Je reviens d’aller voir avec une amie le film « Un Français » de Diastème, particulièrement décrié dès sa sortie française mercredi dernier. Et pour cause : il mérite objectivement notre indignation. C’est un scandale qu’un film donneur de leçons aussi fausses et mensonger pareil existe. Nous ne devons pas nous habituer ni nous résigner à cette propagande, ni la mépriser, mais au contraire essayer d’expliquer comment elle fonctionne pour mieux l’enrayer. Notre indifférence et notre offuscation muette lui feraient trop d’honneurs !
« Un Français », racontant en gros le parcours d’un gros beauf néo-nazi du Front National (déjà, on se marre du raccourci) qui se convertit à la « tolérance black-blanc-beur », est frappant de naïveté et, à l’extrême inverse, de prétention (c’est d’ailleurs ce mélange qui le rend si inintéressant et si insupportable…) :
1 – Je dis « naïveté » car le réalisateur semble croire au soi-disant « réalisme » des situations pourtant la plupart du temps fantasmées et irréalistes qu’il dépeint. J’en sais quelque chose : les gens FN ou néo-nazis que j’ai eu l’occasion de rencontrer ne réagissent absolument pas comme ça, ni aussi bêtement, bien que je ne leur donne pas raison. Ce film est une pure projection haineuse de fantasmes personnels. Les personnages du film passent d’ailleurs leur temps devant la télé, et n’appréhendent le Réel qu’à travers cette petite lorgnette médiatique. On comprend pourquoi ils soient si déconnectés de ce qu’ils dénoncent. Les dialogues voulus « beaux » sont d’une pauvreté sidérante : « Ils sont gentils, les gens, tu sais. » (le pharmacien bobo = le « Sage » du film) La conversion du héros à « l’Esprit Charlie » n’a ni queue ni tête : elle est réduite à l’ingestion d’un médicament (sainte Science, priez pour nous : sans déconner) et à l’écoute d’une chanson « Fais-moi une place » (saint Julien Clerc, priez aussi pour nous). Diastème fait croire au spectateur qu’il suffit pour un « méchant intégriste » de mettre de la beauté, de la musique classique, de la Nature, du divertissement, du sport (la Coupe du Monde 98), de la diversité multiculturelle, et de la science dans sa vie, pour guérir, aimer correctement la France, donner du prix à sa Marseillaise, et « devenir gentil ». Sérieusement, qui sont les adolescents attardés révoltés qui nous dressent, là ?
2 – Je dis « prétention puante » car le film est bourré de jugements moralistes complètement manichéens, de clichés, d’amalgames (ex : La Manif Pour Tous = FN) et de caricatures qui ne renvoient pas à des situations crédibles ni réelles. La scène du bus, le meeting politique, la scène du bar, l’entrevue et le discours de Grand-Guy au parloir, l’histoire d’amour entre Marc et Corinne, etc. : tout est parfaitement invraisemblable.
Ce mélange de sincérité et de fantasmes est inquiétant. Car il alimente des conflits (imaginaires) bien plus qu’il n’apaise les tensions sociales. C’est un vrai film de propagande, de la guerre civile en barres si on peut dire (le contraire du but affiché de son réalisateur et du titre « patriotique » qu’il s’est choisi, en fait !) Ce film est dangereux pour cela : il défend mal les victimes et couvre les vrais bourreaux par la caricature. En effet, on ne règle les problèmes qu’en étant capable déjà de les représenter humblement et avec réalisme, sans bêtifier ni diaboliser l’Ennemi. Ce n’est pas du tout le cas d’« Un Français », qui rajoute aux vrais problèmes nationaux beaucoup de confusions, de quiproquos, d’amalgames réducteurs qui reposent sur des situations totalement fantasmées (mais crues vraies par le réalisateur) et risquent d’encore plus radicaliser les groupes culturels infidèlement dépeints. Ce film n’aime même pas la France et n’en dégage pas du tout la quintessence, le sens : c’est un ramassis de violence et de clichés sur des gens qui précisément n’aiment pas notre pays. « Un Français » est une daube qui ne se contente pas d’être irréaliste et inoffensive : elle est arrogante et condamnante, donc elle est en plus dangereuse. Les comédiens bobos Canal + qui jouent aux « racistes » et aux « fascistes », en croyant en la vérité de leurs mimes ratés, alors que dans les faits les groupes néo-nazis sont bien moins bourrins, idiots et illogiques qu’ils ne l’imaginent, et les opposants au « mariage pour tous » bien moins inhumains et homophobes qu’eux, prouvent à la face du monde que les véritables « fachos » idéologisés, se sont d’abord eux. Si vous voulez, c’est un peu la caricature grossière et inconsciente d’elle-même qui, par son simplisme prétentieux, se retourne en auto-caricature et en aveu de fascisme. Les barbus hipsters bobos « ni de droite ni de gauche, ni hétéros ni homos », mine de rien très pères-la-morale derrière leur posture d’observateurs « neutres » indignés devant leur poste de télévision, nous ont pondu une bonne grosse merde de bien-pensance anti-fasciste, dans la plus pure tradition du moralisme socialiste totalitaire. Et c’est moi, un gars de tendance gauche, qui écris cela ! donc je m’y autorise encore plus : ce film n’a rien d’un film « de gauche », en fait. C’est un film socialiste. Alors tous aux abris…
Enfin, je rajouterai que, oui, on voit que « Un Français » est un film très idéologique à un « détail » près extrêmement signifiant : il est encerclé par la défense de l’homosexualité, même si, en apparence, ce thème y est absent ou anecdotique. En effet, les premières images montrent un « cassage de pédé », et les dernières images le défilé de La Manif Pour Tous. En réalité, bien plus que la thèse de l’anti-« racisme » et de l’anti-fascisme, la justification de l’homosexualité est le pivot de « Un Français », parallèlement à un rejet de la foi catholique, présentée uniquement comme une connerie de jeunesse ou un intégrisme. Que d’amalgames – asexués et anticléricaux ! – produisent en chaîne les promoteurs gauchistes du #pasdamalgames, c’est fou…