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Code n°29 – Chevauchement de la fiction sur la Réalité (sous-codes : Fuite ou haine de la Réalité / Crâne en cristal / Ralenti-accéléré / 4 rocs du Réel)

chevauchement

Chevauchement de la fiction sur la Réalité

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Je rejoins la souffrance… parce que je ne la supporte pas et je la fuis !

 

 

Chez la majorité des personnes homosexuelles, la confusion entre les images déréalisées (offertes par le cinéma, la chanson, la littérature, Internet) et la Réalité engendre une perception perturbée du monde. Leur cinéma intérieur finit souvent par prendre le pas sur le monde extérieur. Nombreux sont les auteurs homosexuels à se servir de la métaphore du crâne en cristal « plein d’images de saints et de putes » télévisuels (Manuel Puig, El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) p. 166) pour figurer leur cerveau pollué d’illustrations-poubelle déconnectées de toute humanité. Beaucoup d’artistes mettent fréquemment en scène dans leurs créations des chevauchements de la fiction sur la réalité concrète. Pour eux, le monde est réductible à un roman, à un théâtre d’ombres chinoises, à un diaporama géant, à une bande-dessinée ou un vidéo-clip. Toute leur écriture, mimant le cinéma et son défilement continu de séquences, dit leur conception cinématographique mi-angéliste mi-désenchantée de l’existence humaine. On entend quelquefois des sujets homosexuels confier qu’ils donneraient n’importe quoi pour faire de leur vie un grand film car ils cherchent à fuir leur réalité qu’ils jugent médiocre. Après coup, ils tournent en dérision leur prétention, comme pour se prouver à eux-mêmes qu’ils ne perdent pas la tête, qu’ils ne confondent pas leur théâtre intérieur avec leurs expériences existentielles. Mais s’ils redescendent sur terre, c’est souvent parce que la vie les y oblige, et non véritablement par désir. Leur quotidien est bien plus imprégné de références à un univers virtuel qu’au monde réel.

 

Cela s’explique très bien. Par nature, le désir homosexuel est un désir éloigné du Réel puisqu’il rejette LE socle du Réel qu’est la différence des sexes et sans lequel nous ne pourrions même pas être là pour en parler (d’ailleurs, un certain nombre de personnes homosexuelles passent pour des gens très lunaires, littéraires, inconstants et insaisissables !). Il rejoint ce que j’ai appelé dans mon essai Homosexualité intime (2008) les « réalités fantasmées », celles qui ne s’appuient pas exactement sur le Réel humanisant, mais plutôt sur les fantasmes éphémères, les mythologies narcissiques et les bonnes intentions. Qu’est-ce que le Réel humanisant et relationnel ? Difficile d’en donner une définition figée car c’est quelque chose qui nous dépasse, un fait révélé qui s’accueille humblement, qui est vivant et mouvant, que certains appellent à raison « Dieu » (car Dieu est le plus réel des réels !), dont on ne peut que deviner les contours car Il existe aussi en promesse, en désir, en liberté laissée aux Hommes. Les sciences humaines, tout au long de l’Histoire, ont essayé de mettre des mots sur le Réel pour Le définir et Le protéger, comme une observation/intuition qui transcende les âges, les cultures, les pays. Elles disent qu’Il se base sur trois « rocs » fondamentaux : la différence des sexes, la différence des générations, la différence des espaces (Je vous renvoie à l’analyse de la philosophe Janine Chasseguet-Smirgel, dans la revue La Nef, n°58, 1975, p. 209) ; j’en souligne un quatrième, moins objectif : la différence entre créatures et Créateur. Et elles rajoutent que si ces « piliers » ne sont pas reconnus et respectés, cela aboutit à des violences à plus ou moins long terme, à des fusions incestueuses ne permettant pas aux humains de vivre en paix ensemble et « en bonne distance » : pensons par exemple à l’inceste, la consanguinité, la pédophilie dans le cas de la différence des générations ; au voyeurisme, au vol, aux guerres dans le cas de la différence des espaces ; à la mégalomanie, au totalitarisme, à la jalousie dans le cas de la différence entre l’Homme et Dieu. « Dans son ouvrage fondateur Les Structures élémentaires de la parenté, Claude Lévi-Strauss montre ce qu’est le fonctionnement symbolique dans la société : ce sont les règles qui président aux échanges légitimes, c’est-à-dire considérés comme justes, voire ‘naturels’ par tous les membres d’une société donnée. Sans eux, ce serait la guerre de tous contre tous. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 76) Les quatre « rocs » du Réel sont autrement plus fondateurs et importants que les « petites différences humaines » (pour reprendre l’expression freudienne du « narcissisme des petites différences ») telles que la couleur des yeux, être gaucher ou droitier, la différence de goûts, etc. : ils sont des questions de vie ou de mort, purement et simplement ! Malheureusement, dans notre planète qui se virtualise à vitesse grand V par la voie des bons sentiments médiatiques et « humanistes », on tend à vouloir effacer ces différences du Réel en énonçant, avec les meilleurs intentions du monde, que « l’Amour n’a pas de sexe, pas d’âge, pas de frontière, pas d’origine, ni d’autre maître que la conscience individuelle et le Couple fusionnel ». Or, c’est quand nous prenons peu à peu nos distances avec le Réel (par peur de nos limites humaines, de notre finitude, de la liberté des autres, de la souffrance, etc.) que nous nous éloignons finalement de l’Amour concret, des personnes, des situations humaines, et que nous laissons libre cours à nos pulsions.
 

Aujourd’hui, dans nos sociétés contemporaines, c’est la différence des sexes qui est la plus remise en cause… et le pire, c’est qu’on fait passer cet effacement pour une incroyable prouesse comique (« Je me travestis, c’est drôlissime ! »), scientifique (« Le scalpel donnera raison à ma conscience d’être une femme dans mon corps d’homme ! »), artistique/politique (« Je suis ma propre œuvre d’art : avec les jeux de lumières et de maquillage, je transcende tous les codes de genres ! »), sincère (« L’important, c’est le progrès, l’égalité, et la liberté de choix. »), spirituelle même (« Je suis un ange sans sexe, innocent et pur. »)… alors que concrètement, on fuit l’humain. Le couple homosexuel, pour cette raison, est d’une grande violence et fragilité, en dépit des apparences et des sincérités qui s’y expriment : il est purement et simplement signe de l’exclusion de la différence des sexes, qui n’est pas une « petite différence » puisqu’elle est la condition de la Vie.
 
 

N.B. 1 : Je vous renvoie également aux codes « Inversion », « Télévore et Cinévore », « Bovarysme », « Planeur », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Conteur homo », « Plus que naturel », « Adeptes des pratiques SM », « Pygmalion », « Frankenstein », « Magicien », « Morts-Vivants », « Sommeil », « Vent », « Train », « Bobo », « Drogues », « Folie », « Miroir », « Jeu », « Musique comme instrument de torture », « Actrice-Traîtresse », « Obèses anorexiques », « Violeur homosexuel », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », à la partie « Play-back » du code « Substitut d’identité », à la partie « Enfant dans la galerie » du code « Ombre », à la partie « Filmer sa vie » du code « Photographe », et à la partie « Schizophrénie » du code « Doubles schizophréniques », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 

N.B. 2 : Ce code fonctionne en binôme avec le code « Planeur », et lui est indissociable : les codes « Planeur », « Télévore et Cinévore », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », sont les premières marches ; les codes « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », et « Icare », c’est l’atterrissage.
 
 

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FICTION

 

a) « La fiction, c’est comme la Réalité, voire plus fort qu’Elle ! » :

Vidéo-clip de la chanson "Take On Me" de A-ha

Vidéo-clip de la chanson « Take On Me » de A-ha


 

Selon le personnage homosexuel, Réalité et fiction (ou bien, ce qui revient au même, Amour et fantasme) sont intimement mêlées, voire équivalentes : « Il [Adrien, le héros homosexuel] entrait dans un monde improbable, à mi-chemin entre fantasme et réalité. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 29) ; « L’important est l’histoire. Se faire une histoire avant de regarder le vrai. Réelle, irréelle, qu’importe ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 11) ; « Apparemment, je ne suis pas la seule à confondre fiction et réalité. » (Carmen, étudiante lesbienne, s’adressant à Julia sa prof de littérature, lesbienne comme elle, dans le film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? » (2010) de Malu de Martino) ; « Je suis cinéphile. […] Oui, je sais bien que je ne suis pas au cinéma. Mais entre nous, si je devais raconter ma vie, je pense qu’on pourrait en faire un film. » (Didier dans la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé) ; « Ma vie est une comédie musicale. » (Yvette Leglaire dans le one-(wo)man-show musical Je reviendrai (2007) de Dada et Olivier Denizet) ; « Sa vie est un spectacle. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; « Je prends mes rêves mes rêves mes rêves pour des réalités. » (cf. la chanson « Mes Rêves » d’Isa Ferrer) ; « J’ai toujours confondu la vie avec les bandes-dessinées. » (cf. la chanson « S.O.S. d’un terrien en détresse » de Johnny Rockfort dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Tout est si fugitif, irréel et fragile. […] C’est quoi la Réalité ? » (Martin, le héros prétendument homosexuel de la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Un acteur est une vraie personne. » (Santiago dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « C’est ça le couple ? Le Réel ??? Moi, je n’avais pas signé pour ça ! » (Océane Rose-Marie dans son one-woman-show Chatons violents, 2015) ; « C’était comme au cinéma. C’était au bord de la plage. C’est alors qu’il m’est apparu. Un petit air de Ryan Goslin… avec le corps d’Élie Sémoun. » (Benjamin racontant sa première rencontre avec Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Daniel, le héros homosexuel, préconise à tous les êtres humains de « ne faire aucune différence entre imaginaire et réalité ». Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Abbey se prend pour Dorothy dans le magicien d’Oz. Dans le film « Dedans » (1996) de Marion Vernoux, Éric Caracava prend son caméscope pour une personne réelle. Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, on apprend que Jean-Marc voulait devenir acteur ; il voit d’ailleurs sa vie comme un film. Dans le film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca, à travers la chanson de l’homme transformiste M to F, on constate que contrat d’acteur et contrat d’existence sont confondus : « Que voulez-vous c’est obligé : par mon contrat, je dois changer mes habitudes, car malgré soi, pour s’imposer, il faut savoir se composer une attitude. Je ne suis pas ce que l’on pense. Je ne suis pas ce que l’on dit. Au cinéma pour qu’on vous lance, être soi-même, c’est interdit. » Dans la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le héros travesti M to F parle de « la compilation de son existence », du « disque de sa vie ». Dans le téléfilm « Bobby, seul contre tous » (« Bobby, seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy, Bobby, le jeune héros homosexuel, n’a pas les pieds sur terre : son père lui dit même que ses rêves n’auraient « pas leur place dans le monde réel ». Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Gabriel dit à son amant Philippe qu’« il n’est pas capable d’affronter la réalité ». Dans l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), Yorkie et Kelly, les héroïnes lesbiennes, vivent dans un monde virtuel entre la vie et la mort.
 

Pire encore qu’une équivalence entre Réalité et fiction, le héros homosexuel défend que le mythe et l’intention prévalent sur la réalité concrète : cf. le film « Role/Play » (2010) de Rob Williams, le film « Independence » (« Indépendance », 2011) de Cesar Espada, le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, le film « P.A. » (2010) de Sophie Laly, etc. « Tu connais quelque chose de plus réel qu’un fantôme ? » (Julia, l’héroïne lesbienne du film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? (2010) de Malu de Martino) ; « Entre la fiction et la vraie vie, il a toujours préféré la fiction. » (Lucie concernant son frère homo Lionel, dans le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier) ; « C’est la vie qui est une vaste comédie où on a tous un rôle. » (Bryan s’adressant à sa mère, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 375) ; « Parce que la Réalité frappe, parce que le silence entre les mots disent davantage que les mots. » (cf. la chanson « Madre Amadísima » de Haze et Gala Evora) ; « Dès que j’écris, tout devient réel. » (Tommaso, le héros homosexuel « écrivain », dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek) ; etc.
 

Par exemple, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, les personnages lesbiens croient que les images peuvent s’animer : Sylvia se met à embrasser des photos ; et Laura considère que les icônes du musées sont vivantes (ça s’appelle de l’idolâtrie) : « Les icônes ne sont pas comparables aux fresques ou aux tableaux des églises catholiques. Ce ne sont pas des représentations de saints, ce sont les saints eux-mêmes. » (p. 110) Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria et Valentine prennent la pièce qu’elles répètent (et où elles jouent un couple lesbien) pour réelle : « [Cette fiction que nous interprétons est] littéraire mais non moins vraie » (Maria) ; « C’est une interprétation de la vie, parfois plus vraie que la vraie vie. » (Valentine) ; « J’ai eu un rêve. Le passé et le présent se confondaient. » (Maria) Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, tous les personnages essaient de vivre leur vie par procuration avec une œuvre de fiction : « Je ne vivais que sur scène et je pensais que jouer était vrai. ». (Sibyl Vane) Par exemple, Dorian prend la peinture pour vraie : la détruire pour lui serait « un meurtre ». Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson Zize, travesti M to F, voit le monde à travers ses références télévisuelles : sa vie obéit au JT de Pernaud. Il décide d’habiter le village de la série Plus belle la vie. Dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, les protagonistes homosexuels calquent leur vie sur la comédie musicale Adam et Steve. Dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, la chambre de Mister Jones, un vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, soigné dans une maison de repos par Bob, un jeune infirmier dont il tombe amoureux, se métamorphose peu à peu en toile. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, parle d’un « clown géant » auquel il doit faire face, lors d’un jeu de rôle où il ne distingue pas la réalité de la fiction. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Benjamin se plaint auprès de son amant Arnaud de ne pas avoir de chien. Celui-ci, accro aux jeux vidéos, lui répond : « Si. J’en ai téléchargé un ce matin. » Arnaud confond monde réel et monde virtuel.
 

Souvent dans les fictions homo-érotiques, les héros expérimentent une troublante correspondance entre leur propre vécu et ce qu’ils ont observé auparavant sur une toile, un livre, une chanson ou un film. Le phénomène du « déjà vu » est un leitmotiv homosexuel. Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, la telenovela que Mariela et son mari homo Miguel regardent est un dialogue qu’ils ont déjà eu ensemble en vrai précédemment. Dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, Timofei, le héros bisexuel, appelle par téléphone sa petite amie qu’il s’apprête à quitter, tout en lui récitant mot pour mot la déclaration d’amour qu’il entend dans une sitcom asiatique qui passe devant lui à la télé. Dans les pièces Le Frigo (1983) ou Loretta Strong (1978) de Copi, le téléphone est considéré comme une personne réelle : « Linda, on ne peut pas baiser avec la voix, voyons ! » (Loretta Strong dans la pièce éponyme (1978) de Copi)
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Autre exemple : le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza est un film sur la création de films. La fiction se mêle au Réel, pour le plus grand trouble des personnages. Curieusement, le projet cinématographique proposé par le jeune Danny porte le même titre qu’un film que Zachary, le prof censé l’évaluer dans un jury pour une bourse universitaire, avait tourné quelques années avant. Et au départ, Zachary croit au plagiat.
 

Film "My Own Private Idaho" de Gus Van Sant

Film « My Own Private Idaho » de Gus Van Sant


 

Souvent, le héros homosexuel prend ses désirs pour des réalités, transforme son amant et sa vie en œuvres d’art, ou à l’inverse ses œuvres d’art en êtres animés : cf. la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier (avec le titre de l’Acte 5 : « La Vie comme dans les magazines féminins »), le film « I Love You Philip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa (où les amants homosexuels sont associés aux couples des films en noir et blanc), le poème « Mosaïque » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne (avec la Belle au bois dormant et Albator ressuscités ensemble pour l’occasion), le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant (avec les modèles des magazines gays qui s’animent), le vidéo-clip de la chanson « Like A Prayer » de Madonna (avec la statue du saint qui prend vie), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, le film « Fotostar » (2002) de Michele Andina (où Jonas finit par rencontrer en vrai l’homme dont il devait développer les photos de vacances), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec Rocky, le Monsieur Muscle, qui, d’objet, devient homme), le film « Les Majorettes de l’Espace » (1996) de David Fourier (avec la caricature animée de la photo de Jean-Paul II), le vidéo-clip de la chanson « Take On Me » du groupe A-ha, le vidéo-clip de la chanson « C’est la vie » de Marc Lavoine, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec la scène de play-back entre la réelle Lena et Lena actrice), etc.
 


 

La frontière entre le monde réel et celui des fantasmes n’est généralement pas identifiée. On assiste, en tant que spectateur, à l’envolée lyrique de l’imaginaire du héros homosexuel, où s’enchevêtrent la fiction et le Réel, dans un brouillage « conceptuel » (parfois vintage, psychédélique névrosé, façon Christophe Honoré ou Marco Berger) ou bien comme dans un vidéo-clip en 3D : « Un automobiliste au volant d’une benne de grand luxe allumait et éteignait ses phares à la vitesse d’une mitraillette. […] Mes escarpins anguille… Ils avançaient tout seuls sur la chaussée au rythme saccadé d’un dessin animé ; ils zigzaguaient. » (Violette Leduc, La Bâtarde (1964), p. 219) ; « Si je m’ennuie trop, je contemplerai les fresques de la chapelle Brancacci. La vie de saint Pierre en bande dessinée, tout de même, c’est quelque chose. » (Luca, le héros homosexuel du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 43) ; « Il feuillette un livre de peinture sur Paris, l’hiver. La Seine était encombrée de glaçons ; des chevaux trottaient sur les quais enneigés où brûlaient des feux de bois ; il faisait froid… Nicolas rêve d’un hiver d’autrefois. » (Benoît Duteurtre, Gaieté parisienne (1996), p. 45) ; « Tout est là : Cinéma, Art, Télé… Y’a plus qu’à reproduire ! » (Glenn s’adressant à son amant Becky, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh) ; « Je rêvais d’une immense pièce remplie de livres, d’étagères à n’en plus finir, du sol au plafond, encore et encore, et plus je regardais, plus les limites de ma vision reculaient. Je comprenais que les livres et les mots étaient tout ce qui était, avait été ou serait. Je me mettais à marcher ; mes pas étaient silencieux et, en baissant les yeux, je voyais que je marchais sur des mots, que les murs, le plafond, les tables, les lampes et les chaises étaient des mots. » (Ronit, l’une des héroïnes lesbiennes du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 20) ; « Pour moi, en grandissant, ç’a été les magazines. J’entrais en douce chez WH Smith, en sortant de l’école Sara Rifka Hartog Memorial, et je lisais des magazines, sans distinction. Je prenais une revue au hasard, sur une étagère, et je lisais. Sans vraiment comprendre en quoi elles étaient différentes. J’aurais été incapable de dire à quel public, à quelle catégorie de la population elles s’adressaient. Je lisais Loaded et Vogue, Woman’s Own, et aussi NME, PC World, et The Tablet. Ces fragments d’autres vies finissaient par se mélanger dans mon esprit. Il y avait tant de choses à découvrir : la musique, le cinéma, la télévision, la mode, les stars et le sexe. Encore maintenant, j’adore acheter des magazines ; je vais chez Barnes and Noble, j’en choisi un et je le rapporte chez moi. Il y en a des piles et des piles partout dans l’appartement, ils occupent la moitié de l’espace, je sais bien que je cherche à me prouver quelque chose, mais c’est une chose qui vaut la peine, donc je continue à accumuler des montagnes de papier glacé. » (idem, p. 43) ; « Et puis quelle manie que celle du théâtre dans le théâtre ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; etc.

 

Dans les fictions traitant d’homosexualité nous est souvent montré le cliché du personnage homosexuel enfermé dans une galerie d’art, une chambre tapissée de photos de stars avec une décoration fournie, ou bien face à un défilement d’images d’un diaporama rapide : cf. le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « For The Boys » (1991) de Mark Rydell, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le vidéo-clip de la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « The Servant » (1963) de Joseph Losey (avec Hugo dans la chambre ornée de posters de bodybuilders), le vidéo-clip de la chanson « Beautiful Life » d’Ace of Base, le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar, la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis (avec la chambre salle de jeux d’Hugo), le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs (avec Erik visitant aux côtés de son amant Paul une expo avec des portraits photos), le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec la chambre de Matthieu couverte de photos aux murs), le film « Komma Ut » (« Coming Out », 2011) de Jerry Carlsson (avec la chambre remplie de chanteurs), le vidéo-clip « City of Love » de Mylène Farmer, la chanson « Bazar » de Flans, etc. Par exemple, dans le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, la chambre de Yali est remplie de photos d’acteurs et de chanteurs placardées sur les murs. Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, la chambre d’Hélène est pleine de poupées. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, la chambre de Paul et d’Élisabeth est couverte de photos d’acteurs épinglées aux murs. Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno offre à Pablo une visionneuse à diapos. Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Yiorgos rêve des mêmes images que son projecteur à diapos miniature ; et la lampe colorée pour enfant qu’il a fabriquée pour son fils transsexuel M to F Strella, est une frise offrant un défilement d’images qui se projettent sur le mur de sa chambre.

 

Le héros homosexuel semble vivre une « vraie » cinéscénie : « Son film intérieur débutait enfin. » (Ann Scott, Le Pire des mondes (2004), p. 76) ; « Une scène de bande dessinée américaine des années trente ou quarante s’anima dans mon esprit. » (Éric, le héros homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 51) ; « Mon émerveillement ne faisait que commencer. Les salles, ornées de fresques grandioses, auraient mérité la visite à elles seules. » (Éric, le narrateur homosexuel parlant de la Villa Borghese, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 20) ; « Ah, combien de souvenirs se sont abrités sous ces frondaisons ! Décors de maisons de maîtres, conversations dans un jardin d’hiver, scène de bals masqués, voyages de noces à Baden-Baden ! Sous cette coupole d’images, elle s’était assoupie pour toujours. » (Laura, l’une des deux héroïnes lesbiennes, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 11) ; « Dans mon enfance, j’étais venue ici une fois. À l’époque, il y avait partout de grands fauteuils et des tables ; je ne me rappelle pas les icônes, mais seulement les petits dieux pleins d’allégresse et les pampres qui ornaient le plafond vert céladon. » (idem, p. 109) ; « À peine engagé entre les décors vagues du studio désert, Paul devint un chat prudent auquel rien n’échappe. » (la voix-off de Jean Cocteau dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville) ; « Il traverse la chambre abricot, son regard saute d’une image d’Épinal à l’autre, sous verre, encadrées de noir, en frise autour de la pièce, Vengeance d’une portière, Le Prince Mirliton, Till L’Espiègle, Histoire de Mimi Bon-Cœur. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 48) ; « Je restai en arrêt, frappé d’admiration, devant les tableaux de Catherine S. Burroughs. » (Jean-Marc, le héros homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 213) ; « Les débris avaient été poussés dans les coins, quelques cartes postales et des photographies de magazines avaient été punaisées sur les murs. Une fresque d’amateur s’épanouissait sur l’un d’eux. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 239) ; etc.

 


 

Dans les œuvres homo-érotiques, on retrouve souvent l’image du crâne en cristal saturé d’images-cinéma, du cœur-caméra projetant sur le Réel une version ralentie ou accélérée de Celui-ci : « Une rêverie de cristal éveillait peu à peu son âme dans un courant de plaisirs. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite en 2003 par un ami angevin, p. 36) ; « J’aurais voulu que la femme du bidonville [Rani] soit à mon entière disposition. Des images de films hindis dans lesquels le brahmin de la caste supérieure s’éprend de la domestique de la caste inférieure et lui fait passionnément l’amour ne cessaient de tournoyer dans ma tête. Ma vie, je voulais qu’elle progresse en avance rapide. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 20) ; « Des images se projetaient dans mon esprit, tels les morceaux d’un miroir fracassé. » (Éric, le héros homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 115) ; « Le cerveau malade de cette idée s’obsède d’une pensée circulaire coupante comme un diamant et tournant sur elle-même jusqu’à une vertigineuse vitesse qui la stabilise en un effet stroboscopique. » (Quentin Lamotta, Vincent Garbo (2010), p. 40) ; « La perruque est comme un casque, qui se greffe à mon cerveau, y’a des cheveux en vinyles qui poussent de l’intérieur. Et si ça transforme mon visage, ça transforme tout… L’artifice prend racine, j’ai plus peur. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; « Oh, merde, j’ai un kaléidoscope dans la tête ! » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; etc.

 

Le ralenti et l’image-mouvement (Deleuze parlerait d’« image-pulsion ») ont tendance à rajouter du pathos esthétisant ou bien à suggérer une lascivité érotique : « Elle rejette en arrière la mèche qui vient lécher son visage d’Albator moderne comme au ralenti et j’ai peur qu’elle veuille que l’on fasse l’amour ensemble. » (Simon, homosexuel, décrivant sa meilleure amie lesbienne Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 14) ; « Nous sommes les adeptes du mouvement. » (« Monsieur Baratin » dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « Le tableau avait du mouvement, mais lent. C’était sûrement le premier tableau en slow motion que je voyais de ma vie. » (Jean-Marc dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 215) ; etc.

 

Le héros homosexuel prend quelquefois la posture du bobo évoluant dans une toile ou un film d’avant-garde. Il « philosophe » (inconsciemment, il déprime, en fait), attablé à la terrasse d’un café pour observer les passants avec une émotion pseudo « contenue, sobre et grisante ». Et comme il n’a surtout rien à dire d’intéressant et qu’il (s’)ennuie, alors il se masturbe discrètement par une dégoulinade verbale/picturale narcissique qui « fait joli »… et bien sûr, toujours dans un ralenti très étudié, une nonchalance hédoniste : « Écrire, Écrire, c’est faire sa propre exégèse du monde. C’est se plonger dans le coma, une submersion dans l’encre, un ralentissement du pouls, un ralenti du monde. » (LUI, dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier)

 

Dans les fictions, on remarque que l’irréalité conduit souvent à l’inversion sexuelle et à l’homosexualité. « Il [Adrien] avait le sentiment d’entrer dans un état second, d’être attiré de tout son être par des scènes obsédantes. Une sorte de fascination dont on ne se délivre qu’en y succombant. […] Il désirait les garçons. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 25) ; « On ne se voit plus mais pendant que je t’écris ainsi, chaque soir, j’ai l’impression que tu es là, au bout de ce clavier. Non, plus proche encore. Je te parle, tu m’écoutes. J’imagine tes réponses, je vois ton beau sourire… » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 309) ; « Je nous crée une existence. Je veux façonner la tienne, participer à tes joies et à tes surprises. » (idem, p. 311) ; « Je nous invente une vie à deux qui est si loin de la réalité ! J’y crois tellement que je me sens bien. Mon cœur est tout léger, ma poitrine se desserre. Je crains ne plus savoir faire la différence entre la fiction et la réalité. Mon esprit divague. Tu me perturbes trop. » (idem) Par exemple, dans le film « Alice In Wonderland » (« Alice au pays des merveilles », 2010) de Tim Burton, Alice, pendant la danse du quadrille, rêve d’un monde inversé, où les hommes seraient en robe, et les femmes porteraient des pantalons. Dans le film « Separata » (2013) de Miguel Lafuente, c’est à travers le script d’une pièce commerciale et merdique que Marina, la protagoniste comédienne, va se questionner sur sa sexualité et découvrir son homosexualité en se projetant dans son personnage. Dans le roman Deux Garçons (2014) de Philippe Mezescaze, Philippe et Hervé tombent amoureux pendant qu’ils interprètent ensemble dans un atelier théâtre une scène de Caligula. Dans la pièce L’Illuminé (2011) de Marc Hollogne, en passant du réel à la fiction, le Comte de Casignac change de sexe, et se retrouve transformé en femme.

 

L’action homosexuellement amoureuse de l’irréel prend parfois la forme de la projection accidentelle. Je citerai trois exemples. Dans le film « Sancharram » (2004) de Licy J. Pullappally, pendant que les deux héroïnes, Kiran et Delilah, jouent à animer des marionnettes d’un théâtre d’ombres chinoises qui se déclament leur amour, on voit qu’elles confondent leurs discours avec leurs propres personnes… et ainsi naît leur trouble amoureux lesbien : le « Je vous aimerai et vous chérirai à jamais » résonne à leurs oreilles comme une promesse sérieuse, une sentence. Pareil dans le film « Les Amoureux » (1992) de Catherine Corsini. Alors que Marc, le héros homosexuel, fait réciter en plein air au beau Ronan son rôle de théâtre (un monologue amoureux d’un prince dirigé à une princesse), tout d’un coup, il prend son « prince » au pied de la lettre, et le fixe du regard d’un air inquiet et érotisé ; il est tellement plongé dans une rêverie éthérée qu’il en oublie de lui donner immédiatement la réplique et que Marc est obligé de le réveiller : « Ben alors, à toi ! Qu’est-ce que tu fous ? » « Excuse-moi, j’étais dans la lune ! » lui répond-il, tout gêné. Par la suite, il reprend la lecture du rôle de la princesse : « À quels excès d’amour m’avez-vous amenés ? », avec une lenteur suspecte. Ronan, sentant que Marc pense vraiment ce qu’il lit, l’interrompt brutalement : « Oh arrête de jouer ! Tu me déconcentres ! » Dans la pièce Soixante Degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, l’un des héros bisexuels, a été fortement influencé par la carrière de théâtre-amateur de sa mère, fan des planches. Elle lui demandait de jouer sa réplique au théâtre. Plus tard, dans la laverie où il rencontre régulièrement Rémi, secrètement amoureux de lui et comédien de théâtre dans la vie, il doit également lui donner la réplique pour l’aider à apprendre son rôle dans Cyrano de Bergerac. Les deux hommes finissent par se prendre à leur jeu dramatique (Damien joue Roxane, Rémi Cyrano) et à tomber amoureux l’un de l’autre.

 

La frontière entre Réalité et rêverie (amoureuse, esthétique) est régulièrement rendue complètement floue par le héros homosexuel (cf. je vous renvoie au code « Planeur », de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Nous passâmes le reste de la nuit blotties dans les bras l’une de l’autre, dormant à poings fermés. Des phrases entières du Kama Sutra défilaient sur l’écran de mes rêves. L’édition que j’avais lue était imprimée en petits caractères, il y avait en couverture une illustration d’un manuscrit ancien. Dans mes rêves, les phrases servaient de légendes à des photographies, les personnages étaient Linde, Rani, et un brahmin d’une caste supérieure sorti de je ne sais quel film. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 36) ; « Je suis devant lui. Je rêve. […] Il a du charme. Détermination. Cruauté. Tendresse. Tout est là. Je le reconnais. […] Il m’attire, il me domine. Je suis à lui. Il est le Roi. Le roi Hassan II. Il est beau. Je l’aime. Sans douter, je l’aime. On m’a appris à l’aimer. À dire son nom. À le crier. Il est beau. Il est important. Tellement beau, tellement important. » (Khalid, l’un des héros homosexuels appliquant la méthode Coué face à la figure idéalisée du roi marocain Hassan II, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 9) ; « C’est uniquement à lui que j’ai tout raconté. Mon rêve dans la nuit du mardi au mercredi. Ce rêve-réalité. » (Omar, op. cit. , p. 24)
 

Parfois, le personnage homosexuel rajoute un semblant de désir et de liberté au débordement du mythe sur la Réalité, pour sauver la face, pour se prouver qu’il ne devient pas fou et qu’il est au contraire très créatif, maître de lui-même et de ses perceptions. Par exemple, dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi, Jeanne, l’héroïne, distingue nettement sa vie quotidienne de « l’autre vie ».
 

C’est le militantisme « artistique » ou la sentimentalité spiritualiste qui lui servent d’excuses pour laisser la fiction l’emporter sur le Réel : « Être le cinéaste de sa propre vie afin que la caméra de nos sens transcrivent ce qu’on aime ! Pourquoi contempler le mauvais film de sa vie lorsqu’on a un cerveau pour arranger le moindre détail de sa mise en scène ? Comment se contenter du job de figurant que vous impose votre espace sociétal, alors que sans personne l’on peut se donner un rôle d’héroïne ? On l’accusait de faire mentir le réel ! Mais quel réel au juste ? Savoir incarner l’être dont on rêve, rendre les éléments du monde nôtres, voilà la clef du mystère d’un bonheur mythifié à tort. Car comment pourrait-on s’aimer si l’on n’est pas ce que l’on voudrait être ? À quoi servirait le décor si notre imaginaire n’y destinait aucun drame ? » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami angevin en 2003, p. 7) ; « La disjonction entre dedans et dehors ravage toutes les conventions et substitue au vrai pour tous un plus vrai que vrai discernable par soi seul. » (Quentin Lamotta, Vincent Garbo (2010), p. 97) ; « Rien de ce que je vois n’est vrai. » (Hall dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018)

 

Au lieu de reconnaître la Réalité comme une Vérité universelle aussi bien intérieure qu’extérieure à l’être humain, le héros homosexuel, en bon nombriliste relativiste anthropocentré (bref, en bon nominaliste), fait de la Réalité un indiscernable cortège de points de vue, une affaire de création artistique personnelle : « En un sens, nos paroles sont réalité. Elles peuvent créer des mondes et les détruire. Elles ont le tranchant du couteau. » (le Rav dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 17) ; « À sa façon, quelque peu vague et enfantine, Stephen [l’héroïne lesbienne] s’était rebellée contre la vie et cela rétablissait à ses yeux sa dignité personnelle. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 22) ; etc.
 
 

b) Fuyez le bon et exigeant Réel… et Il revient au galop, mais cette fois avec brutalité :

L’interférence de la fiction sur le Réel participe d’une volonté plus ou moins consciente chez le héros homosexuel de déni de souffrances et de liberté, d’une douilletterie, d’une peur/paranoïa : « On s’assied sur le lit, on se caresse, on s’embrasse avec fureur ou grande tendresse, alternativement. Il s’allonge et je le caresse doucement, je découvre son corps avec mes doigts devenus beaucoup plus sensibles. J’arrive à son visage, il murmure ‘J’ai envie de pleurer. C’est comme un rêve, un truc trop beau pour être vrai. Je me demande quand la tuile va nous tomber dessus. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 85) ; « La vie me fait peur. C’est grave, docteur ? » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Dans nos cerveaux ribote un peuple de démons. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire) ; etc. Par exemple, dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa, la mère de Nathalie confond l’exercice de maths qu’elle fait réciter à son fils avec sa propre situation conjugale, en transposant ses craintes d’adultère concernant son mari absent sur ce qu’elle entend dans le manuel scolaire. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, juste après leur première coucherie et leur nuit d’amour, les deux amantes Ziki et Kena partagent leurs impressions… et Ziki a du mal à réaliser la factualité de leur acte génital : « J’aimerais que ce soit vrai. »… « Mais c’est vrai ! » lui répond gentiment Kena, pour la rassurer.
 

En fait, ce que le personnage homosexuel omet de révéler, c’est que non seulement dans son esprit la Réalité et la fiction ne sont pas mêlées à part égale, mais qu’en plus, il se laisse déborder par la fiction/la pulsion et leur fait gagner artificiellement du terrain sur le Réel beaucoup plus involontairement qu’il ne le voudrait. « Pourquoi tant de fictions dans nos réalités ? » (cf. une réplique de la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Ça ne rêve pas plus qu’on ne doit, mais dans un verre d’eau ça se noie. C’est comme ça, une fille comme moi. Elle a des mots maladroits. Va savoir pourquoi. » (cf. la chanson « Une Fille comme moi » de Priscilla) ; « Je roulais sur l’autoroute comme je le faisais depuis des heures – et soudain quelque chose bascula : je m’arrêta, et au même instant ce fut la route qui se mit à défiler sous moi à la vitesse de 130 km/h. […] Quand j’eus fermé à clé la portière et voulus contourner la voiture, je dus immédiatement chercher un appui : je ne marchais pas, je faisais rouler la terre au bout de mes pieds, toute la ville tournait autour de moi. » (Laura, l’une des deux héroïnes lesbiennes du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 173) ; « Je me perds dans mes rôles. » (James Dean dans la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn) ; etc.

 

Il n’est pas rare qu’il soit sujet à des hallucinations : cf. le film « Œdipe (N + 1) » (2003) d’Éric Rognard, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Papa, il faut que j’te parle… » (2000) de Philippe Becq et Jacques Descomps (des images de Dark Wador se superposent au discours du père), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (Timofei a des visions homosexuelles d’agents de la circulation qui lui font/feraient de l’œil), etc.
 

Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, enchaîne les hallucinations : il confond son lapin en peluche avec Dido son vrai lapin blanc vivant : il devient hystérique au moment d’enterrer sa peluche « vivante ». Puis dans l’hôtel abandonné, il voit un renard et le photographie avec son portable, avant qu’il se volatilise. À la fin, pendant la nuit, à l’extérieur de l’hôtel, il revoit le fantôme géant de son lapin Dido revenir le hanter. « Mais t’es pas réel. » « C’est pas grave » lui répond Dido. Ce film est une grosse daube parce qu’il est un téléscopage sincérisé continuel entre le réel et le monde de la télé, du star-system.

 

C’est souvent l’overdose d’images que le héros homosexuel a ingurgitées qui lui fait exploser le cerveau : cf. le film « Augustin » (1994) d’Anne Fontaine, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody (Brad vit sous l’emprise du film « Retour vers le futur »), le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat (avec le crâne en cristal craquelé d’Elton John), la pièce Un train dans la tête (2007) d’Alberto Lombardo, le roman L’Amant pur (2013) de David Plante (avec la tumeur au cerveau de Nikos Stangos, l’un des amants homosexuels), etc. Par exemple, dans les films « L’Attaque de la moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras et « Le Baiser de la Femme-Araignée » (1985) d’Hector Babenco sont filmées des overdoses télévisuelles ou cinématographiques. Dans le film « The Man Who Fell To Earth » (« L’Homme qui venait d’ailleurs », 1976) de Nicolas Roeg, Tommy (David Bowie) supplie ses innombrables postes télévisuels de le laisser tranquille car ils le rendent fou ! Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, Sieger, le héros homosexuel, scotche devant un tourniquet rempli de cartes postales.
 

« Je zappe, je zappe, et du coup, je mélange tout ! » (Jérôme Loïc dans son one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal, 2009) ; « Je suis différente aujourd’hui. J’ai des bruits dans la tête. C’est plus fort que d’habitude mais ce n’est pas insupportable. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 185) ; « Dans la tête, les scènes du roman se superposaient aux ragots que j’avais récoltés au sujet de Varia. Ma propre perception de la fille qui se tenait à côté de moi, tirée à quatre épingles, blonde et blanche, lisse et impénétrable, achevait de semer le trouble dans ma tête. J’avais encore du mal à rassembler les pièces du puzzle. » (Jason, l’un des deux héros homosexuels, décrivant la belle et vénéneuse Varia Andreïevskaïa dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 57) ; « Je la gifle. Je l’attrape par les cheveux, lui cogne le front contre la boule de cristal, elle râle, elle s’affaisse sur sa chaise, elle a une grosse boule bleue sur le front, un filet de sang coule de son oreille. » (le narrateur homosexuel à propos de Madame Audieu dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 89) ; « Je me suis réveillée avec la migraine, ce qui ne m’arrive jamais, et l’impression que quelqu’un m’avait lancé un dictionnaire sur le crâne pendant la nuit. Il a fallu que je prenne une douche particulièrement longue et chaude pour extraire les mots de mon cerveau et chasser la tension de mes épaules. » (Ronit, l’une des héroïnes lesbiennes du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 21) ; « Ma tête est si pleine. Je n’ai pas assez pour tout stocker dedans. […] Mon cerveau a explosé. » (l’un des protagonistes de la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo) ; « Couché dans son lit, il voit défiler ces images, en continu, l’une après l’autre. Il y a quelque chose qui l’effraie dans cette succession de plans différents. » (Jim Grimsley, Dream Boy (1995), p. 41); « Le cerveau creux, le crâne de verre, plein d’images de saints et de putes, quelqu’un lance le cerveau de verre contre le mur, le cerveau de verre se brise, les images tombent par terre. […] Le crâne de verre plein d’images de saints et de putes, de vieilles images jaunies, visages morts dessinés sur du papier froissé, dans ma poitrine des images mortes, de verre, aiguisées, tailladent, infectent, gangrènent la poitrine, les poumons, le cœur. » (Manuel Puig, El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979), pp. 166-170) ; « Ce bruit que fait ce tourniquet en se déplaçant sur son axe, cette espèce de miaulement triste, je l’entends quelquefois quand j’essaie de me recueillir, et je l’entendrai sans doute sur mon lit de mort, à l’heure des tentations dernières. » (Emmanuel Fruges à propos d’un tourniquet rempli de cartes postales, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 150) ; « En regardant autour de lui il avait l’impression d’explorer un coin secret de sa mémoire, de se promener à l’intérieur de son propre cerveau. Les cartes se trouvaient là-bas. […] Il examina une carte ou deux (dans la pénombre on y voyait à peine), puis de l’index il poussa un peu le tourniquet qui fit entendre un espèce de miaulement. À côté de ce tourniquet, il y en avait un autre qui offrait aux regards des portraits d’acteurs et d’actrices. Camille jeta un coup d’œil sur ces visages satisfaits et se sentit tout à coup envahi d’une tristesse profonde. Ce tourniquet miaulait aussi en se déplaçant sur son axe. ‘Qu’est-ce que j’ai donc ? pensa le jeune homme. Ce bruit, ce grincement a quelque chose qui serre le cœur. » (Camille à la papeterie, op. cit. , p. 293) ; « Maman t’a bourré le crâne avec ses salades. » (Sandre parlant à Audric, dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Ils m’ont meublé l’esprit de force, avec des livres. De vieux livres. Tant de poussière dans une tête d’enfant. » (Lacenaire s’adressant à Garance dans le film « Les Enfants du Paradis » (1943-1945) de Marcel Carné) ; « Je me surpris à dérouler dans ma tête un film porno dont je ne faisais plus partie. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 26) ; « Son visage se tordit tandis qu’il regardait le labyrinthe de livres. Littérature ! Littérature – les Olympiades des nains de jardin ! Bavardage des déments ! Il fit un pas vers l’avant et renversa une étagère de livres par terre. Puis il brisa une étagère, puis une autre. Saccageant toute la boutique, il jeta les livres à gauche et à droite, renversant les étalages, tapant du pied de-ci de-là dans les tas de mots. Des millions et des millions de mots inutiles, des mots regroupés en une série d’illusions, des mots qui promettaient tout et n’apportaient rien. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 176) ; etc.
 

Film "Bobby visite la bibliothèque" d'Eric Krasner

Film « Bobby visite la bibliothèque » d’Eric Krasner

 

À force de ne pas prendre le Réel au sérieux, on voit le héros homosexuel s’enfoncer dans une forme de schizophrénie, de mythomanie, de rêverie étrange, de déprime éthérée, de sentimentalité amoureuse triste : cf. l’album Mythomane d’Étienne Daho, le film « Céline et Julie vont en bateau » (1974) de Jacques Rivette (avec Céline, la magicienne un peu mytho), etc. « C’est beau mais irréel. » (Valentín face au discours planant de son amant Molina, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 71) ; « Je sais pas si c’est la terre qui tourne à l’envers, ou bien si c’est moi qui me fais du cinéma, qui me fais mon cinéma. » (cf. la chanson « Le Monde est stone » de Marie-Jeanne dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Tu vois que la vie n’est pas comme dans les vidéo-clips. » (cf. la chanson « La Légende de Rose la Tulipe » de Cindy et Ronan dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « Je perds mon âme à regarder ces images en elles-mêmes innocentes, innocentes peut-être, mais dont mon esprit a réussi à faire quelque chose de coupable, de vaguement coupable. » (Emmanuel Fruges dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 150) ; « Peut-être dans mon désarroi d’Austerlitz entrait la surprise de constater que les scènes réelles ressemblaient avec une exactitude désolante aux scènes que je m’étais données en représentation très privée dans le secret de mon arrière-boutique. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 178) ; « Silvano [héros homosexuel recherché pour meurtre par la police] pensa : ce n’est pas possible, je suis en train de vivre une hallucination provoquée par la cocaïne que j’ai prise ce matin. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 88) ; « Hier soir j’étais sorti de mon œuf… Je crois bien que c’était un œuf, alors ils m’ont dit : tu iras à la guerre ! […] Moi, la guerre, je n’en connaissais rien. Je ne savais même pas où ça se passait ! […] Alors je me suis mis à voler. J’y prends un plaisir fou […] moi je planais comme un dingue. […] Mais cette vie-là ça m’a fatigué vite. Je commence à m’arrêter de plus en plus souvent, dès que je vois une branche de libre. Et j’y trouve des gens qui me ressemblent, des camarades qui ont des muscles meurtris à force de voyager. Et je reste avec eux, piailler, sautiller, changer de branche quand le temps nous le concède. Alors il pleut souvent. Nos plumes deviennent grises. Alors, peu à peu, je viens chez vous. » (l’un des facteurs à Jeanne, dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « Je me reproche aujourd’hui d’avoir manqué de courage en me réfugiant dans la sagesse d’une existence imaginaire qui, hélas ! me faisait terriblement souffrir ! » (Ednar dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 166) ;« Jane pensait avoir rêvé de Greta, la mère d’Anna, qui reposait sous le plancher du deuxième étage, mais dans son rêve Greta se mélangait avec des putes d’Alban et la fille assassinée du film ; la façon dont ses yeux s’étaient écarquillés quand le couteau s’était enfoncé. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 79) ; « Jane se glissa sous les bulles, laissant l’eau chaude l’engloutir, tentant d’arrêter le film qui se déroulait derrière ses paupières, un mélange confus de chair et d’ombres. » (idem, p. 100) ; « Je ne sais pas si c’est un rêve, mais je crois qu’on s’est déjà rencontrés. » (Phil s’adressant à son amant Nicholas qui va le trahir, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; etc.
 

Par exemple, dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Xav, l’un des héros homosexuels, est obsédé par un « homme défiguré par une cicatrice » mais il n’a pas la force de lui résister ou de reconnaître son inconsistance : « Il a la gueule coupée en deux, comme dans mon rêve. Mais il est quand même beau. » Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène, en pleine tourmente sentimentale avec son amante Sarah qui la maltraite, étudie, pour le baccalauréat, la Guerre Froide en cours d’histoire (elle commence à lire un de ses cours : « période de tension idéologique… ») ou bien écoute un documentaire sur une plante carnivore en cours de SVT. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Oliver est submergé par des images en négatif, de couleur rouge, de son jeune amant Elio, comme une vision psychédélique et satanique se superposant au réel.
 

Le réveil et la confrontation au Réel sont parfois brutaux aux yeux du dormeur homosexuel fictionnel. Le rêve déconnecté du Réel – ou (ce qui revient au même) confronté à Lui – devient alors vite déception, cauchemar, vision d’horreur : cf. la chanson « Ce n’était qu’un rêve » de Céline Dion, le film « Hubo Un Tiempo En Que Los Sueños Dieron Paso A Largas Noches De Insomnio » (1998) de Julián Hernández, le film « Des jeunes gens mödernes » (2011) de Jérôme de Missolz (avec la fuite du Réel dans la drogue, Internet, et les univers nocturnes), le film « Kemény Csajok Nem Álmodnak » (« Les Dures ne rêvent pas », 2011) de Zsofia Zsemberi, la « performance » Golgotha (2009) de Steven Cohen, le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza (avec le parallèle entre la projection du film « Judas Kiss » réalisé par Jude dans un cinéma – narrant l’histoire d’un père battant son fils – et l’affrontement concret et brutal entre Jude et son propre fils à l’extérieur de la salle), le film « Le Roi de l’évasion » (2009) d’Alain Guiraudie (où Armand, le héros homosexuel, fait des cauchemars glauques et se relève en sursaut tellement il les a cru réels), le film « Grégoire Moulin contre l’Humanité » (2002) d’Artus de Penguern (avec la scène finale où Grégoire se réveille dans une cellule carcérale, nez à nez avec son violeur) ; etc. « Le tableau macabre du rouquin est bien là, il est réel. » (le narrateur homosexuel parlant de son violeur avec qui il accepte de coucher, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 113) ; « Tu as vu comme c’est pas un rêve ? C’est une réalité ! » (Micheline, le travelo M to F, à Jean dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « J’ai pas l’impression d’être ancré dans la réalité ici. J’suis chez les dingos !! » (Mr Alvarez par rapport à l’agence immobilière tenue par Damien, un homme travesti M to F, avec des travelos, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; etc.
 

Film "Orphée" de Jean Cocteau

Film « Orphée » de Jean Cocteau


 

Le Réel rattrape toujours la fièvre des fantasmes. Souvent, le héros homosexuel bute contre son propre souhait orgueilleux de désincarnation et d’amour décorporéisé, contre l’impossibilité de la plénitude de l’amour homosexuel, contre son désir de devenir Dieu : « Cette fois, ce n’est pas un film. C’est la vie. » (Jean Cocteau dans le film « Le Testament d’Orphée » (1959), cité dans le documentaire « Cocteau et compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier) ; « Je ne suis pas un de tes supers-méchants de tes B.D. Je n’ai pas le pouvoir dont tu parles ! » (le père de Danny à son fils homosexuel dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Qu’est-ce qui se passe dans ta caboche ? Dis-le-moi. Mais qu’est-ce qui se passe dans ton cinoche ? Faudrait-il que j’incarne le héros de ton choix pour que tu daignes enfin poser les yeux sur moi ? Être Tarzan la banane ou Robinson dans sa cabane, Bogart, James Dean ou pourquoi pas même Dracula ? » (cf. la chanson « Ton cinoche » d’Étienne Daho) ; « Ce type d’amour ne dure pas. Tu peux fuir la Réalité. Elle te rattrapera. » (le père s’adressant à sa fille lesbienne Claire et à Suzanne la compagne de celle-ci, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; etc. Par exemple, dans le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver, Billy tente de courir rejoindre son bel amant au bord de la plage, mais une vitre invisible freine sa course.
 

La violation des 4 différences fondant le Réel (la différence des sexes, la différence des espaces, la différence des générations, et la différence Créateur/créatures) se fait toujours écho à elle-même à cause des effets réverbérants de la violence. Par exemple, dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, la violation de la différence des espaces (intimité d’un appartement brisée) fait écho à la violation de la différence des sexes (par le mariage homo Ben/George).
 

En plaçant ses fantasmes à des sommets inaccessibles, le héros homosexuel finit par en vouloir à la Réalité de ne pas l’aider à les rejoindre. Il trouve que la vie est un théâtre grotesque et mensonger, l’amour une gigantesque mascarade. « Tout est allé très vite et Olivier ne réalise pas trop ce qui vient de se passer. Il est content que son ami ait pris cette initiative. Plusieurs fois il avait rêvé de ce moment, où il pourrait enfin embrasser son fantasme sur la bouche. Mais la réalité a finalement été bien décevante. Maintenant, il ne sait plus s’il est heureux que ça se soit produit ou non. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 173) ; « Son drame, c’est qu’il se voit comme un personnage, et qu’il voit les autres comme des personnages. C’est pour ça qu’il s’isole. » (une femme-clown-squelette parlant à Vincent de son amant Olivier, dans le film « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py) ; « Tanguy conclut que toute sa vie n’avait été qu’un roman : un roman que Jules Verne n’aurait osé signer. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 240) ; « C’est chose terrible, la sentimentalité d’une mère. Parole de Garbo. Et vraie calamité un père lui-même sirupeux tout lâche à l’heure de se coltiner ce primordial mensonge de l’amour maternel qui vous raconte la vie gentil conte de fée, de sa voix doué vous berce de l’illusion jusqu’à profond sommeil plein de rêves, et au réveil, ensorceleur encore, vous console de l’histoire pas vraie en vous minaudant de pires faussetés à l’oreille. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 87) ; « Je gère mal la réalité. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc. Par exemple, dans le film « Morte A Venezia » (« Mort à Venise », 1971) de Luchino Visconti, Aschenbach déclare que « la réalité détourne de l’idéal ».
 

On trouve une défense déçue de la suprématie du rêve sur la Réalité, ou bien la croyance nihiliste selon laquelle la vie serait un songe, dans des films tels que « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, « Le Fabuleux Destin de Perrine Martin » (2003) d’Olivier Ciappa (version-catastrophe d’Amélie Poulain), dans le vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer, etc.
 

Beaucoup de personnages homosexuels affichent ouvertement leur rejet de la Réalité dans une vexation trop agressive pour être le signe d’une détachement et pour ne pas être auto-punitive : « La Vérité dorénavant sort de la bouche de nos écrans… mais ce sera SANS MOI ! » (cf. la chanson « Déconnecter » du groupe L5) ; « J’en ai déduit que la réalité était de la merde et que seule la pensée avait de la valeur. » (Lou Salomé dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Rien n’est plus vulgaire que la réalité. » (Leni Riefenstahl, idem) ; « Combien me semble abject, plat, fatigant, improfitable tout l’ordinaire de cette vie ! » (Hamlet dans la pièce Hamlet, Prince du Danemark (1602) de William Shakespeare) ; « La réalité m’emmerde. » (Sébastien, l’internaute homosexuel du one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien) ; « J’ai suicidé la réalité, j’ai fait une apnée de moi même. […] Mais dès que le rideau tombe, dès que la vie reprend, j’ai peur. […] C’est agressif la vie. C’est agressif la vérité. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; etc. Par exemple, la voix narrative du poème Une Saison en enfer (1873) d’Arthur Rimbaud trouve la réalité « rugueuse ». Dans la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, il est question de « l’objectivité horrible ».
 

Cela peut paraître paradoxal, mais ce mépris du Réel s’accompagne bien souvent chez le personnage homosexuel d’une attraction trop fusionnelle – et pour le coup risquée – vers la réalité concrète, comme le retour de l’élastique excessivement étiré qui annonce un choc violent : « Est-ce qu’il ne faut pas suivre la réalité du monde ? » (Pierre, l’un des protagonistes homosexuels de la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) ; « J’veux qu’on se trash. Serre fort encore, j’ai rêvé de ça. Trash, trash, trash. » (cf. la chanson « Trash » de Christophe Wilhem) ; etc. Le rêveur homosexuel désire se frotter aux aspérités du Réel qu’il ne ressent plus, au plus irréel des réels, à la plus fantasmée des réalités – à savoir la mort et la souffrance – afin de la défier en orgueilleux dieu, quitte à souffrir et à faire souffrir (cf. Je vous renvoie au code « Adeptes des pratiques SM », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).
 

B.D. Femme assise de Copi

B.D. Femme assise de Copi


 

Il n’est pas conseillé d’aller jusqu’au bout de ses fantasmes… ou alors on s’expose à rechercher le viol, par manque de Réel. C’est ce qui survient parfois au héros homosexuel qui, en désirant vivre davantage dans le fantasme que dans le monde humain, ouvre la boîte de Pandore où étaient enfermées ses pulsions de possession : « J’ai eu envie de me branler. Je me suis mis sur le dos, j’ai gardé les yeux entrouverts. […] Je voyais se découper sur le ciel des visages, des corps habités, des sexes multiformes et des culs sculptés. » (Claudio, l’un des héros homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 103) ; « Une scène du magazine porno me vint à l’esprit, sauf que cette fois-ci on y voyait Chakra Dev et Sheela. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 20) ; « Mon désir se manifestait dès que le corps d’une autre me paraissait accessible, me souciant seulement du plaisir que j’en espérais. On ne peut pas appeler cela de l’amour. En société, j’imaginais les femmes qui m’entouraient déshabillées et offertes, et très vite, dans un état presque halluciné, je leur prêtais des postures ou des situations que je n’ose décrire, même dans mon carnet… Ma cruauté, dans ces instants, me préparait à l’idée qu’un jour je n’aurais plus vraiment de limite et que mon ‘vice’ m’avalerait entièrement. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 56-57) ; « Des scènes de groupe où entre elles les femmes faisaient des choses que notre morale réprouve. La nuit je m’imagine ayant tout sous les yeux et dans les mains, organisant rien que pour mon plaisir les plus extravagantes situations, et je me découvre capable même des pires cruautés. » (idem, p. 76) ; « Mme Audieu […]. Cette folle perverse rêve depuis des années d’être tuée, elle est à la recherche d’un assassin, voilà : elle l’a trouvé : c’est moi. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 110) ; « Je n’aime pas ce mélange de rêve et de réalité, j’ai peur d’être encore amené à tuer comme dans mes précédents rêves. […] Je sais que même si je ne suis pas un criminel, mon emploi du temps de ces quatre derniers jours m’est complètement sorti de la tête, n’aurais-je pas pendant cette période tué pour de bon ? Est-ce que Marielle ne courra pas un danger restant seule avec moi ? Non, voyons, je suis la personne la plus pacifique du monde. Les gens violents dans leurs rêves sont dans la réalité incapables de tuer une mouche. » (idem, p. 134) ; « J’ai bien fait de le tuer dans mes rêves. » (idem, p. 136) ; « Cody dit ‘Je m’a suis fait voler. Nourdine il a tout volé, l’argent et la caméra de New York University que j’avais empruntée. Oh my god, on habitait ensemble, et cette matin, je m’est levé et tout avait disparu dans l’appartement. ’ Je l’accompagne pour porter plainte. Je lui dis ‘Ça te plaît, hein, que ce mec t’ait volé ? C’est la preuve que tu avais raison d’avoir peur. Maintenant ça te fait jouir d’avoir été une femme violée et volée, c’est comme si ton rêve magique d’être une femme avait été poussé au maximum. ’ Cody, pris en faute, me regarde de travers. » (Mike, le narrateur homosexuel citant son pote gay très efféminé nord-américain Cody, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 111)
 

Ce n’est pas un hasard si certains créateurs homosexuels s’intéressent au passage incontrôlé du fantasme à la réalité fantasmée (par définition une réalité violée et violente) : cf. le film « Elephant » (2003) de Gus Van Sant, le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, etc.). Par exemple, dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, la mère de Micke tire au revolver sur son mari dans la salle de cinéma en réactualisant un western de John Wayne. Dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le cinéma a le pouvoir de statufier et de tuer le directeur de thèse d’Angela, le professeur Figueroa. Dans sa pièce La Voix humaine (1959), Jean Cocteau veut montrer que les media (le téléphone ici) peuvent agir et tuer. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, revoit à l’opéra le meurtre qu’il a réellement perpétré sur son amant Dick quelques jours auparavant.
 

Oui : fuir le Réel, même si cela paraît touchant de fantaisie et aérien dans l’instant, se révèle très violent et déshumanisant pour le protagoniste homosexuel.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) « La fiction, c’est comme la Réalité, voire plus fort qu’Elle ! » :

Selon beaucoup d’individus homosexuels, y compris ceux qui semblent avoir de l’humour et la tête sur les épaules en temps normal, Réalité et fiction (ou bien, ce qui revient au même, Amour et fantasme) sont intimement mêlées, équivalentes : « Je voulais vivre ma vie comme dans un film de Godard. » (Gaétane, un homme transsexuel M to F, dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan) ; « Ma mère affichait un mépris total pour les films muets que nous allions voir. Elle me disait qu’il n’avait aucun rapport avec la réalité, et que je ne devais pas les prendre au sérieux. Elle avait tort parce que tous les Anglais qui reviennent des États-Unis disent la même chose : ‘Là-bas, c’est comme au cinéma. ’ Et c’est vrai. » (Quentin Crisp dans le documentaire « The Celluloïd Closet » (1995) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman) ; « Je persiste et signe. Ce qui ne se trouve pas dans les media n’existe pas. » (cf. l’article « Orgullo De Informar » de Fernando Olmeda, dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 148) ; « Le monde du film est bien plus vrai que la vraie vie. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 67) ; « J’allais au cinéma, évidemment, à peu près tous les soirs. Elle ne m’accompagnait pas ; les films pour elle ce n’était pas la vérité. J’avais beau lui raconter, tenter de l’intéresser, elle n’en démordait pas, un mensonge même artistique restait un mensonge. » (Frédéric Mitterrand en parlant de son amie Simone, idem, p. 106) ; etc.
 

Pire encore qu’une équivalence entre Réalité et fiction, ils défendent que le mythe et l’intention prévalent sur la réalité concrète : « J’ai vu. Le rêve était plus fort que la vie réelle. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 10) ; « La notion de Réalité est associée à quelque chose de totalement construit, artificiel, qui permet de marquer des points et d’arriver à ses fins. » (Thomas Meinecke, homosexuel, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; etc. Le romancier britannique Oscar Wilde, par exemple, est persuadé que rien n’est plus vrai que l’imaginaire : « Les seules personnes vraies sont celles qui n’ont jamais existé… » (Oscar Wilde cité dans la Correspondance 1945-1970 de Yukio Mishima, p. 17) Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Bertrand Bonello est obsédé par le monde de la peinture : « Pourquoi cette attirance pour les musées ? Il ne l’a jamais su. » (la voix-off de la mère de Bertrand, parlant de son fils) Il rêve de fuir sa réalité pour pénétrer dans les toiles : « C’était comme une maison de poupées. Un théâtre de marionnettes. On passait des heures devant les agneaux à deux têtes. Il était bouleversé. Il voulait vivre là. À côté. Et moi j’étais là, sans savoir quoi faire. » (la voix-off de la mère de Bertrand)
 

One-man-show Chroniques d'un homo ordinaire de Yann Galodé

One-man-show Chroniques d’un homo ordinaire de Yann Galodé


 

Souvent, les personnes homosexuelles expérimentent une troublante correspondance entre leur propre vécu et ce qu’elles ont observé auparavant sur une toile, un livre, une chanson ou un film. J’ai suffisamment vu les comportements des dance floor et des salons « chics » LGBT, assez entendu mes propres amis dire leurs fantasmes de reproduire leurs films, leurs romans, leurs toiles, leurs photos ou leurs chansons préférés, pour savoir de quoi je parle ! (sans m’exclure moi-même du tableau…) Souvent, nous prenons nos désirs pour des réalités, transformons nos amants et notre vie en œuvres d’art, ou à l’inverse nos œuvres d’art en êtres animés. La frontière entre le monde réel et celui des fantasmes n’est généralement pas identifiée. C’est pourquoi, en nous côtoyant, vous avez largement le loisir d’assister, en tant que spectateurs, à l’envolée lyrique de notre imaginaire, où s’enchevêtrent la fiction et le Réel, dans un brouillage « conceptuel » (parfois vintage, psychédélique névrosé, façon Christophe Honoré ou Marco Berger) ou bien comme dans un vidéo-clip en 3D. Nos lieux de vie (la chambre, le salon, l’appartement, etc.) ressemblent souvent à une galerie d’art ou à un panthéon de stars de cinéma et de la chanson : bref, ce sont des microcosmes de notre idolâtrie et de notre fanatisme voué au dieu Irréalité. « Leur imagination est charmée à la vue de beaux jeunes gens, à la vue de statues ou de peintures dont ils aiment à entourer leur chambre. » (J. L. Casper, parlant « des homos », dans son Traité pratique de médecine légale, 1852) ; « Je pénétrai sans bruit dans la chambre décorée de meubles chinois en laque de Coromandel, partout des petits personnages, des fleurs, des oiseaux qui me faisaient rêver de l’Orient. » (Denis Daniel, Mon Théâtre à corps perdu (2006), p. 41) ; « Ma tante, moderne et indépendante, habitat un studio au-dessus de son salon : un grand lit par terre, des photos d’artistes collées au mur, Henri Garat et Mireille Balin, Jean Gabin, Michèle Morgan, Arletty, tout y était un peu bohème. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 19)
 

Vidéo-clip de la chanson "Redonne-moi" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer


 

Par exemple, François Reichenbach est élevé dans une riche famille de collectionneurs de tableaux. Quant à Yukio Mishima, il comparait la chambre de sa grand-mère à un sanctuaire « plein de kimonos colorés et d’obis garnis de roses afin de se travestir en une magicienne qu’il avait admirée sur une scène de théâtre. » (Yukio Mishima, Confession d’un masque (1971), cité dans sa Correspondance 1945-1970 (1997) de Yukio Mishima, p. 14) Dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger, Oriane, femme lesbienne de 21 ans, décrit humoristiquement sa chambre tapissée de photos de belles actrices et chanteuses comme son « Mur des Lamentations » à elle.
 

Certaines personnes homosexuelles disent vivre une « vraie » cinéscénie : « Le cinéma comme la littérature comme adolescence, c’est s’enfermer dans sa chambre, et ne pas douter que son lit est l’exacte réplique du monde, un territoire crâne et teigneux de désirs. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 32) Par exemple, Francis Bacon se dit fasciné par les successions de photos sérigraphiques en noir et blanc d’Eadweard Muybridge (cf. le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton).
 

La technique de la biopic, c’est-à-dire de la biographie romancée qui reprend la vie d’un personnage célèbre homosexuel pour lui faire porter des messages et des fantasmes contemporains que ce dernier aurait lui-même de son vivant démentit, fait recette en ce moment : cf. la biopic « Truman Capote » (2006) de Bennett Miller, le film « Howl » (2010) de Rob Epstein, le film « Harvey Milk » (2005) de Gus Van Sant, « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, le film « Imitation Game » (2014) de Morten Tyldum, le film « Life » (2015) d’Anton Corbijn, etc. S’enchevêtrent des images d’archives et des dessins animés de manière totalement sauvage et décousue. C’est la « minute difficile » décrite par Jean Cocteau, pendant laquelle les réalisateurs gays friendly, qui s’imaginent rendre hommage historiquement, distordent complètement la réalité et multiplient les anachronismes. Effrayant de contradictions.
 

Elles emploient parfois la métaphore du crâne en cristal saturé d’images-cinéma, du cœur-caméra projetant sur le Réel une version ralentie ou accélérée de Celui-ci (genre les ralentis « Nouveau Roman ») pour, dans l’idée, « aller plus lentement que dans la vie » (comme l’explique pertinemment Philippe Muray dans son essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 52), et surtout pour traduire la fantaisie qui les transporte(-rait). Par exemple, aux yeux de réalisateurs comme Pier Paolo Pasolini, François Ozon, Olivier Ducastel, Jacques Martineau, ou encore Jean Cocteau, l’objectif de la caméra ne renvoie plus à un simple objet, mais à une conscience qui voit le monde tel qu’il est. Ils l’ont dit explicitement !
 

 

Le ralenti et l’image-mouvement (Deleuze parlerait d’« image-pulsion ») ont tendance à rajouter du pathos esthétisant ou bien à suggérer une lascivité érotique (… et généralement, c’est bien lent et bien chiant à regarder !) : cf. le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, le film « J’aimerais j’aimerais » (2005) de Jann Halexander, le film « Todo Sobre Mi Madre » (1999) de Pedro Almodóvar, la série Super Jaimie (1976) de Kenneth Johnson, le vidéo-clip de la chanson « Kelly Watch The Stars » du groupe Air, le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, le vidéo-clip de la chanson « Stranger In Moscow » de Michael Jackson, la chanson « Ouverture » d’Étienne Daho, le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check (« tourné comme si les choses se déroulaient au ralenti »), etc. Les réalisateurs homosexuels actuels adorent matérialiser leurs fantasmes érotiques et esthétiques par le biais du ralenti cinématographique : ce dernier est employé de manière tellement prétentieuse et grossière que, du coup, il donne aussi matière idéale au détournement autoparodique (non moins prétentieux !) visant à montrer que leur naïveté de l’attachement aux images télévisuelles n’est pas complète (je pense notamment aux ralentis surjoués de la pièce musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, du one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, etc.) : « Au moment où elle [Sheela] grimpait dans son car, elle se retourna pour me lancer un grand sourire. On aurait cru un mannequin dans une pub de shampoing. Les femmes s’éloignaient dans le lointain puis virevoltaient pour montrer leur visage au public. J’avais l’impression qu’il y avait du glamour dans ma vie. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, pp. 166-167) ; « J’aime Sébastien à la folie. Le parking de la mairie d’Évreux est facile à trouver, je me gare. Et j’attends. […] J’aperçois la Cooper de mon homme. Il se gare. Je descends à sa rencontre. C’est un film qui se déroule maintenant devant moi. […] Je marche vers lui. Au ralenti. Tout se passe comme si mon corps anticipait ce qui allait arriver. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), pp. 234-235)
 

 

Le ralenti se traduira généralement sur les photographies par l’usage du flou, dans les romans par l’usage de l’homophonie, et dans les pièces de théâtre ou les chansons par des silences singés et des soupirs « à la Philippe Besson » : cf. l’album de photographies Le Chemin des chats (1949) de Claude Cahun (avec ses « images-mouvement »), le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec la caméra tremblante), les photographies « conceptuelles » de Mike Nietomertz, l’écriture homophonique d’un Abdellah Taïa, la nonchalance scénarisée de Steven Cohen ou de François Zabaleta (puante de narcissisme mou et trash), etc. Par exemple, dans son autobiographie Impotens Deus (2006), Michel Bellin dit son attrait pour la sensualité du « ralenti cinématographique » (p. 63).
 

 

La plupart des sujets homosexuels aiment d’habitude prendre la posture du bobo évoluant dans une toile ou un film de la Nouvelle Vague (cf. Je vous renvoie au code « Bobo », de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ils « philosophent » (inconsciemment, ils dépriment, en fait), attablé à la terrasse d’un café pour observer les passants avec une émotion pseudo « contenue, sobre et grisante ». Et comme ils n’ont surtout rien à dire d’intéressant et qu’ils (s’)ennuient, alors ils se masturbent discrètement par une dégoulinade verbale/picturale narcissique qui « fait joli »… et bien sûr, toujours dans un ralenti très étudié, une nonchalance hédoniste : « Je regarde les autres vivre. Je me pose des questions sur eux, qui ils sont… où ils vont… Tu vois, ils deviennent des sortes de héros d’histoires que je m’invente. » (cf. un « post » lu sur le mur d’un contact Facebook, le jeudi 30 août 2012) Les biographies mélancoliques des stars commentées par Frédéric Mitterrand, les films-clips de Gaël Morel, les romans cartes-postales de Philippe Besson, les films musicaux lentissimes de Xavier Dolan, de Gus Van Sant ou d’Andrew Haigh, la sophistication des films-ballade de Jann Halexander, en fournissent de magnifiques exemples.
 

On remarque que l’irréalité conduit souvent à l’inversion sexuelle et à l’homosexualité. C’est un esthétisme très prisé chez les artistes homosexuels que de mélanger dans leurs créations les arts audiovisuels du passé et ceux du futur, ou bien les arts entre eux (théâtre et vidéo par exemple), voire même les documents réalistes et les œuvres fictionnelles (à travers ce qu’on appelle les « docu-fictions », par exemple, ou bien l’insertion de dessins animés, de play-back, dans une intrigue dite « réaliste ») : cf. le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent (avec la présence de dessins animés), le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell, le docu-fiction « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo, la pièce Golgota Picnic (2011) de Rodrigo Garcia, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, la « performance » Golgotha (2009) de Steven Cohen, la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, le film « Autoportrait aux trois filles » (2009) de Nicolas Pleskof, la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo, le film « Peeling » (2002) d’Heidi Anne Bollock (des dessins animés de Beth s’intercalent au film), etc. Le mélange des « genres » artistiques, ou de l’audiovisuel avec le reportage, est une manière à la fois d’esthétiser et d’embellir un quotidien diabolisé, et inversement de donner corps à ses propres fantasmes amoureux irréalistes (= bisexuels) de manière réaliste.
 

Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, on nous montre en parallèle sur un écran un homme efféminé se maquiller en femme, et la narratrice transgenre F to M sur scène se travestissant en homme, en se posant un faux bouc.
 

Il y a dans cette sincérité forcée non pas une hypocrisie (puisque celle-ci ne semble pas volontaire) mais au moins une malhonnêteté intellectuelle, puisqu’on fait passer (par la déformation picturale ou un joli phrasé) l’irréel pour plus réel et puissant que le Réel même ! Comme dans les faux micro-trottoirs publicitaires, où la spontanéité est scénarisée : cf. le faux documentaire « Mockumentary » (2005) de Jo Sol, le documentaire « Hooters ! » (2010) d’Anna Margarita Albelo (film tourné en 6 jours), etc. Par exemple, le film « Elena » (2010) de Nicole Conn, qui est pourtant une fiction, fonctionne comme un docu-fiction, avec des interviews de couples (homos ou présentés comme « hétéros ») soi-disant spontanées et détendues (mais en réalité totalement scénarisées et orientées), intercalées pour prouver l’authenticité de l’amour que sont/seraient en train de vivre les héroïnes lesbiennes de l’intrigue fictionnelle. Quelle malhonnêteté de la sincérité, quand même !
 

À l’inverse, certains documents dits « scientifiques » et distancés, versent l’air de rien dans la sensiblerie et la guimauve. Par exemple, dans le (pourtant supposé « sociologique » !) essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, on constate que les bons sentiments, les idéologies mythologiques pro-homosexualité, et l’imaginaire, l’emportent sur le Réel, la reconnaissance des faits, l’analyse du désir homosexuel et de la pratique homosexuelle. D’ailleurs, il n’est pas anodin que le tout dernier mot de cette étude soit « les imaginaires » !
 

Sur un mode plus militant, mais à prétention tout aussi réaliste et romantisée, le film « The Laramie Project » (« Le Projet Laramie, 2002) de Moisés Kaufman est un docu-fiction retraçant le meurtre « homophobe » du jeune Matthew Sheppard (21 ans) et tout le concert médiatique qu’il a déchaîné aux États-Unis en 1998, de l’agression jusqu’au procès des deux agresseurs : une troupe de théâtre new-yorkaise (Tectonic Theater Project), trois semaines après le meurtre odieux, s’est rendue sur les lieux du crime pour faire pas loin de 200 interviews et récolter des témoignages auprès de la population locale afin d’en faire un reportage scénarisé, « pour la sensibilisation et la lutte contre l’homophobie ». L’objectivité d’apparat de ce documentaire respire en réalité la relecture anachronique et passionnelle des faits, l’instrumentalisation sentimentaliste et condamnatrice de la violence et de la douleur humaine à des fins identitaristes et amoureuses peu solides. C’est puant d’auto-satisfaction et de moralisme bon ton. Effrayant.
 

Parfois, les individus homosexuels rajoutent un semblant de désir et de liberté au débordement du mythe sur la Réalité, pour sauver la face, pour se prouver qu’ils ne deviennent pas fous et qu’ils sont au contraire très créatifs, maîtres d’eux-mêmes et de leurs perceptions. C’est le militantisme « artistique » ou la sentimentalité spiritualiste qui leur servent en général d’excuses pour laisser la fiction l’emporter sur le Réel : « Il n’y a pas de différence entre ce que je dis et ce que j’écris. » (la romancière lesbienne Gertrude Stein)
 

Au lieu de reconnaître la Réalité comme une Vérité universelle aussi bien intérieure qu’extérieure à l’être humain, beaucoup de penseurs homosexuels, en bons nombrilistes relativistes anthropocentrés (bref, en bons nominalistes), font de la Réalité un indiscernable cortège de points de vue, une affaire de création artistique personnelle : « La réalité, c’est une somme des points de vue subjectifs sur la réalité. » (Christophe Bigot, lors de la conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon, à la Mairie du IIIe arrondissement, le 18 novembre 2010) ; « La réalité, écrit Marcel Proust dans son roman Du côté de chez Swann (1913), est un certain rapport entre ses sensations et ces souvenirs qui nous entourent simultanément. » (p. 7) Le nominalisme médiéval n’est pas étranger au basculement progressif de l’Humanité actuelle vers le mythe, dont l’homosexualité n’est qu’un reflet. La philosophie nominaliste (XIIIe siècle), dont notre pensée contemporaine est héritière et particulièrement imprégnée, consiste à penser que l’individu autonome façonne le monde par les mots qu’il crée et par sa propre subjectivité. Selon cette idéologie narcissique et athée, il suffirait de changer les mots pour modifier/créer la réalité à laquelle initialement ils renvoyaient.
 
 

b) Fuyez le bon et exigeant Réel… et Il revient au galop, mais cette fois avec brutalité :

L’interférence de la fiction sur le Réel participe d’une volonté plus ou moins consciente chez les personnes homosexuelles de déni de souffrances et de liberté, d’une douilletterie, d’une peur/paranoïa, d’une misanthropie : « J’aimais me plonger dans un monde imaginaire, c’était ça ; j’étais tout le temps dans les fantasmes, dans l’imaginaire, dans quelque chose qui me sorte de la réalité qui me faisait, moi, énormément souffrir. » (un homme transsexuel M to F cité dans l’essai Le Transsexualisme (2000) d’Henri Frignet, pp. 79-80) ; « J’avais déjà si peu d’affinité avec ma propre existence. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, Un Fils différent (2011), p. 133) ; « Ces lacunes dans le rapport que j’entretiens avec la réalité s’expliquent sans doute par la peur que j’éprouvais enfant en appréhendant le monde extérieur et l’avenir, une peur que j’ai globalement surmontée mais qui a laissé des traces en m’incitant à ignorer ce qui est inquiétant, ce qui menace ma sensibilité et mon équilibre. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 238) ; « Ici, à ces tables qu’occupent des couples d’hommes, vous ne connaîtrez ni les cours de la Bourse ni les fluctuations de la politique. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 24) ; « Moi, je vois mon enfance comme une période qui ne nous a pas du tout armés. Je vais grandir moins vite que les autres. » (Christian, le dandy homo de 50 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Les Mann ne sont pas des personnages de conte de fées. Ils appartiennent à la vraie vie et ce qu’ils font ne te regarde pas. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 119) ; etc.
 

Par exemple, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias décrit son ami homosexuel Copi comme quelqu’un qui en devient excessif parce qu’il n’arrive pas à faire la coupure entre la Réalité et la fiction : « Son seul problème était de parvenir à se démaquiller. » (p. 12)
 

En fait, ce que beaucoup de sujets homosexuels omettent de révéler, c’est que non seulement dans leur esprit la Réalité et la fiction ne sont pas mêlées à part égale, mais qu’en plus, ils se laissent déborder par la fiction/la pulsion et leur fait gagner artificiellement du terrain sur le Réel beaucoup plus involontairement qu’ils ne le voudraient. « J’avais lu trop de livres, vu trop de films. Ma vie et mes sentiments me dépassaient. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 41) ; « Il semble que la parenté entre Mishima et Yourcenar, au-delà des apparences, de l’enracinement commun de leurs œuvres dans l’histoire, pourrait se situer dans la contamination du réel par le rêve. » (cf. l’article « Le Fantôme de Mishima » de Dominique de Gasquet, dans le Magazine littéraire, n°283, décembre 1990, p. 45) ; etc.
 

À force de ne pas prendre le Réel au sérieux, on les voit souvent s’enfoncer dans une forme de schizophrénie, de mythomanie, de déprime éthérée, de sentimentalité amoureuse triste, voire de rêve éveillé cauchemardesque : je parle ici de l’irrationalité du rêve façon « happening brutal », plutôt que du déploiement du désir et de la « liberté I have a dream ». Celle-ci apparaît selon certains médecins comme un point de non-retour : par exemple, pour le psychanalyste Alfred Adler, « la guérison [de l’homosexualité] n’est nullement garantie. Car, en définitive, il s’agit d’amener un être lâche qui, à tout moment, tente de déserter, à accepter sans condition les exigences de la vie. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 200)
 

Le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, par exemple, regorge de références et de mimétismes sincères des séries télévisuelles et du cinéma. Il y a une idéalisation cinématographique (du coup, complètement kitsch) du couple homo : « Bertrand regarde amoureusement son beau Marcel, déjà bien étendu depuis une bonne heure. Ce dernier lève les yeux de son magazine et lui retourne un tendre sourire. » (p. 9) Les amants homos vivent eux-mêmes leur amour comme un film ou une jolie chanson : « Les deux garçons rêvent en couleur, en technicolor, en super son surround. » (Ahmed et Saïd, op.cit. , p. 53) On a l’impression de suivre une série américaine bon marché : à la fois c’est cuculand et le scénario-catastrophe qui brise la romance (exemples : l’accident fatal de tricycle de Marcel, raconté au ralenti ; la séparation subite des amants Saïd et Ahmed à cause d’un coup de tonnerre ; la mort tragique de Patrick présent dans les Tours jumelles le 11 septembre 2001 ; etc.)
 

Le Réel rattrape toujours la fièvre de nos fantasmes. Souvent, les personnes homosexuelles butent contre leur propre souhait orgueilleux de désincarnation et d’amour décorporéisé, contre l’impossibilité de la plénitude de l’amour homosexuel, contre leur désir de devenir Dieu : « Le jeune Carné perçoit la réalité comme une mise en scène, construite et dirigée par lui seul. » (Edward Baron Turk, Marcel Carné et l’âge d’or du cinéma français 1929-1945, 2002) ; « Cette expérience m’était à tel point incroyable que, je préférais me taire, craignant sans doute de passer pour un être anormal et déséquilibré. Mais rien ne pouvait jamais m’ôter l’absolue certitude, que je n’avais pas rêvé ni été victime d’une hallucination. J’étais la victime et le témoin, c’est sûr, la cible d’un amour impossible. » (Berthrand Nguyen Matoko après s’être fait violemment sodomisé pour la première fois par un amant de passage, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 70) ; « Entre moi et elle, à chaque fois, la place de l’imaginaire détermine le degré du désir. Plus l’une me rappelle au réel, plus je la fuis à tire-d’aile, ricanant que tout est possible, en fantasme du moins. Plus l’autre ancre notre amitié dans des discours raisonnables, plus je veux sa déraison, ce qui lui échappe. Obstinément, entre chaque rendez-vous, je défais comme Pénélope les mailles serrées du réel que nous venons de partager pour tisser une tenture de rêve où chacune vient se prendre à son tour. Souvent, leur réalité déchire le voile derrière lequel je les contemple. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 197) ; etc.

 

En plaçant ses fantasmes à des sommets inaccessibles, l’individu homosexuel finit par en vouloir à la Réalité de ne pas l’aider à les rejoindre. Il trouve que la vie est un théâtre grotesque et mensonger, l’amour une gigantesque mascarade. « Même au cours de la vie la plus éclatante et la plus comblée, ce que l’on veut vraiment faire est rarement accompli, et des profondeurs ou des hauteurs du Vide, ce qui a été, et ce qui n’a pas été, semblent également des mirages ou des songes. » (Marguerite Yourcenar, Mishima ou la vision du vide (1980), p. 123) ; « J’ai un ennui profond pour la réalité. » (le chanteur Loïc Nottet dans l’émission Danse avec les stars 6 du 28 novembre 2015) ; etc.
 

En général, on trouve chez presque tous les artistes homosexuels néo-baroques, queer, kitsch, camp et gay, une défense de la suprématie du rêve sur la Réalité, ou bien la croyance nihiliste et désenchantée selon laquelle la vie serait un songe (cf. les mises en abyme, le métathéâtre contemporain, le spectacle dans le spectacle, l’insertion de l’outil multimédia dans des pièces de théâtre contemporain, etc.). « Par mon travail, j’essaie d’exprimer un refus du quotidien. Le quotidien n’est ni joyeux ni magnifique. » (le couturier homosexuel Xavier Delcour cité dans la revue Têtu, novembre 2001, p. 111)
 

Beaucoup de personnes homosexuelles affichent ouvertement leur rejet de la Réalité dans une vexation trop agressive pour être signe d’un détachement ou pour ne pas être auto-punitive : cf. le documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order », 2012) de Jan Soldat (traitant du sadomasochisme par un « couple » d’hommes âgés qui a l’air de planer et de jouer innocemment). « Le sens de la réalité leur échappe parce qu’ils ont fit pour ainsi dire l’économie de l’étape œdipienne et que la séparation entre Moi et non-Moi n’existe pas pour eux. Leur vision du monde est de type fusionnel. […] Le mot d’ordre de la propagande moderne : l’onirique c’est le réel. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 97) ; « Assimilée à la peste brune […] , le réel est le bouc émissaire de Festivus festivus. L’irréel est devenu une commande sociale. » (idem, p. 144) ; « La réalité est douleur. » (le peintre Francis Bacon dans le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton) ; « Carson McCullers est très candide et ne peut pas admettre les difficultés du réel. » (Josyane Savigneau à propos de la liaison lesbienne entre Annemarie Schwarzenbach et Carson McCullers, dans la biographie Carson McCullers (1995), p. 104) ; « Annemarie Schwarzenbach, elle aussi, a du mal à affronter la réalité. » (idem, p. 96) ; etc.
 

Cela peut paraître paradoxal, mais ce mépris homosexuel du Réel ne se manifeste pas nécessairement par des idées planantes. Il s’exprime surtout par une prétention puriste – et souvent désenchantée, pulsionnelle – à la possession de la matière, par la « folie du voir » de l’Homme baroque (cf. l’article « Calderón et l’Emblématique » de Christian Bouzy, dans l’essai Aspects du théâtre de Calderón dans La Vida Es Sueño et El Gran Teatro Del Mundo de Pedro Calderón de la Barca (1999) de Nadine Ly, pp. 17-18). « Celui qui est privé d’accès à la dimension de la métaphore, c’est le psychotique. C’est lui qui ne boira plus jamais dans un verre s’il a entendu dire qu’on peut se noyer dans un verre d’eau ! » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 79). En intentions du moins, beaucoup de personnes homosexuelles sont des rêveuses qui désirent se frotter violemment aux aspérités du Réel, s’approcher du plus irréel des réels, de la plus fantasmée des réalités – à savoir la mort – afin de la défier en orgueilleux dieux, quitte à souffrir et à faire souffrir (cf. Je vous renvoie au code « Adeptes des pratiques SM », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Comme le dit fort justement le psychanalyste Jean-Pierre Winter dans son essai Homoparenté (2010), « le refus du réel » désigne une « violence » larvée et parfois effective (p. 115).
 

L’image du crâne en cristal n’est pas à prendre à la légère. Ce cerveau représente vraiment le projet du transhumanisme, idéologie voyant le monde à travers un « homme augmenté » (comme dirait Bernard Claverie), un être-robot qui, comme une neurone faisant partie d’un immense système cérébral mondialisé gérant les flux d’informations et d’énergies, participerait au transit continuel et à l’activité d’un supra-ordinateur quantique qui organiserait la société à sa place.
 

Il n’est pas conseillé d’aller jusqu’au bout de ses fantasmes… ou alors on s’expose à rechercher le viol, par manque de Réel ! « Supprimez la loi, vous supprimez le sujet. » (Jean Laplanche) C’est ce qui survient parfois à l’individu homosexuel qui, en désirant vivre davantage dans le fantasme que dans le monde humain, ouvre la boîte de Pandore où étaient enfermées ses pulsions de possession, de viol, de mort : « J’attendais. Mieux que ça, je rêvais. Un rêve comme celui du Bon Dieu qui couche avec Satan. » (Berthrand Nguyen Matoko racontant sa première nuit d’« amour » homosexuel, qui s’est révélée catastrophique, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 72) ; « Je ressentais parfois du dépit d’être ainsi désacralisé, parce qu’il [le père Basile, qui le viole] aidait des barrières à s’affranchir de leur idée de la réalité. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 36) ; « J’ai d’abord erré dans ces lieux sombres, ma serviette à la main, je suis passé devant les cabines et j’ai vu des hommes allongés, offerts comme sur un étal de marché. Chacun pouvait choisir le garçon qui lui plaisait. Parfois, bien que la cabine fût plongée dans le noir, je distinguais plusieurs corps agglutinés. A priori, j’aurais dit que mon rêve se réalisait sous mes yeux, mais en fait j’ai très mal vécu cette première incursion dans l’univers homosexuel. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 44) ; « Au fond, depuis l’adolescence, je suis déchiré entre mon rêve romantique et mes fantasmes parfois avilissants. » (idem, p. 46) ; « Pendant de longs jours, j’eus l’impression d’être guéri : la vision ignoble de ce garçon, que je croyais viril, les images de cet homme singeant la femme en présence d’un autre homme tout aussi efféminé, tout cela endormait en moi toute velléité de recommencer. Toutes mes aventures, je les avais eues ou menées sous le signe de cette domination : en un mot, je ne m’étais jamais vu moi-même. Sensible et féminin, désirant d’impossibles caresses, j’eus alors la révélation que l’on n’est pas fait pour cela ; je sus qu’il y avait, en cet individu, quelque chose de détruit, comme en moi-même. Une sorte de timidité sexuelle faisait de nous ‘les invertis’, des monstres, des malades. Ainsi, il m’arrivait parfois de ne pas croire à ma propre homosexualité. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 110) ; etc.
 

Film "Tesis" d'Alejandro Amenábar

Film « Tesis » d’Alejandro Amenábar


 

Ce n’est pas un hasard si certains créateurs homosexuels s’intéressent, à travers leurs fictions et leurs œuvres d’art, au passage incontrôlé et monstrueux du fantasme à la réalité fantasmée (par définition une réalité violée et violente) : la brutalité incontrôlable de l’irrationnalité du rêve, les techniques de l’épouvante (on pensera au fameux « théâtre de la cruauté » d’Antonin Artaud), ont été particulièrement vantées par les surréalistes homosexuels (Andy Warhol, Gregg Araki, Hervé Guibert, David Cronenberg, etc.) Tout l’essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005) de Philippe Muray parle justement de la violence surgissant après les carnavals mondains bisexuels : « Le réel refoulé a fait retour, brièvement, dans le processus de festivisation générale. Là aussi, il s’agit d’un coup de réel éclatant dans le ciel bleu des jeux qui sont faits. » (p. 161)
 

 

Beaucoup de réalisateurs homosexuels (Alain Guiraudie, Pedro Almodóvar, Alejandro Amenábar, Gaël Morel, etc.), en omettant volontairement dans leurs films d’annoncer la transition entre la réalité narrative et le rêve, s’amusent à nous faire croire que les horreurs que leur héros voit en songe lui arrivent vraiment. Effet de cauchemar, de film d’épouvante, et de rêve éveillé, garanti !
 

Quand la fiction, le mythe, les fantasmes, prennent le pas sur le Réel, c’est la porte ouverte à l’inconscience, à l’ignorance, à l’éloignement des personnes, à la folie, à l’attaque de l’Amour, au viol, aux envies de meurtre, aux réveils brutaux, aux enfers. C’est tout bonnement la loi de la jungle imposée par les pulsions et les instincts grégaires les plus irréfléchis. Par exemple, lors du salut final de la pièce En ballotage (2012) au théâtre Clavel à Paris en février 2012, Benoît Masocco, le metteur en scène, nous a expliqué à nous public qu’à la fin de l’avant-première, un spectateur s’en était pris physiquement au comédien qui jouait le rôle du père homophobe, en transposant complètement ses fantasmes anti-homophobie sur le Réel.
 

L’évacuation du Réel reste une offense faite à la liberté même, à l’être humain et aussi, paradoxalement, à sa poésie ! Oui : fuir le Réel, même si cela paraît touchant de fantaisie et aérien (voire rigolo) dans l’instant, se révèle très violent et déshumanisant pour la personne homosexuelle. Yukio Mishima, par exemple, en réactualisant le suicide rituel des ancêtres samouraïs, s’est imaginé acteur d’un prodige littéraire sur lui-même : il en paya de sa vie, en se faisant hara-kiri ! D’où l’intérêt et la nécessité de garder au maximum les pieds sur terre…
 
 

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Code n°30 – Chiens

chiens

Chiens

 

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

Les homophobes qui nous comparent à des chiens, c’est les autres ! C’est pas nous !

 
 

Il est monnaie courante de voir dans les fictions traitant d’homosexualité les personnages homos se comparer à des chiens, s’aboyer dessus au moment du coït quand ils sont en couple, pratiquer le « dogtraining » ou le « pet sex »… alors que pourtant l’association entre homosexualité et zoophilie fera hurler ces mêmes créateurs de leurs propres clichés, et que les membres de la communauté LGBT s’offusqueraient bien que la comparaison canine puisse être révélatrice d’une quelconque vérité violente de leur désir homo prétendument « normal ». C’est tellement plus facile d’inculper les « méchants non-homosexuels homophobes » dans toute cette histoire plutôt que de se regarder soi-même ! Le code des « chiens », omniprésent dans la fantasmagorie homosexuelle, prouve à lui seul que l’homophobie n’est pas, comme on se plaît à nous le faire croire, « non-homosexuelle », mais qu’elle est homosexuelle.

 

CHIENS 1 Pet Shop Boys

Pet Shop Boys


 

N.B.1 : Exceptionnellement, ce code sera illustré à la fin par des extraits vidéo. Je me suis dit que je devais le faire, sinon, on ne me croirait jamais ! Et encore… j’ai dû faire une sélection car j’aurais eu une dizaine de films à vous montrer!

 

N.B.2 : Je vous renvoie également aux codes « Cannibalisme », « Animaux empaillés », « Scatologie », « Homosexualité noire et glorieuse », « Adeptes des pratiques SM », et « Coït homosexuel = viol », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 
 

1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

L’association de l’homosexualité à la zoo-sexualité révolte un grand nombre de personnes homosexuelles. Pourtant, certaines la font, soit « scientifiquement » pour justifier que l’homosexualité est naturelle, soit artistiquement et par « jeu » : les personnages homos à quatre pattes, tenus en laisse, se définissant comme des chiens, ou bien aboyant sur nos écrans, ne manquent pas dans les œuvres homo-érotiques. Passant maîtres dans l’art des bestiaires et la description d’aventures zoophiles, il semble que beaucoup d’individus homosexuels donnent des bâtons pour se faire battre. Le motif du chien, revenant fréquemment dans la fantasmagorie homo-érotique, n’est malheureusement pas toujours qu’une image. Par exemple, dans la pratique sexuelle de la sodomie et dans le discours, certains baptisent eux-mêmes la posture du sexe anal la plus communément employée lors du coït gay de « position du chien » (Terry Sanderson, Gay Kâma Sûtra (2003), p. 92). Et dans la vie, les personnes homosexuelles se comportent parfois comme des bêtes, même si elles trouvent l’analogie homosexualité-bestialité peu avouable ou scandaleuse. « J’ai rayé tout le passage sur la ressemblance de T. avec un chien, car il me semblait trop grossier, et pourtant : j’évoquais sa bisexualité, qui est un fait presque animal ; le fait que dans la baise la bestialité est un des fantasmes qu’il imprime (le fantasme de la rapidité du plaisir) ; son attachement sentimental, mais son infidélité constante (se retourner sur le dernier corps passé) ; tout son tempérament enfin : son goût de la promenade, du furetage, de la drague ; sa bonne humeur – il remuerait presque la queue – alternée avec des mouvements de mélancolie boudeuse ; son grand amour des chiens, qu’il aborde presque comme des frères, partout, dans la rue ; sa satisfaction à retourner les poubelles. Il aura fallu mettre beaucoup de ‘presque’ dans ce passage pour atténuer la grossièreté de la comparaison, mais elle n’est pas si fausse. » (Hervé Guibert, Le Mausolée des amants (1976-1991), p. 41)

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

Le personnage homosexuel croise un chien ou s’y identifie :

 

CHIENS 0 gay

 

On retrouve le chien dans énormément de productions traitant d’homosexualité: cf. le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart, le film « Monster In The Closet » (1986) de Bob Dahlin, la chanson « Josy » de Nicolas Bacchus, le film « Oh My Dog ! » (2007) de Lydie Jean-Dit-Panel, la pièce Eva Perón (1969) de Copi, la chanson « Ouvre le chien » David Bowie, le film « Hush ! » (2001) de Ryosuke Hashiguchi (avec la boutique de toilettage pour chiens), le film « Lie Down With Dogs » (1995) de Wally White, la pièce Grand peur et misère du IIIe Reich (2008) de Bertold Brecht (avec les comédiens qui aboient sur scène), la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau (avec « Sacha », le basset), le film « Bêtes de scène » (2000) de Christopher Guest, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, le film « Hayseed » (1997) d’Andrew Hayes et Josh Levy, le chien homosexuel du roman Mon chien stupide (2002) de John Fante (avec l’histoire d’un chien homo), le film « El Cumpleaños Del Perro » (1974) de Jaime Humberto Hermosillo, le film « Un après-midi de chien » (1975) de Sidney Lumet, le tableau Goliath (2005) de Thierry Brunello, la pièce Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphan Druet (avec Roberto, le trans M to F, comparé à un chien), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, la pièce Combat de nègre et de chiens (1979) de Bernard-Marie Koltès (avec Cal et Toubab), le film « Colloque de chiens » (1977) de Raoul Ruiz, le tableau Qui du maître ou du chien… ? (2003) de Xavier Gicquel, le roman Les chiens (1982) d’Hervé Guibert, la chanson « Mélancolie toujours » de Jann Halexander, la pièce Le Frigo (1983) de Copi (avec Médora, la chienne), le film « Mon Führer : La vraie histoire d’Adolf Hitler » (2007) de Dani Levy, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, la nouvelle « La Baraka » (1983) de Copi (Puce, le tenancier du bar homo, avec son faux doberman), le film « Émilienne » (1975) de Guy Casaril, le film « Biloxi Blues » (1987) de Mike Nichols, le film « Curse Of The Queerwolf » (1988) de Mark Pirro, le film « Didier » (1996) d’Alain Chabat, le film « Temps de chien » (1995) de Jean Marboeuf, la B.D. de Logan dans Triangul’Ère 2 (2000) de Christophe Gendron (pp. 310-315), la pièce Les Précieux ridicules (2008) de Damien Poinsard et Guido Reyna (avec la scène de dogtraining), la B.D. Frances (2008) de Joanna Hellgren, le roman Dix petits phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, le roman Qui va promener le chien ? (1999) de Stephen McCauley, le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami (l’histoire d’amour homo commence d’ailleurs avec un accident de voiture impliquant le chien d’un des deux amants : « Ce qui arrivait était bien de la faute de la chienne… », p. 51), le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall (c’est un chien qui permet la rencontre amoureuse lesbienne entre Angela Crossby et Stephen Gordon), la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez (dans laquelle l’amant est comparé à un labrador), le one-man-show Comment j’ai mangé du chien (2012) d’Evgueni Grichkovets, le film « Les Chiennes savantes » (1996) de Virginie Despentes, le film « Diese Nacht » (« Nuit de chien », 2008) d’Elfi Mikesch, le film « Perro Amarillo » (2005) de Javier Van de Couter, le film « The Wild Dogs » (2002) de Thom Fitzgerald, la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer, le roman La Cité des rats (1979) de Copi (avec les ébats « homosexuels » du caniche et du fox-terrier), la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel (avec les chiennes), la chanson « Les Chiens perdus » du Beau Claude, le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic (avec les combats illégaux de chiens), la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust (avec le chien géant ou encore le chien en bois à roulettes), le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder (où Joe parie sur des chiens), la chanson « Garçon facile » de Bijou, etc.

 

CHIENS 2 Salo

Film « Salò ou les 120 journées de Sodome » de Pasolini


 

Certains personnages se retrouvent à quatre pattes, sont tenus en laisse, et imitent des chiens : cf. le film « Le Rôti de satan » (1976) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (ces personnes animalisées doivent même manger leurs excréments), le film « O Fantasma » (2000) de João Pedro Rodrigues, la comédie musicale La Périchole : la chanteuse et le dictateur (2007) de Jérôme Savary (avec la meute SM tenue en laisse et qui rapplique sur la scène de l’Opéra Comique de Paris), la pièce Les Quatre jumelles (1973) de Copi, etc.

 

Par exemple, dans le film « Consentement » (2012) de Cyril Legann, Mr Chateigner, un client d’un hôtel luxueux, fait ramasser à son jeune garçon d’hôtel des billets de banque jetés à terre avec la bouche, comme pour un chien. Dans le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville, Sarah la lesbienne confectionne un cocktail nommé la « Chienne rouge ». Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Lucien, le nouvel amant de Bertrand, adore les chiens. Dans la pièce Des Lear (2009) de Vincent Nadal, le comédien sur scène ouvre une boîte de conserve de Pedigree Pal pour son dîner. Dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, le Maître de Cérémonie homosexuel, Aldebert, aboie sur son compagnon : « Wouf ! wouf ! le chien de garde ! » Et plus tard, c’est un autre des personnages, Burger, qui se mettra à aboyer sur scène. Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Esti, l’héroïne lesbienne, tombe sous le charme d’une jeune prof d’histoire, mademoiselle Schnitzler, qui lui montre sur une carte du ciel Sirius « le Grand Chien » (p. 82). Dans le spectacle musical Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, Jenny, le transsexuel, se met à aboyer en émettant un grand « wouaf ! ». Dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, Benjamin fait « wouaf » pour obéir ironiquement à son amant Pierre. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Lukacz joue à cache-cache avec Adam pour le draguer : ils imitent des cris de chiens et de singes pour se retrouver au beau milieu d’un champ de maïs, et instaurent ainsi leur premier véritable dialogue « amoureux ». Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Catherine, l’héroïne lesbienne, veut être adoptée par le couple Fanny/Jean-Pierre comme un chien ; elle hurle à la mort ; Jean-Pierre lui répond : « On n’est pas à la SPA ici. » Dans la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn, James Dean compare son compagne-photographe Dennis Stock à un chien : « Il me suivait comme un chien perdu. » Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Nina, l’héroïne lesbienne, est dévalorisée autant par ses parents que par sa maîtresse Lola qui conforme un couple régulier et machiavélique avec Vera. Par exemple, elle raconte que sa mère a donné le prénom « Nina » à sa nouvelle chienne : « Une mère qui donne le prénom de sa fille à sa chienne ! » Et plus tard, face à sa plainte de femme malaimée, Vera compare Nina à un toutou : « C’est vrai, tu as un côté chien battu qui est agaçant. » Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Ziki et Kena, les deux héroïnes lesbiennes et amantes (dont les pères respectifs font campagne en politique), sont surprises en flagrant délit de bisou dans leur camionnette par Mama Atim, la commère de leur lotissement kényan, qui lance l’alerte d’une drôle de manière : « Les filles des politiciens, collées comme des chiens !! » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf écrit en 1929 une autobiographie, Orlando, où elle dit que les deux choses essentielles bien supérieures à l’Amour sont « les chiens et la Nature ». Dans le one-man-show Thomas joue ses perruques (2023) de Thomas Poitevin, le frère beauf friendly (donc finalement homophobe) fait un discours en l’honneur du « mariage » de son frère gay Valentin qui officialise son union avec Nicolas. Il file la métaphore canine les concernant.

 

Il arrive que les homosexuels eux-mêmes se définissent comme des chiens ou des passionnés de ceux-ci : « Je t’ai aimé comme une chienne en chaleur. » (Mémé Huguette dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Allez, à poil ! ou j’encule le chien. » (le narrateur homosexuel lors d’une soirée déguisée gay très arrosée, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Moi, grosse chienne passive, t’attends à quatre pattes derrière la porte. » (le narrateur imitant une petite annonce qu’il aurait lue en vrai, idem) ; « Je suis un chien abandonné, un bâtard. » (Anne Cadilhac dans son concert Tirez sur la pianiste (2011), aux Feux de la Rampe à Paris) ; « Quand les chiens se dévorent entre eux, vérifie toujours que la pire chienne assise à la table, c’est toi. » (Doris, l’héroïne lesbienne de la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « Dominique aimait bien imiter le chien. » (Tristan Garcia, La Meilleure part des hommes (2008), p. 162) ; « Rien qu’une vie de chien dans les caves et les souterrains, glory hole, glory hole. » (cf. la chanson « Glory Hole » de Benjamin Biolay) ; « Et si nous étions des chiens, une famille de chiens. […] Non, nous ne sommes même pas des chiens. » (Paul, le héros homo du film « Grande école » (2003) de Robert Salis) ; « Me voilà plus sale qu’un chien de malheur ! » (Yanowski pendant son concert Le Cirque des mirages, 2009) ; « Chien jaune’ : Quel joli terme ! » (une réplique du film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye) ; « J’en ai la gueule de chien. » (cf. la chanson « À table » de Jann Halexander) ; « J’ai appris le caniveau. N’y ai jamais vu que des chiens en laisse. Peut-être bien que moi aussi je suis en laisse, tenu serré au cou par une invisible corde. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 94) ; « Je dis que les chiens se marient avec qui leur ressemblent. Que j’aimerais être un chien. » (Doña Rosita dans la pièce La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1935) de Federico García Lorca) ; « Nous autres, les coiffeurs, avons plus de flair que les chiens de chasse. » (un coiffeur de la même pièce de Lorca) ; « Deux ans chez les pédés, c’est comme les vies chez les chiens. Faut multiplier par 7. » (Jonathan, le héros homosexuel parlant de l’infidélité conjugale, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Ensuite il est entré une petite fille de six ans environ avec mon chien empaillé dans les bras et elle me l’a donné. » (le narrateur homosexuel dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, pp. 31-32) ; « Je me souviens de t’avoir regardé avec des yeux de labrador. » (Denis s’adressant à son amant Luther, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Tu pourrais arrêter de me suivre comme un toutou ? » (Mark, le chef de l’association LGBT londonienne, s’adressant à Mike, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « Je suis comme une chienne avec lui. » (Fabien à propos de son attitude avec son amant Herbert, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « Tu aimes les p’tits chiens ? Moi aussi, j’les adore. » (Fabien s’adressant à Michel, idem) ; « J’aime bien les coups de langue et les caresses. » (Michel, idem) ; « On peut fonder une famille. Avec les enfants. Le petit chien. La belle-mère. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Son pouète pouète. Parfois je le lance, et je vais le chercher moi-même. » (Isabelle, l’héroïne lesbienne en parlant du chien, dans la pièce Elles s’aiment depuis 20 ans de Pierre Palmade et Michèle Laroque) ; « À l’époque, je pensais que j’étais horrible. Ils me traitaient comme un chien galeux. » (Jean-Marie, homosexuel parlant de ses camarades scolaires, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; « Caresses de chien donnent des puces. » (Mathieu s’adressant à son ex, Jacques, idem) ; « Je ne suis pas un chien de talus non plus. » (Arthur, homosexuel, s’adressant à Nadine, idem) ; « Je ne suis pas une chienne en chaleur, moi. » (Inès, la lesbienne, dans la pièce Huis-clos (1944) de Jean-Paul Sartre) ; etc.

 

CHIENS 3 We demand

 

Par exemple, dans le film « Bêtes de scène » (2000) de Christopher Guest, le magazine American Bitch adopte comme slogan d’accroche : « Pour les lesbiennes et leurs chiennes ! ». Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, porte un collier clouté de chien. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., le bulldog est d’ailleurs défini par Jonathan comme le « chien de gouine » par excellence. Dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, Léonore, l’héroïne lesbienne, doit réciter un rôle pour un casting, avec une réplique particulièrement difficile à prononcer :  « Sachez chasser le chien que je suis. » Dans le film « El Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, la figure du chien occupe tout le tableau : dès le début, les deux héroïnes lesbiennes sont associées aux chiens ; ensuite, Lala est opérée à l’hôpital exactement en même temps que son chien Seraphín ; enfin, à un autre moment du film, le personnage de la bisexuelle, Ailín, est clairement comparé à un chien. Dans la pièce Les z’héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys, Bertrand de la Morne est associé à une chienne nommée Falbala ; et quand le Colonel Crevard change de sexe et devient une femme, il se met soudainement à quatre pattes sur scène. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Santiago est comparé à un chien par Sidney. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael décrit Tex qu’il a surpris au sauna comme un « chien empoisonné » (ils finissent par coucher ensemble). Dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), Jefferey Jordan entraîne sa maman dans le milieu homo : « Ma mère a voulu que je l’emmène en boîte gay. Elle voulait découvrir mon univers. Elle n’a pas été déçue du voyage. » C’est visiblement scabreux : « Comme les chiens à l’entrée, on s’démerde ! » Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, Sieger et son amant Marc jouent à aboyer comme des chiens pour effrayer les vaches. Dans l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), l’héroïne lesbienne, Yorkie, dit qu’elle porte le nom d’une race de chien.

 

Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, le chien prend une place considérable : dès le début, Yoann, le héros homosexuel, pleure la « mort » de son aspirateur Tornado » qu’il traite comme son « petit bébé » et son toutou. Ensuite, il dit à différentes reprises qu’il « renifle » son amant Julien. Enfin, Julien, l’amant de Yoann, lui ordonne, comme à un chien « Assis ! ». Solange, le belle-mère de Julien, finit par ironiser sur le compte de Yoann : « Tu te retrouves tout seul, Julien. Même ton caniche t’abandonnes. »
 

Le chien est l’animal par excellence de la bourgeoise, personnage très important dans la cristallisation identitaire homosexuelle (cf. je vous renvoie au code « Bourgeoise » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. la chanson « Le Chien dans la vitrine » de Line Renaud, la chanson « Frozen » de Madonna, la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy (avec Line la bourgeoise-travesti M to F qui se définit elle-même comme « un vrai toutou »), le film « La Blonde contre-attaque » (2003) de Charles Herman-Wurmsfeld, le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard (avec le coiffeur homosexuel et son Yorkshire « Joséphine »), le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier (avec Jean-Paul, le pédé bourgeois avec son petit chien baptisé « Cocteau »), etc. « Pour le chien, j’ai revendu ses vêtements et fait un cerf-volant avec sa peau. » (la mamie de Tom, le héros homosexuel, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) Il peut également symboliser l’animal de l’Homme sans désir, qui vit seul, en vieux garçon. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, par exemple, Hugo, le héros homosexuel, possède un énorme chien en peluche dans sa chambre. Et la toute dernière réplique de ce spectacle mythique, c’est lui qui la donne, pour décrire sa solitude abyssale : « Je vais me retrouver bien seul maintenant. J’vais peut-être me prendre un chien… »

 

CHIENS 4 manger

Film « F. est un salaud » de Marcel Gisler


 

À plusieurs reprises dans les films représentant l’amour homo, les couples homos se baladent avec deux toutous qu’ils tiennent en laisse comme une symbole métonymique spéculaire d’eux-mêmes : on le voit par exemple dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, ou bien quand le couple homo Jim/George promènent leurs deux chiens identiques dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford. Ils copient exactement la vie qu’ils associent pourtant à un couple « plan-plan » : cf. le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre, la chanson « Vie de couple avec un chien » de Jann Halexander », etc. « Je veux un mari, 2 enfants, une maison et un chien. Pas être une salope comme les autres. » (Paul, le héros homo parlant de ses amis homos en couple, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « On devrait prendre un chien. Tu aimes les chiens. » (Sven à son copain Göran dans le film « Les Joies de la famille » (2009) d’Ella Lemhagen) ; « Leur effectif se montait maintenant à trois. Il y avait Stephen et Mary… il y avait aussi David [c’est le nom du chien]. » (le couple lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 435) ; « Tu sais quoi ? Je vais t’acheter un chien. » (Frédérique face à son amante Heïdi qui voudrait un enfant, dans le one-woman-show Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges) ; « Ils aiment beaucoup aussi un jeu très singulier qui consiste à courir à toute allure dans la ligne de démarcation entre la mer et le sable. […] parfois deux ensemble (les chiens), parfois seuls. […] C’est là où vous me direz : laisser tomber les chiens, asseyez-vous sur une dune, allumez une cigarette en faisant paravent contre le vent avec vos mains en cornet et pensez à quelque chose d’autre. Je vous soupçonne d’avoir eu un chien dans votre jeunesse, ça c’est une idée typique d’un maître de chien, Maître. Conard. » (la voix narrative du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 13, où les chiens occupent une place prédominante) Comme autre exemple de couples gay « installés », nous trouvons Bob et Lee, le couple homo qui arrive dans le quartier pavillonnaire de Wysteria Lane dans la série Desperate Housewives (saison 4), a un chien qui s’appelle Raphaël (encore un nom de chien humain…). Et leur maladroite voisine, Mrs Delfino, kidnappe l’animal qui s’est sauvé pour essayer de gagner la sympathie de leurs nouveaux voisins si elle le leur retrouve… elle le met dans son garage à elle, fait semblant de le chercher partout, mais son mari rentre du travail, ouvre le portail du garage, d’où le toutou sort tout englué de peinture jaune pour avoir pataugé dans les pots achetés en avance pour peindre la chambre du futur bébé des Delfino. Et le chien se précipite vers ses deux maîtres, en mettant ses papattes sur le costume ultra cher de Bob (le plus masculin des deux), que les voisins devront rembourser… Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., pour tuer l’ennui, Jonathan et Matthieu veulent avoir un chien. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas et François envisagent toujours la filiation sous l’angle canin : « On aura p’têt notre petit chien… Et p’têt, qui sait, notre fils. » (Thomas) Ils se lancent dans un voyage en pleine forêt tropicale thaïlandaise pour aller chercher Tchang, un bébé de trois ans qu’ils veulent adopter. Voyant qu’il y a eu quiproquo à propos de l’adoption, ils rebroussent chemin : « C’est pas grave. On adoptera un chien. » (Thomas). Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, les personnages homosexuels sont très proches de leur chien. Adam appelle sa chienne « Madame » (c.f. épisode 8, saison 1). Et Éric, son futur amant, est entouré de ses six chiens et exerce le boulot de « promeneur de chiens »… ce qui fait ironiser Adam qui le rencontre au moment de la promenade canine : « Trop gay. » (c.f. épisode 4, saison 1). Et plus tard, Adam se moque d’Éric en l’associant avec mépris à un chien : « Tu sens pas comme une odeur de merde de chien ? »
 

CHIENS 5 Je t'aime toi

Film « Je t’aime toi » d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky


 

Il est assez fréquent que les couples homosexuels cinématographiques, au moment de « faire l’amour », s’approchent animalement, se mettent à aboyer, à grogner comme des chiens, à se mordre : cf. le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine (d’ailleurs, au début du film, Fabrice reproche à Bruno de le « suivre comme un chien »…), le film « Happy Together » (1997) de Wong Kar-Wai, le film « Freude » (2001) de Jan Krüger, le film « Jeffrey »(1993) de Paul Rudnick, le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler, etc. « À ses façons, je compris que c’était mon derrière qui l’intéressait le plus. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 64) ; « Non c’est vrai, les chiens se reniflent le cul avant de baiser entre eux. Nous, les pédés, on ne se renifle pas forcément le cul avant. » (Simon, un des héros homosexuels du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 7) ; « Putain mais tu crois pas qu’on vaut mieux que ça, franchement, se renifler le cul et baiser comme des chiens dans la rue et se barrer comme si on ne s’était jamais connu, avec l’odeur de l’autre sur la queue, sur le cul, sur la gueule, sur les mains. » (Mike à « H. », op. cit., p. 60) ; « Je la trouve minable à la fin avec cette façon perpétuelle d’accommoder les humeurs de sa meuf avec ses propres désirs, comme si elle était sa chienne. » (Mike, le narrateur homosexuel par rapport à sa meilleure amie lesbienne Polly, soumise à sa copine Claude, op. cit., p. 107) ; « T. fait une aquarelle grandeur nature où il me dessine en position de chien, nu, un air soumis, et se dessine debout devant moi, me tenant par une laisse, un pied posé sur mon dos. Il écrit dessus en caractère gras DES-AMOUR(S) CHIENNE(S). » (Mike, op. cit., p. 126) ; « Comment on fait pour se reconnaître entre homos ? On fait comme les chiens : on se renifle le cul. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Prenez votre temps. Reniflez-vous. Faites connaissance. » (le Père 2 s’adressant à son fils Gatal et à l’homme avec qui il veut l’accoupler, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; « Renifle-moi l’aisselle encore une fois. » (Richard s’adressant à son amant Kai, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; etc.

 

Certains rapports sensuels ou génitaux homosexuels sont dignes d’un documentaire animalier : « Je la renifle en animal. » (la voix narrative à propos de son amante lesbienne, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 97) ; « Du bout de ta langue, nettoie-moi de partout. » (Ismaël à Erwann dans le film « Les Chansons d’amour » (2007) de Christophe Honoré) ; « T’aimerais ça, hein, que je te baise comme un chien ?… » (Dick, l’homo violé, à Allan, dans la pièce, Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « Qu’est-ce qu’on trouve comme clientèle ? J’ai plus rien dans ma gamelle ! » (Mimi dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Il faut voir les jolis garçons timides qui se reniflent comme des chiens. » (cf. la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 93) Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius se retrouve parfois devant des amants bien complaisants dans la soumission : « Il se déshabille et se met à quatre pattes. » Dans sa nouvelle « Les Garçons Danaïdes » (2010), Essobal Lenoir décrit des bacchanales homosexuelles improvisées dans une forêt : « Nous progressions au pas dans une forêt sauvage, silencieuse, menaçante, d’obscurs voyous dont nous ne voyions luire au feu des phares et des rares réverbères que les étranges diadèmes de rangées de dents d’ivoire et d’or en couronnes. » (p. 101) Et quand il y a de la sauvagerie porno pour se rincer l’œil, les chiens ne sont en général pas loin : « Succédant à la troupe humaine, une meute de chiens galopait à notre rencontre. Il était trop tard pour arrêter. » (idem) Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Jean-Luc saute sur Romuald comme un fauve. Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine et Carole, nues dans leur lit d’« amour », grognent comme des chiennes en chaleur : Carole surjoue la chienne folle, et Delphine la tempère, en riant : « Tout doux… tout doux… vilaine bête. » Dans le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, les deux jumeaux se tiennent en laisse. Dans la pièce Des Bobards à maman(2011) de Rémi Deval, Fred croit que sa mère est homophobe parce que, quand il était petit, il l’a vue séparer deux chiens, Titus et Tintin, qui se sodomisaient ; Max, l’amant de Fred conclut : « Ça existe, les chiens gays. Oui, mais c’est tabou… » Tu l’as dit, Bouffi… Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Bryan dresse des chiens pour aveugles, et son amant Tom est vétérinaire. D’ailleurs, quand ils racontent leur première rencontre, au cabinet, Bryan laisse entendre que c’est en voyant Tom s’occuper de sa chienne qu’il s’est identifié à l’animal et qu’il est tombé amoureux de Tom : « La manière dont Tom s’est occupé de ma chienne… et de moi… ça m’a touché. » Le soir, Bryan, pour faire comprendre à Tom qu’il a envie de faire l’amour, se met à aboyer : « Ça fait plus d’une semaine. » Puis il feint de hurler à la mort , comme un loup. Tom le compare à un « labrador chocolat » qu’il aime bien.

 

CHIENS 6 rocco

« Si tu l’abandonnes, je t’encule » (Rocco Siffredi)


 

Mais la métaphore filée canine ne s’arrête pas là. Le chien est parfois employé comme symbole phallique : c’est le cas dans le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Nana, ou lors du concert Live In London (2009) du chanteur George Michael (avec le chien gonflable qui sort de la braguette géante), etc. Le chien, dans la fantasmagorie homosexuelle, représente habituellement le machisme et le violeur homo « actif ». Je pense par exemple au dessin de Copi dans le journal Libération du 5-6 juillet 1979, représentant un chien sodomisant un chat et s’écriant : « J’aime les races inférieures ! » L’homosexualité canine est génératrice de violence. Dans le one-woman-show Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges, c’est au moment où la protagoniste se fait coller et mordiller la jambe par un chien surnommé Yahoo qu’elle dit : « Ça, c’est depuis que je mets du Jean-Paul Gaultier. »

 

Jonas et son chien Frigou, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier


 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel de 15 ans, possède un caniche, Frigou, qu’il aime comme un amant : « Allez, viens, mon Frigou. Je t’aime. T’es tout beau. ». Il ne supporte pas que son père le traite mal (« Papa, ne lui parle pas comme ça ! »), mais ce dernier n’est pas de son avis (« Jonas, c’est juste un chien. »). Plus tard, Nathan fait croire à son futur amant Jonas qu’il a été abusé dès la classe de CM1 dans son école catholique de Saint Cyprien par un prêtre, qui l’aurait forcé à lui faire une fellation et qu’il aurait mordu au sexe : « Tu veux la suite ? Eh bien je l’ai mordu. J’étais comme un chien avec son os, tu vois ce que je veux dire ? » Dix-huit ans après, Jonas ne lâche pas ses folies canines, puisqu’il est arrêté par la police pour avoir provoqué une baston dans un club gay The Boys qu’il fréquente habituellement, et surtout « pour avoir mordu le bras » de l’homme éméché qu’il avait dragué sur la piste de danse…
 

L’amant homosexuel est carrément comparé à un chien de compagnie ! « Si on entendait mes pensées, on pourrait croire que je parle d’un chien de luxe toiletté. » (Cécile à propos de son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, pp. 52-53) ; « Chaque fois que Fédora venait, Héloïse se transformerait en femme fatale. […] Avant-hier, Héloïse avait enfilé un chemisier transparent d’une totale indécence, et mis à son cou un authentique collier de chien acheté chez Manufrance. » (Hélène de Monferrand, Journal de Suzanne (1991), p. 334) ; « T’appelles ça une amie ? J’appelle ça un chien. » (un personnage à propos de l’héroïne lesbienne de la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell) ; « Tu prends ton air de chien battu. » (Sarah s’adressant à son amante Charlène, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; « Stephen commençait à s’abandonner à des rêveries kaléidoscopiques. […] Des chiens de porcelaine… Il y a, chez Langley, de jolis chiens de porcelaine… Cela fait penser à quelqu’un… oh, oui, à Collins, naturellement. » (l’héroïne lesbienne parlant de sa nourrice tant aimée Collins, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 47) ; « Stephen devait s’abandonner à Mrs. Bingham, s’ébrouant sous les doigts rudes de la nurse comme un chien entre les mains d’un tondeur. » (idem, p. 50) ; « ‘En ce moment, je n’ai que mon chien sur qui me rejeter… c’est chose mélancolique que se promener seule, et j’ai toujours aimé la marche.’ Stephen aurait voulu dire : ‘Mais j’aime aussi marcher, permettez-moi de venir quelquefois avec vous et Tony. » (Angela Crossby et Stephen Gordon, Idem, p. 174) Dans le film « Avant la nuit » (2000) de Julián Schnabel, devant son amant du moment, l’écrivain cubain Reinaldo Arenas imite le chien faisant le beau avec la clé de l’appartement dans la bouche. Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, Lili est l’amante lesbienne « qui bave comme une chienne ». Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, le jeune Mathan, homosexuel, dit qu’il est intéressé par « les garçons, pas les chiens… quoique… ». Dans la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1, Hugo et Bart commencent à se tourner autour et vont finir par sortir ensemble… ce qui n’est pas du goût de Sara, la copine de Bart : « Il se comporte comme son petit toutou. » (c.f. l’épisode 262, diffusé le 9 août 2018).

 

CHIENS 7 loups

Film « Les Loups de Kromer » de Will Gould


 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan confond son chien (Nicky) avec l’amant homosexuel (Kévin) : « Deux choses me tenaient à cœur : avoir un chien et un ordinateur. Aucun rapport entre ces deux souhaits, si ce n’est que les deux allaient occuper une place importante dans ma vie. » (p. 21) D’ailleurs, il fait une crise de jalousie à son chien qui a un peu trop vite adopté Kévin à son goût : « Hé oh ! C’est bon ! Je t’ai demandé d’être gentil avec lui, pas de l’aimer plus que moi ! » (idem, p. 68) ; « Un après-midi, dans ma chambre, j’étais assis sur la moquette et je caressais Nicky. Kévin vint s’asseoir en face de moi et le caressa aussi. Inévitablement, nos mains se rencontrèrent sur le pelage de mon chien. Kévin me caressa la main en s’excusant. » (idem, p. 94) Bientôt, la jalousie s’étend à sa mère, puisque Bryan réprimande violemment son amant à propos d’elle aussi : « Si ça continue, ma mère va finir par t’aimer plus que moi ! T’as vu comme elle prend ta défense ! Comment tu fais pour séduire tout le monde ? […] Oui, t’as commencé par moi, puis mon chien et maintenant c’est ma mère ! » (idem, p. 158) Et quand on entend Bryan décrit son copain Kévin qu’il « aime tant » juste devant lui, on se demande s’il n’est pas en train de parler à son chien ! Le doute est permis… : « Il est d’une gentillesse ! Il comprend tout, tout de suite. Nous parlons la même langue. Je veux dire que nous nous comprenons toujours ! Souvent, je commence une phrase, il la termine, ou le contraire. » (Idem, pp. 361-362) Les crises de paranoïa de Bryan au sujet du pauvre chien Nicky qui n’aurait pas le droit de préférer Kévin à son maître (franchement, c’est dégueulasse de refuser ce DROIT à un animal, quand même…) reviennent : « Laisse-le tranquille ! […] Moi, ça me gêne. Il va finir par t’aimer plus que moi ! Quel traître ! Aucune reconnaissance ! Quand tu es là, je n’existe plus. C’est moi qui t’ai sorti de ta cage, t’as oublié ? » (idem, p. 392) Bryan croit à ce point que Kévin peut le « tromper avec un animal » que c’est bien lui qui instaure le lien de causalité homophobe entre chien et homosexualité, et qui prend son copain pour un gentil animal de compagnie.

 

Ce qui se produit également très fréquemment, c’est que le protagoniste homosexuel se sent traité comme un chien par son compagnon, et défend parfois son « titre » : « J’suis pas ton chien ! » (Philibert à David, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher) ; « Tu ne me vois pas autrement que comme un chien fou. » (Vincent s’adressant à son vieil ex-amant Stéphane, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Pas plus que tout à l’heure je ne voyais clairement ce que je voulais, sinon continuer de marcher à côté d’elle comme un chien à côté de son maître. » (Laura en parlant de son amante Sylvia, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 32) ; « J’ignore comment vous considérez ces sortes de choses, bien des gens les trouvent répugnantes et contre nature. Mais la nature elle-même est contre nature, comme l’observation des animaux vous l’aura prouvé, surtout si vous avez un chien là-bas à Petten. » (Laura s’adressant mentalement à la mère de son amante Sylvia, idem, p. 53) ; « Allo, moi, c’est Jean. J’adore me faire enfiler. Fais de moi ta chienne. » (cf. l’annonce d’un internaute faite à Bertrand, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 37) Dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Stan se transforme mystérieusement en chien après un accident, et dès qu’il commence à « s’homosexualiser », Francis, l’homosexuel confirmé de la bande, rapplique précipitamment vers lui et tente une approche car il est intéressé par la métamorphose câline/canine de son ami : « Si si, je suis un chien ! J’suis un vrai cabot ! »

 

Tout comme la communauté homosexuelle fictionnelle, l’homophobie des personnages soi-disant « hétérosexuels » cultivent le lien entre chien et homosexualité. Par exemple, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, quand Mrs Shah déclare que « l’homosexualité et l’inceste sont des perversions » et qu’un étudiant lui demande le sens du mot « perversion », cette dernière répond : « Avoir des rapports sexuels avec un chien serait un exemple de perversion. » (p. 127) Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, lors du cruel « Jeu de la bouteille » organisé par Fábio, Léo, le héros homosexuel aveugle, croit donner son premier baiser à une fille… quand en réalité il est sur le point d’embrasser un chien (Pudding) sans le savoir. Un peu plus tard, Fábio, le méchant homophobe, aboie sur Léo dès qu’il passe à côté de lui, pour se foutre de sa gueule, et pour le soupçonner d’homosexualité.

 

CHIENS 8 Planeur

Film « Le Planeur » d’Yves Cantraine


 

Le personnage homophobe bisexuel/homosexuel aime comparer le protagoniste homo à un chien pour le soumettre : « Vous dégoûtez même les chiens ! » (des propos dits aux invertis dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto) ; « Tu traites mieux ta conne de chienne que moi. » (Rosário à son amant trans Tonia, dans le film « Morrer Como Um Hommen », « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues) Par exemple, dans le film d’animation « Piano Forest » (2009) de Masayuki Kojima, l’ambigu personnage de Kai insulte Takako de « chien ! ». Dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès, l’association entre drague homosexuelle et zoophilie canine est claire. Étant donné que le comportement animal du chien allie promiscuité, errance, infidélité, et bisexualité, les personnages de cette pièce, qui se déroule sur un lieu de drague homo, passent leur temps à se renifler et à se définir comme des chiens : « J’évite les ascenseurs comme les chiens évitent l’eau. » ; « Je suis chien et vous humain » ; « Plutôt ferions-nous mieux de nous chercher les poux plutôt que de nous mordre. » ; etc. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Omar renifle le cul de son amant Emmanuel endormi ; et l’étudiant en histoire (qui se fera violer) porte sur son tee-shirt un dessin imprimé de chien. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le héros homosexuel, se décrit comme un « chien en laisse » quand il était en couple avec Stéphane.

 

À maintes reprises, le chien est le symbole du viol. Par exemple, au tout début du film « L’Arbre et la forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Frédérick, le héros homo, est terrifié de se retrouver nez à nez pendant sa ballade en forêt avec un chien d’un promeneur. L’animal lui rappelle les terribles chiens des camps de concentration qu’il a connus. Le chien est aussi le signe d’un fantasme de viol agressif, un langage métaphorique de la schizophrénie du personnage homosexuel : « Où suis-je ? Où ? C’est chez moi ici ? C’est bien chez moi, voici mon corps à côté de celui de mon chien. » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Oh merde, ils m’ont déchiré le bras. » (Maria en parlant des chiens, dans la pièce Les Quatre jumelles (1973) de Copi) ; « Arrêtez ! Ma bonne m’assassine à coups de massue et mon chien afghan me mord les chevilles ! » (« L. » en parlant de Goliatha dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Arrêtez d’aboyer, saloperie de chiens ! » (la toute première phrase de la pièce Les Quatre jumelles (1973) de Copi). On retrouve cette agression symbolique par les chiens de garde invisibles dans la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter. Dans son one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011), Karine Dubernet dit qu’elle n’est pas facile à vivre : « Je sais, caractère de chien. Oh le caractère de chien… » Mais elle va plus loin puisqu’à un moment de son spectacle, elle réalise avec son chien imaginaire des « acrobaties canines ». Elle avoue aussi qu’elle imite très bien les chiens : « Ne rigolez pas. Je fais très très bien le chien. Je fais que ça ! » Le chien serait une « seconde nature » chez elle…

 

Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Benjamin se plaint auprès de son amant Arnaud de ne pas avoir de chien. Celui-ci lui répond : « Si. J’en ai téléchargé un ce matin. » Plus tard, concernant l’échelle de Kinsey (barème d’homosexualité), Arnaud s’exclame : « C’est pas un truc inventé par les Nazis pour attraper les chiens errants ! » Plus tard, lorsque le psychothérapeute que Arnaud et Benjamin leur présente l’échelle de Kinsey, avec l’étape « Prédominance hétérosexuelle, occasionnellement homosexuelle », Benjamin fait une analogie avec l’animal domestique de sa voisine : « Ah ?! Comme le chien de la voisine ! »
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Je vous renvoie par exemple à l’essai Le Pouvoir des chiens (1967) de Thomas Savage.
 

L’homophobie sociale la plus hétérosexuelle (donc la plus inconsciemment bisexuelle et ignorante) qui soit, aime à justifier le lien homophobe de causalité entre désir homosexuel (chose que personnellement je ne fais pas, d’ailleurs : je me contente de parler du lien de coïncidence) : j’ai en tête les lettres d’injures – non signées, ou dont la plume sent l’homosexualité refoulée des extrémistes à plein nez – reçues par Noël Mamère après le mariage de Bègles de 2004 (dont certaines sont publiées sur l’article « Homophobes en toutes lettres » de Blandine Grosjean, dans le journal Libération du 22 juin 2004) ; ou bien encore la bêtise confondante de la députée UMP Brigitte Barèges qui, à propos d’un texte PS visant à autoriser le mariage homo en France, n’a rien trouvé de mieux à dire que l’amour homosexuel était équivalent à la zoophilie (« Et pourquoi pas des unions avec des animaux ? »). Ça s’est passé le 26 mai 2011.

 

Mais loin de s’opposer à la connerie homophobe populaire, la communauté homosexuelle et gay friendly va complètement dans son sens, et va même jusqu’à la créer, c’est cela qui est paradoxal et fou ! Pensons aux tout récents clichés de la Top Model nord-américaine Janice Dickinson qui se promène le 3 juin 2010 dans les rues de Beverly Hills (États-Unis) avec ses deux chiens, un bouledogue anglais et un labrador chocolat, pour défendre le vote du mariage gay (cette campagne, à l’initiative du photographe Adam Bouska et de son partenaire Jeff Parshley, a pour but de sensibiliser les gens à la Proposition 8, un amendement à la constitution de l’État de Californie).

 

Il est assez fréquent, même si c’est étonnant, d’entendre les personnes homosexuelles se comparer à des chiens : « Nous sommes tous des petits chiens. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972/1973), p. 376) ; « L’homosexuel demeure un loup, libre et fier, farouchement indépendant et sans doute encore sauvage, et rien ne l’oblige à se faire chien, animal domestique, embourgeoisé et de bonne compagnie. » (Dominique Fernandez, Le Loup et le chien (1999), cité dans l’essai L’Infidélité : la relation homosexuelle en question (2009) de Christophe Aveline, p. 30) ; « Une jeune jardinière des espaces verts de la ville trouve un chien abandonné dans la forêt où elle travaille, […] le chien auquel elle réserve un destin surprenant, qui va révéler une face (très) cachée de sa personnalité. » (cf. le résumé du film « Temps de chien » (2011) de Viva Delorme, sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris ayant eu lieu le 7-16 octobre 2011 au Forum des Images de Paris) ; « Je me butais à dire que j’étais rejeté par ce même milieu, tout en le fréquentant assidument. Je savais que je me contredisais. Pire, j’avais tendance à me positionner en victime vis-à-vis à d’eux. […] On se haïssait. On se scrutait en chiens de faïence. Ainsi allaient nos humeurs. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du « milieu homosexuel », dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 141) ; « Dans le couloir, je les entendais s’approcher, comme les chiens qui peuvent reconnaître les pas de leur maître parmi mille autres, à des distances à peine imaginables pour un être humain. » (Eddy Bellegueule parlant de ses deux agresseurs au collège, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 38) ; « Si le couple est réduit à la fidélité, je pense qu’il ne doit pas y avoir beaucoup de couples. Ça ne me pose pas de problème que Bertrand aille voir ailleurs. Un chien est fidèle. Maintenant, il va aller tirer un coup. Et ça ne me fait ni chaud ni froid. Je ne crois pas à la fidélité physique, du premier jour de la rencontre jusqu’à la fin. » (Pierre parlant de son « couple » avec Bertrand, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; etc. Dans l’autobiographie fictionnelle Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, le chien est même présenté comme un dieu : « J’ai marché dans la merde, expliqua Luisito. Avec ces nouvelles nourritures en conserve, les clebs chient des étrons en forme de santons. » (p. 272) Dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant, Harvey Milk participe à une publicité sur les crottes de chien : c’est un fait réel. Il est question des chiens dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles. En novembre 2015, lors de son interview à Télé Loisirs, Christophe Beaugrand fait un splendide lapsus : au moment où Malika Ménard lui demande les raisons pour lesquelles, alors qu’il s’assume homosexuel médiatiquement, il ne s’affiche pas avec son partenaire Ghislain, Christophe répond : « J’ai déjà présenté mon chien à la presse. Je n’ai pas encore envie de présenter Ghislain. » Je vous renvoie également à l’album de photographies de Christian Girard (avec une photo « Attention chien méchant »), au documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre, etc.

 

Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent donne des noms de chiens à ses modèles et se justifie d’une telle vulgarité : « J’ai grandi entouré de chiens. Je les adore. Ils font partie de moi maintenant. » Dans son vidéo-clip « Sentimentale », la chanteuse Mylène Farmer nous présente ses chiens comme une relation amoureuse.

 

Le chien est un animal qui a une place presque surhumaine et amoureuse dans la vie de certaines personnes homosexuelles (pourtant pas du tout zoophiles !) : « Comment continuer l’un sans l’autre ? Il y a des moments comme ça où nous avons tous les deux l’impression d’être seuls au monde. » (Frédéric Mitterrand parlant de son chien, dans La Mauvaise vie (2005), p. 293) ; « J’ai toujours grandi au milieu des chiens, mais bien sûr, je ne leur ai jamais trouvé aucun attrait érotique. Je ne suis pas zoophile ! J’ai juste découvert que les garçons soumis qui jouent au chien, c’est excitant. » (Sir Michael Daniels, adepte du pet play et du dogtraining, cité dans le livre Le Sexe bizarre (2004) d’Agnès Giard, p. 149) ; « J’ai eu un chien qui, en cachette, me fumait tous mes cigares. » (Érik Satie cité dans la pièce musicale Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « Loin de moi vous oublier, chiens chaleureux, meurtris de peu, pansés de rien. Comment me passerais-je de vous ? Je vous suis si nécessaire… Vous me faites sentir le prix que je vaux. Un être existe donc encore, pour qui je remplace tout ? Cela est prodigieux, réconfortant, un peu trop facile. » (l’écrivaine lesbienne Colette) ; « Je suis […] une femme qui a survécu en remplaçant les enfants par les diplômes, les bibliothèques dévorées, les livres avalés et pondus, sans oublier les petites chiennes… […] Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours été fascinée par les chiens. […] » (Paula Dumont, Mauvais genre (2009), p. 56-57) ; « Je me suis rappelé de mon premier amour canin. » (idem, p. 60) ; « Quiconque n’a pas été aimé d’un cocker ne sait rien de l’amour. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 115). « Je suis allée brosser la chienne qui en avait grand besoin et qui m’aimait, elle, d’un amour exclusif. » (idem, p. 127) ; « ‘Oui, je suis une encyclopédie canine ambulante !’ J’ai reconnu qu’elle [Solange, autre femme lesbienne] en savait beaucoup plus que moi sur un sujet où j’avais pourtant conscience d’être très au-dessus de la plupart des gens. » (idem, p. 245) ; « Je sais, dit Corydon, que, la plupart du temps, les gens qui passent et qui voient de loin deux chiens se chevaucher, concluent du sexe de chacun d’eux d’après la position qu’il occupe. Oserai-je vous raconter ceci ? C’était sur un des boulevards de Paris ; deux chiens étaient accouplés de la piteuse façon que vous savez causaient grand scandale auprès de certains, divertissaient grandement quelques autres. Je m’approchai. Trois chiens mâles rôdaient autour du groupe, attirés sans doute par l’odeur. L’un d’eux, plus hardi ou plus excité, n’y tenant plus, tenta l’assaut du couple. Je le vis se livrer pendant quelques temps à d’incommodes acrobaties pour chevaucher l’un des captifs… Nous étions là plusieurs, vous dis-je, à contempler cette scène pour de plus ou moins bons motifs ; mais je gage que je fus seul à remarquer ceci : c’est le mâle, et le mâle seul, que le chien voulait chevaucher ; il laissait délibérément de côté la femelle. Il s’évertuait encore et, comme l’autre était attaché et pouvait mal résister, peu s’en fallut qu’il ne parvînt à ses fins… quand survint un agent qui dispersa d’un coup les acteurs et les spectateurs. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), pp. 191-192) ; « Mes premiers souvenirs d’excitation sexuelle remontent à ma cinquième année, bien que je n’en aie eu conscience qu’au cours des dix dernières : je vis un jour des garçons jouer avec les organes génitaux d’un chien et, une autre fois, ces mêmes garçons s’amuser avec leurs propres sexes. Lorsque mon tour arriva, j’éprouvai un vif sentiment de culpabilité à l’égard de ma mère qui arriva bientôt, sans, d’ailleurs, avoir eu connaissance de ce qui venait de se passer. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, op. cit., p. 76) ; etc.

 

CHIENS 12 Gertrud Stein

Gertrude Stein (à gauche)


 

Dans la biopic « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh, le pianiste virtuose Liberace possède plusieurs chiens qu’il traite même mieux que ses amants ! Et l’un d’eux porte le nom très amoureux de « Baby Boy »

. J. R. Ackerley a écrit carrément une biographie volumineuse sur son chien Queenie. Gertrude Stein, la photographe lesbienne, se prenait fréquemment en photo avec ses chiens (cf. l’autoportrait Tal Coat, 1934-1935). Marguerite Yourcenar, fille unique et orpheline de mère, a beaucoup pleuré la mort de son chien Trier quand elle était enfant (cf. la photographie où elle tient un cocker sur ses genoux) ; quand il est mort accidentellement, elle écrira : « Personne ne me comprendra si je me dis que je ne m’en consolerai jamais, pas plus que d’une mort humaine. » Pour ma part, j’avoue, pendant mon enfance et mon adolescence, avoir eu un rapport fusionnel et incestuel avec les chiens de mon entourage : il me faisait craquer (surtout les bassets et les labradors). J’en étais fou… même si depuis, je me suis calmé ;-).

 

Il arrive qu’entre partenaires homosexuels, les étreintes soient des pâles imitations des coïts canins, même inconscientes. « Tandis qu’il haletait comme un chien et que des mots s’échappaient en mince buée de ses lèvres, murmurant d’une voix rauque que c’était bon, unique et bon à la fois… » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 68-69) ; « La position du chien (celui qui est pénétré se place à quatre pattes et son partenaire l’approche par derrière, à quatre pattes aussi) est certainement la plus communément employée par le sexe anal entre les gays. » (Terry Sanderson, Gay Kâma Sûtra (2003), p. 92) ; « Elle [Catherine] m’a embrassée, respirée, flairée. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 37) ; « Nous [Paula et Catherine] nous sommes embrassées longuement dans l’entrée, sous le regard curieux et désapprobateur de la chienne qui voyait le déroulement de sa journée perturbé et qui, comme ses congénères, était jalouse des manifestations de tendresse qui ne lui étaient pas destinées. » (idem, p. 46) ; « Indépendamment des plaisirs amoureux, auxquels je ne connaissais pas grand-chose avant Martine, il y avait le fait de se réchauffer à une présence. On prend bien un chien, pour ne pas être seul ! » (idem, p. 78) ; etc. Cette simulation de passion animale incontrôlable est assez flagrant en boîte gay, quand certains couples se dévorent littéralement et avec impudence sur la piste de danse, sous les yeux de tous. Certains couples homosexuels (plus rares) pratiquent entre eux le « dogtraining » : l’un des deux amants est tenu en laisse par l’autre et devient le chien de son « maître ». Ils justifient généralement cet avilissement par le jeu ou le plaisir de la mise en scène, même s’ils pratiquent avec sérieux ces actes qui s’orientent vers le SM (cf. je renvoie au documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order », 2012) de Jan Soldat, avec des statues de chiens dans la propriété des libertins). Par exemple, dans le docu-fiction érotique « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, le dogtraining est filmé, et des vrais chiens assistent aux coïts humains homosexuels.

 

Ne croyez pas que cette pratique soit un pur mythe ! Moi, par exemple, j’ai un ami homo de mon âge, par ailleurs homme de lettres très raffiné et propret sur lui, qui m’a montré tout récemment le collier piquant que lui avait offert en cadeau d’anniversaire son copain, avec qui il pratique (deux fois par semaine, en complément de coïts « classiques » !) le dogtraining, parce qu’il trouve cela vraiment « excitant et mignon ». J’étais mort de rire tellement je n’y croyais pas !

 

CHIENS 11 SM

Dogtraining


 

L’imitation humaine du chien par certaines personnes homosexuelles (plus nombreuses qu’on ne croit) renvoie bien souvent au fantasme de viol, et parfois au viol réel malheureusement. Déjà, la blague qui circule beaucoup entre bandes d’amis gay aux soirées, c’est celle qui demande à l’un de ses membres « d’arrêter de faire sa chiennasse ». Cela dit, quand on voit dans certains sites de rencontres Internet les poses suggestives (et sérieuses !) de pas mal d’internautes qui « font l’amour à la caméra » et qui, par leur posture de chien, appellent clairement au viol, on comprend que la boutade n’est pas qu’un pur fantasme. Et quand on lit les pages de certaines autobiographies, telles que Une Mélancolie arabe (2008) d’Abdellah Taïa, on n’hésite plus à reconnaître que ce lien de coïncidence entre les chiens et le viol homosexuel peut exister : « Chouaïb était maintenant nu, entièrement nu. […] C’est à ce moment-là que j’ai réalisé ce qui allait physiquement m’arriver, se produire en moi. Exploser en moi. Pour la première fois. J’ai fermé mes fesses. J’ai fermé mes yeux. Avec force. […] Il a alors attrapé ma tête, m’a tiré les cheveux et a dit, autoritaire, vulgaire : ‘ouvre tes fesses, j’ai dit… Ouvre-les ou bien je te viole… Je le jure que je vais te violer, petite Leïla…[…] Je m’étais transformé en petit tigre enragé. Il aimait ça. La bagarre. Les défis. Les offensives. Il était de plus en plus excité. Moi aussi. En colère et excité. On se donnait des coups, pour de vrai, pour de faux. Il m’insultait. ‘Zamel’. Salope. Petite Leïla. Je le mordais, au bras, aux cuisses. On se poussait. » (pp. 22-23) Oui : quand on est inhumain, on peut se conduire comme un chien… même si cela paraît très « naturel ».

 

Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, se fait tenir en laisse pendant ses concerts, et se décrit comme une « chienne de la nuit » : « Les chiens et les autres animaux sont très malins. »
 

Pour terminer, je vous suggère de regarder quelques vidéos très courtes de films à thématique homosexuelle (Attention, le contenu de ces extraits est réservé à un public exclusivement adulte.) Elle vous montre que je n’ai pas rêvé et que les personnes homosexuelles pratiquantes s’insultent elles-mêmes :

 

 

« Le Planeur » (1) d’Yves Cantraine

« Je t’aime toi » d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky

« Jeffrey » de Paul Rudnick

« Les Yeux fermés » d’Olivier Py

« Le Planeur » (2) d’Yves Cantraine

 
 

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Code n°31 – Cirque (sous-code : Fêtes foraines)

cirque

Cirque

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Qu’est-ce que c’est que ce cirque ???

 

Pièce La Vraie Fiancée d'Olivier Py

Pièce La Vraie Fiancée d’Olivier Py


 

Tandis qu’elles s’évertuent à croire que l’onirique est le Réel et que « tout est beau » (Andy Warhol cité sur ce site, consulté en juin 2005) avec des cœurs dans les yeux, beaucoup de personnes homosexuelles établissent une frontière étanche entre beauté et bonté, réalité et Vérité, et se servent de l’excuse de l’art ou de la performance scénique pour instaurer un lien destructeur entre beauté, amour et mort. Elles vont ainsi trouver particulièrement belle non pas la mort en elle-même mais la représentation de la mort, la mise en scène du risque (notamment à travers la corrida, la boxe, le cirque, l’art gothique). Elles partent du principe que la beauté est quelque chose qui ne durera jamais, que c’est la mort qu’elles admirent en elle.

 

Avec le cirque, le tragique et le comique se confondent ; le risque mortel louvoie avec la magie esthétique et grotesque ; la transgression des frontières est à son apogée. Il était donc logique que les personnes homosexuelles, qui flirtent et expulsent la limite de vie qu’est la différence des sexes à travers la pratique homosexuelle, se retrouvent émotionnellement dans le monde adulescent des jeux du cirque et des fêtes foraines.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Manège », « Magicien », « Aube », « Amour ambigu de l’étranger », « Folie », « Poupées », « Boxe », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Corrida amoureuse », « Humour-poignard », « Jeu », « Cour des miracles homosexuelle », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et Masques », et à la partie « Trapéziste homo » du code « Funambulisme et Somnambulisme », dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La passion homosexuelle du cirque :


 

Souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel aime l’univers du cirque ou bien travaille dans un cirque : cf. la chanson « La Foire d’Empoigne » d’Arnold Turboust, le roman El Circo (1957) de Juan Goytisolo, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le vidéo-clip de la chanson « Le Premier Jour » d’Étienne Daho, le film « Un Cirque à New York » (2002) de Frédérique Pressmann, la chanson « Viendras-tu avec moi ? » de Nilda Fernandez, le roman Le Cirque (1948) de Yukio Mishima, les vidéo-clips des chansons « Sans Contrefaçon » et « Optimistique-moi » de Mylène Farmer, le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, l’album « Bijoux et Babioles » de la chanteuse Juliette, le roman El Ángel De Sodoma (1928) d’Hernández Catá, la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H. (où le couple Jonathan/Matthieu se repasse en boucle le film « Moulin rouge »), le roman El Misántropo (1972) de Llorenç Villalonga, le film « Vices privés, vertus publiques » (1976) de Miklos Jancso, le film « The Gymnast » (2005) de Ned Farr, le film « Siegfried » (1986) d’Andrzej Domalik, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay ct Dmitry Troitsky, le roman La Vie comme une Fête (1977) de Marcel Jouhandeau, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « A Lira do Delirio » (1978) de Walter Lima Jr, le vidéo-clip de la chanson « No Big Deal » de Lara Fabian (avec la chanteuse enfermé dans une cage de fauve de cirque), le film « Mann Mit Bart » (« Bearded Man », 2010) de Maria Pavlidou, la chanson « Je suis moi » de Shy’m (avec la femme-à-barbe), le film « Thread » (2009) de Lilium Leonard (avec le cirque indien), le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker, la chanson « The Forgotten Circus » du groupe Coop, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation » (2004) de Pedro Almodóvar, l’album Circus de Britney Spears, la chanson « La Femme à barbe » d’Émily Loiseau, etc.

 

Film "When Night Is Falling" de Patricia Rozema

Film « When Night Is Falling » de Patricia Rozema


 

Parfois, le héros homosexuel a l’impression que son amant est un figurant de cirque et que l’histoire sentimentale qu’ils vivent est aussi enchanteresse/dangereuse/irréelle qu’un cirque : « Stella s’occupe de moi tout le temps. On dirait une dame de cirque. » (Dotty parlant de sa compagne Stella avec qui elle vit depuis 30 ans, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « Si on fondait un cirque ambulant avec un bon bandonéon ? » (Raulito s’adressant à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Le samedi 7 février 1920, nos deux amis (Paul Robin et François de Séryeuse) étaient au cirque Médrano. » (Raymond Radiguet, Le Bal du Comte d’Orgel (1924), p. 23) ; « Brandt a encore fait tout un cirque. Je crois que je lui ai manqué. » (Engel s’adressant à son amant Marc Brandt, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant) ; etc. Par exemple, dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau voit « deux SDF avec un nez rouge ». Dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, Dzav et Bonnard montent le « Cirque Gay 2020 ». Dans le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1943) de Luchino Visconti, Gino est tenté de faire sa vie avec Giuseppe, un saltimbanque forain qu’il rencontre dans un train et qui lui propose de le suivre dans sa vie d’homme du cirque sur les marchés. Dans le film « When Night Is Falling » (1995) de Patricia Rozema, Camille tombe amoureuse de Petra, une artiste de cirque. Dans le film « Itinéraire d’un enfant gâté » (1988) de Claude Lelouch, Jean-Philippe tombe amoureux de Sam, l’homme de cirque.

 

Film "Les Amants diaboliques" de Luchino Visconti (avec Gino et Giuseppe)

Film « Les Amants diaboliques » de Luchino Visconti (avec Gino et Giuseppe)


 

Les héros homosexuels aiment dans le cirque cette alliance entre beauté, amour et mort : « J’étais friand de ce genre de choses où le piment du danger relève le goût de la beauté physique. » (Roger à propos d’un spectacle acrobatique, dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 18) ; « Tu aimes le cirque. Que penses-tu de mon final ? » (Jack s’adressant à Harvey, dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant) ; « La vie est une fanfare. » (cf. la chanson « Fanfare de nos vies » de Jann Halexander) ; etc.

 

Film « Das Flüstern Des Mondes » (« Whispering Moon », 2006) de Michael Satzinger

Film « Das Flüstern Des Mondes » (« Whispering Moon », 2006) de Michael Satzinger


 

Le cirque est présenté comme l’univers bisexuel par excellence, où les acrobates sont androgynes, hyper maquillés, portent des collants et des « moule-bite », sont à voile et à vapeur : « Le théâtre ça s’apprend dans les cirques. Mais j’ai appris aussi beaucoup dans la marine. Les voiles d’un bateau ou les rideaux d’un théâtre, pour moi, c’est pareil. » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’avais fait une soirée ‘Circus’. » (le narrateur homosexuel racontant qu’il a organisé une soirée déguisée à thème, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; etc. Par exemple, dans le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder, les Piccolos se trouvent être des nains d’un cirque déguisés en fillettes. Dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut, le professeur Foufoune, avant de finir médecin, dit qu’il a toujours rêvé de faire du cirque.

 

 
 

b) La fête foraine et les parcs d’attraction :

Vidéo-clip de la chanson "Boy & Girls" de Charlie Makes The Cook

Vidéo-clip de la chanson « Boy & Girls » de Charlie Makes The Cook


 

Souvent, les personnages homosexuels se retrouvent dans une fête foraine ou vont dans un parc d’attraction pour célébrer/concrétiser leur relation amoureuse : cf. le roman Les Forains (1945) d’Henri Sauguet, le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Edge Of Seventeen » (1998) de David Moreton, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Loopplanes » (2010) de Robin Wilby, le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar, le roman La Foire aux garçons (1934) de Philippe Hériat, le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé (avec la référence aux forains), le roman L’Autre (1971) de Julien Green (avec le parc d’attraction), le vidéo-clip de la chanson « Boys and Girls » du groupe Charlie Makes The Cook, le film « Happy, Texas » (1999) de Mark Ilsey (avec les forains homosexuels), le film « Adieu Forain » (1998) de Daoud Aoulad-Syad, le film « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py, le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, le ballet Les Forains (1945) d’Henri Sauguet, la chanson « L’Attraction » d’Emmanuel Moire, le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec le chapitre « Disneyland »), la bande dessinée La Foire aux Immortels (1992) d’Enki Bilal, le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, le film « Friendly Persuasion » (« La Loi du Seigneur », 1956) de William Wyler, etc.

 

Film "Garçon stupide" de Lionel Baier

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

« Un petit pédé s’assied à côté de moi, tend sa main avec féminité et dit ‘Je suis Camillia. Enfin, là je suis en Rodriguo, mais ici on me connaît en Camillia. Je bosse dans un parc d’attraction et j’ai pas eu le temps de me changer. » (Mike, le narrateur homosexuel dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 103) ; « On nous appelle les forains. La route est notre domicile. » (le duo Bill/Étienne dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy) ; « Vous n’avez pas eu de peine à trouver un foyer d’artistes pour vous adopter alors que moi je suis restée à l’orphelinat jusqu’à l’âge de quinze ans, où je me suis enfuie pour faire la strip-teaseuse dans les fêtes foraines. » (Vicky s’adressant à la Comédienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « On est au Parc d’attractions et je suis Madame Godzilla. » (l’infirmière d’hôpital s’adressant à Rana, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; « Tu veux venir à la fête foraine avec nous ce soir ? » (les amis de Simon, le héros homo qui va rencontrer pour la première fois en vrai son amant, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; etc.

 

 

Par exemple, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Jean et Henri se rendent dans une fête foraine : Jean tente de tester la virilité peu affirmée d’Henri en le soumettant à un jeu de punching-ball (ce dernier, pour le séduire, se coupera le front en tapant sa tête trop fort contre l’appareil)… et Jean se volatilisera avant de voir la victoire inespérée de son jeune amant. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glen et Russell vont dans un parc d’attraction de Londres, aux autos taponneuses. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Jean et Juan, le couple homo, vont à Eurodisney ensemble. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, les deux amantes Kena et Ziki commencent leur idylle dans les manèges tournants d’une fête foraine de Nairobi (Kenya).

 
 

c) Le Cirque du (fantasme de) viol :

Série Drôles de Dames

Série Drôles de Dames


 

Le cirque (ou le parc d’attraction) n’est pas, chez le héros homosexuel, qu’une simple passion anodine pour les sensations fortes et divertissantes. Car nul ne cherche à se distraire et à se faire peur s’il n’a pas peur lui-même à la base et s’il ne veut pas échapper à quelque chose. Le cirque, je crois, est le symbole d’une fuite du Réel et d’une misanthropie : « Il faut aimer le cirque et mépriser le monde. » (la voix narrative de la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet)

 

Film "La Loi du Désir" de Pedro Almodovar

Film « La Loi du Désir » de Pedro Almodovar


 

Le revers du cirque, c’est qu’il transforme souvent le personnage homosexuel, sous prétexte d’humour, de recherche de l’originalité et de défi des limites, en objet ( = un Pinocchio), en bête de foires et de laboratoire, en victime (morte ou blessée si son numéro ne marche pas comme prévu) offerte à la curiosité malsaine et au transfert des pulsions morbides du public, comme les rituels de la cruauté des jeux du cirque sous la Rome Antique, les sports de combat, la tauromachie, la boxe. « Tu distingues vite les curieux des bouleversés. Les premiers ont des étincelles dans les yeux, t’examinent comme une femme à barbe dans un cirque ambulant. Les seconds affichent des visages pantelants, tragiques, et pleins de larmes. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 160) Par exemple, dans le film « Tacones Lejanos » (« Talons aiguilles », 1991) de  Pedro Almodóvar, Rebeca (Victoria Abril) est mise à prix, en boutade, par son beau-père dans un marché. Dans le film « Babysitting » (2014) de Philippe Lacheau, Sam et Franck s’embrassent à leur insu dans le noir (une Dark Room d’un parc d’attractions), mauvaise blague orchestrée par Sonia que les deux hommes se disputent : en découvrant les images, ça ne les fait pas rire du tout.

 

Le cirque peut être également le signe de l’inceste, du viol (cf. je vous renvoie aux codes « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois » et « Jeu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) et de la mort : « Maman m’a mené au cirque. » (George, 6 ans, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 157) ; « N’oublie jamais que le clown se lave toujours les dents au cirque. » (la grand-mère Babou – très possessive – parlant à son petit-fils bisexuel Guillaume, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; « La fête et le drame, c’est la même chose. » (Julien Brévaille, le héros homosexuel du roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 54) ; « Oui, c’est la fête, enfin, la fin de la fête. » (Luc, l’un des héros homosexuels de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; etc. C’est très net dans les films de Pier Paolo Pasolini, les vidéo-clips de Mylène Farmer et dans les pièces de Copi.

 
 

Machiniste – « Mon grand-père le clown s’est suicidé en cours de spectacle. Il s’est pendu au trapèze, tout le monde croyait à un numéro comique ! Il a eu quinze minutes d’applaudissements avant qu’on s’aperçoive qu’il était mort !

Auteur – C’est ça l’art ! »

(cf. un dialogue entre le Machiniste et l’Auteur, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 
 

Le cirque est symboliquement le cadre dans lequel se rejoue le drame du viol/de l’inceste, ou bien ce que le héros homosexuel vit comme un drame et qui n’est que la réalité de la sexualité, la réalité de sa conception : « Je refais le rêve du cirque. Si… tu sais bien… le numéro de trapèze. Mon père, ma mère et moi… » (la psy rêvant qu’elle chute en trapèze, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson)

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, le parc d’attractions Magic World est présenté comme l’antre des enfers, malgré son nom lumineux. S’y rendre, c’est comme s’homosexualiser : « Les lumières là-bas, c’est Magic World, c’est ça ? Mes parents ne m’y ont jamais amené. Ils aiment pas trop les attractions. » dit Jonas, le héros homosexuel. Nathan, son amant homo, réplique : « Mais c’est trop bien, Magic World ! Ils sont cons, tes parents. Je t’y emmènerai, moi, à Magic World. Promis. » On découvre tout de suite après, grâce à la maman de Nathan, qu’en réalité, ce parc d’attractions représente un souvenir douloureux de viol pour lui. En effet, à l’âge de 9 ans, il s’est fait lyncher par une meute de voitures autos tamponneuses qui l’a chargé, au point que Nathan a été éjecté de sa voiture et s’est fait défigurer : « Et schlaaack ! La joue coupée en deux, sur la barrière de protection. » Le film s’achève sur la scène où Jonas amène Léonard, le jeune frère de Nathan, devenu adulte, au Magic World, et on devine qu’ils vont être amants, alors qu’ils ont 18 ans d’écart d’âges…
 

Pourtant, le cirque est un monde où la souffrance et la mort semblent ne pas exister car soit elles y sont scénarisées (le danger est décuplée avec la musique et les roulements de tambour), soit elles y sont niées (normalement, les artistes ne sont pas censés mourir en cours de spectacle… sinon, ils feront fuir tout leur public ; au contraire, ils n’attirent que parce qu’ils ont été capables de défier victorieusement la mort). « C’est vrai qu’elle n’a rien, Fougère. C’est une petite blessure qu’elle a. C’est du cirque. » (Joséphine dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « C’est pas le Cirque du Soleil en ce moment à la maison… » (Jérémie racontant qu’il y a de l’eau dans le gaz dans sa relation avec son futur « mari » Antoine, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare) ; « J’ai pas le temps pour ce cirque ! » (Mathias Le Goff refusant d’entraîner l’association sportive gay des Crevettes pailletées, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc. C’est pourquoi le cirque homosexuel est souvent décrit comme le monde du viol teinté d’amnésie, du rêve éveillé.

 

Vidéo-clip de la chanson "Optimistique-moi" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La passion homosexuelle pour le cirque :


 

Souvent, les personnes homosexuelles aiment l’univers du cirque ou bien travaillent dans un cirque. Par exemple, Pierre Loti s’est produit dans des cirques. Enfant, Francis Carco voulait travailler dans un cirque. À l’Université de Cambridge, Graham Chapman faisait partie d’une troupe étudiante, le Cambridge Circus. C’est une manière de camoufler leur mal-être par la dérision : Cirque : « Je ne suis pas maudit dans la mesure où je peux faire mon p’tit cirque et qu’aucun flic ne va m’attendre à la sortie. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976)

 

 

On peut penser également à la Queer Week de Sciences Po Paris, qui a lieu tous les ans sur le campus. Pour ma part, j’ai déjà vu débarquer des troupes de clowns lors des JAR (Journées Annuelles de Rencontres) de l’Association David et Jonathan. Et les Gay Pride, sous certains aspects, est à mi-chemin entre le carnaval et le cirque.

 

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Beaucoup d’artistes homosexuels ont exercer les arts du cirque ou se sont passionnés pour le cirque : Cary Grant, Jérôme Savary, Jorge Donn, Nijinski, Alfred Jarry, Barbette (qui a joué au cirque Barnum), Jean Cocteau, Francis Poulenc, Miss Urania, Héctor Biancotti, Pier Paolo Pasolini, Federico García Lorca, Jean Genet, Olivier Py, Jean-Paul Gaultier, etc.

 

Jean-Paul Gaultier et la troupe d'un cirque asiatique

Jean-Paul Gaultier et la troupe d’un cirque asiatique


 

Il existe des compagnies de cirque homosexuelles : par exemple celle de Charles Knie (voir les photos). Le styliste Thierry Mugler a beaucoup collaboré avec le Cirque du Soleil.

 

Thierry Mugler en 2003

Thierry Mugler en 2003


 
 

b) La fête foraine et les parcs d’attraction :

Film "Loopplanes" de Robin Wilby

Film « Loop Planes » de Robin Wilby


 

On retrouve également de nombreux croisements entre l’univers de la magie en carton pâte des parcs d’attraction et l’homosexualité : cf. le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau (montrant une roue de fêtes foraines) Beaucoup de personnes homosexuelles font partie du personnel des Disneyland et autres grands parcs de loisirs. Certaines en sont même les concepteurs, comme par exemple le roi Louis II de Bavière : « Walkenstein, un château qui aurait plu à Walt Disney ! » (cf. le documentaire « Louis II de Bavière, la Mort du Roi » (2004) de Ray Müller et Matthias Unterburg) Michael Jackson a même fait construire un parc d’attractions (sur le thème de Peter Pan !). Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la Reine Christine, pseudo « lesbienne », est catapultée à l’époque moderne, dans laquelle elle marche dans une fête foraine, un parc d’attractions. Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, va sur le Grand-8 d’une fête foraine avec son papa.

 

« J’ai su très tôt que je n’étais pas semblable aux autres. J’ai le souvenir très précis d’une fête foraine où m’avaient emmené mes parents. La mode de l’époque condamnait les hommes à porter des pantalons moulants à pattes-d’éléphant, surmontés de chemises en satin de couleurs criardes, aux grands cols larges en pelle à tarte, de préférence ouvertes sur le torse si le temps était clément. J’avais six ans à peine et j’étais autant fasciné par les jeux de la fête foraine auxquels je pouvais participer que par la présence autour de moi de ces adultes habillés à la mode. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), pp. 23-24) ; « Sur ma lancée d’organisateur de jeux pour le quartier, je pris en charge les fêtes de la Saint-Jean. J’avais tout juste treize ans. Je montai une comédie musicale avec mes camarades, abusant du play-back. C’était le début du disco et je me trémoussais avec enthousiasme durant le spectacle, incarnant… des chanteuses. » (idem, pp. 29-30)

 
 

c) Le Cirque du (fantasme de) viol :

Le cirque (ou le parc d’attraction) n’est pas, chez l’individu homosexuel, qu’une simple passion anodine et enfantine pour les sensations fortes ou divertissantes. Car nul ne cherche à se distraire et à se faire peur s’il n’a pas peur lui-même à la base et s’il ne veut pas échapper à quelque chose. Le cirque, je crois, est le symbole d’une fuite du Réel et de soi, d’un cynisme sincère (certains parlent d’un « art total ») et d’une misanthropie. Pour le décadent, il cristallise la victoire de l’artifice, en même temps qu’il donne corps à son mal de vivre proférant que « tout n’est qu’apparence », que « la vie n’est qu’un immense chapiteau et qu’une grande illusion ». Par exemple, dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier, la femme transsexuelle F to M qui témoigne, fait du cirque et tente, par ce biais, d’atteindre une transcendance identitaire, asexuée, existentielle : « Le clown, il peut tout être. Le clown, il est au-delà. »

 

Le revers du cirque, c’est qu’il transforme l’individu, sous prétexte d’humour, de recherche de l’originalité et de défi des limites, en objet ( = un Pinocchio), en bête de foires et de laboratoire, en victime (morte ou blessée si son numéro ne marche pas comme prévu) offerte à la curiosité malsaine et au transfert des pulsions morbides du public, comme les rituels de la cruauté des jeux du cirque sous la Rome Antique, les sports de combat, la tauromachie, la boxe.

 

 

Le cirque peut être également le signe de l’inceste, du viol (cf. je vous renvoie aux codes « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois » et « Jeu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) et de la mort. « On expliquait mal comment une si grand actrice [Cora Margot] était tombée dans une telle déchéance qu’elle fût forcée à promener son art dans un petit cirque de dernière catégorie qui n’avait même pas pu se payer un toit pour son chapiteau. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 304) Par exemple, le romancier français Jean Genet suivait son amant Abdallah sur les pistes de cirque, composa pour lui un numéro de funambule, dessina son costume, régla les éclairages, et orchestra finalement sa mort. « Tu dois risquer une mort physique définitive. La dramaturgie du Cirque l’exige. Il est avec la poésie, la guerre, la corrida un de ces seuls jeux cruels qui subsistent. Le danger a sa raison. […] Cette exactitude sera la beauté de ta danse. » (Jean Genet, cité dans l’article  « L’Éthique de l’Art » de Thierry Dufrêne, dans Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 64)

 

Album Circus de Britney Spears

Album Circus de Britney Spears

 
 

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Code n°32 – Clonage (sous-code : Fixette sur un amant perdu et déifié)

clonage

Clonage

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La recherche d’un autre soi-même projectivement valorisé, démultiplié à l’infini… et inexistant

 

Comme pour symboliser que l’union homosexuelle est prioritairement narcissique et égocentrique, même si en intentions et à l’image elle se veut tournée inconditionnellement vers l’autre, certains cinéastes filment les scènes érotiques homosexuelles dans des lits entourés de miroirs, multipliant les amants à l’infini tout en les centrant sur eux. Certes, le coït homosexuel semble ouvert sur l’extérieur car les miroirs favorisent l’impression d’agrandissement spatial… mais ceci n’est vrai que dans la logique spéculaire. Concrètement, l’amour homosexuel, indépendamment de la volonté des deux membres du couple, implique d’abord un refus de la Différence ( = la différence des sexes), un fantasme de clonage et de duplication androgynique de soi-même ; non un engendrement par la différence.

 

Nous retrouvons fréquemment le lien entre clonage et homosexualité dans les créations homo-érotiques. Ce n’est malheureusement pas toujours que de la fiction : nous ne nous étonnerons pas de voir actuellement certains membres du lobby homosexuel nord-américain défendre ardemment la mise en place du clonage reproductif aux États-Unis.

 

Il est monnaie courante, en effet, que la personne homosexuelle s’auto-persuade qu’elle est/a été éternellement l’Homme d’un seul amour (un amour en général adolescent, parfois décédé brutalement, idéalisé dans l’absence, immatériel, cinématographique, éclaté donc multipliable à l’infini) qu’elle ne retrouvera plus jamais, l’Homme d’un physique plus que d’un individu vivant, mais qu’elle essaie quand même de posséder à nouveau en se contentant tant bien que mal de la compagnie des sosies de celui-ci, clones humains qu’elle usera les uns après les autres parfois toute sa vie, parce qu’en réalité elle se recherche/se fuit elle-même à travers autrui pour ne plus exister.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Miroir », « Homme invisible », « Jumeaux », « Fusion », « Substitut d’identité », « Pygmalion », « Photographe », « Solitude », « Amant modèle photographique », « Éternelle jeunesse », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Moitié », « Frankenstein », « Amant narcissique », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », à la partie sur « l’Autre » du code « Amant diabolique », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

a) Le fantasme homosexuel du clonage :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Revient très souvent dans les fictions traitant d’homosexualité le symbole du clone ou du sosie : cf. le film « Dans la peau de John Malkovich » (1999) de Spike Jonze, le film « Le Ciel de Paris » (1991) de Michel Bena (dans lequel Marc, le personnage homosexuel, a pour travail de faire des photocopies), le film « Gypsy 83 » (2001) de Todd Stephens (avec la thématique des sosies), le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec Barbara et Myriam, les deux sosies), le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard (traitant directement du lien entre homosexualité et clonage, avec Thomas Steiner, le héros homosexuel « instance »), le film « Twice A Man » (1963) de Gregory J. Markopoulos, le film « Parallel Sons » (1995) de John G. Young, le film « L’Enfant Miroir » (1990) de Philip Ridley, la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco (avec le club des sosies officiels), le film « Mulholland Drive » (2001) de David Lynch (avec la thématique du « déjà-vu »), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Garçons de cristal » (« Nieh Tzu », 1987) de Yu Kan-ping, le film « Le Suivant » (2011) de Frédéric Guyot, le vidéo-clip de la chanson « Gay Bar » du groupe Electric Six, le film « Codependent Lesbian Space Alien Seeks Same » (« Extraterrestre lesbienne codépendante cherche de même », 2011) de Madeleine Olnek, le film « Uniformadas » (2010) d’Irene Zoe Alameda, etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

« Il est aujourd’hui possible de se reproduire sans êtres humains, sans homme et sans femme. […] La solution est la reproduction de bébés en laboratoire. » (une réplique de la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche) ; « On dit que chaque être humain a un sosie de par le monde. » (Brigitte dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Je me dis qu’avec les gènes que j’ai, je n’ai pas le droit de ne pas me reproduire. » (Pierre, le héros homosexuel envisageant la PMA, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Le Massachusetts vient de légaliser le mariage homosexuel. Je crois qu’en France c’est aussi le cas – corrige-moi si je me trompe. J’ai donné hier, dans le cadre d’un congrès, une conférence sur un sujet sensible : Le clonage à vertu thérapeutique et la culture des cellules souches. » (Randall, l’un des héros homos du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 225) ; « Aucune déraison. Je suis dans la peau d’une autre. Si je suis en prison – et j’y suis –pourquoi pas une autre ? […] Là, c’est un autre moi, c’est monkey me. L’animal, là, c’est bien ici-bas. Je manque ici de facéties. Là, c’est un autre moi, c’est monkey me. L’animal là, je connais ses pas. Un monkey moi. Je suis monkey me. » (cf. la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer) ; « Une femme a de multiples corps. » (Valmont dans la peau de Merteuil, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; « Je ne peux pas me cloner moi-même. » (John, le héros homosexuel du film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, les mêmes comédiens jouent des personnages identiques, mais à des époques différentes. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Mr Bénamou vient voir Zize, le travesti M to F, parce qu’il veut monter une agence de sosies et le voit comme un sosie de Madonna. Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry imagine un monde parfait, aseptisé, sans défaut ni limites, en développant une théorie eugéniste digne d’Hitler, où chaque Homme serait pareil. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, il est dit que les momies sont « construites en série ». Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, le Rat n’est pas un être unique ; c’est un clone, une conscience immatérielle, un brouillon, un objet vivant qu’on remplace par un autre (« D’ailleurs, je le trouve laid, ce rat. Ce n’est pas le définitif, j’espère. » se plaint la Comédienne). Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, Line, le présentateur travesti, mène une étude sur les sosies français, et fait un tour de France pour les trouver ; un peu plus tard dans la pièce, ses deux autres camarades scéniques, illustrant un couple homosexuel, se déguisent en poupées russes… et il est bien connu que l’effet gigogne s’apparente au clonage. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, le Dr Apsey dévalorise son collègue et concurrent le Dr Jonathan Baldwin – par ailleurs en couple avec son patient Frank – en lui retirant son unicité et sa matérialité (« le Dr Baldwin et ses clones… »). Dans la pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine, il n’est pas anodin que toute l’intrigue (et tout le litige entre le chef d’entreprise travesti M to F Damien et son huissier Mr Alvarez aussi travesti que lui, mais secrètement et dans le refoulement) repose sur une facture de photocopieuse ! Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud nous est dépeint un monde sans différence des sexes, où la différence des générations s’est substituée à la différence des sexes à travers le clonage : concrètement, une société inhumaine, incestueuse, matérialiste, sans pitié. À un moment, le Père 1 de Gatal apprend au fiancé de son fils à concevoir par clonage une souris pour faire ensuite de même avec un humain… et le fiancé est fasciné par cette découverte : « Mes enfants croîtront dans ma chair. » Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène, au moment où débarque Sarah (sa future amante) dans sa classe, est en train d’étudier les fonctions exponentielles en cours de maths.

 

Souvent, dans les fictions homo-érotiques, les jumeaux ne sont pas considérés comme deux êtres semblables et uniques, mais comme un même être dupliqué à l’identique, bref, comme des clones ou des androgynes : « Les jeux ne sont pas tout à fait faits, chère petite sœur. C’est toi ou c’est moi ! Puisque nous sommes jumelles ! On a commencé à se battre à l’intérieur du ventre de notre mère. » (la Comédienne à sa sœur Vicky, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 
 

b) L’amour cloné idéalisé :

Tadzio dans le film "Mort à Venise" de Luchino Visconti

Tadzio dans le film « Mort à Venise » de Luchino Visconti


 

En général, le personnage homosexuel fait une fixette sur un amant disparu, cinématographique, immatériel comme un mirage, qu’il essaie tant bien que mal de remplacer/concrétiser par les clones imparfaits de ce dernier dans la réalité : cf. le roman Tous les garçons s’appellent Ali (2009) de Patrick Cardon, le roman Dream Boy (1995) de Jim Grimsley, le film « La Reine de la nuit » (1994) d’Arturo Ripstein, le roman Mort à Venise (1912) de Thomas Mann (avec la figure du jeune éphèbe Tadzio, le tentateur qui ne parle jamais d’ailleurs…), le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy (avec Alexandre, l’amour de jeunesse éternel), le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon (avec les images de Romain enfant, qui reviennent comme un leitmotiv), le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie (avec Don, l’amant immortel de Sébastien), le roman Los Ambiguos (1922) d’Álvaro Retana (avec la figure de l’amant qui est la réincarnation du jeune Antinoüs), le film « Il Compleanno » (2009) de Marco Filiberti (avec la figure angélique et quasi désincarnée de Mateo), le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro (avec Gabriel, la projection fantasmatique et lointaine de Giovanna et de son meilleur ami gay aveugle Léo), le film « Caro Michele » (1975) de Mario Monicelli, le film « Cher Disparu » (1965) de Tony Richardson, le film « Amour et mort à Long Island » (1997) de Richard Kwietniowski (avec le souvenir inextinguible de Ronnie), le tableau Alexandre (2006) d’Orion Delain, le film « Tenshi No Rakuen » (« À la recherche d’un ange », 1999) d’Akihiro, le film « Send Me An Angel » (2002) de Nir Ne’eman, le film « J’ai rêvé sous l’eau » (2009) d’Hormoz (avec la focalisation sur un homme mort), le roman Un Garçon d’Italie (2001) de Philippe Besson, le film « Como Esquecer ? » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec Julia, l’héroïne lesbienne qui n’arrive pas à se défaire du souvenir de son « ex »), le roman Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste (avec Ednar qui ne pourra jamais se défaire du souvenir de son premier « amour » Dylan), le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde (avec Dorian Gray qui subjugue Lord Henry : « La jeunesse est la seule chose qui compte en ce monde. »), etc. Par exemple, dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, comme par hasard, le tableau que Ben, le héros homosexuel, a peint juste avant sa chute mortelle (une toile représentant le jeune et beau Vlad) sera jugé comme son meilleur. Vlad est l’icône vivante éternelle du fantasme homosexuel. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony, le héros homosexuel, raconte que son premier amour fut platonique. Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel, n’a jamais réussi à aimer une autre personne que Christopher, son premier amour d’adolescence mort d’une tuberculose bovine, qu’il a eu à peine le temps d’aimer : « Je le connaissais à peine. » dira-t-il au proviseur de son pensionnat, à l’annonce de sa mort. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homo, semble passer de bras en bras, d’amant en amant (Nicolas son premier amour d’adolescence disparu, puis Nathan – lui aussi mort tragiquement –, puis le petit frère de Nathan, puis tous les hommes qui lui passent sous le nez), sans but et sans visage : « J’crois que je recherche un truc qui n’existe pas, en fait. »

 

Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel dit qu’il s’est lié d’amitié à l’école avec un certain Julien, un gars avec qui il a vécu ses premières expériences sexuelles dans les cabinets de toilettes (ils se sont comparés les zizis), et qui ressemblait au chanteur Steeven du groupe de Boys Band Alliage. Jefferey dit être attiré toujours par le même type d’hommes : des grands blonds aux yeux bleus. Et Julien correspond à cet archétype, même s’il est africain : « Un Africain blond aux yeux bleus, c’est bizarre, je vous l’accorde. » Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, a rencontré Nicholas lorsqu’ils n’avaient que 8 ans… et se retrouvent quelques années plus tard, dans le même lycée. Leur rencontre initiale d’enfance résonne comme un signe du destin (lié par une boule à neige en verre) : Phil a bousculé Nicholas qui sortait d’un supermarché et a fait renverser son sac plastique rempli de bouteilles d’eau minérale. Plus tard, à l’âge de 17 ans, en le revoyant, Phil interroge Nicholas, tout troublé : « Je ne sais pas si c’est un rêve, mais je crois qu’on s’est déjà rencontrés. »
 
CLONAGE Mathilde
 

Le héros homosexuel envisage l’amour comme un clonage, ou bien voit l’amant comme un clone de lui-même : « Je t’aimais, je t’ai toujours aimé… tu as changé mais tu prétends que c’est moi. Je ne te reconnais plus. Je t’ai même confondu avec un autre qui a la même allure que toi. Comment est-ce possible ? J’ai du mal à le croire. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 313) ; « Quand est-ce qu’on refait l’amour ? On le réinvente maintenant comme à chaque fois. L’amour est le facteur exponentiel des corps. On se multiplie l’un l’autre. Rien de tout ça ne nous a été transmis, appris. Tout ça on l’avait dedans. » (les acteurs anonymes de la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « Tout tourne autour de moi, les petites Chloé et moi aussi en miniature. » (Cécile à propos de son couple avec Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 45) ; « Je me ferais charcuter esthétiquement pour devenir votre clone ! » (Janine à Simone, dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) ; « Si tout le monde avait les cheveux courts… Ah merde… ça, c’est du clonage… Non… c’est pas du clonage : c’est du communisme esthétique. » (Lourdes-Marilyn dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « Ne te mens pas à toi-même, Claudine ! Ta malédiction, accoudée à côté de cette glace, et ton air de creuser un remord naissant, n’était-ce pas l’inquiétude de constater intact ce visage aux yeux de havane, qu’aime ton amie ? » (Colette, Claudine en ménage (1946), pp. 147-149) ; « Involontairement, inconsciemment, chacun des deux êtres qui s’aiment se façonne à cette idole qu’il contemple dans le cœur de l’autre… » (Édouard dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1997) d’André Gide, p. 83) ; « C’est fou comme il te ressemble, en plus jeune. » (Arnaud s’adressant à son amant Mario, en parlant de Matthieu, un de ses collègues de boulot, dans la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo) ; « Dans le car qui me ramenait chez moi, je décidai que trois était le chiffre parfait. Avec deux liaisons, on était écartelé entre deux choix simples. Il y avait là quelque chose de linéaire. J’étais en train de lire un livre en vogue sur la théorie du chaos, d’après lequel le chiffre trois impliquait le chaos. Je désirais le chaos parce que grâce à lui je pourrais créer mon modèle personnel. Je regardais les beaux objets fractals illustrant le volume et voyais Sheela, Linde et Rani dans l’un d’eux, s’amenuisant au fur et à mesure, le motif se répétant à l’infini. Je refermai le livre, convaincue d’avoir choisi la façon de mener ma vie. Le chaos était la physique moderne, c’était la science d’aujourd’hui. » (Anamika, l’héroïne lesbienne pensant à ses trois amantes qu’elle considère comme des clones d’elle-même, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, pp. 64-65) ; « Déjà réincarné ?!? Efficace, le système informatique là-haut ! Quoi ? En vitre ??? Je crois qu’il y a une erreur. » (le héros homosexuel réincarné en vitre, et se faisant accoster par différents prétendants « vitrés » comme lui, dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont) ; « Moi j’ai, moi j’ai essayé de vivre. Donné ici un sens à ma vie aussi. Moi j’ai tant voulu l’Autre. Ave. Milliers d’âmes anonymes. Ave. […] Où étais-tu alors, puisque je t’aime ? Où étais-tu encore, l’Imaginaire ? Es-tu un rêve ? Es-tu un frère ? » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, Adrien, le héros homosexuel, fait, dans sa recherche amoureuse, une fixette sur les Noirs, personnes que son amant Malcolm cristallise entièrement dans sa personne réifiée : « Souvent, dans les bras de ces amants d’un soir, Adrien pensait à lui. Malcolm avait pénétré la mémoire de son corps et il ne s’étonnait plus que son désir le portât vers des hommes à la peau noire. Ils lui ressemblaient. Les mêmes cheveux où agripper ses doigts pour incliner amoureusement la tête, la même peau à la fois douce et tendue, aux reflets mordorés, la même odeur âcre et puissante, les mêmes yeux dont la lumière vient d’autres latitudes, les mêmes muscles saillants et fins, la même allure féline et noble. Tout cela rappelait Malcolm et portait Adrien à chercher l’amour des Noirs. Il s’interrogeait souvent sur les raisons secrètes du désir de cette beauté-là. Un désir de puissance, de virilité ? D’inverser l’ordre de l’Histoire ? D’aimer l’absolument autre ? Peut-être tout cela à la fois. » (pp. 34-35) ; « Ça m’interroge cette attirance pour les Blacks. » (idem, p. 46) ; « Toujours le lointain, l’impossible, l’inatteignable. […] J’dois pas aimer l’amour proche ! » (idem) ; « Il aimait ce corps d’homme métis. […] Adrien eut le sentiment étrange de n’être pas le seul à aimer un pareil corps. Il éprouva même une certaine gêne à l’idée que son regard s’inscrivît dans une longue chaîne de regards portés sur l’homme ébène. Désirs de Blancs fascinés par la puissance du corps du Noir, au point de vouloir la lui dérober, la posséder pour eux. N’était-il pas dans son regard comme un fils de colon, fier de tenir pour lui ce corps endormi ? » (idem, p. 50) Même si Adrien a la peau blanche, on peut tout à fait dire qu’en tombant uniquement amoureux d’hommes noirs, il s’adonne à son fantasme de clonage de lui-même, car le clonage obéit à une logique désirante, fantasmatique, et non d’abord à un raisonnement réaliste, empirique, incarné. « Il se demandait si, comme dans la chanson de Barbara, à travers le visage de ceux qu’il avait aimés après Malcolm ou essayé d’aimer, ce n’était pas encore son image qu’il recherchait. […] Ils lui ressemblaient. » (pp. 34-35) D’ailleurs, son amie Nathalie lui fait remarquer qu’à travers son obsession sexuelle et affective pour les Noirs, « il cherche un miroir exotique » (p. 46) de lui-même. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques, écrivain homosexuel, établit une typologie des amants homos, avec des références littéraires (Chester, Auden, Maxims, Vendel, Whitman) : « Ton amant, c’est pas un Maxims ? Le genre de gars dont on croit reconnaître son idéal au premier regard ? ou bien un Whitmann ? Un Vendelpark ? » demande-t-il sarcastiquement à son jeune amant Arthur.

 

Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent (30 ans) et Stéphane (50 ans), les deux amants, sont chacun attirés par le fantôme d’un être immatériel, jeune et désincarné qu’ils voient en l’autre, et qu’ils passent leur temps à rechercher à l’extérieur de leur couple à travers une multitude d’amants de passage. Par exemple, le beau Vincent raconte que la première fois qu’il a couché homosexuellement, c’était dans un coin reculé d’une plage, à l’âge de 15 ans, avec un homme de 20 ans qui s’est tué à l’arme à feu un an après. Puis il révèle aussi à Stéphane que lorsqu’il l’a trompé, dans la période où il était en couple, il voyait le visage de Stéphane se superposer à son amant de passe. Quant à Stéphane, il est bloqué par un idéal physique de jeune homme angélique qu’il recherche chez tous ses amants : « Malgré leurs impuretés, ces êtres restent très purs, sans taches, comme si rien ne pouvait les abîmer. […] Y’en a tellement qui ont défilé. Des corps anonymes. Des amants d’une nuit. […] Des garçons qui se ressemblent tous, qui pourraient tous être le même, que j’aime parce qu’ils ne restent pas. […] Il m’a toujours semblé que tu étais insaisissable. » Vincent le lui fait remarquer : « T’as toujours été obsédé par l’éternelle jeunesse. » Et Stéphane confirme : « Oui, de jeunesse figée, fossilisée, je suis fasciné. »
 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, chacun des héros homosexuels du groupe est resté bloqué, hanté, envoûté par son premier amour homosexuel de jeunesse. Par exemple, Emory n’arrive pas à se détacher du souvenir de Peter, son amour impossible du lycée. Il répète, d’un air hébété et éthéré : « Je l’ai aimé dès que mes yeux se sont posés sur lui. J’étais au collège et lui au lycée. » Harold, quant à lui, est attiré par les petits jeunes qui ont le profil de Tex… même s’il regrette leur immaturité et leur manque d’intelligence. Quand ils se revoient entre eux le temps d’une soirée, les camarades homosexuels ont l’impression de s’être déjà vus (et pour cause ! Dans d’autres contextes – des contextes d’égarement, de drague dure –, ils ont parfois couché furtivement et préalablement ensemble : Donald, par exemple, raconte à Larry qu’ils s’étaient déjà rencontrés sans s’être précédemment présentés… parce qu’ils avaient baisé au sauna dans l’anonymat : « On s’est vus aux bains et on a couché ensemble, sans se parler, sans connaître nos prénoms. »). Même ceux qui sont infidèles, tel que Hank (qui est pourtant en couple avec Larry), en sortant avec le maximum d’amants (« Oui, je les aime tous ! Et Hank refuse de comprendre qu’il me les faut tous. Je n’ai pas la mentalité d’un homme marié ! »), partent à la recherche d’un seul et même homme invisible : en effet, le « couple » Hank/Larry a convenu, pour perdurer, que « tous ceux avec qui Larry trompait Hank s’appelleraient ‘Charlie ».

 

Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, l’héroïne lesbienne, Alexandra, enchaîne les conquêtes et les amantes. Elles n’ont que très rarement un prénom. Elle semble vouloir conquérir un fantôme en toutes. Donc fatalement, elle picore par-ci par-là sans trouver entièrement satisfaction : « Le corps de chacun a sa façon d’aimer, et il me semble que je suis condamnée à trouver dans chacune des autres femmes, au hasard des rencontres, seulement un morceau du plaisir complet que je reçus d’elle, puisque sans doute jamais elle ne voudrait que nous vivions ensemble. » (p. 132)

 

Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le vieux disquaire muet a coutume de collectionner les photos instantanées qu’il prend de tous les jeunes hommes androgynes qu’il croise dans son magasin… et il entreprose celles-ci dans son arrière-boutique, comme des reliques sacrées dans un mausolée. Son grand fantasme identitaire est incarné par le personnage de Rettore.
 

Le clone tant désiré est en fait un souvenir impalpable, un fantasme, un homme mort éternisé : « Bob n’a pas été tout à fait réel, pas tout à fait évanescent. Entre l’homme et l’aura, il a paru dans ta vie comme un concept – une incarnation de la foi. » (Félix par rapport au GI Bob, dans le roman La Synthèse du Camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 153) ; « Et dans un nuage le doux visage de mon passé. » (cf. la chanson « Que reste-t-il de nos amours ? » de Charles Trénet) ; « Il l’aimait, il l’aimait. Il était amoureux. Il était amoureux. Il était amoureux d’un fantôme. » (Jean Cocteau à propos de la relation entre M. Valmorel et Maxime, cité dans le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala) ; « L’amour que Marie [une domestique lesbienne] avait pour la bonne se serait posé sur n’importe laquelle, puisqu’à travers celle-ci ou celle-là c’était son amie d’enfance qu’elle voyait toujours. Je comprenais mieux ses craintes quant à l’issue de sa relation avec son nouvel amour, qui ‘ressemblait’ tant au premier et qui trouverait probablement la même fin : l’abandon. On ignore à quel point les émois de l’enfance peuvent suivre tout au long de notre existence, autant dans la joie que dans la tristesse, et se répéter toujours. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 187) ; « Ayant admis que la bonne n’était pour elle que l’image de sa camarade d’enfance dont elle était amoureuse, Marie ne prenait pas la chose trop mal. » (idem, p. 191) ; « À la vérité, je croyais que j’aimais toujours Thierry. Mais en réalité, c’était pas vrai. Je me raccrochais à un souvenir. Parce que j’avais peur. Et j’ai eu raison d’avoir peur. Parce qu’en effet, j’ai jamais retrouvé ça. » (Rodin parlant de son ex-amant, Thierry, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8, « Une Famille pour Noël ») ; etc.

 

Dans le roman Avec Bastien (2010) de Mathieu Riboulet, Bastien tombe amoureux à 8 ans de Nicolas, un de ses camarades de classe, qui disparaît peu après dans un accident de voiture ; n’ayant pu vivre sa vie avec ce garçon, le protagoniste la consacrera aux hommes que le hasard mettra sur sa route, et qui ne seront que de pâles réminiscences de ce premier fantasme idéalisé. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, les amants d’Emmanuel portent tous le même peignoir imitation tigre ; d’ailleurs, Emmanuel sort toujours avec des mecs qui ressemblent à Omar, son « ex ». Dans les films « Contradictions » (2002) de Cyril Rota, « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, ou encore « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, le protagoniste homosexuel se voit faire l’amour avec un partenaire changeant sans arrêt de visage. Dans le film « Rome désolée » (1995) de Vincent Dieutre, on nous parle d’amants différents et pourtant toujours semblables. Dans le film « Johan : Carnet intime d’un homosexuel » (1976) de Philippe Valois, Johan est comme un clone : Philippe recherche son image partout. Dans la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim, Henri tombe amoureux de sa contrefaçon, Henriette. Dans le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, Jérôme part à la recherche de son amant Paul qu’il retrouve à travers les différents amants avec lesquels il couche. Dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la narratrice lesbienne poursuit un clone appelée Mathilde, et qui est un best-of de féminité : « Dans combien de temps croiserai-je de nouveau l’amour ? Le croiserai-je un jour ? L’ai-je jamais croisé ? Mathilde est un mirage. » (p. 15) Dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, les amants homosexuels succédant au premier amour sont comparés à des « simulacres » (p. 74), c’est-à-dire à des images d’image. Dans le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, Nicolas voit en Julien, le jeune éphèbe de 20 ans, « l’incarnation de son idéal masculin » (p. 63) : « Si Nicolas l’avait croisé au hasard de cette boîte, il l’aurait assimilé aux clones inaccessibles de l’adolescence nouvelle. » Dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, les amantes de la Reine Marie-Antoinette sont quasi jumelles et interchangeables (d’ailleurs, à la fin du film , Gabrielle de Polignac et Sidonie s’échangent leurs vêtements) : elles ont pour particularité d’être toutes plus jeunes qu’elle. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, tous les amants assassinés par Steve, le psychopathe homosexuel, ont exactement les mêmes caractéristiques physiques et comportementales (par exemple, Lucas et Vincent se ressemblaient). Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Antonio a vécu son premier amour homosexuel avec un ouvrier de son entreprise, Michele, dans le secret. Cette relation, dit-il, a été rendue impossible parce qu’elle aurait été empêchée ou rendue anonyme : « J’aimerais faire revenir Michele ici. »

 

En règle générale, le héros homosexuel préfère pleurer un amant trop brutalement disparu mais qui au moins confortera par son absence l’idée que l’« Amour homosexuel » existe éternellement (sans preuve concrète, tout paraît plus solide et vrai aux yeux du passionné paranoïaque !) plutôt que de reconnaître qu’il n’a pas aimé vraiment, et que son amant, s’il avait été vivant, lui aurait offert une vie et un amour bien peu nourrissants. Le deuil lui permet de conforter incognito ses utopies amoureuses personnelles, de dorloter secrètement ses désirs narcissiques de mort, de cultiver son attraction abyssale pour l’amour impossible, et de mettre toutes ces manigances de Drama Queen à l’abris de la critique : « J’ai manqué l’amour qui m’était destiné. » (le héros homosexuel du film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye) Je suis un maudit. J’ai vraiment aimé et je serai définitivement privé de cet amour vrai… Remords éternels. « Il [Adrien] avait réalisé combien il aimait Malcolm, une fois ce dernier parti. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 34)

 

L’Amour ou l’identité envisagés comme un clonage, aussi idéalisants et embellissant soient-ils sur le moment, font des ravages intérieurs considérables et jettent le héros homosexuel dans les méandres du mensonge, de la consommation amoureuse, du fatalisme défaitiste, de l’errance désirante : « C’est quand même compliqué d’accoucher de soi-même. » (l’héroïne lesbienne du one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011) de Karine Dubernet) ; « Ils sont des milliers. Je ne peux pas en aimer un seul. » (Pier Paolo Pasolini dans son poème « Realtà », 1964) ; « C’est fou : j’ai l’impression que c’étaient d’autres filles. » (Anna parlant de son amante Cassie dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin) ; « Un nouveau corps soulage toujours d’un ancien, même si on s’en ennuie… » (Jean-Marc dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 278) ; « Il ne dira pas, non, il ne dira pas, que dans les night-clubs, la nuit, il fait la nouba, il ne dira pas, non, il ne dira pas qu’il se sent si seul qu’il passe de bras en bras. » (cf. la chanson « Il ne dira pas » d’Étienne Daho) ; « Mes nuits et mes amours passaient de mains en mains. » (cf. la chanson « 1er novembre (Le Fruit) » du Beau Claude) ; « Si j’osais, je dirais que les corps qui me touchent ont le même prénom que le mien. » (cf. la chanson « Entre elle et moi » des Valentins) ; « J’aime les Russes. Enfin… surtout les femmes russes. Je suis une femme russe. » (Anne Cadilhac dans son concert Tirez sur la pianiste, 2011) ; « Émile, François, Julien, Fabrice, souvent de l’un à l’autre je glisse. » (cf. la chanson « Ce je ne sais quoi. » du Beau Claude) ; etc. Le héros homosexuel a l’impression que toutes ses expériences d’amour se ressemblent dans la vanité/nullité : « Toutes les histoires d’amour se ressemblent. Même profil étrange. Mêmes scenari étranges. Seuls les visages changent. Toutes les histoires d’amour sont les mêmes. Toujours les mêmes problèmes. Toujours les mêmes dilemmes. » (cf. la chanson « L’Inconstant » d’Étienne Daho) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Drift » (2000) de Quentin Lee, Carrie, la meilleure amie de Ryan, le héros homosexuel, demande avec lassitude à ce dernier qui l’appelle « encore » sur son portable (« Joel ou Leo ? »), comme si Ryan enchaînait les mêmes histoires d’amour foireuses et passionnelles. Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, le constat d’une fatalité amoureuse homosexuelle est fait par Mike, le narrateur : « À la place de l’excitation d’une nouvelle rencontre, je ressens de l’abattement. Je regrette mon idée. C’est une fois encore la même chose, la même histoire, avec les mêmes protagonistes et la même fin, connue d’avance. […] Chui du genre à en avoir marre d’enchaîner les mecs comme si je savais faire que ça ! » (p. 60) Le sentiment de déjà-vu, d’éternel retour, de stagnation existentielle et amoureuse, même s’il rassure dans un premier temps, est un enfer à vivre.

 

Dans les fictions homo-érotiques, la communauté homosexuelle est connue pour être un concentré d’uniformité, une foule de personnes qui se croient originales mais qui se copient entre elles sous prétexte d’être en opposition avec les normes identitaires et amoureuses dictées par la société : « Je croise sur le trottoir de la rue Bonaparte dix, quinze folles de boutique. Peut-être j’en connais quelques-unes, je les confonds toutes. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 15) ; « J’en vois partout parce qu’il y en a partout ! Ça sort des placards ! » (Sibylle par rapport aux homos, dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay) ; etc.

 

Le clonage qu’incarnent ou qu’incarneraient les membres du « milieu homo » n’annonce rien de bon sur la qualité de leurs rapports amoureux : il est plutôt l’illustration que toute violence humaine vient souvent de l’excès de ressemblances, ou du désir d’uniformité (appelé au mieux « jalousie », au pire « égalité »…) : « Je ne vois que des méchantes, le nez en l’air, méprisantes. » (un homo parlant des « clones » du Marais, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Ce qui est chiant avec vous les gays, c’est que vous voyez des gays partout. » (le Dr Katzelblum s’adressant à ses deux patients en couple homosexuel Benjamin et Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc. Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Glen se moque ironiquement auprès de son nouvel amant Russell de leur cercle de « nains de jardin gays » qu’ils courtisent/qui les courtisent habituellement.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le désir homosexuel de clonage :

Un certain nombre de personnes homosexuelles abordent réellement la question du clonage. Elles pensent qu’elles sont, depuis la naissance, une photocopie, et non un original. « Hôpital général de Brazzaville. À deux heures dix, passées de minuit, des sanglots suffoqués évoquaient les instants fatidiques de ma vie. Dans une chambre à la lumière tamisée, où s’entassaient des nouveaux-nés dans des berceaux semblables les uns aux autres, j’étais comme quelque chose qui s’éveillait et combattait sa propre existence. » (cf. la toute première phrase qui ouvre l’autobiographie Le Flamant noir (2004) de Berthrand Nguyen Matoko, p. 11)

 

Par exemple, le romancier homosexuel Eddy Bellegueule (dont le pseudonyme est Édouard Louis) possède tous les ingrédients existentiels concrets pour s’imaginer qu’il est un clone de lui-même, qu’il n’existe pas en tant qu’être unique et désiré : il arrive après un enfant mort en fausse couche et avant deux jumeaux ! D’ailleurs, il cite sa propre mère : « Ton père voulait avoir un gosse, bon, il voulait une petite fille, mais on t’a eu toi, il voulait l’appeler Laurenne, j’avais râlé, je veux plus de fille, plus de pisseuse, et donc on t’a eu toi vu qu’on avait perdu l’autre. Ton père il l’a mal pris d’avoir perdu le premier gosse, il a mis du temps à s’en remettre. Il arrêtait pas de pleurer. Ça a pas été trop dur, parce que je suis une bonne reproductrice, je suis quand même tombée enceinte alors que j’avais un stérilet, et j’ai eu des jumeaux [mes petits frère et sœur], alors bon, et ça reste entre nous, mais ton père il a un sacré engin. » p. 76-77) C’est la raison pour laquelle il explique en interview qu’à travers son premier roman En finir avec Eddy Bellegueule (2014), il veut « rompre avec ce qu’on avait fait de lui pour se réinventer ». Autrement dit, il a essayé d’opérer sur sa personne deux actes totalement liés symboliquement : le suicide et le clonage.

 

Vidéo-clip de la chanson "Mao Boy" d'Indochine

Vidéo-clip de la chanson « Mao Boy » d’Indochine


 

Chez beaucoup de personnes homosexuelles, le clonage est avant tout un fantasme esthétique très fort, un moyen de se starifier ou de gommer leur passé (ceci est très net chez les individus transgenres et transsexuels ; un peu moins extrême et sérieux chez l’individu homosexuel lambda). « Mes idées, ce sont mes mecs. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) Par exemple, dans la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo, tous les comédiens de la Compagnie Ouvre le Chien deviennent physiquement des clones de David Bowie métamorphosé en Ziggy Stardust. En 1973, Michel Journiac a réalisé deux moulages d’après son propre visage.

 

CLONAGE Lonely Lisa

Vidéo-clip de la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer


 

La tentative de clonage n’est pas qu’amoureuse. Elle est aussi et d’abord identitaire (cf. je vous renvoie à la partie sur la « peur d’être unique » dans le code « Moitié » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Certains comédiens, notamment transgenres et/ou transsexuels s’essaient à l’atavisme de personnalité sur leurs spectateurs. Par exemple, dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), David Forgit, le travesti M to F, prétend cloner les trois prostituées qu’il interprète (la mère, la grand-mère et la fille) et investir le corps de chacun des membres du public, par son inversion physique et comportementale des sexes : « Je suis bisexuelle. Bisexuée. Je porte les deux sexes. J’ai été envoyée par des extra-terrestres. […] N’oubliez jamais ça : en chacun de nous sommeille une mémé comme moi. » dit la vieille Huguette ; « Mes sœurs salopes, prenez le taureau par les couilles ! » conclut la fille Gwendoline.

 

Beaucoup d’icônes gays s’amusent d’ailleurs à se cloner : cf. les vidéo-clips des chansons « As » de George Michael et « Crazy » de Seal, le film « The Lady From Shanghai » (1948) d’Orson Welles (avec le visage démultiplié de Rita Hayworth), le vidéo-clip de la chanson « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, le vidéo-clip de la chanson « Viva Forever » des Spice Girls, la publicité Pepsi de Britney Spears (apparaissant à différentes époques), le vidéo-clip de la chanson « J’ai pas 20 ans » d’Alizée, le vidéo-clip de la chanson « Du temps » de Mylène Farmer, le vidéo-clip de la chanson « Nothing Really Matters » de Madonna, le vidéo-clip de la chanson « Can’t Get You Out Of My Head » de Kylie Minogue, le vidéo-clip de la chanson « Black Or White » de Michael Jackson, etc.

 

Vidéo-clip de la chanson "As" de George Michael et Mary J Blige

Vidéo-clip de la chanson « As » de George Michael et Mary J Blige


 

En toile de fond, le phénomène de la starification laisse entrevoir le problème de la schizophrénie. En effet, à force de se voir projetée sur différents écrans ou dans beaucoup de films, la vedette est tentée de croire qu’elle a été capable de s’auto-cloner, et donc de douter de son unicité : « Je suis régénérée. J’ai des tonnes d’idées et tellement à faire que je devrais me cloner pour tout mener à bien. » (la chanteuse Madonna, à l’occasion de la sortie de son album « Hard Candy », citée dans la revue Le Figaro Madame du 5 avril 2008)

 
 

b) Beaucoup de sujets homosexuels ont cristallisé leur désir homosexuel sur une personne de leur existence (en général un premier amour d’adolescence mythifié) et passent leur vie adulte avec les clones imparfaits de l’éphèbe disparu :

Bien des personnes homosexuelles envisagent l’amour comme un clonage, ou alors voient l’amant comme un clone d’elles-mêmes : « Aimer sa semblable, c’est vouloir se mettre au monde une deuxième fois. » (Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004), p. 126) ; « L’amour fantasmé vaut mieux que l’amour vécu. » (Andy Warhol) ; etc.

 

Le clonage est un fantasme identitaire et amoureux très répandu dans les rangs homosexuels. En général, en amour, le sujet homosexuel fait une fixette sur un amant disparu, cinématographique, immatériel comme un mirage, qu’il essaie tant bien que mal de remplacer/concrétiser/ressusciter par le biais de clones imparfaits de ce dernier. « Marcel Proust devait partir en quête d’un nouveau visage qui ressemblaient aux précédents. Car, comme Charlus, il fut toujours fidèle à un même type que le désir lui avait fait choisir. » (Michel Larivière, Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), p. 286) ; « Le Beau Pâris a marqué mon destin ; tous les hommes que j’ai désirés par la suite lui ressemblaient un peu. » (Denis Daniel à propos de son amour de jeunesse surnommé « Pâris », dans son autobiographie Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 26) ; « Mon bien-aimé, je ne l’ai vu qu’une seule fois. Je ne l’ai plus jamais revu. C’était un Tunisien. » (Bruno Bisaro au public, avant d’entamer sa chanson « Aimez-moi », dans la pièce Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée, 2008) ; « J’ai une théorie. Les Alexandre sont tous beaux. » (l’écrivain Ron l’Infirmier, au micro de l’émission Homo Micro de RFPP, le 12 février 2007) ; « Évasions momentanées où ma conscience exigeait que tous les garçons ressemblent à Abdel. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de son coup de cœur pour Abdel, un délinquant tué par les flics, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 99) ; « À l’âge de 15 ans, se souvient Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895), il eut sa première éjaculation nocturne. À cet âge, il aurait été séduit par un homme de trente ans. Il était très attiré par des soldats de 20 à 22 ans, dont il faisait le portrait en secret, ce qui suffisait à l’enflammer. Selon lui, l’homosexualité était prédominante dans l’armée allemande. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 79) ; « Dans sa jeunesse, Thomas Mann a été éperdument épris de ce Paul Ehrenberg, fils d’un professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Dresde. Cette passion a été si forte qu’il évoque encore une trentaine d’années plus tard dans ses carnets intimes. » (idem, p. 120) ; « Vendredi 20 décembre 1918. [À une soirée au club] J’ai été accaparé par un jeune homme élégant au visage de garçon gracieux et un peu fou, blond, beau type d’Allemand, plutôt fragile, qui m’a rappelé Requadt, et dont la vue m’a sans aucun doute fait une impression telle que je ne l’avais plus constatée depuis longtemps. Était-il simplement en tant qu’invité au club, ou vais-je le revoir ? Je m’avoue de bon gré que cela pourrait devenir une aventure. » ; « Samedi 21 décembre 1918. […] Je voudrais, plein d’esprit d’aventure, revoir le jeune homme d’hier. – Neige. Le soir, gel. » (Thomas Mann, cité dans Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 121) ; etc.

 

On peut penser par exemple à l’« Hubert » de Jean-Luc Romero, au « Maximin » de Stefan George, au « Vic » de François Reynaert, au « Julien » d’Yves Navarre, au « Ninon Cesarini » de Jacques Fersen, au « Frédéric » de Nicolas Bacchus, aux « Luca(s) » de Philippe Besson, au « Dylan » de Jean-Claude Janvier-Modeste, etc. Au long de leur parcours affectif et sentimental, une grande majorité de personnes homosexuelle courent après un modèle précis de garçons (ou de filles, dans le cas lesbien) – que catalyse cet amant mi-réel mi-fictionnel idéalisé avec le temps et les sentiments – plutôt qu’après un être humain réel, vivant et debout. Dans le cas de l’amour homosexuel, le fantasme humanisé (autrement dit la projection narcissique) semble avoir précédé l’Humain. Par exemple, entre 1877 et 1879, quand il est professeur à Rethel, Paul Verlaine s’éprend de la copie conforme de Rimbaud, Lucien Létinois. Dans l’essai Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, Jacques, le vieux couturier, a pour modèle et amant le jeune cadet de 16 ans, Pedro, qui ressemble plus à une apparition divine androgynique qu’à un être unique incarné : « Il s’immobilisa, interloqué devant cette nudité inattendue. ‘C’est un rêve. C’est un ange descendu sur terre’, soupira le vieux couturier. » (p. 261)

 

Tableau Un Coin de table de Henri Fantin-Latour (avec Paul Verlaine et Arthur Rimbaud)

Tableau Un Coin de table de Henri Fantin-Latour (avec Paul Verlaine et Arthur Rimbaud)


 

Dans ses Mémoires (1996), Gore Vidal raconte qu’il pleurera toute sa vie son amour de jeunesse Jimmie Trimble, mort brutalement à 19 ans sur l’île d’Iwo Jima (« Je n’ai jamais rencontré de nouveau mon autre moitié. », p. 53), et qu’il cherchera à « mal remplacer » en couchant avec des hommes qu’il n’aimera jamais vraiment, comme pour se venger de ce cruel coup du sort… ou de sa propre naïveté à faire perdurer un amour irréel de manière si catastrophique. D’ailleurs, quand il a une aventure génitale avec son ami Jack Kerouac, il décrit comment l’image de son premier amant s’est superposée au second : « Sous la douche, l’espace d’un instant, il [Jack Kerouac] eut 14 ans ; je ne voyais plus le sombre Jack aux muscles relâchés, mais bien le blond Jimmie, sinon que Jimmie, à 14 ans, était à la fois plus sérieux et plus mûr que Jack… » (idem, p. 350)

 

Pier Paolo Pasolini, le réalisateur italien, était attiré par les jeunes hommes des quartiers populaires, et celui qui l’a assassiné (Pelosi) correspondait à leur typologie : « Pelosi avait le physique type de la beauté populaire des jeunes Borgatari. » (la voix-off du documentaire « L’Affaire Pasolini » (2013) d’Andreas Pichler)

 

Dans le discours de beaucoup de personnes homosexuelles, l’amant est présenté comme un être pluriel, divisé, portant différentes casquettes et masques, un homme multiplié comme un clone. « Manolo a toujours été mon père, mon frère, mon compagnon, mon mari, toute ma vie. » (Juan Rodríguez à propos de son copain mort Manolo, dans le documentaire « Católicos Gays » de l’émission Conexión Samanta sur Play Cuatro, diffusé en juin 2011) ; « Hier, épreuve singulière. Un inconnu, un M. Bessy, est venu me proposer d’écrire un essai sur les masques mortuaires de personnages célèbres. Il me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… Et tout à coup, le visage de Durieu que j’avais oublié et qui m’a arraché un cri : un visage d’ange résolu. Silencieux aussi celui-là, on ne le voyait pas, il disparaissait, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir sa beauté comme une brûlure, une brûlure incompréhensible. Un jour, alors que l’heure avait sonné et que la classe était vide, nous nous sommes trouvés seuls l’un devant l’autre, moi sur l’estrade, lui devant vers moi ce visage sérieux qui me hantait, et tout à coup, avec une douceur qui me fait encore battre le cœur, il prit ma main et y posa ses lèvres. Je la lui laissai tant qu’il voulut et, au bout d’un instant, il la laissa tomber lentement, prit sa gibecière et s’en alla. Pas un mot n’avait été dit dont je me souvienne, mais pendant ce court moment il y eut entre nous une sorte d’adoration l’un pour l’autre, muette et déchirante. Ce fut mon tout premier amour, le plus brûlant peut-être, celui qui me ravagea le cœur pour la première fois, et hier je l’ai ressenti de nouveau devant cette image, j’ai eu de nouveau treize ans, en proie à l’atroce amour dont je ne pouvais rien savoir de ce qu’il voulait dire. » (Julien Green parlant d’un ancien camarade de classe, dans son autobiographie L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24) ; etc.

 

Même si cela ne fera pas plaisir à tout le monde que je l’écrive, j’ai remarqué à de nombreuses reprises dans la réalité que lorsque les personnes homosexuelles vivaient un gros chagrin d’amour concernant une de leur relation amoureuse homosexuelle passée, ce n’était pas tant la personne de l’amant qu’elles pleuraient à chaudes larmes que l’illusion d’amour/d’identité que cette personne aimée soutenait comme elle pouvait : « J’écris pour retrouver Malcolm, évidemment, ou plutôt sa figure, ce qu’il représente. » (Hugues Pouyé parlant de son amant, dans le site Les Toiles roses, en 2009)

 

L’amoureux homosexuel préfère pleurer un amant trop brutalement disparu mais qui au moins confortera par son absence l’idée que l’« Amour homosexuel » existe éternellement (sans preuve concrète, tout paraît plus solide et vrai !) plutôt que de reconnaître qu’il n’a pas aimé vraiment, et que son amant, s’il avait été vivant, lui aurait offert une vie et un amour bien peu nourrissants. Le deuil lui permet de conforter incognito ses utopies amoureuses personnelles, de dorloter secrètement ses désirs narcissiques de mort, de cultiver son attraction abyssale pour l’amour impossible, et de mettre toutes ces manigances de Drama Queen à l’abris de la critique.

 

L’amant absent n’est finalement que le prétexte et la diversion d’une autre de nos peines, plus légitime cette fois : la tristesse de la pratique de l’homosexualité. Quand un « amour » homosexuel se termine, on désespère surtout du fardeau existentiel/du mensonge amoureux qu’on s’impose souvent à nous-mêmes à vouloir cet amour vrai, magnifique, et éternel ; on désespère de se relancer dans une recherche harassante des clones d’un amant possible mais peu idéal.

 

De ma propre expérience, j’ai rencontré dans le « milieu homosexuel » énormément de potes et d’amis qui m’ont confié en tête à tête qu’ils avaient l’impression d’enchaîner sans fin les « amourettes » peu comblantes, de courir après un amant immatériel, qui n’existait pas, et qui n’était que la projection idéalisée d’eux-mêmes. Un objet d’expiation de leur propre culpabilité de ne pas s’estimer suffisamment eux-mêmes, de ne pas se sentir aimés, ou bien d’agir homosexuellement. « Peu à peu, je fis mon chemin dans le milieu. Toujours dans un cadre très discret, je passais d’un appartement à un autre, d’un corps à un autre, aucune contrarié par le manque de plaisir, alors que dehors, j’étais l’être le plus anonyme dépourvu d’intérêt. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 114)

 

Dessins de Roger Payne

Dessins de Roger Payne


 

Par exemple, dans ses dessins pornographiques vintage réalistes, il est facile de constater que le nord-américain Roger Payne reproduit toujours le même type d’hommes, avec un visage et une pilosité identiques… comme s’il cherchait à donner corps à un pur produit de son imaginaire intérieur, à un être à figure humaine mais qui au fond n’existe pas dans sa réalité relationnelle concrète… comme s’il essayait finalement d’actualiser/de satisfaire par son crayon un fantasme mono-maniaque inaccessible.

 

Je sais, pour ma part, que mon désir homosexuel s’origine pareillement sur une fixation narcissique à mon propre reflet projectivement valorisé, puisque je ne suis attiré sexuellement et fantasmatiquement que par un seul type d’homme-image précis : les hommes hispaniques très poilus (ceux que je pourrais être aux yeux des autres). Autrement dit, mon homosexualité m’oriente vers des clones de moi-même, des « moi … mais en mieux », car dans la réalité, je n’ai jamais été attiré sexuellement ni par moi-même, ni par mon frère jumeau, ni par mon père, ni par mes copies conformes humaines. C’est pourquoi je parle bien ici prioritairement de clone, d’être fantasmé, d’homme-image, plus que d’un être de chair et de sang qui existerait dans mon histoire. Jusqu’à ce jour, je n’ai jamais su m’expliquer autrement que par un phénomène inconscient de « narcissisme imparfait » pourquoi mon désir génital homosexuel s’était durablement fixé sur cet archétype de masculinité très spécifique que je n’ai croisé ni à l’école, ni au collège, ni dans ma propre famille, ni dans mon entourage proche : j’ai toujours louché sur le carré de poils qui dépassait d’une chemise, exactement comme certains hommes dits « hétéros » loucheraient spontanément sur la poitrine des femmes… et cette obsession purement plastique et corporelle (quasi fétichiste et clonesque) reste une énigme pour moi, encore aujourd’hui.

 

"Livre blanc" de Copi

« Livre blanc » de Copi


 

Le clonage est aussi une réalité désirante collective : la communauté homosexuelle est connue pour être un concentré d’uniformité, une foule de personnes qui se croient originales mais qui se copient entre elles sous prétexte d’être en opposition avec les normes identitaires et amoureuses dictées par la société, sous prétexte de défendre une « égalité des droits » présentée comme indiscutablement juste : « Il n’y avait vraiment que des hommes sur cette plage. Tous des clones. […] Tous bodybuildés. » (Gaël-Laurent Tilium décrivant une plage gay d’Ibiza, dans son autobiographie Recto/Verso (2007), p. 216) ; « J’ai vécu assez longtemps pour savoir que j’appartiens à une certaine catégorie de femmes qui ne sont originales qu’en apparence. Quand je me rends dans une assemblée de deux cents goudous, je repère mes semblables au premier coup d’œil. Sans nous être concertées, nous arborons toutes la même panoplie, ce qui est la preuve que nous avons subi un conditionnement identique. » (Paula Dumont, Mauvais genre (2009), p. 8) ; « J’ai, au cours de mon existence, rencontré de nombreusesbutchs qui n’ont jamais ouvert que L’Auto Journal ou L’Équipe et qui me ressemblent comme des sœurs jumelles. » (idem, p. 87) ; « Sous l’apparence constitutionnelle de la liberté d’expression, les clones ont conquis le pouvoir des médias et se sont attribué le pouvoir de contrôler les sources d’information. » (Philippe Guillaume, La République des clones, 1994) ; etc. Par exemple, dans son autobiographie La Mauvaise Vie (2005), Frédéric Mitterrand décrit les « ballets de clones » (p. 331) gravitant dans le « milieu homosexuel » asiatique.

 

CLONAGE Stereotypes

« Nous demandons aux médias la fin des stéréotypes sur les gays ! »


 

Avant de s’étendre à tous les communautaires, à la base, le terme de « clone » ne concernait que les hommes « bear » : « Un clone est un homme qui travaille sa virilité. Dans sa version vintage de 1978, ça donne : moustache, barbe, gym, jeans 501, tee-shirt blanc et chaussures Red Wing. » (cf. la revue Têtu n°127, novembre 2007, p. 86) Mais avec le temps, on voit que le clone-bear a servi de prototype à de nombreux sous-ensembles de clones homosexuels.

 

En cherchant à devenir un seul et même modèle (= l’Homme-objet asexué, l’Androgyne tout-puissant), la grande majorité des personnes homosexuelles sont dans un processus inconscient de mimétisme d’elles-mêmes. Et elles s’étonnent ensuite d’être aussi facilement catalogables sous forme de grandes sous-parties homosexuelles marchandes (bear, daddy, minet, crevette, efféminé, fem, butch, etc.)…

 

Clubbing 100% gay et 100% hommes

Clubbing 100% gay et 100% hommes


 

J’ai déjà passé une soirée à l’Amnésia, la boîte parisienne de Johnny Hallyday, vers 2005, pour un tea dance exclusivement « réservé aux mecs », et j’ai vu de mes propres yeux une fosse – qu’on appelle aussi piste de danse – bourrée à craquer de plusieurs centaines d’hommes torse poils, huilés, épilés, et bodybuildés (beurk…), que je ne pensais croiser que sur les couvertures de Têtu, et qui étaient, vus de loin, de parfaits clones ! J’ai mesuré combien l’anti-conformisme et le poncif de la « différence à tout prix » n’étaient qu’une recherche voilée de conformisme qui ne s’assumait pas comme tel, que l’illustration d’une « diversité de supermarché » qui impose un seul modèle standard, déshumanisé.

 

Le clonage qu’incarnent ou qu’incarneraient les membres du « milieu homo » n’annonce rien de bon sur la qualité de leurs rapports amoureux : il est plutôt l’illustration que toute violence humaine vient souvent de l’excès de ressemblances, ou du désir d’uniformisme (appelé au mieux « jalousie », au pire « égalité »…).

 

Paradoxe du désir homosexuel (le désir idolâtre par excellence, c’est-à-dire un élan pour et contre lui-même) : le clone que les personnes homosexuelles recherchent – parfois toute leur vie – est en réalité un « tue-l’amour », un fantasme qui, dès qu’il se concrétise « le moins mal possible » à travers un amant plastiquement et comportementalement agréable, finit malgré tout par plomber le désir d’aimer, ennuyer profondément, et ne pas durer : « Pourquoi le cacher ? Il faut qu’une femme soit féminine pour m’attirer, les garçons manqués comme Martine, dans la mesure où ils me ressemblent trop, ne m’inspirent que des sentiments asexués » (p. 35) déclare la pourtant très masculine écrivaine Paula Dumont dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010).

 

J’ai souvent évoqué dans mes écrits la parenté existante entre homosexualité et gémellité (cf. je vous renvoie au code « Jumeaux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Et je crois qu’elle s’explique par le fait que l’amour homosexuel et la gémellité peuvent tous deux donner l’illusion de l’auto-engendrement de soi-même par soi (ou par quelqu’un qui lui ressemble vaguement), bref, l’illusion que le clonage humain est possible et beau, à travers la science, la Nature, ou l’« amour ». Or, bien entendu, les faits montrent que le couple homosexuel tout comme le duo gémellaire, s’ils s’apparentent à des formes de clonage, sont des faux clonages, des clonages incomplets… et souvent des clonages ratés quand les êtres humains se forcent à les croire complets et vrais ! En effet, même deux vrais jumeaux, tout en étant semblables et possédant le même patrimoine génétique, resteront uniques et non-identiques ; et dans un couple homosexuel, il faut peu de temps pour se rendre compte que son partenaire amoureux est à des années lumière de nous ressembler, quand bien même il ait de prime abord un corps semblable au nôtre !

 
 

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Code n°33 – Clown blanc et Masques (sous-codes : Carnaval / Bal masqué / Expressionnisme allemand)

clown blanc

Clown blanc et Masques

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Marlene Dietrich

Marlene Dietrich


 

En général, le masque est un transfert d’identité(s) quand nous ne pouvons/voulons plus manifester/assumer celle(s)-ci. Il a beau être expressif, en soi, il n’exprime rien. Il a besoin de l’Homme, de sa voix et de ses gestes, pour dire quelque chose, même si l’Homme qui le met s’en sert comme une loupe décuplant ses propres émotions qu’il cache/clame. Le masque catalyse donc tout à fait le double élan d’attraction-répulsion, de fantasme et de Réel, d’amour et de haine, compris dans le désir homosexuel. C’est pourquoi on voit dans les œuvres homosexuelles tant de masques, de chœurs de clowns blancs hyper-maquillés et expressifs (réagissant au meurtre, au viol, ou à la bêtise, que le protagoniste homo a commis sans en éprouver la honte ou la triste réalité), de visages (horrifiés ou hilares) typiques de l’expressionnisme allemand. Le clown blanc est l’allégorie du désir homosexuel, c’est-à-dire d’un fantasme de viol parfois actualisé.

 

Antony Hickling

Antony Hickling


 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Maquillage », « Ombre », « Doubles schizophréniques », « Androgynie Bouffon/Tyran », « Humour-poignard », « Homme invisible », « Quatuor », « Morts-vivants », « Poupées », « Main coupée », « Emma Bovary ‘j’ai un amant !’ », « Mort », « Cirque », « Appel déguisé », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Aube », à la partie « Autocensure anti-identitaire » du code « Déni », et à la partie « Chœurs de tragédie grecque » du code « Cour des miracles », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le clown blanc homosexuel, le masque-violeur :

CLOWN Mauvaise Éducation

Film « La mauvaise éducation » de Pedro Almodovar


 

Parfois dans les œuvres artistiques traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel est ce clown blanc bouche bée et stoïque de l’expressionnisme allemand. Les masques ont une place très importante dans la fantasmagorie homosexuelle : cf. le concert Les Murmures du temps (2011) de Stéphane Corbin (avec les clowns blancs du Cap Crimée), le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, le film « Raiponce » (2010) de Byron Howard (avec le clown blanc efféminé), la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le concert de Jean Guidoni (avril 2007) à la Boule Noire à Paris (avec les clowns blancs), le film « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, le film « Nosferatu » (1922) de Friedrich Wilhelm Murnau, le film « Metropolis » (1927) de Fritz Lang, la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro (avec la mention du masque grimaçant), la comédie musicale La Bête au bois dormant (version 2007) de Michel Heim, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant (avec la danse de Klein avec les lampes de chevet), le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse (avec le maître de cérémonie), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec les clowns blancs), le film « Amour toujours » (1995) de Gabriel de Monteynard, le film « En présence d’un clown » (1997) d’Ingmar Bergman, le vidéo-clip de la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer (avec les nains ultra-expressifs autour de la boîte sabrée renfermant la chanteuse), le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le recueil de poésies Sous le masque (1918) d’Émilienne d’Alençon, le film « Trois visages de la peur » (1963) de Mario Bava, le film « Visage pâle » (1985) de Claude Gagnon, le film « Outrageous ! » (1977) de Richard Benner, le film « La Surprise » (2006) d’Alain Tasma, le film « Changing Face » (1993) de Robert Tate et Robert Roznowski, le film « L’Examen de minuit » (1997) de Danièle Dubroux, le dessin de saint Sébastien (2001) de Thom Seck, la pièce Grand Peur et Misère du IIIe Reich (2008) de Bertold Brecht, le téléfilm « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure (avec la maison de Monsieur Leclerc, remplie de masques), la nouvelle Une Saison en enfer (1873) d’Arthur Rimbaud adaptée par Nâzim Boudjenah, le tableau Être… (2005) de Thierry Brunello, le roman Le Masque d’Apollon (1966) de Mary Renault, le film « Le Masque du démon » (1960) de Mario Bava, le roman Paradiso (1967) de José Lezama Lima (avec l’omniprésence des masques), le film « Mascara » (1987) de Patrick Conrad, le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa (avec les masques du magasin africain), le film « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud (avec les masques dans l’appartement du couple homo), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le film « Saturn’s Return » (2001) de Wenona Byrne, le roman Masque de chair (1958) de Maxence Van der Meersch, le film « The Owls » (2010) de Cheryl Dunye, le film « La Tentation du masque » (1987) d’Hisayasu Sato, la performance Golgotha (2009) de Steven Cohen, le film « Mascarade » (2012) d’Alexis Langlois, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs (avec les masques accrochés sur les murs de l’appartement de Ben et George), etc. On retrouve particulièrement l’expressionnisme allemand dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi, la chanson « Be A Clown » de Judy Garland, etc. Par exemple, dans la mise en scène de Cyrille Laïk et Suzanne Llabador (2010) de la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, tous les comédiens ont le visage maquillé en blanc.

 

Film "Cabaret" de Bob Fosse

Film « Cabaret » de Bob Fosse


 

Le masque a quelquefois une dimension amoureuse. « Je t’ai vu partir avec un masque de verre. » (Heiko, le héros homosexuel s’adressant à son amant Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) Par exemple, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Gabriel arrive devant son amant Alex avec un loup, un masque de carnaval vénitien. Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine, l’héroïne lesbienne, ment à sa mère en lui présentant son amante Carole comme une simple amie qu’elle aurait rencontrée dans un « atelier de poterie pour femmes ». Elle dit que Carole est spécialiste dans la confection des masques. Dans le film porno « Le Voyage à Venise » (1986) de Jean-Daniel Cadinot, les parties de jambes en l’air se déroulent en plein carnaval de Venise. Dans le roman Carnaval (2014) de Manuel Blanc, un homme homosexuel se ballade à Cologne, pendant le carnaval, et observe les événements derrière un masque, en se métamorphosant successivement. Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, le groupe homophobe/homosexuel refoulé des Virilius se cherche des masques pour opérer leurs actions-commando : des masques d’animaux, de DSK, etc. Jean-Jacques et Jean-Michel (le couple homo) trouvent finalement l’idée du masque blanc qui va être choisi comme symbole et signe de reconnaissance de tous les Virilius. Ces deux hommes voient le masque comme une preuve de leur « amour » naissant : « C’est drôle. Toi et moi. On a eu la même idée pour nos masques… » (Jean-Jacques à Jean-Michel)

 

Comédie musicale Les Divas de l'obscur de Stéphane Druet

Comédie musicale Les Divas de l’obscur de Stéphane Druet


 

Le clown blanc homosexuel (ou vu par le héros homosexuel) porte un masque « bruyant » pour cacher, par son vacarme, un drame ou une violence réel(-le). Il ressemble à la conscience expulsée du personnage (cf. je vous renvoie aux codes « Doubles schizophréniques » et surtout « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Il éteignit la lumière, puis tenta de faire une mise au point sur la fenêtre d’en face. […] Il lâcha les jumelles. Il les ramassa et regarda de nouveau. Dans une pièce aux murs couverts de masques africains, Martine Van Decker, immobile, murmurait d’interminables borborygmes en l’observant. » (cf. la dernière phrase du roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, p. 248) ; « Son visage était comme un masque, absolument sans expression. Elle se mouvait avec raideur, avec une précision singulière. […] Un cadavre… elle portait en elle un cadavre. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 258) ; « Il portait un chapeau dont le bord rabattu posait sur un visage blême et durci par l’âge un grand masque d’ombre que trouait le nez d’un blanc de cire. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 18) ; « un personnage à la fois comique et sinistre » (idem, p. 20) ; « J’ai vu un jour un homme dévoré par un masque » (le Réalisateur de la pièce El Público (1930-1936) de Federico García Lorca) ; « Ces masques tragiques de la souffrance universelle émeuvent plus fortement une sensibilité qui n’est pas encore formée que la mélodie argentine de Mozart. » (Stefan Zweig, La Confusion des sentiments (1928), p. 55) ; « Je nous revois sur les deux troncs d’arbre, comme des personnages en cire, soudain pétrifiés par la vision de l’énorme mâchoire se refermant sur le corps de notre… notre congénère disons. » (Ashe, l’un des personnages homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 179) ; « Vois la pénombre qui éclaire mon visage. On s’est dit ensemble si c’est là ton voyage. » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer) ; « Mais vous ne dites rien ? Regardez-moi. Je vous fais peur ? » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Tu passes des heures devant ton miroir, passées à mettre des crèmes et des masques. Et on ne voit même pas la différence. » (Michael, le héros homosexuel s’adressant à son colocataire aussi homo Harold, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Tu distingues vite les curieux des bouleversés. Les premiers ont des étincelles dans les yeux, t’examinent comme une femme à barbe dans un cirque ambulant. Les seconds affichent des visages pantelants, tragiques, et pleins de larmes. » (Félix, l’un des héros homosexuels du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 160) ; « L’homme se frotta les yeux et gémit. Il avait un crâne chauve constellé de taches de vieillesse ; sa bouche, large avec des lèvres fines, aurait été une bénédiction pour un clown. » (Jane, l’héroïne lesbienne décrivant le vieux Karl Becker, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 62) ; « La bouche d’Anna était du même rouge vif que son manteau, le fard étiré au-delà de ses lèvres pour former un arc de Cupidon. Des sourcils dessinés au crayon noir rappelaient les arches en forme de M de McDonald’s tracé sur sa lèvre supérieure. Toute trace de son ecchymose avait disparu sous un fond de teint de plusieurs tons plus clair que sa carnation naturelle. Jane trouvait le résultat horrible ; un genre d’automutilation. Si elle avait pu, elle aurait obligé la fille à se déshabiller pour examiner son corps en quête de cicatrices » (Jane décrivant la jeune Anna, idem, p. 88) ; « Lentement, délibérément, Anna leva son visage vers la lumière, telle une star du cinéma muet cherchant la caméra, et Jane vit qu’elle avait l’œil gauche noir et enflé. » » (idem, p. 121) ; « Ses lèvres fines étaient sèches et gercées, blanchies par le froid, mais sa bouche était toujours large et clownesque et il était facile de l’imaginer en train de hanter un cortège de fantômes. » (Jane décrivant le vieux Herr Becker, idem, p. 218) ; « T’as vu Ben ? On dirait le Joker sans maquillage ! » (Arnaud, le héros homo qui ne s’assume pas homo, parlant au téléphone avec son père de son amant Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « J’ai la physionomie d’un clown. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Je connais un clown noir qui déteste les Juifs. Il s’est maqué avec un groupe de clowns blancs qui détestent la Shoah. » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; « Ce soir, je vais vous jouer le blues du clown blanc. » (idem) ; « Toi, t’as l’air d’être un clown de chantier. » (Anwar, le héros homo, s’adressant à Éric, lui aussi homo, dans l’épisode 2 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc.

 

Film "La Piel que habito" de Pedro Almodovar

Film « La Piel que habito » de Pedro Almodovar


 

Par exemple, dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, Paulo est maquillé comme une statue de cire et arbore le sourire mécanique du clown triste. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud (tous les personnages homos sont des clowns blancs portant un masque. D’ailleurs, le Père 2 décrit son fils homosexuel comme « un machin pâlot et anémié », qui « traîne sa tronche grisâtre »… parce qu’en réalité, il le manipule et le vampirise totalement. Dans la pièce L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, Éric, le narrateur homosexuel, évoque les « têtes de clown, fixées à un ressort à spirale, jaillissant d’une boîte à malices » (p. 94). Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’un des deux héroïnes lesbiennes (avec sa compagne Dotty), balance de la farine sur la gueule de Molly, la petite-fille de Dotty. Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, le Coryphée est un homme travesti M to F tyrannique avec un look monstrueux à la Kiss. Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, les chanteuses du cabaret de travestis M to F où s’illustre Strella (le trans M to F) affichent des visages poudrées grimaçants. D’ailleurs, Mary, l’un de ses co-équipiers trans au seuil de la mort, déclare : « Je veux que mon visage ressorte blanc comme de la porcelaine. » Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, il y a la photo encadrée d’un clown blanc sur le piano du vampire homosexuel Pretorius. Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Daniel, le héros homosexuel, veut « arracher les faux visages » des gens parce que, petit, il croyait que les autres avaient deux visages (« histoire de visage derrière le visage ») et que derrière chaque visage il y avait le reflet de leur fantôme : le masque est vu comme le paravent de la mort. Dans la pièce Lettre d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga, la figure homosexualisée de Staline, le fameux dictateur, ressemble à un spectre, à un clown blanc. Dans le film « Seeing Heaven » (2011) de Ian Powell, le spectre au masque blanc vient hanter tous les lieux orgiaques (saunas, backrooms, etc.) où les protagonistes homosexuels se rendent, comme pour leur annoncer leur mort psychique et désirante. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, parle d’un « clown géant » auquel il doit faire face, lors d’un jeu de rôle où il ne distingue pas la réalité de la fiction. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, on aperçoit des mugs en forme de clowns blancs grimaçants au comptoir du bar-club gay Le Stud. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, et son amant Palomino, portent des masques de squelettes mexicains. Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Atos Pezzini, el Divo, homosexuel, interprète le rôle d’un clown blanc dans un opéra-bouffe interlope, Pagliacci : « Vieille pédale ! Va te faire enculer ! » lui lance une de ses partenaires de scène, échaudée.

 

Film "Holy Thursday" d'Antony Hickling

Film « Holy Thursday » d’Antony Hickling


 
 

b) Carnavals et bals masqués :

Brice Hardelin

Brice Hardelin


 

Beaucoup d’œuvres homo-érotiques choisissent comme cadres narratifs les carnavals et les bals masqués : cf. le film « 30° Couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue, la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, le concert de Mika à Paris-Bercy (avril 2010), le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, le vidéo-clip de la chanson « Mister H » d’Ina Mosha, le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, le film « Olivia » (1950) de Jacqueline Audry (avec le bal costumé), la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi (avec le bal), le film « The Hours » (2003) de Stephen Daldry (avec le bal masqué), le film « La meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller, le roman Le Bal du Comte d’Orgel (1921) de Raymond Radiguet, le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, le film « Le Bal des sirènes » (1944) de George Sidney, le film « Taxi Zum Klo » (1980) de Frank Ripploh, le film « Gilda » (1946) de Charles Vidor, le film « Le Bal des vampires » (1967) de Roman Polanski, le film « Bal de nuit » (1959) de Maurice Cloche, le roman Off-Side (1968) de Gonzalo Torrente Ballester, le roman A Sodoma En Tren Cobijo (1933) d’Álvaro Retana, la pièce Transes… sexuelles (2007) de Rina Novi, le film « Ich Möchte Kein Mann Sein » (1933) de Reinhold Schünzel, le film « Le Bal du vaudou » (1972) d’Eloy de la Iglesia, la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1, avec le Bal de Rentrée), le film « Le Bal des espions » (1960) de Michel Clément, le film « La Lettre du Kremlin » (1969) de John Huston, le roman Le Bal des hommes (2014) d’Arnaud Gonzague et Olivier Tasseri, le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus (avec le bal caritatif « Pervers & Mineurs »), etc. Par exemple, dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz, Daniel découvre l’homosexualité de son père en tombant sur des clichés de lui pendant une soirée costumée. Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, Dieu et le Rat se sont rencontrés au bal. Dans le roman Carnaval (2014) de Manuel Blanc, le héros homosexuel déambule dans la ville de Cologne (Allemagne), et passe de masque en masque à la recherche de son amant, perdu en plein carnaval. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, la première fois que Vita Sackville-West rencontre Virginia Woolf et qu’elle tombe amoureuse d’elle, c’est pendant un bal masqué au club de Bloomsbury.

 

« Je donne un bal. » (Evita dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Tout est permis au bal de Savoy ! » (Madeleine dans la comédie musicale Ball Im Savoy, Bal au Savoy (1932) de Paul Abraham) ; « Mes sœurs et moi, nous avons gagné le prix d’honneur au bal ! » (Jeanne dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « J’ai fait toutes les fêtes de France ! » (Zize, le travesti M to F du one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « La vie est une fanfare. » (cf. la chanson « Fanfare de nos vies » de Jann Halexander) ; « On est au carnaval, il paraît. » (l’organisateur en chef de la Gay Pride londonienne de 1985, rejetant Mark, le chef LGBT et son groupe de mineurs voulant intégrer le cortège, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « La vie est une fête ! On n’est que de passage. » (Guen, le héros homosexuel, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; etc. Par exemple, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel raconte que les gays adorent organiser des soirées déguisées à thèmes. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric le héros homo adore les bals : « Lui, pour le coup, a un vrai complexe de Cendrillon. » (Otis, le meilleur ami hétéro d’Éric, dans l’épisode 7 de la saison 1).

 

Le carnaval est le jour où toutes les inversions (sociales, sexuées et sexuelles) sont autorisées, y compris l’homosexualité : c.f. la pièce Three Little Affairs (2010) d’Adeline Piketty (avec l’histoire lesbienne entre Rachel et Ninette un soir arrosé de carnaval)

 
 

c) Le carnaval dramatique :

Film "Les Amants passagers" de Pedro Almodovar

Film « Les Amants passagers » de Pedro Almodovar


 

Souvent, dans les œuvres homosexuelles, les viols ont lieu un soir carnavalesque : c.f. le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki (où les viols se perpétuent pendant la fête d’Halloween), le film « La meilleure façon de marcher » (1976) de Claude Miller (dans la scène de bal masqué final, quand Philippe poignarde Marc à la jambe de manière totalement inattendue), le film « Hellbent » (2005) de Paul Etheredge-Ouzts (où tous les meurtres se déroulent un soir d’Halloween), le film « La Femme et le Pantin » (1931) de Josef von Sternberg (avec une Marlene Dietrich en cruelle reine du carnaval), le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, le film « A Festa Da Menina Morta » (2008) de Matheus Nachtergaele, le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec le délire carnavalesque des deux potes travestis Franck et Matthieu, juste avant le drame), le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti (Bram, le héros homo, organise dans la maison de sa tante, un bal masqué Halloween), etc.

 

« En principe à Mardi gras il fait beau. […] Il pleuvait et nous l’oubliions presque. » (Claudio, l’un des héros homos du roman Riches, cruels et fardés (2002) de Hervé Claude, p. 94)

 

Par exemple, dans la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983), le meurtre du barman a lieu un soir d’orgie, lors d’un « bal macabre » (p. 83) dans une backroom d’une boîte homo de Pigalle. Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Frank le mari de Ruth l’héroïne lesbienne, est assassiné le soir de la Fête patronale. Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, le carnaval est précisément le moment du viol : « Je vois que, tandis que le pauvre Silberman est assassiné dans les rotatives, à l’étage de la direction on ne pense qu’au carnaval. » (pp. 75-76) ; « Silvano fut réveillé en sursaut par le bruit des pétards et le vacarme dans la rue. […] Il se dirigea vers son bureau pour chercher un revolver […]. Des gamins déguisés arrivaient de la rue avec des serpentins et des tambours. […] L’intrusion des enfants ne prédisait rien de bon. (idem, pp. 170-171) ; « Serais-je en enfer, se demanda-t-il. À bien y penser il était bien possible qu’il fût mort depuis plusieurs jours. […] Les enfants de la rue, depuis que le carnaval avait commencé, ressemblaient de plus en plus à des démons. (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 174) ; « Il se dit : cette année, le carnaval devient sérieux. » (idem, p. 175) ; « Le vieux tremblait de peur. Lezama pensa que s’il l’emmenait au carnaval, il mourrait d’une syncope. » (idem, p. 179) Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, le sauna Continental-Opéra est le théâtre d’une explosion dramatique des chaudières en plein bal masqué : « C’est mardi, mais c’est Mardi gras. Aujourd’hui, les folles du Continental sont permises de se travestir, elles vont et viennent sans arrêt des galeries Lafayette qui se trouvent tout près, ce soir il y a un grand bal autour de la piscine. » (la voix narrative, p. 129) ; « Et c’est Paris au mois de mai. » (idem, p. 132) ; etc. Dans le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, la bande de morts-vivants hantant la maison de Marc et Emma a péri dans une boîte gay qui a brûlé dans les années 1970. Au deuxième et dernier acte de la pièce La Tour de la Défense (1981) de Copi, un hélicoptère s’écrase sur la tour voisine, et déclenche un incendie généralisé. Le carnaval se termine dans les flammes. Dans le film « Le Bal des 41 » (« El Baile de los 41 », 2020) de David Pablos, le bal gay final se termine mal : par l’arrestation des membres du club gay clandestin, une rafle, et la déportation.

 

La fête homosexuelle fictionnelle n’est qu’un écran, un masque, à la fuite du Réel, et parfois même au viol.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le clown blanc homosexuel, le masque-violeur :

Film "The rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

On retrouve l’attitude du clown blanc de l’expressionnisme allemand chez beaucoup d’artistes homosexuels ou transgenres : Yvette Leglaire, Grace Jones, Leigh Bowery, Klaus Nomi, ou encore dans le maquillage outrancier des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence (Dans le documentaire Et ta sœur (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin, la Mère supérieure des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence dit que « le maquillage blanc [qu’elles mettent sur leur visage] rappelle un peu le théâtre du Nô ») Par exemple, Marguerite Yourcenar est fascinée par les masques de Nô du théâtre japonais. Les metteurs en scènes Christophe et Stéphane Botti déclarent être attirés par le clown blanc du cinéma muet, ce « Charlot qui ferait le grand écart entre ses fantasmes et la réalité, un cœur tendre au pays des désillusions » (Christophe et Stéphane Botti, cités dans le livret « Courts mais gay », tome 8, Production Antiprod, 2004). Jean Cocteau était fasciné par les masques, à tel point qu’il a fini par les imiter : l’écrivain Ribadeau Dumas disait de ce dernier qu’il ne souriait jamais : « Cocteau offrait le masque tragique des figures de défilé, la tristesse maquillée du cirque. » (« Apuntes biográficos » de Jean Cocteau, sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) Dans son article « Deux Copi, conformes au maître » (dans le journal Libération du 31 décembre 1999), René Solis salue chez le dramaturge Copi « une souplesse de clown blanc ».

 

Le film autobiographique « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne commence justement avec une scène d’auto-maquillage de Guillaume, le héros bisexuel, qui se farde le visage devant sa glace de loges à la manière des masques du Nô.

 

Groupe Kiss

Groupe Kiss


 

Je vous renvoie également au film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar (avec l’hommage au groupe Kiss ; Kiss est d’ailleurs l’un des groupes favoris du chanteur gay du groupe Placebo), au roman autobiographique Confession d’un masque (1949) de Yukio Mishima, à l’essai La Vérité des masques (1891) qu’Oscar Wilde a écrit à propos de Shakespeare, à la photographe lesbienne Claude Cahun se grimant en clown blanc dans ses Autoportraits (1929), aux masques vivants des petits films « Screen Tests » (1964-1966) d’Andy Warhol », etc.

 

Claude Cahun

Claude Cahun


 

Alfredo Arias et Marilú Marini dans La Femme assise

Alfredo Arias et Marilú Marini dans La Femme assise de Copi

 

En général, les personnes homosexuelles attribuent au masque ou au clown blanc toutes les vertus : le mensonge, la dissimulation (par l’art, le sentiment, le génital ou le sensuel) diraient davantage le vrai que la Vérité-même, davantage le beau que la Beauté-même, davantage l’aimant que l’Amour-même. « La forme objective est en réalité la plus subjective. L’homme est moins lui-même quand il parle pour son propre compte. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité. » (Oscar Wilde, Intentions, cité dans la Correspondance 1945-1970 (1997) de Yukio Mishima, p. 15) ; « J’ai pratiqué l’art du masque. » (Dominique, témoin homosexuel dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) ; « Le motard est un cliché toujours à la mode dans le monde homosexuel, mais, dans le Frigo, je ne peux le définir que comme un clown blanc. » (Stoppani dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, pp. 61-64) ; « Tu ne m’avais jamais dit que mon grand-père faisait des masques de carnaval en papier mâché. » (Alfredo Arias parlant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 156) ; « Vos jeux sont dénués de calcul et de jalousie. » (la voix-off s’adressant à la Reine Christine et à son amante Ebba, s’embrassant sur la bouche et jouant à un bal masqué costumé, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; « Tu multiplies les fêtes tapageuses et les mascarades. » (idem) ; « Tu participes à un jeu dangereux en te dissimulant derrière un nouveau masque. » (idem) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre, Olivier, un agriculteur homo, a eu comme cadeau par sa femme un stage de clown ; et ce stage a fait ressortir son homosexualité latente : « Ça a alimenté mon désir d’être moi, de laisser exprimer ce que j’étais pleinement. » Léo Bassi est un activiste italien endossant le costume du clown blanc pour critiquer le relativisme ambiant et jeter des ponts entre le cirque et la politique, entre la salle et la rue, la scène et la réalité. Il parle du système libéralo-capitaliste mais aussi des valeurs humanistes, et d’homosexualité.

 

Léo Bassi

Léo Bassi


 

En réalité, le masque n’est pas toujours une loupe du Vrai. Il peut En être au contraire l’écran, et donc être la symbolisation de la lâcheté, de la peur, de l’orgueil humain, de la mauvaise action, du fantasme pervers. Ce n’est pas par hasard si, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans définit le désir homosexuel comme « l’instinct masqué » (p. 146). Le désir homosexuel, en s’éloignant du Réel (= la différence des sexes) et de Dieu, devient un élan honteux (de lui-même), violent quand il s’actualise, et donc un élan qui apprend très vite à la personne qui le ressent à manier l’art de la dissimulation, du masque, de la double vie, de la schizophrénie parfois : cf. le documentaire « Halloween Queen 1 » (1999) de S. Nhieim. « Et le jeune homme reste sur ses gardes, soupçonne qu’on le soupçonne, feint de feindre pour mieux dissimuler ; achète des livres traitant de l’amour hétérosexuel, prend des précautions avec ses amis, évite de confier son numéro de téléphone et ne reste pas indifférent au cours des entretiens où l’on démolit les pédérastes. Dans l’obligation personnelle d’avoir recours aux subterfuges, il sombre en général dans la dissimulation. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 12) Le masque est synonyme de bisexualité ou d’ambiguïté sexuelle : « Ces personnes à sexualité intermédiaire avaient la parole. Leurs lettres me parlaient. Et moi, je les écoutais, les persuadais même dans mes interrogations, d’assumer leur condition dans le respect des autres et de soi-même.  Ils démontraient bien cette envie de se livrer à des pratiques sous ce masque, qui paraissait déjà cependant la puissante figure du mensonge. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 105) ; « J’enlevais mon masque d’hétéro pour mettre mon masque d’homo, et inversement. » (Dan Savage parlant de la difficulté de faire son coming out, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.

 

Tableau Persée tenant la tête de Méduse de Franz von Stuck

Tableau Persée tenant la tête de Méduse de Franz von Stuck


 

Par exemple, dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier, le clown blanc est en réalité la personne transgenre (F to M), autrement dit la personne qui se prend pour l’androgyne. Chez le romancier Abdellah Taïa, il est l’icône monstrueuse de la femme-objet cinématographique adorée/détestée : « Sabah y était plus blonde et plus figée que jamais. Sa voix n’avait miraculeusement pas changé mais son visage blanc était devenu un masque, celui de la mort peut-être. » (Abdellah Taïa parlant du retour sur les écrans de l’actrice Sabah, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 67)

 

Le masque est une technique très courue des happenings de l’« art » contemporain bobo-bisexuel-asexuel, et mime une conscience qui désire se virtualiser, se matérialiser et finalement se déshumaniser : « Les éléments matériels, objets mous ou résistants, propres ou sales, utilisés selon leur nature, prennent, dans le Happening, une importance primordiale. Ce souci d’utilisation de la matière, qui fait que le Happening tient de l’art de la peinture, au moins autant que de celui du théâtre, apparaît encore dans une certaine façon de traiter les personnages comme des objets plutôt que comme des êtres individualisés. Souvent l’acteur est affublé de masques, de linceuls, d’enveloppes de carton, de toiles d’emballages, qui accentuent cette analogie entre l’acteur et l’objet matériel. » (Susan Sontag, « Les Happenings : Art des confrontations radicales », L’Œuvre parle, Œuvres complètes V (1968), p. 408)

 
 

b) Carnavals et bals masqués :

Film "Cabaret" de Bob Fosse

Film « Cabaret » de Bob Fosse


 

Les carnavals et les bals masqués sont des rites qui reviennent régulièrement dans la communauté homosexuelle, communauté qui voudrait célébrer son éloignement du Réel comme une fête éternelle, sans fin. « J’adore le Carnaval, les défilés, les carrosses, les chariots décorés. La seule chose qui me dérange, ce sont les types qui viennent pisser derrière nos arbres du trottoir. » (une des 3 tantes d’Alfredo Arias dans l’autobiographie de ce dernier, Folies-Fantômes (1997) de Copi, p. 111) ; « Il faut aussi savoir que, dans tous les départements d’outre-mer, la période carnavalesque restera encore longtemps un moyen d’expression classique aux homosexuels pour affirmer leur identité. Ce patrimoine national, spécifique à notre région, permet sans conteste aux homos antillais de se montrer à visage découvert. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, dans son roman autobiographique Un Fils différent (2011), p. 184) ; « C’est bien connu. Je fais tout le temps la fête et je me drogue. » (Peter Gehardt, ironique, dans son documentaire « Homo et alors ?!? », 2015) ; etc. Pour ma part, dans mon enfance, j’étais fasciné par le personnage d’Arlequin, les défilés de la mi-carême de ma ville natale (= Cholet), et par la chanson « Au bal masqué » de la Compagnie créole.

 

Bal au Magic City

Bal au Magic City


 

Dans le « milieu » LGBT, il y a toujours une très forte tradition de carnavals, de bals et de thés dansants costumés : par exemple le célèbre bal annuel donné dans les salons du Waldorff à New York, le Carnaval Interlope annuel de l’Élysée Montmartre à Paris (auquel j’ai déjà assisté plusieurs fois)… et bien sûr la fameuse Marche des Fiertés, une exportation nord-américaine qui s’est vite mondialisée.

 

Le Grand Bal Masqué de Versailles par Kamel Ouali

Le Grand Bal Masqué de Versailles par Kamel Ouali


 

La Gay Pride est un carnaval qui n’a pas conscience de lui-même, comme en attestent les témoignages des pionniers de la manifestation : « Le premier défilé d’homosexuels à Paris eut lieu en juin 1977. Je me souviens de notre départ de la rue Bonaparte jusqu’à Montparnasse ; cette marche eut lieu dans une ambiance festive et plutôt carnavalesque. Les pédés dans les rues, c’était du jamais vu ! Les badauds alignés sur le trottoir, ébahis, applaudissaient notre culot. Certains nous encourageaient à poursuivre le combat, pendant que d’autres exaspérés nous manifestaient leur hostilité. Cette première marche eut surtout un impact médiatique inespéré ; la presse écrite de gauche plaidait notre cause et la télévision commentait la ‘provocation’ : le courage de la minorité silencieuse prenait des proportions extraordinaires. » (Ednar, le héros homosexuel engagé au FHAR, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 173) C’est pour cela qu’il n’est pas très libre, et qu’il vire donc très vite à la violence (souriante, colorée, parodique). Il se gorge d’intentions pour éviter d’avoir à affronter son néant : « Les bals s’inscrivent dans une subculture minoritaire qui leur donne un sens politique. » (Jean-Yves Le Talec, Folles de France (2008), p. 154)

 
 

c) Le carnaval dramatique :

Vidéo-clip de la chanson "Optimistique-moi" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer


 

Dans ses essais et réflexions, et particulièrement dans Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), Philippe Muray dénonce l’envahissement de la vie quotidienne par la fête d’apparat : « La fête est la force motrice du monde post-historique. » (p. 26)

 

Et en effet, une fête qui est vidée de son Sens (= le Christ) part forcément en vrille. Elle se vit à la gloire de la jouissance d’une foule individualisée et égocentrée. C’est d’autant plus le cas lors des carnavals LGBT, vidés de Dieu, et où la pulsion sexuelle individualiste (et vaguement altruiste : il s’agit de défendre – avec un masque – toutes les pulsions individuelles) prime : « Quant à la visibilité des homosexuels, j’ai l’impression que c’est un peu un leurre. On ne s’est pas battu pour rien, mais la Gay Pride et le PaCS restent de fausses libertés ; on reste emprisonné dans un ghetto, et si on est visible, c’est derrière un paravent. » (Jean-Daniel Cadinot cité dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 72) ; « Je pense que derrière tout ce carnaval se cache une grande violence. » (Madeleine dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 266)

 

Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko raconte les soirées thématiques déguisées avec ses amis homos interprétant des personnalités comme Diana Ross, Barbara Streisand, Dalida, Sylvie Vartan… Il décrit surtout l’envers du décor : « On se haïssait. On se scrutait en chiens de faïence. Ainsi allaient nos humeurs. […] Des liens de rivalité et de dépendance, des uns par rapport aux autres, s’installèrent par la suite. Nous étions en fait des assoiffés du renouveau et du sexe, même si nos mœurs nous obligeaient à une pseudo convivialité. » (p. 141)

 

Robert Mapplethorpe

Robert Mapplethorpe

 
 

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Code n°34 : Coït homosexuel = viol (sous-code : Strangulation)

coït

Coït homosexuel = viol

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
Avis aux lecteurs : ce code contient des passages qui peuvent choquer les âmes sensibles ou les plus jeunes.
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Non, amis lecteurs, ce code ne présentera pas les actes homosexuels comme nécessairement dépravés, brutaux, avilissants, glauques, meurtriers, dénués de douceur, de beauté ou de spiritualité, ni des actes obligatoirement circonscrits au toucher ou à la pénétration … comme donnerait à le penser le signe « égal » de son titre. Mais au contraire il parlera surtout des actes homosexuels « hors milieu », doux, acorporel, parfois même uniquement verbaux ou visuels. Il abordera aussi bien la question des coïts homos que des simples baisers, échangés en rase campagne, loin des établissements du Marais, entre partenaires vivant une relation de fidélité honorable. Car même ces actes posés dans des cadres apparemment respectueux reposent sur la même violence, la même discrimination, que les actes qui sont posés dans l’obscurité d’une backroom de sauna : la violence de l’éjection de la différence des sexes, différence sur laquelle repose toute existence humaine et tout amour qui sait l’accueillir… même si cette violence sera bien sûr graduelle. Tout acte homo, même pas encore posé mais déjà prospecté et cru beau, est violent. Et à chaque fois qu’il est posé, l’exclusion de la différence des sexes se rejoue concrètement. Après, bien sûr, il a des contextes où cette expulsion est plus visible, plus nette, plus blessante. Elle a bien sûr des degrés de puissance, de violences et de gravité. Mais déjà, qu’on en ait conscience ou pas, qu’on enrobe cette violence (par la sincérité, par les sentiments, par l’esthétisme, par la bonne intention) ou pas, elle est là. Et ne sera pas sans effet dans l’insatisfaction, la déception, le malaise, ressentis y compris par deux partenaires de même sexe qui la pose en ayant l’impression d’accomplir un geste banal d’amour et de plaisir.

 

La violence lors du coït sexuel humain n’est pas le propre de l’homosexualité. Elle fait aussi partie du coït hétérosexuel (et beaucoup moins du coït femme-homme aimant). En revanche, je souligne qu’avec la pratique homosexuelle, l’expulsion de la différence qu’elle induit universellement est un facteur aggravant de violence.

 

C’est la raison pour laquelle ce code concerne spécialement les personnes homosexuelles qui sont persuadées qu’elles ne sont pas violentes quand elles embrassent leur copain (ou leur copine, pour les femmes lesbiennes) ou quand elles couchent avec ; et surtout les personnes pacsées, « mariées », en couple « fidèle et durable », connues pour être sobres dans leurs pratiques sexuelles, peu fantaisistes et peu identifiables comme « typiquement du ‘milieu’ », des crèmes de garçons ou de filles, quoi.

 

En revanche, les personnes homosexuelles qui trouvent que je n’exagère pas dans mes propos, celle qui sont conscientes d’être violentes quand elles pratiquent l’homosexualité, et qui font même parfois violence à leur partenaire en connaissance de cause (encore que… je me demande si on peut faire un geste pareil vraiment « en connaissance de cause »…), vous pouvez passer votre chemin !

 

Bref, autant dire que tout le monde peut rester 😉 ! Parce que je ne connais quasiment aucun individu homosexuel pratiquant qui, quand il sort avec quelqu’un, ou même devient violent avec lui, ne le fait pas par amour, par désespoir – jugé « beau » par le désespéré – , ou avec les meilleures intentions du monde… !

 

Il est étonnant de voir dans énormément de films traitant d’homosexualité – y compris ceux qui s’attachent à présenter l’amour homosexuel sous son meilleur jour (c’est ça le pire, cet écart prodigieux entre intentions et actes !) – que la scène de fornication homosexuelle ressemble à un viol, ou aboutit même carrément à un meurtre. On le voit bien : les réalisateurs homosexuels mettent en scène ce qu’ils ne veulent pas qu’on leur attribue. Cette représentation catastrophique de la copulation homosexuelle, mise en scène par les personnes homosexuelles elles-mêmes, est très inconsciente, est d’une naïveté inquiétante car elle laisse supposer pour le coup qu’elle s’actualise bien plus souvent qu’on ne le croie dans la réalité concrète… même si, une fois qu’il devient réel, le viol s’opère à visage caché, dans des contextes sombres qui ne seront pour la plupart jamais dévoilés au grand jour (intimité d’une chambre, pénombre d’un parc ou d’une ruelle, secret d’un échange porno entre deux webcam, cadre clandestin de la prostitution, affaires de crime passionnel étouffées par l’argument-bulldozer de l’« homophobie 100% hétérosexuelle », etc.). La difficulté du thème que j’aborderai ici, c’est qu’il est éminemment intime, tabou, honteux, et que la violence psychologique (faisant partie de la violence physique, en amont comme en aval) n’est pas immédiatement visible à l’œil nu, ni même scientifiquement quantifiable.

 

La question de la définition de l’acte homosexuel en tant que « viol » est épineuse, d’une part parce que le viol n’est pas l’apanage des individus homosexuels (bien des couples intégrant la différence des sexes se traitent mal ; et toute sexualité humaine, même aimante, comporte une part de violence, qui ne s’appelle plus « violence » quand elle est canalisée vers la vie et l’amour), d’autre part parce qu’il existe une gradation de violences y compris dans la catégorie très diversifiée des actes homosexuels (il y a quand même une différence objective entre les pratiques sexuelles qui se vivent dans une backroom, par exemple, et une gentil rendez-vous « câlins et massages ») ; et enfin, en troisième lieu, parce que le viol est en grande partie défendu et vécu comme un enchantement par les acteurs homosexuels eux-mêmes (cf. je vous renvoie surtout au code « Déni », ainsi qu’à la partie sur le « Désir de viol » dans le code « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Du coup, nous ne sommes pas aidés pour comprendre toute la violence immédiate et rétrospective de l’acte homosexuel fictionnel. Et pourtant, elle existe bel et bien, et reste à dénoncer !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Cannibalisme », « Symboles phalliques », « Vampirisme », « « Première fois » », « Adeptes des pratiques SM », « Corrida amoureuse », « Liaisons dangereuses », « Douceur-poignard », « Mort-Épouse », « Déni », « Désir désordonné », « Violeur homosexuel », « Scatologie », « Homosexuel homophobe », « Voleurs », et « Viol », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

Film "Cost Of Love" de Carl Medland

Film « Cost Of Love » de Carl Medland


 

Souvent, on entend dire de la part de personnes homosexuelles que les réticences (voire l’homophobie) des gens par rapport à l’homosexualité viendraient principalement du fait qu’ils ne supporteraient pas l’idée de voir deux mecs s’embrasser ou « s’enfiler ». Ils trouveraient ça gratuitement sale parce qu’ils feraient une incompréhensible allergie à la différence et à une expérience inédite, ils feraient mentalement une transposition exagérée de films porno-SM ou de leurs propres fantasmes cauchemardesques cachés sur leur propre réalité, et n’auraient rien compris des sentiments et de la douceur des « vrais » couples homos. En d’autres termes, la gêne des « hétéros » ne viendrait que d’un choc culturel, que d’un refus de comprendre et de tester l’acte homo ; en aucun cas elle se justifierait par les faits, ou par une violence objective des gestes amoureux homosexuels. 

 

Film "Les Mille et une nuits" de Pier Paolo Pasolini

Film « Les Mille et une nuits » de Pier Paolo Pasolini


 

Or, je crois que l’acte homosexuel – et je parle même du simple baiser, de la caresse – est en soi violent, même s’il peut être intentionnellement doux et respectueux. C’est ce qui le motive (un désir de fusion, un désir d’éloignement du Réel, un désir de se faire plaisir – ou à l’extrême inverse de s’oublier totalement en faveur du plaisir de l’autre – plutôt que de s’orienter vers la vie, une prévalence des intentions et des sentiments sur l’Amour en actes et sur l’horizon de sens-durée de ce Dernier) qui est violent. Beaucoup de personnes homosexuelles ne vénèrent pas véritablement l’autre puisque l’amour de sa chair va jusqu’à l’absorption symbolique. Fantasmatiquement, la distance entre le sujet et l’objet s’efface, et dans cet effacement le « je » se perd également, alors qu’il prétendait, par un rapprochement fiévreux à la réalité concrète, se retrouver lui-même. On voit souvent, dans les films comme dans la vie quotidienne, des amants se prier de se laisser respirer, de cesser de se marcher sur les pieds. La juste distance de vie entre eux deux n’est pas respectée au maximum. En termes de pulsions, aimer homosexuellement signifie chercher à posséder, à avaler, et même plus radicalement à faire disparaître l’être aimé par le désir d’absorption (cf. je vous renvoie aux codes « Fusion » et « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Quand certaines personnes homosexuelles embrassent leur amant (en discothèques notamment), il est fréquent qu’elles miment l’acte de dévoration. Elles savent très bien toute la part de bestialité qu’il y a dans leurs gestes, mais elles détestent se l’entendre dire, et la mettent sur le compte de l’expression fougueuse et spontanée de la passion (cf. je vous renvoie au code « Chiens » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Pourtant, la violence de la pulsion est bien là.

 

Si le désir homosexuel conduit à la beauté-laideur de l’humanité-bestialité, les actes génitaux qu’implique l’amour homosexuel constituent-ils pour autant un viol ? Voilà une question importante faisant peu débat, même si elle soulève un tollé général avant même d’être traitée. Je répondrai en disant « oui et non ». Pas autant et pas moins que la majorité des personnes homosexuelles ne le disent. Dans le sens génital et donc social du mot « viol », majoritairement non. Oui, au moins dans son sens symbolique, c’est-à-dire de la contamination des fantasmes sur la réalité concrète.

 

Ceux qui ne voient dans la sodomie qu’un viol obéissent à une croyance sociale absurde réduisant le rapport amoureux homosexuel à un acte bestial, purement compulsif, et dénué d’amour. Cette vision hétérosexuelle et homosexuelle des coïts homosexuels est souvent très éloignée de la réalité, car bien des accouplements entre amants homosexuels se déroulent pacifiquement, avec beaucoup de respect et de tendresse, sans forcément en passer par la pénétration anale. J’ai bien écrit « vision homosexuelle », car aussi curieux que cela puisse paraître, l’association de la sodomie au viol et à la bestialité ne vient pas uniquement des personnes homophobes : elle est aussi le fait des personnes homosexuelles. « S’il y en a qui connaît l’animal qui est en moi, c’est bien toi, non ? » (Pierre s’adressant à son amant Benjamin, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) Les scènes de viol homophobe, juxtaposées cinématographiquement à des scènes d’amour homosexuel ne manquent pas dans les créations homo-érotiques : le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne en fournit un parfait exemple. Chez beaucoup d’auteurs homosexuels, la pénétration anale est fréquemment présentée comme impossible ou ultra-violente. À l’image, beaucoup de personnes homosexuelles diabolisent la sodomie pour la pratiquer sans états d’âme dans la réalité concrète, alors qu’elle n’est ni un geste abominable ni un acte essentiel. Elles aiment nourrir l’inconscient collectif qui associe la sodomie à l’acte odieux, en profitant du fait que seuls ceux qui la pratiquent seraient autorisés à en parler en connaissance de cause et à la diaboliser. Elles amplifient alors iconographiquement la douleur qu’elle engendrerait, comme dans la scène des noces du film « Salò ou les 120 Journées de Sodome » (1975) de Pier Paolo Pasolini. Un certain nombre d’auteurs homos associent dans leurs créations le pénis de la pénétration anale à tous les symboles phalliques dangereux imaginables. La sodomie est souvent diabolisée, en même temps que sanctifiée. Elle ne convertirait pas le violé en maudit, mais au contraire lui révèlerait sa sainteté, son innocence de martyr. Je crois qu’ici la diabolisation de la pénétration anale est à prendre prioritairement dans son sens symbolique – le personnage homosexuel troue l’arrière-train de son compagnon comme une épingle perce un simple papier cartonné –, avant d’être considérée dans son sens « réellement fantasmé ». D’ailleurs, rien qu’en regardant les faits, on constate qu’entre hommes gays, la pénétration anale n’est pas tellement monnaie courante, du fait aussi de sa violence : « Quant aux hommes homo-bisexuels, […] la pénétration anale est souvent pratiquée par près de 25% d’entre eux (24,9% pénétration insertive et 24,1% pénétration réceptive) contre 2,5% chez les hétérosexuels. » (Enquête sur la Sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, p. 253) Même si le lien de causalité entre pénétration anale et viol est en lui-même absolument détestable et injuste, en revanche, il convient de ne pas relativiser ni de nier le lien de coïncidence. Car c’est le déni de ce dernier qui peut du coup rendre le fantasme du viol par la sodomie actualisable. Quand on demande en privé à certains hommes gays ce que la sodomie leur procure, ils sourient de l’incongruité de la question, puis finissent par cracher le morceau : « Pour tout avouer, ça fait pas du bien… » Biologiquement, la pénétration par l’anus ne va pas de soi, et peu de gens la trouve plaisante. La sodomie dit une sexualité par défaut. Les hommes gays font avec ce « trou corporel » (en plus de la bouche pour la fellation) parce qu’ils n’ont pas trop le choix ailleurs s’ils veulent pénétrer leur partenaire. Même si certains médecins affirment que la sodomie est sans danger, ils ne vont pas jusqu’à dire qu’elle est bonne pour la santé, ni respectueuse et fertile. Par la pénétration anale, on force un chemin qui n’est pas naturellement celui de la pénétration sexuelle classique. Il manque à l’endroit de l’anus les sécrétions vaginales : on est obligé d’user de produits artificiels, de vaseline, de lubrifiants, pour faciliter le passage du pénis. De plus, le sphincter de l’anus est puissant et parfois résistant, donc la sodomie peut causer une peine initiale, au moins un inconfort dans un premier temps. Certains hommes gays constatent également après avoir été pénétrés une période de constipation passagère, signe que l’acte sexuel de la sodomie bouleverse temporairement le métabolisme naturel des individus. Une pénétration anale ne se fait pas sans douleur. Dans les guides de kâma sûtra gay – qui mettent pourtant un point d’honneur à dédramatiser jusqu’aux pratiques sexuelles les plus avilissantes –, on insiste beaucoup sur la douceur et les précautions à avoir au moment de la pénétration, sur l’accoutumance du partenaire pénétré. Même si ce n’est pas clairement dit, la nécessité du forcing dans l’acte sodomite est implicite. Si la pénétration anale va en se banalisant dans les discours sociaux actuels, il ne faut pas oublier qu’au départ, elle fait mal aux personnes pénétrées et pénétrantes, pas seulement physiquement mais aussi psychiquement. Dans le film « Mauvaises Fréquentations » (2000) d’Antonio Hens, le personnage de Guillermo nous dit bien ce qui se passe la « première fois », et aussi pendant l’après-sodomie. « Je ne m’étais jamais laissé pénétrer. Mais il a dit que j’allais aimer, je n’avais qu’à me détendre. Malgré la salive et mes efforts pour me relaxer, ça faisait un mal de chien. Voyant qu’il n’y arrivait pas, il s’est mis à pousser de toutes ses forces. J’ai jamais eu aussi mal. Mais depuis, je me dilate sans problème. » Par la suite, beaucoup de personnes gays réécrivent l’épisode de la pénétration dans l’angélisme – la prostate serait même, selon certains, le « point G homosexuel » ! (pourquoi pas, après tout ?) –, ou se mettent à mépriser les partenaires sexuels qui mettent du temps à accepter la sodomie. Mais le malaise concernant la pénétration anale revient autrement dans le couple, généralement sous forme d’agressivité et d’indifférence mutuelles.

 

COÏT De mon sang

Film « Du même sang » d’Arnault Labaronne


 

Avant d’être plus rarement un acte réel, le viol est déjà un fantasme homosexuel. Toutes les personnes homosexuelles n’ont pas ressenti le viol ni ont été génitalement violées par leur amant du seul fait d’avoir pratiqué la sodomie. Il ne s’agit pas d’homosexualiser le viol, pas plus que de définir intégralement comme violent tout acte amoureux de nature homosexuelle. Une fois encore, j’insiste pour que soient laissés les emblèmes du désir homosexuel au pays des mythes et que nous ne les ramenions pas systématiquement à la réalité concrète, comme le ferait l’esprit cartésien, superstitieux, homosexuel, hétérosexuel, ou homophobe. C’est aussi la société qui nous apprend à trouver les actes homosexuels sales, alors que sur le coup et en soi, ils ne sont ni sales ni entièrement violents, et peuvent être dans le meilleur des cas l’expression de la force d’un amour authentique. Ils possèdent la dualité désarmante des réalités fantasmées : ils font à la fois beaucoup de bien et beaucoup de mal. Bien des accouplements homosexuels, incluant la sodomie et la fellation, restent tout à fait honorables. Cependant, ils leur manquent le respect corporel de la finalité symbolique, et donc procréative, de l’acte génital aimant et incluant la différence des sexes : si tout couple n’est pas tenu évidemment de « faire un enfant » à chaque fois qu’il « fait l’amour » – contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes homosexuelles qui reportent leur croyance en l’obligation de la procréation sur les institutions religieuses et la société « hétérosexiste » (il suffit d’écouter l’actuel pape Benoît XVI parler de la non-sacralisation de la procréation dans le couple femme-homme pour en voir le cœur net : « Même si la maternité est un élément fondamental de l’identité féminine, cela n’autorise absolument pas à ne considérer la femme que sous l’angle de la procréation biologique. Il peut y avoir en ce sens de graves exagérations, qui exaltent une fécondité biologique en des termes vitalistes et qui s’accompagnent souvent d’un redoutable mépris de la femme. […] Ce n’est pas en se contentant de donner la vie physique que l’on enfante véritablement l’autre. La maternité peut trouver des formes d’accomplissement plénier même là où il n’y a pas d’engendrement physique. », cf. « Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde », 2004) –, et que vivre le plaisir sexuel pour le plaisir sexuel n’est absolument pas condamnable, il y a cependant dans le coït femme-homme aimant, même non-procréateur, une annonce sous-jacente de l’enfant qui peut donner à l’union conjugale une ouverture qui tue l’égoïsme, une dimension supérieure que l’acte homosexuel, s’inscrivant davantage dans une perspective de l’instant que dans un projet de vie éternelle, ne possède pas.

 

Si le rapport entre viol et actes génitaux et corporels homosexuels doit être relevé, il faut veiller d’une part à ne pas faire du viol l’apanage des personnes homosexuelles – nulle sexualité n’est à l’abri du viol, que ce soit entre la femme et l’homme qu’entre semblables sexués (le mariage dit « hétérosexuel » peut aussi servir à camoufler des abus sexuels au sein de certains couples femme-homme ; La sodomie, par exemple, n’a rien d’une pratique proprement homosexuelle puisque 15% des hommes et 13% des femmes hétérosexuels l’exerceraient régulièrement ; cf. Alfred Spira, Rapport Spira Bajos, 1992). Par ailleurs, les Français (hétéros et homos confondus) pratiquant la pénétration anale restent une minorité. « En 1992, seulement 24% des femmes et 30% des hommes déclaraient en avoir fait l’expérience, alors qu’en 2006, ils sont respectivement 37% et 45%. » (Enquête sur la Sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, p. 276) –, et d’autre part, à ne pas réduire les rapports homosexuels à la seule pénétration anale. Je n’entends pas par « viol homosexuel » que l’analité ou la sodomie. Je prends soin de le souligner car en ce moment, un certain courant de pensée véhicule l’idée selon laquelle les « ennemis des homos » seraient hostiles aux couples homosexuels uniquement par dégoût de la sodomie, ou bien que les femmes lesbiennes seraient plus douces dans leur sexualité que les hommes gays, ce qui me semble être absurde. Le terme « viol » tel que je l’emploie s’applique déjà au simple baiser homosexuel et aux coïts lesbiens. Il ne saurait se réduire à la possession d’un pénis, car même les femmes lesbiennes peuvent désirer pénétrer, comme le montre les propos d’Élisabeth à son frère Paul dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville : « Je t’ai percé un jour, mon p’tit bonhomme ! » Beaucoup de femmes lesbiennes, à la sexualité pourtant débridée, sont les premières à se rassurer sur la non-violence de leurs accouplements : en se comparant à des hommes gays forts consommateurs de sexe, elles prétendent être plus « sentimentales » lors de leurs coïts, moins bestiales et moins portées sur le sexe du fait d’être femmes. Je veux bien admettre que la sexualité masculine soit par nature plus compulsive et hygiénique que la sexualité féminine, cela ne décharge en rien le désir et l’acte génital lesbiens de leur brutalité. Si l’accouplement lesbien ne dégageait aucune violence, il n’aurait pas envahi à ce point-là l’univers machiste du porno. Certaines femmes lesbiennes avancent qu’elles ne forcent pas des voies non-naturelles lors de leurs étreintes, et qu’en plus, leur coït serait « égalitaire » puisqu’il ignorerait les distinctions discriminatoires de la passivité et de l’activité induites par la pénétration anale ou vaginale. Mais le viol, s’il n’est pas, comme nous l’avons vu précédemment, réductible à la pénétration, peut être précisément dans l’absence de conflit des corps, dans l’invasion du fantasme sur la réalité concrète. La sexualité homosexuelle, parce qu’elle n’a pas l’aval de la Nature et qu’elle ne vit pas des bienfaits concrets de la différence des sexes, bascule malgré elle vers le mythe, la représentation fantasmatique, la prédominance du faire-semblant, le mime. En ce sens, elle traduit un désir de viol. Elle se manifeste par une propension plus grande à l’envie de possession, comme pour illustrer que la fusion des corps n’est pas un minimum complète et qu’il faut la forcer. Dans le coït femme-homme aimant, au contraire, il y a une nécessaire confrontation à la réalité symbolique de la différence des corps, un essentiel combat entre les partenaires qui laisse un espace à l’amour, à l’humour, et à la Réalité. La rencontre sexuelle grandissante ne se passe pas dans une exacte réciprocité, dans l’illusion d’une perfection désincarnée, dans une simultanéité partagée et mimée : la réciprocité implique justement un déséquilibre, un curieux va-et-vient, une plongée vers le mystère du sexe inconnu, un donner-recevoir, une confiance insensée… bref, une nécessaire inexactitude qui fait toute l’exactitude et la beauté du coït femme-homme désirant, même s’il n’est pas toujours parfait techniquement parlant.

 

Film "Broken Sky" de Julian Hernandez

Film « Broken Sky » de Julian Hernandez


 

La part fantasmatique me semble plus accrue dans les pratiques homosexuelles que dans la génitalité entre une femme et un homme dont les gestes sont davantage dictés par une correspondance des corps, un horizon procréateur, un ajustement des anatomies. La dissymétrie corporelle imposée lors des actes homosexuels est illustrée par la distinction actif/passif qui se maintient de manière tenace dans la communauté homosexuelle : beaucoup moins dans le couple formé par une femme et un homme, à qui il ne vient même pas à l’idée de se demander qui est l’actif ou le passif lors des coïts tellement les deux amants ont l’assurance d’être confirmés par la Nature, et qu’ils se savent acteurs ensemble de leur amour (la femme est active dans l’accueil !). Les personnes homosexuelles sont davantage obligées d’inventer des pratiques sexuelles qui, parce qu’elles les éloignent de la Réalité, rejoignent la réalité concrète de manière plus brutale, quand bien même elles désirent rejoindre intentionnellement la délicatesse. Bien entendu, les pratiques SM n’intéressent qu’une minorité d’entre elles, car la plupart ne supportent pas l’idée de soumission, de souffrance, de domination et de représentation dans l’acte sexuel. Mais quand la violence n’est pas ouvertement douloureuse, elle peut se traduire sous d’autres formes dans le couple homosexuel : la fougue, l’infidélité, l’attachement au sexe, la lassitude, le goût du paraître, la jalousie, le manque d’écoute et d’envie, etc.

 

Dans l’absence de résistances que semble offrir l’uniformité homosexuelle, dans la confrontation rassurante et terne des semblables, on retrouve la violence rose et policée des Barbie : celle qui cherche à préserver de toutes les aspérités du réel. Simone de Beauvoir décrit très bien sur certains passages du Deuxième Sexe (1949) la prédominance du fantasme sur la Réalité lors du coït lesbien : « Entre femmes l’amour est contemplation ; les caresses sont destinées moins à s’approprier l’autre qu’à se recréer lentement à travers elle ; la séparation est abolie, il n’y a ni lutte, ni victoire, ni défaite. […] L’anatomie préside à l’ordre des caresses, vouant la rencontre des corps de femmes au manque et au mime. » (Simone de Beauvoir, Deuxième Sexe (1949) citée dans l’article « Simone de Beauvoir » de Sylvie Chaperon, sur le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2002) de Didier Éribon, p. 67) Dans l’accouplement homosexuel, le viol se situe plus dans l’envahissement du mythe sur la réalité concrète qu’en actes désignés socialement comme « violents ». Que les personnes homosexuelles le veuillent ou non, la discordance corporelle lors des unions génitales homosexuelles fait de l’homogénitalité davantage une simulation d’orgasme qu’une communion réelle vécue à deux. Pendant le coït anal notamment, l’un des amants jouit ; l’autre se fait spectateur de l’orgasme du premier sur lui, et réécrit a posteriori son plaisir, qui reposera davantage sur l’avant et l’après lecture de la mise en scène de la rencontre sexuelle que sur l’expérience concrète d’un assouvissement partagé simultanément avec le partenaire. Cette approche du sexe est en partie désincarnée, déséquilibrée, et donc potentiellement sadomasochiste. La fellation, pratique qui n’est pas exclusivement homosexuelle mais qui reste très répandue parmi les hommes gays, est un autre exemple de spectacle idolâtre de la génitalité. Le fellateur s’abaisse devant l’autel du pénis de l’homme qui reçoit la fellation. Moins il y a de face-à-face dans les positions sexuelles entre deux personnes, plus nous nous éloignons du relationnel et rejoignons la violence infantilisante du mythe.

 

Film "L'homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

Il semble que, dans le rapprochement amoureux homosexuel, le passage violent du mythe à la réalité fantasmée s’initie bien avant le passage à l’acte génital et la pénétration anale ou vaginale. Le viol se limite au simple baiser sur la bouche. Quand on écoute certaines personnes homosexuelles raconter leur premier baiser homosexuel, on les trouve bizarrement peu enthousiastes. Elles ne sont ni dégoûtées, ni amusées, mais juste fascinées par un geste qu’elles situent davantage sur le terrain de la science-fiction que sur celui de la beauté mémorable. Il leur a souvent laissé une impression de catapultage forcé dans un monde inconnu, paranormal. « Nous nous sommes embrassées, et j’ai su que ma vie avait basculé. J’ai été projetée d’un monde à l’autre. J’ai été poussée. » (Corinne, témoin lesbien mimant le mouvement de projection violente vers l’avant avec la main, dans l’émission Ça se discute sur la chaîne France 2, le 18 février 2004) C’est comme s’il faisait passer brutalement du fantasme à la réalité fantasmée en entravant une liberté. Relativement nombreux sont les sujets homosexuels qui ont fondu en larmes quand ils l’ont reçu. Même dans les fictions, nous voyons quelques exemples de ce surprenant « baiser-homosexuel-qui-fait-pleurer ». « Et voilà que je pleure, sans expliquer pourquoi. G. me regarde avec une douce interrogation. Que lui dire ? Que je ne l’aime pas ? Ce n’est pas vrai. Aimer, c’est si facile. Que je l’aime moins ? Ce n’est pas vrai non plus. C’est autrement, voilà tout. Je pleure parce que je cède à mon désir de caresses. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), pp. 47-48) Il est parfois clairement associé au viol (cf. « Yossi et Jagger » (2002) d’Eytan Fox, « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, etc.). Le baiser homosexuel peut avoir la violence d’une caresse dénuée d’amour, comme le décrit Stefan Zweig dans son roman La Confusion des sentiments (1926) : « Ce fut un baiser comme je n’en avais jamais reçu d’une femme, un baiser sauvage et désespéré comme un cri mortel. » (Stefan Zweig, La Confusion des sentiments (1928), p. 126)

 

Film "Vil Romance" de José Celestino Campusano

Film « Vil Romance » de José Celestino Campusano


 

Bien souvent, l’initiation à la génitalité homosexuelle est vécue comme un traumatisme. Il n’est pas anodin que les artistes homosexuels traitent régulièrement des « première fois » dans leurs créations (cf. Dictionnaire des Codes homos). Même si les personnes homosexuelles n’ont pas le monopole du viol ou du fantasme de viol – beaucoup de jeunes filles ou de garçons hétérosexuels ont vécu leur défloration comme un viol. En revanche, je crois que leurs unions corporelles y sont plus biologiquement, corporellement, psychiquement, et symboliquement exposées que les unions entre la femme et l’homme, du fait de l’exclusion radicale de la différence des sexes dans tous les couples homosexuels, et de la nature du désir homosexuel, davantage tourné vers la réification. Si les jeunes adolescents homosexuels reculent au maximum l’échéance de leur premier « passage à l’acte », que la majorité d’entre eux sont allés à la génitalité « comme on va chez le dentiste », ce n’est pas sans raison. Il y a une violence dans l’acte génital (et simplement sensuel) homosexuel, qui reste difficile à définir, mais qui pourtant existe. Cela vaut le coup d’écouter les récits du premier rapport sexuel des personnes homosexuelles : on a parfois l’impression d’entendre une mise en scène de viol – et plus rarement un viol réel. Ceci transparaît parfois dans le discours des personnages fictionnels homosexuels. « La première fois, c’est toujours bizarre » avoue Julián, dans le film « Krámpack » (2000) de Cesc Gay. Dans « Quels adultes savent » (2003) de Jonathan Wald, le jeune Roy, demande à son amant qui vient juste de le déflorer : « On se sent toujours comme ça après ? »

 

Dans la bouche des personnes homosexuelles réelles, le sentiment de viol concernant le dépucelage se mêle souvent à l’optimisme forcé. « La première fois où ça s’est fait avec un garçon, c’était très fort… très violent. » (Denis, témoin homosexuel dans l’émission Bas les Masques, sur la chaîne France 2, en septembre 1992) Mais au final, la violence symbolique gagne tout le tableau. « Ça s’est passé mal, très très mal, parce que c’est comme si ça en rajoutait encore, en définitive. Le fait de passer à l’acte, pour moi, faisait que ça rajoutait encore de la complication à mon existence. » (Olivier, 37 ans, parlant de la découverte de son homosexualité et de son premier passage à l’acte homosexuel, dans l’émission « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) Il n’est absolument pas rare de rencontrer des sujets homosexuels qui ont vu leur amant effondré juste après qu’ils l’aient « déniaisé ». Sur le coup, ils n’ont pas saisi pourquoi. Ce dernier s’est tout de suite excusé d’avoir pleuré, leur a assuré que c’étaient des larmes de joie et de découverte, qu’elles étaient un soubresaut de culpabilité induite par le poids culturel (« judéo-chrétien » !) et éducationnel. Et l’énigme s’est approfondie sans trouver d’écho. Beaucoup de personnes homosexuelles ne peuvent même pas dire leur souffrance du viol à leur partenaire, car elles sentent qu’il ne pourra pas les comprendre. Et plus profondément encore, il leur est difficile de lui avouer un fantasme de viol – et plus rarement un viol réel – consenti à deux.

 

Film "Sex Life In L.A." de Jochen Hick

Film « Sex Life In L.A. » de Jochen Hick


 

En amour homosexuel, rapt et ravissement se confondent souvent. La lecture enchanteresse que beaucoup de personnes homosexuelles font de l’assemblage des corps entre semblables sexués n’efface pas la violence des fantasmes et des réalités qu’ils peuvent impliquer. En désir, bon nombre d’individus homosexuels veulent voler leur partenaire amoureux. Il est parfois possible d’en entendre certains affirmer textuellement qu’ils couchent avec de beaux garçons rien que pour leur « voler leur beauté » et se l’appliquer à eux-mêmes. Cette expression en dit long sur ce qu’est l’acte homosexuel dans son essence : un fantasme de vol motivé par un désir non pas seulement d’aimer l’autre pour ce qu’il est, mais aussi d’être lui et de se dérober à soi. C’est sûrement ce qui explique que dans beaucoup d’œuvres de fiction, les protagonistes gays se définissent comme des « voleurs » après avoir vécu leur première expérience homosexuelle. En image, les rapports corporels homosexuels sont fréquemment montrés comme des vols, des viols, voire des meurtres, comme on va le voir plus explicitement maintenant dans le « GRAND DÉTAILLÉ ».

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) La violence du coït masculin fictionnel :

Film "Kick Off" de Rikki Beadle-Blair

Film « Kick Off » de Rikki Beadle-Blair


 

Dans les fictions homo-érotiques, l’accouplement génital homosexuel est souvent figuré comme un viol, et s’achève parfois par la mort d’au moins un des deux amants : cf. le roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne, la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson, le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « L’Homme que j’aime » (2001) de Stéphane Giusti, le roman Querelle (1947) de Jean Genet, le film « La Ley Del Deseo » (« La Loi du désir », 1986) de Pedro Almodóvar, le roman Nicolas Pages (1999) de Guillaume Dustan, le film « Le second mari de Cléopâtre » (1998) de Jon Reiss, le film « Cruising » (1980) de William Friedkin (se déroulant dans le milieu sado-masochiste), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, le roman Eustace Chisholm And The Works (1967) de James Purdy, le film « Reflection In A Golden Eye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le roman Giovanni’s Room (1955) de James Baldwin, le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee, le film « Happy Together » (1997) de Wong Far-Wai, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le roman Radcliffe (1963) de David Storey, le roman Pompes funèbres (1947) de Jean Genet, les photos de Joseph Caprio (1992) (montrant la violence de la pénétration), la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec le coït violent entre Joe et Roy), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salo ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely, le film « Honey Killer » (2013) d’Antony Hickling, le film « Cannibal » (2005) de Marian Dora, le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart, etc.

 

Film "Les Damnés" de Luchino Visconti

Film « Les Damnés » de Luchino Visconti


 

Des allusions sont faites à la douleur provoquée par le coït homo, souvent sur le mode satirique, mais parfois sérieusement : « Toute sodomie commence par un viol. » (Paul dans la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) ; « Je reçois de la vessie un direct qui littéralement me casse en deux. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 28) ; « Tu avais mal à l’endroit du… coït. » (Dominique, évoquant à son pote Jérôme la folle nuit d’amour alcoolisée qu’il a/aurait vécu avec François le personnage homo, dans la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos) ; « Pourquoi être gay est-ce si difficile ? […] Je me sens mal. Et j’ai encore mal au cul… » (Eddie, parlant de la sodomie, et déçu que Scott l’ait dépucelé et pris pour un simple « plan », dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Je vais avoir du mal à m’asseoir pour un moment. » (Doyler, le héros homosexuel s’adressant à Anthony qui l’a sodomisé, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « Ça me plairait. Mais ça fera peut-être un peu mal. » (Doyler sur le point de sodomiser son amant Jim, idem) ; « Vous avez plus de chance que moi. Quand je ne me fais pas arrêter, mon client a une maladie vénérienne. » (Emory, le héros homosexuel efféminé racontant la promiscuité des saunas et des lieux de drague homosexuel qu’il fréquente, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc. Par exemple, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, le coït, selon Jean-Luc (le héros homosexuel), ça doit être « rapide comme une diarrhée ». Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, quand Citron, le héros hétéro, demande à Radmilo, son ami homosexuel, ce que ça procure l’acte homo (et surtout la sodomie), ce dernier répond : « Ça fait mal. » Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, se fait sodomiser par Palomino : « Ça fait mal. Ça pique ! Je vais vomir. Je saigne ! ». Ce dernier le rassure un peu : « Une vierge est censée saigner. »

 

Film "L'Homme au bain" de Christophe Honoré

Film « L’Homme au bain » de Christophe Honoré

Quelquefois, le viol est carrément filmé, et plus simplement suggéré. Par exemple, dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, Fefe force son amant Pietrino à faire l’amour avec lui. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, le coït homosexuel entre Vivi et Norbert est une simulation de hold-up. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca voit un de ses amants au lit comme « un braconnier » qui va le tuer pendant le coït : « Il m’a foutu la peur de ma vie ! » Il le voit comme un être virtuel : « Et moi, j’étais en dessous, et je tapais ESCAPE ESCAPE ESCAPE !! » Dans le roman La Ciudad Y El Pilar De Sal (1947), Jim viole Bob. Dans le film « J’embrasse pas » (1991) d’André Téchiné, Manuel Blanc se fait violer par un mec sous les yeux d’Ingrid. Dans la pièce Les Rats (2008) de Jean-Pierre Pelaez, l’accouplement homosexuel est associé à la bestialité de la fornication des rats. Dans le roman El Matadero (1838-1840) d’Esteban Echevarría, un jeune « unitaire » se fait sauvagement sodomiser par la barbarie « rosiste ». Dans le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, le jeune et beau Cédric veut sans cesse faire l’amour avec son copain Mathieu, mais ce dernier résiste : « Non ! J’ai pas envie… J’ai l’impression que tu penses qu’à ça… J’aime pas comment t’es ! » Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, pendant qu’Antonin et Hubert font l’amour, la chanson « Laisse-moi t’embêter » de Noir Désir passe en fond sonore. Dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, au moment du coït, Raúl se montre à chaque fois très brutal avec son jeune amant Roberto : « Pendant nos rapports, tu as été assez violent. » avoue sans grande résistance ce dernier ; à l’écran, leur tout premier ébat nous est clairement présenté comme un viol (on voit le pauvre Roberto hurler à Raúl : « Tu vas me faire mal !!! […] Ça fait mal !!! »). Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, Malik, le héros homosexuel, se fait pénétrer sauvagement par un inconnu dans la rue. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Paul force son amant Jack à faire l’amour avec lui : à la fin de l’agression, Jack lui dit qu’il « l’a foutu en l’air ». Dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre, le coït dans la backroom est présenté comme un viol, le prostitué Rubén semble faire « payer » physiquement à son client le fait que ce dernier le paye financièrement (il lui « bourre » l’arrière-train comme un malade). Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, les premiers contacts corporels entre Marc et Engel sont particulièrement violents : Marc part en courant, se débat ; ils se battent au judo ; ils se blessent lors d’un exercice de simulation d’émeute. Dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, le héros homo fracasse le crâne de l’homme qu’il vient d’embrasser sur la bouche dans un vestiaire de douches à la piscine : il finit par le tuer. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso Davide, le héros homo de 14 ans, est enculé contre un mur en verre, sur fond rouge, par un autre prostitué.

 

Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Omar supplie à son amant Emmanuel de ne pas le pénétrer (« Arrête ! Arrête ! Non. »), mais ce dernier n’a que faire de ses plaintes et le viole tout en feignant de lui demander l’autorisation (« S’il te plaît… S’il te plaît… ») ; une fois qu’Emmanuel a fait sa petite affaire, Omar s’en va contrarié (« Ça y est ? C’est bon ? Tu t’es vidé ? J’peux me rhabiller ? »). Un peu plus tard, on revoit Emmanuel en pleine action de viol sur un jeune étudiant en histoire, au départ consentant, mais qui va le regretter puisque cela déchaîne la hargne de son agresseur, qui lui flanque plein de fessées, le bat, s’apprête à l’étouffer.

 

Le viol que le protagoniste subit n’est pas nécessairement lié au toucher ou à la pénétration. Il peut s’agir d’un viol psychologique, verbal, tout aussi perturbant. « On se contamine si facilement quand on couche ensemble. » (Léopold s’adressant à son amant Franz, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « J’ai juste envie de vomir à chaque fois que tu me touches. » (Édouard parlant à son amant Georges, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; etc. Par exemple, dans le film « Bulldog In The Whitehouse » (« Bulldog à la Maison Blanche », 2008) de Todd Verow, la sodomie est présenté comme l’instrument de pouvoir et de domination qu’utilise Bulldog sur le secrétaire de presse. Même le personnage « passif » peut violer : « Les mecs passifs et menteurs, ça existe. » (Davide, un des potes gays de Tommaso, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek)

 

Film « Entre couilles » (2012) de Sadri Tijani

 

Il est fréquent que la violence du coït homosexuel n’apparaisse pas clairement comme choquante, y compris au regard des victimes qui le subissent et qui, bien souvent, font une relecture enchanteresse postérieure d’un acte qu’elles ont quand même « un peu voulu » dans leur tête et dans leur cœur : « Ce fut doux et violent. » (Jean-Marc en parlant du coït qu’il a vécu avec Michael, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 256) ; « On se bastonne entre mecs. Et puis après, on fait l’amour. » (Arnaud, le héros homo parlant de son amant Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Je l’aime à son corps défendant. » (cf. la chanson « Les Mauvais Choix » d’Étienne Daho) ; « Cette violence nous rassemble. » (le juge Kappus au sujet de Julien, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 184) ; « J’aime trop pétrir ses fesses de coureur, me coller à son dos cambré de statue. Je le renverse dans le lit : il m’est livré. Il est à moi. Alors je sais que son sexe m’appartient. Je le saisis d’un coup, son sexe bandé et chaud dont il est si fier, son gros membre de beau garçon. J’avale son gland rose, son bourgeon gonflé prêt à donner sa sève. Je le sens si bien quand il me prend, bien large et vigoureux. J’aime qu’il me déchire, qu’il m’éventre tout entier du bas en haut. Enfin, je suis si terriblement heureux quand je danse empalé sur lui. » (le narrateur homosexuel du roman Chambranle (2006) de Jacques Astruc, p. 97) Par exemple, dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, quand Ed exprime ses remords à Arnold son ex-amant (« Arnold, je ne suis pas sûr que quand on couchait tous les deux c’était aussi satisfaisant pour moi que pour toi. Quelquefois, c’était un peu violent, un peu trop déchaîné. »), ce dernier ne voit pas où était le problème (« C’est drôle. Moi, j’demande que ça. » lui répond-il). Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, quand Linde est prise de remords de coucher avec Anamika, une jeune femme de vingt ans de moins qu’elle (elle a l’impression de la violer, exactement comme les agresseurs masculins d’Anamika qui l’avaient violée dans un bus : « Je pense que nous devrions arrêter. Parce que tu es jeune et que je suis vieille. Parce qu’ils t’ont agressée, mais que je suis tout aussi coupable qu’eux. […] C’est à peine si tu as l’âge d’être consentante. C’est du détournement de mineur. », pp. 120-121), Anamika ne riposte pas, et s’étonne même des excuses de sa compagne : « Pourquoi tu dis ça ? »

 

On retrouve bien ce déni du viol génital dans le discours des protagonistes du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz. En effet, Simon, l’un des protagonistes homosexuels, se fait sodomiser par un inconnu dans un coin du Louvre : « Dans une odeur de pisse rance et de merde, sur des capotes souillées, il me fait l’amour. Égoïstement, avec gaucherie. C’est rapide, douloureux, brutal. Il hurle sa jouissance qui arrive, me mord l’oreille, jouit, se retire et le temps que je me retourne, que je lui offre un regard plein de reconnaissance pour sa bite en moi, il dit ‘Je dois aller bosser, je suis en retard’. » (p. 15) Il se justifie d’éprouver du plaisir dans l’acte homosexuel, et spécialement la sodomie, même si ses propos restent très ambivalents : « C’est bon et douloureux à la fois. » (idem, p. 27) ; « (Ça me blesse un peu) Mais c’est pas ça ! C’est pas choper quelqu’un et le baiser. Chuis pas un chien. C’est prendre ce que tu as de plus intime, tu vois, ton cul, et boum, tu le donnes, tu l’offres, comme le plus beau cadeau que tu puisses faire à quelqu’un. Ça fait mal de se faire enculer, même après des années de pratique. Ben c’est pas anodin d’aller chercher de la douleur chez quelqu’un. […] J’ai besoin d’un amour en forme de bite dure qui me rentre en dedans. […] C’est pas vain, parce que la douleur, je l’ai longtemps pour moi. C’est ça ma preuve qu’on m’a aimé, même cinq minutes, même dans le froid, même mal. Ma preuve d’amour c’est l’érection du mec et ma preuve que je suis en vie, c’est la douleur qu’il me laisse après. » (idem, p. 16) Quant à Mike, le narrateur de l’histoire, il cautionne également la violence de l’acte homosexuel, dans une nonchalance qui laisse pantois : « Je m’ennuie un peu, mais je joue le jeu de l’excitation. Ça dure longtemps. De lassitude, je finis par supplier à son oreille ‘Prends-moi, putain, défonces-moi, steplé.’ P. devient encore plus animal, presque violent, il déchire un peu la corolle de mon téton droit en le pinçant, me mord les oreilles, respire en crachotant dans mon visage, serre avec ses genoux mes deux jambes l’une contre l’autre tout en donnant des coups rageurs de bite entre mes cuisses. Je sens ruisseler cette petite vague de foutre qui se déverse tandis que P. est pris de spasmes. Il gesticule encore quelques secondes au dessus de moi, puis s’arrête et s’abandonne de tout son poids sur moi, comme un corps mort. » (Mike, idem, p. 44) ; « Quand c’est fini je lui caresse les cheveux. Il transpire, son front est humide. Il me dit ‘tu m’as fait mal’. Sa voix est étreinte par l’émotion. Je lui réponds : ‘C’est pas ce que tu voulais ? » (Mike à propos de son amant « R. » qu’il a pénétré, op. cit., p. 69) ; etc.

 

Film "Presque rien" de  Sébastien Lifshitz

Film « Presque rien » de
Sébastien Lifshitz


 
 

b) Pas plus doux entre femmes, faut pas croire ! :

Film "Lesbian Psycho" de Sharon Ferranti

Film « Lesbian Psycho » de Sharon Ferranti


 

Certaines héroïnes lesbiennes se targuent d’être « plus douces », « plus sentimentales », et « moins brutales » dans leur coït que leurs homologues masculins (« hétéros » comme gays). Mais à l’écran ou sur papier, on a des surprises ! Leur lecture angéliste, sexiste, et misandre, de la sexualité lesbienne rentre très souvent en porte-à-faux avec ce qui nous est montré (par elles ! c’est ça le comble) sur nos écrans et dans les discours : je vous renvoie à des œuvres telles que le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui (où la gendarmette et sa voleuse font l’amour ensemble), le roman Deux Dames sérieuses (1943) de Jane Bowles, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, le film « Looking For » (2006) de Michelle Pollino, le film « The Return Of Post Apocalyptic Cowgirls » (2010) de Maria Betty, le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman, le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose-Marie, le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, le film « Agathe et Lou » (2013) de Noémie Fy, le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec l’écolière agressée par sa camarade sous la douche), etc.

 

Par exemple, dans la nouvelle « Une Langouste pour deux » (1978) de Copi, un parallèle direct est fait entre la scène d’amour lesbien qui unit Marina et Françoise, et la séance de torture entre les deux enfants François et Ludovic : « François lui enfonça le manche de la pelle dans l’anus de Ludovic et se mit à sauter sur lui ; cependant, François serrait très fort la main de Marina. » (p. 83) Dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa raconte ses étreintes torrides avec Tatiana (« enlacées comme deux petits bagarreuses ») qui prennent l’allure d’un rapt : « Elle me bâillonnait la bouche. » Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, on ne compte pas moins de quatre scènes et demi de pur sexe, dont certaines sont tellement interminables et poussées que même les deux actrices se sont en tournage considérées traitées comme des « prostituées » par le réalisateurs.

 

Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, quand Polly, la meilleure amie lesbienne de Simon, lui apprend comment s’est fait sauter dessus par sa « folle » de copine Anna (« J’ai poussé la fenêtre qui donnait sur sa chambre, plongée dans le noir, et dès que j’ai posé le deuxième pied à l’intérieur, elle a surgi de l’ombre et d’un coup, elle a posé sa main sur ma bouche, m’a plaqué face contre le mur. D’une seule main, elle a ouvert mon slim, et elle a glissé des doigts qu’elle avait mouillés préalablement dans sa bouche. Au début, j’avais mal, mais elle a continué en m’insultant. Si je gémissais, elle me mettait des baffes […] elle m’a attaché les poignets, bâillonné la bouche et elle m’a godée à fond, et juste avant que je jouisse une deuxième fois, elle a arrêté. Elle m’a libérée, elle m’a mise à genoux devant elle et elle m’a obligée à la lécher, à la faire jouir. Après, elle m’a laissé en plan, elle a dit ‘maintenant, je suis crevée, on dort’. », pp. 33-34), Simon s’insurge à sa place, en dénonçant la violence de leur coït : « Je trouve ça glauque. Pas l’homosexualité féminine, mais entendre quelqu’un raconter qu’il s’est fait violer et devoir trouver ça normal, ça me saoule. » (p. 34) Mais Polly a l’air de trouver que le viol est normal, car il serait compris dans la fougue passionnelle de la copulation lesbienne : « Je suppose qu’elle pense que le sexe lesbien est forcément violent. » (Mike, le narrateur, idem, p. 47) ; « Dans le sexe, c’est surtout Claude qui parle, qui dit ‘Maintenant je suis un mec, je viens de te voir passer devant moi dans la rue, je te chope dans un coin sombre et je te baise comme la belle salope que tu es…’ Polly aime bien être passive, ça l’arrange que Claude veuille toujours être dominante. » (cf. la description du couple lesbien Polly/Claude dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 74) ; etc.

 

La violence du coït homosexuel ne se situe pas forcément dans une brutalité objective mais plutôt dans la fuite de la Réalité et de la différence des sexes. C’est pourquoi elle se retrouve aussi, et de manière d’autant plus surprenante, dans les coïts fictionnels lesbiens. Au départ, le personnage homosexuel féminin ne mesure pas le danger qui se profile, bien au contraire : « Mathilde me domine de son mètre soixante. La victoire se lit dans ses yeux, une victoire sans défaite, sans bataille, sans adversaire. Voilà ce que le sexe a de fabuleux : rendre loisible à chacun, quelle que soit sa position, de savourer son triomphe hors d’une quelconque rivalité avec l’autre. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 62) Une fois la juste et nécessaire violence/réalité de tout coït humain évacuée, le clone travesti de cette dernière s’infiltre, mais cette fois de manière plus voilée, plus pernicieuse, plus inattendue, plus grégaire : « Dès la porte de sa maison franchie, nous nous étions ruées l’une sur l’autre et avions fait l’amour telles deux furies. Notre voracité avait de quoi surprendre. » (idem, pp. 8-9) ; « Je comprends le sens du verbe baiser. Je vais la prendre, la niquer, la mettre… Pas dans l’immédiat mais c’est exactement ce qui va se passer. Un instant, je suis marrie de ce constat : il choque mes principes ; il s’oppose à l’idée que je me fais de l’amour. Mathilde n’est pas un objet ; je ne peux me résoudre à adopter un comportement et des pensées à l’allure si misogyne. » (idem, p. 21) ; « Je veux qu’elle me prenne, presque qu’elle me fasse mal. » (idem, p. 23) Le viol passe inaperçu car il est scellé par le consentement mutuel entre les deux femmes (sachant qu’en réalité, le consentement n’a jamais été un gage de véritable liberté ni de respect en amour) : « Je me souviens simplement de mes gestes, de l’avoir poussée vers son lit, et, allant droit au but, d’avoir constaté que son désir était aussi violent que le mien. » (Suzanne à propos d’Héloïse, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 306)

 
 

c) Lors de l’accouplement homo, l’un des deux amants tente d’étouffer ou d’étrangler son compagnon :

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock


 

Comme pour illustrer que le problème majeur du couple homosexuel est celui du rejet de la différence des sexes, et donc plus foncièrement celui du manque d’espace de chasteté qui permet une relation d’amour sereine et une assise solide dans le Réel, de nombreux romanciers, dramaturges, et réalisateurs homosexuels mettent en image des scènes d’« amour » homosexuel où les deux protagonistes s’empêchent de respirer, s’étripent, se tenaillent la gorge, se tordent littéralement le cou !

 

Film "Drôle de Félix" d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Film « Drôle de Félix » d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau


 

Je vous renvoie aux meurtres des amants homosexuels par strangulation dans le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky (avec la scène finale où Mona tente de noyer sa copine Tamsin), le roman Un Anneau d’argent à l’oreille (1982) de Tony Duvert (avec le Professeur Brisset, retrouvé étranglé dans son hôtel particulier de Neuilly), le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau (qui s’achève par le crime sur la couche : Henri étrangle Jean puis se met à pleurer sur son cadavre nu), le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner (avec les coup de ciseaux et l’étouffement par oreiller entre amants), le film « L’Étrangleur de Boston » (1968) de Richard Fleischer, le film « Contradictions » (2002) de Cyril Rota, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Rope » (« La Corde », 1948) d’Alfred Hitchcock, le film « Dial M. For Murder » (« Le Crime était presque parfait », 1954) d’Alfred Hitchcock, le film « Casualty » (1999) d’Andy Abrahams Wilson, le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron (quand à la fin Paulo tente d’étouffer son copain avec un oreiller), le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, la pièce Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi (où Madame Lucienne a été étranglée d’une seule main), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (où Wilma, le flic travelo, aurait tué son amant par strangulation), les film « New Wave » (2008) et « Notre Paradis » (2010) de Gaël Morel, la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell (dans laquelle Tania, l’héroïne lesbienne, est soupçonnée d’avoir cherché à étrangler Léa au judo), le film « Cost Of Love » (2010) de Carl Medland, le film « L’Étrangleur » (1970) de Paul Vecchiali, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (Lorelei essaie de tuer sa copine Stella par strangulation), le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec Charlène qui finit par étouffer son amante Sarah avec un coussin), le vidéo-clip de la chanson « Ça fait mal et ça fait rien » de Zazie, etc.

 

« Aïe ! Aïe ! Aïe ! Vous m’étranglez ! » (le personnage de Pédé se faisant enculer par le travesti Fifi, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Plus j’aime quelqu’un, plus j’ai envie de le tuer. […] Moi, c’est parce que je t’aime que je veux te tuer. […] Je pourrais t’étrangler. » (Cherry à son amante Ada, dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Adam introduisant son membre urino-reproducteur dans le derrière d’un canard tandis qu’il l’étranglait. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 88) ; « Cinq autres [hommes] s’emparèrent de l’albatros pour lui enfoncer une bouteille de bière dans l’anus tout en l’étranglant. » (idem, p. 139) ; « Tu m’as étranglée. » (Joséphine à sa sœur Fougère, dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Au moment de jouir, j’exulte et je l’égorge. » (le vampire Prétorius, racontant une de ses aventures sexuelles avec un homme, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander)

 

Quand Querelle étouffe son amant arménien dans Querelle de Brest (1947) de Jean Genet, il lui vient à l’esprit que le visage de l’homme étranglé ressemble au sien quand il éjacule. Dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, Veronika « viole » (pour ainsi dire, car l’acte ressemble à un cauchemar) Nina, et l’étouffe avec un coussin. Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, pendant que Luc et Jean font l’amour sous la douche, le premier essaie de noyer le second. Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, tandis que Dorian embrasse le peintre Basile, il l’étrangle jusqu’à le faire mourir. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Arnold, l’un des héros homosexuels, tente d’étrangler son meilleur ami (lui aussi homo) Georges. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Gatal, le jeune héros homosexuel, a opté pour « la strangulation en comité restreint » afin d’asphyxier et de punir son fiancé de l’avoir trompé avec un autre homme dans un hôtel. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent et Stéphane, les deux ex-amants, s’avouent qu’ils ont maintes fois rêvé de s’assassiner l’un l’autre… et notamment par strangulation : « Mourir par ta main, ça aurait été romanesque. » (Stéphane) Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna étouffe ses amies (Suki et Kanojo) à distance, pendant un combat de magie, en enserrant leur cou. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, est presque étranglé à mort par Dick, l’homme qu’il aime, sur un bateau. Plus tard, à la fin du film, il étouffe son amant Peter avec un coussin (« Tu m’étouffes… »), en se confondant en excuse pendant son forfait : « Pardon… pardon… »

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin et Bryan, les deux amants, se chahutent et se battent. Au départ, Bryan fait semblant d’étrangler son copain, mais le geste devient sérieux, au point que Kévin le supplie d’arrêter : « Qu’est-ce que tu fais ? Arrête ! » (p. 163) Apparemment, la strangulation semble une pratique sexuelle courante du couple, vu qu’un peu plus tard, Bryan propose à nouveau à Kévin de lui « faire sa fête » en le faisant manquer d’air : « Quand tu rentres, d’abord je t’embrasse, parce que tu me manques de trop et que j’en meurs d’envie, ensuite je t’étrangle. » (idem, p. 220)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La violence du coït homosexuel masculin :

La violence dans la pratique homosexuelle et dans les couples de même sexe n’est malheureusement pas qu’un mythe (je vous renvoie à ce lien ainsi qu’à celui-ci.). Depuis toujours dans l’histoire des civilisations humaines, l’accouplement génital homosexuel est associé à un viol. Dans la Bible, par exemple, les actes homosexuels (sodomie, pédérastie, mais aussi sentiments actés) sont clairement définis par saint Paul comme une « abomination ». Le mot est certes fort, mais explicite. Nous pouvons penser par ailleurs aux représentations homosexuelles de David et Goliath marquées par le sadomasochisme, aux tableaux de Caravage (XVIe siècle) représentant le sacrifice d’Isaac par Abraham comme un viol, à Ganymède enlevé par un aigle noir sur ordre de Zeus (dans la mythologie grecque).

 

Film "La Baie sanglante" de Mario Bava

Film « La Baie sanglante » de Mario Bava


 

Plus proches de nous sont les témoignages des personnes homosexuelles elles-mêmes. Loin de contredire ce qu’ont deviné nos ancêtres, elles avouent également vivre un viol au moment de leurs ébats sexuels (avec ou sans pénétration anale, peu importe : l’essentiel n’est pas dans les rôles d’« actif/passif ») : « Pour lui, l’acte sexuel ressemble toujours à un viol. » (Jean-Paul Sartre parlant de Jean Genet, dans la biographie Saint Genet (1952), p. 127) ; « Lorsque je fais l’amour avec lui, je ne fais que reproduire un rite cannibale qui consiste à m’emparer de sa jeunesse […]. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 137) ; « J’ose t’aimer par effraction. » (Michel Bellin, Impotens Deus (2006), p. 75) ; « Je sais bien que T. m’a trahi. […] Je suspends la pierre juste au-dessus de la tête de T., qui dort sur le ventre, et enfin je la lâche, j’entends un fracassement, je suis douché d’un liquide chaud et collant, son sang, ses particules cervicales. […] Je vais me recoucher et j’enlace le corps humide qui m’a trahi, je me serre contre lui, je ne le retourne pas, je me fraye lentement un passage entre ses fesses. » (Hervé Guibert, Le Mausolée des amants (2001), p. 39) ; « Chouaïb était maintenant nu, entièrement nu. […] C’est à ce moment-là que j’ai réalisé ce qui allait physiquement m’arriver, se produire en moi. Exploser en moi. Pour la première fois. J’ai fermé mes fesses. J’ai fermé mes yeux. Avec force. […] Il a alors attrapé ma tête, m’a tiré les cheveux et a dit, autoritaire, vulgaire : ‘ouvre tes fesses, j’ai dit… Ouvre-les ou bien je te viole… Je le jure que je vais te violer, petite Leïla… […] Je m’étais transformé en petit tigre enragé. Il aimait ça. La bagarre. Les défis. Les offensives. Il était de plus en plus excité. Moi aussi. En colère et excité. On se donnait des coups, pour de vrai, pour de faux. Il m’insultait. Zamel. Salope. Petite Leïla. Je le mordais, au bras, aux cuisses. On se poussait. » (Abdellah Taïa décrivant le coït avec son cousin Chouaïb dont il est amoureux, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), pp. 22-23) ; « Je l’ai fait. Je savais ce que je faisais. J’ai fait avec ce garçon ce que je n’ai jamais fait avec toi. Des gestes nouveaux. Des pratiques nouvelles. Du danger. Une grande violence. Le noir autrement qu’avec toi. » (Abdellah Taïa s’adressant à son amant Slimane et lui racontant une infidélité, idem, p. 122) ; « Je flairais un brin d’allégresse, lorsque la sensation de ses doigts pour me pousser à danser contre lui pénétrait sur ma chair, créant une vive douleur. Cependant, je désirais cette souffrance pour reprendre conscience de mon corps, comme emporté loin de moi par la vague de plaisir. […] Ruisselant de sueur, il me mordillait les fesses en cherchant à introduire d’une manière décidée, son majeur dans mon orifice anal. La douleur me pinçait. En dépit du retrait que désirait ma conscience, mon corps finit sa course, prisonnier comme ces vers de terre au bout d’un hameçon. […] À peine fut-il sur moi, que je versais des larmes de désolation. L’instant de sodomie, rigoureusement chargé, vit tout mon être disparaître dans les profondeurs du mal pour ne devenir qu’une empreinte. Les filles pensais-je alors, subissent-elles le même sort ? J’avais terriblement mal et je hurlais que jamais plus je ne résisterais, mais qu’il fallait que cela cesse. Torture terrifiante qui m’incendiait de partout, son sexe sans pitié qui me ravageait par des tamponnements secs et violents. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 66-68) ; « En observant Bruno pénétrer Fabien, la jalousie m’a envahi. Je rêvais de tuer Fabien et mon cousin Stéphane afin d’avoir le corps de Bruno pour moi seul, ses bras puissants, ses jambes aux muscles saillants. Même Bruno, je le rêvais mort pour qu’il ne puisse plus m’échapper, jamais, que son corps m’appartienne pour toujours. » (Eddy Bellegueule simulant des films pornos avec ses cousins dans un hangar, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 154) ; « On s’est quand même furieusement envoyés en l’air. » (Bertrand parlant de ses coïts avec Pierre, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, les coïts filmés lors du concert SM – et qui n’ont pas été du tout scénarisés ni joués par des acteurs (comme l’avoue très simplement le réalisateur lui-même) – sont en réalité de véritables scènes de torture. Dans le documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order », 2012) de Jan Soldat, les deux « vieux amants » se torturent l’un l’autre et montrent tout fiers à la caméra leurs instruments de torture sexuelle (raquettes électrisées pour se fouetter le cul, colliers piquants, menottes, etc.). La Fistinière bis ! Je vous renvoie à la violence « conjugale » observée dans les « couples » homos (cf. http://m.slate.fr/story/65941/violence-conjugale-couples-homosexuels)… qui n’ont évidemment le monopole de la brutalité dans les coïts (mais force est de constater que l’éjection de la différence des sexes est un facteur aggravant de violence !).

 

Film "L'Homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

Comment expliquer cette violence plus accrue dans le coït homosexuel ? Je crois qu’elle vient de la frustration engendrée par l’ennui, par la fadeur d’une uniformité amoureuse sans relief (narcissique, on peut le dire) et peu tournée vers les altérités fondamentales de l’Humanité, par la stérilité du trop-plein de ressemblances, par le désir sécuritaire et peu nourrissant de se rassurer en se centrant sur soi et sur ses jumeaux sexués.

 

En outre, l’acte génital humain est le lieu de découverte de nos plus belles beautés mais aussi de révélation de nos plus profondes blessures, limites, fragilités. Et comme le désir homosexuel, contrairement à la coupure fondatrice et relationnelle qu’est la différence des sexes (une saine et nécessaire blessure, une faille pouvant être porteuse de vie), est une blessure où la différence et la vie ont du mal à se nicher (même si en intentions il aspirerait à avoir les mêmes vertus que la différence des sexes), une blessure qui a pu provenir d’un viol et qui en tout cas en fait souhaiter un, il fait naître des sentiments paradoxaux et contradictoires au cœur de tout individu qui le ressent. « J’ai demandé au ciel de me dire pourquoi je suis là ? Qui j’étais ? Et quelques jours plus tard, on dit que le hasard n’existe pas, je regardais la télé le soir en zappant les chaînes, je vois un film érotique chouette et je vois un homme de dos, et l’autre personne je la voyais pas et après je me rends compte que ce sont deux homosexuels. Je n’avais jamais vu d’homosexuel en chair et en os et de les voir en plus en plein acte de violence. J’ai eu comme un coup de poignard, une monté de colère, un viol de mon être, une déchirure, je savais ce que c’était des pédés mais le voir physiquement a été comme un choc, comme une balle en pleine tête et à partir de ce moment-là ma vie est devenue un enfer, car je suis quelqu’un de craintif, et le moindre problème qui surgit faut que je tente de le résoudre sinon je peux paniquer très vite et là je me remémore ces images sans cesse. À m’en faire gerber et presser ma tête et ma poitrine continuellement comme dans un étau. Je me suis dit : ‘T’es un homme et eux aussi donc tu peux faire cet acte aussi’ et que je ne pouvais imaginer qu’un homme puisse descendre aussi bas dans l’instinct animal malsain. » (cf. le mail d’un ami, Pierre-Adrien, 30 ans, juin 2014) Et c’est le fait de reconnaître en son amant un désir de viol (jumeau du sien !) qui, bien souvent réveille l’homophobie, la violence, j’en suis de plus en plus convaincu (cf. je vous renvoie au code « Homosexuel homophobe », l’un des plus importants de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Chaque étreinte, chez les pédérastes, peut se terminer par la mort, par le crime purificateur ; un jour ou l’autre, la raison s’éveille – pour un instant – et le plus fort tue le plus faible, après avoir assouvi son désir ; il le tue d’autant plus facilement que la nausée, le dégoût montent toujours à nos lèvres d’êtres sans amour tout de suite après l’acte, comme une marée de remords. » (Jean-Luc, homosexuel, 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 98) C’est la pratique de l’acte homosexuel qui crée conjointement l’homosexualité et l’homophobie, dans un même mouvement : « Tout à coup, il se retrouva sur mon dos. J’essayai de l’en faire tomber. Il me fit une habile clé de bras pour pouvoir s’enfoncer un peu en moi. Je me cabrai de douleur, comme un cheval, nous éjectant tous deux du lit. Nous roulâmes le long du sol, en nous frappant. Puis, épuisés, nous nous séparâmes. Il jura ; s’habilla ; partit. C’était la première et dernière fois que je me faisais presque enculer. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 146)

 
 

b) Pas plus doux entre femmes, faut pas croire ! :

Film "Kaboom" de Gregg Araki

Film « Kaboom » de Gregg Araki


 

Certaines femmes lesbiennes se targuent d’être « plus douces », « plus sentimentales », et « moins brutales » dans leur coït que les hommes (« hétéros » comme gays). Je nuancerai beaucoup le tableau ! Leur lecture angéliste, sexiste, et misandre, de la sexualité lesbienne (mais pas si farfelue à bien des égards : c’est vrai que les hommes ont, en général, une sexualité plus compulsives que les femmes) rentre très souvent en porte-à-faux avec ce qu’elles font dans le secret de l’alcôve : je vous renvoie aux clubs de sadomasochisme lesbien (à Paris, il existe même une association spéciale pour ça : les Maudites Femelles), et au phénomène accru – et si mal connu – de la violence conjugale entre femmes lesbiennes. De toute façon, il suffit d’écouter et de prêter l’oreille quand nos chères, douces, tendres, et poétiques amies lesbiennes parlent de « sexe entre filles » pour comprendre toute la part de violence, de « déchargement » pulsionnel (et de vengeance d’elles-mêmes, après tout) qui se vit dans leurs coïts.

 

Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, on assiste à au moins 4 scènes de pur cul, d’une indécence et d’une brutalité qui tentent de se faire passer in extremis pour « non-pornographiques » et « aimantes ». Mais en coulisses, les deux actrices (qui jouaient le rôle d’Adèle et d’Emma) ont avoué qu’elles avaient été traitées comme des « prostituées » par le réalisateur qui les a poussées à bout, notamment pour prouver coûte que coûte que deux femmes peuvent jouir au lit sans la présence d’un homme ou d’un pénis. À l’écran, on les voit d’ailleurs pousser des hurlements orgasmiques qui ne semblent ni beaux ni libres (par moment, le spectateur se sent mal à l’aise de les voir se mordre ou se donner des fessées, à l’apogée de leur « orgasme »…).

 
 

c) Lors de l’accouplement homo, l’un des deux amants tente d’étouffer ou d’étrangler son compagnon :

Comme pour illustrer que le problème majeur du couple homosexuel est celui du rejet de la différence des sexes, et donc plus foncièrement celui du manque d’espace de chasteté qui permet une relation d’amour sereine et une assise solide dans le Réel, on découvre qu’un certain nombre de personnes homosexuelles s’entretuent par étouffement et strangulation : cf. le Masque-empreinte de Jean Cocteau avec une main lui enserrant le cou (1930) exposé à la Cinémathèque de Bercy à Paris. Ne me regardez pas avec des yeux ronds : c’est véridique. « La strangulation est un mode d’assassinat qui a été souvent employé sur des pédérastes. » (Daniel Borillo et Dominique Colas, L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005), pp. 272-284)

 

Film "L'Homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

La liste de faits divers dans lequel sexe/homosexualité non-assumée/strangulation sont liés est longue et très incomplète, mais déjà, elle peut nous donner une idée de l’ampleur du phénomène. Par exemple, en Allemagne, le serial killer Fritz Haarmann a défrayé la chronique car il a tué au minimum 24 hommes de tous âges entre 1918 et 1924, en les étouffant et en les découpant ensuite : « Au moment de l’étreinte sexuelle, Haarmann, à la façon de ces passionnées qui mordent leur amant à l’épaule, étouffait dans ses mâchoires, en les serrant à la gorge, les adolescents qu’il tenait sans défense et immobilisé sous le poids de son corps. » (cf. un extrait des rapports de police sur les crimes du « boucher de Hanovre », cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 224) Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, on voit Pierre Bergé essayer d’étrangler Jacques de Bachère, l’amant occasionnel de Yves Saint-Laurent. En 1983, le tueur en série homosexuel Dennis Nilsen, surnommé « l’Étrangleur à la cravate » tue ses victimes masculines (15 en tout) par strangulation. Le 11 décembre 1986, l’écrivain français Alain Pacadis, qui avait tenté de se suicider en 1982, meurt étranglé par son compagnon, âgé de 20 ans, qui voulait, dira-t-il à la police, le « délivrer de son désespoir ». Aux États-Unis, Jeffrey Dahmer (« le monstre de Milvaukee »), cannibale et nécrophile, homosexuel de surcroît, a tué entre 1978 et 1991 dix-sept jeunes hommes : il veut à chaque fois faire l’amour avec des hommes inanimés et morts, qu’ils aimaient asphyxier. Le 23 décembre 2002, dans les Hauts de Seine, Philippe Digard (26 ans) étouffe et tue Ilia, un jeune prostitué homosexuel. En 2001 à Houston aux États-Unis, Richard Masterson a tué par strangulation le travesti Darin Honeycut : selon lui, Darin lui avait demandé de lui serrer le cou pour lui causer une asphyxie érotique, une pratique consistant à priver d’oxygène le cerveau d’un partenaire pour décupler son orgasme. En septembre 2003, à Lausanne, le jeune Russe Salomon (34 ans) étrangle son amant de 63 ans au terme d’une soirée arrosée (le prévenu prétend avoir réagi de manière violente et impulsive, sous le coup d’un dégoût irrépressible qu’il fait remonter à une tentative de viol subie de la part d’un homme, lorsqu’il avait 10 ans). Le soir du 2 novembre 2008, à Saint-Aygulf, le Tunisien Ramzi Berrejeb (28 ans) étrangle un retraité avec qui il a eu une relation homosexuelle non-assumée. Le 15 février 2010, le prince saoudien homosexuel Saud Bin Abdulariz Bin Nasir al Saud (34 ans) a été reconnu coupable du meurtre du serviteur (32 ans) qui partageait sa chambre, et son lit, dans un luxueux hôtel londonien (ce dernier a été retrouvé étranglé, le corps couvert de bleus et de morsures au visage). En juillet 2012, Maurice Mjomba (29 ans et homo), un activiste engagé pour les droits des LGBT de Tanzanie, est retrouvé mort étranglé chez lui. En juin 2011, le Nîmois Laurent Julien, âgé de 30 ans, a été mortellement étranglé, juste après la feria. Le crime « homophobe » n’était en réalité qu’une séance « amoureuse » homosexuelle qui avait mal tournée… Au Texas (États-Unis), le 17 juillet 2015, Bryan Michael Canchola (20 ans) a tué son amant Stephen Sylvester (18 ans) en l’étranglant. What else ?

 
 

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Code n°35 – Collectionneur homo (sous-codes : Matérialiste / Consommateur gay)

collectionneur

Collectionneur homo

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Collection de lunettes de soleil d'Elton John

Collection de lunettes de soleil d’Elton John


 

Le désir homosexuel – tout comme le désir hétérosexuel – semble tendre fortement vers le matérialisme, l’« être objet » ou le « devenir icône vivante ». Ce n’est pas un hasard si le Pop Art, art machinique par définition, soit venu par les artistes homosexuels. Les responsables marketing l’ont bien compris. Les personnes homosexuelles sont en général les cibles privilégiées du libéralisme économique (cf. l’émission Zone interdite de Pascal Lebovici et d’Édouard Duchâtenet sur le marketing gay, sur la chaîne M6, 1998) : en règle générale, elles ont un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne, dépensent plus pour leurs loisirs, voyagent davantage, sont des prescripteurs de mode. Beaucoup d’entre elles aiment le monde de la publicité et se sentent à leur aise dans les temples occidentaux que sont les supermarchés. Rares sont celles qui ne s’attachent pas à leurs petites affaires. C’est leur côté « soigneux » qui plaît à leurs stars (cf. la chanteuse Samantha Fox interviewée dans le documentaire « Sex’N’Pop, Part IV » (2004) de Christian Bettges) : elles sont souvent les fans idéaux, les collectionneurs par excellence, les antiquaires et conservateurs méticuleux, les maîtres de l’amour à revendre ou de la radinerie, les bonnes poires de la société de consommation élitiste, les constructeurs de maisons design inhabitables. On les connaît pour leur matérialisme, ou une autre version du matérialisme : l’anti-matérialisme affiché. Celui-ci se base sur un rejet précieux des impératifs de la mode, sur un pseudo « vœu de pauvreté ». Se cachent très souvent derrière les personnes bourgeoises-bohème d’aussi grands matérialistes que lesdits « bourgeois » ou les teen-agers à l’affût des derniers gadgets de la culture de masse, car ils désirent vivre eux aussi dans l’image. Voire vivre l’image, celle-ci devenant leur réalité.

 

La tendance à la collectionnite aiguë chez les personnes homosexuelles ne leur fera sans doute pas plaisir… car c’est se faire à soi-même l’aveu d’un esclavage et d’une immaturité. Le goût du kitsch ou du camp ne serviront pourtant pas longtemps d’écran de fumée à cette observation ! Nous allons voir dans ce chapitre quels sont les liens entre homosexualité et fétichisme, homosexualité et désir d’être objet, homosexualité et surconsommation sexuelle, homosexualité et idolâtrie, homosexualité et psychopathie monomaniaque et puérile. En effet, qui collectionne si ce ne sont les enfants ou les « vieux gars » qui ont peur de manquer, de perdre, d’abandonner ou de mourir ? Même s’il ne s’agit pas d’en faire une généralité, la collection dit un non-usage de ce qu’on aime, un conservatisme mortifère, une fermeture à la vie, une mise sous verre, un refus de grandir, une rigidité et un matérialisme poussiéreux. L’« effet musée » tant dénoncé à juste titre part le romancier Alejo Carpentier !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Promotion ‘canapédé’ », « Poupées », « Ville », « Pygmalion », « Animaux empaillés », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Fan de feuilletons », « Télévore et Cinévore », « Peinture », « Haine de la beauté », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Musique comme instrument de torture », « Voleurs », « Bobo », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Homosexuels psychorigides », à la partie « Antiquaires » du code « Fresques historiques » et à la partie « Enfant dans la galerie des ancêtres » du code « Ombre », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Roman Le Collectionneur de Chrystine Brouillet

Roman Le Collectionneur de Chrystine Brouillet


 

Bien souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel est conservateur et collectionneur : cf. le film « The Collector » (2009) de Ryan Kipp, le dessin animé Les Simpsons (avec Waylon Smithers, homo et collectionneur), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec les collections de Sébastien, le cousin homo), le roman Le Collectionneur (1995) de Chrystine Brouillet, l’album Bijoux et Babioles de la chanteuse Juliette, le film « Made In America » (1992) de Richard Benjamin, le film « Collateral » (2004) de Michael Mann (avec le personnage de Vincent), la pièce Les Indélébiles (2008) d’Igor Koumpan et Jeff Sirerol (avec le héros homosexuel fan de gadgets), le film « The Collection » (1978) de Michael Apted, le film « Violence et Passion » (1974) de Luchino Visconti, le film « Le Glaive et la Balance » (1962) d’André Cayatte (avec le personnage de Jean Ozenne), le film « La Maison de campagne » (1969) de Jean Girault (avec le personnage de Jacques Maury), le film « La Souris » (1997) de Gore Verbinski, le film « Misteria » (1993) de Lamberto Bava, le film « Augustin » (1994) d’Anne Fontaine, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli (avec Théron et ses collections d’oiseaux), le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart (avec Arnold, le collectionneur de lapins), le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta (avec les collections de papillons sous verre), la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi (avec Louis du Corbeau, un richissime collectionneur d’art), le film « Die Jungfrauen Maschine » (« Virgin Machine », 1988) de Monique Treut (avec Susie et sa collection de godemichés), le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens (avec la collection de canards de la mère de Jeanfi, le steward homo), le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville (avec Alex, l’héroïne lesbienne, et sa collection de baskets), le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec Lili le Petit Chat), la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi (avec Solitaire voulant faire collection de momies et l’exposer dans sa galerie), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec le collectionneur de poupées), la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier (avec la Comtesse Conule de la Tronchade nous faisant visiter sa collection de bites dans son Musée des Bites), le film « Cancer mon amour » (2007) de François Zabaleta (traitant des collectionneurs d’art contemporain), la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes (avec Frank, le héros homo, et sa collection de photos érotiques), le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson (avec Zize, travesti M to F, et sa meilleure amie Annonciade, travestie aussi, avec leurs collections de bijoux, de beaux manteaux de vison, de quincailleries, de pierres précieuses, de lunettes), le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz (avec Roger, le héros homosexuel très sympa et très frivole, habillé à la dernière mode : vêtements Gucci, Dolce & Gabanna, Versace, etc.), le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (le père d’Horacio Silberman est le directeur du Musée des Beaux-Arts de Buenos Aires), le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes (avec Mr Mosk, le conservateur du musée), le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet (avec Ruth, une des héroïnes lesbiennes, qui possède une grande collection de chapeaux), etc.

 

 

« Monsieur est collectionneur ! » (Mimil à son colocataire et futur amant homosexuel Jeff, dans la pièce Les Babas Cadres (2008) de Christian Dob) ; « J’suis un vrai collector dans ce domaine. » (Jarry en évoquant ses anecdotes de vie, dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Vous n’avez pas de chance. Je conserve tout. » (Pierrette l’héroïne lesbienne du film « Huit femmes » (2002) de François Ozon) ; « Je passai les premiers jours à redisposer les meubles de mon appartement […], avec cette joie enfantine qui vous prend dès que vous vous trouvez devant de beaux et rares objets ressemblant à d’antiques jouets. Car tout ici était d’époque : chaises, fauteuils, canapés, buffets, armoires, la bibliothèque du salon… […] Entendre ces objets vivants, aux matières si nobles, bruire et crisser, m’emplissait de ravissement. » (le narrateur homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, pp. 15-16) ; « Je ne voulais pas me l’avouer, mais, tandis que mon regard se portait négligemment à travers la vitrine d’un magasin, sur un service de porcelaine, je commençais à entrevoir, à l’horizon, l’esquisse du bonheur. » (idem, p. 140) ; « Maria-José [le héros transsexuel M to F] était la seule héritière de Louis du Corbeau, propriétaire de la plus complète collection au monde d’art précolombien, sans compter les Rubens et les Géricaults qui tapissaient son château du Berry. Elle se demanda ce qu’elle allait faire de sa fortune. » (cf. la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 33) ; « Les objets comme des collections de sable, témoins de nos escales dans le monde amoureux. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Harold fait une collection de barbituriques qu’il prépare pour anticiper le long hiver qu’est la mort. » (Michael se moquant de son colocataire homo, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Tu le connais, le coup de la collection… » (Jerry travesti en Daphnée s’adressant à Joe travesti en Joséphine, dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder) ; « Je collectionne des trucs. Toutes ces choses qui ont appartenues à quelqu’un qui les avait perdues ou jetées. » (Nicholas, le héros homosexuel, présentant son cabanon-musée à son amant Phil, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, Damien, le héros homosexuel, possède une collection de 75 paires de chaussures qu’il ne met jamais. Dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura, l’héroïne lesbienne, exerce le métier de conservatrice de musée. Dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier collectionne les serviettes de bain. Dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, Jeanjean fait la collection des « mies de pain peint ». Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, un des personnages du quatuor homosexuel, qui a des collections de vaisselle, de tapis, passe aux aveux : « Je possède beaucoup. » Dans le roman Du côté de chez Swann (1913) de Marcel Proust, il est dit de Swann qu’« il entassait ses collections » (p. 24). Dans la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne, France la bourgeoise lesbienne collectionne des « Prousteries » Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Georges, le héros homo, possède dans son appartement des statuettes, des tableaux de maîtres. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien, le héros bisexuel, collectionne autant les tableaux de peinture que les conquêtes : « Je collectionne aussi les nanas. » Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, se rend dans « son club de collectionneurs de pipes » avec son ami Carter.

 

Cette « collectionnite » homosexuelle peut s’expliquer par une éducation (incestuelle/incestueuse) ou une enfance tournée vers les collections, l’opulence et le matériel. « Ma sœur me reproche d’être trop gâtée. Mais elle n’arrête pas de m’offrir des cadeaux. » (Kanojo, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) Par exemple, dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, la mère d’Hubert, le héros homosexuel, collectionne des papillons. « J’ai tout. Tu me demandes n’importe quoi. Je l’ai ! […] Alors c’était ça, la vie ? Des cadeaux à ras bord ? » (Didier Bénureau dans son one-man-show Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « J’essayais de ne pas exagérer dans mes dépenses, mais mes goûts pour tout ce qui est culturel – le cinéma, les livres, le théâtre, les disques – finissaient par coûter cher à ma mère qui tenait les cordons de la bourse comme une grande ourse veille sur ses petits. » (le narrateur homosexuel parlant de sa mère qui ne sait plus où entreposer les collections de son fils, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 28) ; etc.

 

Film "Fashion Victims" d'Ingo Rasper

Film « Fashion Victims » d’Ingo Rasper


 

Les héros homosexuels sont présentés comme des individus matérialistes, peu détachés du matériel et de l’image : « Vous serez les témoins du profond attachement que j’ai professé de mon vivant aux objets quotidiens ! » (« L. », le héros travesti M to F, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Tu aimais les jouets et autres gadgets. » (Cécile parlant à son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 48) ; « J’suis un agent de consommation. Quand j’ai l’argent, je consomme à fond. Je m’endette, je m’achète tout ce qui me passe par la tête. Je me jette comme une bête sur le dernier gadget. Je vis mon p’tit train-train de citoyen moyen. » (cf. la chanson « L’Enfant de la pollution » de Ziggy, le héros homosexuel de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Je prends mon petit vanity de… 23 kg. » (le narrateur homosexuel racontant son voyage vers New York, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Mes adieux au pavillon furent difficiles. J’ai un grand sens de la propriété et j’avais l’impression que tout, le lit, la télé, la salle de bains, avait fini par m’appartenir. » (Jean-Marc, le narrateur homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 307) ; « Tu t’démerdes plutôt bien, le glam, le décor, le goût de l’image et du confort. » (cf. la chanson « La Vie continuera » d’Étienne Daho) ; « Nos p’tites sorties, nos p’tits restos, j’en ai marre ! » (Manu s’adressant à son amant Philippe dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq) ; « Elle doit me prendre pour un antiquaire, elle me dit que les seules folles qu’elle a comme clientes sont plus ou moins brocanteuses Porte-Clignancourt. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 87) ; « Je me replongeai satisfait et crâneur dans le flot majestueux des gais consommateurs. » (le narrateur homosexuel décrivant un magasin assailli par une clientèle gay, dans la nouvelle « Kleptophile » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 79) ; « Ils [les homos] font des tas d’emplettes aux Galeries Lafayette. » (cf. une réplique de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; etc. Par exemple, dans la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, Claude dit de sa compagne Margot qu’« elle n’a jamais pu se priver du superflu ». Dans le film « The Adventures Of Iron Pussy » (2003) d’Apichatpong Weerasethakul, le protagoniste homo fonde sa vie sur les vêtements. Dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque, les « Maraisiennes » sont présentées comme d’insupportables consommateurs de sacs, de magasins, de Smart-phone. Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, François et son copain Claude vont toujours faire du shopping (ce qui rase passablement le second…). Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, « les homos font des tas d’emplettes aux Galeries Lafayette ». Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, les trois potes gays Nicolas, Rudolf et Gabriel ont vraiment du mal à quitter leurs petites habitudes de citadins parisiens, et ont du mal à s’adapter à leur nouveau train de vie montagnard en Autriche. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le jeune héros homo de 30 ans, est présenté comme un gars inculte, oisif, peu travailleur (il est d’ailleurs au chômage), ne lisant pas (alors qu’il sort pourtant avec un célèbre romancier, pour la gloire et le matériel). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Franck reproche à son beau-frère Nicolas (secrètement homosexuel) d’être « surtout occupé à dépenser son fric ». Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel s’ennuie à la campagne, sans portable et sans réseau sur son téléphone. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca est un amoureux des fringues et des objets. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François, l’un des héros homos, est hyper dépensier… surtout avec la carte bleue de son copain, Thomas.

 

Film "Xenia" de Panos H. Koutras

Film « Xenia » de Panos H. Koutras


 

On retrouve le collectionneur fétichiste homosexuel vivant dans un intérieur design très fourni (ou carrément épuré façon « déco acajou asiat’ ») dans les films « Urbania » (2004) de Jon Shear, « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud, « Le Bon Coup » (2005) d’Arnault Labaronne, « Madame Édouard » (2004) de Nadine Monfils, le film « The Bridge » (2005) de George Barbakadze (où ça transpire l’ennui dans l’appartement de Niko et Luka), la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H. (où le couple homo Matthieu/Jonathan, vivant dans un très bel appartement, va finir par s’y enterrer vivant), le film « Rue des roses » (2012) de Patrick Fabre (Medhi et son amant Axel vivant dans un superbe Loft bobo), le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley (avec le copain homo black possédant un super appart’), la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder (avec l’appartement-musée de Léopold), le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec la belle maison bobo de Richard et Kai, décorée aux bons soins de Kai), etc. « Cet appartement semble sortir d’un magazine de décoration. L’endroit lui évoquait une galerie d’art moderne, vaste et impersonnel. » (Jane parlant de l’appart qu’elle partage avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 21)

 

Parfois, l’attachement homosexuel aux objets se décline hypocritement et chroniquement en mise en scène « bobo » de rejet du matérialisme, en destruction iconoclaste (trop violente pour traduire une libération du matériel) : « Simon raconte avec pudeur que le matin même, il est allé dans l’appartement de Gilberto détruire chacune de ses affaires. Il a déchiré les chemises de Gilberto, consciencieusement, les unes après les autres, il a brisé le joli cendrier chiné ensemble contre la table du salon (Gilberto ne fume pas). Il a aussi déchiqueté les billets d’avion des vacances qu’ils avaient passés ensemble en Hollande, et tout un tas de papiers officiels. Simon dit ‘J’ai déchiqueté ces billets parce que c’est une manière de lui dire qu’il ne peut rien garder, même pas le souvenir heureux de ce voyage.’ Il a jeté par terre dans la salle de bain toutes les affaires de toilettes de Gilberto qui se sont cassées, parfum, rasoir, eau de toilette, etc., et sur le bureau, il a shooté son Mac, allant jusqu’à enfoncer complètement son pied dans l’écran. Il a écrasé des clopes sur le tapis en prenant soin de bien le cramer. Il a fermé les rideaux, parce que le soleil qui éclaboussait l’appartement le minait. Il est allé chercher un rasoir, et il a lacéré les rideaux. Il a fait le tour de l’appartement, et a trouvé à tout ce bazar quelque chose de touchant. Comme si sa rupture était enfin matérialisée par tous les morceaux éclatés de la vie de Gilberto, la leur depuis quelques mois. Il est allé chercher sa caméra chez lui. De retour dans l’appartement de Gilberto, il a filmé en laissant la caméra caresser ce champ de bataille de sa colère, en racontant (voix off) tout ce qu’il avait brisé. Il a terminé en filmant la boîte aux lettres dans laquelle il a laissé sa clef et y a donné un énorme coup de poing qui l’a complètement déformé. ‘Voilà. J’ai monté le film toute la journée, je l’ai appelé a-mor(t). Et c’est tout.’ » (Simon, par vengeance, détruit l’appartement de son « ex » Gilberto, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 109-110) ; « Les survivantes [les folles] en peignoir bleu ciel et capeline sanglotent sur le trottoir pour leurs affaires perdues. » (la voix narrative racontant l’incendie-attentat dans une boîte gay parisienne, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 133) ; « Il serait pas un petit peu gay, ton mec ? ll a un chat, il kiffe les vieilles, il aime bien le shopping. » (Sonia s’adressant à sa pote Joëlle par rapport à Philippe le mari de celle-ci, dans le film « L’Embarras du choix » (2016) d’Éric Lavaine) ; etc.

 

Le plus pathétique dans la vie cloisonnée et « plan-plan » des personnages homosexuels collectionneurs, c’est qu’ils n’emmagasinent pas que les objets. Ils entassent aussi les êtres humains, les amants. Dans leur tableau de chasse s’étalent des collections de partenaires sexuels. « Je me suis tapé quelques-uns des types les plus canons de la planète. Je t’ajouterais bien à ma collection. » (Rick, l’un des personnages homos, s’adressant à Sébastien, dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, p. 119) ; « Il y a de nombreuses choses qu’un homme peut se permettre de collectionner : des porcelaines et des verres anciens, des tableaux, des montres, des bibelots, des éditions rares, des tapisseries, des bijoux précieux. M. Pujol se moquait de telles choses, elles manquaient de vie : M. Pujol collectionnait des invertis. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), 1932, p. 499) ; etc. Par exemple, dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, le protagoniste homo rêve d’un vieillard qui le fixe du regard comme s’il faisait partie d’une collection d’animaux empaillés : « La nuit, je m’imaginais hypnotisé, épinglé dans ses collections, entre un papillon et une mygale. » (p. 14) Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, l’oncle homosexuel du jeune Marcel, lui aussi homo, collectionne les ruptures amoureuses.

 

La collection peut être une manière de soudoyer et de violer l’autre. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent envahit son amant Jacques de cadeaux. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le monde où la différence des sexes a été totalement rejetée se trouve être un espace totalement mécanisé, où les personnages homos sont des robots qui se clonent entre eux et ne vivent que pour leur travail, leur image, leur production, le matériel : par exemple, le Père 2 de Gatal, le héros homosexuel, est fan de voitures ; lui et son mari habite une belle maison bourgeoise où tout est blanc et millimétré.

 

Un certain nombre de héros homosexuels vivent leur libertinage (et s’en excusent) par une schizophrénie paranoïaques qui consiste à prendre les objets pour des êtres vivants, à faire parler les objets et à s’y identifier. Par exemple, dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011), Raphaël Beaumont fait parler un gode, se met dans la « peau » d’une vitre, etc. Dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, ce sont des chiottes qui racontent l’histoire… ou plutôt les histoires de cul homosexuelles ou leurs fantasmes homo-érotiques qu’elles voient défiler chez elles. « Je mélange parfois les toiles de l’appartement. Il y a des visages, des Jocondes, des objets mystérieux qui me regardent. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Jean, le téléphone est toujours mort ? » (cf. une réplique de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Il était avant tout un nain, creusant des galeries obscures dans les mines de la littérature, à la recherche d’un filon scintillant. Il était un conservateur de rêves. Oui, le dernier archiviste d’histoires futiles. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 171) ; « Smokrev ! C’est un collectionneur. » (Haftmann à propos du Comte Smokrev, idem, p. 292) ; « Smokrev revint fréquemment dans la boutique. Il achetait toujours quelque chose : un jour une collection de gravures sur l’architecture viennoise, le lendemain, une biographie des compositeurs d’opéras italiens, etc. » (idem, p. 299) ; « Goudron organisait tant de salons et de soirées fréquentées par des centaines de personnes ridicules de toutes sortes. Il les collectionnait, vous savez. Et il y avait nom pour chacune. » (le pervers Comte Smokrev s’adressant à Pawel Tarnowski, au sujet de son mécène homosexuel Goudron, idem, p. 308) ; etc. Je vous renvoie à l’article « Prenez garde aux objets domestiques » de Claude Cahun, spécial « L’Objet », publié dans la revue Cahiers d’art le février 1936.

 

Photographie Autoportrait (1932) de Claude Cahun

Photographie Autoportrait (1932) de Claude Cahun


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Jean-Claude Dreyfus

Jean-Claude Dreyfus et ses cochons


 

Aujourd’hui, les personnes homosexuelles ont la réputation d’être des antiquaires, des collectionneurs (d’art). Même s’il y a de nombreuses exceptions à cette tendance, il n’y a pas de cliché sans feu : Gertrude Stein, Philippe Jullian, Oscar Wilde, Elton John (avec ses milliers de paires de lunettes et ses centaines de paires de chaussures), Jean Boullet, Jean-Claude Dreyfus (avec ses cochons), Gustave Caillebotte, Henri III, James Dean, Jean Cocteau, Johann Joachim Winckelmann, Pierre Loti, Marcel Proust, Andy Warhol, Yves Saint-Laurent, Jean-Claude Dreyfus, furent et sont de grands collectionneurs.

 

Par exemple, dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent maintiennent une relation affective avec leurs collections et objets : « Je crois en rien. Alors raison de plus pour croire aux choses, à ses objets inanimés. » (Pierre Bergé) Ils compensent par le matériel leur manque d’amour. Tout leur univers est centré sur le fric, les objets et la possession, à tel point que Pierre Bergé avoue que si, de son vivant, Yves Saint-Laurent avait dû connaître la vente aux enchères de leur collection, « il aurait été saisi de vertiges ». Pauvre chaton…

 

Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent

Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent


 

« Leur imagination est charmée à la vue de beaux jeunes gens, à la vue de statues ou de peintures dont ils aiment à entourer leur chambre. » (J. L. Casper, parlant « des homos », dans son Traité pratique de Médecine légale, 1852) ; « J’étais en adoration devant un animateur d’Europe1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « Une collection d’art, c’est un moment de la vie. Nos objets, nous les avons choisis, aimés à deux. » (Pierre Bergé parlant de sa vie commune avec Yves saint-Laurent, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert ; « Je suis un collectionneur d’œuvres d’art et il est un artiste. Je lui ai écrit et ensuite, nous avons parlé pendant six mois sans que j’entende sa voix. Nous parlions d’art, rien de sexy, rien de ça je le jure ! Un jour, je suis allé à Londres et je l’ai rencontré, fin de la partie. Nous sommes ensemble depuis plus d’un an maintenant. » (le chanteur Ricky Martin parlant de son amant Jwan Yosef, artiste londonien d’origine syrienne, mars 2017) ; « J’étais à un poil près de devenir homosexuel. Des hommes me poursuivaient et me proposaient de venir avec eux voir leurs timbres. » (Werner Loertscher, cité dans l’essai Dieu est amour (2019) de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Éd. Flammarion, Paris, p. 94) ; etc.

 

Par exemple, dans le documentaire « L’Atelier d’écriture de Renaud Camus » (1997) de Pascal Bouhénic, l’écrivain français Renaud Camus avoue trouver une « grande jouissance à la classification ». Dans sa pièce autobiographie Ébauche d’un portrait (1992), le dramaturge Jean-Luc Lagarce raconte sa liaison avec un antiquaire collectionneur. Dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, il est question des collections de papillons et de photos d’hommes musclés appartenant à Ernestito. Par ailleurs, l’essai La Petite Collection : Écrits sur l’homosexualité (2004) de Jeremy Bentham porte plutôt bien son nom !

 

Pour ma part, quand j’étais petit, j’étais aussi très collectionneurs. Je démarrais des collections que je ne terminais jamais : les B.D., les porte-clés, les épices, les marionnettes, les films de Disney, les jeux de 7 Familles, etc. Plus tard, dans ma vie d’adulte, à force d’être invité dans des demeures appartenant à des amis homosexuels, j’ai parfois pu voir combien la vie de certains était sclérosée par le matériel, par les collections d’objets insolites ou rares (collection d’armes, de peluches, de DVD, de fringues, de livres…). Une vie réglée comme du papier à musique.

 

Cette « collectionnite » homosexuelle peut s’expliquer par une éducation ou une enfance tournée vers les collections et le matériel : ce fut le cas de Louis II de Bavière, de François Reichenbach (élevé dans une riche famille de collectionneurs de tableaux), de Yukio Mishima, etc.

 

COLLECTION vrai Mylène

Produits dérivés de Mylène Farmer


 

Certains sujets homosexuels aiment posséder en séries. Les chanteuses icônes gays (Lady Gaga, Mylène Farmer, Madonna, etc.) ne s’y sont pas trompées. Elles ont su exploiter leur fétichisme et leur tendance à collectionner en leur proposant toute leur camelote. En France par exemple, Mylène Farmer est l’une des artistes françaises dont la gamme de produits dérivés est la plus étendue. On ne compte plus les remix des vieux « tubes » et les éditions collector (vendus et échangés à prix d’or sur Internet) que l’artiste propose à ses groupies homos. La « chanteuse-machine-à-sous » Björk fait de même. Les artistes vénérés par la communauté gay sont d’ailleurs connus autant pour leur personne que pour leurs accessoires collectionnés (exemple : la petite culotte ou le soutien-gorge de Madonna, la « Robe du Scandale » de Marilyn Monroe, l’araignée métallique du concert de Mylène Farmer, etc.).

 

Les personnes homosexuelles sont présentées ou se présentent parfois d’elles-mêmes comme des individus matérialistes, peu détachés du matériel et de l’image : « Oh la la, j’ai envie de tout acheter ! » (Laura, homme M to F, parti en shopping à Londres, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; « Je suis assez matérialiste, à tous points de vue. J’aime la beauté, un peu comme si je goûtais l’essence des choses. » (Jean-Philippe, homosexuel interrogé dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 88) ; « C’est un de mes travers, je ne sais pas le quitter. […] C’est pour cela que je traîne avec moi tant de petites affaires qui n’ont plus aucun sens. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 161) ; « Je suis un obsédé des fringues de designer. » (le chanteur Sam Sparro dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 62) ; « J’aime les fringues, j’aime sortir du lot. Pas question de m’habiller dans des magasins bon marché et de passer inaperçu dans la foule compacte. Tout petit, maman m’achetait déjà des vêtements haut de gamme, de marque, et c’est une faiblesse qui ne m’a jamais quitté. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 67) ; « La communauté gay a souvent, dans la société contemporaine, un cran d’avance sur le reste de la population. Comme le disent crûment les spécialistes de marketing, les gays sont les meilleurs prescripteurs ; ils devancent les attentes du marché puis les modèlent. Dans la mode, la musique, la publicité, les goûts, les valeurs consuméristes, ils tiennent le haut du pavé. […] Le Marais se veut le lieu le plus branché de France. » (Alain Minc, Épîtres à nos nouveaux maîtres (2002), pp. 72-73) ; « J’ai toujours eu une relation particulière avec les supermarchés, qui sont pour moi comme des cavernes d’Ali Baba. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 216) ; « Tous les métiers en ‘eur’ s’adaptent à la vie gay : vendeur, concepteur, décorateur, designer, etc. Les carrières gays sont étonnamment tournées vers les services et le commerce. » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 111) ; « Vous avez un sacré pouvoir d’achat, vous, les couples gays ! Ça part dans les relais-châteaux… » (Dominique de Souza Pinto, à la conférence « Le Lobby gay… Un bruit de couloir » à l’Amphithéâtre Érignac à Sciences Po Paris, le mardi 22 février 2011) ; « En accordant dorénavant beaucoup de temps à mon entourage professionnel notamment féminin, je m’intronisais aussi plus que jamais en femme, au point que les conversations que je tenais ressemblaient aux leurs. En effet, lorsque j’arrivais le matin, c’était pour parler de vêtements ou de cuisine ; de même que pendant les heures de déjeuner, je traînais les magasins avec ce même entourage à la recherche de petits bibelots de décoration. Ma condition était l’archétype voulu d’une vie de femme, mes propos et mes réactions, ceux d’une fille vivant seule. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 130) ; etc.

 

Les habitations de beaucoup de personnes homosexuelles ressemblent davantage à des musées qu’à des maisons fonctionnelles. Dans le style « maison-gadget » inhabitable, surchargée ou au contraire trop épurée, on trouve par exemple la Villa Sospir de Jean Cocteau, la maison de Salvador Dalí, le palais de Pierre Loti, les châteaux disneylandiens de Louis II de Bavière, la Tour de Chia de Pier Paolo Pasolini, la maison d’Antonio de Hoyos, etc.

 

Parfois, l’attachement homosexuel aux objets se décline hypocritement et chroniquement en mise en scène « bobo » de rejet du matérialisme : « Je suis très peu attaché aux objets. » (André Gide dans le documentaire « Avec André Gide » (1952) de Marc Allégret) ; « Dieu sait si nous autres, les invertis, nous sommes prudents en matière d’argent, quoi qu’en dise la légende ! » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, interrogé dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 87) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check, Rilene, femme homosexuelle, raconte qu’elle est restée 25 années avec sa compagne Margo, et que tout leur quotidien était fondé sur le matériel : les vêtements, les voyages, les maisons : « L’argent était devenu quelque chose de très important pour moi. Le matériel était ce qui me maintenait dans la relation. » Paul, un autre témoin homosexuel du documentaire, était dans le même « trip bobo » avec son compagnon Jeff, avec qui il a vécu 24 ans dans diverses résidences à la campagne aux États-Unis.

 

Le plus pathétique dans la vie cloisonnée et « plan-plan » d’un certain nombre de personnes homosexuels collectionneuses, c’est qu’elles n’emmagasinent pas que les objets. Elles entassent aussi les êtres humains, les amant(-e)s. La collection de conquêtes sexuelles avait déjà été conceptualisée par le Marquis de Sade : « Sade imaginait une utopie sexuelle où chacun avait le droit de posséder n’importe qui ; des êtres humains, réduits à leurs organes sexuels, deviennent alors rigoureusement anonymes et interchangeables. Sa société idéale réaffirmait ainsi le principe capitaliste selon lequel hommes et femmes ne sont, en dernière analyse, que des objets d’échange. Elle incorporait également et poussait jusqu’à une surprenante et nouvelle conclusion la découverte de Hobbes, qui affirmait que la destruction du paternalisme et la subordination de toutes les relations sociales aux lois du marché avaient balayé les dernières restrictions à la guerre de tous contre tous, ainsi que les illusions apaisantes qui masquaient celles-ci. Dans l’état d’anarchie qui en résultait, le plaisir devenait la seule activité vitale, comme Sade fut le premier à le comprendre – un plaisir qui se confond avec le viol, le meurtre et l’agression sans freins. Dans une société qui réduirait la raison à un simple calcul, celle-ci ne saurait imposer aucune limite à la poursuite du plaisir, ni à la satisfaction immédiate de n’importe quel désir, aussi pervers, fou, criminel ou simplement immoral qu’il fût. En effet, comment condamner le crime ou la cruauté, sinon à partir de normes ou de critères qui trouvent leurs origines dans la religion, la compassion ou dans une conception de la raison qui rejette des pratiques purement instrumentales ? Or, aucune de ces formes de pensée ou de sentiment n’a de place logique dans une société fondée sur la production de marchandises. » (Christopher Lash, La Culture du narcissisme (1979), pp. 105-106)

 

De nos jours, l’idée qu’on peut collectionner les amants passe très bien dans les cercles d’homosociabilité fréquentés par la plupart des personnes homosexuelles qui se disent pourtant « hors milieu ». Dans leur tableau de chasse s’étalent des collections de partenaires sexuels : « Au lieu d’étudiants ou d’artistes en herbe, j’ai collectionné un nombre impressionnant de paumés en crise de croissance auprès desquels je me sentais embarqué dans un voyage salutaire loin du monde des lettres. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 21)

 

COLLECTIONNEUR Cochons

Collection de Dreyfus


 

Xavier Rinaldi – « Le ‘marché de la viande[sous-entendu les cercles de drague] est-il plus développé chez les gays que chez les ‘normaux’, comme vous dites ?

Henry Chapier – Oui, évidemment. Ce marché est entretenu par le marketing, mais pas seulement. Les gays ont, c’est vrai, un peu moins d’obligations qu’une famille. Les publicitaires ont compris qu’ils constituaient une proie facile. Mais le marketing n’est pas le seul responsable. »

(Henri Chapier interviewé par Xavier Rinaldi dans l’essai Christine Boutin, Henry Chapier, Franck Chaumont : Les homosexuels font-ils encore peur ?, (2010), p. 64)

 
 

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Code n°36 – Conteur homo (sous-codes : Dessins animés / Bandes Dessinées)

contes

Conteur homo

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

« Ne croyez jamais le conteur, mais le conte. » (D. H. Lawrence)

 
 

La captation de la conscience, du désir et de la liberté, par le conte et l’image-mouvement animée

 

CONTEUR Belle au bois dormant

Une étrange hybridité entre les princes Disney


 

Qui mieux que le conte ou le dessin animé pouvait donner, dans les esprits humains de plus en plus allergiques au Réel, une consistance à l’irréalité sincère et sentimentale de l’homosexualité ? Qui mieux que les histoires enfantines et les films d’animation ont la possibilité de devenir à l’heure actuelle les prescripteurs de modes de pensée, façonner les esprits les plus malléables (des plus petits aux plus âgés), diffuser des messages asexués/inhumains sans même que nous nous en rendions compte ?

 

Le dessin animé Bob l'Éponge censuré en Ukraine

Le dessin animé Bob l’Éponge censuré en Ukraine


 

Le dessin animé, dans le cœur des gens, a une popularité, une accessibilité, une magie, une innocence, un humour et une universalité, tout à fait séduisants, surtout auprès des personnes soucieuses de redorer le blason de leurs fantasmes identitaires et amoureux bien-intentionnés. On ne s’en méfie pas. Discret et divertissant, il semble donner corps à tous nos désirs humains, accorder une vraisemblance à tous nos impossibles, dégénitaliser et désincarner nos corps vulnérables, neutraliser/transcender pendant quelques minutes nos limites humaines. Il est le vecteur idéal des idéologies asexuées, bisexuelles et libertines telles que l’homosexualité, l’inceste, la zoophilie, le parricide, la luxure, l’adultère, etc. Idéal car oui, il semble inattaquable : il est difficile d’en vouloir à un héros de dessin animé (il est plus facile de se retourner contre un comédien réel, un acteur d’un film ou un réalisateur visible). Et l’œil critique qui ose dénoncer la fausse innocence, la suggestion ou les messages cachés d’un dessin animé de Walt Disney, par exemple, a de fortes chances de déclencher l’hilarité, le sarcasme, voire la colère. On lui reprochera vite de voir le mal partout !

 

Et pourtant, exactement comme le Bien, le mal prend l’apparence d’un bien. Pourquoi ce mal se priverait-il donc d’envahir l’innocence des dessins animés et des contes ? Au nom de quoi ne profiterait-il pas du capital sympathie que ces films gentillets et kitsch ont acquis depuis un siècle et demi dans le cœur des enfants et des familles ?

 

En voyant le sensationnel (et flippant tellement il est réaliste !) documentaire « Pin-Up Obsession » d’Olivier Mégaton diffusé sur la chaîne ARTE en 2004, traitant de l’évolution de l’image des femmes depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours, j’ai réalisé, dans notre quotidien, l’incroyable signifiance, le pouvoir et l’influence puissante des dessins animés – qui, je le répète, annoncent, reflètent et parfois orientent notre Monde. Souvent, ils ont même, grâce à notre entremise humaine, pouvoir de vie et de mort, de paix et de guerre, sur nos existences : je n’exagère pas ! Même à travers Betty Boop, Tex Avery, les premiers Walt Disney, nous nous retrouvions déjà devant des miroirs d’époque, des documents historiques à peine schématiques. C’est pourquoi je crois qu’il faut prendre les dessins animés, les B.D. et les contes, un petit peu plus au sérieux qu’on ne les envisage aujourd’hui, car ils contiennent une grande part des secrets du Sens de l’Histoire humaine internationale. Derrière les films d’animation, il y a des concepteurs réels et peu innocents, capables de donner corps à leur propre vision du Monde, capables d’orienter nos désirs sexuels et nos identités à notre place si nous n’y prenons pas garde. Les dessins animés sont des univers suffisamment borderline pour que puisse se glisser facilement la perversion, la régression sexuelle, la suggestion génitale, l’anecdote lubrique, le double sens vulgaire, le sous-entendu (pédophile, incestuel, violent). Pas de paranoïa ; mais pas d’aveuglement non plus !

 

Film d'animation La Reine des Neiges de Walt Disney (Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile, être une femme libérée, tu sais c'est pas si facile...)

Film d’animation La Reine des Neiges de Walt Disney (Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile, être une femme libérée, tu sais c’est pas si facile…)


 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Pygmalion », « Bovarysme », « Pédophilie », « Super-héros », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Télévore et Cinévore », « « Plus que naturel » », « Élève/Prof », « Couple homo enfermé dans un cinéma », « Peinture », « Fan de feuilletons », « Substitut d’identité », « Éternelle Jeunesse », « Amoureux », « Drogues », « Parodies de Mômes », « Tomber amoureux du leader de la classe ou d’un personnage de fiction », « Cour des miracles », à la partie « Albator » du code « Désir désordonné », à la partie « Fée » du code « Vierge », à la partie « Cuculand » du code « Milieu homosexuel paradisiaque », et à la partie « Hypnotiseur » dans le code « Médecines parallèles », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le conteur homosexuel ou homosexualisant :

 

Film "Saturno Contro" de Ferzan Ozpetek

Film « Saturno Contro » de Ferzan Ozpetek


 

Bien souvent dans les fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel est conteur (la voix-off suggère souvent une schizophrénie ou un isolement entre le héros et le monde extérieur, d’ailleurs), ou bien se laisse bercer par un(e) conteur(-euse) anesthésiant(e) : cf. le film « Beignets de tomates vertes » (1991) de Jon Avnet, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti, la chanson « La Légende de Rose la Tulipe » de Ronan et Cindy dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon, le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver, le film « La Tourneuse de pages » (2005) de Denis Dercourt, le film « 17 fois Cécile Cassard » (2002) de Christophe Honoré (avec Béatrice Dalle chantant une berceuse), le film « Le Roi Jean » (2009) de Jean-Philippe Labadie, le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye (avec les deux amants qui se lisent des livres entre eux), le one-(wo)man-show Madame H. raconte la Saga des Transpédégouines (2007) de Madame H. (présidente de Homosexualité et Bourgeoisie), le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault, le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, le film « Jeffrey » (1995) de Christopher Ashley, le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand (composé uniquement de critiques de films que Rodolphe a vus et raconte), le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré (avec Orphée racontant des légendes mythologiques à ses compagnons de voyage médusés), le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram (avec la conteuse lesbienne), le film « The Last Girl : The Girl with all the Gifts » (2017) de Colm McCarthy, etc.

 

« C’est mon métier de raconter des histoires. » (Claire dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat) ; « Tout doux, tout doux, tout doucement… en flânant gentiment… » (cf. la chanson d’entrée du film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Moi, j’étais un fils-à-maman, et tous les soirs en m’endormant, elle me disait : Quand tu seras grand, tu danseras le prince charmant dans La Belle au bois dormant. » (cf. la chanson « La Chanson de Ziggy » de Ziggy et Marie-Jeanne dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Tanguy l’admirait. Rachel parlait plusieurs langues étrangères, connaissait des contes magnifiques où il était question de gnomes et de fées. Elle était artiste aussi. […] Les contes, pour lui, c’était la paix. Rachel, avec sa voix douce, était une merveilleuse ‘conteuse’. […] Tanguy avait besoin de croire aux contes. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), pp. 28-30) ; « Quant à moi, je serai la conteuse de ces malheurs. » (la narratrice-lectrice évoquant Dorian de la pièce Le Portrait de Dorian Gray (2012) du groupe Imago) ; « Cette nuit, ils ne font pas l’amour. Cette nuit, ils ne se défoncent pas. Plancher, sur le lit, les draps trempés. Il grelotte, il suffoque. Le thermomètre indique quarante de fièvre. Javier veille son ami. Passe la main sur son visage, le calme lorsqu’il s’agite trop, porte les verres d’eau, maintient le gant de toilette imbibé d’eau froide sur son front, caresse sa chevelure, sa nuque, lui raconte un tas d’histoires sans intérêt pour l’apaiser, le serre dans ses bras, embrasse sa joue en feu, l’aide à ingurgiter aspirine sur aspirine. » (Antoine Chainas, Une Histoire d’amour radioactive, 2010) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Isabelle (Ariane Ascaride) lit une histoire à son ami Félix (le héros homo) au lit. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Dodo raconte une histoire d’un ours polaire homosexuel qui visite l’Afrique. Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, dix amis se racontent des histoires dans une maison abandonnée. Dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier, Bernard est conteur et c’est son métier. Dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, Garnet, le héros homosexuel, paie des conteurs à son service pour qu’ils lui fassent la lecture. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Annella, la mère de Elio, lit à son fils de 17 ans le conte du XVIe siècle d’un prince qui avoue son amour interdit à une princesse… ce qui poussera Elio à oser déclarer sa flamme à Oliver tout de suite après.

 

Devenir un certain type de conteur, c’est, dans certaines créations homo-érotiques, comme « s’homosexualiser » et chercher à susciter le désir homosexuel. Comme le Molina avec Valentin dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, par exemple : le personnage homosexuel raconte à son amant infantilisé des histoires dont il est le héros dans l’obscurité d’une chambre-cinéma, tire les ficelles de la narration, interprète tous les autres personnages en donnant à son compagnon de jeu l’illusion de liberté et d’interactivité. Il combine le travail de metteur en scène avec celui d’acteur. « Faisons une chose : quand je sentirai que je peux te raconter quelque chose, je te le raconterai, avec plaisir. Mais ne me le demande pas, je te le proposerai tout seul. D’accord ? » (Molina, p. 50)

 

Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony initie le jeune Jim, homo comme lui, à la vénération de la Phalange sacrée de Thèbes, légende homo-érotique qu’il lui raconte. Toute l’intrigue de ce roman est fondée sur la chaîne de captation homo-érotique d’un conteur sur un autre : Scrotes a été le conteur de son ex-amant Anthony ; Anthony a été le conteur du jeune Jim ; et enfin, Jim devient le conteur de son amant Doyler, qui part vers la mort.
 

« Raconte-moi la légende du Niño-Pez. » (Ailín dans le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] faisait la lecture à Mary, guidant l’esprit assimilateur de la jeune fille dans de nouveaux domaines inexplorés jusqu’ici, lui enseignant la joie qui peut résider dans les livres. […] Et Mary, écoutant la voix de Stephen, assez profonde et toujours un peu rauque, pensait que les mots, lorsque c’était Stephen qui les prononçait, étaient plus harmonieux que de la musique, et plus inspirateurs. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 432) ; « Ce soir, nous allons dîner au clair de lune, je vous réciterai les vers de Lorca. » (Cyrille, le héros homosexuel s’adressant à Hubert, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, p. 72) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, Sidonie est la lectrice officielle (et l’amant officieuse) de la Reine Marie-Antoinette : elle lui lit Félicie. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel et Léo vont au cinéma ensemble voir un film que Gabriel raconte verbalement à Léo parce que ce dernier est aveugle. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc devient le conteur de son ex, Luc, mourant du Sida ; Bill, par la suite, décrit tout ce qu’il voit à Rob, son compagnon aveugle. La pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay s’achève avec une scène où l’un des deux héros lit une histoire à l’autre avant qu’il ne s’endorme. Dans la pièce Guantanamour (2008) de Gérard Gelas, Billy chante du blues à son compagnon de cellule. Dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, Mister Jones, vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, est soigné dans une maison de repos par Bob ; grâce aux mots du jeune infirmier, la chambre des deux amants va peu à peu s’animer aux couleurs des tableaux du peintre néerlandais. Dans le film « Camping 2 » (2010) de Fabien Onteniente, alors que Alors Patrick et Jean-Pierre sont coincés sur une île, le premier raconte une histoire au second : la légende de l’île de la Vieille. Dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, l’un des deux amants avoue à son copain que durant son enfance, il est tombé amoureux du personnage fantastique « le Mounime » dans le livre de contes qu’ils sont en train de feuilleter amoureusement. Dans le film « Au mariage de nos âmes loyales » (2010) d’Andrew Steggall, deux jeunes Irakiens embarquent illégalement sur un bateau qui les mène de Bagdad à Londres. Enfermés, Falah réconforte Hayder en lui murmurant en arabe les vers des sonnets amoureux de Shakespeare. Dans le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider, Laurent veut que son amant André lui raconte « le Poème de Ceylan » qu’il aime tant. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Franck et Henry passent leur journée face au lac à se raconter des histoires.

 

Le plus souvent, le personnage homosexuel confond la narration avec son propre contexte de narration, et finit par croire vraiment aux contes de fées (et parfois, par se casser le nez !) : « On dit que les contes de fée finissent bien. » (Rachel, l’héroïne lesbienne du film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; « Just a first kiss from my lover… Beautiful kiss and forever : I love him… » (cf. la chanson « Father I Am » de Jann Halexander) ; « Kévin et moi nous ne nous quittions plus. Je croyais le temps arrêté sur mon bonheur, quelle utopie ! Je vivais un rêve, comme dans un conte de Noël. » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 393) ; « Ah ! Je vois que tu connais tes classiques ! Tu as lu Le Petit Prince» (Bryan s’adressant à Kévin, op. cit., p. 87) ; « Je croyais que les contes de fées n’existaient pas, c’est ce qu’on m’avait toujours dit. Aujourd’hui, je n’en suis pas si sûr car c’est ce que je vis avec toi depuis le début de l’année. Mais un conte de fées, ça finit toujours bien. Pourquoi le nôtre finit-il si mal ? » (idem, p. 300) ; « Le p’tit Martin [héros sur qui pèse une forte présomption d’homosexualité] à sa maman est une Cendrillon ! » (Malik se moquant de Martin dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Le prince charmant existe-t-il ? […] Le grand jour arriva enfin, comme on dit dans les contes de fées. » (le narrateur homosexuel du roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 23 puis p. 39) ; « J’ai rencontré le Grand Amour. Comme dans les contes de fée. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc. Par exemple, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo, le héros homosexuel, est obsédé par l’idée d’être embrassé pour la première fois sur la bouche, et il idéalise complètement cet instant fantasmé ; sa meilleure amie Giovanna la prévient de l’atterrissage (« Tu pourrais te transformer en crapaud. »).

 

On retrouve souvent Cendrillon, Blanche-Neige, Peau d’Âne mentionnés dans les œuvres homo-érotiques : cf. le one-woman-show Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, le film « Little Black Boot » (2004) de Colette Burson, le film « Amour toujours » (1995) de Gabriel de Monteynard, le film « Scène de lits » (1997) (avec « Monsieur Propre » notamment) de François Ozon, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Quels adultes savent » (2003) de Jonathan Wald, le film « Muriel » (1994) de P. J. Hogan, le film « Pôv fille ! » (2003) de Jean-Luc Baraton et Patrick Maurin, la pièce Cendrillon (1994) de Lindsay Kemp, la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim, la pièce Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou, la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec la référence à Blanche-Neige), etc. Par exemple, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne vole un collier dans une bijouterie, pour « faire comme dans Peau d’Âne ». Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, « Peau d’Âne » est le film préféré de Greg, le personnage homo.

 

Charles Gray, le machiavélique "story-teller" du film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Charles Gray, le machiavélique « story-teller » du film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Une fois passée la rêverie planante et infantilisante, l’effet que produit le conte est souvent violent : dépersonnalisation, perte de contrôle, manipulation, voire viol. Par exemple, dans le film « Simple appareil » (2009) de Jean-Christophe Cavallin, Pierrick et Jacques son amant-internaute passent la nuit ensemble dans la chambre de Pierrick, près du Canal Saint-Martin, à se raconter leurs blessures intimes… et la narration tourne au drame. Le conteur homosexuel conduit quelquefois à la mort ou à la guerre : cf. le film « Little Lies » (2012) de Keith Adam Johnson, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, le film « Passion » (1964) de Yasuzo Masumara, le poème « Canción De Amor A Los Nazis En Baviera » de Néstor Perlongher (avec la conteuse anesthésiante Marlene Dietrich, qui parle aux soldats coincés au front), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec les quatre divas qui amènent les êtres humains à la torture), le film « Les Enfants terribles » (1950) de Jean-Pierre Melville (avec Catherine qui manipule incestueusement son frère Paul par le conte), etc. « Ma grand-mère me lisait Mein Kampf avant de m’endormir. » (Mémé Huguette dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « J’adore les comptines pour enfants, toujours tragiques et macabres. » (Christopher Wren, le héros homosexuel de la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; « Quand on se réveille, je propose que l’on retire nos bandeaux, mais Vianney trouve ça prématuré. Il geint ‘Pas cette fois, s’il te plaît…’ Avant qu’il ne parte, je lui raconte l’histoire de La Symphonie Pastorale de Gide. Vianney dit que c’est triste, cette fille aveugle à qui on fait croire que le monde est beau, et qui, quand elle recouvre la vue, s’aperçoit qu’on lui a menti. » (Mike racontant son aventure avec un certain Vianney qu’il accueille chez lui pour un « plan cul » alors qu’il a les yeux bandés, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 85-86) ; « Dans les contes de fées. Pères tyranniques et marâtres cruelles, enfants abandonnés et épouses assassinées, telles étaient les matières premières des légendes, mais aussi de la vie. […] Les mères de ces contes attiraient ces malédictions parce qu’elles avaient fait preuve de négligence. C’était également vrai dans la vie. Il suffisait de tourner le dos un instant et le pire pouvait arriver. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 104) ; etc. Par exemple, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014), Shirley Souagnon simule de raconter un conte pour enfant à sa future progéniture, en s’imaginant en train de « pousser l’enfant dans l’escalier ». Dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), Jefferey Jordan explique que sa grand-mère Mamie Suzanne lui racontait des histoires et des comptines, tout pendant qu’elle était odieuse avec lui. Cette maltraitance l’a poussé à « voir du sexe partout même dans les comptines pour enfants » : selon lui, « Au clair de la lune » est une chanson « érotique », et « Les 3 Petits Cochons, là, c’est carrément dans une soirée SM ! »

 

Le conte peut même conduire à la mort. Par exemple, dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Ruth demande à sa compagne Idgie de lui raconter l’histoire narcissique qui les lie : « J’adore tes histoires. Raconte-moi une histoire, ma charmeuse d’abeilles. Tiens. Raconte-moi l’histoire du lac. » Idgie ne se rend compte de la mort de Ruth qu’une fois son conte terminé.
 

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville


 
 

b) Dessin animé : le meilleur conte puisqu’il est animé et potentiellement humain et « aimant » :

Dessin animé Scoubidou (avec le chien particulièrement mauviette) d'Hanna Barbera

Dessin animé Scoubidou (avec le chien particulièrement mauviette créé par d’Hanna Barbera)


 

Le personnage homosexuel est souvent un grand consommateur de dessins animés et de bandes dessinées : cf. le film « Getting To Know You » (2004) de Liz Lachman, le film « Méprise multiple » (1997) de Kevin Smith, le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon (avec les Simpsons), le film « Le Club des cœurs brisés » (2002) de Greg Berlanti (avec le fan homosexuel inconditionnel de Scoubidou, qui ne veut pas rater son rendez-vous télévisuel quotidien), le film « Artistes et Modèles » (1955) de Frank Tashlin (avec Eugene, l’amateur de B.D.), le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne (avec Albator prenant forme humaine), la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon (avec la mention d’Albator), le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre (avec la scène du dessin animé diffusé dans la boîte gay), la nouvelle « Quoi ? Zob, zut, love » (1983) de Copi (avec Ninu-Nip, un lettriste de bandes dessinées), la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez (avec Nono, l’un des héros homos portant un tee-shirt Mickey), le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec le chat de Matthieu qui s’appelle Stelly, en référence au manga Albator), le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen (avec Benoît, le héros homosexuel, fan de dessins animés), etc.

 

« Peter Pan et Tom Sawyer m’attendent. » (cf. la chanson « Boulevard des Rêves » de Stéphane Corbin) ; « Walt Disney, le héros de mon enfance. » (Jean-Marc, le héros homosexuel dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 109) ; « J’ai passé l’avant-midi du deuxième jour devant de vieux dessins animés dont la plupart, je m’en souvenais très bien, avaient enchanté mes premières années de téléphage enragé. » (idem, p. 204) ; « Tout au fond de ma mémoire, je le sens se réveiller, l’ancestral désir de toi : c’est le désir de monter sur un beau tapis magique pour survoler toute l’Afrique dans un dessin animé. » (Lou, l’héroïne lesbienne de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Ses yeux, ils devenaient de plus en plus grands et brillants, comme ceux des méchantes dans les dessins animés japonais, avec trois gros points blancs qui tremblent au milieu des iris. ‘Je suis un peu sorcière.’ » (Yvon en parlant de Groucha, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 265) ; « Je suis sorti avec un chanteur… et il travaille à Disney maintenant. » (Matthieu, l’un des héros homos de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Ce sont des princesses sans Royaume. Mais le seul endroit où on peut les retrouver, c’est Eurodisney. » (Samuel Laroque décrivant les personnes homosexuelles, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Tom et Jerry sont un couple gay. » (Veronika, l’héroïne lesbienne s’adressant à deux garçons qui la draguent Nina et elle, et qui s’appellent Tom et Jerry, dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky) ; « Ils ont pas voulu de moi chez Astérix. » (Rodolphe Sand imitant une femme hétéro mère porteuse, dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Candy : ce dessin animé m’émeut vachement. » (Rodolphe Sand imitant une femme lesbienne super dure, Joyce, idem, 2014) ; « Alors comme ça, tu aimes bien les dessins animés ? Je dis ça par rapport à ton pseudo Peter Plan… » (Jérémy Lorca discutant avec Damien, un amant internaute qu’il a rencontré « en vrai », dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; « Océane et moi on aime bien les mangas. » (Lou face à Maëva pour lui faire comprendre qu’elles sont lesbiennes, dans l’épisode 95 « Disparition au lycée » de Joséphine ange gardien) ; etc.

 

CONTEUR Disney

« Légers » détournements parodiques


 

Par exemple, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Ben est fan des dessins animés de Walt Disney. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, nombreuses sont les références aux dessins animés (cf. Belle et Sébastien, Albator, etc.). Dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, les deux amantes lesbiennes Lucie et Léonore s’organisent une soirée Cartoons. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homo, est fan de B.D., de supers-héros (Superman, Batman) et de dessins animés (The Simpsons, Toy Story, etc.) ; et les deux amants Jean et Juan se rendent ensemble à Eurodisney. Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain Canard, le coiffeur homosexuel, organise des soirées déguisées : la dernière qu’il a faite, c’était sur le thème « Dessins animés de notre enfance » et il était accoutré en Princesse Sarah. Dans le sketch « Le Pays de la Magie » de Bruno Salomone, Disneyland est décrit comme le monde de la bisexualité par excellence. Dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque vit dans la nostalgie des dessins animés de son enfance (Candy, les Schtroumpfs)… qu’il parodie « façon camp » pour se donner l’illusion de se les réapproprier de manière adulte et mature (cf. la Schtroumpfette qui fait des films d’épouvante). Dans le film « Masala Mama » (2010) de Michael Kam, le jeune héros homosexuel vole une B.D. de supers-héros dans une épicerie indienne. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, la mère de Dany, le héros homosexuel, l’a forcé, étant petit, à rester planté devant les dessins animés. Le lavage de cerveau semble avoir marcher puisque Dany conserve une image du manga Sailor Moon dans son agenda. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, lorsque la narratrice transgenre F to M se travestit, elle met une musique « parodique » de dessin animé de Super-héros avec une voix robotique signalant « Métamorphose ! » (la comédienne porte d’ailleurs un marcel de Goldorak). Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, les quatre lolitas lesbiennes ne vivent qu’à travers leurs mangas et les Disney : par exemple, Kanojo chante « ce Rêve bleu » d’Aladdin sous sa douche. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, parodie le dessin animé Les Maîtres de l’Univers : « Par le pouvoir du Crâne Ancestral ! » Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, lorsque Frankie rencontre en boîte pour la première fois Walt, le mec avec qui il va coucher le soir-même, il fait un jeu de mots avec son prénom : « Comme Whitman ? » Walt lui répond : « Comme Disney ». Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien traite son amant Yoann comme un petit enfant qu’il amène au Parc Astérix. Et Yoann s’excite toujours autant d’y être emmené. Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), Fabien, le héros homosexuel, fait référence au dessin animé Ken le Survivant ainsi qu’au Marsipulami. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, les amants Thomas et François voient dans leur amour commun pour le dessin animé « Le Roi Lion » un signe qu’ils doivent se remettre ensemble : « Hier soir, j’avais le blues et j’ai voulu regarder le Roi Lion. » dit François. « C’est marrant… Moi aussi. » répond Thomas.

 

Cette fuite du héros homo dans le monde virtuel des contes et des dessins animés l’entraîne parfois dans la dépression et la frustration, car il se rend bien compte que la vie n’est pas un film d’animation : « J’ai toujours confondu la vie avec les bandes dessinées. » (cf. la chanson « S.O.S. d’un terrien en détresse » de Johnny Rockfort) ; « Je ne suis pas un de tes supers-méchants de tes B.D. Je n’ai pas le pouvoir dont tu parles. » (le père de Danny s’adressant à son fils homosexuel, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le conteur homosexuel ou homosexualisant :

Parfois dans la communauté homosexuelle, on rencontre des conteurs ou des personnes qui jouent le rôle de nous bercer en nous racontant des histoires : cf. l’autobiographie Elle était une fois… (2003) de Marie-France. Par exemple, un certain nombre de personnalités du monde homosexuel sont attachées aux contes et chansons d’Anne Sylvestre (Michel Heim, Jann Halexander, etc.) ou à des animatrices d’émissions pour enfants qui racontaient des histoires (Chantal Goya, Karen Chéryl, Dorothée, Doushka… ou Jean Rochefort). Dans son film « Parking » (1985), Jacques Demy dédicace son film à Jean Cocteau : « À JEAN COCTEAU qui aimait ces mots magiques : ‘Il était une fois…’ J.D. »

 

El Beso de la Mujer-Araña (1976) de Manuel Puig (mise en scène de Rubén Schumacher en 2009 à Buenos Aires)

Le roman El Beso de la Mujer-Araña (1976) de Manuel Puig (mise en scène de Rubén Schumacher en 2009 à Buenos Aires)


 

Devenir un certain type de conteur, cela revient parfois à « s’homosexualiser » et à susciter le désir homosexuel. Quand je dis cela, je me base sur un fait bien précis de ma vie. J’avais 22 ans quand je suis tombé pour la première fois (par hasard ?) sur El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig. Personnellement, j’ai compris grâce à ce roman l’universalité-singularité de mon désir homosexuel, puisque l’aventure cinématographique que le personnage homosexuel de Molina propose à son compagnon de cellule Valentín (Molina, la « grande folle » qui se définit lui-même comme la « femme-araignée », passe son temps à raconter des films en noir et blanc des années 1930 à son camarade de prison), c’est exactement ce que j’ai mis en scène pour mon frère jumeau Jean pendant 4 années entre l’âge de 6 ans et 10 ans (avant que nous ne dormions plus dans la même chambre) avec « Les Aventures de Jean », une sorte de conte oral extensible à l’infini, dont Jean était le héros, et qui se construisait selon notre/mon imagination, soir après soir. Quand j’ai découvert en 2002 que le livre de Manuel Puig relatait un des événements-phare de mon enfance (moi aussi, j’ai transformé ma chambre gémellaire en salle de cinéma), je me suis dit intérieurement : « Y’a un truc… C’est pas possible… Et si le désir homosexuel se laissait décoder ? Et s’il existait un Universel homosexuel qui ne soit pas identitaire ni amoureux, mais uniquement désirant ? » Le roman El Beso De La Mujer-Araña a mis en lumière mon identité de conteur (homosexuel), ainsi que l’existence future de mon Dictionnaire des Codes homos (car ce roman réunit quasiment tous les codes du Dico que j’ai découverts par la suite !).

 

Je ne suis pas du tout le seul à avoir cherché à vivre ma vie comme un grand dessin animé. Souvent, en écoutant mes amis homosexuels, j’ai constaté qu’ils confondaient la narration (d’une histoire, d’un poème, d’un dessin animé, d’un conte) avec leur propre contexte de narration, et finissaient par croire vraiment aux contes de fées. « Un jour, j’aurai le prince charmant. C’est tellement rassurant d’être avec quelqu’un, de passer une nuit avec quelqu’un… » (Vincent, un témoin homosexuel de 22 ans, dans le documentaire « Ma Vie (séro)positive » de Florence Reynel, diffusé sur la chaîne France 4 le 2 avril 2012)

 

Dans les œuvres de fiction homo-érotiques, les contes de notre enfance sont régulièrement réadaptés par les créateurs homos-bisexuels. Par exemple, Mylène Farmer revisite le conte de Blanche Neige dans le vidéo-clip de sa chanson « Tristana », le Petit Chaperon Rouge dans le vidéo-clip de sa chanson « Monkey Me » ; elle joue le rôle de Pinocchio dans ses vidéo-clips « Tristana » et « Sans contrefaçon ». Par ailleurs, Amélie Poulain inspire la chanson « Amélie m’a dit » d’Alizée et le film « Le Fabuleux Destin de Perrine Martin » (2002) d’Olivier Ciappa. L’histoire de La Belle au bois dormant sert de trame au film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne. Le film « La Belle et la Bête » (1946) de Jean Cocteau fournit un autre exemple de reprise de contes. On retrouve Blanche-Neige dans le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set. Les comédies musicales La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier, ou encore La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim se calquent parodiquement sur la Belle au bois dormant, bien entendu ; etc.

 

Certains artistes homosexuels (ou icônes gays) prétendent rédiger des « contes philosophiques » de la même veine et profondeur que le Petit Prince. Ils s’improvisent illustrateurs par des dessins minimalistes et naïfs à la Saint-Exupéry : cf. Lisa-Loup et le Conteur (2003) et le vidéo-clip de la chanson « C’est une belle journée » de Mylène Farmer, les calligraphies de Jean Cocteau, le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell, le film « Peeling » (2002) d’Heidi Anne Bollock, le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier, le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitman, les illustrations minimalistes d’Andy Warhol ou de Keith Haring, les photos enfantines et paradisiaques de Pierre et Gilles, les contes pour enfants de Christophe Honoré ou encore de David Dumortier, la nouvelle « Margot, histoire vache » (2010) d’Essobal Lenoir, les croquis minimalistes pornographiques de Sergueï Eisenstein, etc.

 
 

b) Dessin animé : le meilleur conte puisqu’il est animé et potentiellement humain et « aimant » :


 

Dans mon essai Homosexualité intime (2008), j’aborde la question de l’attrait des personnes homosexuelles pour les médias, et notamment pour les films d’animation. Je n’échappe pas à cette tendance. Dès ma plus tendre enfance, je pense que je fuyais le Réel à travers la télévision, le cinéma, et surtout les dessins animés : mes préférés étaient Les Cités d’Or, Jeanne et Serge, Scoubidou, l’Inspecteur Duflair, She-ra et Princesse Sarah. J’ai eu aussi ma période Tintin, et bien sûr Walt Disney. Même à 15 ans, je demandais encore les cassettes VHS des « Grands Classiques » de Disney pour Noël ou mon anniversaire (mes parents se demandaient quand est-ce que j’aurais des goûts un peu plus « adultes »…) et j’en connaissais les dialogues par cœur. D’ailleurs, ma passion de l’enregistrement des dessins animés m’a fait glisser peu à peu une pente très homosexuelle et peu glorieuse : celle des films érotiques et pornographiques. Me levant très tôt pour voir certains dessins animés, j’avais quartier libre pour le zapping sur d’autres chaînes aux programmes beaucoup moins innocents… Je suis donc très bien placé pour parler des croisements (non-causaux) entre dessins animés et homosexualité !

 


 

J’ai remarqué que les personnes homosexuelles sont souvent des grands consommateurs de dessins animés et de bandes dessinées : « On m’emmena au cinéma voir ‘Blanche-Neige’. J’étais fasciné, comme envoûté, les yeux écarquillés, la bouche ouverte, la respiration suspendue. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 23) Ces outils leur servent de référentiel et de lunettes pour interpréter les réalités qui les entourent, et surtout les altérer : « Un beau jour, mon regard croisa celui d’un garçon qui ne cessait de cocher, je ne sais quoi, dans son journal. […] Tantôt souriant, tantôt faisant la moue, ses mimiques très drôles lui donnaient cette familiarité, si sympathique, des personnages de bandes dessinées. » (Berthrand Nguyen Matoko lors de la drague, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 99) Lors du débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017, Lucas Carreno, femme F to M, est née jumelle avec un frère. Quand elle était petite, elle s’identifiait toujours à Peter Pan ou Mowgli.

 

Programme d'éducation sexuelle (genre Le Baiser de la Lune) diffusé actuellement dans certaines écoles françaises pour apprendre aux jeunes que le plaisir sexuel existe et qu'il n'est pas mauvais...

Programme d’éducation sexuelle (proche du « Baiser de la Lune » de Sébastien Watel) diffusé actuellement dans certaines écoles françaises pour apprendre aux jeunes que « le plaisir sexuel existe et qu’il n’est pas mauvais »… Merci Najat Vallaud-Belkacem !


 

Jérôme Savary n’a pas tort quand il affirme que « l’homosexualité est souvent le refus d’entrer dans la vie d’adulte » (Jérôme Savary cité dans l’article « Tous ses personnages, c’est lui » de Gilles Costaz, dans le Magazine littéraire, n°343, Paris, mai 1996, p. 42) Il n’y a qu’à voir dans les créations homo-érotiques les nombreuses références faites à Peter Pan, aux contes de fée, aux dessins animés, aux bandes dessinées, aux boîtes à musique, aux mobiles enfantins suspendus en l’air, pour le comprendre.

 

Si un certain nombre de personnes homosexuelles croient que les images offertes par les dessins animés et les contes sont fidèles à la Réalité, c’est notamment à cause d’une révolution technique audiovisuelle qui s’est produite à la fin du XIXe siècle et qui a joué et joue encore actuellement un rôle capital dans nos représentations mentales du Monde et dans notre sexualité : je veux parler de la transition des images fixes aux images-mouvement, observable notamment dans le cinéma d’animation. La succession de vingt-quatre images par seconde et les images en 3D peuvent nous laisser croire qu’une photo, par essence morte, a le pouvoir de s’animer et d’aimer sans l’intervention humaine, que notre imagination est la Réalité, que ce que nous rêvons arrive à être tel que nous le conceptualisons mentalement, que le désir de celui qui a accès au maniement des nouvelles technologies iconographiques est tout-puissant.

 

L’impression saisissante de vraisemblance, permise par l’image-mouvement, n’est pas sans risque. L’image déréalisée, en déguisant le mythe en Réalité, peut encourager le passage des fantasmes à la pulsion actualisée, autrement dit la création de réalités fantasmées. Les nombreuses limites invisibles que nous impose l’objet cinématographique qui nous promet tout sans rien changer durablement à notre quotidien va réveiller chez certaines personnalités un fort sentiment de trahison et de frustration. Nous pouvons le constater par exemple avec les films pornos. Au bout d’un moment, l’image, même très réaliste et sexuellement excitante, ne suffit plus : elle en appelle d’autres, exige un passage à l’acte, encourage au désenchantement du monde, et à l’autodestruction.

 

Les dessins animés ne provoquent pas ce qu’ils filment : ils l’encouragent, et peuvent agir symboliquement par les effets désirants qu’ils provoquent en l’Homme. Si l’influence des images déréalisantes sur nos modes de vie n’est pas reconnue (car certaines personnes se servent du fait qu’elle est toujours imparfaite et qu’elle mobilise quoi qu’il arrive notre liberté de spectateurs pour ne pas la reconnaître), elle peut conduire à des comportements agressifs. La transition des images fixes aux images-mouvement nous fait souvent préférer le monde virtuel au quotidien, et donc impulse nos désirs de mort et de réification. Et en écoutant les personnes homosexuelles de mon entourage, je vois bien que, même si elles sont tout à fait capables intellectuellement de faire la différence entre un conte et le Réel, dans leur cœur elles désirent vivre elle aussi dans l’image. Voire vivre l’image, celle-ci devenant leur réalité.

 

Film d'animation "Pocahontas" de Walt Disney (avec Ratcliffe et son toutou à sa mémère)

Film d’animation « Pocahontas » de Walt Disney (avec Ratcliffe et son toutou à sa mémère)


 

Certaines ont l’honnêteté de reconnaître dans leur rapport aux dessins animés une probable explication ou moteur de leur élan homosexuel : « Dessins animés. Une étrange histoire nous rassemble, ces films faussement innocents et nous. Nos parents sont naïfs… Ils ne pensaient pas que nous trouverions des sous-entendus dans les œuvres de Walt Disney. » (un interviewé homosexuel, cité dans la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 100) ; « J’avais l’impression d’avoir une image asexuée, comme un prince de Disney, ni avec un homme ni avec une femme. Cette ambiguïté me suit depuis longtemps, alors autant ne pas cacher les choses, ne pas jouer à être quelqu’un d’autre. » (le chanteur Emmanuel Moire faisant son coming out) ; etc. Par exemple, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), le romancier Alexandre Delmar avoue être tombé amoureux du personnage d’Esteban dans le dessin animé franco-japonais Les Mystérieuses Cités d’Or : « Oui, on peut trouver un personnage de dessin animé infiniment beau ! Absolument ! Je ne trouve pas ce concept du tout surprenant. » (p. 13) Autre exemple, dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger, la B.D. Martine est présentée (ironiquement ?) comme un déclencheur du désir lesbien. Je vous renvoie également à ce canular téléphonique de Laurent Baffie sur la B.D. Tintin.

 

CONTEUR Martine

 

Et plus ça va, moins les confluences entre le monde de Walt Disney et le monde homosexuel sont méconnues : voici six liens pour vous faire une idée (le premier sur les personnages gays dans les Disney ; le deuxième avec un diaporama des héros ambigus dans les Disney ; le troisième sur la polémique d’un pasteur autour de la Reine des Neiges ; le quatrième toujours concernant la Reine des Neiges ; le cinquième étant un décryptage gay de la Reine des Neiges ; et le sixième avec la traduction de l’affaire Frozen en français). Par exemple, pour écrire sa comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011), Stéphane Druet dit qu’il s’est inspiré des méchantes de Disney. Le chanteur Mika, quant à lui, est friand des dessins animés Disney, et notamment du « Livre de la Jungle ».

 

Disney, c'est... très gay !

Disney, c’est… très gay !


 

J’ai déjà rencontré dans mon entourage amical homosexuel un certain nombre d’employés travaillant chez Disney/Astérix ou qui sont figurants dans les parcs d’attraction à thèmes. Ces temples des dessins animés et de la B.D. ont même carrément leurs Journées Gay Friendly.

 

CONTEUR avion

Les « soldes » annoncées par avion…

Pour la petite histoire, un des mes « ex » (qui avait travaillé chez Disney Studio) a même fini par se dire que c’était son homosexualité qui l’avait fait postuler là-bas.

 


 

Au risque d’en choquer certains, je soutiens que les dessins animés n’ont pas grand-chose d’innocent. Le documentaire « Pin Up Obsession » (2004) d’Olivier Megaton insiste sur l’influence capitale qu’ont eu les dessins animés sur les représentations fantasmatiques de la différence des sexes dans l’inconscient collectif mondial, depuis Betty Boop, Tex Avery, jusqu’à nos jours. Je conseille à tout le monde le visionnage de cet excellent reportage qui devrait être remboursé par la Sécurité Sociale, et qui ferait davantage de bien dans les établissements scolaires que tous les ABCD de l’Égalité de la Terre et tous les programmes de santé publique à l’adresse des adolescents !

 


 

Pour ma part, je regarde avec une attention décuplée le tournant idéologique qui est en train de se prendre tout doucement avec les derniers films d’animation qui arrivent sur nos écrans (surtout depuis Aladdin, Raiponce et La Reine des Neiges de Walt Disney), car les chansons, les messages de plus en plus ouvertement féministes et misandres (la décrédibilisation de la masculinité et la paternité est en voie d’accélération), la tonalité des phrases, les scenari de plus en plus insensés, les dialogues tournés vers la violence ou le slogan libertaire et égalitariste, ne présagent à mon sens rien de bon pour notre Monde…

 
 

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Code n°37 – Corrida amoureuse (sous-codes : Taureau / Rouge et Noir / Minotaure)

corrida

Corrida amoureuse

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Tauromachie et Homosexualité

 

Détruire l’autre, mais le faire avec une telle élégance, un tel art, que la splendeur étincelante de celle-ci ferait oublier l’horreur de la destruction : voilà la fusion entre éthique et esthétique que cristallise la tauromachie.

 

Il arrive plus fréquemment qu’on ne croit que les personnes homosexuelles sont étrangement fascinées par la violence/l’entièreté de la passion. Prisonnières de leurs bonnes intentions et de leurs prétentions artistiques, elles ne se voient plus agir en amour, et pensent qu’elles peuvent aimer et être aimées à n’importe quel prix, y compris en ayant recours à la brutalité et au meurtre. Il s’agit d’une croyance absurde, puisque l’Amour vrai, même s’il se manifeste parfois dans des situations d’épreuves, n’a jamais eu besoin de la souffrance ni de la mort pour exister. Mais elles s’obstinent à la rendre effective par l’intermédiaire de l’esthétique.

 

C’est pourquoi certaines d’entre elles arrivent à se passionner pour « l’art » de corrida, la mise en scène du risque qu’il représente, la sacralisation du danger (notamment sexuel).
 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Liaisons dangereuses », « Désir désordonné », « Amant diabolique », « Femme et homme en statues de cire », « Cheval », « Mort = Épouse », « Chat », « Aigle noir », « Araignée », « Quatuor », « Symboles phalliques », « Animaux empaillés », « Ennemi de la Nature », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », à la partie « Cowboy » du code « Don Juan », à la partie « Polysémie de l’adverbe ‘contre’ » du code « Fusion », à la partie « Sang » du code « Mariée », et à la partie « Femme en rouge » du code « Carmen », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) L’importance de la tauromachie dans le monde fictionnel homosexuel :

Tableau Study For Bullfight n°1 de Francis Bacon

Le Tableau Study For Bullfight n°1 de Francis Bacon

 

Dans les œuvres fictionnelles traitant d’homosexualité, bizarrement, il est énormément question de taureau, de tauromachie et de corrida : cf. le roman Les Bestiaires (1926) d’Henri de Montherlant, les romans La Torería (1909), La Noche De Walpurgis (1912), et El Martirio De San Sebastián (1917) d’Antonio de Hoyos, le vidéo-clip de la chanson « Memorabilia » (1991) de Marc Almond et Soft Cell, le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec les taureaux bravos), le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade (avec Benjamin, l’un des héros homos, habillé en matador), les films « Un autre homme » (2008) et « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, le one-man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set (avec « Pierrot le taureau »), le one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur, la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet, le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar (avec Lydia, le torero professionnel), la chanson « Manolo, Manolete » de Vanessa Paradis, le film « De sable et de sang » (1987) de Jeanne Labrune, la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le film « Pourquoi pas moi ? » (1998) de Stéphane Giusti (avec José – Johnny Hallyday – en « homoparent » toreador), le roman La Corrida du premier mai (1957) de Jean Cocteau, le roman Le Faucon maltais (1930) de Dashiell Hammett (avec les personnages de Juana et Triasca), le roman El Misántropo (1972) de Llorenç Villalonga, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, le film « L’Assassinat de Trotsky » (1970) de Joseph Losey, le film « L’Arrière-Pays » (1997) de Jacques Nolot, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier (affiche dans le couloir), etc. Par exemple, dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (1987) de Bernard-Marie Koltès, il est dit que le monde est tenu à la pointe de la corne d’un taureau. Dans le film « Rebel Without A Cause » (« La Fureur de vivre », 1955) de Nicholas Ray, Jim Stark imite le taureau. Dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, Éric, un des héros homosexuels, est un aficionado de corrida. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, Heck, le mari de Rachel l’héroïne lesbienne, écrit sur les courses de taureaux à Pampelune.
 

Tableau de Christian Gaillard

Tableau de Christian Gaillard

 

Parfois, au détour d’une scène de film homo-érotique, il n’est pas rare de voir apparaître sur les murs de la chambre du héros homosexuel une affiche de corrida : cf. le film « Pôv’ fille ! » (2003) de Jean-Luc Baraton et Patrick Maurin, le film « Grande École » (2003) de Robert Salis, le film « La Meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller, film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner, etc.

 

Le personnage homosexuel, pour se grandir comme un dieu et s’inventer un destin grandiose, se met parfois dans la peau d’un grand toréador : « Je suis habituellement le personnage qui chante si j’aime ce qu’il chante – il faut me voir gesticuler avec ma cape pendant l’air de toréador. » (le narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 18)
 
 

b) Corrida amoureuse :

Diego dans le film "Matador" de Pedro Almodóvar

Diego dans le film « Matador » de Pedro Almodóvar

 

Souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le torero est soit l’amant faisant fantasmer le héros homosexuel, soit lui-même homosexuel : cf. le roman Adoration du torero (1930) de Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, le roman Llanto Por Ignacio Sánchez Mejías (1935) de Federico García Lorca, la chanson « Le Tango » de Jeanne Mas, le film « Los Amantes Pasajeros » (« Les Amants passagers », 2013) de Pedro Almodóvar, la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), etc. Par exemple, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), Charlène Duval évoque une aventure qu’elle a entretenue avec un torero. Dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, un des « ex » du personnage homosexuel de Francis, est Paco, un torero de Séville. Dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Ben, l’amant de Michael, est comparé à un taureau (p. 21). Dans le sketch « Fabienne et Steph » des Petites Annonces d’Élie Sémoun et Franck Dubosc, l’une des deux lesbiennes (la plus butch) porte un tee-shirt avec une tête de taureau dessus. Dans le roman Le Joueur d’échecs (2007) de Stefan Zweig, Czentovic est associé à un taureau. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, pendant un mariage, la mère de Clara, l’héroïne lesbienne, chante son amour des picadors et des toréadors. Dans le roman Alabama Song (2007) de Gilles Leroy, Scott, le héros homosexuel, est fasciné par Lewis, ce jeune « cadet si viril qui parle fort, écrit et boit sec, aime les corridas – ou les matadors, ou leurs couilles – et raconte sa participation à des conflits » auxquels Zelda, la femme de Scott, ne croit pas une seconde.

 

« À l’occasion d’une colonie de vacances, il rejoigna au péril de son quatre heures le front républicain contre la tauromachie, dont il devenait un adversaire acharné jusqu’à ce qu’il obtena les oreilles et la queue d’un matador. » (Essobal Lenoir parlant de lui à la troisième personne du singulier, dans sa nouvelle « Une Vie de lutte » (2010), p. 169) ; « Pour toi, je suis devenu un petit taureau. » (Fefe à son amant Pietrino dans le film « Toto Che Visse Duo Volte », « Toto qui vécut deux fois »(1998), de Daniele Cipri et Francesco Maresto) ; « Tes abdos pour ne pas oublier que t’es un taureau… » (Chloé s’adressant à Martin, le héros soupçonné d’être gay, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Le garçon mugissait, écartelait sa croupe sur mon lutrin et contactait par intervalles cet étau de chair qui broya ma tête, au point que ce fut un centaure qui se releva et trotta vers le palier supérieur. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 110) ; « On n’agite pas un chiffon rouge devant un taureau enragé ! » (Guen, le héros homosexuel, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; « Je veux redevenir taureau. » (Jerry travesti en Daphnée, dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder); etc.

 

La résurgence de la corrida (pourtant mentionnée par des auteurs homosexuels qui veulent défendre la beauté de l’amour homosexuel : vrai paradoxe…) illustre le « rituel de la cruauté » instauré par une certaine drague homosexuelle : « Tu t’es retourné et m’as jeté un dernier regard, comme le matador avant de quitter l’arène qui regarde une dernière fois le taureau qu’il vient de terrasser, pour être certain qu’il est bien en train d’agoniser. Ne t’inquiète pas, je suis ce taureau, je suis dans le même état. Tu n’as pas raté ta cible. Tes paroles et tes gestes méprisants me transpercent toujours le cœur. Comme ce taureau, je vis mes derniers instants, je ne m’en relèverai pas. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pp. 306-307) ; « Mon lit est une arène. » (Mercedes, la nymphomane de la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet) ; « Je veux te voir […]rentrer dans son ventre, oh matador ! » (cf. la chanson « Je voudrais la connaître » de Patricia Kaas) ; « Dans un duel amour à mort, je serai le matador. » (cf. la chanson « Une Femme blessée » des L5) ; « Tous les matins, c’est la même corrida. Lever la tête, ouvrir les bras. » (cf. la chanson « C’est la vie » de Marc Lavoine) ; « Trop c’est trop. Il avance vers elle comme un torero. » (cf. la chanson « Emmène-moi vers les étoiles » de la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « Dans la corrida qui m’oppose à toi, le taureau n’est pas celui que l’on croit. Dans la corrida qui te livre à moi, le taureau se cache sous ta peau de vache. » (cf. la chanson « La Corrida » du Teenager dans la comédie musicale La Légende de Jimmy (1992) de Michel Berger) ; « On dirait un ballet. Chacun se dérobe et puis revient. On se frôle. On repart. L’un plante une banderille. La muleta exécute une véronique. Olé ! Il faut maintenant porter l’estocade, lâcher la cape et brandir l’épée. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 116) ; etc.

 

Film "La meilleure façon de marcher" de Claude Miller

Film « La meilleure façon de marcher » de Claude Miller

 

Le couple homosexuel fictionnel s’annonce donc comme une dangereuse danse de courtisans, une corrida amoureuse fatale : cf. la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia (entre Didier et Bernard), la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet (avec la scène SM entre Álvaro et son amant transsexuel M to F Octavia/Roberto), la chanson « Tango » de Nicolas Bacchus, le roman Tengo Miedo Torero (2002) de Pedro Lemebel, la chanson « Duel au soleil » d’Étienne Daho, le vidéo-clip de la chanson « Take A Bow » de Madonna, la pièce La Ménagerie de verre (1944) de Tennessee Williams (avec le taureau furieux), etc. Par exemple, dans le film « La Meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller, Philippe, le héros homosexuel condense à la fois la figure du toréador (au cours du bal masqué final, il se travestit en Carmen jalouse) et celle du taureau (il plante un couteau dans la cuisse de Marc, déguisé en toréador). Dans le vidéo-clip très marquant de sa chanson « Sans logique », Mylène Farmer déguisée en taureau embroche son amant-toréro efféminé. Dans le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, Maria tue ses amants à la manière d’un toréador. Dans le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser, Matthieu joue au toréador avec Jan, son amant.
 

Vidéo-clip de la chanson "Sans logique" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer

 

Les cornes du taureau (ou bien sa queue et son sexe), ainsi que le sabre planté en lui par le picador, sont des symboles phalliques très employés dans la fantasmagorie homosexuelle : cf. le vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer, le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar (avec, au début du film, la juxtaposition entre un coït amoureux humain et un cours de corrida), le film « Pink Narcissus » (1971) de James Bidgood, etc.

 

Film "Pink Narcissus" de James Bidgood

Film « Pink Narcissus » de James Bidgood

 

Le taureau symbolise la puissance génitale (certains disent bien « bander comme un taureau » !), et donc le fantasme de viol : « Mes sœurs salopes, prenez le taureau par les couilles ! » (cf. le conseil final de Gwendoline, la lycéenne travestie M to F, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Les vaches se déplacent à la recherche de semence de taureau qui manque sur la Voie Lactée. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Alors, depuis : scronch, scronch ; tchouk, tchouk, tous les samedis soir, ni vue ni connue au milieu des taureaux qu’elle ignore de toute la morgue de son ruminant ministère. » (cf. la nouvelle « Margot, histoire vache » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 119-120) ; « Il puait l’homme comme les hommes peuvent puer. Il me prenait comme le taureau prend une vache. […] Les hommes sont tellement bêtes. » (Petra, l’héroïne lesbienne parlant de son ex-mari Franck, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Je viens de faire des politesses à un taureau… [la honte…] » (Guillaume, un peu troublé, dans la pièce En panne d’excuses (2014) de Jonathan Dos Santos) ; « Par le taureau qui me racheta, suis-je oui ou non le Maître de la Jungle ? » (Mowgli dans le roman Le Livre de la Jungle (1894) de Rudyard Kipling) ; etc. Par exemple, dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine suspecte Mgr Lanu, le curé, d’homosexualité : « »

 

Film "Hable Con Ella" de Pedro Almodóvar

Film « Hable Con Ella » de Pedro Almodóvar

 

Le taureau renvoie aussi à la figure paternelle érotisée, ainsi qu’au parricide par la mère/la femme lesbienne. « Elle décida, sans rien en dire à personne, d’acheter dans le sud de la France une propriété où l’on élevait des taureaux. […]Le souhait caché de cette marquise était de pratiquer la même chose sur un homme. » (une marquise lesbienne officiellement « attirée par la castration », dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 211-212) Je vous renvoie à la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir (avec le père et « ses épaisses moustaches en forme de cornes de taureau », p. 29), au tableau Taureau ascendant balance (2007) d’Orion Delain, etc.

 
 

Kavanagh – « Papa, j’suis homo !!!

Son père – Eh bien moi, j’suis taureau et ta mère est balance ! »

(cf. le one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out (2010) d’Anthony Kavanagh)
 

 

Thésée et le Minotaure

Thésée et le Minotaure

 

En lien avec l’amant-torero ou l’amant-taureau, il est parfois fait référence au mythe paternel et incestueux du Minotaure, cet être mi-humain mi-taureau enfermé dans le labyrinthe où Thésée est perdu : cf. la chanson « Minotaure » de Niagara, la couverture du recueil de nouvelles Le Mariage de Bertrand (2010) d’Essobal Lenoir (avec le Minotaure homosexualisé), le recueil de poèmes Octavie ou la deuxième mort du Minotaure (1985) de Geneviève Pastre, la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Johnny Minotaur » (1971) de Charles-Henri Ford, le tableau Minotaures (1999) de Philippe Barnier, le tableau Thésée et Minotaure (1991) de Charles-Louis La Salle, etc. « Moloch me pénétra. » (la voix poétique parlant d’un Minotaure, dans le poème « The Howl » (1956) d’Allen Ginsberg). Par exemple, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Jonathan dit qu’il se trouve enfermé dans sa relation de couple avec Matthieu « comme dans un labyrinthe ». Dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas, Maryline, l’héroïne bisexuelle, décrit Gérard son mari violent et qui l’a violée comme « une espèce de créature mythologique mi-homme mi-taureau ».

 

Sculpture du Minotaure

Sculpture du Minotaure


 
 

c) En rouge et noir :

En écho lointain à la passion amoureuse destructrice que figure le corps à corps entre le torero et le taureau (d’aucun se serviraient de la béquille artistique de l’alliance entre Éros et Thanatos, ou entre l’Amour et la mort, pour l’interpréter), on retrouve énormément le cliché romantique stendhalien du rouge et du noir dans la fantasmagorie homosexuelle. « L’encre sur le papier si blanc. Je la vois rouge. Je sais qu’elle est noire mais je la vois rouge. Ce rouge, tout ce rouge, c’est un peu de mon sang, on dirait. Sang d’encre. Se demander pourquoi l’expression signifie si couramment la noirceur. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 11)

 

Un grand nombre de héros homosexuels, ou leur(s) compagnon(s), sont habillés en rouge et noir, ou parle de ce duo de couleurs. Cela rajoute un zeste de mystère sulfureux à leur personnage : cf. la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec le très homosexuel Baron Osvald Lovejoy), la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi, la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, le film « Belly Dancer » (2009) de Pascal Lièvre, le film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton (avec le personnage homosexuel d’Otho), la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos (avec le personnage homo de François), la comédie musicale Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec le personnage bisexuel de Jean-Paul), le film « Morrer Como Um Homem » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues (avec le personnage de Tonia), la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias (avec les personnages inquiétants du Coryphée et de « la Téré »), le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, la pièce La Rose tatouée (1950) de Tennessee Williams, le roman La Rose noire (1950) de Tyrone Power, l’album Le Noir et le Rose (1983) de Jean Guidoni, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le roman L’Ombre ardente (1897) de Jean Lorrain, le film « Rojo Y Negro » (1942) de Carlos Arévalo, le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, le film « La Couleur pourpre » (1985) de Steven Spielberg, la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, la chanson « En rouge et noir » de Jeanne Mas, la série Orange Is The New Black (2013) de Jenji Kohan, le film « Fresa Y Chocolate » (« Fraise et Chocolat », 1993) de Tomás Gutiérrez Alea et Jual Carlos Tabio, le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Huit femmes » (2002) de François Ozon (surtout avec les personnages de Chanel et Pierrette), le film « Le Jupon rouge » (1987) de Geneviève Lefebvre, le film « L’Auberge espagnole » (2002) de Cédric Klapisch, le film « Rouge » (1988) de Stanley Kwan, l’affiche du film « Tacones Lejanos » (« Talons aiguilles », 1991) de Pedro Almodóvar, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec le binôme Salomé/Élisabeth), le film « Gone With The Wind » (« Autant en emporte le vent », 1939) de Victor Flemming, la pièce Une Rupture d’aujourd’hui (2007) de Jacques-Yves Henry, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le one-man-show Élie Kakou au Point Virgule (1992) d’Élie Kakou en curé-prof de lettres enseignant Le Rouge et le Noir de Stendhal, le film « Nuits rouges de Harlem » (1971) de Gordon Parks, le film « House Of The Black Rose » (1969) de Kinji Fukasaku, la photo En Rouge et Noir (1979) d’Orion Delain, la pièce Juste la fin du monde (1999) de Jean-Luc Lagarce, la chanson « La Femme-chocolat » d’Olivia Ruiz, la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec Jean-Paul, le héros homo), le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec un enlacement lesbien entre une femme en burka noire et une autre en rouge), etc. Par exemple, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Arlette est « habillée d’un fourreau de percale noire et d’un boa rouge » (p. 102). Dans le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe, Peyrac, le flic qui va s’homosexualiser au fur et à mesure de l’histoire, se vêt en rouge et noir. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara et Sonia, les deux futures amantes, sont habillées pareil et avec les mêmes couleurs : rouge et noir.

 

La combinaison chromatique rouge/noir est bien évidemment un code classique de la féminité fatale, ou du machisme diabolique : il symbolise la passion androgynique expulsant/vénérant excessivement la différence des sexes (cf. Je vous renvoie aux codes « Carmen », « Se prendre pour le diable » et « Femme-Araignée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Regardez ma robe ! Vous m’avez tachée de sang ! En plus, je vous ai dit du noir. » (Evita s’adressant à l’infirmière, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « L’hortensia avait poussé à la diable, le sol était trop humide pour y ramper. Je n’aurais pu m’asseoir en dessous, même si je l’avais voulu. D’ailleurs, j’étais beaucoup plus grosse qu’à l’époque. Je suis pourtant restée longtemps accroupie, les paumes appuyées contre le sol humide, les ongles enfoncés dans la terre. Je me suis finalement relevée et, tandis que je retournais chez Esti [l’amante cachée de Ronit] et Dovid [le mari d’Esti] , je tentais de gratter la ligne de terre emprisonnée sous mes ongles. Et plus je grattais, plus elle s’enfonçait, le noir s’incrustait dans le rouge. » (Ronit, l’héroïne lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 212-213) ; « Je porte le slip de Khalid. J’ai mis du rouge à lèvres. Je suis Omar. Je ne suis ni garçon ni fille. […]Mes lèvres sont rouges. Dieu les aime-t-il comme ça ? Mes yeux sont rouges. Sont-ils des amis de Satan ? Mon sexe est rouge. Il fait froid. Il n’est plus à moi. […]Je suis prêt. Assis en plein milieu de la chaussée. Sur le goudron noir. » (Omar, le héros homosexuel parlant de son amant Khalid qu’il vient d’assassiner, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 179) ; « Le rouge, le noir… le blues, l’espoir, noir ! » (c la chanson « Double Je » de Christophe Willem) ; « Voici la vive couleur de son sang ! Pas d’hydropisie ni de jaunisse en lui, mais la fraîcheur d’un rouge écarlate, auquel se mêle toute la brume de cette nuit obscure et meurtrière. » (Garnet Montrose, le héros homosexuel du roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 159) ; « Je n’aime pas les roses noires. » (Jules, le héros homosexuel de la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Mon cœur est si noir qu’il est pourpre. » (Romeo s’adressant à son amant Johnny, dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer) ; « Dans un jardin de roses noires résiste ma peau. » (cf. la chanson « Madre Amadísima » de Haze et Gala Evora) ; « Rouge, noir, rouge, noir. C’est pas possible… On est tombé sur la machine de Jeanne Mas ! » (Damien découvrant un soutien-gorge et une culotte féminine oublié dans une machine à laver de la laverie, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; etc. Par exemple, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, Alba et Yolanda, les deux femmes lesbiennes indépendantes qui jettent les hommes dont elles ont été jadis amoureuses, portent des œillets rouges dans les cheveux et sont habillées en rouge et noir.

 

La combinaison des deux couleurs rouge et noir, que le héros homosexuel présente parfois comme une opposition chromatique, peut renvoyer aussi à un sentiment d’homophobie, ou à un viol réellement vécu par lui : « Aujourd’hui, je suis un rose parmi les bruns. On ne peut pas mélanger le rose parmi les bruns. » (Jean-Marc, le héros homosexuel de la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Anna portait encore son manteau rouge mais ses talons hauts avaient laissé la place à une paire d’escarpins noirs bien sages. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 29) ; « Le couteau tremblait dans les mains de Jane. Mann agrippait sa cuisse au-dessus de la blessure. Il portait un pantalon noir mais celui-ci devait être trempé de sang car autour de lui, le sol était tout rouge. » (idem, p. 234) ; etc.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) L’importance de la tauromachie dans le monde homosexuel réel :

CORRIDA Tapette

 

L’homosexualité de certains toreros est de notoriété publique : pensons par exemple à Jesulín de Ubrique, José Ortega Cano, Francisco Rivera Ordoñez («Paquirri »), César Lácar, etc. D’ailleurs, l’habit de lumière du matador, même s’il sert le folklore d’un « sport » particulièrement machiste et réservé à la gent masculine, est esthétiquement très androgyne. L’efféminement des toreros ressort dans l’iconographie traditionnelle romantique et néo-baroque : cf. les tableaux d’Ignacio Zuloaga, le tableau Le Toréador (1985) de Pierre et Gilles, le tableau Torero hallucinogène (1969-1970) de Salvador Dalí, les dessins de Paul Boulitreau, le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud (avec Barbara, la femme cornue déguisée en taureau), etc. Et il fait partie des blagues courues du « milieu ».
 

Rudolph Valentino et Pola Negri

Rudolph Valentino et Pola Negri

 

Un certain nombre de personnes homosexuelles s’intéressent à la corrida : Federico García Lorca, Pedro Almodóvar, Jean-Michel Othoniel, Michel Leiris, Jean Cocteau (avec notamment un texte dans Mon Premier Voyage, 1936), Francis Bacon, Bernard Rapp, Henri de Montherlant, Álvaro Retana, Èjzenštejn, Santi Vila, etc. « C’est un beau garçon, d’une trentaine d’années, passionné par les taureaux. » (Ricardo Berdejo Arigo parlant de son amant, dans une lettre datant de novembre 1928) ; « Durant le trajet, Miranda nous a expliqué que le Syndicat international des nains s’était dernièrement occupé de démonter un réseau d’exploitation de créatures de petite taille, qui sévissait en Espagne et dans le sud de la France. L’imprésario impliqué était espagnol. Il organisait des corridas avec des nains toreros. Il avait des contacts dans divers pays d’Europe et d’Amérique latine. Le réseau accueillait les enfants nains des familles pauvres. Cet imprésario les formait à l’art de la tauromachie. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 299)

 

James Dean, notamment, aimait se déguiser en torero, et il n’était pas rare de le voir traîner, une muleta négligemment posée sur l’épaule, dans les bars d’Hollywood Boulevard ; il se faisait appeler « Drugstore Matador ». Quelques individus homosexuels sont même sortis avec les maîtres de la tauromachie : « C’est vers l’Espagnol viril, le légendaire torero que se tourne son désir : le beau Raphaël Rodriguez Rapyz, de 14 ans son cadet, sera son amour le plus fort. » (Michel Larivière parlant du poète espagnol Federico García Lorca, dans son Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), p. 154) Par exemple, le transformiste Modesto Mangas avoue avoir été l’amant secret d’aristocrates et de toreros célèbres.

 

 

b) Corrida amoureuse :

Vous vous douterez bien que le rapprochement entre le monde homosexuel et la tauromachie n’a pas de quoi nous rassurer quant à la nature même du désir homosexuel, qui est un élan plus incontrôlable, emprisonnant, refoulé (et donc homophobe) que libre et aimant : « L’homosexualité et la masturbation proviennent en partie des conditions de la captivité. […]On retrouve les mêmes réactions chez les bêtes à cornes parquées (béliers ou taureaux). » (Paul Guillaume, La Psychologie des singes (1942), cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 274). Quand Berthrand Nguyen Matoko, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), raconte son entrée dans le milieu prostitutif homosexuel, il choisit de devenir un électron libre lancé aveuglément dans une arène : « Je m’engageais comme un taureau que rien ne peut retenir dans sa course. » (p. 100)
 

CORRIDA Dans le mille

 

La présence de la corrida dans la vie des personnes homosexuelles ne nous apaisera pas davantage concernant leurs amours. Certaines projettent sur la corrida leurs propres tourments/déboires sentimentaux, ou bien envisagent la relation amoureuse avec leur compagnon comme un combat à mort : « Il faisait l’amour avec un mélange d’innocence et de fougue que je l’avais surnommé ‘mon petit taureau’. » (Denis Daniel, Mon Théâtre à corps perdu (2006), p. 81) ; « N’en pouvant plus d’attendre une lettre de lui, j’avais décidé d’aller me distraire aux courses de taureaux. La bête qu’on tue, c’est moi. » (Jacques Laval, Les Degrés du cœur (1985), p. 110) ; « Sert [le peintre] pense que je suis bête, et je pense qu’il est bête. Je le giflerai le premier, car je sens de l’amour pour lui. Sert m’abattra si je le gifle. Sert a du sang espagnol. Les Espagnols aiment le sang du taureau, c’est pourquoi ils aiment les assassinats. Les Espagnols sont des gens affreux, car ils commettent des assassinats de taureaux. L’Église, le pape en tête, ne peut pas arrêter le taureaucide. Les Espagnols croient que le taureau est un fauve. Le toréador pleure avant l’assassinat du taureau. On paie beaucoup le toréador, mais il n’aime pas cette activité. Je connais beaucoup de toréadors à qui le taureau a décousu le ventre. J’ai dit que je n’aimais pas le massacre des taureaux, alors on ne m’a pas compris. Diaghilev [l’ancien amant de Nijinski] disait à Massine que la corrida était un art magnifique. Je sais que Diaghilev et Massine diront que je suis fou et qu’on ne peut pas m’en vouloir, car Diaghilev recourt toujours à cette astuce intellectuelle. Lloyd George fait la même chose avec les hommes politiques. C’est un Diaghilev, car il pense qu’on ne le comprend pas. Je les comprends tous les deux, c’est pourquoi je les défie en combat, un combat de taureaux et pas de beuglements. Je beugle mais je ne suis pas un taureau. Je beugle, mais le taureau tué ne beugle pas. Je suis Dieu et Taureau. » (Vaslav Nijinski, Cahiers (1919), pp. 74-75) ; « Il avait une trentaine d’années. […]Son tee-shirt arborait une tête de loup à la gueule immense. En repensant à ce tee-shirt il me semble hideux et vulgaire. Mais ce soir-là il m’impressionnait énormément. Son souffle était celui d’un bœuf, puissant, odorant (l’odeur du pastis), et je le sentais dans ma nuque. » (Eddy Bellegueule face à un homme qui l’attire et le drague dans les méandres du labyrinthe humain d’une discothèque, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 177) ; etc.

 

CORRIDA Event

 

L’allusion au taureau peut symboliser chez l’individu homosexuel l’ambiguïté sexuelle androgynique, une bisexualité asexualisée. Par exemple, dans la mise en scène (2010) d’Adrien Utchanah de la pièce La Pyramide (1975) de Copi, le vendeur d’eau, déguisé en moitié-homme moitié-femme, porte un casque avec une corne de taureau.
 
 

c) En rouge et noir :

CORRIDA Dégâts

 

Le rouge et le noir sont des couleurs qui font partie du langage que certains intellectuels homos actuels emploient pour parler de la communauté LGBT. En premier lieu, on pensera bien évidemment à l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel. Mais également à l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot. Dans son autobiographie Flamand noir (2004), Bertrand N’Guyen Matoko raconte qu’il a été dès sa naissance baptisé comme un flamant rose qui finalement deviendra, dans sa maturité d’adulte, noir.
 

Mais il y a autre chose : la mise en scène des représentations publiques de l’homosexualité tourne très souvent autour du rouge et du noir. Par exemple, je me suis rendu au spectacle très gay Rouge et noir interprété par So Show ! à la « Soirée Années 80 » organisée au Réservoir à Paris, le 3 mars 2010. Pour son one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle (2009), Samuel Ganes choisit de se mettre en scène tout de rouge et de noir vêtu. La pièce musicale Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander adopte également une ambiance « drap rouge sur piano noir ». Je pense à la tenue des comédiens-chanteurs du spectacle musical Une Étoile et moi à la « Soirée Judy Garland » organisée au Palace, à Paris, le 22 juin 2009. Il y en a même qui vont jusqu’à soutenir, comme Michel Larivière dans son Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), que Stendhal, l’auteur du fameux Rouge et le Noir (1830), était homosexuel (p. 25) ! « On passait des heures devant les agneaux à deux têtes. Il était bouleversé. Nous étions en plein syndrome de Stendhal. Ivres de beauté. Il voulait vivre là. À côté. Et moi j’étais là, sans savoir quoi faire. C’est dans un musée que j’ai senti que mon fils était un homme. » (la voix-off de la mère de Bertrand, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) Quoi qu’il en soit, le symbolisme des couleurs rouge et noir renvoie à l’association amour/mort, et peut être un clin d’œil à la corrida, au cinéma, et au théâtre, tous ce espaces rouges et noirs dans lesquels la violence est rejouée… et parfois actualisée.

 
 

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Code n°38 – Couple criminel

couple criminel

Couple criminel

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Associés amoureusement pour le crime

 

Photo de Pierre et Gilles

Photo « Les Pistolets » de Pierre et Gilles


 

Certains ne voudraient voir dans le couple homo qu’amour, petits cœurs, convivialité, et normalité. C’est mal connaître les couples homosexuels fictionnels, davantage réunis pour le sexe pur et dur et dans le crime (… et le camouflage de ce crime) que pour une noble cause. Les duos homosexuels braqueurs de banque, organisateurs de hold-up, malfrats recherchés par la police tels des nouveaux Bonnie & Clyde, meurtriers machiavéliques complotant contre ceux qui empêcheraient leur amour, tueurs de bébés et de personnes âgées, sont légion dans les œuvres homosexuelles, et disent quelque chose de la force de la médisance et de destruction que certains couples homos réels déploient envers eux-mêmes et leur société.

 

En effet, les unions homosexuelles ne se contentent pas de se faire du mal en interne. Le rejet de la différence des sexes en leur sein a forcément des implications concrètes dans leur rapport aux autres, aux enfants, aux femmes et aux hommes. La différence des sexes concerne et permet toute vie sociale humaine. Le rejet, en amour, de la différence des sexes, aussi. Et comme le rejet de la différence des sexes équivaut au rejet de toute vie humaine, le couple homo en tant que pratique aboutit systématiquement, à plus ou moins long terme, à des violences que le fait de les faire à deux et amoureusement atténuera dans l’esprit des amants homosexuels.

 

Film "Les Diaboliques" d'Henri-Georges Clouzot

Film « Les Diaboliques » d’Henri-Georges Clouzot


 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Voleurs », « Amant diabolique », « Doubles schizophréniques », « Homosexualité noire et glorieuse », « Mort = Épouse », « Liaisons dangereuses », « Reine », « Solitude », « Adeptes des pratiques SM », « Témoin silencieux d’un crime », « Défense du tyran », « Homosexuel homophobe », « Homosexuels psychorigides », « Super-héros », « Violeur homosexuel », « Symboles phalliques », « Parricide la bonne soupe », « Tout », « Voyage », et à la partie « Cowboy » du code « Don Juan », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

Film "La Corde" d'Alfred Hitchcock

Film « La Corde » d’Alfred Hitchcock


 

Le couple homosexuel fictionnel s’unit très souvent dans le crime : cf. le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1942) de Luchino Visconti, le film « PuPu No Monogatari » (1998) de Kensaku Watanabe, les films « La Corde » (1948) et « L’Inconnu du Nord-Express » (1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Guns 1748 » (1999) de Jake Scott, le film « Switchblade Sisters » (1975) de Jack Hill, le film « Frisk » (1995) de Todd Verow, le film « Jeff » (1968) de Jean Herman, le film « Reptile » (1970) de Joseph Mankiewicz, le film « The Maids » (1975) de Christopher Miles, le film « Les Abysses » (1962) de Nico Papatakis, le film « Piège mortel » (1982) de Sidney Lumet, le film « Friends And Family » (2001) de Kristen Coury, le film « Association criminelle » (1955) de Joseph H. Lewis, le film « Cent mille dollars au soleil » (1963) d’Henri Verneuil, le film « Swoon » (1992) de Tom Kalin, le film « J’ai pas sommeil » (1993) de Claire Denis, le film « Vies brûlées » (2000) de Marcelo Piñeyro, le film « Les Diaboliques » (1954) d’Henri Georges Clouzot, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar, le film « Thelma et Louise » (1991) de Ridley Scott, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie (avec le meurtre parricide), les films « Swimming Pool » (2002) et « Amants criminels » (1998) de François Ozon, le film « Collateral » (2004) de Michael Mann (avec Vincent et Max), le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Appointment With Crime » (1946) de John Harlow, le film « Diabolique » (1995) de Jeremiah Chechick, le film « Le Génie du mal » (1959) de Richard Fleischer, le film « Week-end pour Helena » (1970) de Julio Diamante, le film « Tueurs fous » (1972) de Boris Szulzinger, le film « La Sentinelle des maudits » (1977) de Michael Winner, le film « By Hook Or By Crook » (2001) d’Harry Dodge et Silas Howard, le film « Fun » (1994) de Rafal Zielinski, le film « O Corpo » (1991) de José Antonio García, le film « Butterfly Kiss » (1995) de Michael Winterbottom, le film « Les Blessures assassines » (1999) de Jean-Pierre Denis, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie (avec Steve et Rémi), la pièce Les Bonnes (1947) de Jean Genet, le vidéo-clip de la chanson « Addicted To Love » d’Avicii (avec le couples de lesbiennes-gangsters), le vidéo-clip de la chanson « California » de Mylène Farmer (avec les jumelles tueuses), le film « Baise-moi » (2000) de Virginie Despentes, le film « The Living End » (1992) de Gregg Araki, le film « La Cérémonie » (1995) de Claude Chabrol (avec Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert en meurtrières d’une famille de bourgeois), le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa (avec Omar et Khalid planifiant la mort du second), le film « Dérive » (1983) d’Amos Guttman (avec Ilan et son amant), le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa (avec Steven et Phillip, les amants-gangsters), le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, le film « Dinero Fácil » (« Argent facile », 2010) de Carlos Montero Castiñera, le film « Una Noche » (2012) de Lucy Molloy (avec Elio et Raul, recherchés par la police), le film « Benzina » (« Gazoline », 2001) de Monica Stambrini (avec le couple lesbien enchaînant les meurtres), le film « Dirty Love » (2009) de Michael Tringe, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, le film « Priscilla, folle du désert » (1992) de Stephan Elliott, le film « Tan De Repente » (2002) de Diego Lerman, le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian clavier (avec le vol d’enfant dans un orphelinat), le film « La Virgen De Los Sicarios » (« La Vierge des tueurs », 2000) de Barbet Schroeder, le vidéo-clip de la chanson « All About Us » de Tatu, la chanson « Beautiful Killer » de Madonna, le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani (avec le voyage vers Kojoor en taxi entre Adineh l’héroïne transsexuelle F to M voleuse et Rana la femme mariée), le vidéo-clip de la chanson « Addicted to you » d’Avicii, etc.

 

 

Le couple homo meurtrier est d’abord une rumeur (de pédophilie, de trafic de drogues, de libertinage, d’assassinat, etc.) : « Je parie que toi et Peggy, vous faites des trucs aux gosses… » (Santiago s’adressant à Doris la lesbienne et sa compagne, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « Je crois que vous êtes malades toutes les deux. » (Nina l’héroïne lesbienne se faisant manipuler par le couple lesbien Vera/Lola, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Un gay, c’est ennuyeux. Deux, c’est un appel au meurtre. » (Eytan, un des élèves gays du lycée, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; etc.

 

Mais bien souvent, la rumeur est avérée. Par exemple, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1990) de Copi, Mime et Fifi, deux travelos clochards, étranglent un pédé dans une vespasienne. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Ody et son frère Dany rentrent avec un flingue dans une villa bourgeoise pour y semer la terreur. Dans le film « Drool » (2008) de Nancy Kissam, le mari est tué par le couple de lesbiennes. Dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, pour une question d’argent, les deux lesbiennes Lucie et Léonore collaborent en cachant une escroquerie dans le milieu artistique. Dans le film « Bayaw » (2009) de Monti Parungao, Rhennan est témoin de la mort accidentelle de Pia, tuée par Nilo. Dans le film « Gun Hill Road » (2011) de Rashaad Ernesto Green, les vols et les crimes du père, Enrique, font miroir à la transsexualité de son fils M to F Michael. Dans le film « Notre Paradis » (2011) de Gaël Morel, Vassili, ancien escort boy sur le retour, et son jeune amant Angelo, jeune prostitué, s’aime et se servent l’un de l’autre comme appât pour agresser des vieux. C’est exactement le même fonctionnement de « couple » qu’on observe entre Henri et Jean dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau : les deux amants vivent leur idylle sous forme de vengeance et de règlement de comptes. Dans le roman La Douceur (1999) de Christophe Honoré, Steven a 11 ans lorsque, envoûté par Jeremy, un des camarades de colonie de vacances, il se laisse entraîner dans la complicité d’un crime d’une barbarie insoutenable sur un autre enfant du camp. Dans le film « Joe + Belle » (2011) de Veronica Kedar, c’est l’escapade israélienne de deux amantes cherchant à échapper à la police et à se débarrasser d’un corps. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Peggy et Doris la lesbienne tuent le vieux Douglas à coups de marteau : « Mais qu’est-ce que j’ai fait ?!? Je l’ai tué !!! » s’écrit Peggy. Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, le « couple » des deux mamies Stella/Dotty prend la fuite de la maison de la retraite pour se marier clandestinement, en toute liberté. Dans le film « Monster » (2003) de Patty Jenkins, les amantes lesbiennes Selby et Aileen tuent des hommes pour se venger des violences qu’ils leur ont fait subir. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, raconte comment il est sorti avec un certain Fabrice, un « escroc qui l’a ruiné après lui avoir fait vivre une vie de « princesse » : « Il s’est tiré avec la caisse. Plus rien. Une princesse déchue. » Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, fait équipe avec sa mère, pour chiper dans les magasins, agresser les autres, fumer ensemble, faire des conneries : « On va faire équipe, nous deux. » (Steve s’adressant à sa mère) Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie et Ruth maquillent le meurtre du mari de la seconde, Bennett. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel joue aux Cours Florent le rôle de Lorenzaccio tuant son amant Alexandre. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, les deux amantes lesbiennes, Marilyn et Mona, fuient ensemble l’homicide involontaire que Mona a commis sur sa belle-mère. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol et Thérèse partent en vadrouille, Carol avec un flingue dans son sac.

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas et Nathan forment un couple dangereux. Nathan empoisonne ses clopes pour rendre malade un de ses camarades de classe homophobe. Et il flirte tellement avec le danger qu’il s’embarque dans une voiture d’un prédateur sexuel à la sortie d’une boîte, et personne ne le reverra plus jamais. À l’âge adulte, Jonas, pourtant le garçon sage à l’adolescence, est devenu un vrai junkie : il est amené au poste de police pour avoir déclenché une baston dans un club gay, The Boys. Il pénètre dans un hôtel de luxe, L’Arthémis, et le standardiste, Léonard, le prend pour un faux doux, un criminel armé, et préfère lui fouiller son sac : « Je sais pas. Je vérifie que t’aies pas d’arme, de couteau. J’en sais rien. Si je reviens et que tout le monde est mort, et que t’as buté tout le monde, on fait comment ? » Il enfreint toutes les règles et fume dans sa chambre d’hôtel. Les deux amants sont finalement devenus des bad boys au contact l’un de l’autre.
 

Les deux membres du couple homosexuel fictionnel semblent tirer de l’extériorisation criminelle de leur ennui « conjugal » une excitation, une jouissance quasi sexuelle qui les confortent dans l’idée qu’ils sont faits l’un pour l’autre, qu’ils constituent un duo de choc éternel, à la Bonnie & Clyde, qu’ils sont capables d’un grand sacrifice d’amour : « Nous avons été cruels et nous avons été splendides. » (Dorian Gray s’adressant à son amant Basile, suite à la mort de Sybil Vane qui s’est suicidée parce que Dorian l’a répudiée, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Et vous saurez d’emblée qu’il s’agit d’un roman policier, qu’il y a plusieurs crimes et deux coupables mais pas de police (je n’aime pas ça dans les romans policiers) donc, pas de châtiment. » (Copi, Le Bal des Folles (1977), p. 21) ; « Nous sommes unis comme un vieux couple. Pour le meilleur… après le pire. » (Lacenaire s’adressant à son acolyte Avril, associé dans le crime, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin) ; « Mama, I’m in love with a criminal, and this type of love is irrational, is physical. » (cf. la chanson « Criminal » de Britney Spears) ; « Nous sommes des dieux, Scrotes, et ces deux jeunes hommes sont nos jouets. » (Anthony s’adressant à son amant, par rapport au jeune couple homo naissant Jim/Doyler, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « C’est un genre de Bonnie & Clyde version Clyde & Clyde… » (Georges, le policier parlant du « Gang des Fleuristes » cambrioleurs qui n’est autre que le couple d’amants formé par Bart et Hugo, dans l’épisode 272 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 20 août 2018) ; etc.

 

Film "Thelma et Louise" de Ridley Scott

Film « Thelma et Louise » de Ridley Scott

 

Et le pire, c’est que certains réalisateurs gays friendly ou homosexuels essaient de nous faire croire en la « beauté » du cynisme, du désespoir, de la folie meurtrière, de l’enchaînement tragique, de ce couple homosexuel uni dans la mort. Par exemple, dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Lucien et son amant Kyril (qu’il surnomme « mon poussin »), fomentent toute une entreprise de foutage de gueule autour de la fausse chanteuse Marguerite.

 

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 
 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Film "Benzina" de Monica Stambrini

Film « Benzina » de Monica Stambrini


 

L’expulsion, en amour et en sexualité, de la différence des sexes porte en germe une réelle violence à l’intérieur des « couples » homosexuels et à l’extérieur d’eux. L’acte homosexuel louvoie avec l’homophobie et un engrenage parfois criminel qui semble dépasser les sincérités des deux personnes qui se sont mises d’accord pour le poser. « J’y suis allé pour avoir du sexe avec les hommes. C’est la première chose que j’ai faite. Donc ce gars avec qui j’avais chatté un temps sur Internet était de Flint, dans le Michigan. C’est là-bas que j’ai perdu ma virginité. La capitale mondiale des assassinats, c’est de notoriété publique [rires] [. [ » (Dan, homme homosexuel, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check) Je vous renvoie par exemple à l’histoire vraie (qui a inspiré le film « Monster ») du « couple » lesbien Aileen Wuornos/Tyria Moore en 1987 aux États-Unis.

 


 

On retrouve quelques sombres affaires de crime dans lesquelles des amants homosexuels ont trempé. Par exemple, en 1924, le couple d’amants Nathan Leopold et Richard Loeb (qui inspira le film « La Corde » d’Alfred Hitchcock en 1948) assassina un jeune homme et justifia son crime par une théorie nietzschéenne sur l’Homme supérieur. En 1968, Ramón Novarro fut assassiné par deux frères (Bert et Daniel) qu’il connaissait déjà et qu’il avait payés pour venir chez lui avoir des relations sexuelles. En 1998, aux États-Unis, Aaron McKinney et Russell Henderson, les assassins de Matthew Shepard, prétendument « hétéros », se sont faits passer pour un « couple gay » dans les toilettes du bar Fireside auprès de Matthew, homosexuel déclaré, avant de l’embarquer dans leur camionnette pour le draguer et l’assassiner. Je pense également, en 2019, à ce crime passionnel entre amants dans le Val-de-Marne.

 

Ces faits divers pourraient être rangés dans le dossier des anecdotes, pourraient paraître isolés et peu représentatifs de l’ensemble des couples homosexuels qui, pour la plupart, n’aspirent à faire de mal à personne et ne sont pas impliqués dans des affaires de mœurs aussi grave. Mais je crois que ce code s’adresse précisément aux unions homos en apparence inoffensives, rangées, douces, fidèles, « intégrées » socialement, car même si « le couple homosexuel criminel » reste avant tout un cliché non-actualisé, il dit quelque chose de la violence et de la nuisance réelles qui se vivent dans tout « couple homo »… et cette violence ressurgit en agressivité, en infidélité, en prostitution, en vol, en humiliation, en militantisme agressif, en injures, en boulimie de « droits LGBT » et de lois qui pour le coup justifient des crimes réels. Ceci est d’autant plus vrai depuis l’approbation du « mariage pour tous » dans certains pays, car cette loi ouvre à la PMA (Procréation Médicalement Assistée) et la GPA (Gestation Pour Autrui), donc au tri d’embryons surnuméraires, au meurtre d’enfant ou de parents, à la création d’orphelins.

 

Par exemple, lors de sa conférence sur « L’homoparentalité aux USA » à Sciences-Po Paris le 7 décembre 2011, l’avocat Darren Rosenblum raconte comment lui et son copain ont obtenu une enfant par GPA. En l’écoutant, on dénotait dans son discours la culpabilité d’être objectivement dans l’illégalité. Ils habitent actuellement dans le Marais, mais gardent le secret sur la GPA : « J’ai un peu peur d’être maltraité par les gens au moment où je suis avec ma fille. » Ils sont peu fiers du crime symbolique et réel qu’ils ont opéré sur la mère de « leur » petite fille.

 

Des lois comme le PaCS (Union civile) ou « le mariage pour tous », par la justification de l’expulsion de la différence des sexes qu’elles imposent à l’ensemble d’une société, diffusent une inhumanité qu’il convient de prendre très au sérieux.

 
 
 

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