En général, ils se placent du côté des catholiques, même s’ils préfèrent se dire « chrétiens » et ne parlent de leur foi que si on le leur demande. Ils sont parfois journalistes dans la presse de droite gauchiste réputée arnarco-conservatrice et, le temps d’une table ronde, jouent les cathos (ou les amis des cathos). Ils sont hommes politiques d’éducation catholique. Ils sont intellectuels, artistes, hommes et femmes de médias, « de culture chrétienne ». Ils reviennent vers le catholicisme sans l’assumer. Ils ne l’appuient que quand il n’est pas trop dangereux pour leur image et leur carrière.
Ils défendent le Christ en tant que « partenaire », que « pote », que « drogue », que « collaborateur », que « coloration » (« discrète mais présente » disent-ils), que « valeur ajoutée », que « condiment » (et pas « plat principal »), qu’« option », qu’« influence », que « valeurs » (cf. Valeurs actuelles), qu’« éducation », que « famille » au sens large (cf. Famille chrétienne), que « marqueur temporel et spirituel important », que « culture » (ou « contre-culture ‘réactionnaire’ »), qu’« instrument de pouvoir humain » (ou de « contre-pouvoir »), que « coach » et « saine ambition » (cf. Catholiques, engageons-nous !), que « philosophie », qu’« anthropologie », qu’« histoire », que « patrimoine », que « nation » (cf. France catholique), que « peuple », qu’« héritage » (cf. Les Déshérités), que « transmission », que « média de communication », que « civilisation », qu’« Europe » et « racines », qu’« inspiration » ou « modèle », que « solidarité internationale » (#JeSuisChrétiens), que « justice », qu’« esprit », que « label artistique », que « start-up », que « chrétienté » et « institution » (bientôt un #JeSuisBarbarin et #JeSuisPapeFrançois ?), et même en tant que « saint » et « prophète » (à l’instar des musulmans). Ces nouveaux bourgeois chrétiens prennent néanmoins un peu de risques : des risques toujours mesurés, calculés et jamais inconsidérés. Ils sont même capables de bonté, de soutien, de « vie spirituelle », capables de retwitter les curés (surtout si ces derniers sont médiatiques) et de prendre la défense de l’évêque persécuté.
Mais pour défendre le Christ et l’Institution ecclésiale comme ce qu’ils incarnent vraiment, à savoir le Fils de Dieu qui les amène concrètement à Sa Croix pour ensuite les ressusciter par amour, à savoir un Homme ridiculisé et crucifié par des gens comme eux qui le croyaient brillant et qui se sont vengés sur Lui de leur propre déception orgueilleuse, comme un ami qui les entraînera à la mort (médiatique et physique) s’ils Lui restent fidèles, là, il n’y a plus personne.
En ce moment, ces fossoyeurs « chrétiens » du Christ muséifient, politisent et spiritualisent Jésus pour le transformer en objet culturel, en candidat (Jésus 2012), en Super-Héros royal/monarchiste, en personnage supplanté par les jolis messages éternels qu’ils lui prêtent (Espérance, Vérité, Humilité, Charité, Sainteté, Dignité, Humanité, Solidarité, Esprit, Miséricorde, Vie, Écologie, Famille, Spiritualité, etc.), en favori timidement soutenu du bout des lèvres (voire carrément soutenu au haut-parleur), en contributeur d’une Église universelle œcuménique sans conflits. Ils tiennent davantage à leurs crèches, à leur « liberté d’expression chrétienne » (avoir voix au chapitre) ou à leur lutte contre la GPA qu’à Jésus. Sans rire.
Personnellement, entre mon attachement à la France et mon attachement à Jésus, mon choix est vite fait : je choisis Jésus. Entre les valeurs de Jésus et Sa personne, idem : je ne choisis pas Jésus parce qu’Il a raison mais parce qu’Il m’aime. Je ne veux pas avoir à choisir entre Jésus et son message puisqu’ils sont une seule et même personne. Et si je les distingue, c’est que je me dérobe à sa Croix, donc à Jésus. Je ne veux pas non plus avoir à choisir entre la laïcité (souvent transformée en laïcisme) et le Christ puisqu’ils sont une seule et même personne. Je ne veux pas avoir à choisir entre le Pape (ou les prêtres) et le Christ puisqu’ils sont une seule et même personne. Je ne veux pas choisir entre ma foi et Jésus puisqu’ils sont une seule et même personne. Les bobos cathos (cf. les codes 38 et 39 de mon livre Les Bobos en Vérité), eux, les distinguent, pour mettre le Jésus crucifié au second plan, et ne pas le reconnaître comme le Fils de Dieu. Je préfère Jésus à ses saints, et ce que j’aime en ses saints, ce n’est que Lui.
P.S. : Après avoir écrit cet article, je me suis rendu à la messe de midi à l’église Saint-Roch à Paris. Célébrée par le père Arnaud Gautier, que je ne connaissais pas, mais lui m’a reconnu juste avant de s’engager dans la procession d’entrée : « Tiens, mais c’est Philippe Ariño ! Avec les cheveux plus longs. » J’ai rigolé en ajoutant : « Oui, je sais, c’est catastrophique… » Il a fait une très belle homélie sur l’Évangile du Jour (Jn 8, 51-59) : « Celui qui garde ma Parole ne connaîtra pas la mort. » Et on eût dit que c’était Jésus qui s’adressait à moi directement et qui venait juste de lire mon article : le père Gautier nous mettait en garde contre ceux qui confondent Jésus avec « un fantasme de chrétienté… plus ou moins assumé(e) d’ailleurs » et qui, à force de dire que Dieu est partout (ce qui est en soi vrai : « Il est dans le silence, dans le chant d’un oiseau, dans le sourire de ma concierge. »), finissent par ne plus L’annoncer Lui ni annoncer clairement Sa Parole dans la Bible. Ils remplacent le Christ ou la Bible par la culture ou la civilisation chrétienne, bref, par la chrétienté (cf. l’émission TV Libertés avec Alain Escada). Je n’aurais pas pu mieux dire !