Vent
NOTICE EXPLICATIVE :
LES HÉROS HOMOS SE PRENNENT UN (POUR LE) VENT
Les personnages homosexuels fictionnels ont tendance à se prendre pour le vent. Ils le personnifient, lui attribuent des sentiments humains, en général désincarnés et mélancoliques. Le vent incarne leur désir de disparaître, de devenir des anges transparents et immatériels, de mourir esthétiquement (façon « bobo » : bourgeois-bohème), d’être des purs esprits. Il est également la représentation de leur désir amoureux homosexuel, de l’amant (littéralement, ils désirent « se prendre un vent » !), d’un élan aérien au départ magique, et qui, comme il est désincarné et inhumain, comme il rejette la différence des sexes, devient incontrôlable et violent.
Comme le dit un proverbe marin, « En voile, tous les vents sont bons quand on connaît la direction ». En revanche, étant donné que le désir homosexuel est un élan qui n’a majoritairement pour but que la jouissance sexuelle de soi avec un autre soi-même, et qu’il ne veut pas s’imposer de direction, il finit par devenir, selon les dires des héros homosexuels, et parfois même des personnes homosexuelles, une rafale méchante ou un pet de lapin plutôt qu’une brise légère et vivifiante.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Télévore et Cinévore », « Bovarysme », « Planeur », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Conteur homo », « « Plus que naturel » », « Eau », « Bobo », « Train », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Ombre », « Musique comme instrument de torture », à la partie « Paravent » du code « Maquillage » et à la partie « Schizophrénie » du code « Doubles schizophréniques », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) Le vent amoureux du désir homosexuel :
Il est souvent question du vent dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité : cf. les chansons « Rêver » et « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Il Vento, Di Sera » (2004) d’Adriano Adriatico, le tableau Alexandre (2006) d’Orion Delain, la chanson « Candle In The Wind » d’Elton John, la chanson « When The Wind Blows » de David Bowie, la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou, le poème « Le Fil Pensée » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval (avec Patrick Laviosa jouant au piano « Autant en emporte le vent »), le film « Gone With The Wind » (« Autant en emporte le vent », 1939) de Victor Flemming, le film « Maurice » (1987) de James Ivory (qui commence par une scène de cerfs-volants), le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau, le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer), le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec le vent dans les arbres, régulièrement filmé), le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec les images d’éoliennes dès le début), le film « Vent chaud » (2020) de Daniel Nolasco, la chanson « Aire Soy » de Miguel Bosé et Ximena Sariñana, la chanson « Veux-tu danser ? » de Michel Rivard, etc.
Par exemple, dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Hugo le héros homosexuel travaille son adaptation théâtrale des Hauts du Hurlevent. Dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, Émilie compare la propriété terrienne de son amante Gabrielle (Bois-Rouge) à « Tara, la propriété de Scarlett O’Hara, dans Autant en emporte le vent » (p. 50). Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le héros homosexuel fait du cerf-volant avec l’un de ses amants. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Dom, le mari d’Aysla (l’héroïne lesbienne), construit des éoliennes. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Vincent et Jean, deux co-équipiers homosexuels de water-polo, font un play-back sur la chanson « Sous le vent » de Garou et Céline Dion. Ça arrive à plusieurs reprises dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont que les deux amants homos, Léo et Rémi, imitent en expirant le souffle du vent, pour se prendre pour le vent en personne.
« Moi, j’aime les choses avec de l’air. » (l’un des héros homosexuels du film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio) ; « Il nous faut du vent. » (cf. la chanson « Il nous faut » de Tom Dice et Elisa Tovati) ; « J’aime les fleurs et le vent dans les branches. » (Aldebert dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) ; « C’est un moment fort où se réveille l’eau qui dort, un moment clair où je me confonds à ta chair. C’est le vent qui court sous la peau. Et c’est t’apprendre avec les doigts qui me rend tout chose. » (cf. la chanson « Les Voyages immobiles » d’Étienne Daho) ; « Hmmm… Sacré courant d’air aujourd’hui. » (Arnaud, le héros homo, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Ce que tu fais, c’est du vent ! Tu es l’armée de l’air à toi tout seul ! » (Cecilia la couturière cassant Dallas, son assistant homosexuel, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien) ; etc.
Il arrive même que le héros homosexuel se prenne pour le vent : cf. le film « Los Hijos Del Viento » (1995) de Fernando Merinero, le film « Quatre garçons dans le vent » (1964) de Richard Lester, etc. « Moi je suis comme le vent. » (cf. la chanson « L’Alizé » d’Alizée) ; « J’suis un enfant de la pollution. Le nez au vent, je respire vent. » (Ziggy, le héros homosexuel de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Être soi, marcher dans le vent. » (c.f. la chanson « Désobéissance » de Mylène Farmer) ; « Il avait viré comme le vent. » (c.f. la chanson « L’Oubli » de Michel Rivard) ; etc. Il est un courant d’air, une victime de la mode. Il s’identifie à ses pulsions, marche au gré de ses fantasmes. Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, accorde une importance désirante, fantasmatique et identitaire très forte au vent (« Soy un amante de la libertad. Soy libre como el viento. » entend-on à un moment donné), au souffle des femmes (« La plus grande différence des femmes, c’est leur souffle. Il varie tout le temps. »). Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca rentre dans la peau d’une actrice vieillissante qui fait des publicités, Marie-Astrid : « Dans ‘Autant en emporte le vent’, en 1939, c’est moi qui faisais le vent. »
C’est parce qu’il se prend pour le fils du vent. Par exemple, dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon surnomme son propre père « Vooouin » tellement il est un homme qui passe vite, qui est absent ou qui se comporte comme un courant d’air.
L’image-mouvement cinématographique ou littéraire, symbolisée par le vent, suscitant souvent le désir homosexuel ou bisexuel chez le personnage homosexuel. « ‘Il a peur du vent, c’est certain’, et Quintus m’observait en train de feuilleter son livre. » (Garnet Montrose dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 148) ; « Il faut tourner les pages, ok, mais y’a du vent. » (cf. la chanson « Chapitre-toi » de Mélissa Mars) ; « Nous sommes loin de sa belle démarche immobile. Orphée et son guide se traînent, tour à tour empêchés et emportés par un grand souffle inexplicable. » (la voix-off de Jean Cocteau décrivant la descente en enfer d’Orphée et d’Heurtebise collés contre un mur, dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) ; « Jolie, crinière au vent, ses dessous dépassant de l’ouverture du fourreau pailleté, boitant sur une seule chaussure, traînant d’une main le renard, de l’autre son sac, le [Silvano] suivit sans rien dire. […] Son maquillage dégoulinait. Jolie de Parma, celle qui l’avait tant ému au cinéma ! réalisa-t-il tout d’un coup. Hier encore, vous étiez mon idole, mon idéal de femme. » (Silvano dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, pp. 22-23) Par exemple, dans le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef Von Sternberg, le professeur Emmanuel Rath souffle sur la carte postale de Lola Lola (Marlene Dietrich) pour lui insuffler la vie de ses fantasmes (et soulever sa robe !).
Quelquefois, le vent est personnifié et sentimentalisé par le héros homosexuel, qui se rend totalement esclave de lui : cf. le premier recueil de poésies Perfil Del Aire (1927) de Luis Cernuda, la chanson « Laisse le vent emporter tout » de Mylène Farmer, etc. « C’est un vent étrange que je n’ai jamais senti dans aucun autre endroit. C’est un vent léger et qui m’aime. » (Marta dans le film « Hammam » (1996) de Ferzan Ozpetek) ; « La nuit dernière, j’ai rêvé que je volais au-dessus de Hendon [États-Unis]. Le vent m’entourait de tous les côtés, mes poumons en étaient remplis. Hendon s’étalait sous moi. » (Ronit, l’héroïne lesbienne, se prenant pour un oiseau, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 301) ; « Malcolm se leva et fit signe à Adrien de le suivre. Il le conduisit dans une petite pièce adjacente. Il alluma la lumière et tendit le bras : ‘Regarde, c’est beau non ? Tu vois, ça c’est celui je préfère !’ Adrien s’approcha. Un enfant dont le visage n’était pas vraiment celui d’un enfant, plutôt celui d’une créature sortie d’un monde fantastique, mi-homme mi-volatile, chevauchait une bicyclette aux roues enflammées. La chevelure abondante, prise au vent, ressemblait à un plumage d’oiseau. Le plumage d’oiseau qui vole à contresens. Le rouge et l’orange dominaient. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 30) ; « Dehors, par la porte-fenêtre encore ouverte, c’est toujours l’été, toujours le soleil, à peine un léger souffle qui fait se soulever un rideau, une chaleur, une douceur sur tout. » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 22) ; etc.
Le vent symbolise tout bêtement le désir homosexuel : « Il est difficile de traduire avec des mots d’adulte ce que j’ai ressenti : un souffle d’air pur, de vent… » (Suzanne décrivant son premier émoi lesbien, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 22) ; « Je la vis en bas des marches – avec elle, un courant d’air chaud s’engouffra dans la cage d’escalier. » (Laura parlant de son amie Sylvia, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 160) ; « J’ai eu envie de me branler. Je me suis mis sur le dos, j’ai gardé les yeux entrouverts […]. Je voyais se découper sur le ciel des visages, des corps habités, des sexes multiformes et des culs sculptés. Le vent mélangeait tout ensemble et remuait les feuilles froissées derrière moi. » (Claudio, l’un des héros homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 103) ; « … De nouveau mon cœur frémit sous Eros, comme les chênes des monts sous l’assaut du vent. » (la poétesse lesbienne Sappho) ; « Au bord du flot il s’arrêta, la tête basse, traçant de la pointe du pied des figures sur le sable humide ; puis il entra dans la flaque marine qui à son endroit le plus profond ne lui montait pas au genou ; il la traversa et avançant nonchalamment il atteignit le banc de sable. Là il s’arrêta un instant, le visage tourné vers le large ; puis se mit à parcourir lentement la longue et étroite langue de sable que la mer découvrait. Séparé de la terre ferme par une étendue d’eau, séparé de ses compagnons par un caprice de fierté, il allait, vision sans attaches et parfaitement à part du reste, les cheveux au vent, là-bas, dans la mer et le vent, dressé sur l’infini brumeux. » (le narrateur homosexuel décrivant le jeune et beau Tadzio, dans le roman La Mort à Venise (1912) de Thomas Mann, p. 107) ; etc. Par exemple, dans son roman Les Oiseaux (414 av. J.-C.), Aristophane fait naître Éros bisexué d’un « œuf sans germe », fruit du vent, pondu par « la nuit aux ailes noires, avant toute chose ».
b) Un vent pas comme les autres :
En général, le vent dépeint dans les fictions homo-érotiques n’est pas doux du tout. Il a la violence de la rafale ou du souffle inconsistant. À l’instar des passions, il domine le héros homosexuel et lui fait oublier son identité : cf. le film « Accroche-toi, y’a du vent ! » (1962) de Bernard Roland, etc. « Le vent est parfois si méchant. » (Suki, l’héroïne lesbienne parlant de son billet envolé et qui lui a fait perdre son train, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Comme une vague se retire pour mieux revenir, mes sentiments refirent surface avec une force inouïe, décuplée et incontrôlable. J’étais comme le capitaine d’un navire perdu en pleine tempête, sans savoir quoi faire. Parfois persuadé qu’il valait mieux faire demi-tour, parfois convaincu de mon insubmersibilité et qu’il fallait au contraire aller de l’avant. Mais peu importe puisque la barre ne répondait plus et que j’allais au hasard, porté par les vents, par cette force invisible qui s’appelle l’amour et qui n’obéit à aucune règle, à aucune loi ni à aucune logique. » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 36) ; « Le vent se chargera de disperser nos paroles de même qu’on efface des mots sur une page. » (Brittomart s’adressant à Fabien, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 72) ; « Je veux bien que tu sois libre mais, Lou, tu n’es pas un tigre dans le vent de l’aventure ni dans le sens du destin ! » (Solitaire à sa fille Lou dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Mon cœur est confortable, bien au chaud, et je laisse passer le vent. Mes envies s’éteignent, je leur tourne le dos, et je m’endors doucement. Sans chaos ni sentiment. » (cf. la chanson « Si maman si » de France Gall) ; « Vous vous étiez compromis entre vous, pédés et gouines, à ventiler vos problèmes sans venir nous emmerder ! » (Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Quel vent bizarre ! J’avais jamais vu de vent si noir ! » (Venceslao dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi) ; « Effaçons-nous, car le vent commence à souffler. » (cf. dernière réplique de Raulito à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « C’est le début du printemps, les frimas d’avril, elle laisse derrière elle les arbres que le vent fait frissonner, une jeunesse pauvre et digne, des illusions peut-être et elle pénètre dans la chaleur artificielle d’une ancienne demeure bourgeoise reconvertie en maison close. Elle vient vendre son corps puisque c’est tout ce qu’il lui reste. » (Vincent, le héros homosexuel décrivant la mère d’Arthur, son amant, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 203) ; « L’air est si salé qu’il ronge le béton et le fer. » (Donato s’adressant à son amant Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; « Les fenêtres de l’immeuble abandonné n’avaient pour la plupart plus de vitre. La lumière brilla une nouvelle fois, faible et vacillante ; cela pouvait-il être le vent qui s’engouffrait par une fenêtre sans carreau, et qui faisait trembler une flamme ? » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, pp. 56-57) ; « La lourde porte en bois s’ouvrit en grinçant, laissant s’engouffrer une rafale de vent et de feuilles mortes dans l’allée centrale. » (idem, p. 125) ; etc.
Par exemple, dans son one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, travesti M to F, habite un village « où il y a un vent à décorner tous les cocus ». Dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès, il est question d’« un vent venu de nulle part ». Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Giraudie, on entend toujours le vent, et pas du tout de musique : il est annonciateur de la mort de presque tous les protagonistes. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, l’un des héros homosexuels, Négoce, fait mention du « plus redouté des vents du Nord » ; et en effet, sur scène, le vent ouvrant et fermant violemment les quatre fenêtres de la maison bourgeoise homo-hétéro décoiffe tous les personnages homosexuels et les conduit à la mort.
Le vent rend objet, amnésique, transforme certains personnages en électrons libres : « Je sais à peine comment je m’appelle : Polvareda. Peut-être qu’un vent m’a poussé de quelque part. Je n’ai ni foi ni patrie. Je suis une menteuse, ça oui, et je sais seulement que je mens. » (cf. le poème « Polvareda » de Copi, publié dans l’ouvrage La Pyramide ! / Loretta Strong (1999), pp. 99)
Le héros homosexuel essaie de freiner la course du vent/désir (cf. je vous renvoie à la grande place qu’occupent les paravents dans les œuvres homosexuelles : cf. le code « Maquillage » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « C’est là où vous me direz : laisser tomber les chiens, asseyez-vous sur une dune, allumez une cigarette en faisant paravent contre le vent avec vos mains en cornet et pensez à quelque chose d’autre. Je vous soupçonne d’avoir eu un chien dans votre jeunesse, ça c’est une idée typique d’un maître de chien, Maître. Connard. » (la voix narrative du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 13) Par exemple, dans sa chanson « À force de retarder le vent », le chanteur Jann Halexander parle d’un « vent retardataire ». Dans la comédie musicale Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, s’y trouve dépeint un personnage homosexuel nommé « Fauche-le-vent ».
Chez l’artiste bobo homosexuel, le vent occupe une place très importante. Ce dernier esthétise sa déprime amoureuse au point de la rendre (au moins à ses yeux) belle/beau. Quoi de plus bisexuel que le vent ! Quoi de plus sanctifiant et rassurant que l’identification narcissique à l’Esprit-Saint ! Mais c’est un désir de feuille morte… « Je vais comme les gens de rien vers le destin. […] une brindille dans le vent, une goutte d’eau dans l’océan. » (cf. la chanson « Boulevard des Rêves » (2011) de Stéphane Corbin) ; « Il fixa des yeux une tache sur son bouvard. […] C’était une tache d’une forme bizarre qui fait songer à l’ombre d’une main sans pouce. […] Cela ressemblait à une main de voleur, mais de voleur qui eût volé autre chose que de l’or. ‘Un voleur de vent’, murmura Fabien. Et plus haut il répéta : ‘Voleur de vent, voleur de vent.’ » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 29)
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
a) Le vent amoureux du désir homosexuel :
Ce n’est pas un hasard si une grande partie de l’équipe du film « Gone With The Wind » (« Autant en emporte le vent », 1939) de Victor Flemming (et notamment le décorateur George Cukor), était homosexuel. Dans l’imaginaire collectif, les personnes homosexuelles sont même parfois prises pour des vents, des courants d’air, des victimes de la mode : cf. l’émission de télé Queer : Cinq experts dans le vent (2004) sur la chaîne TF1.
On observe une attraction particulière, esthético-érotique, des personnes homosexuelles pour le vent. Beaucoup d’œuvres homosexuelles utilisent l’air du ventilateur pour angéliser et diviniser leur modèle : cf. le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi (avec la chanteuse transsexuelle M to F au chant de velours, avec les cheveux battus par le vent artificiel d’un ventilo), les vidéo-clips « Don’t Tell Me » et « Frozen » de Madonna, le vidéo-clip de la chanson « 2 Become 1 » des Spice Girls, les vidéo-clips « XXL », « Dégénération » et « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, l’affiche du concert Mylenium Tour (1999) de Mylène Farmer sur son échelle, la pochette de l’album « Post » de Björk, la charge esthétique du vent dans les mangas japonais, Shadoh interprétant « Rodéo » dans l’émission The Voice 2 (2013) sur la chaîne TF1, etc.
Cette attraction homosexuelle pour le vent s’accompagne régulièrement d’une fascination artistique pour les ralentis, qui donnent un effet aérien et du pathos à certaines scènes filmiques/réelles (souvent comiques au départ… et mélancoliques à la fin) : cf. le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, la pièce Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, le vidéo-clip de la chanson « Kelly Watch The Stars » du groupe Air, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, le vidéo-clip « Stranger In Moscow » de Michael Jackson, etc.
Par exemple, le peintre britannique Francis Bacon est fasciné par les successions de photos sérigraphiques en noir et blanc d’Eadweard Muybridge (cf. le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton). Dans son autobiographie Impotens Deus (2006), Michel Bellin dit son attrait pour la sensualité du « ralenti cinématographique » (p. 63).
Le vent symbolise tout bêtement le désir homosexuel. Pour prouver que l’homosexualité est un élan aussi naturel que le vent, beaucoup de réalisateurs aiment filmer le vent dans les arbres : cf. le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitmann, le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, etc.
b) Un vent pas comme les autres :
En général, le vent dépeint par les personnes homosexuelles n’est pas doux du tout. Il a la violence de la rafale ou du souffle inconsistant. À l’instar des passions, il les domine et leur fait oublier leur identité : « Je voulais dire beaucoup de choses. Des histoires secrètes. Des mots d’été chauds. Mes impressions, ce que ce petit chef m’inspirait, les torrents qu’il était en train de provoquer en moi. Le feu. Le sang. La glace. Le vent. Je voulais surtout qu’il sache que malgré tout ce qu’on disait sur moi à Hay Salam, ‘la petite fille’, ‘la poupée’, malgré tous les surnoms de trahison j’étais encore vierge. Vierge vierge. Vierge des fesses. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 20-21) ; « Elle est venue, la star blonde de l’époque, bien des années plus tard, à Paris. Je traversais avec elle l’esplanade du Trocadéro, un jour d’orage. J’ai senti que je ne marchais plus dans la réalité, que nos corps étaient aplatis sur un écran blanc. Que le vent l’arrachait au sol et la faisait virevolter en l’air. J’ai bien regardé son visage. Vous vous ressemblez comme deux gouttes d’eau. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 170) ; « Les amourettes inquiètes d’homosexuel enténébré qui étoffent mon vieux passé personnel, malgré leurs émotions et leur poésie, n’ont laissé en moi que des traces de vent. » (Henry Creyx, Propos décousus, propos à coudre et propos à découdre d’un chrétien homosexuel, Éd. Thélès, Paris, 2005, p. 31) ; etc.
Chez l’artiste bobo homosexuel, le vent occupe une place très importante. Ce dernier esthétise sa déprime amoureuse au point de la rendre (au moins à ses yeux) belle/beau. Quoi de plus bisexuel que le vent ! Quoi de plus sanctifiant et rassurant que l’identification narcissique à l’Esprit-Saint ! Mais c’est un désir de feuille morte… Par exemple, lors de son concert Les Murmures du temps au Théâtre de L’île Saint-Louis Paul Rey en février 2011, le chanteur Stéphane Corbin évoque sans cesse, avec complaisance narcissique, la fuite de son désir, de sa liberté : « J’entends le vent. » ; « Depuis ce jour d’hiver précoce, giflé par les rafales d’un vent d’est… »
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