Code n°97 – Infirmière

infirmière

Infirmière

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

L’Ange qui fait mal

 
INFIRMIÈRE costume trans
 

L’infirmière, dans les fictions homo-érotiques, et quelquefois dans les faits, n’est pas tellement une femme réelle ni un être spécifiquement sexué féminin : elle est plutôt l’allégorie d’un désir incestueux (le besoin de se faire cajoler et manipuler par un substitut maternel, dans un moment de fragilité physique et psychologique), d’un désir de toute-puissance (l’infirmière est un ange androgynique avec lequel il serait possible de fusionner et de dépasser le mal), d’un désir homosexuel (la douceur du rapport soignant/malade peut être projetée voire corporellement effective), d’un désir de viol (c’est la domination et la soumission, avec un rapport de forces nécessairement déséquilibré, inégalitaire, à cause de la maladie, qui parfois s’instaure pendant les soins). Et ce désir peut être ressenti ou stimulé par beaucoup d’hommes. Les hospitalisations obligent à une approche intime des corps. Et en état de faiblesse, le désir homosexuel, proposant un dépassement des limites, de la souffrance, et des corps, de la différence des générations, de la différence des espaces et de la différence des sexes, a tout le loisir de s’immiscer ! L’infirmière (ou l’infirmier) n’est donc pas qu’un déguisement parodique de travelo, qu’un cliché graveleux de films pornos, ni une blague potache dans les conversations en société (Que cachent les infirmières sous la blouse ? Qui veut jouer au docteur avec ma p’tite seringue ?). Elle désigne le désir homosexuel comme un élan fantasmatique souffrant, et parfois violent quand il est pratiqué.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Médecin tué », « Adeptes des pratiques SM », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Mariée », « Femme allongée », « Milieu psychiatrique », « Mort-Épouse », « Folie », « Vierge », « Tante-objet ou Mère-objet », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Cour des miracles », « Femme fellinienne géante et Pantin », « Médecines parallèles » et « Inceste », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) Infirmière au chevet de l’homosexualité :

Dans beaucoup de fictions traitant d’homosexualité, on retrouve la figure de l’infirmier ou de l’infirmière : cf. le film « Herkulesfürdöi Emlek » (1976) de Pal Sandor, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « A Question Of Love » (1978) de Jerry Thorpe, la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, le film « Persona » (1966) d’Ingmar Bergman, le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le film « Sonate d’Automne » (1978) d’Ingmar Bergman, le film « Allez coucher ailleurs » (1949) d’Howard Hawks, le film « La Falaise mystérieuse » (1944) de Lewis Allen, le film « La Polka des marins » (1951) d’Hal Walker, le film « MASH » (1970) de Robert Altman, le film « Zurück Auf Los ! » (1999) de Pierre Sanoussi-Bliss, le film « Total Loss » (2000) de Dana Nechushtan, le film « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ! » (1982) de Coline Serreau, le film « Du côté des filles » (1999) de Françoise Decaux, le film « Kazetachi No Gogo » (1980) d’Hitoshi Yazaki, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec Irja), l’opéra King Arthur (2009) d’Henry Purcell, le film « Taxi Zum Klo » (1981) de Frank Ripploh, la pièce Tu ris pour rire ou pour pleurer ? (2014) de Sophie Davidas, etc.

 

Comédie musicale Le Cabaret des Hommes perdus de Christian Siméon

Comédie musicale Le Cabaret des Hommes perdus de Christian Siméon


 

Parfois, c’est le héros homosexuel lui-même qui exerce le métier d’aide-soignant. « Je peux te faire un pansement. J’ai mon diplôme d’infirmière. » (Octavia, le héros transsexuel M to F, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet) Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homo, est brancardier dans les hôpitaux. Dans la biopic « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh, le pianiste virtuose gay Liberace raconte que suite à un malaise qui l’a conduit à l’hôpital, il a eu une vision d’une religieuse immaculée au chevet de son lit ressemblant à une infirmière, et qui en réalité était une vision privée qui lui confirmait non pas l’existence de Dieu ou de Marie mais son « élection » homosexuelle…

 
 

b) Elle était belle cette infirmière : je l’aime

Il arrive que le personnage homosexuel tombe amoureux de l’infirmière ou de l’infirmier qui le soigne : cf. le one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la publicité de campagne AIDES « Sugar Baby Love », la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer, etc.

 

"Mo-Mo" de la Cruz dans la série "Nurse Jackie

« Mo-Mo » de la Cruz dans la série « Nurse Jackie

 

« Quoi que maman dise, elle était belle cette infirmière. Je l’aime. » (cf. la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer) ; « Vous m’aiderez à mourir comme une sage-femme. C’est pour ça que je vous aime. » (Evita s’adressant à l’Infirmière, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Cette nuit, ils ne font pas l’amour. Cette nuit, ils ne se défoncent pas. Plancher, sur le lit, les draps trempés. Il grelotte, il suffoque. Le thermomètre indique quarante de fièvre. Javier veille son ami. Passe la main sur son visage, le calme lorsqu’il s’agite trop, porte les verres d’eau, maintient le gant de toilette imbibé d’eau froide sur son front, caresse sa chevelure, sa nuque, lui raconte un tas d’histoires sans intérêt pour l’apaiser, le serre dans ses bras, embrasse sa joue en feu, l’aide à ingurgiter aspirine sur aspirine. Le jeune homme ne semble pas vraiment réagir. Les seules fois où il se lève, c’est pour se précipiter aux toilettes et vomir. Il refuse que le capitaine l’y accompagne, tire la chasse avant de sortir et revient se coucher illico. Javier est tenté un moment de l’emmener aux urgences, mais son amant l’en dissuade. Demain, il ira voir quelqu’un, promis. En attendant, il veut juste se reposer. S’il te plaît, mon amour. » (Antoine Chainas, Une Histoire d’amour radioactive, 2010) ; « À 10 ans, je jouais les infirmières avec Laurence. » (Nathalie Lovighi dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3ème Festigay au Théâtre Côté Cour de Paris en avril 2009) ; « J’ai entendu frapper, la porte s’est ouverte et sa silhouette s’est découpée dans la lumière du couloir comme une apparition surnaturelle. Malgré la pénombre dans laquelle était plongée la chambre en écarquillant les yeux je devinais quelques détailles de son visage. Comment exprimer ce que j’ai pensé, ressenti, éprouvé, ce qui s’est passé en moi en voyant ce garçon : celui que j’attendais depuis que j’étais entré dans cette clinique, tout en sachant que cela n’arriverait pas. ‘Bonjour monsieur, vous dormiez ?’ ‘Non, je somnolais…’ Je venais de m’endormir lorsqu’il avait frappé à la porte, mais pour rien au monde je n’aurais voulu lui faire une autre réponse. ‘J’allume.’, a-t-il ajouté. Ce n’était pas un bellâtre ni un beau gosse, simplement un charmant garçon que l’on prend plaisir à regarder. Ses joues étaient rondes, ses cheveux claires et courts tenus en l’air avec du gel, son regard profond. Il n’était pas costaud ou bodybuildé, mais son corps était solide, ses épaules carrées et sur son visage une barbe de trois jours ajoutait quelques années à ses vingt ans. Il m’a posé les questions usuelles : comment je me sentais, si je n’avais pas trop mal ; celles que tous les infirmiers posent à tous les patients en entrant dans leur chambre. J’ai répondu d’un ton détaché que ça allait. Je ne voulais pas geindre devant lui et paraitre trop diminué. Pendant qu’il s’activait autour de moi, je continuais à détailler son visage en me cachant derrière une inquiétude feinte, celle du patient qui se demande avec angoisse ce qu’on va lui faire. Sous sa lèvre inférieure, entre les poils de sa barbe naissante, j’ai vu briller la pointe d’un labret qui m’a rappelé ces garçons que l’on croise dans les bars du marais…Sur le côté droit de son cou il y avait un petit tatouage ‘soleil tribal’ à trois branches en forme de flammes et un plus imposant au milieu de sa nuque. Ses bras étaient vigoureux, duveteux et, à droite sur le côté de son biceps, se détachait sur sa peau clair un gros grain de beauté tout rond et plat (semblable à deux autres placés sous sa pommette gauche), où poussaient deux petits poils folâtres. J’étais comment dire… Subjugué, charmé (?), par ce garçon qui venait d’entrer dans ma chambre, me parlait, s’occupait de moi, moi qui dans la solitude de mon petit lit, figé dans la douleur, à des milliers d’années lumière de tous mes rêves, n’attendais plus rien. » (cf. la nouvelle « Chambre 311 : l’infirmier de nuit » (2013) sur le site La Passion des garçons) ; etc.

 

Film "Taxi Zum Klo" de Frank Ripploh

Film « Taxi Zum Klo » de Frank Ripploh


 

Par exemple, dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, Mister Jones, vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, est soigné dans une maison de repos par Bob, un jeune infirmier dont il tombe amoureux. Dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, Daventry, l’amant homosexuel, est associé à une infirmière. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, soi-disant « hétéro », exerce le métier d’infirmier. Rémi tombe sous son charme : « C’est une chance de tomber sur un infirmier.« . Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Gabriel, tombé du tire-fesses, se fait soigner par un animateur de colo hétéro, Andreas, dont il tombe amoureux. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam plonge sauver Lukacz de la noyade, et son assistance de secouriste va faire naître l’« amour » entre eux. Dans le film « Ander » (2009) de Roberto Castón, Ander tombe amoureux de José qui le soigne. Dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, Alicia tombe amoureuse d’Aurora, celle qui l’a aidée à se rétablir. Dans le film « Bug Chaser » (2012) de Ian WolfleyIan, l’ex de Nathan, est infirmier. Le film « Gerontophilia » (2013) de Bruce LaBruce raconte l’histoire d’« amour » entre un jeune infirmier et son patient nonagénaire. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel prend sous son aile son camarade aveugle Léo, et cette défaillance commune fait chavirer leurs cœurs.

 

L’infirmière est l’autre nom implicite de l’amant homosexuel : « Elle va comment ton infirmière ? » (Laurence s’adressant à son ex-amante Sandrine à propos de Morgane la nouvelle copine trans M to F de cette dernière) « D’abord, c’est pas mon infirmière. Et ensuite, elle s’appelle Morgane. » (Sandrine, dans l’épisode 409 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 27 février 2019).
 

La relation amoureuse qui s’instaure entre le patient et l’infirmière semble au départ idyllique, quasi sacrée, mais immatérielle : cf. la roman Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig (avec les infirmières comparées à des anges), le film « La Déesse » (1958) de John Cromwell, le film « Dallas Buyers Club » (2013) de Jean-Marc Vallée, etc. Par exemple, dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, l’infirmière est comparée à une « bonne fée ». Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1932) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, à l’âge de 7 ans, projette ses sentiments amoureux naissants, sur Collins, sa nurse, qu’elle n’hésite pas à qualifier de « déesse » (p. 29) : « Elle avait une abondante poitrine, trop abondante, en vérité, pour une fille de vingt ans. […] En un instant, Stephen connut qu’elle l’aimait… Stupéfiante révélation ! »

 

« Sous ses habits blancs elle faisait songer à une fée. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 200) ; « L’infirmière leva la tête et me regarda, les yeux encore pleins des images de son livre. Si je ferme les miens à présent – au moment où j’écris – et essaie de retrouver son regard, il me semble que je pourrais en déduire quel livre elle lisait. Une histoire pleine de crinolines – le froissement des robes, les années 1840 : La Chartreuse de Parme peut-être. J’adressai à la jeune femme un petit salut. » (Laura, l’héroïne lesbienne du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 70) ; « Je la connais depuis un rien de temps, Barbara, mais je l’aime comme ma mère. » (Chris, le héros homosexuel parlant de l’infirmière, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 197) ; « Elle était forte et avait le visage qu’ont souvent les femmes de sa corpulence, lisse, sans rides, joli avec de grands yeux bleus d’où émanait une vraie douceur. Des yeux que la souffrance n’a pas endurcis mais purifiés. Échanger quelques paroles avec elle apaisa Adrien. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 123) ; « Ce sont des personnes comme vous qui me font aimer ce métier, qui me donnent envie de soigner, de ne jamais désespérer. » (l’infirmière s’adressant à Adrien, le héros homosexuel, idem, p. 132) ; etc.

 
 

c) La piqûre de mort :

Le fait que l’amour avec l’infirmière n’arrive pas à se concrétiser génère déception, sentiment de frustration et de trahison, voire même un ressentiment haineux. Le héros homosexuel associe l’infirmière à une traîtresse qu’il faut tuer, ou tout du moins écarter… : cf. la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti (avec l’infirmière à deux têtes).

 

Par exemple, dans le film « Yossi » (2012) d’Eytan Fox, Yossi, cardiologue secrètement homosexuel, écarte l’infirmière de service qui le drague. Dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, l’infirmière finit par être poignardée.

 

Film "Œdipe (N + 1)" d’Éric Rognard

Film « Œdipe (N + 1) » d’Éric Rognard


 

L’infirmière incarne parfois la mère incestueuse qui anesthésie et couve. Par exemple, dans le film « Le Tout Nouveau Testament » (2015) de Jaco Van Dormael, la mère de Willy, le gamin transgenre M to F qui se prend pour une fille, est présentée par son cher fiston comme une méchante infirmière : « Je savais que quelque chose clochait avec ses piqûres. » Le héros homosexuel, au contact de l’infirmière, souffre de ne pas pouvoir grandir ni s’émanciper comme un adulte : cf. le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, le roman Trois poèmes à ma nourrice (1929) de Saba, le roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui (avec Ourdhia l’infirmière-nourrice), le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman (avec l’infirmière de l’école), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec la « nourrice bien-aimée » de Bijou), etc. Par exemple, dans la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, Joséphine, la mère de Kevin (le héros homosexuel), se déguise en soignante. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William, le héros homo, surnomme sa sœur Adèle « Blouse blanche ». Et pour cause : cette féministe invétérée exerce le métier d’« infirmière-urgentiste » Bizarrement, cette sœur collante et fusionnelle effraie un peu son frère, qui ne veut pas trop être réifié ni étudié par elle : « Enlève ta blouse. Elle m’intimide. » Et on comprend pourquoi : Adèle n’exerce pas que la médecine. Elle est un peu sorcière et prédit l’avenir par le tarot. Sa dualité peu scientifique finit même par exciter la colère de l’amant de William, Georges, qui insulte l’infirmière de « baiseuse de mes deux ! ».

 

Film "Gerontophilia" de Bruce LaBruce (avec l'infirmier qui couche avec son papy)

Film « Gerontophilia » de Bruce LaBruce (l’infirmier couchant avec papy)


 

« J’ai pensé à elle, Laura Jones, ma gouvernante galloise, dont je ne saurai jamais, en somme, si je l’ai aimée comme une mère ou comme une femme. L’un et l’autre, sans doute. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 34) ; « C’est une femme merveilleuse, mais ô combien envahissante. […] Elle joue à la moman inquiète, pis ça m’énerve. » (Luc, l’un des héros homos sidéens à propos de l’infirmière rebaptisée « Garde Cinq-Mars », dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, pp. 274-275) ; « Nous avons tous une femme fatale dans la vie, et c’est souvent notre nourrice. » (Hubert, l’un des héros de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Mon pauvre professeur, les nourrices sont les êtres les plus sauvages sur terre ! » (Cyrille, le héros homosexuel s’adressant au professeur Vertudeau, idem) ; « Je vous interdis de vous mêler de ma vie privée ! » (Cyrille s’adressant à l’infirmière, idem) ; etc.

 

Parfois, cette infirmière prend la projection diabolisante pour un ordre, et maltraite/viole effectivement son malade : cf. la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir » (1950) d’Élia Kazan, le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2002) de Pedro Almodóvar (avec Benigno, l’infirmier violeur), etc. « Les infirmières repoussèrent Truddy. » (Copi, « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 34)

 

L’infirmière est l’allégorie de l’hypersexualité. « Je vous adore ! […] Vous êtes mon idéal féminin ! » (Cyrille, le héros homosexuel s’adressant à l’infirmière, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) Ce n’est même pas une femme véritable, en réalité. C’est la bombe sexuelle transgenre, l’incarnation de la femme-objet : cf. le film « Insatisfaites poupées érotiques du professeur Hitchcock » (1971) de Fernando Di Leo, la série Hanazakari No Kimiachi E (2011) diffusée au Japon (avec l’infirmier gay pervers), etc. Par exemple, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, l’Infirmière est ce croque-mort transgenre corrompue par Evita pour qu’elle lui administre la mort la plus grandiose qui soit : « Tu aimes les bijoux, hein ? Prends ça aussi. Et le collier. Tiens, tiens, ne me remercie pas. […] Tu aimes l’argent, hein ? » (Evita à l’Infirmière)

 

Nakatsu dans la série "Hanazakari No Kimiachi E"

Nakatsu dans la série Hanazakari No Kimiachi E


 

La seringue de l’infirmière apparaît parfois comme un pénis symbolique. L’infirmière est cette femme phallique qui va pénétrer, et donc soulager et exciter par cette pénétration, le malade homosexuel. Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, vit l’introduction d’un tuyau pour un lavement d’anus par une femme norvégienne de la station thermale comme un supplice, un viol qui « déniaise » et dégoûte de la sexualité : « Défloré par Ingeborg… »

 
INFIRMIER Caricature
 

L’infirmière est l’androgyne messager de mort : cf. la pièce Eva Perón (1970) de Copi, le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard (à propos du clonage), le film « Tras El Cristal » (1985) d’Agusti Villaronga, le film « Bandaged » (2009) de Maria Beatty (avec Joan, une infirmière vénéneuse qui va soigner Lucille), le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan (avec l’infirmière odieuse), etc. « Une infirmière apparût. Elle resta immobile quelques secondes, fascinée par le grand sourire de la jeune femme qui se trouvait dans le coma il y avait à peine une demi-heure. […] Maria-José [le héros transsexuel M to F] fit semblant de se rendormir. » (Copi, « Le Travesti et le Corbeau » (1983), de Copi, p. 34) ; « On est au Parc d’attractions et je suis Madame Godzilla. » (l’infirmière d’hôpital s’adressant à Rana, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; etc. Par exemple, dans les films de Pedro Almodóvar, les infirmières annoncent toujours un drame ou la mort ou un choc brutal (perte de mémoire, coma, etc.).

 

La sortie de l’identification à l’infirmière équivaut symboliquement à un coming out et à une homosexualité assumée. Par exemple, dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Kena et Ziki sont en couple, et la seconde cherche à décourager la première de devenir infirmière, car elle la voit médecin : « Tu pourrais faire autre chose qu’infirmière. Tu peux devenir médecin. » (Ziki). Au départ, Kena se justifie de ne pas viser plus haut (« Les gens ont besoin d’infirmières. »), mais elle finit par décrocher le concours de médecine… à la plus grande joie de sa compagne qui la taquine (« Et tu voulais être infirmière ?? Avec ces notes-là ??? »).
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 
 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Infirmière au chevet de l’homosexualité :

Est-ce que l’infirmière n’est qu’un cliché homosexuel sans fond ? Non. Je connais personnellement des personnes homosexuelles qui travaillent, nombreuses, dans le milieu médical. La profession d’infirmière est très féminisée… ce qui explique que les hommes qui l’exercent aient parfois choisi ce métier comme une manière de ne pas assumer leur masculinité, ou bien comme une manière d’assumer leur homosexualité. Ils seraient aussi intéressant de voir, dans la profession d’infirmière, la part d’homosexualité, même si on ne peut pas en faire de statistiques comme l’a fait le Dr Henry Amoroso face à Elula Perrin (lesbienne) dans l’émission de Philippe Bouvard L’Huile sur le feu diffusée sur Antenne 2 le 11 juillet 1977 : « Vous tombez très mal avec les infirmières ! Il est prouvé que 80 % des ambulancières en 1914 étaient des lesbiennes ! »

 

Pendant l’émission Homo Micro diffusée le 12 février 2007 sur Radio Paris Plurielle, Brahim Naït-Balk pose avec facétie cette question au romancier homosexuel « Ron l’Infirmier » : « Les infirmières en général ont la réputation d’être de jolies femmes. Ça existe, de beaux garçons, chez les infirmiers ? » La réponse salace ne se fait pas attendre, et elle est particulièrement signifiante : « Alors infirmier pour les garçons, c’est comme steward, ou coiffeur. Voilà… C’est 90% des infirmiers hommes… […] Mais j’pouvais pas être infirmière, alors, voilà… »

 

Pièce "Une Visite inopportune" de Copi

Pièce « Une Visite inopportune » de Copi


 

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que, dans l’esprit de certaines personnes homosexuelles, l’infirmière est un rôle ou une « fonction » ou une projection identitaire, bien plus qu’une personne réelle. C’est la jumelle narcissique, le rôle travesti : « L’infirmière [de Eva Perón], un intrigant miroir d’Eva elle-même. » (cf. l’article « Eva Perón, où Copi reprend corps » de Maia Bouteillet, dans le journal Libération du 23 octobre 2001) ; « Cristobal avait revêtu l’uniforme d’infirmière qu’elle ne quittait presque jamais et qui l’avait rendue populaire à Buenos Aires. On l’appelait ‘l’Infirmière dingue’. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 277) ; etc.

 
 

b) Elle était belle cette infirmière : je l’aime

S'il te plaît, occupe-toi de moi

S’il te plaît, occupe-toi de moi


 

La proximité corporelle et sentimentale que permet la défaillance physique et psychique d’une malade, que permet le contexte hospitalier, suffit largement à expliquer que l’homosexualité se glisse souvent entre patient et soignant. Une forme de rapport infantilisant réconfortant dans l’épreuve. Il se peut d’ailleurs que cette épreuve soit au départ fantasmée ou jouée : « J’aimerais pouvoir être malade et avoir des dames. Je suis si sensible aux charmes des femmes. » (Virginia Woolf dans une lettre à son amante Violet Dickinson, dans les années 1920)

 

Entre la blague et le sérieux du fantasme, c’est toujours difficile d’y voir clair. Par exemple, dans le documentaire « Le Bal des chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder, des femmes lesbiennes disent leur passion pour les infirmières. Mais quand on voit qu’il existe réellement des sites « agréés » où la relation patient/malade est placée sous le sceaux de la préférence sexuelle, il est difficile de mettre totalement le cliché de l’amant homosexuel infirmier à l’abri du second degré…

 
INFIRMIER Médecin gay
 

Par ailleurs, la fonction quotidienne d’infirmière se marie logiquement très très bien avec la justification sociale gay friendly de notre époque. Les infirmières ont objectivement de fortes chances d’être aimées en tant que « filles à pédés » car elles se trouvent aux avant-postes des confidences de souffrances. Par exemple, ce sont les infirmières scolaires qui sont les premières au courant de l’homosexualité des adolescents qui se confient à elles… et parfois, flattées d’être les gardiennes d’un secret lourdement porté, elles ont la tentation de jouer les mères agressivement gays friendly, gardant jalousement leur trésor d’homosexualité pour mieux se venger de leurs déboires sentimentaux personnels et pour s’acheter une image de conscience de l’Humanité qui a tout compris tout entendu.

 
 

c) La piqûre de mort :

Le cliché homosexuel de l’infirmière, tout drôlatique et décalé (et carrément camp) qu’il paraisse, ne doit pas que nous faire rire. Car derrière, il dit une souffrance. Personne ne joue au malade ou au soignant s’il n’est pas habité par une souffrance réelle (qui se singe elle-même) ou s’il ne nie pas sa souffrance dans un fantasme asexué de toute-puissance. Par exemple, il n’est pas étonnant que dans la mise en scène 2002 de la pièce Eva Perón de Copi par Marcial Di Fonzo Bo, le metteur en scène homosexuel ait fait jouer la mère d’Evita par un homme en jarretelles, et en affublant l’infirmière d’un sexe masculin. Dans l’émission V.I.P. de la chaîne KTO diffusée le 2 janvier 2016, Dominique Fernandez, académicien homosexuel, révèle son aversion pour les infirmières qu’il voit comme des êtres terrifiants. Il y a dans l’instrumentalisation homosexuelle du rôle des infirmières un fantasme de transgression de la différence des sexes qui lui est très violent. L’infirmière, dans les cas de suicides réels, de morts, d’opérations lourdes qui mutilent les personnes homosexuelles ou transsexuelles, est quelquefois ce témoin impuissant et complice d’un carnage.

 

L’Histoire a prouvé malheureusement que c’est le Sida qui a renforcé et fait connaître ce cliché gay sur l’infirmière, qui a rappelé la forte proximité entre l’infirmier et son patient homo. Une proximité de vie mais aussi de mort. Ne l’oublions pas. « J’ai entendu d’une infirmière : ‘Je vais faire sa piqûre au pédé.’ Ça fait toujours du mal à entendre. » (un témoin anonyme homo français, malade du Sida, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta)

 
 

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