Je tombe par hasard sur le partage Facebook d’un article du journaliste catholique Patrice de Plunkett, fait par une amie qui a l’air d’être super d’accord avec ce dernier et son appel à une sélection plus radicale des meilleures pommes épiscopales de l’Église et donc à un nettoyage/éviction des pommes « pourries ». Mais cet article m’estomaque et me met tellement en colère que je décide de taper du poing sur la table (je n’avais rencontré ce blogueur qu’une seule fois, il y a une dizaine d’années, furtivement, et même si je n’ai jamais trouvé ses articles d’un prophétisme et d’une utilité de fou, jusque-là, je n’avais rien dit. Sans doute parce que j’aimais son côté catholique de gauche. Mais bon, ce n’est pas parce qu’on est de gauche chrétienne qu’on ne peut pas écrire de conneries…).
Voici l’article de Patrice de Plunkett « traitant » de l’Affaire Santier (en réaction au déterrement récent de celle-ci par le
« AFFAIRE SANTIER : QU’ATTEND-ON POUR RÉFORMER LE DROIT CANONIQUE ET LE PROCESSUS DE NOMINATION DES ÉVÊQUES ? Ma chronique à ‘Radio Présence’ (Toulouse Midi-Pyrénées) et ‘Radio Fidélité Mayenne’) : << Un an après le rapport sur les abus sexuels dans l’Eglise, voici l’affaire de Michel Santier, ancien évêque de Créteil en région parisienne, sanctionné par Rome en 2021 pour des faits commis lorsqu’il était prêtre du diocèse de Coutances dans les années 1990 : des faits restés ignorés pendant trente ans. Il s’agissait, je cite, ‘d’abus spirituels ayant mené à du voyeurisme sexuel sur deux jeunes hommes’. En clair : Michel Santier avait perverti le sacrement de confession. C’était une profanation délibérée : quelque chose de glaçant de la part d’un prêtre. Les abus sexuels par des prêtres sont indissolublement des outrages (ou des crimes) envers les gens et des sacrilèges envers le Christ, sacrilèges dont la gravité est infinie puisqu’ils sont commis par des hommes ayant reçu le sacerdoce ! Les fidèles ne comprennent pas ou n’admettent pas – et le disent de plus en plus – que ces monstruosités n’entraînent pas automatiquement la suspension 'a divinis' et la privation de tout ministère. Il y va de la crédibilité même de cette Eglise dans sa mission de témoignage ! Au lieu de ça, on apprend que le coupable avait accepté de devenir évêque en 2001 malgré ce qu’il avait commis ; on apprend qu’il fallut attendre 2019 pour qu’un dossier à son sujet soit transmis à Rome ; et on apprend qu’en 2020, la sanction romaine fut simplement d’obtenir sa démission et de l’envoyer comme aumônier en 2021 dans une communauté religieuse… Le tout dans la plus grande discrétion, comme d’habitude. Résultat : le scandale explose un an après, et il est ravageur. Les victimes de Michel Santier à Coutances se manifestent enfin. Ses diocésains de Créteil et le vicaire général se sentent trahis rétrospectivement. Le dégoût, la colère, la tentation de tout abandonner, montent chez les fidèles catholiques. Et maintenant ? Une fois de plus les évêques demandent pardon et expriment leur compassion envers les victimes. Mais vraiment, ça ne suffit pas ! Ce que les fidèles sont en droit d’exiger, c’est que l’Eglise prenne des mesures enfin proportionnées à l’ampleur du mal : il faut la démission immédiate (volontaire ou forcée) de ceux des prêtres ou évêques qui auraient des actes pareils à se reprocher. Il faut de vraies enquêtes sur le passé des futurs évêques. Et il faut dans ce genre d’affaires des sanctions canoniques rapides, radicales, et expliquées franchement au public. La Conférence épiscopale promet une fois de plus d’affronter ce problème ? Attendons et voyons. Mais maintenant la coupe est pleine. >> ►Plus à lire dans mon blog : plunkett.hautetfort.com »
À la lecture de cet article, ce que je constate, globalement (donc dans l’Église Universelle/Catholique actuelle, et en écoutant l’attitude des catholiques tous bords et tous rangs ecclésiaux confondus), ce sont trois choses :
1) La première, c’est la TENTATION JUSTICIALISTE (ou millénariste) face à la découverte progressive du déclin, de la dégringolade, de la corruption et de la mort imminente de l’Église Catholique humaine. En effet, au lieu de nommer le problème que seulement on devine, on se contente de l’accuser et de le dénoncer « de loin », de manière complètement imprécise, extériorisée à soi, dépersonnalisée, offusquée et haineuse, en jetant l’opprobre à une hiérarchie-fantôme, un système, un « pouvoir », une bureaucratie (« irresponsable mais tellement coupable » !), à coup de « Y’a qu’à/faut qu’on » et de « C’est de la faute à la formation, aux chefs qui nous gouvernent, à l’absence d’exigence et de justice dans la sélection/nomination des évêques… donc la solution, c’est notre endurcissement et notre intransigeance qu’on appellera orgueilleusement ‘justice, pureté, assainissement, non-choix et mesures d’urgence pour enrayer la crise ecclésiale’, car ‘la coupe est pleine’ ! ». Je rappelle à ces « lanceurs d’alerte » catholiques de pacotille jouant les justiciers, que l’état de corruption, d’infestation (satanique, franc-maçonnique, sexuelle et homosexuelle – et pas seulement pédéraste/pédophile) est tel dans l’Église que seuls désormais les anges de Jésus seront capables de démêler le bon grain et l’ivraie dans cette Église des Fins dernières, et qu’à moins de parler en Vérité d’homosexualité dans l’Église (plutôt que de se cacher derrière la pédophilie et les abus sexuels), leurs actions/dénonciations justicières resteront vaines autant que dangereuses car elles empirent la situation. Il faut nommer le mal et/ou ses conséquences. Sinon, on n’a rien à faire en salle d’opération. On empêche même les chirurgiens qualifiés d’opérer.
2) La deuxième chose que je constate dans le traitement et les réactions de l’Affaire Santier, c’est L’HOMOPHOBIE dans l’Église Catholique (une homophobie grandissante, et qui ne se résoudra vraisemblablement jamais dans un temps humain, étant donné le déni et la mauvaise foi des catholiques actuels à reconnaître l’homosexualité comme un sujet prioritaire à traiter). Un ami récemment me faisait la remarque que dans les articles du Journal du Dimanche mais aussi les réactions des quelques rares blogueurs ou journalistes cathos qui s’aventurent à commenter l’Affaire Santier (affaire, je le rappelle, qui relève objectivement et factuellement de l’homosexualité sacerdotale et non de la pédophilie sacerdotale ni de la CIASE ni des abus sexuels – sous-entendus « sur mineurs »), paradoxalement, le mot « homosexualité » n’est jamais prononcé. À aucun moment. Ah ça, pour se gendarmer, ça se gendarme ! Ça tire la sonnette d’alarme ! Mais pour quoi, au juste ? Et à quoi bon, si c’est pour « cacher l’objet d’indignation par l’indignation elle-même » (comme disaient Élisabeth Lévy et Philippe Muray). Je me suis juste contenté de répondre à cet ami : « Ça s’appelle l’homophobie. » Et l’homophobie, c’est le principal poison dont mourra l’Église Catholique terrestre. Car celle-ci ne se risquera jamais à parler d’homosexualité (et encore moins d’homosexualité sacerdotale). Jamais. Comment puis-je en être aussi sûr ? Le traitement dont je fais l’objet, et l’indifférence générale à l’égard de mes travaux, en sont l’illustration vivante. Et le cléricalisme – en ces temps de grande crise ecclésial – arrive à son paroxysme. Donc jamais les catholiques n’accepteront de voir le sacerdoce et le Christ en personne salis par l’homosexualité.
3) La troisième et dernière chose que je vois, c’est LE CHEMIN INTÉRIEUR MAGNIFIQUE DES PRÊTRES PÉCHEURS. Chemin dont ne parleront jamais ces journaleux « catholiques », de gauche comme de droite, et a fortiori d’extrême droite, très tentés de mettre l’homosexualité sacerdotale sur le dos du pseudo « progressisme/modernisme du Concile Vatican II ou du pape François » ou des « abus sexuels » sans jamais la nommer « homosexualité »… ou alors, quand ils la nommeront « homosexualité », ce sera pour l’extérioriser à eux-mêmes, pour la diaboliser, et en vue de l’éradiquer définitivement de l’Église, devenue à leurs yeux un abominable « cloaque d’impuretés » (pour citer la Vierge Marie à la Salette), voire même « la principale Maison de Satan déguisé en Christ ». Ce que j’aimerais dire à ces justiciers cléricalistes et nostalgiques de carnaval, c’est qu’ils n’ont rien compris à la Bonne Nouvelle se cachant derrière l’homosexualité, et même derrière l’homosexualité sacerdotale et plus globalement le péché acté (de plus en plus massivement). Ils l’abordent comme un drame, une catastrophe, une occasion de se désespérer ou de haïr les prêtres et leur Église, de récriminer contre cette dernière en jouant les prophètes millénaristes (« On vous l’avait bien dit que c’est bientôt la Fin !!! »). Ils n’ont rien compris. Ils ne voient pas ce qui se passent en coulisses, ou dans les cœurs. Ils en appellent à une épuration drastique du clergé (dans les séminaires, à la Curie, dans les Conférences épiscopales du Monde entier). Ils jouent les grands ordonnateurs qui vont faire le ménage et virer tous les prêtres/évêques/cardinaux « pervers et détraqués sexuels qui salissent l’image de l’Église ». Mais que savent-ils des retours au droit chemin et des luttes (parfois admirables et saintes) de certains prêtres ou évêques pour rester dans l’Église après leurs chutes ou dérapages homosexuels ? Moi, personnellement, je connais des prêtres qui, par amour de l’Église et par conscience de leur utilité auprès des pauvres et des paroissiens de leur diocèse, beaucoup plus que par carriérisme et utilisation du sacerdoce comme couverture d’invisibilité de leur double vie sacerdotale/homosexuelle, ont décidé de ne pas quitter l’Église. Peut-être même de redevenir chastes après leurs faux pas, leurs écarts. Les prêtres sont humains et pécheurs comme nous tous. Au nom de quoi ils ne pourraient pas se sentir homosexuels, n’auraient pas le droit de rester dans l’Église, ou de revenir au Christ et à leur sacerdoce (même si leur attachement au Christ est lacunaire, pas toujours entier et heureux) ? Au nom de leur statut sacerdotal ? De la pureté de l’Église ? De la lutte contre l’hypocrisie et le péché ? De la gravité de la situation ecclésiale et mondiale actuelle ?? Quel aveuglement et quelle sécheresse de cœurs que les vôtres ! Quand on ne sait pas, on ne juge pas… et surtout surtout, on ferme sa gueule de gros con. Moi, j’admire ces prêtres, ces évêques, ces cardinaux, ces religieuses, ces moines, qui se savent imparfaits, qui luttent contre leurs pulsions homosexuelles, qui regrettent leurs pratiques homosexuelles (même s’ils n’arrivent pas toujours à y renoncer), qui restent dans l’Église car ils aiment le Seigneur et leurs fidèles malgré tout, qui trouvent que leur vie a plus de sens en demeurant prêtres (même si, dans les temps de désert, ils picorent du site de rencontres gays et du « plan cul » sans lendemain et anonyme) qu’en retrouvant la vie civile et en adoptant un style de vie homosexuel (le couple) qui ne les comblera pas. Bien sûr, entre Jésus/l’Église et leurs besoins d’affection charnelle homosexuelle, leur cœur balance. Mais ils penchent plus vers Jésus/l’Église/leur amour de leur sacerdoce et des gens, que vers leur misère affective. Donc je souhaite qu’ils restent prêtres, et je comprends leur choix de ne pas quitter l’Église, d’assumer douloureusement et secrètement la dualité (et parfois la contradiction, l’ambivalence) de leur condition. J’admire et m’émerveille face aux retours réguliers de certains religieux vers la non-pratique et la chasteté. Ils s’accrochent, et c’est beau. Même si personne (sauf Jésus, et peut-être parfois leurs confesseurs) ne le leur dit et ne le voit.
Donc à tous les justicialistes affolés et accusateurs actuels dans l’Église Catholique, je serais tenté de dire : « Priez pour les prêtres, soutenez-les et n’empêchez pas le dialogue et la réflexion autour de l’homosexualité ». Et surtout, arrêtez de juger qui vous ne connaissez pas. « Toutes mes ratures et toutes mes impostures, mes excès de folie qui abîment mes nuits, vos regards sur moi, vous qui me jugez vite, vous qui ne me connaissez pas même si, vous dites que oui. Où êtes-vous quand je pleure toutes les nuits ? Quand je crie en silence, quand je tombe dans le vide ? Que mon frigo est vide ? Faites-vous mine de rien voir ? Avez-vous peur du noir ? Ne me jugez pas. C’est trop facile quand on n’sait pas. C’est trop facile quand on n’vois pas. Ne me jugez pas. Ne me jugez pas. […] Mettez-vous à ma place un moment et voyez ce que j’endure souvent. Je n’veux plus faire semblant d’être heureux devant vous. Que ça vous plaise ou non, ben tant pis, je m’en fous. Vous m’aimerez comme je suis… ou peut-être pas du tout. Je m’en fous. Ne me jugez pas. C’est trop facile quand on n’sait pas. C’est trop facile quand on n’vois pas. Ne me jugez pas. Ne me jugez pas. » (c.f. Camille Lellouche « Ne me jugez pas »). Seul Dieu jugera.