Amant modèle photographique
NOTICE EXPLICATIVE :
Mon amour tout petit dans mon appareil
Il est fréquent de voir dans les œuvres traitant d’homosexualité des héros homosexuels exercer le métier de photographe, ou bien passant leur temps à prendre en photo la/les personne(s) qu’ils désirent amoureusement. D’ailleurs, ces personnages avouent parfois avoir ressenti leurs premiers émois homosexuels devant des hommes photogéniques, très médiatisés, attirant massivement à eux les flashs des journalistes et des photographes. Ces modèles hétéros de magazine font la couverture des magazines gays actuels, et illustrent que l’homme-objet est le dieu de la communauté homo. Généralement, le personnage homo/lesbien qui mitraille son amant(-e) parce qu’il l’idéalise et désir l’immortaliser, ne le/la respecte pas tant que ça : symboliquement, il le/la traite comme un objet de consommation, il le/la rapetisse (au point qu’il peut parfois le/la transformer en nain(-e) : c’est bien une miniaturisation qui est opérée par le biais du smartphone ou de la caméra portable), il le/la réifie. En d’autres termes, il le/la méprise. Cet(-te) amant(-e) photographié(-e) devient un trophée manipulable à souhait et qu’il est facile d’utiliser comme faire-valoir personnel. Et comme il/elle est pourtant bien vivant(-e) dans le monde réel et qu’il/elle ne se laisse pas mettre le grappin dessus parce qu’il/elle tient à sa liberté, il arrive tôt ou tard qu’il/elle se venge de cette entreprise de possession sur son Pygmalion fasciné.
N.B. : Je vous renvoie également les codes « Pygmalion », « Photographe », « Amant narcissique », « Miroir », « Peinture », « Voyeur vu », « Espion », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Poupées », « Doubles schizophréniques », « Obèses anorexiques », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Tomber amoureux des personnages de fiction ou du leader de la classe », « Femme fellinienne géante et pantin », et « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) Le personnage homosexuel réifie son amant par la photo :
Dans beaucoup de fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel prend son copain en photo ou au piège de sa caméra : cf. le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver, le film « Surveillance » (2007) de Paul Oremland, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (Éric filme Romain), le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore (Steven photographie l’équipe de foot de son université, et notamment son amant), le film « Passion » (1964) de Yasuzo Masumara, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Fluffer » (2001) de Richard Glatzer, le film « Saturn’s Return » (2001) de Wenona Byrne, le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, le film « Eclipse » (1995) de Jeremy Podeswa, le film « Fucking Amal » (1998) de Lukas Moodysson, le film « La petite mort » (1995) de François Ozon, le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant (avec Scott comme modèle photographique d’Harvey Milk), le film « Smooth » (2009) de Catherine Corringer, le film « Ghosted » (2009) de Monika Treut (Mei-li est une mystérieuse journaliste qui suit Sophie Schmitt), le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (Emmanuel filme Omar), le film « Free Fall » (2013) de Stephan Lacant, etc.
Par exemple, dans le film « Les Chansons d’amour » (2007) de Christophe Honoré, Erwan photographie Ismaël avec son téléphone portable. Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Pablo prend au départ Bruno (son futur amant) pour un sosie d’une photographie que possède sa copine Laura. Plus tard, en faisant plus ample connaissance, les deux copains n’arrêtent pas de se prendre l’un l’autre en photo. Dans sa chanson « Vis-à-vis », Étienne Daho se met dans la peau d’un photographe obsédé par un modèle qu’il épie en secret : « Témoin ensorcelé sans répit, je photographie à ton insu toute ta vie. » Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques prend en photo (avec un appareil jetable) un beau garçon qui attend avec lui dans la salle d’attente de l’hôpital. Il fait de même par la suite avec Arthur, son amant. Dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn, quand Peyton et Elena, les deux héroïnes lesbiennes, feuillettent le « book » d’Elena, photographe, Peyton flashe sur une des photos d’Elena posant elle-même comme modèle, sans savoir que c’est elle. Peyton prend cette intuition pour une confirmation d’amour. Plus tard, Elena veut absolument faire un portrait photo de Peyton. Le film « En colo » (2009) de Pascal-Alex Vincent s’achève sur une photo prise dans le bus et qui atteste que le couple homosexuel entre Matthieu et Maxime s’est formé. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, le couple Julien/Yoann est filmé en « sextape » par la belle-mère de Julien, Solange. Plein de photos ont été prises pour exercer un chantage. Ça n’a pas l’air de déplaire à Yoann, tout excité d’avoir été capté dans ses ébats intimes : « Elle nous a pris en photo !! »
Face à sa proie, l’amant homosexuel est parfois très insistant. « Les clins d’œil s’étaient tellement multipliés que j’aurais juré qu’il prenait des photographies de moi dans mon lit de douleur. » (Jean-Marc décrivant Gerry dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 99) ; « Je te filme avec les lunettes. » (Anton s’adressant à son amant Vlad dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; etc. Par exemple, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne, qui a obtenu des jumelles en jouet de Happy Meal au Mc Donald’s scrute de près sa meilleure amie lesbienne Marie : « Trop bien ! Je vois les pores de ta peau ! » Ça saoule Marie : « J’en ai marre de tes conneries de gamine. »
Le personnage homosexuel croit vraiment que la photo de l’homme qu’il désire a le pouvoir de s’animer au contact de ses yeux… ou de ses mains. Par exemple, dans la nouvelle « La Chaudière » du recueil Le Mariage de Bertrand (2010) d’Essobal Lenoir, le personnage gay a trouvé l’excuse du reportage-photos journalistique pour se rincer l’œil en toute bonne conscience : « Le rugby se mit à me plaire et, piètre joueur, malgré mes muscles inutiles, je devins une sorte de photographe officiel du club. La photo était un solide alibi dans mon admiration de la beauté. » (p. 22) Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, George médite sur son amour pour Jim, son amant disparu, qu’il fait revivre par une photo où Jim est nu. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, cache des photos pornos (en réalité, ce sont des reproductions de tableaux) dans sa valise : cela fait scandale à l’hôtel mexicain où il loge. Plus tard, il regarde dans un théâtre un film où il se trouve lui-même avec son amant Palomino. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, Nathan raconte qu’il s’est sentimentalement et homosexuellement identifié à un couple gay apparemment idyllique aperçu sur une photo, resté longtemps ensemble avant que la maladie du Sida ne mette fin à leur idylle et n’emporte l’un des deux membres, Keany : « Il s’appelait Keany. On aurait dit un monstre. » Dans l’épisode 86 « Le Mystère des pierres qui chantent » de la série Joséphine Ange-gardien, diffusée sur la chaîne TF1 le 23 octobre 2017, Louison est grillée pour son homosexualité par des photos prises sur téléphone portable à une soirée, où elle enlace – à la base amicalement – sa meilleure amie Clara. « Ils l’ont salie, cette photo. » (Louison) Finalement, Louison finit par se résoudre, suite à ce quiproquo, à faire son coming out.
On se doute d’ailleurs que le protagoniste homo ne se contente pas de regarder les photos de son amant, mais qu’il doit parfois se soulager avec… : « J’ai adoré les photos de vacances que tu m’as envoyées. On distingue ton torse à travers le vêtement mouillé : tu deviens un une homme charmant. Si tu as d’autres photos après une baignade nudiste… je suis preneur ! » (Randall s’adressant son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) ; « Vous me faites penser aux gens qui regardent des photos d’art de modèles nus en ayant la gaule. Tous ces gens qui n’ont pas encore compris que l’art ne servait pas à bander lamentablement. » (Polly, l’héroïne lesbienne s’adressant à ses potes gays Simon et Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 36) ; « On s’est filmés aussi, à notre soirée soubrette. » (Jean en parlant de son couple avec Juan, dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis) ; etc.
La réaction de l’amant photographié n’est évidemment pas complaisante sur la durée. Aucune personne ne se laisse photographier gratuitement longtemps ! Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan n’est pas épargné par l’appareil photos de son copain : « Kévin photographiait tout… Il me mitraillait surtout. » (p. 16) Or il ne prend pas si bien que cela cette violation d’intimité, même si elle l’a flattée dans un premier temps : « Oh l’espion ! J’étais surveillé, photographié, sans m’en apercevoir ! » (p. 115) Bryan finit par reprocher plus tard à Kevin de l’avoir « réduit », en quelque sorte : « Je me suis toujours senti peu de chose à tes côtés. » (p. 299) Autre exemple : dans la pièce La dernière danse (2011) d’Olivier Schmidt, Paul découvre avec stupeur que son amant Jack a pris en cachette des photos de lui pour vendre ses propres articles à prix d’or à la press people. Il décide alors de se venger de lui en se suicidant.
b) Amant miniature :
Entre le personnage homosexuel et son amant-icône s’instaure une inégalité : en général, l’un devient grand, et l’autre est miniaturisé, comme enfermé dans un mouchoir de poche (en l’occurrence un appareil photos !). Cela donne un duo à la Laurel & Hardy assez étrange.
Mimi – « Nous sommes bien nous deux, Sire !
Fifi – Grande Fifi…
Mimi – … et petite Mimi ! »
(Mimi et Fifi les deux clochards travestis M to F dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi)
On peut penser à l’amant-nain miniature dans la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick, à Manu l’homme miniature dans le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné, à Bruno l’amant miniature sur le Capitole dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, à Élie Sémoun et Dieudonné en régisseurs de plateau homosexuels, à l’iconographie de Régis Laspalès et Philippe Chevallier pour les publicités de la Matmut, à l’amant miniature dans la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (vers 1650, adaptée en 2008) de Cyrano de Bergerac, au roman Dans le creux de sa main (1988) de James Purdy, à Laurel et Hardy dans les films « Héros de l’Alaska » (1923) de Ralph Ceder et « That’s My Wife » (1929) de Lloyd French, au film « The Big Doll House » (1971) de Jack Hill, à l’amant miniature dans la pièce « Little Big Man » (1970) d’Arthur Penn, au film « Mala Noche » (1985) de Gus Van Sant, à Peter et Oscar dans le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, à Éric et Ramzy dans le film « La Tour Montparnasse infernale » (2000) de Charles Némès, à l’amant minuscule enfermé dans l’anus de son partenaire dans le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte, aux photos de Jean-Yves Piton, aux tableaux de Manu Lebon, au tableau Le Glaive (1973) de Jacques Sultana, au spectacle Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou, à la chanson « Lisa tu étais si petite » de Faby, à Didier le grand et Bernard le maigre de la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Céglia, au film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche (avec l’insistance sur la place de l’adjectif « petit » dans la pièce classique Antigone), au film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser, au film « Alice In Wonderland » (2010) de Tim Burton (avec Alice, fille miniature), à la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi (avec Julien Alphand et Tommi Panthor, les deux miniaturistes), à la pièce Loretta Strong (1978) de Copi, etc.
Certains couples homosexuels fictionnels semblent suivre à la lettre l’adage populaire « Les opposés physiques s’attirent » : « Y’en a un qui est très grand. Y’en a un qu’est pas beau. Ramon et Pedro sont des rigolos. Ramon et Pedro aiment le tango. » (cf. la chanson « Ramon et Pedro » d’Éric Morena)… comme pour dire que le duo homo est mal assorti. « Rien ne nous assemble, Julien et moi. Nous sommes terriblement déviés l’un de l’autre. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 156) ; « La nuit dernière, j’ai fait un rêve. Tout était noir et doux. J’étais dans quelque chose de chaud et de palpitant. J’y allais à tâtons. Je savais pas où j’étais, comme ça, tout nu. C’était de la peau, partout. Et à la fin du rêve, quand je me suis réveillé, vous avez ouvert votre main, j’étais dedans. Vachement symbolique ? » (Julien Brévaille, idem, p. 40) ; « Un petit Italien vient m’inviter danser, c’est un vrai nain mais très bien fait. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 160) ; « Pourquoi tu es plus grand que moi ? » (Anton, le héros homosexuel s’adressant à Audrey, son pote qu’il va découvrir homophobe, dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; « Ma chambre [d’hôtel] est à peine assez grande pour un homme de ma taille. » (Jacques) « Mais je peux me faire tout petit. » (Arthur, l’amant de Jacques, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc.
On observe ce décalage de tailles/hauteurs entre les amants du film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier : « Être amoureux, c’est ça. C’est comme si tu montais sur une chaise. » dit Lionel à Loïc. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc décrit le couple homo Gerry/Dan d’une drôle de manière : « Gerry était parfaitement rond. Je n’avais jamais vu quelqu’un d’aussi rond de ma vie. […] Quant à Dan, on s’en serait douté, c’était son antithèse parfaite. Long. Placide. Immobile. Pâle. » (p. 94) Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Jenko (le grand musclé) et Schmidt (le petit gros) joue à former un couple. « T’étais anti-gays au lycée. Même avec moi… » Dans son one-woman-show Chaton violents (2015), Océane Rose-Marie raconte que ses deux chats sont inversement proportionnés : Froustinette, le félin, fait cinq fois la taille de Craquinette, la chatte fatale qui fait sa star. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, il y a Thomas le petit et François le grand… enfin, c’est en tout cas comme ça que les amants se présentent eux-mêmes. Ils se définissent eux-mêmes comme « le petit » par rapport « au grand ». Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, se fait surnommer « Little » par ses camarades. Et face à son protecteur, Juan, un dealer plus âgé que lui, il se laisse miniaturiser : « Repose-toi sur ma main. »
Par exemple, dans le roman lesbien À ta place (2006) de Karine Reysset, Cécile fait rapetisser son amante Chloé : « Chloé est encore plus petite que dans mon souvenir, toute menue. » (p. 23) ; « Depuis le message sur le répondeur, je n’arrête pas de brasser, remuer les souvenirs, […] Tout tourne autour de moi, les petites Chloé et moi aussi en miniature, à différents âges, poupées gigognes, poupées russes […]. » (idem, p. 45) Dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, l’amante est comparée à une danseuse de boîte à musique (« D’un seul baiser Mathilde saurait relancer la musique et que danse la ballerine. » p. 69) qui peut également jouer le rôle du King Kong géant : « Vue d’en bas, elle n’est pas spécialement belle. Ses doigts qui emprisonnent ma paume sont une étreinte profonde et rutilante. » (idem, p. 13)
Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum, homosexuel, suit en thérapie un couple gay Benjamin/Arnaud parce qu’Arnaud ne s’assume pas comme homo. Benjamin et Arnaud affirment : « On est en collocation. Comme Astérix et Obélix. » Arnaud est petit de taille face à l’armoire à glace qu’est le docteur, ce qui fait dire ironiquement à ce dernier : « De là où vous êtes, je dois paraître immense. » Benjamin rétorque alors au médecin : « C’est pas la hauteur qui compte. C’est le goût. »
Comme exemples parlants de miniaturisation de l’amant dans les œuvres homosexuelles, on remarque que le héros homosexuel réduit souvent son compagnon à une seule partie de son anatomie, ou bien prétend qu’il le contient tout entier dans le creux de sa main. Par exemple, dans le film « Ma Mère préfère les femmes » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, Elvira regarde le pied d’Eliska au moment de lui faire l’amour, et le montre comme un fétiche métonymique de toute sa personne. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François, pour se faire pardonner de dépenser tout l’argent de son amant Thomas, le surnomme « mon Tom-pouce ». Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Elsa s’étonne de la taille de la main de Pedro (« Qu’est-ce que ta main est grosse… ») ; et celui-ci de répondre une chose surprenante : « Fais vite avant qu’elle rétrécisse. » Dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer, Simone dit à Janine : « Vous êtes à ma main. » La métaphore de l’amant abrité au chaud dans la main, comme un oisillon tombé du nid, passe pour de l’amour : « J’adore les petits formats. Surtout ne grandissez pas. » (Héloïse à sa compagne Suzanne, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 312)
« Mais comment l’embrasser, la baiser, cette main royale, propre, tellement propre ? Comment ? Qui est-ce qui peut me le dire ? […] Je prends la main du Roi dans les miennes. Je suis courbé. Complètement. Parfaitement. Je sens la main de Hassan II. Je la respire. » (Khalid, le héros homo du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 17) ; « Il couvrit à nouveau tout entier mon tremblement. Oiseau tombé du nid grelottant dans la main d’un géant. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Carapace » dans le recueil Le Mariage de Bertrand (2010) d’Essobal Lenoir, p. 15) ; « Terrorisé, je m’imaginais prisonnier comme une guêpe dans la main d’un géant, Neptune coprophile régnant au fond de la fosse. » (idem, p. 11) ; « Vous êtes plus grand que sur les photos. » (Sammy, le père homo refoulé, s’adressant à son collègue chercheur homo Oliver, dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino) ; etc. La grandeur de l’amant par rapport à sa propre petitesse peut être ressentie par le héros homosexuel comme une protection aimante : « David m’apparaît d’un coup, occupe tout mon espace. Des mains me soulèvent. Son visage s’approche, disparaît, m’embrasse dans le cou. » (le narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 11) ; « Elle me tient dans la main et tout ira bien. » (Mathilde dans le film « Mathi(eu) » (2011) de Coralie Prosper) ; « Derrière la vitre je l’observe, assis sous l’abribus ensoleillé. Son pantalon est trop petit, son front trop plat, ses yeux dépourvus de regard. Ses cheveux ressemblent à des poils de radis noir trempés dans l’huile de tournesol, mais peignés soigneusement. » (le narrateur homosexuel du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 11) ; « ton tout petit grand frère. » (idem, p. 171) ; « L’auteur oubliait que malgré la légende, le sexe des gorilles est inversement proportionnelle à leur taille. » (Essobal Lenoir, « De l’usage intempestif du condom dans la pornographie » (2010), p. 99) ; « Comme dans un conte de fées, l’ogre se transforma en un prince de légende […] dont on peinait à croire qu’il était issu de cet œuf pourri. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Queue du diable » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 117) ; « Salut, c’est mon petit copain : 1m20. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Je suis pédé. Tout petit comme ça. Je suis pédouille. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Il était avant tout un nain, creusant des galeries obscures dans les mines de la littérature, à la recherche d’un filon scintillant. Il était un conservateur de rêves. Oui, le dernier archiviste d’histoires futiles.[…] Beaucoup, beaucoup étaient ceux qui l’avaient désiré, avaient désiré surtout le transformer en un objet d’art malléable. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), pp. 171-172) ; « Son visage se tordit tandis qu’il regardait le labyrinthe de livres. Littérature ! Littérature – les Olympiades des nains de jardin ! Bavardage des déments ! » (idem, p. 176) ; « Et je les veux à notre effigie : un mini-Christophe et un mini-moi. » (Antoine parlant de la pièce montée de son mariage avec Christophe, dans le téléfilm « Le Mari de mon mari » (2016) de Charles Nemes) ; etc.
Dans le roman lesbien La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, on voit à nouveau que les amantes ne sont pas de la même corpulence, et que cette différence n’est pas réaliste : « J’avais oublié combien elle était fragile. Sur le moment, j’ai été incapable de penser à autre chose ; appuyée contre moi, elle reposait entre mes bras et sur ma poitrine, et je la sentais à peine tant elle était légère. » (Ronit par rapport à Esti, p. 142) ; « Esti observe Ronit, elle aussi. Elle se dit que Ronit a l’air d’avoir rapetissé par rapport à autrefois. Ce n’est pas qu’elle a vraiment rapetissé, Esti le sait, mais plutôt qu’elle paraissait tellement plus, avant. À une certaine époque, Esti pensait que le visage de Ronit contenait le monde, alors que maintenant c’est un visage, rien de plus. » (p. 299)
La pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset rend très bien scéniquement ce décalage entre les amants homosexuels : Jean-Louis est juché sur une chaise géante, tandis que Paul n’arrive pas à l’atteindre. Dans le film « L’Homme que j’aime » (1997) de Stéphane Giusti, traitant du Sida, le rapport corporel entre Martin et Lucas est tout aussi inégalitaire : « Quand je l’ai pris dans mes bras, il était léger comme un gosse, j’avais presque peur de lui faire du mal. »
À ce sujet, les deux amantes Stephen et Mary du roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall ont un dialogue quasi surréaliste : « Vous êtes si petite que vous serez perdue, dans un bureau. » dit Stephen ; « J’ai cinq pieds cinq pouces ! » lui rétorque sa compagne. Ce à quoi la première répond : « Vraiment, Mary ? En tout cas, vous me semblez petite. » Mary conclut : « C’est parce que vous êtes si grande. Comme je voudrais grandir un peu ! » (p. 374)
La différence de taille entre les amants peut être l’indicateur d’un (fantasme de) viol. Par exemple, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Franz, l’un des héros homos, raconte son premier émoi homosexuel : c’était par rapport à son beau-père « avec les jambes grosses comme un footballeur ». Il rêve à deux reprises que l’amant de sa mère pénètre dans son lit d’adolescent : « Puis il est venu dans mon lit. J’avais l’impression de devenir de plus en plus petit. Comme une fille. Puis il est rentré en moi. » Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel regarde du haut de l’immeuble son amant Omar en train de marcher dans la rue, et qu’il a violé. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, se rêve en miniature dans sa propre trousse de toilettes, ou blotti (tout petit et dans un élan incestueux) contre le torse velu de son père (cinématographique), ou bien face à son lapin en peluche Dido devenu géant le temps d’une hallucination nocturne. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris, le héros homosexuel blond, se fait tout petit face à son père qu’il décrit comme « un Kingkong en érection ».
c) L’amant homosexuel est considéré comme un petit objet parce qu’il est regardé de dos ou porté sur l’épaule :
N.B. : Je vous renvoie également à la partie « Amant-objet » du code « Pygmalion » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
Pour que la transformation de l’amant en fétiche soit complète, le personnage homosexuel peut demander à ce dernier de se retourner (« Benoît, tourne-toi », comme dit la chanson de Benoît), ou bien l’imaginer de dos. « Je vois Mathilde de dos. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 101) ; « J’ai eu envie de me branler. Je me suis mis sur le dos, j’ai gardé les yeux entrouverts […]. Je voyais se découper sur le ciel des visages, des corps habités, des sexes multiformes et des culs sculptés. Le vent mélangeait tout ensemble et remuait les feuilles froissées derrière moi. » (Claudio, l’un des héros homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 103) ; etc. De dos, tout est permis : « J’ai envie de caresser la peau de celui qui me tourne le dos. » (cf. la chanson « Je fais peur aux garçons » de Mélissa Mars) ; « J’aime trop pétrir ses fesses de coureur, me coller à son dos cambré de statue. Je le renverse dans le lit : il m’est livré. Il est à moi. Alors je sais que son sexe m’appartient. Je le saisis d’un coup, son sexe bandé et chaud dont il est si fier, son gros membre de beau garçon. J’avale son gland rose, son bourgeon gonflé prêt à donner sa sève. Je le sens si bien quand il me prend, bien large et vigoureux. J’aime qu’il me déchire, qu’il m’éventre tout entier du bas en haut. Enfin, je suis si terriblement heureux quand je danse empalé sur lui. » (le narrateur homosexuel du roman Chambranle (2006) de Jacques Astruc, p. 97) ; « J’observe Mario de dos. Comme si je n’étais pas là. Je ne sais pas pourquoi. Ça m’émeut. » (Tommaso parlant de son amant, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek) ; etc.
De dos, l’être aimé devient l’idole soumise parfaite, victime offerte. Il se donne sans les préliminaires longuets de la relation équilibrée où le regard apporte du réel relationnel : « Elle aussi sentait visiblement que ce n’était pas une rencontre ordinaire ; et moi, il m’avait suffi de la voir de dos pour le comprendre. » (Laura, l’héroïne lesbienne du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 27) De dos, l’amant n’est plus totalement humain. Il acquiert la valeur sacrée de la sculpture : « Son épaule blanche, j’avais envie d’y mordre pour vérifier qu’elle était bien en vie. » (Cécile à propos de son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 96) De dos, l’amant est dépersonnalisé en même temps qu’il devient l’Amant universel : « De dos, il me rappelait quand même un peu Mathieu, en plus costaud… » (Jean-Marc associant son nouvel amant Michael à son ex, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 243) ; « J’étais encore une fois dans mon rêve-cauchemar avec Hassan II. Je ne voyais que son dos. » (Khalid, le héros homo du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 37) ; etc.
L’amant miniature est souvent porté sur le dos, comme un Christ-enfant au saint Christophe, ou plus négativement comme un jumeau narcissique schizoïde, incestuel : cf. je vous renvoie au film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, au film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitmann, à la photo Adam et Adam (1997) d’Orion Delain, au film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras (avec Ody portant son petit frère homo Dany sur son dos dans la forêt), à la chanson « En nage indienne » d’Étienne Daho (« Serre-moi fort. Si ton corps se fait plus léger, nous pourrons remonter. »), à la chanson « Par-dessus ton épaule » de Stéphane Corbin (« Par-dessus ton épaule, je ne suis qu’un enfant, et tu es un géant. »), au poème « Un autre dos » (2008) d’Aude Legrand-Berriot (« J’ai eu honte j’ai souffert. Je ne vais pas sortir les violons même si pour mon père c’est l’instrument de prédilection. […] Mais j’ai toujours eu en tête d’un jour lui reconnaître que j’aime profondément son dos pour rendre justice aux mots. » ; « Le ventre collé contre le grand lit de fer. Je cherche mon frère. J’avance vers le sommier. Le dos fermé couché, j’ai mal à reconnaître. La voix de mon frère, un sanglot étouffé. Pour le rencontrer, j’ai fait un millier de mètres à pied car ils nous ont séparés. »), au roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa (avec le roi Hassan II qui a la particularité d’être souvent représenté de dos et d’être réduit à une main), au film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, etc. « Stephen [l’héroïne lesbienne parlant de son père] aimait son large dos, elle avait toujours aimé ce dos très bon, rassurant et protecteur. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 115) Par exemple, dans le film « Tu n’aimeras point » (2009) de Haim Tabakman, Aaron observe Ezri nu de dos.
Souhaiter regarder quelqu’un de dos plutôt qu’en face-à-face, cela indique symboliquement un refus de la relation, une distance, une indifférence, ou un rapport de consommation qui crée justement la différence de tailles. Et cela est d’autant plus vrai dans les relations entre les deux sexes. « C’est drôle, cette façon qu’ils ont de vous déshabiller toujours de dos. Dévoilant la fleur de leur virginité. » (Anthony MacMurrough à propos de ses jeunes amants-prostitués, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « J’crois pas que ça mérite tant d’intérêt que ça, ce qui se passe dans notre dos » (Arnaud, le héros homo se référant à la sodomie, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc, le héros homo, s’extasie devant l’un des autoportraits de Catherine S. Burroughs posant de dos avec sa compagne, retournée aussi, parce qu’il met l’autre sexe à distance : « C’était une toile magnifique. […] Deux vieilles dames vues de dos s’avançaient dans une mer houleuse. L’une était boulotte, l’autre plus maigre. » (p. 219) Rien d’étonnant, par conséquent, que ce couple subisse, en même temps que l’éloignement, les assauts déformant de la caricature de miroirs de fête foraine. On observe cette même entreprise de réification de la part des personnages lesbiens par rapport à la gent masculine dans les romans de Colette, où les protagonistes masculins sont quasiment toujours observés de dos ou endormis. Par exemple, dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini, Hannah, l’héroïne lesbienne, et Greg, son ami gay, vivent en coloc ensemble : elle s’allonge contre son dos pendant qu’il dort.
Par ailleurs, il est étonnant de retrouver le dos dans l’expression insolite « pédé comme un sac à dos », qu’on entend çà et là dans les fictions : « Ils sont tous pédés comme des sacs à dos. » (Claudia par rapport aux agences de mode, dans la pièce Curriculum vite fait (2010) de Vincent Delboy) ; « Il est pédé comme un sac à dos. » (Carole en parlant de Laurent, dans le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure) ; etc.
d) Le personnage nain apparaît souvent dans les œuvres homo-érotiques :
Comme je l’écris dans mon livre Homosexualité intime (2009), le désir homosexuel n’est pas, par nature, réaliste. Influence audiovisuelle et télévisuelle oblige : il encourage à voir les choses en trop grand ou en trop petit, mais pas à la bonne hauteur ni à la bonne taille. L’une de ses caractéristiques est le gigantisme et le nanisme (cf. Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1971) p. 348). C’est pourquoi on retrouve des personnages nains dans beaucoup d’œuvres artistiques homosexuelles, telles que le roman L’Autre (1971) de Julien Green (avec le nain Ib), le conte L’Histoire de la Princesse et du Nain (1889) d’Oscar Wilde, le one-man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, le spectacle musical Yvette Leglaire « Je reviendrai ! » (2007) de Dada et Olivier Denizet, le film « Même les cowgirls ont du vague à l’âme » (1994) de Gus Van Sant, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « Amours suspectes » (2002) de P. J. Hogan, le film « Brüno » (2009) de Larry Charles (avec le nain pygmée), le film « Casanova » (1976) de Federico Fellini, le film « Swimming Pool » (2002) de François Ozon (on y voit une servante naine ouvrir une porte d’entrée, vers la fin du film), le film « Parle avec elle » (2001) de Pedro Almodóvar, la pièce String Paradise (2008) de Patrick Hernandez et Marie-Laetitia Bettencourt, le film « The Devil Doll » (1936) de Todd Browning, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le roman Étoile de mère (2001) de G. Zoë Garnett (avec un nain homosexuel), le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet (avec la petite Nipponne ; l’héroïne lesbienne s’écrie même : « Vive les Noirs ! les Nains ! »), le roman Mon Ange (2002) de Guillermo Rosales, le vidéo-clip de la chanson « Plus Grandir » de Mylène Farmer (avec les deux religieuses naines), le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras (traitant justement du miniaturisme), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec les nains de jardin de Philibert), le roman A Sodoma En Tren Cobijo (1933) d’Álvaro Retana, le one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur (le personnage de Gisèle dit qu’elle « adore les nains ! »), le film « L’Étrange Monsieur Peppino » (2002) de Matteo Garrone, le film « 20 cm » (2004) de Ramón Salazar, le film « Donersek Islik Çal » (1992) d’Orhan Oguz, la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim, le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, la B.D. Kang (1984) de Copi, la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi (avec l’assistante de la secte Moon, décrite comme « une petite naine avec un nez immense », p. 288), le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (avec les nains de jardin de Jean-Luc), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec les Piccolos, des nains de cirque déguisés en fillettes), le film « Avant la nuit » (2000) de Julian Schnabel, la pièce Le Gang des potiches (2010) de Karine Dubernet, (avec le « gang des naines en tôle » dans une cellule voisine), le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan (Antonin offre à son copain Hubert deux petites marionnettes en pâte à modeler à leur effigie), le one-man-show Pareil… mais en mieux (2010) d’Arnaud Ducret (avec les nains gays), le one-woman-show Chaton violents (2015) d’Océane Rose-Marie (avec la concierge à Marseille, Madame Gomez, qui serait « la cousine portugaise de Mimi Mathy »), etc.
« J’adore Mimi Mathy. Elle a tout d’une grande. » (le coiffeur gay du one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Un de mes réguliers en a une minuscule comme le robinet du Manneken-Pis, la peau écarlate et fripée d’un nouveau-né ou un gant de toilette essoré. […] C’est un nain bossu et hargneux. » (le chiotte public homosexuel parlant d’un de ses visiteurs, dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 89-90) ; « Jane regarda une nouvelle fois le bâtiment en ruine qui s’élevait de l’autre côté de la rue, comprenant que, même en été, son ombre s’étirerait dans la chambre, étouffant toute chance de chaleur. Elle avait pris l’immeuble de derrière pour une réplique, plus jolie que le leur, plus élégant et rénové, mais peut-être était-ce l’inverse et leur bâtiment était-il le reflet de l’immeuble délabré. Cette idée lui donna l’impression d’être petite, et l’enfant qu’elle portait plus petit encore, un poisson solitaire piégé dans des eaux fluviales. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, pp. 70-71) ; etc.
Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Glen et Russell évoquent l’existence de « leurs nains de jardin gays ». Dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz, le père de famille dont on célèbre l’enterrement est homosexuel ; et son amant secret, Peter, est un homme nain. L’un des fils de la victime, Robert, n’en revient toujours pas : « Quoi? Papa trompait maman avec ce lilliputien?? » Dans la nouvelle « La Césarienne » (1983) de Copi, Jacqueline Mignot fait partie du contingent de nains démocrates français à New York car elle est lilliputienne : « Elle était néanmoins fort complexée vis-à-vis des autres femmes socialistes de sa génération » (p. 65). Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, le comédien Cameron Drake, jouant le rôle d’un gay dans un film oscarisé, est décrit comme un « nain de jardin » et « l’Homme le plus sexy de l’année ». Dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1), une naine s’exclame « amen ! » à Shane, le héros homosexuel, quand celui-ci force les deux meilleures amies Amy et Karma à former un couple lesbien.
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) L’amant comme modèle artistique :
Beaucoup de personnes homosexuelles croient vraiment que la photo de l’homme (ou de la femme, pour les femmes lesbiennes) qu’elles désirent a le pouvoir de s’animer au contact de leurs yeux… ou de leurs mains : « Mon index caresse une photo de cet été où il se tient debout torse nu devant la mer dans l’île de Fuerteventura, comme si j’espérais que du corps de papier émanerait la chaleur du corps réel. » (Christian à propos de son amant Kamel, dans l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli, p. 25) ; « Mon ancien camarade de classe me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… Et tout à coup, le visage de Durieu que j’avais oublié et qui m’a arraché un cri : un visage d’ange résolu. […] Pas un mot n’avait été dit dont je me souvienne, mais pendant ce court moment il y eut entre nous une sorte d’adoration l’un pour l’autre, muette et déchirante. Ce fut mon tout premier amour, le plus brûlant peut-être, celui qui me ravagea le cœur pour la première fois, et hier je l’ai ressenti de nouveau devant cette image, j’ai eu de nouveau treize ans, en proie à l’atroce amour dont je ne pouvais rien savoir de ce qu’il voulait dire. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24) ; « Sa quête d’images photographiques en dit long sur les frustrations de l’exilé allemand en Bolivie. » (Philippe Simonnot à propos dans Ernst Röhm quand il avait 42 ans, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 235) ; etc.
Dans son autobiographie Le Livre pour enfants (2005), Christophe Honoré nous raconte comment il s’est fait portraiturer nu à 15 ans par Vincent, un camarade du lycée. Dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger, Orianne, femme lesbienne de 21 ans, a orné le mur de sa chambre de modèles féminins photographiques, qu’elle a baptisé ironiquement « Murs des Lamentations ». Toute une industrie du porno s’est développée autour de l’attrait des personnes homosexuelles à photographier/filmer l’objets de leur désir ou leurs couples (cf. le documentaire « Beefcake » (1998) de Thom Fitzgerald). Pour ma part, je me souviens qu’en boîte, quand des garçons me voyaient danser et tentaient de me draguer, j’en voyais certains en train de simuler qu’ils me filmaient avec une caméra… manière de me flatter et de me dire que je dansais à leur goût.
b) Amant miniature :
Souvent, les personnes homosexuelles regardent leur amant(e) de dos ou se sentent miniaturisées par leur amant(e). Cela ne prend pas tout de suite une connotation négative. « Si véritablement je n’étais pas leur star, à coup sûr, je devins par la suite une célébrité parmi eux [les garçons]. Ma féminité les rendait impulsifs les uns les autres. Ils m’aimaient, me parlaient avec douceur en me caressant la nuque ou le dos, comme il était permis ici pour démontrer une certaine affection. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 58) ; « C’est Laurel et Hardy. Don Quichotte et Sancho Panza. » (Pierre racontant sa première impression quand il a rencontré son « mari » Bertrand, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; « Tu dis ‘Je veux que tu regardes mon dos comme une œuvre et que tu trouves ça beau’. » (le médecin s’adressant à Bertrand, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Love And Words » (2007) de Sylvie Ballyot, la traductrice est toujours filmée de dos ; la réalisatrice, pour se justifier d’avoir choisi cet angle de vue, déclare que « le désir n’a pas besoin d’être exposé ».
Mais dans les faits, cette miniaturisation laisse se profiler un mépris voire un viol. « J’ai demandé au ciel de me dire pourquoi je suis là ? Qui j’étais ? Et quelques jours plus tard, on dit que le hasard n’existe pas, je regardais la télé le soir en zappant les chaînes, je vois un film érotique chouette et je vois un homme de dos, et l’autre personne, je ne la voyais pas. Et après, je me rends compte que ce sont deux homosexuels. Je n’avais jamais vu d’homosexuel en chair et en os. Et de les voir en plus en plein acte de violence, j’ai eu comme un coup de poignard, une monté de colère, un viol de mon être, une déchirure. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) Par exemple, dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008) d’Abdellah Taïa, les amants sont rapetissés… et c’est très mauvais signe : « Abdellah, mon ami, mon copain, était plus petit que moi. » (p. 12) ; « Ils se sont rapprochés de moi en se masturbant. J’étais allongé sur le dos au milieu du lit bleu. J’ai fermé les yeux et j’ai essayé de m’imaginer encore une fois à la piscine, l’eau, le chlore, le plongeoir, la paix, le luxe. Un rêve impossible à l’époque. Je nageais mais dans la peur. Je tremblais, à l’intérieur. Je ne voyais plus les garçons sauvages mais je les sentais venir, se rapprocher de mon corps, le renifler et le lécher. Dans un instant le violenter, l’un après l’autre le saigner. Le marquer. Lui retirer une de ses dernières fiertés. Le briser. » (idem, p. 25) ; « C’est toujours moi qui me jette le premier sur lui. Moi petit. Lui grand. Moi petit et lui grand comme avec Chouaïab qui avait failli me violer à la fin de mon enfance. » (à propos de son amant Slimane, p. 105) ; « Je suis devenu une sculpture entre tes mains. » (toujours par rapport à Slimane, p. 117) L’auteur se déforme également au moment du viol d’adolescence, comme un être irréel, un corps sans organe deleuzien : « J’étais dans le sommeil. Je flottais. Le monde était devenu bleu et moi, petit et grand, bientôt très grand, bientôt avec une autre image de moi-même. Me construire autrement, dans une autre vie. » (p. 17)
c) Le décalage de tailles entre les deux amants homosexuels peut être une réalité concrète de leur quotidien :
Dans L’Amour qui ose dire son nom (2000), Dominique Fernandez souligne que le duo David et Goliath figure parfois le couple homosexuel dans l’iconographie traditionnelle.
Il est curieux de voir dans l’autobiographie d’Alfredo Arias Folies-Fantômes (1997) que le fait de regarder l’autre de dos, ou d’être vu de dos, a des effets grossissants ou au contraire minorants sur le couple, comme l’exprime très bien Coco : « Quand le type s’est mis à me tripoter, il était derrière moi. J’ai regardé entre mes jambes en baissant la tête et j’ai vu que le type lévitait. Oui… Les pieds du mec flottaient en l’air. J’ai cru que mon cul le faisait léviter. […] J’ai découvert, en relevant la tête, que le type, qui était petit, s’était suspendu à un tuyau pour mieux baiser. » (pp. 102-103)
La différence de tailles que l’on peut observer entre amants homosexuels dans les fictions peut être le reflet d’un déséquilibre relationnel vécu concrètement soit au sein des couples homos réels, vivant entre un trop-plein d’ouverture (exhibition, excès, perte de l’intimité, infidélité, etc.) et un trop-plein de fermeture (fusion, absence de liens sociaux, activité sexuelle exacerbée, etc.), soit entre les deux membres du couple homo même. « Claude était aussi extraverti que j’étais introverti. » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 29)
Plus symboliquement, le duo d’un grand et d’un petit peut renvoyer à un fantasme de viol ou un viol réellement vécu. Par exemple, dans l’autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, Eddy Bellegueule décrit le duo de collégiens qui lui a infligé des sévices homosexuels et homophobes comme l’agencement d’un petit et d’un géant (« le grand aux cheveux roux et le petit au dos voûté », p. 19).
Concernant la question de la préférence homosexuelle pour les dos, aussi saugrenue qu’elle puisse paraître, elle est beaucoup plus répandue qu’on ne le croit. Par exemple l’écrivain Violette Leduc se donne souvent de dos à ses amants (Geneviève Pastre, « L’Écriture et le Désir chez Violette Leduc », cité dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 198). Pierre Kyria nous parle de « l’œil froid » de Colette qui « transforme l’homme de sujet en objet » en le regardant « de dos » (Pierre Kyria, « L’Écriture Hermaphrodite », dans Magazine littéraire, n°266, juin 1989, p. 37). Je vous renvoie également au roman Un petit homme de dos cité dans le film « Dedans » (1996) de Marion Vernoux ; ainsi qu’au témoignage de certaines femmes lesbiennes regardant les hommes comme des objets et affirmant texto qu’elles les préfèrent « vus de dos » (cf. Marie-France, 54 ans, lesbienne, dans le documentaire « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) : « Je trouve que les hommes sont beaux à regarder de derrière… mais pas de devant. »
d) Les nains :
Pour en finir avec le code de l’amant photographique, et toujours dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, il est parfois fait référence aux personnes naines, et ceci de manière insistante, tout comme dans l’univers farmérien. « Une lilliputienne, murmura Madeleine, attendrie. J’ai toujours rêvé de rencontrer une lilliputienne. » (à propos de Miranda, « l’unique lilliputienne argentine », p. 242) ; « C’est l’homme le plus petit du monde, conclut rêveusement Madeleine. Comme j’aimerais le rencontrer. » (idem, p. 271) Grâce au témoignage d’Arias, on voit – notamment à travers cette femme appelée Madeleine, apparemment fascinée par le nanisme – que cette catégorie minoritaire de la population interpelle beaucoup les personnes homosexuelles. Dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon, lorsque Pascal enfile sa combinaison de parachutiste, fait une blague : « C’est pour un nain. » Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel commence son spectacle en disant qu’il était Superman et qu’il s’est transformé en nabot homosexuel : « L’homme du futur, plus fort et plus résistant, s’est transformé en nain efféminé. » Le comédien tourne en dérision sa petite taille, et dit qu’il aurait aimé être grand, blond aux yeux bleus : « 1m66, ça fait marrer. »
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