Il me semble que la prise de parole publique sur l’homosexualité (un sujet aussi complexe et pluriel) ne peut pas reposer exclusivement sur un témoignage. Aussi émotionnel, délicat, touchant et christique soit-il. Ce témoignage doit être absolument accompagné d’une analyse qui permet d’ouvrir le propos à d’autres interprétations, ressentis, expériences que lui-même.
Sinon, à son insu, il enferme un discours dans un seul vécu, dans la sensiblerie, il impose une vie (un témoignage ne se contredit pas), il ne laisse pas libre de penser qu’autre chose peut être vécu. Je constate exactement le même phénomène enfermant quand, à propos de l’homosexualité, on a droit à l’extrême-inverse, c’est-à-dire à une lecture exclusivement analytique, froide et généraliste.
Pour laisser une grande liberté, tout en restant dans le vrai, je crois vraiment que le meilleur pour un discours sur l’homosexualité, c’est de proposer une vraie réflexion analytique, et de l’illustrer de temps en temps par des exemples relevant du témoignage de vie personnel ; mais que le témoignage de vie doit rester en arrière-plan et ne peut pas prévaloir à l’analyse. Pourquoi ? Pour la bonne et simple raison que, dans l’inconscient collectif, dans l’esprit de nos contemporains et dans notre monde actuel, l’homosexualité est un sujet trop complexe et encore trop mal connu pour qu’on puisse se permettre uniquement de dire : « J’ai changé. Il est possible d’être hétéro ; la solution, c’est ma vie ; la solution, c’est l’Église ; la solution, c’est Jésus ». À mon avis, ça peut être même catastrophique de donner la solution d’un problème sans passer par l’analyse des étapes du chemin qui permettent d’arriver au sommet. C’est aussi inutile et démotivant que de souffler la bonne réponse à un camarade lors d’un devoir de mathématiques sans lui donner la possibilité de prouver qu’il a compris le cheminement intérieur qui conduit à la solution. Je l’aide sans l’aider. Il a bon sans avoir bon.