C’est bizarre et paradoxal mais je crois qu’on imagine toujours la mort des êtres qu’on admire le plus. Non pas qu’on souhaite leur mort. Car on ne veut surtout pas les voir disparaître. Mais ils dégagent une telle résurrection qu’il est difficile de faire autrement. Donc on est sur le qui-vive dès qu’on goûte au bonheur fugace et éternel de les connaître, dès qu’on les entend dire des choses précieuses et inédites, dès qu’on réalise la bombe qu’est leur prise de parole pour annoncer la Vérité, dès qu’on décèle leur identité de gêneurs sociaux et d’empêcheurs de tourner en rond, dès qu’on mesure sur quelle corde raide marche tout prophète qui peut à tout moment être tué pour ses idées. Une chose est sûre : Jésus devait faire bien peur en même temps qu’il enthousiasmait. Pas de pain sans l’amertume de la coupe.
Cette vision de la mort de mes amis les plus chers, je la vis déjà quand je me retrouve face à des personnes comme Xavier Lemoine, Jean-Pierre Winter, Cédric Burgun, Philippe de Maistre, Nicolas Buttet. Ce moment où l’emballement émerveillé et la forte inquiétude se mêlent inextricablement, où je pense « Il ou elle est fou/folle et génial(e) à la fois ! », « Il ou elle risque de mourir pour ce qu’il/elle est et défend », où je crie intérieurement « Tu me manques déjà ! » ou « Je ne veux pas que vous mourriez ! Non, je ne veux pas !! » et je rigole d’oser seulement penser au décès en de si joyeuses circonstances. Ce moment où on perçoit un trésor génial et en même temps sa grande fragilité, son vulnérabilité d’amour, sa fugacité humaine.