peur du vent, c’est certain’, et Quintus m’observait en train de feuilleter son livre. » (Garnet Montrose dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 148) ; « Il faut tourner les pages, ok, mais y’a du vent. » (cf. la chanson « Chapitre-toi » de Mélissa Mars) ; « Nous sommes loin de sa belle démarche immobile. Orphée et son guide se traînent, tour à tour empêchés et emportés par un grand souffle inexplicable. » (la voix-off de Jean Cocteau décrivant la descente en enfer d’Orphée et d’Heurtebise collés contre un mur, dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) ; « Jolie, crinière au vent, ses dessous dépassant de l’ouverture du fourreau pailleté, boitant sur une seule chaussure, traînant d’une main le renard, de l’autre son sac, le [Silvano] suivit sans rien dire. […] Son maquillage dégoulinait. Jolie de Parma, celle qui l’avait tant ému au cinéma ! réalisa-t-il tout d’un coup. Hier encore, vous étiez mon idole, mon idéal de femme. » (Silvano dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, pp. 22-23) Par exemple, dans le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef Von Sternberg, le professeur Emmanuel Rath souffle sur la carte postale de Lola Lola (Marlene Dietrich) pour lui insuffler la vie de ses fantasmes (et soulever sa robe !).

 

Quelquefois, le vent est personnifié et sentimentalisé par le héros homosexuel, qui se rend totalement esclave de lui : cf. le premier recueil de poésies Perfil Del Aire (1927) de Luis Cernuda, la chanson « Laisse le vent emporter tout » de Mylène Farmer, etc. « C’est un vent étrange que je n’ai jamais senti dans aucun autre endroit. C’est un vent léger et qui m’aime. » (Marta dans le film « Hammam » (1996) de Ferzan Ozpetek) ; « La nuit dernière, j’ai rêvé que je volais au-dessus de Hendon [États-Unis]. Le vent m’entourait de tous les côtés, mes poumons en étaient remplis. Hendon s’étalait sous moi. » (Ronit, l’héroïne lesbienne, se prenant pour un oiseau, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 301) ; « Malcolm se leva et fit signe à Adrien de le suivre. Il le conduisit dans une petite pièce adjacente. Il alluma la lumière et tendit le bras : ‘Regarde, c’est beau non ? Tu vois, ça c’est celui je préfère !’ Adrien s’approcha. Un enfant dont le visage n’était pas vraiment celui d’un enfant, plutôt celui d’une créature sortie d’un monde fantastique, mi-homme mi-volatile, chevauchait une bicyclette aux roues enflammées. La chevelure abondante, prise au vent, ressemblait à un plumage d’oiseau. Le plumage d’oiseau qui vole à contresens. Le rouge et l’orange dominaient. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 30) ; « Dehors, par la porte-fenêtre encore ouverte, c’est toujours l’été, toujours le soleil, à peine un léger souffle qui fait se soulever un rideau, une chaleur, une douceur sur tout. » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 22) ; etc.

 

Roman Sur mes quais d'Anne Loyer et Ingrid Chabbert

Roman Sur les quais d’Anne Loyer et Ingrid Chabbert


 

Le vent symbolise tout bêtement le désir homosexuel : « Il est difficile de traduire avec des mots d’adulte ce que j’ai ressenti : un souffle d’air pur, de vent… » (Suzanne décrivant son premier émoi lesbien, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 22) ; « Je la vis en bas des marches – avec elle, un courant d’air chaud s’engouffra dans la cage d’escalier. » (Laura parlant de son amie Sylvia, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 160) ; « J’ai eu envie de me branler. Je me suis mis sur le dos, j’ai gardé les yeux entrouverts […]. Je voyais se découper sur le ciel des visages, des corps habités, des sexes multiformes et des culs sculptés. Le vent mélangeait tout ensemble et remuait les feuilles froissées derrière moi. » (Claudio, l’un des héros homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 103) ; « … De nouveau mon cœur frémit sous Eros, comme les chênes des monts sous l’assaut du vent. » (la poétesse lesbienne Sappho) ; « Au bord du flot il s’arrêta, la tête basse, traçant de la pointe du pied des figures sur le sable humide ; puis il entra dans la flaque marine qui à son endroit le plus profond ne lui montait pas au genou ; il la traversa et avançant nonchalamment il atteignit le banc de sable. Là il s’arrêta un instant, le visage tourné vers le large ; puis se mit à parcourir lentement la longue et étroite langue de sable que la mer découvrait. Séparé de la terre ferme par une étendue d’eau, séparé de ses compagnons par un caprice de fierté, il allait, vision sans attaches et parfaitement à part du reste, les cheveux au vent, là-bas, dans la mer et le vent, dressé sur l’infini brumeux. » (le narrateur homosexuel décrivant le jeune et beau Tadzio, dans le roman La Mort à Venise (1912) de Thomas Mann, p. 107) ; etc. Par exemple, dans son roman Les Oiseaux (414 av. J.-C.), Aristophane fait naître Éros bisexué d’un « œuf sans germe », fruit du vent, pondu par « la nuit aux ailes noires, avant toute chose ».

 
 

 

b) Un vent pas comme les autres :

En général, le vent dépeint dans les fictions homo-érotiques n’est pas doux du tout. Il a la violence de la rafale ou du souffle inconsistant. À l’instar des passions, il domine le héros homosexuel et lui fait oublier son identité : cf. le film « Accroche-toi, y’a du vent ! » (1962) de Bernard Roland, etc. « Le vent est parfois si méchant. » (Suki, l’héroïne lesbienne parlant de son billet envolé et qui lui a fait perdre son train, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Comme une vague se retire pour mieux revenir, mes sentiments refirent surface avec une force inouïe, décuplée et incontrôlable. J’étais comme le capitaine d’un navire perdu en pleine tempête, sans savoir quoi faire. Parfois persuadé qu’il valait mieux faire demi-tour, parfois convaincu de mon insubmersibilité et qu’il fallait au contraire aller de l’avant. Mais peu importe puisque la barre ne répondait plus et que j’allais au hasard, porté par les vents, par cette force invisible qui s’appelle l’amour et qui n’obéit à aucune règle, à aucune loi ni à aucune logique. » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 36) ; « Le vent se chargera de disperser nos paroles de même qu’on efface des mots sur une page. » (Brittomart s’adressant à Fabien, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 72) ; « Je veux bien que tu sois libre mais, Lou, tu n’es pas un tigre dans le vent de l’aventure ni dans le sens du destin ! » (Solitaire à sa fille Lou dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Mon cœur est confortable, bien au chaud, et je laisse passer le vent. Mes envies s’éteignent, je leur tourne le dos, et je m’endors doucement. Sans chaos ni sentiment. » (cf. la chanson « Si maman si » de France Gall) ; « Vous vous étiez compromis entre vous, pédés et gouines, à ventiler vos problèmes sans venir nous emmerder ! » (Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Quel vent bizarre ! J’avais jamais vu de vent si noir ! » (Venceslao dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi) ; « Effaçons-nous, car le vent commence à souffler. » (cf. dernière réplique de Raulito à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « C’est le début du printemps, les frimas d’avril, elle laisse derrière elle les arbres que le vent fait frissonner, une jeunesse pauvre et digne, des illusions peut-être et elle pénètre dans la chaleur artificielle d’une ancienne demeure bourgeoise reconvertie en maison close. Elle vient vendre son corps puisque c’est tout ce qu’il lui reste. » (Vincent, le héros homosexuel décrivant la mère d’Arthur, son amant, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 203) ; « L’air est si salé qu’il ronge le béton et le fer. » (Donato s’adressant à son amant Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; « Les fenêtres de l’immeuble abandonné n’avaient pour la plupart plus de vitre. La lumière brilla une nouvelle fois, faible et vacillante ; cela pouvait-il être le vent qui s’engouffrait par une fenêtre sans carreau, et qui faisait trembler une flamme ? » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, pp. 56-57) ; « La lourde porte en bois s’ouvrit en grinçant, laissant s’engouffrer une rafale de vent et de feuilles mortes dans l’allée centrale. » (idem, p. 125) ; etc.

 

Par exemple, dans son one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, travesti M to F, habite un village « où il y a un vent à décorner tous les cocus ». Dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès, il est question d’« un vent venu de nulle part ». Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Giraudie, on entend toujours le vent, et pas du tout de musique : il est annonciateur de la mort de presque tous les protagonistes. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, l’un des héros homosexuels, Négoce, fait mention du « plus redouté des vents du Nord » ; et en effet, sur scène, le vent ouvrant et fermant violemment les quatre fenêtres de la maison bourgeoise homo-hétéro décoiffe tous les personnages homosexuels et les conduit à la mort.

 

Film "L'Inconnu du lac" d'Alain Guiraudie

Film « L’Inconnu du lac » d’Alain Guiraudie


 

Le vent rend objet, amnésique, transforme certains personnages en électrons libres : « Je sais à peine comment je m’appelle : Polvareda. Peut-être qu’un vent m’a poussé de quelque part. Je n’ai ni foi ni patrie. Je suis une menteuse, ça oui, et je sais seulement que je mens. » (cf. le poème « Polvareda » de Copi, publié dans l’ouvrage La Pyramide ! / Loretta Strong (1999), pp. 99)

 

Le héros homosexuel essaie de freiner la course du vent/désir (cf. je vous renvoie à la grande place qu’occupent les paravents dans les œuvres homosexuelles : cf. le code « Maquillage » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « C’est là où vous me direz : laisser tomber les chiens, asseyez-vous sur une dune, allumez une cigarette en faisant paravent contre le vent avec vos mains en cornet et pensez à quelque chose d’autre. Je vous soupçonne d’avoir eu un chien dans votre jeunesse, ça c’est une idée typique d’un maître de chien, Maître. Connard. » (la voix narrative du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 13) Par exemple, dans sa chanson « À force de retarder le vent », le chanteur Jann Halexander parle d’un « vent retardataire ». Dans la comédie musicale Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, s’y trouve dépeint un personnage homosexuel nommé « Fauche-le-vent ».

 

Chez l’artiste bobo homosexuel, le vent occupe une place très importante. Ce dernier esthétise sa déprime amoureuse au point de la rendre (au moins à ses yeux) belle/beau. Quoi de plus bisexuel que le vent ! Quoi de plus sanctifiant et rassurant que l’identification narcissique à l’Esprit-Saint ! Mais c’est un désir de feuille morte… « Je vais comme les gens de rien vers le destin. […] une brindille dans le vent, une goutte d’eau dans l’océan. » (cf. la chanson « Boulevard des Rêves » (2011) de Stéphane Corbin) ; « Il fixa des yeux une tache sur son bouvard. […] C’était une tache d’une forme bizarre qui fait songer à l’ombre d’une main sans pouce. […] Cela ressemblait à une main de voleur, mais de voleur qui eût volé autre chose que de l’or. ‘Un voleur de vent’, murmura Fabien. Et plus haut il répéta : ‘Voleur de vent, voleur de vent. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 29)

 
 

 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

 

a) Le vent amoureux du désir homosexuel :

Ce n’est pas un hasard si une grande partie de l’équipe du film « Gone With The Wind » (« Autant en emporte le vent », 1939) de Victor Flemming (et notamment le décorateur George Cukor), était homosexuel. Dans l’imaginaire collectif, les personnes homosexuelles sont même parfois prises pour des vents, des courants d’air, des victimes de la mode : cf. l’émission de télé Queer : Cinq experts dans le vent (2004) sur la chaîne TF1.

 

5 experts

 

On observe une attraction particulière, esthético-érotique, des personnes homosexuelles pour le vent. Beaucoup d’œuvres homosexuelles utilisent l’air du ventilateur pour angéliser et diviniser leur modèle : cf. le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi (avec la chanteuse transsexuelle M to F au chant de velours, avec les cheveux battus par le vent artificiel d’un ventilo), les vidéo-clips « Don’t Tell Me » et « Frozen » de Madonna, le vidéo-clip de la chanson « 2 Become 1 » des Spice Girls, les vidéo-clips « XXL », « Dégénération » et « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, l’affiche du concert Mylenium Tour (1999) de Mylène Farmer sur son échelle, la pochette de l’album « Post » de Björk, la charge esthétique du vent dans les mangas japonais, Shadoh interprétant « Rodéo » dans l’émission The Voice 2 (2013) sur la chaîne TF1, etc.

 

Photo de Mylène Farmer par André Rau

Photo de Mylène Farmer par André Rau


 

Cette attraction homosexuelle pour le vent s’accompagne régulièrement d’une fascination artistique pour les ralentis, qui donnent un effet aérien et du pathos à certaines scènes filmiques/réelles (souvent comiques au départ… et mélancoliques à la fin) : cf. le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, la pièce Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, le vidéo-clip de la chanson « Kelly Watch The Stars » du groupe Air, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, le vidéo-clip « Stranger In Moscow » de Michael Jackson, etc.

 

Par exemple, le peintre britannique Francis Bacon est fasciné par les successions de photos sérigraphiques en noir et blanc d’Eadweard Muybridge (cf. le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton). Dans son autobiographie Impotens Deus (2006), Michel Bellin dit son attrait pour la sensualité du « ralenti cinématographique » (p. 63).

 

Le vent symbolise tout bêtement le désir homosexuel. Pour prouver que l’homosexualité est un élan aussi naturel que le vent, beaucoup de réalisateurs aiment filmer le vent dans les arbres : cf. le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitmann, le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, etc.

 
 

b) Un vent pas comme les autres :

En général, le vent dépeint par les personnes homosexuelles n’est pas doux du tout. Il a la violence de la rafale ou du souffle inconsistant. À l’instar des passions, il les domine et leur fait oublier leur identité : « Je voulais dire beaucoup de choses. Des histoires secrètes. Des mots d’été chauds. Mes impressions, ce que ce petit chef m’inspirait, les torrents qu’il était en train de provoquer en moi. Le feu. Le sang. La glace. Le vent. Je voulais surtout qu’il sache que malgré tout ce qu’on disait sur moi à Hay Salam, ‘la petite fille’, ‘la poupée’, malgré tous les surnoms de trahison j’étais encore vierge. Vierge vierge. Vierge des fesses. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 20-21) ; « Elle est venue, la star blonde de l’époque, bien des années plus tard, à Paris. Je traversais avec elle l’esplanade du Trocadéro, un jour d’orage. J’ai senti que je ne marchais plus dans la réalité, que nos corps étaient aplatis sur un écran blanc. Que le vent l’arrachait au sol et la faisait virevolter en l’air. J’ai bien regardé son visage. Vous vous ressemblez comme deux gouttes d’eau. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 170) ; « Les amourettes inquiètes d’homosexuel enténébré qui étoffent mon vieux passé personnel, malgré leurs émotions et leur poésie, n’ont laissé en moi que des traces de vent. » (Henry Creyx, Propos décousus, propos à coudre et propos à découdre d’un chrétien homosexuel, Éd. Thélès, Paris, 2005, p. 31) ; etc.

 

Vidéo-clip de la chanson "Don't Tell Me" de Madonna

Vidéo-clip de la chanson « Don’t Tell Me » de Madonna


 

Chez l’artiste bobo homosexuel, le vent occupe une place très importante. Ce dernier esthétise sa déprime amoureuse au point de la rendre (au moins à ses yeux) belle/beau. Quoi de plus bisexuel que le vent ! Quoi de plus sanctifiant et rassurant que l’identification narcissique à l’Esprit-Saint ! Mais c’est un désir de feuille morte… Par exemple, lors de son concert Les Murmures du temps au Théâtre de L’île Saint-Louis Paul Rey en février 2011, le chanteur Stéphane Corbin évoque sans cesse, avec complaisance narcissique, la fuite de son désir, de sa liberté : « J’entends le vent. » ; « Depuis ce jour d’hiver précoce, giflé par les rafales d’un vent d’est… »

 

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Code n°178 – Vierge (sous-codes : Vénus / Fée / Ève / Marie)

Vierge

Vierge

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Vierge mais pas trop

 

Tableau de Pierre et Gilles

Tableau de Pierre et Gilles


 
 

Les individus homosexuels laissent une grande place à la Vierge Marie dans leur vie, aussi bien iconographiquement que réellement. Pour les bonnes raisons (ils sont attirés par sa pureté, par l’idéal de continence qu’elle les aide à vivre, par sa douceur, par son réalisme, par sa miséricorde maternelle, par sa vie toute donnée à Jésus, par sa sagesse et sa constance, parce qu’elle est la Reine du Ciel et notre mère à tous), mais aussi pour les mauvaises raisons quand ils perdent leur pureté par des actes qui désavouent leur virginité d’Enfants de Dieu. Dès que les sujets homosexuels pratiquent leur homosexualité, ils s’écartent de l’Incarnation de Jésus et de Marie, s’en moquent et La parodient. Ils se mettent à considérer la virginité comme un mythe mensonger et inaccessible (vaguement kitsch : la fée, la Vénus, la madone meringuée), cherchent à détruire la Vierge pour se mettre à sa place et se prendre pour Dieu, la représentent en putain ou en déesse inaccessible (que la véritable Vierge n’est pas : c’est vraiment la plus accessible et la plus immaculée des femmes). Ils établissent avec Marie (et finalement avec toutes les femmes réelles qu’elle représente : filles, femmes et mères) un rapport idolâtre d’adoration/mépris : ils la mettent sur un piédestal pour la vider de Réel, la tenir à distance, s’en faire une caricature et une frustration qui les pousseront plus tard à la voir comme une méchante ennemie, une araignée tentaculaire, une figure hypocrite de la bonne société puritaine, une sainte-nitouche à violer. Mais ils se plantent en beauté : la Vierge Marie, loin de nous juger, est là pour restaurer en chacun de nous notre pureté perdue, et la contaminer de sa pureté éternelle à elle. On ne peut comprendre le mystère et la grandeur de la continence que si on accueille la Vérité de l’identité royale et de la virginité de la Vierge Marie.
 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Première fois », « Reine », « Attraction pour la ‘foi’ », « Curé gay », « Blasphème », « Bergère », « Innocence », « Putain béatifiée », « Bourgeoise », « Mère possessive », « Destruction des femmes », « Super-héros », « Focalisation sur le péché », « FAP la ‘fille à pédés’ », « Matricide », « Jardins synthétiques », « Voyante extra-lucide », « Viol », « Inceste », « Grand-mère », « Actrice-Traîtresse », « Femme fellinienne géante et Pantin », « Se prendre pour Dieu », « Femme allongée », « Mariée », « Sirène », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Mère gay friendly », « Carmen », « Tante-objet ou Mère-objet », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Regard féminin », à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », à la partie « Cendrillon » du code « Désert », à la partie « Peter Pan » du code « Parodies de Mômes », à la partie « Enfant voyeur » du code « Espion homo », à la partie « Contes de fée » du code « Conteur homo », et à la partie « Continence » du code « Solitude », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) La Vierge adorée :

La Vierge est un leitmotiv des fictions homo-érotiques. Souvent, le personnage homosexuel vénère une femme aérienne, sans tache, magnifique, immaculée : cf. la chanson « Ave Maria » d’Esméralda dans la comédie musicale Notre-Dame de Paris de Luc Plamondon, la chanson « Ave Maria » de David Jean, la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim (avec Marcy, l’héroïne lesbienne ayant une dévotion hystérique à la statue de la vierge de Lourdes), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec la Vierge Marie), le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, le roman La Sainte Vierge (1951) de Yukio Mishima, la chanson « Ave Maria » de Mylène Farmer, le roman Mauve le vierge (1988) d’Hervé Guibert, la sculpture Vierge de Tony Riga, la composition Litanies à la Vierge noire (1936) de Francis Poulenc, la chanson « Dans les rues de Londres » de Mylène Farmer (avec Virginia), le film « Immacolata et Concetta » (1979) de Salvatore Piscicelli, le film « The Virgin Larry » (2001) de Damion Dietz, le film « Dreams Of A Virgin » (1986) de Claudia Schillinger, le film « Casta Diva » (1983) d’Éric De Kuyper, le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest (avec la figure virginale d’Anne-Catherine), le film « Marie » (2007) de Pascal Lièvre, le film « Les Biches » (1967) de Claude Chabrol (avec Why, l’amante vierge), la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, la chanson « Siete Vírgenes » de Haze, le film « Le Décaméron » (1971) de Pier Paolo Pasolini, Le roman La Naissance d’une vierge (2015) de Gabriel Dia, etc.

 

Film "Le Décaméron" de Pier Paolo Pasolini

Film « Le Décaméron » de Pier Paolo Pasolini


 

L’innocence de la Vierge attire le héros homosexuel, surtout esthétiquement et émotionnellement : « Tout commence par une femme, et tout finit par une femme. » (le héros homosexuel dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) La Vierge lui permet de s’acheter une conscience, une grandeur et une pureté. Par exemple, dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, Lucie, l’une des héroïnes lesbiennes, chante « Like A Virgin » de Madonna. Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Chloé, l’héroïne lesbienne, caresse une sculpture de marbre blanc d’une vierge à l’enfant dans son hôpital psychiatrique. Dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays, la chanson « Like A Virgin » de Madonna sert à l’un des lascars à découvrir/révéler son homosexualité. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Joey, le jeune adolescent de 15 ans, sur qui pèse une suspicion d’homosexualité, dit qu’il a vécu son premier grand amour pour une fille sur les Îles Vierges. Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil comme Valmont se déguisent en vierges, avec un voile sur la tête. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Nicolas, le héros gay, chante l’Ave Maria avec sa voix de ténor. Dans le film « Glückskinder » (« Laissez faire les femmes ! », 1936) de Paul Martin, Frank, le héros homosexuel, aux côtés de son compagnon Stoddard, joue aux courses de chevaux et parie son argent sur une jument nommée Vierge Wendy : « Tout sur Vierge Wendy !! » Voyant qu’ils perdent, Stoddard se désespère : « Elle est où notre vierge ? ». Dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion, Loïc et Seb, couple gay, considèrent Marie, leur meilleur amie, comme une mère porteuse de leur enfant (sans avoir couché avec elle), et plus largement, comme une vierge (…en cloque). Ils se prennent donc pour Dieu : « Marie est celle qui porte ton enfant. » dit Seb à Loïc.

 

C’est souvent la mère biologique ou cinématographique qui est virginisée, et qui maintient le héros dans le cocon chaud de l’inceste : « Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as vu la Vierge ou quoi ? » (Cédric s’adressant en boutade à son amant Laurent en parlant de sa propre mère qu’il n’a pas vue débarquer dans la chambre, dans le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure) ; « Notre mère chantait l’Ave Maria. » (Jeanne dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « Les fées le protègent. » (la Belle s’adressant à son père par rapport à la Bête, dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau) ; etc. Par exemple, dans le roman Philippe Sauveur (1924) de Ramon Fernandez, Philippe, le héros homosexuel, voue une « adoration sans borne à sa mère, prénommée Maria : la Mère par excellence, l’idole chaste qui ôte l’envie d’approcher les femmes.
 

 

La vierge célébrée dans la fantasmagorie homosexuelle est plutôt une femme mythologique, sans corps, avec les pouvoirs magiques d’une fée ou d’une Vénus végétale : cf. la chanson « Les Liens d’Éros » d’Étienne Daho, la chanson « Venus » du groupe Bananarama, la chanson « Ma Vénus d’ébène » de David Jean, le film « Venus Boyz » (2001) de Gabriel Baur, le roman Patty Diphusa, la Vénus des lavabos (1985) de Pedro Almodóvar, la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec Philibert, fan de la déesse de l’amour), la pièce El Público (1930-1936) de Federico García Lorca, le roman Venus Plus X (1960) de Theodore Sturgeon, les romans Venus Bonaparte (1994) et Mujercísimas (1995) de Terenci Moix, le film « La Déesse » (1958) de John Cromwell, le film « Venus In Furs » (1969) de Jess Franco, le film « La Tentation de Vénus » (1990) d’Istvan Szabo, la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, les poèmes de Wystan Hugh Auden, le film « La Belle et la Bête » (1946) de Jean Cocteau, la pièce C’est bien fée pour moi (2014) de Réda Chéraitia, le film « The Blue Bird » (« L’Oiseau bleu », 1976) de George Cukor (avec la fée Lumière), la chanson « L’Histoire d’une fée, c’est… » de Mylène Farmer, le one-man-show Des Lear (2009) de Vincent Nadal (avec la bonne marraine Janine), le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec les fées), la pièce C’est bien fée pour moi (2014) de Réda Chéraitia, le vidéo-clip de la chanson « Viva Forever » des Spice Girls, la chanson « Doolididom » de Zazie, la chanson « La Nuit des fées » du groupe Indochine, le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha (avec Eva, la fille célibataire de Johanna, la mère, présentée à Rudolf, le héros gay), le film « Morgane et ses Nymphes » (1970) de Bruno Gantillon, le roman Ève (1987) de Guy Hocquenghem, le film « La Nouvelle Ève » (1999) de Catherine Corsini, la chanson « Ève » de Charles Trénet, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 Jours de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec Eva), le roman Julia (1970) d’Ana Maria Moix (avec Eva), la pièce Eva Perón (1970) de Copi, la pièce Eva Perón (2002) de Marcial Di Fonzo Bo, le film « All About Eve » (1950) de Joseph Mankiewicz (avec Ève la lesbienne), le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, le film « Sonate d’automne » (1978) d’Ingmar Bergman (avec Ève), le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion (avec le personnage d’Eva), le film « Una Mujer Como Eva » (1979) de Nouchka Van Brakel, le film « Golden Years » (2009) d’Aimee Knight (avec Ève), le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet (où Antoine, le protagoniste principal, tombe amoureux d’Eva), le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier (avec Eva), la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Adam est… Ève » (1954) de René Gaveau, le film « Cher Disparu » (1965) de Tony Richardson, le film « All About Alice » (1974) de Ray Harrison, le film « A Woman Like Eve » (1979) de Nouchka Van Brakel, le film « Adao E Eva » (1995) de Joaquim Leitao, etc.
 

« Votre nom à lui vaut de l’or. » (le Père O’Toiler s’adressant à la Tante Eva, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill)
 

Dans les fictions homo-érotiques, on constate que la Vierge est désincarnée et n’a pas tellement figure humaine. Elle est l’allégorie idéalisée d’une misogynie homosexuelle voilée : « Je n’ai pas dit femme. J’ai dit vierge. » (Dracula, le vampire homosexuel du film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey) ; « I need a real Virgin. » (Pierre Burger dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) ; « Son profil est celui des vierges mythiques. » (Maxence, le jeune peintre sensible dessinant les contours de sa femme idéale, dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy) ; « Ce que j’aime en une femme, en une vierge, c’est la modestie sainte ; ce qui me fait bondir d’amour, c’est la pudeur et la piété ; c’est ce que j’adorai en toi, jeune bergère ! » (Arthur Rimbaud, Un Cœur sous la soutane, 1870) ; « Quand le numéro se termine, la scène est plongée dans l’obscurité jusqu’à ce que, tout en haut, une lumière commence à se lever, comme un jour à travers la brume, et l’on voit dans son cercle se dessiner une silhouette de femme : divine, grande, parfaite, mais estompée, qui se profile chaque fois davantage, parce qu’en s’approchant elle traverse des rideaux de tulle, ce qui fait qu’on peut de mieux en mieux la distinguer, dans une robe de lamé argent qui ceint son corps comme une gaine. La femme la plus, la plus divine que tu puisses imaginer. Et elle chante une chanson, d’abord en français, puis en allemand. Elle se trouve en haut de la scène, et soudain s’allume à ses pieds, comme un éclair, une ligne horizontale de lampes. » (Molina, le héros homosexuel décrivant l’apparition de l’actrice Léni, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig, p. 53) ; « J’aime les filles, mais je ne les baise pas. » (Matt, le héros homosexuel du film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland) ; « La femme me paraissait au-delà de notre monde, comme une statue ou une apparition. Je n’arrivais pas à me figurer le contact de ma chair avec la sienne. Il me sembla que mon imagination était frappée d’impuissance de ce côté-là. » (Roger dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 21) ; « Je veux t’attendre au zénith dans le ciel de la pleine lune ! Je veux ta virginité. » (Ahmed s’adressant à Lou l’héroïne lesbienne Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « La Mylène, elle est pure ! Elle fait pas caca ! » (Tom, le fan de Mylène Farmer, dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Adrien, le héros homosexuel, veut qu’Eva (Fanny Ardant) reste éternellement vierge et ne fréquente pas d’autre homme que lui. Dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, même cas de figure : comme Marie, la « fille à pédé », a été « infidèle » à son meilleur ami homo Loïc (elle a osé sortir avec un autre homme que lui !), ce dernier la traite de « pute » et la pousse au suicide. Dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, Damien, l’un des héros homos, injurie Amélie de « salope » parce qu’elle a couché avec son frère Samuel. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homosexuel qui n’avait pas voulu de la jolie Franckie quand elle était célibataire, la jalouse quand elle revient avec son ex copain : il la voudrait éternellement vierge. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Romuald, le héros gay, s’inquiète de savoir si Frédérique, la lesbienne avec qui il va vivre une aventure sexuelle, est vraiment « vierge ». Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Stéphane, le héros homosexuel, qualifie sa meilleure amie lesbienne Florence de « Blanche-Neige » qui doit réserver sa virginité pour lui. Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil se dit attirée par le « derrière virginal » de Cécile Volanges, « cette vierge que le diable a recrutée contre elle ».

 

En virginisant son (ou sa) partenaire sexuel(-le), le personnage homosexuel désincarne et rend frigide l’amant(e) homosexuel(-le) avec qui il partage parfois sa vie, faisant preuve d’une homophobie inconsciente. « J’ai tourné la tête et j’ai vu qu’elle pleurait. Les larmes coulaient en silence, luisaient sur son visage pareil à un portrait médiéval de la Vierge Marie. Que faire ? » (Ronit parlant de son amante Esti, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 146) ; « T’as l’air d’une fée. » (Howard, le héros homo face à sa future femme en robe de mariée, Emily, avec qui finalement il ne se mariera pas puisqu’il va faire son coming out le jour de leurs noces, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « La fée vietnamienne m’allonge, pour des messages pas très catholiques. » (cf. la chanson lesbienne « Body Physical » de Buzy) ; « Elle me croit inoffensive… mais les fées aussi sont dangereuses. » (Rinn, l’une des héroïnes lesbiennes, par rapport à Kanojo, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Vous êtes la nouvelle Vierge Marie ? » (Yoann, le héros homosexuel, s’adressant à l’ex-femme de son amant Julien, Zoé, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « La Sainte Vierge incarnée ! » (Azario, un ami homo de Davide tout content d’avoir peinturluré de maquillage son amie gothique, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; « Elle baise pas. C’est une sainte. » (Meri, le transsexuel M to F se moquant de la prudence de Davide, son jeune camarade homo de 14 ans, idem) ; etc.
 
 

b) La Vierge violée :

Parfois, le personnage homosexuel est tellement fasciné par la déesse virginale que son imaginaire a créée qu’il finit, par orgueil et jalousie, par s’y identifier et par se prendre pour Dieu : « Je suis pour vous une fée bienfaisante. » (Madame de Merteuil s’adressant au Vicomte de Valmont, Lettre LXXXV, dans le roman Les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos) ; « Tu penses qu’on a pris leur place ? » (Sulky et Sulku, les deux artistes efféminés à propos des vierges du Musée, dans le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes) ; etc. Par exemple, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Sumter, le petit neveux de Michael (soupçonné d’être homo), dit qu’il veut devenir « une vierge imprévoyante » en s’identifiant à une marionnette biblique. Dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, Ken, l’un des héros homosexuels, considère Claudio comme la Sainte Vierge. Dans le roman The Rubyfruit Jungle (1973) de Rita Mae Brown, Molly, l’héroïne lesbienne, interprète la Vierge Marie lors de la kermesse scolaire. Dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, Mousse avoue qu’elle aimerait bien être la réincarnation de la Vierge Marie. Dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, Adam, l’un des héros homosexuels, demande à un ange efféminé, s’il « est une bonne ou une mauvaise fée ? » ; ce dernier lui répond : « Je ne suis pas une fée, je suis votre ange gardien : Dorothée. » Dans le film « Mon Arbre » (2011) de Bérénice André, la jeune héroïne, Marie, 10 ans, conçue par un projet de coparentalité (un « couple » d’hommes et un « couple » de femmes) est totalement perdue dans son identité : elle est au départ gagnée par la prière et par une piété pour la Vierge Marie (une statue qui lui parle, qui s’anime pendant ses oraisons, et de manière de plus en plus sévère et autoritaire), mais peu à peu, elle va s’identifier à Elle : « Marie se pose des questions sur sa venue au monde : serait-elle, comme ‘l’autre Marie’, l’Immaculée Conception ? » (cf. la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris du Forum des Images de Paris s’étalant du 7 au 16 octobre 2011). Le fillette finira par se moquer de la vraie Vierge Marie, en faisant même une bataille d’eau bénite avec l’eau de Lourdes en plein sanctuaire. Elle présente d’ailleurs avec décontraction la Vierge comme un arbre généalogique arachnéen difforme.

 

Roman La Vierge rouge de Fernando Arrabal

Roman La Vierge rouge de Fernando Arrabal


 

La Vierge ou la fée fantasmée par le héros homosexuel n’est d’ailleurs pas tellement une femme ni un être sexué. Elle devient l’androgyne dépossédé de sa féminité corporelle, voire carrément l’amant homosexuel : cf. la série radiophonique Biohomo Man de l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle (avec le personnage de la « Fée Lation » : subtil…) « L’Immaculée Conception, c’est vous ! » (Janine s’adressant à son amante Simone, dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) Par exemple, dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Petra compare sa compagne Jane à la Vierge : « Comme la Madone. ’ Petra désigna du menton le tableau de bord où était adossée une carte religieuse. Une Vierge parée de bijoux portait un enfant Jésus plein de vie entièrement nu hormis une couronne dorée surmontée d’un halo. » (p. 13) Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin se déguise en fée pour reconquérir Bryan. Et cela marche, car Bryan croit au mythe : « J’ai l’impression d’avoir rencontré une fée qui va tout changer ! Je peux faire un vœu ? » (p. 282) Dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud, Marina, le héros travesti M to F, se définit comme « la marraine la bonne fée » du bébé d’Anna.
 

La Vierge travestie par les fantasmes narcissiques du héros homosexuel, c’est la femme indépendante, la mère célibataire, la lesbienne qui ne sera pas salie par le contact d’un homme, c’est la femme libérée qui a fait un bébé toute seule et qui n’aura pas à collaborer avec la sexuation (différence des sexes) ni à communier avec la condition humaine, elle se réduit au costume de travelo ou de transsexuel : « Désexuez-moi ! » (Lady Macbeth dans la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare)
 

Pour le héros homosexuel, la virginité est synonyme de frustration et de refus de l’Amour : « J’avais dix-huit ans, j’étais vierge et j’en avais assez de sublimer en rêvant dans mon lit à des êtres inaccessibles ou en tripotant dans l’ombre des parcs publics des corps fugitifs qui n’étaient pas là pour l’amour mais pour la petite mort qui dure si peu longtemps et qui peut être triste quand elle n’est agrémentée d’aucun sentiment. » (le narrateur homosexuel du roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 25) ; « Ève, mère de toutes les mères, n’a-t-elle pas couché avec le premier venu ? » (Chris, l’un des héros homosexuels du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 64) ; « Définitivement, les Virilius, c’est un groupe de puceaux. » (Jean-Henri, l’un des Virilius, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Groupe de puceaux amateurs ! » (Jean-Marc, le héros homosexuel, idem) ; « Sa chasteté était pire que celle d’une vierge. » (Reinaldo Arenas dans le film « Avant la nuit » (2000) de Julian Schnabel) ; « Marilyn, qui était toujours vierge, la première. » (le narrateur homosexuel parlant de la « fille à pédés » dévergondée, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 32) ; « Mimile habilla Vidvn des frocs de la Vierge de l’autel de Notre-Dame tout poussiéreux et probablement infestés de microbes. » (Gouri, le héros bisexuel du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 125) ; « Onze mille vierges sous acide lysergique consolent des malabars tendus et mélancoliques. Fille de joie me fixe de ses yeux verts. Des claques ??? Jusqu’à l’Hôtel de l’Enfer. » (cf. la chanson « Onze mille vierges » d’Étienne Daho) ; « Il faut avoir vu le visage de la mère comme celui d’une madone sur les peintures religieuses, le teint cireux, comme si les années s’étaient emparées de ce visage pour l’affaisser, le dévaster. » (la figure de Marcel Proust dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 115) ; « Eva sortit des toilettes, effondrée, les yeux délavés de mascara. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p.116) ; etc.
 

Comme le héros homosexuel finit par se rendre compte de ses propres limites (il ne parvient pas à être la Vierge sainte), et que la Vierge toute-puissante (et les femmes réelles) n’est pas la super-héroïne qu’il avait imaginée (elle a le « défaut » d’être humble, servante, vulnérable et aimante : elle est toute-puissance d’Amour, et non toute-puissance du Bien et du mal), il se met à salir la virginité de celle-ci, à rêver la Vierge méchante. « J’aime pas les vierges. » (Stella, l’héroïne lesbienne du film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « Les vierges ne nous ont jamais intéressés. » (John, le héros homosexuel du film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; etc. Il se sent nargué par sa perfection. « La religieuse était pleine de vie et, bien qu’elle ne fût pas jolie, je fus attirée par elle. […] J’étais insensiblement attirée et sous le charme de la sœur. […] Je concentrai mon esprit sur les pensées choquantes qui me traversaient l’esprit. Je l’imaginais déshabillée et en situation de me donner ce que j’aurais voulu d’elle sur l’instant. […] J’avais souvent pensé que dans les couvents, parmi ces femmes enfermées, certaines devaient entre elles trouver un peu de satisfaction… […] Face à cette fille sans coquetterie, je me voyais dans la peau d’un diable venu pour la tenter. […]Sachant qu’elle allait partir, avec une énergie et une détermination qui m’étonnèrent moi-même, je me précipitai pour lui prendre un baiser. Elle n’en fut pas surprise et se laissa faire, mais sans participer en rien. Aussi furtif que fût ce baiser, je compris qu’elle n’avait jamais embrassé personne avant moi. J’en ressentis instantanément comme une sorte de tristesse et j’eus le sentiment qu’il émanait d’elle une pureté à jamais inaccessible. » (Alexandra, la narratrice lesbienne rencontrant une jeune religieuse dans un train, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 221-224)

 

Le motif de la Vierge violente, méchante, incestueuse ou prostituée revient extrêmement souvent dans les fictions homo-érotiques : cf. le film « The Virgin Soldiers » (1969) de John Dexter, le film « La Virgen De Los Sicarios » (« La Vierge des tueurs », 2000) de Barbet Schrœder, la chanson « Like A Virgin » de Madonna, le poème de la « Vierge Folle » d’Arthur Rimbaud, le one-woman-show Vierge et Rebelle (2008) de Camille Broquet, la B.D La Verdadera Historia Del Superguerrero Del Antifaz, La Superpura Condesita Y El Super Ali Kan (1971) de Nazario, le poème Howlin’ (1956) d’Allen Ginsberg, le film « La Sorcière vierge » (1972) de Ray Austin, le film « Mondo Trasho » (1970) de John Waters, le film « Virgin Machine » (1988) d’Elfi Mikesh, le film « Die Jungfrauen Maschine » (« Virgin Machine », 1988) de Monika Treut, le film « Uniform Masturbation : Virgin’s Underpanties » (1992) d’Hisayasu Satō, le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot (avec Aubépine, une réplique de la fée Carabosse), la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti (avec Ève, présentée comme l’origine d’un monde pécheur), le film « L’Annonciation Or The Conception Of A Little Gay Boy » (2011) d’Antony Hickling (avec la maman prostituée virginisée, ultra fusionnelle et castratrice avec son fils homosexuel adulte), le roman La Vierge rouge (1986) de Fernando Arrabal, la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim (avec la thématique de la vierge violée), etc.

 

Film "L’Annonciation Or The Conception Of A Little Gay Boy" d’Antony Hickling

Film « L’Annonciation Or The Conception Of A Little Gay Boy » d’Antony Hickling


 

« Mes parents ne croyaient pas aux fées. Elles les ont punis en ma personne. » (la Bête dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau) ; « Jane jeta un regard à la Vierge, très haut dans une niche. Les yeux de la statue étaient baissés d’un air modeste, contemplant ses mains. Jane reporta son attention sur le prêtre, tentant de se débarrasser du sentiment que la Vierge allait lever la tête et lui lancer un regard noir dès que personne ne la regarderait. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 205) ; « De près, son visage évoquait celui d’une sorcière. » » (Jane regardant Maria la prostituée, idem, p. 157) ; « C’est un peu like a verge-in, chez nous. » (Rodolphe Sand imitant une femme hétéro ultra beauf se destinant à être mère porteuse pour un couple gay, dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « La vierge devient pute. » (« X », le héros homo du film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka) ; etc.

 

En général, en dépeignant une Mater Dolorosa pleurnicharde et/ou cruelle, le héros homosexuel se venge sur la Vierge Marie de sa propre virginité perdue (à cause, parfois, d’un viol qu’il a subi, ou d’un acte d’impureté qu’il a posé) : cf. le roman Nuestra Virgen De Los Mártires (1983) de Terenci Moix, le film « Ludwig, requiem pour un roi vierge » (1972) d’Hans-Jurgen Syberberg, le film « West-Side Story » (1961) de Robert Wise (avec Maria), etc. « Un sourire, Blanche-Neige. La vie est belle ! » (Meri, le travesti M to F, s’adressant à Davide le héros homosexuel, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) Par exemple, dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (1985) de Bernard-Marie Koltès, le personnage homosexuel évoque l’existence d’« une petite vierge élevée pour être putain ». Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, Rob, le jour du mariage de Rachel l’héroïne lesbienne se forçant à se marier avec un homme qu’elle n’aime pas et cachant son homosexualité, fait une blague sur la fausse virginité de « l’heureuse mariée ».

 

Film "La Vierge des tueurs" de Barbet Schroeder

Film « La Vierge des tueurs » de Barbet Schroeder


 

La figure de la Vierge violée est très présente dans les œuvres artistiques homosexuelles : cf. le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta, le film « La Source ou la fontaine de la jeune fille » (1960) d’Ingmar Bergman (avec le viol de Karin), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé (avec la figure de Jean Cocteau qui encule un ange), la pièce L’Opération du Saint-Esprit (2007) de Michel Heim, le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le one-man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set (avec Blanche-Neige se faisant poursuivre par le chasseur Rocco), le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan (avec Blanche en caricature de la féminité fatale), le film « Totò Che Visse Due volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresco (avec le viol de l’ange), le film « Little Gay Boy, Christ Is Dead » (2012) d’Antony Hickling (avec le viol du puceau, Jean-Christophe), la chanson « L’Annonciation » de Mylène Farmer (racontant un avortement ou une sodomie), la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier (avec la danseuse en tutu obèse, Marilyn Monroe, portant le prénom de « Lourdes »), le film « Los Amantes Pasajeros » (« Les Amants passagers », 2013) de Pedro Almodóvar (avec la voyante, vierge effarouchée qui n’a jamais couché), le film « Pride » de Matthew Warchus (avec Joe, le puceau dépucelé), le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque (avec la Schtroumpfette dans des films d’épouvante), la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks (avec le Dr Frankenstein Junior encore vierge), le film « Madre Amadísima » (2010) de Pilar Tavora (avec la statue d’une vierge noire, défouloir d’homophobie d’un sacristain), etc. Quelquefois, l’icône de la Vierge violée excite les pulsions sadiques, vengeresses ou mélancoliques, du héros homosexuel refusant de se reconnaître humblement coupable de ses défauts ou de sa pratique pécheresse : « C’est toujours la pucelle qui s’en sort le mieux à la fin. » (Jonathan, l’un des héros homosexuels, parlant des films d’horreur, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Malgré son côté sainte-nitouche, ça doit être une sacrée salope au lit ! » (Jonathan en parlant de son futur « plan cul » avec Matthieu, idem) ; « Et Marie est martyre. Blood and tears. » (cf. la chanson « Fuck Them All » de Mylène Farmer) ; « Nous ferons des jeunes filles vierges des cadavres exquis. » (Pretorius, le vampire homosexuel de la pièce musicale Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Dorita se donna à lui [Silvano] pour la première fois la nuit des adieux, dans la salle de classe, sur le bureau de Silvano, tandis que la pluie fouettait les carreaux. Dorita était vierge. L’expérience fut douloureuse pour tous les deux. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 12) ; « Je suis une vierge effarouchée, une pucelle en mal de sensations. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train, (2005) de Cy Jung, p. 141) ; etc.
 

Vidéo-clip de la chanson "Plus grandir" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer


 

Par exemple, dans le vidéo-clip de la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer, la statuette de la Vierge tombe au sol et vole en éclats. Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (épisode 3, saison 1), un jeune postulant séminariste décapite la statue de la patronne du séminaire, sainte Claire. On retrouve également la Vierge décapitée dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, une femme travestie en homme, « Virgo Fortis », est pourchassée par « des soldats qui veulent la violer ». Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, un couple lesbien (formé par une grande Allemande robuste et sa compagne petite) prend un malin plaisir à violer des vierges : « En plus de ravir leur innocence, comme le faisaient les hommes, elles prenaient aux jeunes filles presque de nouveau leur virginité. » (p. 109) Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, se fait sodomiser par Palomino : « Ça fait mal. Ça pique ! Je vais vomir. Je saigne ! ». Ce dernier le rassure un peu : « Une vierge est censée saigner. Tu es l’Ancien Monde. Je suis le Nouveau Monde. Je veux jouir de ton cul russe et virginal. » La désillusion est au bout du chemin : « Je suis arrivé au Mexique encore vierge. Je repars en Russie débauché. »
 

La Vierge violée n’est pas un cliché réaliste, nous sommes d’accord, puisque à la Fin des Temps, la Vierge Marie ne parviendra pas à être dévorée par le dragon, et même mieux, elle partira au désert puis vaincra définitivement la Bête qui avait déversé sur Elle ses torrents fluviaux. La Nouvelle Ève gardera sa pureté. Mais en tous cas, l’icône homosexuelle de la Vierge violée renvoie à une réalité fantasmée, à savoir l’existence du désir homosexuel qui est un élan devenant impur de rechercher la pureté sans Dieu et sans la différence des sexes que ce Dernier a créée.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La Vierge adorée :

On retrouve une fascination assez générale (comme chez toutes les catégories de personnes fragiles, blessées et pécheresses, d’ailleurs…) des personnes homosexuelles pratiquant leur désir homosexuel pour la virginité. Par exemple, j’ai eu la chance d’assister à la représentation de la pièce Ma première fois (2012) de Ken Davenport. Elle commençait fort puisqu’avant que les rideaux rouges se lèvent, les comédiens distribuaient déjà un questionnaire sur la virginité au public, et s’essayaient à la parthénologie, à savoir la science spécialisée dans l’étude de la virginité.
 

Et un certain nombre d’individus homosexuels s’intéressent à la charismatique Vierge Marie catholique. Mais ce n’est pas tellement une piété mariale profonde. C’est au mieux un fantasme esthétique, amoureux et humoristique, au pire ça frôle le délire angéliste schizophrène. Par exemple, le roi homosexuel Louis II de Bavière a fait construire une grotte dédiée à Vénus dans un de ses châteaux. Félix Sierra, quant à lui, porte un tatouage de la Vierge de la Macarena. Pour ma part, quand j’avais 5-7 ans, je dessinais déjà en maternelle de très jolies vierges. Je vous renvoie également à la passion du poète argentin homosexuel Néstor Perlongher pour Eva Perón (il a largement développé dans son œuvre poétique la dimension biblique du prénom de la présidente), à l’article « El Pez Doncella » (1998) de Manuel Rivas (sur la nouvelle théorie de l’évolution, dénonçant le transhumanisme contemporain). Certaines personnes homosexuelles se déguisent en anges ou en religieuses consacrées dans les soirées, ricanent de leur éloignement de la virginité véritable et de leur prétention à vouloir encore y prétendre.
 

« J’étais en adoration devant un animateur d’Europe 1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. Europe 1 réalisait certaines de ses émissions en direct dans différentes villes de France, le fameux ‘Podium’. En prévision de son passage dans notre région, je me préparais donc à cet événement en endossant le rôle de sa femme imaginaire dans mes jeux. J’avais choisi un prénom de fée : je m’appelais Viviane Lafont. Je n’avais aucune envie de me transformer en femme. Mais, si je veux jouer avec le prénom d’enchanteresse que j’avais choisi, j’espérais qu’un petit miracle allait se produire et me rétablir dans la normalité environnante. Car j’avais très vite saisi que seule une femme avait le droit d’être attirée par les garçons. Si, par magie, je me réveillais un beau matin en fille, tout serait rentré dans l’ordre. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29)
 

L’identification à la Vénus, à la fée mythologique, à l’Ève végétale, passe peut-être mieux que l’identification directe à la Vierge Marie. Par exemple, « La Fée » est le pseudonyme d’une journaliste lesbienne publiant quelques billets dans la revue Têtu. Et déjà, en 1895, en Angleterre et aux États-Unis, « fairy » figurait déjà dans la liste des sobriquets se rapportant aux personnes efféminées mâles homosexuelles.
 

José Julio Sarria

José Julio Sarria


 

Avant de devenir un personnage ironique propice à tous les détournements camp et kitsch, la Vierge est un idéal esthétique et sentimental très aimé par la communauté homosexuelle. Elle incarne la maternité, la douceur, la grâce, la puissance de la finesse, une sophistication épurée et extraordinaire à la fois : « Les icônes gays, ce sont des femmes sophistiquées. Elles semblent inaccessibles, elles ont quelque chose de divin. Elles sont des objets de fantasmes : elles font envie. Il n’y a pas de désir sexuel du gay envers son idole, mais il y a un grand désir de fantasme : cette femme, elle est forte, elle fait des choses impressionnantes, elle est glamour, tout ce que je ne serai jamais mais qu’on a envie d’être au fond de nous. » (Franck Cnuddle dans l’émission Plus vite que la musique, diffusée sur la chaîne M6, 2001) Certaines personnes homosexuelles, avant de se dire exclusivement homos et de se tourner radicalement vers les personnes de leur sexe, ont recherché, sur la cour d’école, pendant leur adolescence, voire même à l’âge adulte (quand leurs relations sentimentales dans le « milieu » se sont révélées désolantes), cette femme sans tache, parfaite, virginale comme porte de sortie à leur homosexualité. Celle qui réparerait tout. Celle qui les sortirait de l’enfer. Beaucoup, dans leur sublimation de la femme, pas toujours très réaliste, ont minoré le poids de leur désir homosexuel : « Je passai ma première d’études aux Beaux-Arts dans le labeur et la chasteté, avec l’idée fixe d’épouser, à l’issue de mes années d’études, une amie d’enfance, morte depuis et que j’aimais alors par-dessus tout au monde. Aujourd’hui, avec le recul du passé, je me rends compte que je l’aimais trop pour m’apercevoir que je ne la désirais pas. Je sais : certains esprits admettent difficilement l’un sans l’autre. Cependant, hormis cette jeune fille, aucune femme n’a habité mes rêves ni réussi à éveiller en moi quelque désir… » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 94) ; « La femme est mise à la place de la mère : il l’aime mais ne la désire pas. » (Virginie Mouseler, Les Femmes et les Homosexuels (1996), p. 32) ; « L’égérie gay : une vierge maternelle […]puissante et vulnérable. […]L’égérie des homosexuels n’est pas la femme réelle : elle semble être plus déesse que femme. » (idem, pp. 157-160). Il est probable que la femme-objet médiatique, qui prétende accéder à une nature divine asexuée, ait encouragé les individus homosexuels à sacraliser l’Éternel Féminin tout en mettant peu à peu les femmes réelles à distance : « J’ai voulu être hors du commun. Je voulais dépasser la condition humaine. » (Jeanne Moreau, idem, p. 166) ; « Juger la femme par sa virginité signifie la considérer essentiellement comme un objet sexuel qui est respectable quand il appartient à un seul homme légitime et répugnant quand il s’offre par amour ou désir. C’est une façon de refuser à la femme le droit à l’amour, au plaisir sexuel. » (Rennie Yotova, Écrire le viol (2007), p. 77) ; etc.
 

Frigide Barjot

Frigide Barjot : Elle est à môa!!


 

Pas étonnant non plus, dans les faits, que les femmes confondant virginité et frigidité – autrement dit une virginité libre et féconde et une virginité mal vécue, stérile, télévisuelle – et convoitant la Sainte Vierge, soient les « filles à pédés » autoproclamées sur nos écrans. « I believe in angels… » (cf. la chanson « I Have A Dream » du groupe ABBA). Je pense particulièrement à Mylène Farmer, Ophélie Winter ou encore Virginie Tellenne alias « Frigide Barjot ». La virginité se cristallisant en trophée est une tentation forte chez les personnalités blessées, en panne d’identité et voulant se racheter une innocence pour cacher leur passé douloureux.
 

Billy Porter interprétant la marraine-fée dans le film « Cendrillon » (2021) de Kay Cannon


 

Par ailleurs, il convient de souligner que le costume de fée est un déguisement particulièrement convoité par les personnes transgenres ou transsexuelles.
 
 

b) La Vierge violée :

Beaucoup plus sournoisement, chez les personnes homosexuelles pratiquant leur homosexualité, l’identification à la Vierge correspond à un fantasme d’être Dieu, et surtout à une peur panique de la génitalité, du corps, de la sexualité en général : « Lorsque j’ai rencontré la première femme avec qui j’ai eu ma première relation, je commençais à me dire que je devais être lesbienne et pas asexuée comme je pouvais le penser vers dix-sept ans probablement. » (Nicole, femme lesbienne de 42 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 56) ; « La Vierge, c’est un monstre par définition. Dans le sens de malformation. Elle a des pouvoirs. Au sens de créature.[…] L’autre paradoxe de Carravage, c’est que le modèle de la Vierge était une pute. » (Celia la conservatrice de musées face au tableau de Carravage où la Vierge Marie, toute habillée de rouge, est enterrée, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; « Elle fait sa vierge au possible, avec défiance du mâle et gêne de son corps. » (Simone de Beauvoir, parlant ironiquement de son amante Nathalie, dans une lettre rapportée dans la pièce-biopic Pour l’amour de Simone (2017) d’Anne-Marie Philipe) ; « J’avais sept ans, j’avais 10 ans. J’étais la virginité même. Une virginité coupable. Les questions sordides que posaient les curés et les pères capucins à l’enfant pieux que j’étais, et qui s’agenouillait régulièrement dans le confessionnal, me plongeaient dans une angoisse sans fond. On me demandait avec insistance si je n’avais pas ‘des gestes impurs’ des ‘pensées impures’, si je ne me touchais pas. […] On avait réussi à me faire vivre mon corps comme une malédiction. Je n’osais m’endormir, de peur de mourir dans le péché. D’un innocent on avait fait un criminel torturé par les remords à la moindre rêverie. Je suis un rescapé. Le rescapé d’un monstrueux chantage. » (Pierre Biner, homo, dans TVB Hebdo en 1980) ; etc.
 

Et comme fatalement, la Réalité, les limites humaines et aussi l’orgueil apparaissent, elles finissent par se moquer de leur prétention. Dans le « milieu homosexuel », la virginité de Marie ou de la fée fait très souvent les frais du détournement ironique camp, un peu politisé, un brin subversif et blasphématoire : je vous renvoie par exemple aux Sœurs de la Perpétuelle Indulgence (ces religieuses ultra-maquillées et faisant leur show surtout aux Gay Pride), ou encore aux Radical Faeries (les fées gays version bobo hippie). « Dans La Nouvelle Eve, j’avais entouré le personnage de Karine Viard d’une nuée de copines homos, des bonnes fées toujours prêtes à la sortir des situations difficiles. » (Catherine Corsini, la réalisatrice du film « La Nouvelle Ève », août 2015) Et concernant les lois comme le « mariage pour tous » (et donc la PMA et la GPA), certaines personnes homosexuelles, notamment lesbiennes, avouent à leur insu qu’elles se prennent pour la Vierge Marie étant donné qu’elles soutiennent très sérieusement que la Sainte Famille (Joseph/Marie/Jésus) est une famille adoptive, non-naturelle, et que la Vierge serait le meilleur exemple de mère porteuse de l’Histoire de l’Humanité. Manque de bol : dans les faits, l’insémination de la Vierge n’est pas artificielle, ni désincarnée ni aussi chère que la PMA puisque c’est l’Esprit Saint qui a fécondé Marie. Certes, Joseph est bien le père adoptif de Jésus. Mais là où la PMA et la GPA suppriment le lien d’amour dans la différence des sexes – lien dont tout être humain a besoin pour se construire et être heureux, et qui peut exister même dans les cas d’adoption par des couples femme-homme stériles aimants -, la Sainte Famille honore totalement ce lien d’amour entre l’homme et la femme donné à l’enfant. Donc même le cas de l’engendrement de Jésus par l’opération du Saint Esprit non seulement ne peut pas être mis sur le même plan que le « mariage pour tous » et ses conséquences, mais en plus, il prouve que beaucoup de personnes homosexuelles pratiquant leur homosexualité et souhaitant fabriquer égoïstement des enfants sans la différence des sexes – « Elle a fait un bébé toute seule » – se prennent pour la Vierge… donc c’est plutôt inquiétant…
 
VIERGE sainte_vierge_marie_salope_contre_le_mariage_gay
 
 

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