Je viens d’avoir un échange avec un prêtre de Paris qui a montré (avec succès) la première partie des « Folles de Dieu » à un groupe de jeunes qu’il encadre. Et il m’a avoué que sa proposition de visionnage du film n’avait attiré malheureusement que des filles ! « J’ai bien parlé de votre super film à mon groupe de Jeunes Pro (que des filles, c’est comme ça, je dois les attirer plus que les mecs) et je leur ai montré le début. On en parle tellement peu dans nos milieux cathos… et c’était super. On attend la suite avec impatience ! »
Voici ma réponse : « Pour ce qui est du documentaire, je me réjouis que vous ayez partagé ça avec des jeunes pros : c’est super ! (Ne vous inquiétez pas : le peu de succès du thème auprès des garçons ne vient pas de vous, mais du thème de l’homosexualité en lui-même, qui en général met la majorité des hommes très mal à l’aise. Car – et c’est une des grandes différences à mon sens entre l’homosexualité masculine et l’homosexualité féminine – dans l’imaginaire collectif l’homosexualité masculine remet vraiment en cause l’identité masculine toute entière (un mec homo, a fortiori passif, « n’est pas un homme », pense-t-on), tandis que l’homosexualité féminine ne menace pas et n’annule pas à ce point l’identité féminine (bien au contraire, elle peut la renforcer !). C’est là qu’on voit que l’homosexualité, socialement, c’est vraiment beaucoup plus une crise de la masculinité et de la paternité qu’une crise de la féminité et de la maternité : un homme qui se sent homo pourra difficilement apparaître comme un homme, bander ni être père, à l’inverse d’une femme homosexuelle qui pourra simuler (homo-)sexuellement et peut toujours techniquement être mère et apparaître comme une femme (et elle ne sera pas la risée de sa classe si elle joue les p’tits mecs : un gars frêle et efféminé, si). C’est pour ça, à mon avis, qu’il y a beaucoup plus de personnes qui se disent et se sentent homos chez les hommes, et que les femmes homosexuelles exclusives sont en minorité et ne sont pas toujours prises au sérieux quand elles font leur coming out. L’homosexualité masculine donne à croire qu’« on n’est pas un homme », qu’on perd la force qui nous rendrait homme : elle touche de plein fouet l’identité sexuée des garçons. C’est pour ça qu’elle apparaîtra la plupart du temps comme un argument d’autorité. C’est beaucoup moins prononcé côté filles, chez qui la sensualité homo-érotique et la tendresse passent beaucoup plus inaperçues et sont tolérées voire encouragées (comme de l’amitié, ou du jeu de camaraderie, ou de la beauté féminine, ou de l’audace bisexuelle) dans la sphère publique. Un homme qui se dit « homo », on n’insistera pas pour qu’il « change de bord » et on croira davantage son coming out qu’une fille: car il peut moins simuler sexuellement. Et j’ai remarqué, à l’époque où je faisais des conférences face à des scolaires et des groupes différenciés sexuellement, que les classes de mecs étaient beaucoup plus mal à l’aise et paniquées par l’homosexualité, que les classes de filles, qui étaient très relax et ne sentaient pas leur identité sexuée visée ni menacée par le sujet. Bref. L’homosexualité, je crois, est un phénomène foncièrement et prioritairement masculin. Quoi qu’en dise la société bisexuelle qui rêve d’égalité parfaite des sexes. L’homosexualité, c’est un problème (et une peur) de la masculinité. Pas tant une peur de la féminité. À bientôt, et merci. Philippe »