Ça fait un moment que je dis qu’il faut revenir à la personnalité ambiguë des personnages bibliques diabolisés (c.f. mon article sur Barabbas), pour mieux s’y identifier et ensuite ne pas tomber dans les pièges qu’ils se sont tendus à eux-mêmes.
La figure de Judas, celui qui a trahi Jésus, devrait être un cas d’école pour nous tous, surtout en ce moment. Il a tout du copiste ou du scribe intellectuel fils-à-papa, de l’alchimiste écrivain, parlant du Peuple mais ne faisant rien de ses mains, conceptualisant comme un ingénieur rigoureux le dessin du plan de « victoire » civilisatrice qu’il projette sur le Christ.
Écoutez le court extrait du premier échange entre lui et Jésus dans le film « Jésus de Nazareth » de Zeffirelli (2 h 56) : « Je m’appelle Judas l’Iscariote. Je suis un lettré. Et l’État fait appel à moi pour lire et écrire en hébreu, grec et latin. Je traduis des documents. Dans notre pays, on parle de nombreuses langues. J’avoue que je n’ai jamais martelé le cuivre, ou taillé le bois, ou pris du poisson comme ces hommes qui te suivent. Mais je connais ces hommes-là. Mon père est un entrepreneur prospère, et il a dit : ‘Mon fils ne doit jamais avoir de cales sur les mains ni de poussière de brique dans les cheveux. Mon argent doit servir à faire de lui un homme instruit. Voici donc un lettré qui voudrait te servir. »