On n’est pas autorisé, aujourd’hui, à parler d’homophobie (même quand, comme moi, on en a décrit les mécanismes, écrit des livres, et qu’on ne le balance pas comme une insulte ou gratuitement pour discréditer son interlocuteur à peu de frais). Parler d’homophobie, c’est pire encore que l’homosexualité. Encore plus tabou. C’est le lever de boucliers dès que le mot sort : ceux qui ne sont pas homos, en général, ricanent, méprisent le terme, se sentent insultés, traînent en procès de manque de charité, et le prennent à la fois comme l’insulte qu’elle n’est pas (car l’homophobie, ce sont des faits bien précis) et comme une irréalité de la novlangue ; quant à ceux qui sont homos, en général, ils ne comprennent pas que la véritable homophobie est leur coming out et leur « couple » ou pratique sentimentale et sexuelle (ils s’esclaffent de rire eux aussi en entendant que l’homophobie puisse être qualifiée de « gay friendly », alors que cet apparent paradoxe a tout son sens factuellement). Pris entre deux feux, celui qui, en parlant d’homophobie, sera pris au sérieux, respecté pour son étude (hyper utile pour la société et utile pour les victimes d’homophobie et leurs agresseurs), aura bien de la chance. Mon livre L’homophobie en Vérité, pourtant plus que jamais d’actualité, a été boudé et méprisé avant d’être sorti. À de rares exceptions près (les exceptions sont les personnes qui ont vraiment fait l’effort de comprendre le sujet ou qui ont souffert d’actes homophobes), le traitement de l’homophobie, et l’homophobie elle-même, ne m’ont attiré que de l’inimitié, de la mauvaise foi, de l’isolement, de la part de ceux qui ne veulent surtout pas s’entendre dire qu’ils puissent basculer dans l’homophobie un jour. Homophobie : sujet ingrat. Sujet encore plus tabou que l’homosexualité… alors que c’est exactement la même chose, en plus !