« La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il était agréable à regarder et qu’il était désirable, cet arbre, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de son fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea. » (Livre de la Genèse, chap. 3, v. 6)
Je remarque en ce moment que plusieurs femmes de mon entourage – qui concrètement ne vont pas bien et tombent en dépression – pèchent par gnosticisme, c’est-à-dire par rechercher frénétique de connaissance, d’omniscience, de tout SAVOIR. Cette bête curieuse se déchaîne fort actuellement en elles. Et elle est bien sûr nourrie par Internet, les téléphones portables, la démocratisation d’une certaine psychanalyse, les caméras de surveillance, les nouvelles technologies, et flatte leur narcissisme en même temps qu’elle entretient chez elles leur paranoïa, leur hystérie, leur désir insatiable de tout contrôler, de tout comprendre, de tout retenir (au double sens du verbe : « mémoriser » et « posséder »), leur orgueil d’être des victimes des hommes (ou de leur mari) et d’être supérieures à eux, de les connaître par cœur (elles leur ôtent injustement toute leur part de mystère).
Cette quête gnostique les fait parfois partir dans des délires intellectualistes assez dingos, qui font insulte à leur pourtant finesse réelle, humour et intelligence à la base. En même temps qu’elles sont possédées par l’obsession de la possession (… de savoir, de voir, de connaissance) justement, elles ne s’entendent même pas employer le mot ou le verbe « SAVOIR » plusieurs fois dans une même phrase. Pourtant, il suffirait qu’elles s’enregistrent et qu’on réécoute la cassette ensemble pour réaliser l’obsession gnostique dont elles pâtissent. Ces pipelettes intarissables sont en stress, en panique, en mélancolie, et pensent qu’en jouant les Inspecteurs Colombo, les enquêtrices-analystes d’exception, en partant à la pêche aux infos, aux scoops, au-détail-qui-tue-et-qui-leur-donnera-une-fois-de-plus-raison, à l’intelligence supérieure (elles vouent d’ailleurs un culte au dieu post-moderne de la pseudo « Intuition féminine » : Ça sort d’où que les femmes seraient plus intuitives que les hommes, d’ailleurs ? Sans doute de cerveaux aussi malades que le leur…), en montant à l’arbre de la Connaissance, elles parviendront à (se) rendre justice à elles-mêmes et au Monde entier, à résoudre tous les problèmes des autres (… sauf les leurs !), et à masquer leur angoisse maladive et possessive de manipulatrices (À les entendre, les « manipulateurs narcissiques », ce n’est – comme par hasard – que les autres ! et bien sûr, ce sont les hommes !).
Et comme leur mari pataud ou blasé refuse, au bout d’un moment, de rentrer dans leur course effrénée au SAVOIR, refuse de les laisser le « résoudre » (comme s’il était un problème !), de lui tirer les vers du nez parce qu’il n’a plus de scoops avouables à lui donner, il est tenté de se créer son propre jardin secret à lui (parfois dans le mutisme, parfois dans la tromperie) pour respirer, et pour être sûr que son Ève des temps modernes ne va pas l’envahir totalement de sa quête vampirisante d’omniscience.
Au final, qu’est-ce que les femmes inquisitrices et harcelantes d’aujourd’hui cherchent tant à « savoir » ? Eh bien je crois qu’inconsciemment elles veulent connaître leur péché (qui est celui de la curiosité, de l’indiscrétion, celui précisément de vouloir tout savoir !) ; et donc elles cherchent sans doute à ce que quelqu’un leur dise une bonne fois pour toutes : « Stop ! Arrête de vouloir tout savoir ! Arrête de vouloir tout comprendre et tout retenir ! Arrête de vouloir être la plus intelligente, de te faire la détentrice privilégiée du Savoir ! Rentre à l’école de la Vierge Marie, à l’école de l’écoute (mais la vraie : pas l’enregistreur !), à l’école de la méditation aveugle et confiante des Mystères de Dieu, à l’école de l’ignorance, de la retenue et de la discrétion, à l’école du secret à garder et non à déballer ni posséder. Femme ignorante n’est pas nécessairement femme soumise. Elle peut même être la femme sainte. Donc renonce à l’omniscience ! Et tu deviendras une vraie femme douce qui aura accès à des vérités et des mystères bien plus profonds que si tu les avais cherché(e)s fiévreusement par toi-même. »