Code n°156 – Reine (sous-code : Cruella)

Reine

Reine

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La Reine prise pour l’incarnation de la différence des sexes

 

La Reine dans le film "Blanche-Neige" de Walt Disney

La Reine androgynique dans le film « Blanche-Neige » de Walt Disney


 

Encore un cadeau inattendu de Jésus ce 29 septembre 2014 en soirée. Je finalisais la rédaction de cet article traitant du lien entre PRINCESSE/REINE et HOMOSEXUALITÉ. Et ce même soir, à tout « hasard », je me suis rendu à la Manufacture des Abbesses (Paris) voir cette pièce Mâle Matériau d’Isabelle Côte Willems, œuvre très « queer » (et très merdique aussi ; mais ça, je m’en doutais un peu : passer une heure à écouter le délire schizo d’une femme qui se prend sérieusement pour un homme, ça ne risquait pas d’être brillant. Bref.). Et la toute première tirade de la pièce ne parlait que de la Princesse ! « Quand j’étais petite, j’aimais bien les déguisements de princesse. Mais avec une robe de princesse, on peut pas courir : ça se déchire. On peut pas nager, sinon on se noie, etc. » La comédienne sur scène a commencé d’emblée à réduire en pièce cette Princesse qui l’empêcherait d’être elle-même, à massacrer cette Reine mentale et de chiffon comme elle rejetait sa sexuation de femme, parce que dans son esprit les deux ne faisaient qu’une, parce qu’au fond elle amalgamait la Princesse et la différence des sexes (et ça marche aussi avec le Superman hyper viril). J’avais bientôt fini d’écrire mon code, mais ce one-woman-show m’a fait réaliser une chose capitale, m’a montré la dernière pièce manquante du puzzle : dans l’esprit de bien des personnes homosexuelles, transgenres ou transsexuelles, la Reine EST la différence des sexes à elle seule. Et l’homme-objet EST également la différence des sexes à lui tout seul. C’est pourquoi elles cherchent à rentrer dans la peau de l’archétype médiatique du sexe complémentaire – archétype qu’elles confondent avec les personnes réelles du sexe complémentaire (le Don Juan mis à la place des hommes, la Reine mise à la place des femmes) – afin d’incarner à elles seules la différence des sexes, mais aussi afin de neutraliser celle-ci par les objets et le pastiche mimétique. Rien d’étonnant que les personnes lesbiennes/transgenres F to M nées femmes, qui renient leur sexuation et la différence des sexes, rejettent dans le même mouvement les princesses et les reines qu’elles ont prises pour toutes les femmes réelles et plus globalement pour la différence des sexes. Rien d’étonnant non plus que les personnes gays/transgenres M to F nées hommes, qui renient leur sexuation et la différence des sexes, rejettent et jalousent dans le même mouvement les princesses et les reines qu’elles ont prises pour toutes les femmes réelles et plus globalement pour la différence des sexes.

 

Drag-queen

Drag-queen


 

Le désir homosexuel et transgenre, qui tente d’en même temps détruire la différence des sexes et de l’incarner à soi seul, explique que la communauté homosexuelle détruise, nie, mais aussi sacre la Reine comme une Reine, obéisse (plus ou moins ironiquement) à la logique du titre qu’elle lui décerne. C’est pourquoi paradoxalement la Reine, cette femme puissante et objet à la fois, soi-disant la première à être entrée dans une Histoire écrite majoritairement par des hommes et en leur honneur, a tout pour devenir l’icône des féministes et des personnes homosexuelles. Pratique et impactante, elle leur permet de cacher leur misogynie ou leur haine d’elles-mêmes à travers une idolâtrie que peu de nos contemporains identifient comme jalouse, haineuse, destructrice, car celle-ci scintille de mille feux. La Reine n’est pas tellement une femme. Elle est la figure fantasmée de la mère (donc l’allégorie de l’inceste), la figure fantasmée du père (donc l’allégorie du pouvoir, de la force machiste, du viol), de l’homme-objet devenu dieu (donc l’allégorie de l’androgyne asexué travesti). Les personnes homosexuelles l’intronisent puis la détruisent – comme la Reine de Beauté d’un carnaval ou d’un concours (c’est bien le char le plus beau qui subit le sort des flammes à la fin du défilé) – pour prouver qu’Elle est toute-puissante, et surtout pour cacher leur haine des femmes réelles (qui sont pourtant Reines autrement : par leur fragilité, leurs défauts, leurs imperfections, leur incarnation, leur Humanité créée par Dieu), pour cacher également leur mal-être existentiel, et parfois leur viol, à travers une carcasse d’arrogance savamment travaillée, une simulation de confiance et de fermeté. La Reine est le masque du faible, du lâche qui pense ne faire de la force d’une affaire d’apparences.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Femme au balcon », « Douceur-poignard », « Mort = Épouse », « Mariée », « Actrice-Traîtresse », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Bergère », « Androgynie bouffon/tyran », « Vierge », « Poupées », « Femme allongée », « Bourgeoise », « Carmen », « Femme et homme en statues de cire », « Tante-objet ou Mère-objet », « Grand-mère », « Putain béatifiée », « Regard féminin », « Femme étrangère », « Mère possessive », « Matricide », « Conteur homosexuel », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Parodies de Mômes », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Éternelle jeunesse », « Don Juan », « Super-héros », « Homosexuels psychorigides », « Sirène », « Maquillage », « Liaisons dangereuses », « Destruction des femmes », « Femme fellinienne géante et Pantin », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Cour des miracles », « Tout », à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et Masques », à la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée », à la partie « Beauté du diable » du code « Haine de la beauté », à la partie « Applaudissements » du code « Milieu homosexuel paradisiaque », à la partie « Mère folle » du code « Milieu psychiatrique », et à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La Reine rose et gentille :

Le femme-objet adulée par le héros homosexuel est souvent une Reine : cf. la chanson « Dancing Queen » du groupe ABBA, le film « The Great McGonagall » (1974) de Joseph McGrath (avec la Reine Victoria), le film « Desperate Living » (1977) de John Waters, le film « Edward II » (1991) de Derek Jarman, le film « Senso » (1954) de Luchino Visconti, le film « Music Lovers » (1970) de Ken Russell, le film « La Reine Christine » (1933) de Rouben Mamoulian, le film « Orlando » (1992) de Sally Potter (avec la Reine Élisabeth), le film « Reinas » (2005) de Manuel Gómez Pereira, le film « I Wonna Be A Beauty Queen » (1979) de Richard Gayer, le film « Queen Of The Whole Wide World » (2001) de Roger Hyde, le film « La Reine Christine » (1933) de Rouben Mamoulian, le film « Parigi O Cara » (1962) de Vittorio Caprioli, le film « Il était une fois dans l’Est » (1974) d’André Brassard (avec la Reine Cléopâtre), le film « Cleopatra’s Second Husband » (1998) de Jon Reiss, le film « Princesa » (2001) d’Henrique Goldman, le film « Elizabeth » (1997) de Shekhar Kapur, la pièce Attachez vos ceintures (2008) de David Buniak, le film « Le Roi Jean » (2009) de Jean-Philippe Labadie (avec la reine endormie), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec la Reine Victoria), le vidéo-clip de la chanson « Todos Me Miran » de Gloria Trevi, la nouvelle « La Baraka » (1983) de Copi (avec Madame Ada, la femme de l’Ambassadeur d’Angleterre), le film « Queens » (2012) de Catherine Corringer (sur un monde asexué proche de l’enfance), la pièce Mon beau-père est une princesse (2013) de Didier Bénureau, le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram, la pièce Queen Size (2018) de Mandeep Raikhy, la chanson « Les Pingouins » de Juliette Gréco, etc.

 

Par exemple, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Nicolas, Gabriel et Rudolf, les trois héros gays, forment le chœur heureux d’une princesse « Sissi » autrichienne nouvelle génération : une sorte de cantatrice fantomatique des montagnes, ultra-maquillée, transgenre M to FSissi est de retour !! »). Dans la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, Paul, l’un des héros homosexuel, est fan de la Princesse de Clèves. Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Rani, l’une des héroïnes lesbiennes, la bonne et amante d’Anamika, porte un prénom qui signifie « Reine ». Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, se fait traiter de « Miss Bretagne » par Ninon.

 

Ellie dans la série Glee

Ellie dans la série Glee


 

En général, la Reine se résume à un costume de bal masqué ou à une femme-objet des concours de beauté. Elle est l’incarnation de l’innocence féérique et angélique : cf. le film « Little Miss Sunshine » (2006) de Jonathan Dayton, le film « La Reine du Bal » (« Prom Queen », 2004) de John L’Écuyer, le film « Miss Congeniality » (« Miss Détective », 2000) de Donald Petrie (avec quelques reines de beauté lesbiennes), la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (deux amies, Amy et Karma, sont célébrées comme le couple lesbien roi de la Fête du Lycée), le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, etc.

 

Série Faking It

Série Faking It


 

« Il y a toujours un personnage de l’Histoire de France qui m’a fasciné : c’est Marie-Antoinette. Je ne sais pas pourquoi. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Je suis la reine du camouflage. » (Martial dans la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon) ; « Je suis la Reine des Belges ! » (le Docteur Meinthe dans le film « Parfum d’Yvonne » (1993) de Patrice Leconte) ; « Pierre et moi dans une fête hippie déguisés tous les deux en Marie-Antoinette à Ibiza en 1971. » (le narrateur homosexuel et son amant Pierre, dans le roman Le Bal des folles (1977), p. 11) ; « Dans le quartier, on me surnomme l’Impératrice du Bon Goût. » (Zize, le travesti M to F, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « J’ai failli être Miss France. » (idem) ; « Je me refais mon couronnement toute seule. » (idem) ; « Pourtant sommeille en moi une princesse toute en délicatesse. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; etc.

 

Cette reine est aussi, pour un temps assez court en général, l’amant que le héros homosexuel se choisit : « Vous, comme ça, trônant dans ce décor mi-colonial mi-artiste. Vous, ma Gabrielle. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 143)
 

La revendication d’une royauté (matérielle, de pouvoir, ou de pacotille) n’échappe pas souvent au second degré camp de l’autoparodie. « Je me marre à regarder les photos de la Reine Juliana. » (le narrateur homosexuel lisant Paris-Match, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 26) ; « Le trottoir, c’est mon Royaume ! Sur le trottoir, je suis née, la pissoire c’est mon Palais. » (Fifi, le héros travesti M to F de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je suis la Reine des boniches. » (Yoann, le héros homosexuel, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; etc. Par exemple, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, Stephany, l’héroïne homosexuelle, se rebaptise ironiquement « Lady Di version lesbienne ». Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Schmidt se prend pour une « princesse » du monde de la musique, pour la chanteuse Beyonce. Dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt, Eddy rêve, en tant qu’acteur, de jouer le rôle d’une Princesse byzantine.

 

Le fait de transgresser la différence des sexes, ou de jouer l’inversion sexuée par rapport à son sexe de naissance, est parfois directement associé à la royauté de la Reine. Par exemple, dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, le producteur traite Bonnard de « Reine » quand celui-ci se travestit en femme.

 
 

b) La Reine sombre et despotique :

La Reine que le héros homosexuel adule n’est pas qu’une gentille poupée Barbie. Elle a du caractère, est indépendante, a du répondant, sait s’imposer. C’est la matrone hiératique qui domine son univers et a le pouvoir des hommes : cf. la pièce La Casa De Bernarda Alba (La Maison de Bernarda Alba, 1936) de Federico García Lorca, le film « The Queen » (2006) de Stephen Frears, le one-woman-show Femmes de pouvoirs, pouvoirs de femmes (2013) d’Océane Rose-Marie, le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan (avec Élisabeth, magnat sans pitié), le film « La Reine Margot » (1994) de Patrice Chéreau (avec Catherine de Médicis), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1959) de Joseph Mankiewicz (avec Mrs Venable), le roman Du côté de chez Swann (1913) de Marcel Proust (avec Madame Verdurin), le film « Girl King » (2001) d’Ileana Pietrobruno, la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters (avec Velma Von Tussle, la productrice odieuse et hystérique), le film « The Devils Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2005) de David Frankel (avec le personnage de Miranda), la pièce Loretta Strong (1978) de Copi, la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, etc. On peut penser à la description enthousiaste de Marie de Médicis, la reine toute de noir vêtue, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher.

 

« La maison tout entière se mettait à la disposition de la vieille dame. […] Elle était comme ces reines qui ont été régentes […]. » (la description de Doña Augusta dans le roman Paradiso (1967) de José Lezama Lima, p. 20) ; « Il les aime vaches et friquées. » (Wilma, le flic travelo M to F, s’adressant à Steeven, le héros homosexuel du film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee) ; « Magda Sterner tournait aussi autour de la quarantaine. Son chignon, ses yeux noirs et l’ovale de son visage lui donnaient l’allure d’une madone de Quattrocento. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p. 22) ; « Vous pensez que je suis folle, je suis juste sous l’emprise de mes hormones, je veux diriger l’empire des sens, être votre maîtresse à tous ! […] Oui, c’est ça dont on manque, de folie… de folles… Oui, c’est pour ça que moi je suis gay, voilà j’ai réussi à le prouver ! La folie, c’est la seule chose qui ne soit pas mondialisée. La folie c’est la véritable différence entre les gens, c’est la vérité. C’est quand on est fou qu’on est différent. La reine des folles, c’est moi ! Voilà ce qu’il nous faut : Une folle présidente ! » (le Comédien dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; etc.

 

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

La Reine des fictions homo-érotiques prétend transgresser la différence des sexes et n’a que mépris pour les femmes « ordinaires », mères, mariées ou en couvent. C’est la raison pour laquelle elle se dit parfois lesbienne : cf. le film « Maciste contre la Reine des Amazones » (1973) de Jesus Franco, le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot (avec Marie-Antoinette la reine lesbianisée), etc. « Je mourrai célibataire ! » (Greta Garbo, dans un éclat de rire, dans le film « La Reine Christine » (1933) de Rouben Mamoulian) ; « Si au moins ils partaient en colonie de temps en temps… Je sais pas être une mère formidable. Je veux être la marâtre de Blanche-Neige ! Je veux aimer à mi-temps. » (la mère dans le one-woman-show Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « La Reine était de race ogresse. Et elle avait les inclinaisons des hommes. » (cf. une réplique de la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier) ; « Je tire à boulet rouge sur tout ce qui bouge. Les handicapés. Les enfants. » (Doris, la reine télévisuelle lesbienne qui se définit elle-même comme une « peau de vache », dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; etc. Par exemple, dans le film « Les 101 Dalmatiens » de Walt Disney, Cruella d’Enfer est célibataire, a un look très androgyne, et se moque du statut de femme mariée de son ancienne camarade d’école Anita. Dans la pièce La Reine morte (1942) d’Henry de Montherlant, l’Infante lesbienne trouve les femmes (qu’elle idéalise en la personne d’Inès de Castro) trop « molles ».

 

La Reine chérie du héros homosexuel est même capable d’être cruelle et autoritaire comme les méchantes de Walt Disney (du genre Maléfice ou Cruella d’Enfer) : cf. le film « Diva Histeria » (2006) de Denis Gueguin, la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim (avec la fée Carabosse), le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le dessin Cruella de Vil (1984) de Keith Haring, la chanson « Killer Queen » du groupe Queen, le film « Barbarella » (1968) de Roger Vadim (avec le « Grand Tyran » c’est-à-dire la reine noire de la Planète Sorgho), le film « Willow » (1988) de Ron Howard, la comédie musicale Créatures (2008) d’Alexandre Bonstein et Lee Maddeford, le film « Séduction femme cruelle » (1985) de Monique Treut, Le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, les films « Kika » (1993) et « Carne Trémula » (En chair et en os », 1997) de Pedro Almodóvar (avec l’apparition de la méchante reine de Blanche-Neige de Disney), le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues, le roman Le Visionnaire (1934) de Julien Green (avec la châtelaine cruelle et orgueilleuse), la pièce Agrippine (1654) de Cyrano de Bergerac, la chanson « Disco Queen » de La Palma dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon, le roman Une Reine de la nuit (1971) de Christian Giudicelli, le roman Les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos (avec le personnage lesbien de la Marquise de Merteuil), le film « Prête à tout » (1995) de Gus Van Sant (avec Nicole Kidman), la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali (avec Jean-Luc, coiffé en Cruella), le film « Alice In Wonderland » (« Alice au Pays des Merveilles » (2010) de Tim Burton (avec la cruelle Reine rouge), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec Bijou, la « Reine des Rats », surnommée aussi la « Reine des Ombres »), la pièce musicale Tatouage (2009) d’Alfredo Arias (avec Nana, la Reine des Rats habillée d’une écharpe avec plein de rats cousus dessus), la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi (avec la cantatrice Regina Morti), le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa (avec Suze déguisée en Cruella), le film « Mascarade » (2012) d’Alexis Langlois, etc.

 

« Marie-Ange, tu es Cruell… a. » (Marie-Ange parlant d’elle-même, dans la pièce Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet) ; « Je serai gentille comme une reine. […] Je suis la reine des requins. » (Cherry, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « La Reine des Rats arriva en haut de Notre-Dame couverte de bigoudis, criant hystériquement. » (le narrateur bisexuel du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, pp. 98-99) ; « Ce n’est pas une princesse, c’est une véritable sorcière. » (Béatrice décrivant Aubépine, une sorte de fée Carabosse, dans le roman L’Hystéricon (2010) Christophe Bigot, p. 436) ; « Et voilà la fée Carabosse ! » (Benjamin, le héros homosexuel méprisant l’arrivée de la belle Isabelle, la femme qui se prépare à faire un enfant à son amant Pierre, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Y’a des baisers volés dans les trains de tsarines. » (cf. la chanson « Gourmandises » d’Alizée) ; « J’irai à l’orient embrasser les tsarines et les bateliers. » (cf. la chanson « Alexis m’attend » de Philippe Lafontaine) ; etc.

 

Victoria Abril dans le film "Kika" de Pedro Almodovar

Victoria Abril dans le film « Kika » de Pedro Almodovar


 
 

Cyrille (le héros homo) – « Et n’oubliez pas que pour le monde, dorénavant, je suis Madame Dubonnet.

Hubert – Maître, quel honneur ! Je n’aurais jamais osé rêver d’un tel dénouement !

Cyrille – Tout arrive dans la vie, Hubert. Mais je serai une Madame Dubonnet insupportable, attendez-vous à subir une tyrannie féminine sans merci. »

(Copi, Une Visite inopportune, 1988)

 
 

Par exemple, dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry pique des crises d’hystérie dignes de Cruella d’Enfer. Dans la pièce Wona, Księżniczka Burgunda (Yvonne, Princesse de Bourgogne, 1957) de Witold Gombrowicz, la Reine Marguerite se plait à admirer, horrifiée, sa « laideur » devant son miroir au moment de commettre un crime. Dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, Lucie, l’un des héroïnes lesbiennes, endosse son costume de Cruella d’Enfer pour effrayer les enfants. Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, la puissante Élisabeth de Bataurie se transforme en femme-vampire. Dans la pièce La Cage aux folles (1975) de Jean Poiret, Zaza Napoli, le héros homosexuel, chante « I’m so glamourous, so dangerous… » et est comparée à la fée Carabosse. Dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, Cyrille, le héros homosexuel, se conduit comme une Reine autoritaire et excédée : « Hubert, ma psyché ! » Dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien, Hélène, la terrible première de couturier, mène la vie dure à la styliste Cecilia car elle brigue sa place. Cette compétition insurge Joséphine et l’assistant-couturier homosexuel Dallas : « C’est une vraie hyène. » (Jo) « La Reine des hyènes ! » acquiesce Dallas.

 

Cruella d'Enfer dans le film "Les 101 Dalmatiens" de Walt Disney

Cruella d’Enfer dans le film « Les 101 Dalmatiens » de Walt Disney


 

Je crois que les personnages homosexuels en panne d’identité cherchent appui sur une femme extraordinaire et forte comme la Reine pour compenser l’effondrement narcissique de leur personnalité. « Helena aimait ces impérieuses femmes. Ces capricieuses manigances où les hommes, enchantés par les traîtres drogues de l’amour, soumettaient leurs âmes aux pulsions tyranniques de leurs corps. Quand le sexe faible enchaînait le fort au diable de ses courbes. En vérité, elle idolâtrait les femmes machiavéliques, celles qui faisaient de leur beauté un pouvoir invincible, qui savaient que seule la femme, dotée d’un charme omnipotent, pouvait gouverner l’univers. Car qu’y a-t-il de plus puissant que le charme lui-même ? » (cf. un extrait d’une nouvelle, « L’Encre », écrite par un ami romancier homosexuel en 2003, p. 29) ; « Je tremble devant votre beauté et votre pouvoir. » (le Rat s’adressant à la Reine dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Vous avez vu comme elle est mauvaise. J’adore ! » (Yoann, le héros homosexuel, à propos de la méchante Solange, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; etc.

 

La vénération de la Reine médiatique est certainement un résidu d’un complexe d’Œdipe mal géré ou d’un désir incestuel fusionnel entre le héros homosexuel et sa propre mère biologique. « Tu te passionnes pour les mères des autres, les reines de France, leurs petits maris, et toute l’histoire du temps. » (Félix, l’un des héros homosexuels du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 205) Par exemple, dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, qualifie sa mère de « Reine ». Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel qualifie sa mère appelée Berthe de « Reine Berthe ».

 

L’intronisation homosexuelle de la Reine est beaucoup plus amèrement le signe d’une véritable misogynie. Le personnage homosexuel met les femmes sur un piédestal pour mieux les tenir à distance de sa vie. Par exemple, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (cf. l’épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Martin, le héros homosexuel barman qui vient de quitter femme et enfants pour partir en couple avec un homme, a créé un cocktail nommé « Christine Queen » en l’honneur de son ex-femme.

 
 

c) La femme monarque blessée, la reine du Carnaval intronisée puis incendiée :

Film "La Reine Margot" de Patrice Chéreau

Film « La Reine Margot » de Patrice Chéreau


 

La Reine devient une icône d’identification homosexuelle car elle incarne la victime d’un viol incomprise, la poignante diva Drama Queen (maltraitée et mal jugée par les paparazzis et par son Peuple). « Je ne suis pas un homme et je n’ai pas le droit d’être une femme. Je suis un jouet, on a ignoré que j’ai un cœur ! » (la Reine Gertrud dans le film « Hamlet » (1921) de Sven Gade) C’est le mélange de force et de faiblesse (à l’image du désir homosexuel, qui est un élan apparemment fort et puissant, mais qui ne dure pas et qui est lâche car il ne repose pas sur la différence des sexes) qui touche chez cette inébranlable ébranlée, qui la rend désirable esthétiquement et parfois érotiquement. Le motif de la Reine violée est récurrent dans les fictions homo-érotiques : cf. le roman Marie-Antoinette (1933) de Stefan Zweig, la pièce La Reine morte (1942) d’Henri de Montherlant, le film « La Reine des Neiges » (1957) de Lev Atamanov, le film « Sodome et Gomorrhe » (1961) de Robert Aldrich et Sergio Leone, la pièce La Reina Del Silencio (1911) de Ramón Gy de Silva, le film « La Reina Anónima » (1992) de Gonzalo Suárez, le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder (avec Petra), le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik (avec Cheo-Seon la reine putain), l’affiche du film « La Reine Margot » (1994) de Patrice Chéreau (avec la robe blanche ensanglantée d’Isabelle Adjani), etc. Par exemple, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, le père de Charlène (l’héroïne lesbienne) surnomme sa fille « Princesa » et la chatouille de manière excessive et déplacée. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, est scotché à sa télé devant Games Of Thrones, et se dit fan de Daenerys Targaryen, « la princesse exilée » : « Je l’adore ».

 

 

 

Le héros homosexuel finit par excuser et par désirer (identitairement ou amoureusement) cette méchante Reine transgenres hystérique, un peu cinglée, qui le méprise et qui a été méprisée. « On n’en voyait de là que sa blancheur suprême, plutôt la pâleur maladive d’une reine violée. » (cf. un extrait d’une nouvelle, « L’Encre », écrite par un ami romancier homosexuel en 2003, p. 22) ; « Elle était toute sale… la nappe. » (Laurent Spielvogel feignant de parler de la Princesse Anne, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Dans le royaume des hommes je suis LA souillure, sur l’échiquier des dames, le pion en attente caché derrière une reine hautaine qui choisira seule le bon moment pour se déplacer. Là, aveugle et naïve j’irais buter contre un des cavaliers noirs… Pour l’instant, j’arrive à me dédoubler : je suis pion et joueuse à la fois. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 61) ; « Je ne savais même pas que je cherchais alors, mais, la voyant, reine en haillons, marquise hautaine, vieille petite fille ridée, elle, la Dame de Bois-Rouge, puisqu’il faut dire son nom, je suis restée fascinée au centre de sa toile et je n’en suis sortie qu’éreintée, pourfendue, achevée par ses coups de pioche dans le cœur. » (Émilie parlant de son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 129) ; « Le rôle de ma vie, c’est Marie-Antoinette. » (Charlène Duval, le travesti M to F, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; etc.

 

Il y a une forme de sincérité jusque-boutiste chez la Reine méchante qui la fait passer, aux yeux du héros homosexuel, pour une femme héroïque. Par exemple, le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot s’achève avec la mise à mort symbolique de la Reine, Amande, coiffée au poteau d’exécution par son groupe d’« amis », livrée à la vindicte populaire, et sauvée in extremis… car bien sûr, la jolie peste de l’histoire ne doit pas mourir ! Elle est éternelle ! « Mourad [l’un des héros homosexuels] jubilait. Amande était une peste, mais sa méchanceté avait une drôlerie sans équivalent. Il suffisait de la lancer sur une piste, et elle démarrait au quart de tour, brossant des portraits comme une virtuose, se dépensant sans compter. » (p. 83) ; « Il était un inconditionnel d’Amande. Elle était pour lui le condiment sans lequel l’atmosphère aurait affreusement manqué de saveur. » (idem, p. 415) ; etc. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Diane, la mère de Steve (le héros homosexuel), est présentée comme la Grande Méchante jalousée par son fils homo Steve. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), la langue de Laurent Spielvogel, le héros homosexuel, fourche : au lieu de dire l’expression « exécution des Bar Mitsvah », il dit « exécution des Miss ». Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, dans le salon familial, pendant le dîner, Jonas, le héros homo et ses parents regardent à la télé les informations relatant en 1997 la mort de la Princesse Lady Di.

 

Dans la chanson « Les Enfants de l’aube » de Bruno Bisaro, la voix narrative s’imagine en train de courir comme une reine en fuite : « Est-ce moi qui tangue comme une ombre sur les talons d’une reine en cavale ? » Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, s’émeut pour le « destin » tragique de Marie-Antoinette, « la reine infortunée, comme si, pour quelque raison, la malheureuse femme en appelait personnellement à elle » (p. 314). Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, la figure de Vincent McDoom interprète à sa sauce le rôle de Marie Stuart, la reine exécutée, dans une pièce.

 

La Reine adorée par le héros homo est une princesse régnante déclassée, qui a le malheur de vivre à un temps de vaches maigres où elle va être déchue de son autorité et de la gloire qui lui serait due par son rang et son sang. « Tu es la fille d’une époque où les femmes étaient des ânes, pour ne pas dire des ânesses ; je t’ai fait naître Princesse d’une Reine de la Belle Époque ! » (Solitaire s’adressant à sa fille lesbienne Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Tu t’es créé un monde pour être la reine. Mais réveille-toi. Tu ne l’es pas ! T’es juste une lycéenne comme toutes les autres. Tu vas tomber de ton piédestal. Pour une fois, c’est moi qui te regarderai de haut. » (Juna, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Kanojo, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Ce sont des princesses sans Royaume. Mais le seul endroit où on peut les retrouver, c’est Eurodisney. » (Samuel Laroque parlant des homos, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Marie-Antoinette, femme courageuse qui n’a jamais su s’intégrer. » (Patrick, le héros hétéro-bisexuel, présentateur télé s’entraînant pour bien articuler cette phrase, dans le film « 30° couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue) ; etc. Par exemple, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain Canard, le coiffeur homosexuel, organise des soirées déguisées spéciale « dessins animés de notre enfance » chez lui, et pour la plus récente, il s’est déguisé en Princesse Sarah. Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny, le héros homosexuel, est qualifié par Abbey, une de ses amies, de « Reine du mélo ». Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, raconte comment il est sorti avec un certain Fabrice, un « escroc qui l’a ruiné après lui avoir fait vivre une vie de « princesse » : « Il s’est tiré avec la caisse. Plus rien. Une princesse déchue. » Plus tard, le spectateur découvre que Jeanfi n’a pas renoncé à vivre comme une reine, en côtoyant le monde du show-biz, de la télé et en se cherchant un appartement digne de son rang : « Une Princesse, c’est propriétaire. Pas locataire. »

 

Cependant, le personnage homosexuel ne pardonne pas à la Reine sa fausse force, la moindre défaillance (qui vient contredire sa divinité)… et parfois, il se décide donc à la tuer ou à l’incendier… comme un dernier geste d’« amour » qui ne sera au fond que la preuve d’une idolâtrie. L’acte régicide viendrait restaurer la Reine dans une nouvelle royauté, cette fois maculée de sang (la pureté de l’or soumise à l’épreuve du feu !) : « J’ai pas du tout envie d’être la Reine d’une île grecque. » (Europe dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « Pourquoi est-ce que je la tue ? Il doit y avoir une raison mais je ne me l’explique pas. » (le Roi Ferrante parlant d’Inès de Castro, dans la pièce La Reine morte (1942) d’Henry de Montherlant) ; « Cette salope de Margaret Thatcher ! » (Cliff, le vieux gay, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « Je te tue, Madame ! Tu sais ce que je vais faire avec ta porcelaine de Limoges ? Je vais te lacérer les fesses et je vais te crever les yeux, ma petite patronne ! » (Goliatha, la domestique s’adressant à « L. », dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; etc. Il cherche à la détruire pour prouver qu’elle est immortelle et que son acte de destruction est vain. Par exemple, dans le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat, la femme devient « la reine des putes » pour Rocco Siffredi. Dans la pièce L’Alligator, le Thé (1966) de Copi, Copi incarne un crocodile et Jérôme Savary une princesse. Dans son vidéo-clip de la chanson « Beyond My Control », Mylène Farmer passe sur le grill. Lors du concert Météor Tour du groupe Indochine à Paris Bercy le 16 septembre 2010, on nous montre sur les écrans géants une Miss Italy sur un bûcher embrasé.

 

La Reine homosexuelle meurt éternellement sur scène (comme Dalida), simule le sempiternel départ. Beaucoup de personnages homosexuels s’attachent à elle comme à une chimère, comme si elle incarnait leur seul espoir de rendre leurs amours impossibles possibles. « Elle danse et sans aucune retenue, sourit mais pense à partir pour vivre mais comme une reine, ou être une sirène. » (cf. la chanson « Leïla » de Lara Fabian) ; « La tradition veut que je ne meure jamais ! » (la Reine de la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; etc.

 

Enfin, la Reine (ou le héros homosexuel) fictionnelle a des raisons de se méfier de la glorification spontanée et sincère qu’organise son fan bisexuel ou hétéro-gay friendly autour d’elle ou/et de son homosexualité. Le couronnement des héros homosexuels est parfois une stratégie de l’homophobie gay friendly pour ridiculiser le héros homosexuel tout en (se) donnant l’impression de le révéler à lui-même par l’homosexualité et de le célébrer comme une Reine (exactement comme les machinations collégiennes pour faire élire le pauvre type de la classe comme délégué : le caressant foutage de gueule) : « On va les élire Reines du Bal de la Rentrée ! Longue vie aux Reines ! Longue vie aux Reines ! Longue vie aux Reines ! » (Shane, le héros homosexuel outant Amy et Karma, les deux meilleures amies hétérosexuelles, en les consacrant « Reines du Lycée » à leur insu, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « C’est le rêve de ta vie de te faire bien empaler, enculé efféminé, petite Reine de la Beauté du podium de ton quartier ! » (Fifi, le héros travesti M to F s’adressant à Pédé, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Toutes les Premières Dames de France réunies en un seul homme ! » (Arnold, le héros homo se moquant du statut inconfortable et caché de son meilleur ami gay Georges qui prétend être en couple avec le futur président de la République qui ne l’assume pas, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; « Le p’tit Martin à sa maman est une Cendrillon ! » (Malik, le héros hétéro se moquant de Martin, le héros sur qui pèse une présomption d’homosexualité, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; etc. Prodigieuse confusion paradoxale de ce couronnement-humiliation dans la tête de ceux qui chaussent le diadème. Au fond, les personnages homosexuels devinent que c’est l’étiquette dorée et royale de « l’homosexuel » qui est homophobe, car elle réduit leur personne à une tendance sexuelle ou à une pratique amoureuse ambiguë. Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Bernard, pour mépriser son pote gay efféminé, l’affuble du féminin dégradant et excessivement valorisant de « Queen ! ». Pas de meilleure illustration de l’insulte royale… ou plutôt de la royale insulte.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La Reine rose et gentille :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. Femme assise de Copi


 

La Reine est un rôle particulièrement apprécié dans la communauté homosexuelle. « Elle est sublime, l’Archiduchesse Sophie ! » (Guillaume, le héros bisexuel se mettant dans la peau de Sissi Impératrice, dans le film autobiographique « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) Je vous renvoie au documentaire « La Reine » (1968) de Frank Simon. Par exemple, Christopher Marlowe (1564-1593) fut au service secret de la Reine d’Angleterre. Dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2, il y a un tableau de la Reine Élisabeth II qui trône dans l’appartement du couple « marié » Pierre/Bertrand.

 

En argot, le mot « Queen » signifie homosexuel (le terme « drag-queen » est l’une de ses déclinaisons). Ce n’est pas par hasard si le groupe de Freddie Mercury a choisi de s’appeler Queen, et si l’une des plus célèbres boîtes homos parisiennes se nomme le Queen. Il y a régulièrement des concours de Reines et de Rois de Beauté, de « Miss travesties » ou de « Misters gays », organisés dans le monde interlope. Et les cérémonies actuelles de « mariages homos » sont des parodies sérieuses et sincères de ces sacres de Reines. Par ailleurs, la reine est la figurine de cartes à jouer préférée de beaucoup de personnes homosexuelles.

 

De nombreuses chanteuses et actrices encouragent les personnes homosexuelles à se prendre pour des reines : « Don’t be a drag, just be a queen. Don’t be a drag, just be a queen. » (cf. la chanson « Born This Way » de Lady Gaga) ; « Je suis la reine. Dans la nuit on me voit. Amours modernes, on ne se cache pas. » (cf. la chanson « La Reine » de Lorie)

 

Son Altesse Sir Elton John

Son Altesse Sir Elton John


 

Et ça « marche », visiblement. Par exemple, lors des représentations de la pièce Antoine et Cléopâtre (1606) de William Shakespeare, un comédien jouait Cléopâtre. Dans le film « Orlando » (1992) de Sally Potter, le comédien homosexuel Quentin Crisp s’est mis dans la peau de la Reine Elisabeth I. Le chanteur homosexuel Elton John se travestit en Marie-Antoinette. Il donna en octobre 1972 un concert de gala au Royal Variety Show de Londres pour la Reine d’Angleterre. Il chantera à la messe d’enterrement de Lady Di en 1998. Le comédien Samuel Laroque s’est véritablement déguisé en Marie-Antoinette dans le métro parisien. Denis d’Archangelo adore s’habiller en reine du music-hall. Lors des carnavals interlopes annuels de l’Élysée Montmartre à Paris, l’arrivée de la Reine travestie M to F fait l’objet de tout un cérémonial. Lors de la cérémonie de l’élection Miss France 2016, sur la chaîne TF1, le 19 décembre 2015, Jean-Paul Gaultier, le couturier homosexuel, président de cérémonie, débarque sur scène avec un diadème sur la tête avec l’inscription « Miss », en avouant devant les caméras qu’il réalise son « rêve de toujours ».

 

Quentin Crisp dans le film "Orlando" de Sallie Potter

Quentin Crisp dans le film « Orlando » de Sallie Potter


 

« Ces superbes costumes plaisaient aux homos qui avaient envie de se déguiser en Agnetha ou en Anni-Frid, les deux chanteuses d’ABBA. » (Patrick Lindner parlant de la chanson « Dancing Queen », dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Vous êtes une reine ! » (Robert, le coiffeur homosexuel attitré de l’animatrice Ménie Grégoire, dans le film documentaire « Ménie Grégoire : Une Voix sur les ondes » (2007) de Marie-Christine Gambart et Sophie Garnier, diffusé sur la chaîne France 5) ; etc. Rien d’étonnant que le dessin animé d’animation « Frozen » (« La Reine des Neiges », 2013) des Studios Disney, aient été suspectés de promouvoir l’homosexualité.

 

Film "La Reine des Neiges" de Walt Disney

Film « La Reine des Neiges » de Walt Disney


 

Souvent, ce sont les « filles à pédés » réelles (actrices ou chanteuses), ou bien les chanteurs transgenres et transsexuels, qui ont joué des rôles de reines dans leurs films ou leurs clips : Elisabeth Taylor, Isabelle Adjani, Annie Lennox, Madonna, Christina Aguilera, Britney Spears, Conchita Wurst, Dalida (ancienne Miss Égypte), etc. Je vous renvoie au vidéo-clip de la chanson « Remember The Time » de Michael Jackson, au vidéo-clip de la chanson « Walking On Broken Glass » d’Annie Lennox, au vidéo-clip de la chanson « What A Girl Wants » de Christina Aguilera, au vidéo-clip de la chanson « Vogue » de Madonna au MTV Music Awards 1990, à la tournée Aphrodite (2010) de Kylie Minogue, à la chanson « Diva » (1998) de l’homme transsexuel M to F Dana International (avec l’identification à la Reine Cléopâtre), à la chanson « La Reine » de Lorie, etc.

 

 

 

 

Et maintenant, même les reines attitrées jouent les gays friendly ou carrément les femmes lesbiennes (cf. la Reine suédoise Christine).

 

 

Socialement, le fait de s’identifier à la reine ou à la princesse est associé à un symptôme d’homosexualité.

 

 
 

b) La Reine sombre et despotique :

Ce que les personnes homosexuelles vénèrent chez le personnage de la Reine, c’est sa personnalité de femme à poigne, c’est l’impression que son inflexibilité (car il s’agit souvent d’une femme hiératique, un peu facho, incorrecte, sophistiquée, cinglée, courtisane, exerçant un pouvoir qui normalement ne serait réservé qu’aux hommes) devient éternité. « Ta mémé, c’est notre reine. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 21) De plus, la force de cette reine fantasmée, puisqu’elle n’est pas fondée sur le Réel ni sur la différence des sexes, a quelque chose d’indécidable, de dangereux, d’inquiétant. Elle sied donc aux individus qui veulent se rendre intéressants et intrigants à « peu » de frais. D’ailleurs, rien d’étonnant que ces derniers se qualifient de « queer », terme anglosaxon comme par hasard très proche de « queen », et qui signifie « bizarre ».

 

Comédie musicale Les Divas de l'obscur de Stéphane Druet

Comédie musicale Les Divas de l’obscur de Stéphane Druet


 

La Reine applaudit par la communauté homosexuelle est tellement forte qu’elle en est obligée de devenir méchante et violente (comme Cruella d’Enfer) pour être crédible. « J’ai de ma grand-mère une photo où elle est debout, la main sur la poignée de portière d’une limousine : habillée ostensiblement en femme, avec manteau croisé à col de fourrure, chapeau incliné sur l’œil, gants, collier de perles ; et, sous la voilette, quel air autoritaire, méchant ! […] Son cœur était-il capable d’amour ? […] Pour la fête des Rois chez le couturier Paul Poiret, en 1923, il fallait se costumer. Maurice Sachs, dans son livre ‘Au temps du Bœuf sur le toit’, sorte de journal des Années folles, a fait la liste des invités, parmi lesquels Mme Fernandez, en Marie Stuart. Ce choix peut paraître étrange ; pour une battante comme ma grand-mère, prendre les traits d’une reine vaincue et décapitée ! » (Dominique Fernandez parlant de sa grand-mère paternelle, dans la biographie Ramon (2008), pp. 87-89 puis p. 93) ; Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la Reine Christine, pseudo « lesbienne », est décrite comme une femme despotique : « Ton destin de souveraine est la volonté de Dieu. » (la voix-off s’adressant à Christine) ; « Elle a été élevée pour régner. » (la biographe Marie-Louise Rodén parlant de Christine, idem) ; etc. Par exemple, le metteur en scène Stéphane Druet m’a avoué que pour sa comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011), il s’était inspiré des Reines méchantes de Walt Disney. L’artiste performer lesbienne Louise de Ville a calqué son pseudonyme sur Cruella d’Enfer.
 

Christine de Suède incarne ce désir de toute-puissance royale : « Il n’y a que moi qui suis roi de Suède. » (Christine s’adressant à Pierre Chanut) ; etc. Le Comte Magnus la présente comme « une reine dangereuse » et cela la fait rire : « Ta reine nage comme un poisson, dévore comme une lionne et navigue comme un vicking. » Plus tard, quand Christine fait n’importe quoi de sa royauté, c’est fini de rire : « Les femmes ne devraient jamais régner. »

 

 

Je n’échappe pas à cette tendance. Quand j’avais 5 ans, je dessinais déjà sans arrêt des princesses et des reines couronnées : soit elles étaient vierges et innocentes (blondes, avec de très longs cheveux, des yeux bleus cristallins, un point à la place de la bouche), soit au contraire elles étaient cruelles et sanguinaires (avec des couronnes pointues, des yeux fardés de noir, des talons aiguilles, de longs ongles à la Jeanne Mas). Par exemple, dans le dessin animé Les Trois Mousquetaires, mon personnage préféré était la méchante et caressante Milady. J’avais, à l’âge de 8 ans, réalisé une bande dessinée qui s’intitulait Le Concours de Beauté, et qui racontait l’histoire du couronnement d’une grenouille nommée Yoplaie (comme les yaourts), maquillée comme une voiture volée et au caractère pimenté, menacée par une méchante sorcière que j’aimais tout autant (voire plus !).

 

La vénération de la Reine médiatique est certainement un résidu d’un complexe d’Œdipe mal géré ou d’un désir incestuel fusionnel entre l’individu homosexuel et sa propre mère biologique. Par exemple, la maman du dramaturge homosexuel Copi était consul d’Argentine en Irlande… et ensuite, ce dernier n’a fait qu’honorer mais aussi détruire par la parodie des reines, des princesses, pendant toute sa vie.

 
 

c) La femme monarque blessée, la reine du Carnaval intronisée puis incendiée :

Les personnes homosexuelles pratiquantes ont un rapport étrange à la femme politique médiatisée, à la Reine réelle. Un rapport d’attraction-répulsion qu’on peut facilement identifier comme de l’idolâtrie, ou si vous préférez, de la jalousie. Par exemple, le dramaturge argentin Copi (encore lui !) a été fasciné par la figure d’Evita, la femme politique morte à 32 ans et qui a connu un succès fulgurant : en 10 années seulement, elle est passée du statut de petite paysanne brune à la star hollywoodienne blonde. Il l’a ridiculisée et magnifiée iconographiquement (notamment à travers une pièce Eva Perón, qu’il a écrite en 1969) en la transformant en pute tyrannique fatale et sépulcrale, en « mélange de Mae West et de Staline ». Le poète Néstor Perlongher a fait de même avec la femme de Perón ou encore Lady Diana, en les massacrant poétiquement comme s’il s’agissait de zombies. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la comédienne transgenre F to M, sur scène, se met dans la peau d’une Reine Victoria transformée en nunuche homophobe : « Les femmes ne font pas ces choses-là. »

 

J’ai déjà vu dans les appartement de certains amis homos des affiches géantes de films à la gloire de la méchanceté féminine royale, tels que « The Devils Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2005) de David Frankel, « Frozen » (« La Reine des Neiges », 2013) de Walt Disney, « Enchanted » (« Il était une fois », 2007) de Kevin Lima, etc.

 

Lors de sa conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon organisée à la Mairie du IIIème arrondissement le 18 novembre 2010, le romancier Christophe Bigot défend son personnage de peste royale : « J’ai pas mal de tendresse pour Amande, le personnage de la garce dans l’Hystéricon. » L’une des phrases du roman marque cette étrange soutien homosexuel pour la Reine méchante : « Que ferait-on sans les Aubépine qui parsèment le plat pays de nos existences ? » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 439)

 

La Reine est davantage un costume de travelo que la femme régnante réelle. Elle est employée dans la communauté homosexuelle comme un masque que l’on s’applique à soi-même pour singer sa prétention à changer de sexe et à se prendre pour Dieu. Elle célèbre et détruit à la fois le ridicule de l’orgueil humain. « Le Camp, c’est une glorification du ‘personnage’. […] Ce que voit le Camp et ce qu’il apprécie c’est la force de la personnalité. » (cf. l’article « Le Style Camp » de Susan Sontag, L’Œuvre parle (1968), p. 439) ; « Pourquoi donc le jeune Adrien Baillon, le plus masculin des homos de Montmartre, viril au lit et casse-cou dans les rues, sodomite actif et criminel aguerri, railleur des tantes et frère de pogne de Mignon, répond-il de toujours au sobriquet de reine de ‘Notre-Dame-des-Fleurs’ ? » (François Cusset, Queer Critics (2002), p. 183) ; etc. C’est pourquoi, notamment au Gay Pride, la Reine apparaît souvent comme un objet ironique qui provoque féérie et risée collective. Elle est le vecteur de l’ironie kitsch & camp, l’incarnation « vivante » du « BON mauvais goût », de la sophistication féminine forcée, de la dépression sublimée de la Drama Queen (celle qui est violée par les paparazzis et ar son Peuple), de la frivolité soi-disant consciente de sa prétention et de sa naïveté : cf. l’article « Todo El Poder A Lady Di » (1982) de Néstor Perlongher. Elle est détruite autant qu’acclamée. Je vous renvoie à la ligne de vêtements de la styliste new-yorkaise Parisa Parnian (avec des logos tels que « Queer’n’Dirty ») ; ou encore à l’intérêt mi-distancé mi-sérieux du public homosexuel pour les revues de la presse people (Paris-Match, Gala, etc.) ; mais aussi à l’admiration homosexuelle mitigée pour la Première Dame de France bafouée (et illégitime), Valérie Trierweiler.

 

La Reine chérie par le public LGBT meurt éternellement sur scène (comme Dalida ou Mylène Farmer !), simule le sempiternel départ. Beaucoup de personnes homosexuelles s’attachent à elle comme à une chimère, comme si elle incarnait leur seul espoir de rendre leurs amours impossibles possibles. « Je crois que si les hymnes gays sont souvent interprétés par des femmes, c’est parce qu’on peut tout à fait s’identifier à elles, à leur position d’opprimées. Et opprimées, elles le sont toujours, malheureusement. C’est pour ça qu’on est enclin à s’identifier à une femme qui se défend, qui garde la tête haute. » (Barbie Breakout, dragqueen M to F, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Les chanteuses appréciées des gays, c’est des filles qui sont comme des garçons. Elles n’ont pas froid aux yeux. Elles sont fortes. » (Michel Gaubert, idem) ; etc.

 

 

Je pense que les personnes en panne d’identité cherchent appui sur une femme extraordinaire et forte comme la Reine cinématographique pour compenser l’effondrement narcissique de leur personnalité. Dans leur esprit, la Reine n’est pas une réalité sexuée : elle est plutôt l’androgyne, le fantasme machiste de toute-puissance pour masquer une peur existentielle ou un drame comme le viol et le désamour (= peines de cœur homosexuelles). « Un jour, à 12 ans, je feuilletais la revue Blanco Y Negro et regardais des photos de tableaux anciens, lorsque je fus surpris par l’image de la Reine Isabelle I. J’ai eu l’impression que cette reine était en réalité un homme. […] C’est ainsi que m’est venue l’idée qu’elle pouvait devenir le personnage principal d’une pièce de théâtre. » (Francisco Ors dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 280) ; « Je me fais l’effet d’être ‘die alte Marschallin’. » (Klaus Mann en référence à la « Vieille Maréchale » de l’opéra Le Chevalier de la Rose de Richard Strauss, dans son Journal : les Années d’exil, 1937-1949, p. 326) ; « Quelque part, t’es une reine et t’es répudiée. » (Manuela, l’homme transsexuel M to F, dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan) ; etc. Elles vénèrent en elle leur propre pulsion de mort : cf. la biographie romancée de l’exécution de Marie Stuart (1938) par Stefan Sweig, la chanson « Candle In The Wind » d’Elton John pour Lady Diana, etc.

 

Il faut bien comprendre que le lien non-causal entre Reine et homosexualité renvoie au ressenti ou à la réalité de la prostitution. Comme l’indique l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, étymologiquement, l’expression « fish queen », qui aux États-Unis pouvait être synonyme d’« homosexuel », provient en réalité d’une déformation du mot, « quean » désignant une prostituée (p. 271).

 

Les individus homosexuels ont des raisons de se méfier de la glorification spontanée et sincère qu’organise son fan bisexuel ou hétéro-gay friendly autour d’eux ou/et de leur homosexualité. Le couronnement actuel des personnes homosexuelles (en tant que reines dans les mass médias, en politique, dans les émissions de télé-réalité, dans certains groupes scolaires) est parfois une stratégie de l’homophobie gay friendly pour les ridiculiser tout en (se) donnant l’impression de les révéler à eux-mêmes par l’homosexualité et de les célébrer telles des souveraines gâtées (exactement comme les machinations collégiennes pour faire élire le pauvre type de la classe comme délégué : le caressant foutage de gueule). Prodigieuse confusion paradoxale de ce couronnement-humiliation dans la tête de ceux qui chaussent le diadème et qui se font outer. Au fond, c’est l’étiquette dorée et royale de « l’homosexuel » qui est homophobe, car elle réduit la personne à sa tendance sexuelle ou à sa pratique génitale et affective.

 

Un lycéen homo élu "Reine de beauté" par ses camarades

Un lycéen homo élu « Reine de beauté » par ses camarades en Californie


 

Pour finir, je crois que la communauté homosexuelle, en pointant du doigt ou en singeant la Reine bafouée éternelle, nous rappelle beaucoup plus constructivement l’existence d’une blessure plus que jamais ouverte dans le cœur de notre Humanité. D’abord et avant tout la blessure d’être encore séparés de notre Mère du Ciel et Reine de tous les Hommes qu’est la Vierge Marie. Mais aussi, d’un point de vue bassement terrestre, la blessure d’être de plus en plus déconnectés de notre Reine terrestre qu’est la différence des sexes. Je partirai de l’exemple tout bête de la Reine française Marie-Antoinette, l’épouse de Louis XVI, morte décapitée en 1793, mort qui a signé l’arrêt de la monarchie en France. Dans la mémoire collective française et mondiale, la Reine Marie-Antoinette, bien au-delà de la légende noire du « despotisme d’une monarchie dépravée » tressée par l’historiographie contemporaine héritée des Lumières, incarne ce tournant dramatique entre monde régi par Dieu et respectueux de la différence des sexes, et monde régi par la technique, le matérialisme et le libéralisme bisexuel asexualisant ; entre royauté de Droit divin et république laïcarde de droits individualistes. En somme, la Reine française Marie-Antoinette est la dernière représentante de la reconnaissance sociale de la différence des sexes, l’ultime vestige d’un monde encore humain et à l’écoute de Dieu. Les personnes homosexuelles essaient de la faire revivre dans la parodie. Mais une fois qu’elles essaieront de la faire revivre dans la foi, et pour le Réel qu’elle représentait, ça sera nettement moins glauque.

 

Madonna en Marie-Antoinette

Madonna en Marie-Antoinette


 
 

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