Ce ne sera peut-être pas un scoop pour les observateurs des retours du refoulé, ou du pouvoir de l’interdit, du secret et des suggestions. Mais j’ai remarqué, par rapport à nos fantasmes physiques et sexuels, qu’ils ont beau avoir l’air inexplicables, arbitraires, impérieux, inflexibles et non-choisis, leur genèse n’est pourtant pas si mystérieuse : elle se situe bien souvent du côté de nos complexes. Ce n’est d’ailleurs pas pour des prunes si le langage populaire associe systématiquement au mot « fantasme » l’adjectif qualificatif d’« inavoué » ! Comme si nos fantasmes (la sublimation idéalisée d’une partie très précise du corps de celui ou de celle qui nous attire érotiquement) étaient le revers inconscient de nos complexes mal résolus, de nos blessures non-refermées ou mal cicatrisées, comme s’ils étaient régis par eux, leur obéissaient. Et tant que ces complexes ne sont ni identifiés ni dépassés, nos fantasmes continueront de se fixer/crisper bêtement sur le même objet de désir ou les mêmes parties de ces objets de désir. Par exemple, j’ai rencontré des hommes attirés par des hommes poilus parce qu’étant adolescents ils ont complexés de leur pilosité ou manque de pilosité ; des hommes attirés par des hommes musclés parce qu’étant jeunes ils étaient complexés d’être gringalets ; j’ai rencontré des hommes qui étaient attirés par des enfants parce qu’ils ont vécu une enfance à la fois dorée et surtout douloureuse, ou bien à l’inverse des hommes attirés par des hommes plus vieux parce qu’ils ont complexés étant jeunes de leur propre père ou bien ont été dégoûtés de lui ; j’ai même rencontré un homme qui fantasmait sexuellement sur les hommes ayant un phimosis au sexe parce qu’étant petit il avait été opéré d’un phimosis qui à la fois le faisait complexer et en même temps qu’il regrette aujourd’hui d’avoir fait opérer. Je vous le dis : j’ai tendance à constater que nos fantasmes sexuels ne sont que le revers de nos complexes mal gérés, le résultat d’une inversion de « survie », le signe d’un plan de vengeance avec nous-même. Nous rêvons de posséder ce dont nous nous imaginons manquer, et plus fondamentalement nous rêvons de posséder nos complexes d’enfance pour leur faire la peau.