Putain béatifiée
NOTICE EXPLICATIVE :
La jouissance d’être un « piège à hommes », une « arme de séduction massive »
Énormément de personnes homosexuelles abordent le thème de la prostitution, féminine comme masculine, parce que celle-ci correspond chez elles à un fantasme esthétisé de viol plus ou moins avoué, parfois actualisé dans leur propre mode de vie, ou projeté à tort sur les femmes réelles.
Pour beaucoup d’entre elles, la première des putains, c’est d’abord leur maman (plus symbolique que biologique) : d’une part, si on rentre dans leur système de pensée incestuel, leur mère biologique a bien dû « fauter » au moins une fois avec leur père pour les avoir ! ; d’une part, leur mère cinématographique a bien été obligée de se vendre scandaleusement pour réaliser de beaux films ! Sur pellicule, l’insulte « pute » s’étendra à toutes les femmes que les personnages homosexuels rêvent vierges et qui ne leur ont pas consacré leur virginité.
La putain est la reine de la communauté homo. Mais attention, quand je dis ça, je parle surtout de la péripatéticienne scénique. La majorité des personnes homosexuelles ne s’intéressent pas tant à la prostituée réelle qu’à l’icône de la bad girl. Si elles étaient réellement sensibilisées aux conditions difficiles dans lesquelles vivent les vraies prostituées (précarité financière, exposition aux maladies, alcoolisme, drogue, suicide, solitude, mort prématurée, persécution policière, exil, absence d’amour, mépris du corps, etc.), elles ne les idéaliseraient ni ne les mépriseraient pas autant. Leur prostituée adorée, c’est plutôt une actrice bourgeoise volontairement vulgaire et peste : elle peut être aussi bien la femme de chambre au-dessus de tout soupçon que la pute de luxe fière de l’être. Nous observons par exemple ce duo à travers les personnages de Pierrette (Fanny Ardant) et Louise (Emmanuelle Béart) dans le film « Huit Femmes » de François Ozon ; ou bien les deux prostituées jumelles (la riche et la pauvre) du vidéo-clip de la chanson « California » de Mylène Farmer.
Cette sacralisation de la prostituée cinématographique, de la pute de luxe, n’est pas propre à l’homosexualité masculine, comme se plaisent à le croire certaines femmes lesbiennes qui pensent que la femme-objet est précisément l’anti-modèle de la communauté lesbienne. Elle est aussi typiquement lesbienne, sauf que le désir de fusion s’est érotisé dans le cas lesbien. La seule différence entre les hommes gays et les femmes lesbiennes, c’est que les hommes homos ne désirent pas génitalement l’icône prostitutive à laquelle ils s’identifient esthétiquement de manière plus démonstrative et assumée que les femmes lesbiennes ; alors que les femmes lesbiennes désirent génitalement l’icône de la femme prostituées à laquelle elles s’identifient esthétiquement dans l’attraction-répulsion, à la sauce bisexuelle et machiste : elles rejettent sa sur-féminité pour l’échanger contre une sur-masculinité, tout aussi artificielle et asexuée, finalement.
N.B. 1 : Ce code est indissociable du code « Prostitution » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
N.B. 2 : Je vous renvoie également aux codes « Mariée », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Talons aiguilles », « Reine », « Cour des miracles homosexuelle », « Regard féminin », « Attraction pour la foi », « Blasphème », « Femme étrangère », « Tante-objet ou Maman-objet », « Défense du tyran », « Actrice-Traîtresse », « Carmen », « Femme allongée », « Vierge », « Bergère », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Femme-Araignée », « Femme fellinienne géante et le pantin », « Don Juan », « Inceste », à la partie « Femme-pute » dans le code « Destruction des femmes », à la partie « Bourgeoise-prostituée pénétrant dans une église » du code « Bourgeoise », à la partie « Prostituée noire » du code « Noir », à la partie « Maman-putain » du code « Matricide », à la partie sur le « Transsexuel divin » dans le code « Se prendre pour Dieu », et à la partie sur les marins dans le code « Eau », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) Passion pour la prostituée de luxe :
Dans les œuvres homo-érotiques, il est plutôt question de la prostituée et de la prostitution féminine que de la prostitution masculine : cf. l’album Putain de Jean Guidoni, le film « Girls Will Be Girls » (2004) de Richard Day, le film « Les Dames du bois de Boulogne » (1945) de Jean Cocteau, le roman Les Dames du bois de Boulogne (1949) de Robert Bresson, le vidéo-clip « Roxanne » de George Michael, la chanson « Ojos Verdes » de Nazario, la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi, la comédie musicale Peep Musical Show (2009) de Franck Jeuffroy, le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker, le roman El Último Pecado De Una Hija del Siglo (1914) d’Álvaro Retana, le film « Les Compagnes de nuit » (1953) de Ralph Habib, le spectacle-cabaret Dietrich Hotel (2008) de Michel Hermon, la chanson « Fille du soleil » de Kristel Adams dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon, la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet (avec Yolanda), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le film « Piano Forest » (2009) de Masayuki Kojima, la chanson « La Garce » de Elodie Frégé, la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau (avec Lucie, qui se prostitue), le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker, le film « Pasajero » (2010) de Miguel Gabaldón, le film « Jeune et Jolie » (2013) de François Ozon, etc.
En général, le personnage homosexuel voue une passion idolâtre pour la prostituée ou la femme scandaleuse. Il la trouve magnifique et hyper glamour : « Et quand revient l’aube des hommes, je vous assure je reste belle. » (Scarlett, la prostituée-louve de la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « Mourad déclara que Varia était sans doute une pétasse, mais qu’il adorait les pétasses. » (Mourad, l’un des deux héros homosexuels du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 67) ; « Je n’ai aimé que les catins. » (Lacenaire dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin) ; etc. Par exemple, la pièce L’Amant (1962) d’Harold Pinter s’achève par la « déclaration d’amour » que Richard formule à sa femme Sarah en la traitant de « merveilleuse putain ». Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca dit sa fascination pour Déborah, un piège-à-hommes : « C’était mon idole. »
Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Rosa la prostituée est carrément virginisée et sacralisée par ses camarades prostituées nommées « Trente-cinq » et « Quarante » : « Pire : elle est saine. » (Quarante) ; « Rosa, c’est sacré pour nous. » Lors du repas où sa bande de crapules se réunit pour une fête, elle se retrouve à la place du Christ, au milieu de la Cène.
La prostituée qu’aime le héros homosexuel peut même être une reine, une princesse, une femme d’affaires politiques, ou une bourgeoise : cf. la chanson « Queen Bitch » de David Bowie, la B.D La Verdadera Historia Del Superguerrero Del Antifaz, La Superpura Condesita Y El Super Ali Kan (1971) de Nazario, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik (avec Cheo-Seon, la reine-putain), la nouvelle « La Baraka » (1983) de Copi (avec Madame Ada, la bourgeoise prostituée), la chanson « My Shocking Princess » de Paco Solis (dédiée à l’actrice porno Clara Morgane), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, etc. Par exemple, dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, le sauna est montré comme un salon à la Nadine de Rothschild, où il convient de respecter les « codes de bienséance » et de se comporter comme une vraie Lady. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Marilyn est le cadeau d’anniversaire du père de Chris : traitée de prostituée par Sultana, elle porte quand même la couronne de Reine de Beauté. Dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, Marie-Solène, la mariée en blanc, est comparée à une prostituée sur qui tous les invités de l’église sont passés.
La prostituée adulée par le héros homo est en général une femme à poigne, qui ne se laisse pas faire, qui après avoir été violée finit par se venger et par reconquérir son honneur et sa virginité en prenant le dessus sur ses violeurs et en réaffirmant son statut de « piège à hommes », d’icône machiste hypersexuée (cf. je vous renvoie à la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, Alejandra (traitée de pute par Raúl) finit par tuer au couteau de cuisine Raúl qui allait la tuer.
Les créateurs homosexuels aiment également le retournement camp de la grande bourgeoise en courtisane libertine : ils le trouvent non seulement drôle mais désirable (il n’y a pas que de l’auto-dérision dans la démarche d’inversion : celle-ci est aussi très naïve) : « La Reine des Rats se glissa entre mes pattes et me suça le pénis sans résultat. » (Gouri, le héros bisexuel du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 118) ; « Le job, c’est de l’argent, et l’argent, c’est que pour le sexe ! Time is money, money is sex. » (la Comtesse Conule de la Tronchade, surnommée « la comtesse de Sodome et Gomorrhe », dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Je ne suis pas une putain, c’est moi qui paie ! » (Maria-José, le transsexuel M to F de la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 36) ; « Chaque jour vers l’enfer nous descendons d’un pas, sans horreur, à travers des ténèbres qui puent. Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange le sein martyrisé d’une antique catin, nous volons au passage un plaisir clandestin. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire) ; etc. Par exemple, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel adore s’insulter ou traiter ses amis homos de putes : « Quelle chaleur de pute ! » ; « Qu’est-ce que tu fous, connasse ? » ; « T’as dormi où, p’tite salope ? » ; etc.
La prostituée des fictions homo-érotiques a le privilège de mériter de l’allégorie ! Je pense par exemple aux majuscules mises à « la Pute » ou « la Garce » dans le discours de Vincent Garbo, le héros bisexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta.
Ce n’est pas la prostituée réelle mais la « pute de luxe », la prostituée cinématographique, qui trouve grâce aux yeux du héros homosexuel (la détresse de la vraie prostituée, il s’en moque bien !). La seconde doit obligatoirement figurer au carré d’or, « VIP », sous le feu des projecteurs : cf. le film « Puta De Oros » (1999) de Miguel Crespi Traveria, le film « Huit femmes » (2002) de François Ozon (avec les personnages sulfureux, et pourtant bien sous tous rapports, de Pierrette, la pute lesbienne sophistiquée et « bourgeoise ratée » jouée par Fanny Ardant, et de Claire, la domestique « chaudasse » et impertinente interprétée par Emmanuelle Béart), les vidéo-clips des chansons « California » et « Libertine » de Mylène Farmer, le film « La Punition » (1972) de Pierre-Alain Jolivet (avec la prostituée de luxe), etc.
« J’adore les prostituées au cinéma. » (« X », le héros homosexuel du film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka) ; « Groucha ne correspondait pas exactement à l’image usuelle de la garce et relevait en fait d’une sous-catégorie moins connue mais encore plus dangereuse de garces, la garce sophistiquée. » (Yvon, le héros « hétéro » du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 68) ; « Sa tenue, ça faisait limite pute du quartier rouge à Amsterdam, sauf que sur elle c’était superclasse, je sais pas comment vous dire, elle était superbelle, et superflippante. Je m’assois sur le tabouret en ébène. » (idem, p. 264) ; « Vous êtes une putain, Valmont. » (Merteuil s’adressant à Valmont avec son voile blanc de mariée, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; etc.
Par exemple, Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), tous les personnages du travesti M to F David Forgit sont des prostituées misérables mais qui jouent cyniquement à être des putes de luxe quand même : « Oui, j’ai fait carrière au bois… […] J’ai toujours eu les yeux plus gros que le ventre… question luxe. […] Fille de joie au bois… depuis 30 ans. » Dans le film « Ander » (2009) de Roberto Castón, Reme est surnommée la « pute d’or » par Peio. Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, l’actrice Jane Randolph est érigée en modèle de vertu par Molina, le héros homosexuel. Dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, la mère est à la fois la femme adultère et la parfaite bourgeoise digne et pieuse. Dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), le travesti M to F Charlène Duval rappelle avec nostalgie son fantasme d’incarner la vamp, la prostituée de luxe qui ramène chez elles des « jeunes hommes sans cervelle ». Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Martine, la prostituée, est plus fine et perspicace que les autres personnages.
Souvent, le héros homosexuel est touché par la fragilité de la prostituée, par son statut de reine détrônée, d’ange déchu, de vierge violée mais aussi vengeresse. « Je suis si fragile qu’on me tienne la main. » (cf. la chanson « Libertine » de Mylène Farmer) ; « Ne la laisse pas tomber. Elle est si fragile. Être une femme libérée, tu sais, c’est pas si facile. » (cf. la chanson « Femme libérée » de Cookie Dingler) ; « Je suis stoïque, mais plus pour longtemps… » (cf. la chanson « Pas de doute » de Mylène Farmer) C’est son propre fantasme narcissique de viol qu’il admire en elle. La prostituée est une icône de puissance (encore en veilleuse), du danger sexuel. Elle en impose. Par exemple, dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, c’est Scarlett, la prostituée tueuse, qui butera le loup. Dans le film « L’Affaire Crazy Capo » (1973) de Patrick Jamain, Alice Sapritch tient un luxueux bordel masculin, est meneuse d’hommes. La prostituée est l’incarnation du meurtre parricide élégant : « Jolie s’empara d’une brosse d’argent et le frappa sur la tête. Le Sénateur tomba la tête la première dans l’eau. » (Copi, La Vie est un tango (1979), pp. 27-28) ; « Change de trottoir, le mien est piégé. Si c’est trop tard, ne reste pas figé ! Sors du trou noir ! Je fais mon métier. J’ai peur de rien, je suis une femme pressée ! » (cf. la chanson « Une Femme pressée » du groupe L5)
La prostituée que le héros homosexuel vénère peut également être tout simplement le rôle homosexualisé (et finalement dégradant, féminisé, exploité) qui est donné à l’amant de ce dernier : « Malgré son côté sainte-nitouche, ça doit être une sacrée salope au lit. » (Jonathan en parlant de son futur « plan cul » avec Matthieu, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves traite Jacques, son futur amant, de « pute »… alors que ce dernier rêverait ironiquement, en bon dandy dix-huitiémiste qui se respecte, de se faire au moins traiter de « catin » : ça fait plus classe !
Par exemple, dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, la relation de « couple » est mise sur le même plan que la relation prostitutionnelle. Par exemple, Petra demande à son amante Jane si elle a déjà payé pour coucher. Voyant l’attraction interdite de sa compagne pour les prostituées (et notamment la jeune Anna), Petra ironise : « Ça te fascine, hein ? T’aimerais qu’on en ramène une un jour ? » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 78) ; « Plus tard, alors qu’elles étaient couchées et que Petra commençait à lui embrasser la nuque, le souvenir des deux filles lui revint à l’esprit. Elle se souvint du contraste saisissant entre leurs longs cheveux noirs et leur peau pâle, comme Blanche-Neige, qui lui rappelait tant le teint d’Anna. » (p. 79)
En somme, la prostituée fantasmée par le personnage homo est l’incarnation « vivante » de ce désir-machiste-dans-un-corps-voulu-asexué-ou-hypersexué qu’est le désir homosexuel ou le désir hétérosexuel : « Vous aussi, vous êtes un mec bien. » (Jules, le personnage homosexuel s’adressant à Michèle la prostituée, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau)
b) La sacralisation de la sainte Pute :
Le héros homosexuel pousse la passion pour la prostituée cinématographique au paroxysme de la dévotion. Il la présente (et pas qu’ironiquement) comme une sainte, une Marie-Madeleine ! cf. la pièce L’Ingénue Libertine (1909) de Colette, le film « La Sorcière vierge » (1972) de Ray Austin, le roman El Martirio De San Sebastián (1917) d’Antonio de Hoyos (avec Cristina), le film « Couvent de la Bête sacrée » (1974) de Norifumi Suzuki, le film « Esperanza et ses saints » (2000) d’Alejandro Springall, le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon (avec Mousse, la prostituée héroïnomane rentrant dans l’église), le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar (avec la chanteuse-prostituée Yolanda arrivant dans l’église du couvent comme une apparition divine), le vidéo-clip de la chanson « Like A Prayer » de Madonna, la chanson « Maria-Magdalena » de Sandra, le vidéo-clip de la chanson « Berlin » de Christophe Willem, etc.
Par exemple, dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, le sauna est transformé en église, en lieu de « mystère et de sensualité », avec de l’encens, des clients qui chantent du gospel, et même des « novices » ! Le film « Y a-t-il des pommes au paradis ? » (2006) de Ben Yamed Mohamed Bahri raconte comment un travesti rencontre Jésus. Dans la pièce Les Monologues du pénis(2007) de Carlos Goncalves, l’actrice Monica Bellucci est, selon Sylvain le personnage homosexuel, la « sainte patronne des comédiens ». Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Floriane, l’héroïne lesbienne, représente la vierge cachée derrière la « pute » : elle a une réputation d’allumeuse dans le club de piscine (« Elle fait encore la pute, ta copine. » dit une camarade à la future amante de Floriane, Marie) alors qu’en réalité, elle n’a jamais couché avec un garçon. Finalement, Floriane est la Don Juane qui, pour faire mentir son image sulfureuse (ou carrément pour la confirmer et la forcer), draguera Marie pour de vrai : « Si jamais François sait que chuis pas une vrai salope, c’est fini. […] J’voudrais que ce soit toi, Marie. Que tu sois la première. Que tu me débarrasses. » Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, le spectateur assiste à la métamorphose de la prostituée lesbienne Jézabel en dévote : « Qui sait ? Peut-être que t’as l’âme d’une sainte. » (le père David s’adressant à Jézabel) Dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès, il est question d’« une petite vierge élevée pour être putain ». Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, la meilleure amie de Zize, le travesti M to F, s’appelle « Annonciade » et est prostituée également.
« Elle s’appelait Maria. » (Jane à propos de la prostituée Maria, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 159) ; « Rien ne semble pouvoir briser le cycle monotone du quotidien mélancolique de Maria qui vit et travaille à Paris. Jusqu’au jour où cette prostituée anglaise, esseulée, sera élue et révélée par l’Annonciation. » (cf. la critique du film « L’Annonciation Or The Conception Of A Little Gay Boy » (2011) d’Antony Hickling, sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, le 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; « La garce et la grâce ! » (Nietzsche à sa sœur Élisabeth, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Toutes, sans exception, sont vierges ! » (le Maître de Cérémonie en parlant des 6 call-girls qui l’entourent, dans la comédie musicale Cabaret (2011) de Sam Mendes et Rob Marshall) ; « Vous êtes la nouvelle Vierge Marie ? » (Yoann, le héros homosexuel, s’adressant à l’ex-femme de son amant Julien, Zoé, une femme très légère, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Elle baise pas. C’est une sainte. » (Meri, le transsexuel M to F se moquant de la prudence de Davide, son jeune camarade homo de 14 ans, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; « La Sainte Vierge incarnée ! » (Azario, un ami homo de Davide tout content d’avoir peinturluré de maquillage son amie gothique, idem) ; etc.
c) L’identification narcissique à la prostituée, l’icône de l’hypersexualité machiste et asexuée :
Le héros homosexuel sacralise la prostituée en Reine parce qu’il rêve de se substituer à elle, de lui piquer son diadème, et de se déifier lui-même par identification : cf. le roman Jésus-la-Caille (1914) de Francis Carco, le film « Morrer Como Um Homem » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues (avec Tonia, le transsexuel M to F, priant saint Antoine à genou chez elle), le film « L.A. Zombie » (2010) de Bruce LaBruce, le roman Notre-Dame des Fleurs (1946) de Jean Genet (avec le travesti « Divine »), la pièce Les Précieux ridicules (2008) de Damien Poinsard et Guido Reyna, etc. « Fais-moi un chèque, chèque, si tu veux me check-check, si tu veux mes fesses, traite-moi comme une princesse, mec. » (cf. la chanson « Fais-moi un chèque » du travesti Jena Kanelle) ; « Dans la nuit, j’étais la poupée qu’on habille et qu’on déshabille. » (cf. la chanson « Le Privilège » de Michel Sardou) ; « Tu m’as pris pour une pute ? » (Jarry dans son one-man-show Atypique, 2017) ; « Je suis né il y a quelques jours dans un bois. Et tout qui s’est passé avant ça compte pas. » (Angelo, le prostitué bien nommé, retrouvé inanimé au Bois de Boulogne, dans le film « Notre Paradis » (2010) de Gaël Morel) ; « Moi, j’ai été enfant de chœur de la Vierge de Fatima ! » (Raulito le prostitué, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Cette nuit, je suis allé dans un lieu dont je n’ose même pas vous parler… eh bien bizarrement, j’ai l’impression qu’Il [Dieu] était là aussi. Comme si aucun lieu ne Lui échappait ! » (Malcolm, le prostitué homosexuel, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, pp. 120-121) ; « Le trottoir, c’est mon Royaume ! Sur le trottoir, je suis née, la pissoire c’est mon Palais. » (Fifi, le travesti M to F de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Cody est petit, musclé à l’américaine, avec des muscles ronds et gras. Il teint ses cheveux en blond et passe son temps à les ramener derrière les oreilles alors qu’ils ne font pas plus de trois millimètres de longueur. Il semble regarder par en dessous avec son petit air de princesse ou de pute supérieure, derrière des lentilles bleues. » (Mike, le narrateur homosexuel décrivant Cody, son pote gay efféminé nord-américain, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 89) ; « Devant le miroir, Cody lève les cheveux de sa perruque blonde et dit ‘Je souis Catherine Denouve, non, dans une film de Bunuel ?’ En me regardant, les cheveux toujours maintenus en l’air, il dit ‘Toi, tu es Vanessa ? Ça fait très français, ça, comme nom, quoi. Catherine Denouve et Vanessa de Paris, les putes gratuites qui cherchent les hommes pour leur vagina.’ » (Cody, idem, p. 101) ; etc.
L’identification du personnage homosexuel à la prostituée est parfois totale : « Je veux être une traînée. » (Paul, le héros homosexuel du film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Si ! Je suis une Salope ! » (Todd, le héros homosexuel du film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson) ; « Que celui qui n’a jamais péché me jette la première pierre. » (cf. la phrase inscrite sur l’affiche du film « Prêtre » (1994) d’Antonia Bird) ; « J’embrasse comme une prostituée. » (Arnold Wilcox, le flic gay de la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd) ; « J’ai toujours rêvé d’aller tapiner sur Hollywood Boulevard ! » (Daniel dans la pièce Son mec à moi (2007) de Patrick Hernandez) ; « On dirait deux putes ! » (Max, en parlant de lui et de son amant Fred, habillés avec un tee-shirt TATI, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « C’est depuis que je suis petit que ça me tient : l’envie d’être pute. » (Franck, le héros homosexuel de la pièce Mon amour (2009) d’Emmanuel Adely) ; « J’ai comme une envie de voir ma vie au lit. » (cf. la chanson « Je t’aime mélancolie » de Mylène Farmer) ; « Je, je, suis libertine, je suis une catin ! » (cf. la chanson « Libertine » de Mylène Farmer) ; « Et c’est devenue une traînée… comme moi. » (Jérémy Lorca parlant de l’actrice Brigitte Bardot, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc. Par exemple, dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral, le comédien imite une metteur en scène acariâtre, Julie Duchâtel, qui se définit elle-même comme la « P.U.T. du Paca » : « Je suis pute. » Dans la comédie musicale Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, Cosette (interprétée par un homme travesti) veut devenir prostituée. Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Jules, l’écrivain maudit homosexuel, a tourné dans le film « Les Misérables » et a joué le rôle d’une pute.
Cette identification à la prostituée n’est pas propre aux personnages homos masculins. Elle vient aussi beaucoup des héroïnes lesbiennes, qui vivent leur homosexualité en même temps qu’elles font le tapin. La figure de la prostituée lesbienne est récurrente : cf. le film « Gigola » (2010) de Laure Charpentier (avec la figure de la garçonne vêtue d’un smoking), la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau (avec Lucie, l’héroïne lesbienne), la pièce Psy (2009) de Nicolas Taffin (avec Natacha, la strip-teaseuse bisexuelle), la pièce Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet (avec le personnage de Caroline), la pièce String Paradise (2008) de Patrick Hernandez et Marie-Laetitia Bettencourt (avec le personnage de Jessy), la chanson « Bad Girl » de Mylène Farmer, le film « Hardcore » (2004) de Dennis Iliadis, le film « Monster » (2003) de Patty Jenkins, le film « Fiona » (1999) d’Amos Kollek, le film « Et mourir de désir » (1973) de Jean Bastia, le sketch « Les Scénaristes » des Robins des Bois, la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas (avec Garance, la prostituée lesbienne), etc.
« J’ai eu quelques femmes au début, mais c’est plus rares maintenant. » (Martine, la prostituée gérant une maison close, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Le pasteur l’avait-il vraiment prise pour une prostituée enceinte à la recherche d’un abri ? Elles étaient jolies, ces filles, beaucoup plus jeunes qu’elle, pour la plupart ; peut-être devrait-elle prendre cela pour un compliment. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 54) ; « C’est nous qui lançons la mode. Nous, les blacks et les gays. » (Maria, la prostituée, s’adressant à Jane, idem, p. 165) ; « Greta m’a embrassée une fois. Elle embrassait bien. Moi aussi je l’ai embrassée. » (Frau Becker s’adressant à Jane, idem, p. 215) ; etc.
Par exemple, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, Simon, l’un des héros homosexuels, compare sa meilleure amie lesbienne Polly à une prostituée (p. 13). Dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, on trouve des prostituées (les « dames du Lusty »), dont certaines sont lesbiennes. Dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer, Simone, l’hétérosexuelle bourgeoise, se révèle finalement lesbienne. Dans le film « Where’s Poppa ? » (1970) de Carl Reiner, la prostituée représente la tentation bisexuelle. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne, détourne le jeune Santiago. Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Camille, l’héroïne bisexuelle, est présentée comme une « femme libre et sans entraves », volage et libérée.
C’est souvent l’héroïne lesbienne ou bisexuelle elle-même qui se définit comme une prostituée : « Je je suis libertine, je suis une catin ! » (cf. la chanson « Libertine » de Mylène Farmer) ; « Moi, c’que je veux, c’est devenir une pute ! » (Camille, la narratrice lesbienne dans son one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « Je suis mauvaise. Une dévergondée. Une putain. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 195)
À force de fuir la femme-objet cinématographique soumise au viol (le viol de la prostitution, voire le viol maquillé par le mariage bourgeois), l’héroïne lesbienne, même butch, finit par fusionner avec la prostituée, pour ne former qu’une seule et même créature : « Elle gère son sex-appeal. Ça lui donne même un côté pute de luxe à mille lieues de l’image qu’on se fait de la lesbienne un peu tarée de cinquante berges. » (Mike, le narrateur homo, parlant de sa pote lesbienne masculine Claude, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 49-50) ; « C’était une pute gouine. » (l’un des jurés, homo, qui ressemble aux chanteurs du groupe Indochine, « clashant » un candidat-chanteur dans le sketch « Stop Stars » de Kad & Olivier) ; etc. Par exemple, dans la pièce Le Gang des potiches (2010) de Karine Dubernet, Nina, l’héroïne lesbienne, vit en colocation avec Janis, la strip-teaseuse.
C’est la confrontation à des hommes machos et obsédés uniquement par leur petite jouissance qui conduit certaines « travailleuses du sexe » à se tourner vers les femmes.
d) Le goût de « l’idée de prostitution » comme le signe d’un désir homosexuel incestuel :
L’attachement homosexuel à la prostituée renvoie également à l’inceste. La prostituée est la figure enviée mais aussi jalousée de la mère : « Et si on trouvait une prostituée pour ton père ? » (Khalid s’adressant à son amant Omar, au moment où ils pénètrent la plus grande forêt du Maroc, la Mamora, un haut lieu de prostitution, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 124) ; « Elle faisait vraiment vieille pute, dans son peignoir à fleurs. Peut-être était-elle réellement une pute, d’ailleurs. » (Corinne décrivant sa probable mère biologique, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 226) ; « C’est un manteau de ma mère, cette salope ! » (Chloé dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe Botti) ; « Quand ton père m’a connue, j’étais une junkie séropositive. » (la mère d’Ariane – et aussi du héros homosexuel – s’adressant à sa fille, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; « Maman, elle était pas plus religieuse que moi ! » (Carmen, la fille légère de la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Christian Bordeleau) ; « Ma maman, c’est une pute. Et Dieu sait combien j’l’adore ! » (Crunch, l’un des héros homosexuels, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc.
Par exemple, dans la pièce Le Frigo (1983), la mère de « L. » se prostitue avant d’aller aux offices religieux : « Je m’attarde sur les escaliers du Sacré-Cœur avant la première messe. » (p. 29). Dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, la mère de Dzav est prostituée au Bois de Boulogne. Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, la mère de la petite Jeanne (6 ans) est prostituée. Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, Suzanne (la mère du héros homosexuel, jouée par Catherine Deneuve) est décrite comme une « bourgeoise nymphomane ». Dans le roman Hawa (2011) de Mohamed Leftah, les jumeaux Zapata et Hawa sont les fruits de la rencontre d’un soldat américain et d’une prostituée. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, met sa grand-mère (qui le traite de « pupute » au lieu de « pupuce » sans s’en apercevoir) sur un piédestal car il soutient qu’il « l’adore ». Dans le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, la mère de Nicolas (le héros homosexuel), est une séduisante femme-objet fatale surnommée « Désirée », portant un manteau de fourrure, un peu pute et aguicheuse. Dans le film « Mommy » (2014) (toujours de Dolan), Diane, la mère de Steve (le héros homosexuel), est présentée comme la Grande Pute jalousée et magnifiée par son fils homo Steve.
Parfois, la fusion incestueuse est telle qu’il existe une collaboration et une étonnante compétition entre le fils homosexuel féminisé et sa mère autour de leur travail commun de prostituées. Ceci est particulièrement visible dans l’œuvre du dramaturge et dessinateur argentin Copi. Par exemple, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, c’est la mère d’Evita qui envoie sa fille « tapiner ».
Chez Copi, la mère et la fille (transsexuelle) sont souvent amantes, ou bien l’une est la sœur maquerelle de l’autre, et elles se partagent/disputent le butin. « Ma mère, que fais-tu ici ? Je t’ai interdit de venir traîner dans mon territoire ! » (Lou s’adressant à sa mère Solitaire, à Montmartre, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur, 1986)
La mère – « J’ai besoin d’argent pour payer mon gigolo !
« L. », la fille – C’est fini, je ne te file plus de sous !
La mère – Je t’en prie, mon chéri, juste un petit chèque pour finir de payer les traites de mon gigolo ! »
(cf. un extrait de dialogue de la pièce Le Frigo, 1983)
On a de quoi douter très sérieusement de la sexuation féminine des deux personnages en question. Il s’agit plutôt de deux parodies machistes de sur-féminité, jouées par deux hommes homosexuels travestis :
« L. » – « Veux-tu une tasse de thé ?
La mère – Avec un nuage de sperme, comme d’habitude. »
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) Passion pour la prostituée de luxe :
Certaines personnes homosexuelles ont pu être en contact très jeunes avec le monde de la prostitution, même à travers l’industrie du porno. Même s’il est dur, il a pu bénéficier de la ré-écriture enchanteresse de l’enfance : « Cher Jorge Lavelli, Je te donne cette pièce [La Journée d’une rêveuse] en souvenir attendri de la ville de Buenos Aires qui a été, pour nous aussi, un peu le parc de notre enfance. C’est dans un coin de rue rose de cette ville que nous avons tué à coups de marteau dix-sept facteurs, un marchand de melons et la putain du coin avant d’aller comme des gosses scier les arbres des patios de San Telmo. » (cf. l’extrait d’une lettre de Copi à Jorge Lavelli, en préface de La Journée d’une rêveuse (1968), p. 7) ; « Tu me rappelais souvent que le premier mot que j’aie prononcé était ‘pute’. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 164)
Elles vouent une passion idolâtre pour la prostituée cinématographique ou la femme scandaleuse des médias (la prostituée réelle, elles s’en moquent éperdument !). « Si tu es libre, on va te traiter de pute. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla). Il arrive qu’elles trouvent ce « piège à hommes » magnifique et hyper glamour : « Avec la volupté d’une cover-girl, je m’en allais dans un délire de trémoussements en changeant de partenaire à chaque changement de morceau. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 133) ; « J’étais fan de Béatrice Dalle. » (Denis, un témoin homosexuel cité dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 57) ; « Et si je parle beaucoup des prostituées, c’est qu’elles portent en elles une mythologie poétique merveilleuse. Le port, les marins… Ce sont de beaux univers. Ils ont inspiré beaucoup d’auteurs et de poètes. » (Denis D’Arcangelo à propos de son spectacle Madame Raymonde, cité dans la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 38) Par exemple, la Patty Diphusa du réalisateur Pedro Almodóvar est certes star du porno… mais diva quand même ! Autre exemple : à l’âge de 9 ans, le couturier homosexuel Jean-Paul Gaultier, à l’école, dessinait déjà des danseuses des Folies Bergère. Pour ma part, quand j’étais en grande section de maternelle, je faisais des dessins de grandes actrices avec des talons aiguilles, un peu provocantes.
Cette tendance, aussi étonnant que cela puisse paraître, n’est pas circonscrite à la sphère homosexuelle. Elle s’ouvre à la collectivité qui s’hétérosexualise à grands pas. Par exemple, socialement, on observe que les Femen, ces femmes aux seins nues venant saccager des églises françaises – et dont certaines ont fait de la prostitution leur « métier » – sont portées aux nues (c’est le cas de le dire…) par nos mass médias et sont devenues très vite les porte-drapeau des droits LGBT et des défenseurs hétéros gay friendly et homosexuels du « mariage pour tous » en France. Même Anne Hidalgo, le maire de Paris, leur tresse des couronnes et arrive à les trouver « touchantes ». Ce sont nos dirigeants socialo-féministes et un certain nombre de militants homosexuels qui ont concrètement soutenu le mythe (violemment actualisé) de la putain béatifiée.
b) La sacralisation de la sainte Pute :
Certaines personnes homosexuelles poussent la passion pour la prostituée cinématographique au paroxysme de la dévotion. Il la présente (et pas qu’ironiquement) comme une sainte, une Marie-Madeleine ! cf. l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli (avec la prostituée Rita de Jésus). « La Vierge, c’est un monstre par définition. Dans le sens de malformation. Elle a des pouvoirs. Au sens de créature.[…] L’autre paradoxe de Caravage, c’est que le modèle de la Vierge était une pute. » (Celia la conservatrice de musées face au tableau de Carravage où la Vierge Marie, toute habillée de rouge, est enterrée, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud)
Par exemple, le peintre Caravage (1571-1610) a représenté en peinture le cadavre de la Vierge… et la femme réelle qui lui a servi de modèle pour cette toile était une prostituée. Ce fait est relaté dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher).
Dans ses articles, le poète homosexuel argentin Néstor Perlongher, après avoir détruit verbalement Eva Perón, la sanctifie : elle devient une déesse de perversion, une putain béatifiée, distribuant de la marihuana à tous les pauvres.
« Tu te souviens de la prostituée à la fin […]. Elle avait une tête d’ange. » (cf. un dialogue entre les trois tantes d’Alfredo Arias, se rappelant un film qu’elles ont vu ensemble, dans l’autobiographie de ce dernier, Folies-Fantômes (1997), p. 116) ; « La Chola avançait d’un pas décidé, malgré le déséquilibre que provoquaient ses talons aiguilles qui s’enfonçaient dans le chemin de terre battue. Sur son passage, flottait un délicieux parfum douceâtre. Ses formes étaient exaltées par un tailleur blanc moulant et une petite ceinture rouge. La Chola s’arrêta devant une maison basse, peinte à la chaux et surmontée d’un énorme écriteau où l’on pouvait lire ‘Église scientifique’. De part et d’autre de la porte étaient peints deux angelots assis chacun sur son nuage. Elle frappa. » (Alfredo Arias, op. cit., p. 233) ; « J’aime beaucoup Brigitte Bardot. On sent chez elle un cœur pur. » (le romancier homosexuel Julien Green, cité dans l’article « Julien Green, l’Histoire d’un Sudiste » de Philippe Vannini, sur le Magazine littéraire, n°266, juin 1989, p. 103) ; « J’étais scandalisé qu’on traite cette femme comme une voleuse et qu’on la salisse. » (Jean-Claude Brialy parlant de Joséphine Baker, dans son autobiographie Le Ruisseau des singes (2000), p. 338)
Certaines personnes homosexuelles vraiment sanctifient la pin up (littéralement « celle qu’on crucifie »). Kake Frears, par exemple, n’hésite pas à qualifier la blonde aux gros seins Dolly Parton de « sainte » (cf. le documentaire « Sex’n’Pop, Part IV » (2004) de Christian Bettges). Ari Gold trouve Madonna « fantastic » (idem). Plus la femme télévisuelle est vulgaire, plus elle a des chances de devenir une icône homosexuelle adulée comme une vierge (Madonna, Mylène Farmer, Britney Spears, Christina Aguilera, Donna Summer, Bette Midler, Samantha Fox, Janet Jackson, Pussycat Dolls, Rihanna, etc.).
Dans le « milieu homosexuel », on trouve une certaine sophistication jouissive à se traiter mutuellement de « garces » ou de « putes » pour se rendre plus important. « On se dit partout ‘connasses’. On s’insulte de sales pestes. » (cf. la chanson « L’Amour ça va » de Mauvais Genre)
Beaucoup de créateurs homosexuels aiment également le retournement camp de la grande bourgeoise en courtisane libertine : ils le trouvent non seulement drôle mais désirable. Il n’y a pas que de l’auto-dérision dans la démarche d’inversion : celle-ci est aussi très sincère et naïve. Par exemple, dans le documentaire Et ta sœur (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin, Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence tiennent les comptes de meurtres de prostituées, avec un Livre des Martyres. Elles jouent elles-mêmes les prostituées béatifiées.
c) L’identification narcissique à l’icône de l’hypersexualité machiste et asexuée :
Certaines personnes homosexuelles sacralisent la prostituée en Reine parce qu’elles rêvent de se substituer à elle, de lui piquer son diadème, de se déifier elles-mêmes par identification, mais aussi parfois de reprendre la main sur un viol passé. « Sur scène, j’essaie d’incarner à la fois le mac et la pute. » (le rappeur gay Mykki Blanco interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Il ne faut pas laisser les couturiers homosexuels habiller les femmes, car ils vont les transformer en prostituées.» (la couturière Gabrielle Chanel) ; etc. Il n’est pas rare qu’elles se présentent comme des saintes, des repentis de la prostitution, des Marie-Madeleine modernes ! Par exemple, dans le documentaire Et ta sœur (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin, une Sœur de la Perpétuelle Indulgence raconte (en boutade ?) qu’elle est rentrée dans la « Congrégation » après avoir été « récupérée sur un trottoir ». Harry Glenn Milstead a créé, avec John Waters, un personnage de travesti ultra-vulgaire qui s’appelait « Divine ». Pareil pour le flamboyant « Hedwig » de John Cameron Mitchell, se comparant à Lazare ; ou bien pour Yvette Leglaire, la chanteuse-prostituée travestie qui joue les monstres sacrés immortels ; ou bien pour « Madame H. », la bourgeoise-maquerelle interprétée par un travesti. Beaucoup de personnes transsexuelles M to F se prennent pour des prostituées angéliques. L’une des dénominations d’« homosexuel » les plus utilisées dans le langage courant – « queen » – est en réalité une déformation du mot « quean », qui signifiait à la base « prostituée » (cf. Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 271).
Cette identification à la prostituée n’est pas propre aux personnes homos masculines. Elle vient aussi beaucoup des femmes lesbiennes, qui vivent parfois leur homosexualité en même temps qu’elles font le tapin. Comme l’explique Suzette Robichon dans son article « Gouine » dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon (p. 227), à l’origine, le terme « gouine » désignait autrefois une prostituée. Dans l’iconographie, la sulfureuse garçonne flirte avec les tabous : elle se maquille et fume en public, comme les prostituées. La comédienne lesbienne Louise de Ville est le parfait exemple de la femme lesbienne passant de la pin-up coquine à la prostituée. Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, Ebba, la dame de compagnie et amante secrète de la Reine Christine, est surnommée « la Catin de la Reine ».
À force de fuir la femme-objet cinématographique soumise au viol (le viol de la prostitution, voire le viol maquillé par le mariage bourgeois), ou bien de voir des exemples de femmes hétérosexuelles maltraitées (pléonasme…), voire de tomber sur des hommes qui se conduisent avec elles comme des clients se rendant au bordel, certaines femmes lesbiennes, même butch, finissent par fusionner avec la prostituée (celle qui semble maîtriser son corps et ses désirs, qui donne une impression d’indépendance) pour ne former qu’une seule et même personne. Et côté « travailleuses du sexe », c’est certainement la confrontation régulière à des hommes machos et obsédés uniquement par leur petite jouissance qui conduit certaines à se tourner vers les femmes. Par exemple, dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, on nous parle d’une prostituée lesbienne (p. 82). Dans énormément de films pornos, beaucoup d’actrices sont forcées de tourner des scènes lesbiennes. Dans le documentaire « Tierra Madre » (2011) de Dylan Verrechia, l’héroïne, Aidee, est lesbienne et strip-teaseuse.
Cette putain convoitée est en réalité une projection du machisme, que certaines personnes homos ont intégrée comme la femme réelle, leur copine d’apparat : « Le soir même quand j’ai retrouvé mon cousin Stéphane il m’a posé des questions ‘C’est vrai que maintenant t’as une meuf, que ta meuf c’est Laura, celle que tout le monde dit que c’est une vraie salope’. J’avais perçu dans sa question une forme d’admiration, de complicité virile que je n’avais jamais partagées avec lui. Il était encore plus valorisant pour moi de fréquenter une ‘salope’. Elle faisait de moi un machiste qui entrait dans le cercle des garçons-que-Laura-avait-fréquentés. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 170)
d) Le goût de « l’idée de prostitution » comme le signe d’un désir homosexuel incestuel :
L’attachement homosexuel à la prostituée renvoie également à l’inceste. La prostituée est la figure enviée mais aussi jalousée de la mère : « Lorsque j’ai eu 40 ans, ma mère m’a dit : ‘Maintenant, tu fais ce que tu veux, mais, surtout, ne dis rien à ton père, ne lui montre jamais que tu es comme ça, il va dire que c’est de ma faute, que je suis une prostituée.’ » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 89)
Par exemple, dans le cas des GPA (Gestation Pour Autrui), certains couples d’hommes cherchent des femmes à louer pour qu’elles portent « leur » futur bébé. C’est une forme d’exploitation, de « prostitution sans génitalité », mais qui passe pour une merveilleuse collaboration parce que, quelque part, elle donne la vie. Je garderai toujours en tête les propos qu’a rapportés Darren Rosemblum lors de sa conférence à Sciences-Po sur « L’homoparentalité aux USA », le 7 décembre 2011. Le jeune avocat racontait, avec des étoiles dans les yeux, comment il avait loué, avec son compagnon, le ventre d’une femme, Beth, pour avoir « leur » petite fille, et ce que Beth, la mère porteuse, avait fini par conclure qu’ils avaient tous les trois été d’accord pour opérer ensemble une « exploitation mutuelle ». Quand homosexualité, prostitution et maternité se rejoignent, cela forme un trio incestueux qui fait froid dans le dos…
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