Scatologie
NOTICE EXPLICATIVE :
« Caca ?? Oh quelle horreur !!! ». C’est justement la réaction que je n’attends pas de vous, chers lecteurs, face à ce code pipi/caca, qu’on a tendance à dénigrer, à tourner en ridicule ou en blague graveleuse, à étouffer avec nos émotions, avant même d’avoir compris qu’il s’analysait. Parler de matière fécale n’est ni merdique, ni affreux, ni sale, ni suspect, ni « mal ». Le mot n’est pas la chose, ni même le goût de la chose.
Je définis souvent le désir homosexuel comme la peur d’être unique, donc la difficulté à accepter son propre corps… ou son corps propre (ça marche dans les deux sens !) c’est-à-dire non-sale. Avec l’omniprésence de la scatologie dans les fictions traitant d’homosexualité, on est au cœur de cette problématique de l’unité. La régression au stade infantile de l’analité, avant d’être jugée moralement « choquante », « ultra minoritaire » (comprendre « insensée » pour les gens de mauvaise foi), ou « intentionnelle » (comprendre « géniâââle » pour l’élite bobo), dit simplement chez la majorité des personnes homosexuelles – y compris celles qui sont très propres sur elles, qui se disent « hors-milieu », et qui haïssent la grossièreté ou la saleté ! – , un éloignement du Réel et du corps. Dites-vous une chose : au-delà des intentions et de l’humour, quand on se fait chier ou quand on fait chier ses personnages, c’est que vraiment, au bout du compte, on se fait beaucoup plus chier qu’on n’imagine ! La scatologie, ce n’est pas autre chose que l’expression voilée et innocemment désespérée de l’ennui.
Il existe dans l’usage de la scatologie une revendication légitime du droit à connaître les merdes de l’existence. Certaines personnes homosexuelles demandent en effet à la société surprotectrice qui les a gavées pourquoi, depuis leur enfance, elle leur a barré l’accès à la merde (mort, privations, risques, efforts, combats, interdits, rappel des limites et des manques, etc.), celui qui leur aurait permis de comprendre que la vie est plus forte que la mort, qu’elle a un sens, et que ce sens est beau. Arrivées à l’âge adulte, leur quête de la merde se fait alors plus autoritaire… et s’exprime parfois radicalement par le désir de la produire elles-mêmes et de la goûter ! (on appelle cela la coprophagie) Sans aller jusqu’à ces extrêmes, et quand leur esprit romantique impose la décence et le refus de la saleté, elles en restent généralement à la frontière du fantasme de merde légèrement actualisé (humour « pipi caca » ou « en dessous de la ceinture », saleté couplée paradoxalement à une scrupuleuse coquetterie, focalisation sur le porno, grossièreté langagière, dépendance au sexe et aux drogues, etc.).
À travers le traitement de la scatologie, les personnes homosexuelles désirent finalement montrer la merde qui se cache derrière le maquillage social (c’est pourquoi elles présentent souvent la blancheur comme perdue ou trompeuse), signaler que ce maquillage est lui-même de la merde, ou que la merde proprement dite n’est pas plus méprisable que celui-ci puisqu’elle peut embellir et dissimuler une réalité sociale jugée insupportable.
N.B. : Je vous renvoie aux codes « Blasphème », « Humour-poignard », « Éternelle jeunesse », « Haine de la beauté », « Adeptes des pratiques SM », « Chiens », « Train », « Obèses anorexiques », « Homosexualité noire et glorieuse », « Cannibalisme », « Vampirisme », « Mort », « Parodies de Mômes », « Artiste raté », à la partie « Chocolat » du code « Bonbons », et à la partie « Kitsch » du code « Fan de feuilletons », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.
FICTION
a) L’Éloge homosexuel mi-ironique ni-sérieux de la pisse et de la merde :
Dans les fictions traitant d’homosexualité, cela pourra surprendre, mais il y a énormément d’occurrences au pipi et au caca : cf. le film « Kakaphony » (2007) de Ricardo Rojstaczer, le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, le film « The Dead Man 2 : Return Of The Dead Man » (1994) d’Aryan Kaganof, la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval (avec la référence au caca), la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard (avec la référence au caca), le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard (proposant un spectacle de Chantal Goya version scato, avec Mr Trouducou et Mr Vomi), le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec la référence à la pisse), la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, le film « Aids Conference Cocksucker » (2009) de Charles Lum (se déroulant dans des toilettes), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec le vomi), le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes (avec le duo efféminé Sulky et Sulku), le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Frédérique Quelven, la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon, la chanson « Piss Factory » de Patty Smith, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « Urinal » (1988) de John Greyson, le film « O Fantasma » (2000) de João Pedro Rodrigues, le film « World And Time Enough » (1994) d’Éric Mueller, la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim, le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, les poèmes « Polvo », « (Estado y soledad) » et « Nelson Vive » de Néstor Perlongher, la chanson « Un Enfant de la pollution » de Ziggy dans le spectacle musical Starmania de Michel Berger, le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec l’artiste faisant pipi sur sa toile), le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, la pièce Ubu Roi (1896) d’Alfred Jarry (avec le « Merdre ! » d’ouverture), la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg, le film « Je t’aime moi non plus » (1975) de Serge Gainsbourg (avec les éboueurs homosexuels Krassly et Padovan), le film « Les Nuits fauves » (1991) de Cyril Collard, le film « Gespenster » (2005) de Christian Petzold (avec l’éboueuse lesbienne), la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter (avec des scènes de coprophagie), la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz (avec la merde de chien mise sur le paillasson suite à un PaCS), le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic (avec la scène de diarrhée de Rocco), la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet (avec les rouleaux de PQ marrons de Marcel), etc.
Il n’y a qu’à prêter l’oreille à ce que disent les héros homosexuels pour voir la place prédominante que prend la scatologie dans les créations artistiques homo-érotiques : « Ça sent le vomi, ici ! » (Jean, l’un des héros homosexuels de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Maintenant, avec tous les étrons qu’on déverse dedans, elle [« el Riachuelo », la rivière autour de laquelle est construite la ville de Buenos Aires] a une vraie couleur de merde. » (Luisito dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 225) ; « Chaos, chaos, ca, ca, ca, ca, ca… » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « Je ne veux pas me laver. » (Irina dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « J’aime la salade, le caca, et le poisson. » (Érik Satie dans la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « Elle a une bonne odeur, cette glaise. […] Il y a du plaisir à devenir de la bouillie. » (Luca, le héros homo du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 13) ; « Vous tenez à cette crasse. Elle fait partie de vous. » (le narrateur parlant de lui-même en se vouvoyant, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 172) ; « J’arrive escorté de mouches. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Des geysers de vomi et de merde… Qu’est-ce que je fous ici ? » (idem) ; « Je faisais caca. » (Benjamin, l’un des héros homosexuels, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Moi, la merde, justement, ça me connaît. » (André, homosexuel, dans l’épisode 369 de la série Demain Nous Appartient diffusé 2 janvier 2019) ; etc.
Certains personnages gays et lesbiens, alors qu’on ne s’y attend pas du tout, nous offrent des grands moments de poésie : « Si je ne lève pas le cul, je vais me faire caca dessus. » (Bernard, le héros homosexuel de la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Attends : j’ai envie d’aller aux toilettes. » (l’un des héros de la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Je vais aux toilettes. » (Evita, l’héroïne de la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Oh, j’ai lâché un pet ! Pourvu qu’ils m’aient pas entendu ! […] Je vais me chier dessus. Je peux pas me retenir. » (un des personnages de la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi) ; « Sur vos tombes, j’irai cracher. Chacun, je les souillerai de mes déjections de pédé. » (Luca dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; « Excusez-moi, il faut que j’aille chier. Pardon… que je me repoudre le nez. » (la mère jouée par le travesti M to F David forgit, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; « Je vous couvre de caca ! » (Philippe, le héros homosexuel de la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.
Par exemple, dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, Smith, le héros homosexuel, marche sur une merde ; un peu plus tard, il fait à nouveau preuve de vulgarité scatologique (… et misogyne) : « J’ai envie de pisser comme une femme enceinte. » Dans le film « Como Esquecer ? » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Antonia, l’ex de Julia, est traitée ironiquement de « poubellologue ». Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, la membre du jury Mlle Rebecca Lynn réclame sans cesse « sa pause caca » : « T’as aussi besoin de chier un bon coup. » conseille-t-elle à un de ses collègues. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, le puissant poison offert par Dargelos à Paul est une boule qui a exactement la forme d’un étron déféqué : « Tous se taisaient. Cette boule imposait le silence. Elle fascinait et répugnait, à la manière d’un œuf de serpent qu’on croit formé d’un seul reptile et où l’on découvre plusieurs têtes. Elle répandait une grande odeur de peste et de géranium. » Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, le spectateur trouve son compte question scato : Prentice, le jeune auto-stoppeur, dans un show de danseur, doit pisser sur scène comme un geste « artistique » commandité par son chorégraphe ; et Dotty, l’héroïne lesbienne, chie dans le bidet du père de Prentice pour se venger de son soi-disant « machisme ». Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau rentre dans la peau d’un homme-adulte, Jeanjean, qui déblatère ses délires scatologiques : il joue avec ses excréments et en fait des petits personnages (par exemple, il a sculpté un Louis XIV en caca). Un autre des personnages que joue Bénureau est un gars homosexuel qui, au moment de faire l’amour avec son amant, lâche une caisse : « Dans le canapé, j’ai fait un pet. » Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Marie-Ange chante la nécrophilie et la scatophilie. Dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, Max, le héros homo, décide de porter un rouleau de papier toilette autour du cou, en guise de collier. Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, c’est quand Michel, en couple avec Charlotte, et l’amant secret de Mélodie, se retrouve aux toilettes que le couple lesbien Charlotte/Mélodie se forme dans la cuisine. Et un peu plus tard, quand il flâne dans la rue, il marche dans une crotte de chien. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, du cercueil du père de Vanessa, mais aussi de Vincent et Nicolas, les deux frères et amants homosexuels, surgit un gros pet : « Papa pète encore. C’est vrai qu’il a toujours aimé péter. » Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, c’est au moment où Thérèse « flashe » sur Carol dans le magasin de jouets où elle travaille, qu’elle se fait interrompre par une cliente qui lui demande : « Où sont les toilettes ? » pour sa jeune enfant. Dans l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), Kelly et Yorkie, les héroïnes lesbiennes, découvrent leur homosexualité dans les toilettes de la boîte. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques vante la « baise dans les chiottes » : « Que ça pue la pisse, franchement, on s’en tape ! ».
Sans en avoir trop conscience, le héros homosexuel affiche qu’il se prend pour de la merde : « Moi, si je me mets à nue, je peux faire une pub pour Action Contre la Faim. Avec des mouches autour des yeux. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014).
Par ailleurs, beaucoup plus trivialement, l’identification du héros homosexuel à une merde traduit une homophobie, en général exprimée entre personnes homos ou entre (futurs) amants : « Pauvre merde. » (Barthélémy Vallorta, le héros homo, s’adressant à son amant Hugo Quéméré, dans l’épisode 441 de la série Demain Nous Appartient diffusé sur TF1 le 12 avril 2019)
b) « Ceci est mon caca, livré pour vous. Ceci est ma pisse, versée pour vous. » (l’androgyne)
Dans les fictions homosexuelles, la merde est en général magnifiée en étant juxtaposée à la beauté plastique, au confort bourgeois, à la préciosité artistique, à l’humour camp. Et pour le coup, elle sera niée par un procédé stylistique très apprécié des créateurs homosexuels : l’inversion. « Eh oui ! Même Marilyn faisait caca. Ça casse le mythe. » (Lourdes, l’actrice obèse déguisée Marilyn Monroe, dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « La Mylène, elle est pure ! Elle fait pas caca ! » (Tom, le fan de Mylène Farmer, dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil) ; « Son visage et ses beaux cheveux blonds étaient couverts d’excréments. » (cf. la description de la belle Truddy dans la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978) de Copi, p. 33) ; « Suppôt de Satan ! Étron de Belzébuth ! » (le Père 2 s’adressant à son futur gendre, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; etc. Par exemple, dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, on assiste à une scène de diarrhée épique dans laquelle Saint-Loup, le couturier homosexuel pourtant très précieux et sophistiqué, pète et chie comme un gros porc dans ses latrines. Dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, on nous montre l’ange qui défèque. Dans le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar, la jolie chanteuse de cabaret, Yolanda, est filmée en train de chier dans les toilettes d’un appartement en bazar. Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, tous les personnages misent sur leur apparence extérieures distinguée… pour finir par la détruire par la grossièreté : par exemple, Jules, l’écrivain homo dandy, se met à jurer comme un charretier, en gratifiant le public de gros mots ; Lucie, la diva-chanteuse gracieuse chante « Va chier !! ». Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Jonathan, le héros homo qui se dit pourtant ultra-maniaque, très sensible aux odeurs (il veut toujours avoir une haleine fraîche), se place en spectateur de latrines de son amant Matthieu qui prend sa douche à côté de lui (ce dernier lui fait la remarque qu’« il a fait caca rapidement »). Jonathan prie pour que, suite à son passage aux toilettes, « il n’y ait pas d’odeurs ».
Le caca et le pipi, à force d’être mentalement poétisés, finissent, grâce à la métaphore gastronomique filée du chocolat ou de la friandise, par perdre leur puanteur et leur caractère repoussant. Certains héros homosexuels prétendent même les ingérer et les boire avec délectation ! : « Ses lèvres – je veux dire son anus – [étaient] semblables à un beignet au chocolat » (la description de Majid, l’homme-pipi des toilettes publiques, dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 83) ; « En attendant que ça vienne, je triturais mon petit robinet, le recouvrant de la peau des pruneaux ou au contraire l’étirant comme une guimauve. » (le narrateur de la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 13) ; « Terrorisé, je m’imaginais prisonnier comme une guêpe dans la main d’un géant, Neptune coprophile régnant au fond de la fosse. » (idem, p. 11) ; « Sers-le-nous [le Rat] avec une sauce que tu feras avec ton urine et les excréments battus à la neige ! » (la Reine à la Princesse, dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Vidvn, qui était de toute évidence ivre, criait pipi ! caca ! en riant et se soulageant sur Mimile qui suçait ses excréments et son urine. » (le rat Gouri, le narrateur du roman La Cité des Rats (1979), p. 110) ; « La jeune prostituée pissait sur le trottoir (pour ce faire, elle avait soulevé sa mini-jupe en lamé, elle n’avait même pas de caleçon, le petit caniche léchait son urine dans le caniveau). » (cf. la nouvelle « Madame Pignou » (1978) de Copi, p. 51) ; « La grande Allemande était comme en état de ravissement. Elle sentait la chaleur de cette pisse de femme qui coulait sur sa bouche, et le goût aussi, puisqu’elle entrouvrait de temps en temps ses lèvres pour en boire un peu, avec sa langue, comme si elle lapait. Elle faisait aussi de petits mouvements de succion, en la reniflant comme une animale. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 108) ; etc. Par exemple, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, la mousse au chocolat que le couple homosexuel déguste est comparée à un saladier de merde.
Les excréments sont à ce point déshumanisés par l’art et les intentions qu’ils placent le personnage qui les a produits (souvent l’androgyne, le transsexuel, ou l’enfant asexué) en Créateur tout-puissant égalant Dieu, et ayant l’honneur de siéger sur le trône « sacré » des toilettes : cf. le roman Notre-Dame des Fleurs (1944) de Jean Genet (où scatologie et spiritualité sont catalysés par le personnage mi-prostituée mi-christique de « Divine »), le film « Pink Flamingos » (1972) de John Waters (avec le travesti « Divine » avalant des crottes de caniche), la nouvelle « Adiós A Mamá » (1981) de Reinaldo Arenas, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, etc.
Les toilettes se transforment en sanctuaire : « Elle passa sa nuit sainte dans les latrines. » (cf. le poème « Les Premières communions » (1869-1872) d’Arthur Rimbaud) ; « Il croit qu’il est devenu Jésus-Christ et il trouve normal que les bonnes sœurs viennent le changer quand il pisse sur lui ou lui donner de la nourriture d’enfant à la petite cuillère. Il a les stigmates dans les mains et les pieds que les bonnes sœurs nettoient bien à fond avec de l’alcool et couvrent de gazes. » (le narrateur homo parlant de son amant Pietro, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 94) ; « Le trottoir, c’est mon Royaume ! Sur le trottoir, je suis née, la pissoire c’est mon Palais. » (Fifi dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Fut un temps, j’étais Dame Pipi. » (Marina, la mère du héros homosexuel Max, dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; etc.
Par exemple, dans la chanson « Toi jamais toujours » d’Étienne Daho, il est question d’une « pissotière sacrée ». Dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, le caniche et le fox-terrier pissent contre l’autel de la Sainte-Chapelle (p. 86). Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar explique à son amant Khalid que le pipi aurait des vertus curatives (il accélèrerait la cicatrisation des plaies) ; Khalid demande alors très sérieusement à Omar s’il peut pisser sur lui pour le guérir, et ce dernier accepte, comme un magnifique geste d’amour salvateur.
c) Pisse & Love :
Justement, venons-en à « l’amour » ! Parfois, la scatologie est présentée par les personnages homosexuels comme la manière idéale d’exprimer la sensualité homosexuelle, la beauté de l’union génitale entre semblables sexués, la fougue naturelle et violente des passions : « Nous sentions la sueur, nous sentions la pisse, nous sentions le foutre et la merde. » (Pretorius, le vampire homosexuel de la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Le petit François se mit à pisser sur le petit Ludovic. » (cf. la nouvelle « Une Langouste pour deux » (1978) de Copi, p. 81) ; « Par la passion et par le travail qu’elle avait fait entre mes fesses, mon endroit s’était éveillé à des chaleurs inattendues. N’ayant jamais été si bien traitée, cette voie se mit à me procurer des sensations aussi inconnues qu’étranges, proches de celles que j’éprouvais habituellement seulement avec mon ventre. […] Elle me mit dans les fesses son doigt le plus petit qu’elle avait préalablement mouillé. Je m’aperçus qu’en faisant cela elle comblait chez moi comme un manque, et que le travail qu’elle avait fait avec sa bouche appelait cet achèvement. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 67) ; « J’aime une femme pas lavée, plutôt sale même. Lorsqu’elle est lavée, tout son meilleur est parti. » (idem, p. 72) ; « Marie fut prise d’une envie pressante. La bonne ayant le même besoin, j’en fus prise à mon tour. J’ai remarqué que souvent lorsque qu’une commence toutes suivent. Nous restâmes assez groupées malgré la situation, et c’est presque côte à côte que nous dûmes nous satisfaire, en camarades, comme dans ma jeunesse quand, avec des filles de mon âge, nous le faisions sans malice. Riant de bon cœur, nous pissâmes, puis, soulagées, nous reprîmes notre route. » (Alexandra, Marie, et sa bonne, op. cit., p. 114) ; « La chasse d’eau, c’est mon éjaculation. Dès qu’un beau gosse me sort sa jolie queue molle et commence à la manipuler, je gicle. […] J’aime qu’on me frappe, qu’on me pisse dedans, qu’on me chie dessus, que le sperme asperge l’émail de mon palais. Surtout quand les mecs ont la chiasse. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 82) ; « Quant à moi, rien ne me fait jouir de la chasse comme un beau pet tonitruant émis à contretemps, suivi d’un long étron qu’on largue en plein milieu du trou dans un clapotement vif éclaboussant les fesses d’un conspirateur heureux de sa délivrance. » (idem, p. 86) ; « Majid rapplique et s’enferme avec moi. Il ouvre au maximum la fermeture éclair de son bleu sous lequel il ne porte aucun sous-vêtement. Il sort son tuyau, active sa pompe et me lèche consciencieusement toutes les coulures encore tièdes, en compressant sa queue brûlante contre le marbre froid de mes cloisons. » (la description de Majid, l’homme-pipi des toilettes publiques, op. cit., p. 83) ; « Je veux manger vos excréments. » (Valmont s’adressant à Merteuil, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; etc.
Il est courant qu’homosexualité et scatologie s’agencent symboliquement. Par exemple, dans la pièce Arlequin, valet de deux maîtres (2008) de Goldoni, le travestissement et le changement de sexe sont associés au caca. Dans le film « Les Meilleurs amis du monde » (2009) de Julien Rambaldi, la scène des toilettes laisse imaginer l’espace d’un instant une aventure homosexuelle entre Max (Marc Lavoine) et Jean-Claude (Pierre-François Martin-Laval) : « Fais pas ta chochotte ! » dit Max avant d’installer de force son ami sur la cuvette de ses nouvelles chiottes High Tech. Dans la pièce Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, le personnage de Cosette (joué par un comédien homme) affirme vouloir être proctologue plus tard. Dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, le jeune protagoniste aime regarder les ouvriers de la fabrique de tuiles se baigner dans la rivière ou pisser (p. 15) : cela provoque en lui un émoi homosexuel précoce.
Cependant, une fois passé le fantasme amoureux ou littéraire, l’engouement scatologique et urophile du héros homosexuel perd assez vite sa magie et se confronte à sa propre finitude : la merde ne se ravale pas et ne se recycle pas. En toile de fond, l’éloge inversante de la pisse et du caca indique chez lui une peur inconsciente de la castration et de la sexualité : « Il y avait seulement une espèce de blessure à la place, dont dégouttait du sang, comme si on venait de lui couper son tuyau. […] J’en conclus que les pédés sont une race inférieure de gens, qui n’ont pas de queue et qui sont obligés de se cacher pour pisser comme s’ils chiaient […] » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 85)
d) Les toilettes publiques : lieu privilégié du rencard homosexuel
Fréquemment dans les fictions, les rencontres amoureuses homosexuelles ont lieu aux toilettes communes, dans des endroits sordides comme les vespasiennes, les aires d’autoroute, les parkings, les parcs, les quais désertés, les backrooms, les cabines de saunas, les lieux publics du passage furtif : cf. le film « Vacationland » (2006) de Todd Verows, le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (commençant précisément par une scène de pissotière), le roman Les Silences de Colonel Bramble (1918) d’André Maurois (également dans les pissotières), le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville, le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (où Robbie, le héros homosexuel, rencontre un amant dans les toilettes), la B.D. Le Petit Lulu (2006) de Hugues Barthe (avec les rendez-vous anonymes dans une pissotière), le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore (avec la scène de drague gay dans les toilettes d’un parc), le film « La Mala Educación » (« La Mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar (Ignacio et Enrique sont surpris dans les toilettes de leur pensionnat), le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau (se déroulant dans les toilettes d’une gare), le film « Mauvaises fréquentations » (2000) d’Antonio Hens, le film « Taxi Zum Klo » (1980) de Frank Ripploh, le film « Love And Deaf » d’Adam Baran (ayant lieu dans des toilettes), le film « Honeypot » (2010) de Nghi Huynh (avec la scène dans une pissotière), le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent (se déroulant entièrement dans des toilettes d’un collège), le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche (Adèle se déclare pour la première fois à une fille dans les toilettes), le film « Fucking Different XXX » (2012) de Bruce LaBruce et Émilie Jouvet, etc. Dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, la première fois que Russell et Glen se rencontrent, c’est dans les toilettes d’une boîte gay. Dans le film « Atomes » (2012) d’Arnaud Dufeys, Hugo, éducateur de 34 ans à l’internat, voit son quotidien perturbé par Jules, un adolescent provocateur, avec qui il flirte dans les sanitaires communs. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc et Engel, pourtant en couple régulier, font l’amour dans les WC d’une discothèque homo.
Les toilettes publiques semblent être l’anti-chambre du paradis artificiel de la drague homosexuelle : « Pourquoi les femmes vont toujours aux toilettes par deux ? » (Casimir dans la pièce Casimir et Caroline (2009) d’Ödön von Horváth) ; « Tu me parles de misère, mais est-ce que tu connais la terre ? La terre de la pissotière, tu en connais l’odeur, ma mère ? » (Lou à Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Tes pédés, c’est des pompes à chiottes ! Des pompes à chiottes ! T’entends ? » (Vincent à Emmanuel, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 178) ; « Qui donc restaurera la mémoire des vespasiennes ? » (le narrateur homosexuel dans la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 56) ; « Je vais faire la seule pissotière intéressante qui reste dans le quartier, place Saint-Sulpice. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 158) ; etc.
Par exemple, dans le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan, Catherine et Chloé se rencontrent dans les toilettes, avec le désespoir similaire d’être abandonnées par les hommes. Dans le film « Ellas Se Aman » (2008) de Laura Astorga Carrera, lorsque Estella et Rosario se retrouvent par hasard dans les toilettes de l’usine textile où elles travaillent, elles sont immédiatement prises pour des lesbiennes. Dans la toute première scène du film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye, les deux amants homosexuels se cherchent des toilettes pour pisser ensemble. Dans son roman L’Armée du salut (2006), le romancier marocain Abdellah Taïa décrit ce qu’il appelle « la sexualité poétique des pissotières ». Dans le film « Ander » (2009) de Roberto Castón, José et Ander font la première fois violemment l’amour (par sodomie) dans les toilettes, un jour de mariage. Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel raconte comment il a été en galère de papier toilettes à la piscine alors qu’il avait fini de chier : « Il s’en passe des choses aux toilettes. » Un peu plus tard, le délire scato se poursuit lorsqu’il a la courante en plein séjour à New York : « Quand on dit que les gays chient des paillettes, je peux vous dire que c’était pas le cas. »
Plus profondément, le fait que beaucoup de rencontres homosexuelles fictionnelles (et souvent réelles !) aient lieu dans les toilettes rappelle les nombreuses confluences qui existent entre la pratique homo et les vanités humaines, l’inutilité, la nullité (l’amour homo, concrètement, « fait chier »), la laideur, l’insalubrité, l’infidélité, le libertinage, la déchéance, la prostitution, voire le viol et l’inceste. « Suis-moi aux toilettes. Si tu veux une sucette, je veux être une traînée. » (Paul, l’un des héros homos du film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « La première fois que je l’ai fait, c’était pendant la grossesse de ma femme. Il y avait une réunion de professeurs, à New York. Ma femme ne se sentant pas bien, j’y suis allé seul. Et dans le train, j’y ai pensé. J’y pensais, j’y pensais pendant tout le voyage. Et peu après mon arrivée, j’avais emballé un mec dans les toilettes de la gare. » (Hank, l’un des héros homos du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « L’endroit le plus sûr, paraît-il. » (Harold, le héros homo parlant des toilettes… pour planquer son « herbe », idem) ; « Sur les marches qui mènent aux chiottes de la gare du Nord, je rencontre H. Il a un air triste, sa tête retenue sur ses deux mains emballées dans deux gros gants de ski, assis sur les marches. Je passe deux fois devant lui. Une première fois en allant aux pissotières. De l’ouverture à la fermeture de la gare, y a des hommes, de tous âges, de toutes origines qui se branlent lamentablement, debout, dans l’odeur de pisse et de foutre, en matant en coin les bites des autres. On dirait des puceaux, aussi fébriles que surexcités. Venir ici me désespère autant que ça me réjouit. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 59) ; « Je parie que dès que ça sent la merde, tu bandes. » (Mike, le héros homophobe s’adressant à Johnny, le héros gay, un peu avant de le poignarder, dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer) ; « Regarde-moi ce tas de merde. » (Grand-Guy désignant un homosexuel à terre qu’il vient de passer à tabac, dans le film « Le Français » (2015) de Diastème) ; « Je fais la chasse aux pigeons dans les toilettes des gares. » (Herbert, homosexuel, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « On l’a retrouvé dans les toilettes d’un bar à Londres. » (Hall parlant de son frère homo Arthur décédé, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc. Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, la mère de Guillaume, une grande bourgeoise distinguée et vulgaire à ses heures, chie devant son fils. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Jean tabasse et tue ses clients dans les toilettes de la gare.
La scatolophilie homosexuelle est en réalité l’homophobie. Par exemple, dans l’épisode 2 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric, le héros homo, s’est sali l’arrière du pantalon de boue, et tout le monde se moque de lui : « On dirait qu’il a chié dans son froc. » (Otis, son meilleur ami). Dans l’épisode 4 de la saison 1, il exerce le métier de « promeneur de chiens » et se plaint de devoir ramasser les crottes des 6 chiens qu’il tient en laisse. Adam, son futur amant, l’humilie pour cela : « Tu sens pas comme une odeur de merde de chien ? » Dans l’épisode 6 de la saison 1, il dit qu’« il en a juste vraiment marre que tout le monde le traite comme une merde. »
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) L’Éloge homosexuel mi-ironique ni-sérieux de la pisse et de la merde :
Le rapprochement des membres de la communauté homosexuelle à la scatologie ne manquera pas de nous étonner, de nous amuser, voire de nous choquer tant elle paraît, à bien des égards, insultante, puante (c’est le cas de le dire !), et hallucinante. Car si je demande à n’importe quelle personne homo de mon entourage si elle aime le caca, il y a fort à parier qu’elle me rira au nez, et qu’elle niera son appétence pour la scatologie ! « La plupart des lieux de prédilection fréquentés par les homosexuels étaient urbains, civils, sophistiqués. Le scénariste américain Ben Hecht, à l’époque correspondant à Berlin pour une multitude de journaux des États-Unis, se souviendra longtemps d’y avoir croisé un groupe d’aviateurs, élégants, parfumés, monocle à l’œil, bourrés à l’héroïne ou à la cocaïne. Les hommes s’habillaient en femmes et les femmes en homme, travestis ou non. On pouvait fouetter ou se faire fouetter, sucer, inonder de pisse ou de merde, étrangler jusqu’à un fil de la mort. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 30) La régression au stade anal (phase du développement psychosexuel de l’enfant décrite par la psychanalyse, au moment où celui-ci apprend à être propre, à se maîtriser, et à connaître les limites de son corps) n’est pas spécifiquement homosexuelle – même si elle est assez marquée dans le désir homosexuel –, et prend des formes très diverses qui n’apparaissent pas d’emblée comme repoussantes ou sales (je pense à l’humour pipi-caca, aux « blagues de cul » répétées, à l’art pacotille du kitsch et du camp, à certaines pratiques sexuelles proches de la bestialité, au voyeurisme, au fétichisme, à l’exhibitionnisme, à l’addiction au sexe et aux drogues, etc.). Il y a mille et une manières d’être scato, d’être impur, et de se justifier d’aimer la merde… même si tout cela prend l’apparence anodine et rigolote du jeu ou de l’amour.
Par exemple, autour de moi, j’ai des amis homosexuels, maintenant adultes, qui m’ont avoué qu’ils ont fait pipi au lit jusqu’à l’âge de 10-12 ans. Je sais que ce ne sont pas des cas isolés : « Il m’arrivait de mouiller mon lit en éprouvant le sentiment agréable que je me trouvais aux W.-C. » (Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 76)
Le goût adulte pour la scatologie peut être la conséquence d’une éducation parentale où le corps et la sexualité ont été montrés comme sales, honteux, impurs, interdits, inexistants : « On se bornait à m’inciter à la pudeur en me disant ‘cache tes fesses’. Il était donc englobé dans la région qui servait aux excrétions, et comme tel assimilé à un endroit peu ragoûtant, voire malpropre, même si je venais de me laver. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 108) Par exemple, l’écrivain cubain Reinaldo Arenas raconte qu’il a vu que sa grand-mère – dont il était très proche – faisait « pipi debout ».
Dans leur quotidien, certaines personnes homosexuelles ont réellement des pratiques scatologiques (je ne traiterai pas ici des rapports sexuels anaux, ni de la place importante de la sodomie, et donc de l’anus, dans les coïts homosexuels masculins comme féminins… mais j’aurais pu). C’est le cas de Malcolm Lowry, qui était un pétomane apparemment doué (cf. le documentaire « Le Volcan » (1976) de Donald Brittain). Hervé Guibert, quant à lui, se souciait beaucoup de la défécation. En soirée, le peintre espagnol Salvador Dalí choquait ses amis parce qu’il s’extasiait devant la taille des excréments qu’il laissait sur la cuvette de ses toilettes. Mario Mieli, Mathieu Lindon, ou John Waters, sont d’autres personnalités homosexuelles qui se sont intéressées de près à la coprophagie. Dans les peintures de Francis Bacon, les personnages sont parfois dépeints en train de déféquer. Dans les pièces de Copi, les protagonistes passent leur temps à dire des gros mots et à s’insulter de tous les noms d’oiseaux possibles inimaginables : « Salope ! », « Ordure ! », « Connasse ! », « Traînée ! », « Garce ! », « Enculé ! », « Sale pute ! » (exactement comme on peut l’entendre dans les conversations « piquantes et amicales » de certains cercles relationnels homosexuels). On sait aussi que la fascination urophile du cinéaste italien Pier Paolo Pasolini n’était pas que cinématographique. Parmi les « installations » des sculpteurs et artistes homosexuels, on trouve beaucoup de délires scatophiles : cf. les œuvres Naked Shit Pictures, Spit On Shit, et Sperm Eaters (1995) du couple homo Gilbert and George, L’Urinoir (1917) de Marcel Duchamp, les Piss Paintings (1978) d’Andy Warhol, la photo La Chimère trois (1999) d’Orion Delain, etc.
b) « Ceci est mon caca, livré pour vous. Ceci est ma pisse, versée pour vous. » (l’androgyne)
Dans les discours, la merde est en général magnifiée en étant juxtaposée à la beauté plastique, au confort bourgeois, à la préciosité artistique, à l’humour camp. Et pour le coup, elle sera souvent niée par un procédé stylistique très apprécié des créateurs homosexuels : l’inversion. « J’adore le Carnaval, les défilés, les carrosses, les chariots décorés. La seule chose qui me dérange, ce sont les types qui viennent pisser derrière nos arbres du trottoir. » (une des trois tantes bourgeoises d’Alfredo, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 111) Le mélange beauté/crasse (ou milieu bourgeois et pègre underground) est très prégnant par exemple dans les univers de Philippe Besson (je pense surtout à son roman Un Garçon d’Italie, en 2002), Bernard-Marie Koltès, Renaud Camus, Cyril Collard, Guy Hocquenghem, Patrcice Chéreau, Pedro Almodóvar, Rainer Werner Fassbinder, Pier Paolo Pasolini, Luchino Visconti, Manuel Puig, Hervé Guibert, etc.
Un certain nombre d’auteurs homosexuels, qu’on voit parfois jouer les grandes bourgeoises en temps normal, ont leurs « pétages de plombs » scatologiques à leurs heures : « On a reproché à Copi d’être un écrivain sale. » (cf. l’article « Copi sidéral » de Thierry Bayle, dans le journal Le Quotidien de Paris du 6 mars 1990) En bons néo-baroques qui se respectent, ils disent être « attentifs seulement au reste » (Tamara Kamenszain, citée dans l’essai Medusario (1996) de Roberto Echavarren, p. 489) et se gargarisent de mettre en valeur des cochonneries et des noirceurs qu’ils veulent « transgressives » et « anti-politiquement correctes » : « Nous sommes à l’âge des objets partiels, des briques et des restes. » (Gilles Deleuze, Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972), p. 51) ; « Toute écriture est cette simulation, sperme et excrément. » (idem, p. 250) ; « L’important, c’est la crotte ! » (Harvey Milk pour une publicité sur les crottes de chiens, reconstituée dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant) Par exemple, dans le documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order » (2012) de Jan Soldat, l’un des deux vieux interviewés demande subitement à pisser, au milieu d’une séance sadomasochiste.
Avec eux, on est proche du détournement de la naïveté des contes pour enfants. Le camp se mêle au kitsch ; le noir au rose. Cela ne semble pas les choquer de faire surgir la violence, l’humour trash, la scatologie, « l’homosexualité noire », au beau milieu d’un monde imaginaire immaculé, très enfantin, très bourgeois, très soigné. Mais au final, tous les auteurs que je connais qui passent insensiblement dans leurs écrits du raffinement esthétique à la merde, dans un sens comme dans l’autre, expriment sans le savoir la difficulté à habiter leur corps, à le considérer comme unique et beau.
Fait encore plus inconcevable : le caca et le pipi, à force d’être mentalement poétisés, finissent parfois par perdre leur puanteur et leur caractère repoussant aux yeux de certains individus, qui prétendent même les ingérer et les boire avec délectation ! Alors évidemment, on peut se dire que les vrais coprophages homosexuels sont une espèce ultra minoritaire, franchement malade, qui n’existe que sur les sites très spécialisés. Mais, pour avoir à ce jour réellement rencontré dans mon entourage amical homosexuel des hommes et des femmes qui ont des pratiques sexuelles privées franchement ahurissantes (sadomasos, scatologiques, voire zoophiles) alors que de l’extérieur on leur donnerait le Bon Dieu sans confession, je suis prêt à considérer comme possibles beaucoup plus de pratiques que mon imagination ne pourrait en concevoir !
La coprophagie, au-delà de la répugnance qu’elle peut logiquement et majoritairement nous inspirer, rejoint symboliquement le viol ou le fantasme de viol. C’est cet aspect qui m’intéresse. Le corps se nourrissant de ses propres déchets est comme « un inceste culinaire » (cf. l’article « Superstitions » de Noëlle de Chambrun et Ignacio Ramonet, dans la revue Le Monde diplomatique – Manière de voir, spéciale « Mauvais Genres », n°111, juin-juillet 2010, p. 16).
Sans aller jusqu’à l’extrême de bouffer de la merde, certaines personnes homosexuelles vont, par snobisme provocateur, ou bien dans un élan angéliste très sincère (et, pour le coup, limite inquiétant…), se mettre à croire en la qualité spirituelle et transcendantale du caca : « J’ai marché dans la merde, expliqua Luisito. Avec ces nouvelles nourritures en conserve, les clebs chient des étrons en forme de santons. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 272) Elles déshumanisent à un tel point les excréments par l’art et les intentions qu’elles se donnent l’illusion qu’ils les transformeront en Créateurs tout-puissants égalant Dieu, ayant l’honneur de siéger sur le trône « sacré » des toilettes. Par exemple, dans son article « El Deseo De Pie » (1986), le poète homosexuel argentin Néstor Perlongher dit très sérieusement éprouver un « désir de merde », une « ferveur coprophagique ». Et avec son pamphlet « El Síndrome De La Sala » (1988), il prétend montrer « l’illusion de cette infinie asepsie » sociale présente sous forme de « détergents, de savons en poudre, de crèmes de coiffeuse, d’eaux sanitaires, de cires, de désodorisants » (p. 64). Son extase scatophile se pare de militantisme antisocial et de ferveur mystique ! Par exemple, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, raconte ses aventures génitales « sans affection » vécues dans les toilettes et les backrooms. Il en parle comme une entrée au couvent : « Devant les urinoirs, la Foi déguisée en vices[…]se faire baiser aux toilettes ».
c) Derrière la merde, il y a… :
Leur foi aux vertus divines de la merde ne s’arrête pas là ! Certaines personnes homosexuelles pensent aussi que le caca va leur permettre d’aimer vraiment ! que l’échange de la saleté à deux sera pur et beau ! « L’excrément est un symbole de la terre et c’était sans aucun doute l’amour malveillant de la Terre Nourricière qui m’appelait. J’eus alors le pressentiment qu’il existe en ce monde une sorte de désir pareil à une douleur aiguë. Levant les yeux vers ce jeune homme sale, je me sentis suffoqué par le désir en pensant : ‘Je veux me changer en lui, je veux être lui.’ » (Yukio Mishima, Confession d’un masque, 1971) ; « Salvador prenait soin de moi, mais la nuit, à la bougie, je recherchais dans les coutures de son pantalon les poux, nos familiers. Les poux nous habitaient. À nos vêtements ils donnaient une animation, une présence qui, disparues, font qu’ils sont morts. Nous aimions savoir – et sentir – pulluler les bêtes translucides qui, sans être apprivoisées, étaient si bien à nous que le pou d’un autre que de nous deux nous dégoûtait. […]. Les poux étaient précieux. Nous en avions à la fois honte et gloire. […] La misère nous érigeait. » (Jean Genet, Journal du voleur (1949), pp. 28-29)
Comme la merde est utilisée à des fins politiques ou amoureuses, elle bénéficie, pour un temps très éphémère, de la couverture des bonnes intentions (Pensons aux restsroom, qui sont le nom des toilettes dites « neutres »). Mais le prétentieux voile de la campagne pro-caca ne tarde pas à se déchirer et à montrer sa vanité. Dans son essai La Littérature sans estomac (2002), Pierre Jourde dénonce sans ambages la « littérature de latrines » dans la production littéraire contemporaine, dont les auteurs homosexuels et bisexuels sont souvent les indignes porte-drapeaux : « On vilipende d’imaginaires écoles du dégoûtant. Certains continuent à se demander si l’on peut tout dire. […] Le ‘tout’ en question, dont on fait si grand cas, s’avère à la lecture n’être qu’une anodine histoire de fesses dont il est aussi ridicule de s’extasier que de se gendarmer. Certains auteurs prétendus ‘sulfureux’, ainsi que les critiques et les éditeurs qui entretiennent cette réputation, ont l’air de vivre il y a 50 ans, ils se gargarisent d’audaces cacochymes, s’étonnent du courage qui consiste à briser des interdits pulvérisés depuis des lustres. » (p. 21)
Qu’il y ait soulagement objectif au moment de décharger la petite ou la grosse commission, ça, tout le monde en convient… surtout quand on a dû se retenir longtemps : l’arrivée sur la cuvette est vécue comme une libération ! Mais cependant, on constate quand même que la joie de la déjection de ce qui est mort ou usé ne sera jamais équivalente à la joie du don de vie, de ce qui se recycle (l’amour, les sentiments, le plaisir, l’enfant). Sûrement que ceux qui vivent le moment aux toilettes comme un orgasme, un acte sacré, une seconde naissance, ou un enfantement, confondent au final la mort avec la vie.
Plus profondément, le fait que beaucoup de rencontres homosexuelles aient lieu dans les toilettes rappelle les nombreuses confluences qui existent entre la pratique homo et les vanités humaines, l’inutilité, la nullité (l’amour homo, concrètement, « fait chier »), la laideur, l’insalubrité, l’infidélité, le libertinage, la déchéance, la prostitution, voire le viol et l’inceste. La scatologie, au-delà des intentions qu’on lui prête, exprime un grand mal-être (qui ne se règle pas en s’exprimant sous des formes totalitaires), un sentiment de ne pas exister et de ne pas aimer/être aimé.
d) Les toilettes publiques : lieu privilégié du rencard homosexuel
Mais revenons à nos étrons ! Et parlons, pour finir, de la place prépondérante qu’occupent les toilettes publiques dans le mode de vie sexuelle des communautaires LGBT. Contre toute attente, on constate que fréquemment, les rencontres amoureuses homosexuelles ont lieu précisément aux toilettes, ces lieux sociaux du passage furtif, du défouloir intime : « Coco draguait jour et nuit les garçons. Son terrain de chasse préféré, c’étaient les toilettes des gares. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 15) ; « Ces ‘tasses’ restent le lieu de prédilection des invertis. C’est là que se nouent les idylles, là que l’on s’échange les adresses de rendez-vous ; c’est là aussi qu’opèrent les faux frères, les truqueurs, les faux policiers : tout y est permis puisque, en général, les victimes, par crainte du scandale, ne portent pas plainte. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 24) ; « Les pédérastes hantent les urinoirs à la recherche des émotions défendues… » (idem, p. 98) ; « Je ne savais pas encore que les toilettes publiques – les ‘tasses’, en argot gay – sont l’un des cadres traditionnels de la drague homosexuelle. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 211) ; « Je vais être obligé d’avouer quelque chose d’un peu personnel. Moi, j’ai toujours été attiré par les pissotières, par ce contact, par ce qui se passe entre des corps étrangers qui se rencontrent au départ pour uriner, et au bout de quelques secondes, de quelques minutes, ça se transforme en autre chose. J’ai toujours trouvé ça très poétique, très entraînant, et je dois avouer que ça me rappelle la sexualité enfantine de groupe que j’ai eue avant l’âge de 12 ans. J’ai pris ma retraite sexuelle à l’âge de 12 ans. Entre l’âge de 12 et 22 ans, il s’est rien passé. Et cette fascination pour les pissotières rejoint un peu ça : ce côté gentil, bienveillant, ce côté étranger et tout d’un coup on se donne l’un à l’autre, pendant un p’tit moment, et complètement dans l’interdit… Malheureusement, il n’y a plus de pissotières à Paris. » (Abdellah Taïa, le romancier homosexuel marocain, à l’antenne de l’émission radiophonique Homo Micro sur Paris Plurielle, le 25 septembre 2006)
Dans son autobiographie Libre : De la honte à la lumière (2011), le pourtant très raffiné Jean-Michel Dunand a vécu sa première expérience homosexuelle dans des W.-C. publics du sanctuaire de Lourdes (France). Et par la suite, il a fréquenté la drôle de pègre bourgeoise draguant dans les toilettes : « Le lieu m’attire irrésistiblement. Je m’y rends, je jette un regard en coin, effrayé et concupiscent, à ces hommes qui viennent se soulager. » (p. 19) Il évoque « ce feu qui le pousse à retourner dans ces pissotières malodorantes ». (idem) : « J’avais compris que les toilettes publiques situées devant la gare d’Albertville étaient le lieu de rendez-vous des homosexuels de la ville. » (idem, p. 37)
Par ailleurs, on sait que l’écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969) a pratiqué le sexe dans les pissotières. Quant au chanteur George Michael, il est de notoriété publique qu’il a été arrêté en 1998 dans les toilettes publiques d’un parc de Beverly Hills, et condamné pour attentat à la pudeur sur la personne d’un policier (Pour se venger de ce scandale venu entacher sa carrière, il fera une parodie de l’épisode ubuesque dans le vidéo-clip de sa chanson « Outside »).
Il n’y a pas si longtemps, les vespasiennes étaient le nom des premières pissotières que la population homosexuelle urbaine plébiscitait (elles sont arrivée à Paris dans les années 1830) ; aujourd’hui, elles ont davantage laissé place aux toilettes des discothèques, aux backrooms, aux cabines de saunas, mais elles restent toujours des endroits d’homosociabilité. D’ailleurs, Pablo Fuentes a fait une étude sur la « Culture des pissotières ». Jean-Claude Aubry, le photographe, les a même immortalisées sur pellicule, sous forme de série ! Et quand ces urinoirs publics ont été supprimés en 1980 à Paris, certains de leurs visiteurs s’en sont plaints, comme c’est le cas de François Ricard : « Les personnes LGBTIQ ne se sentent pas chez elles ou sont mal acceptées dans les toilettes différentielles. […] La répression des fonctions corporelles peut provoquer des problèmes de santé physique et de la détresse émotive à long terme. » (cf. l’article « LGBTIQ » de François Ricard, Atelier du roman (2006), n°45, pp. 13-19).
Au bout du compte, l’attraction homosexuelle pour la scatophilie, qu’elle soit reconnue et surtout quand elle est inconsciente, fait déprimer et cauchemarder bien des personnes homosexuelles. C’est en réalité l’absence de la différence des sexes qui leur apparaît comme une grosse merde… symbolique et parfois réelle : « Je trouve qu’un homme sent mauvais et c’est crade. […] J’ai rêvé d’un jeune homo qui était excité à côté de moi, et par haine envers lui, je lui ai parlé en tant que pervers qu’il voulait mon doigt dans son cul en le traitant de salope, et je m’exécute avec mépris, et je ressors mon doigt plein de merde avec un profond dégoût de cette situation. […] Alors c’est ça ma vie que je dois vivre, c’est ça mon chemin de vie, vivre avec des types, ressortir mon sexe plein de merde, me faire défoncer le cul. C’est comme sentir un type juste après lui ressortir des toilettes. J’ai l’impression que c’est l’acte pervers malsain qui excite. C’est ça la beauté de cette vie, de ma vie. » (cf. le mail d’un ami homo Pierre-Adrien, 30 ans, reçu le juin 2014)
Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.