Il y a des confessions qu’on n’oublie pas.
Celle de ce matin, par exemple, à l’église saint Louis d’Antin.
J’y suis allé de bon matin, à pied depuis chez moi, en traversant Paris enneigée et ensoleillée.
Comme à chaque fois qu’on va se confesser, c’est crucifiant. C’est coûteux. C’est humiliant. On n’a pas envie d’avouer l’objet de sa honte. On préfèrerait se cacher. Mais on sait qu’on souffrira plus si on n’y va pas que si on y va. Donc on y va ! (haha). Et on en sort paradoxalement tout joyeux et libéré !
Et pour m’aider à sauter le pas, j’ai demandé à saint Antoine de Padoue de me trouver le prêtre idéal que Jésus voulait pour moi. Une fois de plus, je n’ai pas été déçu du voyage !
La file d’attente ce matin était grande (la plupart des gens qui attendaient avec moi étaient des jeunes adultes, pas du tout typés « cathos tradis » : ça m’a agréablement surpris). À saint Louis d’Antin, le nom du prêtre qui va nous confesser est indiqué par un carton à la porte du confessionnal. Je n’ai pas vu immédiatement à qui j’allais avoir affaire. Ce n’est que lorsqu’est presque arrivé mon tour que j’ai lu « Père Hervé Soubias ». Intérieurement, j’ai eu un vertige, car à la fois j’étais flippé (se confesser à un prêtre qui nous connaît et qu’on connaît déjà, ça pue, et c’est toujours prendre le risque de le décevoir, de passer à ses yeux pour un incorrigible et un hypocrite ; de plus, je me suis dit qu’à coup sûr, je n’allais pas pouvoir retenir mes larmes dès le passage de la porte du confessionnal… et ça n’a pas loupé), à la fois j’étais rassuré (le père Soubias est un prêtre qui dépote, que j’aime particulièrement, qui a souvent une parole de Vérité ; et lors de son injuste éviction de Notre-Dame des Victoires suite à une accusation calomnieuse contre lui, j’avais pris sa défense, à l’époque ; mais évidemment, aujourd’hui, les prêtres attaqués – même si leur innocence est prouvée après enquête – peuvent difficilement se défendre, et leurs accusateurs sont abrités par la peur des « scandales » qui a gagné tous les étages de l’Église Catholique).
On s’est tout de suite reconnus, le père Soubias et moi. Et visiblement, il était très très heureux de me voir. La confession a duré assez longtemps. Et même s’il ne m’a quasiment rien dit – il n’a fait que m’écouter -, j’ai senti que pendant qu’il me donnait l’absolution, son coeur de prêtre était tout brûlant, ému et joyeux.
Moi, de mon côté, je suis passé par 3 états complètement différents : les chaudes larmes (j’ai expliqué au père, sans me plaindre ni me victimiser, combien c’était dur de n’être entouré quasiment que par des amis formidables mais qui ne voient le mal ni dans la masturbation, ni dans le couple homo, ni dans la possibilité du mariage des prêtres, ni dans l’assouvissement naturel de ses besoins d’affectivité) ; puis une fois le gros chagrin passé, j’ai pris étonnamment un virage radical de Paix, où je n’étais plus triste du tout, où je me suis relevé, où je suis sorti du théâtre explicatif de mon désespoir et de ma honte, et où j’ai regardé le père dans les yeux et la tête haute, avec assurance et conviction d’être aimé, car ma tristesse était partie loin loin loin, même avant l’absolution ; et enfin, un échange posé sur l’homosexualité et sa place dans le contexte mondial et ecclésial, ainsi que sur mes travaux actuels (mon dernier livre sur l’imminente loi d’interdiction des thérapies de conversion qui va passer en France incessamment sous peu ; la rédaction actuelle de mon Dictionnaire des Codes Apocalyptiques ; la sortie imminente de mon documentaire « Les Folles de Dieu » ; et même mon projet d’écrire un livre sur Le couple homosexuel : c’est quoi le mal et le péché grave là-dedans ? car c’est la seule grande question sur laquelle tout le monde sèche).
Quand j’ai vidé mon sac, j’ai senti que le père Soubias me recevait 5/5 (ce qui est extrêmement rare parmi les prêtres, car en général, ils ne comprennent rien à l’homosexualité et ne savent pas en parler, même s’ils sont persuadés du contraire !). Il m’a demandé si je connaissais Gaëtan Poisson. Je lui ai dit que je le connaissais, que je n’étais pas d’accord avec son discours ni sa démarche (même si j’ai bien conscience que ce n’est pas le meilleur moment ecclésial pour se diviser entre rares témoins homos cathos publics), que je connaissais d’autant mieux son livre-témoignage qu’il a pris la place de mon livre Homo-Bobo-Apo que les éditions Téqui m’avaient initialement commandé puis refusé parce que j’attaquais La Manif Pour Tous ainsi que le discours du Cardinal Sarah, et enfin je lui ai expliqué que l’heure n’était plus au joli témoignage rassurant « Je suis homo et catho et j’essaie de vivre la chasteté/continence » mais qu’elle était plutôt à l’explication du « Pourquoi la pratique homosexuelle est/serait un mal ? » et à l’analyse des enjeux politiques, ecclésiaux et eschatologiques potentiellement explosifs et gravissimes de l’homosexualité dans le Monde et dans l’Église. J’ai aussi parlé de la puissance de frappe de l’homosexualité qui a la capacité de flinguer littéralement l’Église Catholique humaine bien plus encore que la pédophilie sacerdotale. J’ai parlé des mouvements ecclésiaux qu’on croyait inattaquables et qui sont secrètement foutus par terre rien qu’à cause de l’homosexualité (tels que Points Coeurs). J’ai parlé des attaques que tout analyste public de l’homosexualité recevait non seulement à l’extérieur de l’Église mais surtout – le plus étonnant – à l’intérieur de l’Église, de la part non seulement des catholiques conservateurs (le père Soubias m’a limite applaudi quand il a su que je m’opposais aux prises de position du Cardinal Sarah : mon Dieu que ça fait du bien d’être compris par un prêtre sur ce seul point-là !) mais aussi de la part des catholiques progressistes ou des indifférents. J’ai parlé, à propos de l’homosexualité, de l’urgence de sortir du témoignage catholiquement correct de la compatibilité entre Homosexualité et Foi (le père Soubias s’est permis de compléter en me disant, avec un sourire, et d’un air entendu : « Oui : le témoignage genre Gaëtan Poisson… ^^ »). Bref, quand je vous dis que j’ai été reçu 5/5, je crois qu’on peut parler carrément de confirmation plus encore que de simple écoute bienveillante !
Alors pour cela, Seigneur Jésus, et aussi pour tous tes (rares) prêtres sanctifiés, MERCI !
Enfin, pour terminer, le père Soubias a conclu (en ce jour de l’Évangile de la Cananéenne ! À ce propos, j’aurais aimé lui dire qu’exceptionnellement, je l’aurais autorisé à me traiter de « chien » s’il en avait eu l’envie en entendant ma confession ! haha. Mais la semi-boutade que j’avais préparée m’est finalement sortie de la tête !) en me disant que malgré le liquide précieux que nous, baptisés, croyants et prédicateurs, portons, nous n’en restions pas moins aussi fragiles que des vases d’argile. C’est cette fragilité des CON-tenants (c’est moi qui sciemment décline ici ce vocable, pour souligner que nous demeurons des cons et des pauvres pécheurs, bien que Jésus nous fasse l’honneur de Le porter, de contenir son Esprit Saint)
que nous venons à chaque confession reconnaître et offrir.