De plus en plus d’hommes mariés (qui se croient ou/et disent « hétéros ») me contactent en ce moment parce qu’ils se croient homosexuels (ou attirés par des transsexuels) du fait de se sentir frustrés ou non-satisfaits sexuellement par leur épouse. Et leur croyance/peur soudaine d’être homos, ou la frustration/les reproches croissants qu’ils font à leur épouse, se cristallisent en particulier autour de la fellation (un peu moins de la sodomie : ils sont un peu plus capables de reconnaître que la sodomie puisse faire mal ou déplaire à leur partenaire sexuel-le. La fellation, non.).
Il existe une grande naïveté, idéalisation et ignorance croissante à ce sujet. À cause de l’unique son de cloche sur la fellation qu’on entend socialement, à savoir celui des jouisseurs/bénéficiaires de la fellation. À cause du silence de ceux qui la réalisent concrètement mais qui se forcent à banaliser l’acte, en pensant que « maintenant tout le monde le fait », donc que « ça doit être bien et plaisant pour tous ». À cause du ressenti de ces hommes « hétéros » au moment des fellations qu’ils ont pu connaître avant leur mariage (ils s’auto-persuadent alors qu’un si grand « bonheur » doit forcément être partagé par la personne qui le leur fait vivre ! par pur transfert ou projection perverse-narcissique), à cause des simulations de jouissance singée par les actrices pornos ou les acteurs pornos gays qu’ils ont vus sur leur écran (on voit d’ici l’attitude lascive de certaines stars du X feignant de se délecter de se faire éjaculer facialement dessus…), à cause de l’assignation sociale de la fellation majoritairement à l’homosexualité (et pour cause : dans les relations homos, la fellation et la sodomie sont de plus en plus présentées comme les passages obligés de la vie génitale et amoureuse), ces spectateurs masculins non-homosexuels finissent par s’imaginer naïvement que « la fellation c’est génial non seulement pour celui qui se fait sucer mais aussi pour celui/celle qui suce », qu’ils « sont peut-être homos pour désirer/fantasmer aussi fort la fellation », et enfin que « leur femme n’est qu’une coincée qui n’a rien compris au plaisir dont elle se prive, qu’une capricieuse, et même une despote désobéissante qui ne remplit pas son devoir conjugal de satisfaction de son mari, et qui le pousse à la ‘torture’ que serait la frustration ». Ça va loin.
Alors on va tout de suite se réveiller et désacraliser la fellation. Puisque visiblement, de moins en moins de monde voit de mal là-dedans (ni non plus dans la masturbation, la pornographie, l’adultère, la prostitution, la sodomie : toutes ces pratiques n’auraient aucune valeur morale, ne seraient « qu’une question de goûts personnels » et ne génèreraient aucune violence/souffrance universelle…).
Je dirais donc, pour tordre le cou aux idées reçues sur la fellation, à la croyance qu’on peut « aimer ça » (côté suceur), et donc à ces angoisses de pseudo « homosexualité » de maris frustrés, que la fellation, en vrai, et quoi qu’en disent les personnes qui réécrivent l’acte et leur ressenti du moment par leurs bonnes intentions, ce n’est agréable principalement que pour la personne sucée mais quasiment pas pour la personne qui suce. Et croyez-moi, je parle par expérience, et en ayant écouté de nombreuses personnes homosexuelles (ou même des femmes mariées) me décrire leur ressenti sensoriel et gustatif. La fellation, c’est – toujours et pour tout le monde – désagréable au goût, écoeurant, même si ce n’est en revanche pas toujours vécu comme une pratique avilissante ou dégradante (je suis bien placé pour le dire : je l’ai connue et pratiquée dans un cadre respectueux, apparemment libre, où j’ai réussi à trouver ça plaisant – non pas en soi mais parce que je sentais que je procurais un plaisir intense à mon partenaire qui finissait par avoir des retombées sur mon propre plaisir). La fellation, pour celui ou celle qui la fait, ce n’est pas agréable en bouche (odeur et goût dégueulasses du sperme, des sécrétions sexuelles et de l’urine + envie de vomir d’avoir un gros membre protubérant enfoncé dans la bouche et tamponnant le fond de la gorge : j’ai entendu plusieurs témoignages allant dans ce sens, c’est-à-dire des gars qui se forçaient à ne pas vomir et à penser à autre chose pendant qu’ils suçaient, pour oublier leur dégoût). De surcroît, la fellation est une pratique qui n’est pas véritablement libre ni égalitaire : la personne sucée a beaucoup plus de plaisir physique que la personne qui suce (le fossé entre les plaisirs est énorme) ; il n’y a pas de face à face ; la personne suçante est agenouillée, et bien souvent rabaissée au rôle d’esclave, dans le cadre de la prostitution ou du « plan cul », au rang de spectatrice du « cadeau »/de la gâterie qu’elle fait à l’autre, de servante qui attend son tour (ou pas).
Au fond du fond, même si les médias et la plupart des sexologues – soumis à un relativisme bon ton – n’osent pas l’avouer et avancent que les pratiques de fellation et de sodomie sont normales et jouissives pour les deux partenaires sexuels, même si certaines femmes disent qu’elles « aiment sucer leur compagnon/aiment le goût de sa bite » pour reconquérir la liberté et la dignité qu’elles perdent dans une relation amoureuse déséquilibrée, la fellation n’est agréable pour personne, voire même dégoûte toute personne qui la fait. C’est tabou de le dire et de le présenter comme une vérité générale. Mais si vous n’êtes pas d’accord, donnez-moi des contre-exemples pour que je change d’avis. Et je changerais d’avis. Pour l’instant, je n’ai jamais rencontré de suceur ou de suceuse qui, même dans un cadre amoureux respectueux et fidèle, aime gustativement ça et n’éprouve pas de dégoût. Tout comme je n’ai jamais rencontré de fumeurs – y compris chez ceux qui disent qu’ils ont appris avec le temps à aimer et à savourer le plaisir d’« en griller une » – qui n’ont pas trouvé leur première clope « dégueulasse ». De même, il faut arrêter de nous mentir sur la fellation, ou que certains hommes, conditionnés par le monde pervers et déformant du porno, s’imaginent à tort que leur femme puisse « aimer ça » et « y trouver du plaisir (en se forçant un peu et avec le temps) ». C’est faux. Le temps ou la bonne volonté ou le « faire plaisir » ou l’habitude ne changera rien à la violence et au dégoût objectif que génère cette pratique.
Donc écoutez-moi bien : vous avez non seulement le droit de refuser une fellation (même dans le cadre d’une relation établie, autorisée, longue, mariée, « de confiance »), mais en plus, vous avez le devoir de dire que c’est dégueulasse pour tout le monde (y compris pour la personne qui – pour des pressions et des chantages multiples – peur de décevoir, peur de perdre son partenaire, peur de dire non, peur de priver son partenaire d’une plaisir immense, etc. – va réécrire ses sensations et se forcer à dire qu’elle « a appris à aimer »). Jusqu’à preuve du contraire, la fellation, ce n’est bon que pour une seule des deux personnes qui la vivent, donc c’est une pratique à 80% égoïste, avilissante, inégalitaire et violente.