Je ne sais pas si vous vous rendez compte. Mais aujourd’hui, l’ambiance dans beaucoup de bahuts et d’écoles y compris catholiques commence à devenir irrespirable et explosives. Pour une raison simple : la peur et le non-dit se sont installés. Le manque de foi également. Et un fossé croissant entre l’Église et les réalités de nos jeunes se creuse. Je rencontre suffisamment de directeurs de collège et de lycée impuissants, d’infirmières ou de psychologues scolaires, d’aumôniers et de responsables de pastorale scolaire démunis, de parents paniqués, pour le dire. Beaucoup d’établissements, en particulier les hors-contrat, voient leur existence menacée, leur contenu d’enseignement surveillé et contrôlé par l’État, et leur population scolaire retourner sa veste à la vitesse de l’éclair et appuyer les thèses du monde (en matière notamment de sexualité). Les stages virilité-rugby-bière en abbaye n’y font rien. Le tsunami Internet met le personnel éducatif et les directeurs catholiques en porte-à-faux avec l’affectivité malléable et influençable de leurs élèves et des parents de ces derniers. L’homosexualité est un excellent baromètre de ce temps orageux qui s’abat sur le milieu scolaire catholique, puisque c’est LE seul sujet qui clive (bien plus encore que l’avortement) et qui n’est pas abordé (d’un point de vue vraiment catholique, j’entends) dans les établissements. Et je pense d’ailleurs qu’il ne le sera jamais. Moi, personnellement, j’ai eu la chance de pénétrer l’enceinte de quelques établissements à l’époque où c’était encore possible. Mais en 3-4 ans, la situation nationale et mondiale s’est tellement détériorée, la liberté d’expression et d’enseignement s’est tellement restreinte, et la paranoïa des antifascistes pro-gays d’un côté et des conservateurs homophobes s’est tellement durcie, que je crois que le court âge d’or des interventions en milieu scolaire est déjà révolu. J’en tiens pour preuve que les lycées parisiens qui m’avaient invité l’année dernière, par prudence et par peur de la prise de risques, m’ont décommandé. Alors que les besoins sont criants. À moins de faire ça en petit comité, ou de manière accidentelle, non-officielle, et quasi clandestine, c’est devenu quasiment impossible de venir témoigner de l’homosexualité en vérité devant les jeunes et dans les établissements scolaires même privés catholiques. Pour plusieurs raisons que je vais vous dérouler maintenant (j’en ai trouvé 8 !) :
1) (LES DIRECTEURS ONT PEUR DE LEURS ENSEIGNANTS) Première raison : parce que les directeurs ont désormais peur de leurs propres étudiants et de leur propre équipe enseignante. Et je devine un peu pourquoi : maintenant, l’enseignement privé abrite un nombre assez conséquent de profs homos. Cette peur, c’est un phénomène nouveau. Et ça montre que c’est bientôt la fin des haricots. Si un chef commence à craindre ses troupes, c’est qu’il ne tient plus son établissement, que l’établissement lui-même n’est plus catholique (autrement dit, il n’a plus la Foi), et qu’il est sur le déclin. Presque à chaque fois que j’ai eu l’occasion de faire des interventions en milieu scolaire pour parler d’homosexualité, y compris dans le cadre très fermé et libre de l’aumônerie du lycée, j’ai eu droit à la présence discrète d’un prof de l’établissement venu espionner ce que je disais, parfois même s’opposer (en vain) à mon analyse devant les élèves, et chargé de rapporter ensuite tout ce que j’avais pu dire, en déformant si possible mon propos pour prouver ma soi-disant « dangerosité ». Concernant l’homosexualité, je me rends compte que les adultes sont autant à former que les enfants. Le chantier est juste gigantesque. Et contre toute attente, il y a plus de révolte chez les adultes que chez les jeunes : ce sont eux qui me bouchent l’entrée. S’il n’en tenait qu’aux jeunes, ils seraient davantage ouverts à la rencontre. C’est au niveau des adultes que ça coince, que la censure s’opère. Je constate qu’aujourd’hui, le personnel éducatif de l’enseignement privé et public est gay friendly ou homo, et en faveur de l’Union Civile. Autre problème : les directeurs des établissements privés ne sont plus catholiques, ou alors sont catholiques d’éducation, « de façade » (bons pères de famille), et ne voient pas l’homosexualité comme une phénomène massif et prioritaire.
2) (LES JEUNES CATHOS ACTUELS SONT PRESQUE TOUS GAYS FRIENDLY) Deuxième raison pour laquelle c’est devenu quasiment Mission Impossible de parler d’homosexualité dans les établissements scolaires : parce que les jeunes cathos actuels sont quasiment tous devenus agressivement gays friendly : les démons de La Manifs Pour Tous d’un côté, et la présomption d’homophobie matraquée par les médias et les copains de classe de l’autre, les ont échaudés. En plus, beaucoup pratiquent désormais l’homosexualité (en mode « bisexuel », « occasionnel », « accidentel », « ludique », « cool » ou « pas identitaire »). Et les rares qui ne sont pas encartés/militants vis-à-vis de l’homosexualité sont très mal à l’aise avec le sujet, ou se radicalisent en mode homophobe, sans savoir réellement pourquoi ils s’opposent à l’homosexualité : ils précipitent alors leur premier rapport sexuel, pour se rassurer sur leur pseudo « hétérosexualité »… et feront peut-être un coming out à la surprise générale quelques années plus tard.
3) (LA PRUDENCE EST PLUS FORTE QUE LA PRISE DE RISQUE) Troisième raison pour laquelle c’est devenu quasiment Mission Impossible de parler d’homosexualité dans les établissements scolaires : parce que l’argument de la prudence a largement plus de poids que celui de la prise de risques. Pour prendre une comparaison, plutôt que d’accepter l’opération, le malade préfère nier qu’il souffre, jouer le bien-portant, diaboliser le chirurgien et exagérer la douleur de l’opération, en disant même qu’elle empirera sa situation. Ça restera un mensonge et de la mauvaise foi. Mais tant qu’on ne prend pas le risque, la peur a toujours plus raison que la confiance. Idem concernant la visite d’un témoin de l’homosexualité dans une classe. Il est facile d’invoquer la protection des jeunes, leur fragilité (soi-disant ce ne serait pas de leur âge d’entendre parler d’homosexualité), pour décourager l’équipe enseignante et le proviseur de l’inviter.
4) (POUVOIR DÉLATEUR DES RÉSEAUX SOCIAUX) Quatrième raison pour laquelle c’est devenu quasiment Mission Impossible de parler d’homosexualité dans les établissements scolaires : l’influence croissante des réseaux sociaux, devenus les terrains idoines de la délation et de la surveillance collective. Actuellement, les responsables d’établissement veulent éviter les ennuis, les fuites, les bruits de couloir. Le scandale du Lycée Gerson a marqué les esprits ! Ils veulent s’épargner les attaques post-conférence des internautes en culotte courte qui balanceraient sur Twitter leur mécontentement indigné face aux enseignements sur la sexualité qu’on leur a imposés en cours alors qu’ils n’ont rien demandé !! Internet a instauré un climat de peur généralisée extrêmement dissuasif. On préfère noyer le poisson des sujets sensibles et laisser que la situation pourrisse, plutôt que de se retrouver lyncher en place publique dans les journaux et sur la toile. Quand je parle des étudiants délateurs, ce n’est pas de la fiction. Le Smartphone, les comptes Facebook, les profils anonymes, les tweets cinglants, sont devenus des réelles menaces, effectivement (n’est-ce pas Laurent Wauquiez ?). Ils peuvent en un rien de temps briser une carrière, salir la réputation d’un lycée, entraîner toute une école dans une tourmente judiciaire compliquée. D’autant plus que maintenant, l’homophobie en France est passible de sanctions pénales.
L’année dernière, en 2017, le lycée privé Notre-Dame Sainte-Croix à Neuilly-sur-Seine avait tremblé rien que parce que certains de ses élèves avaient balancé sur Twitter leur écœurement face à un manuel sur la sexualité qui leur avait été distribué et qui décourageait les jeunes filles à avorter et présentait l’homosexualité comme une « anormalité » et une « perversion ».
Pour éteindre les flammes de cette polémique inattendue, le lycée avait dû présenter ses regrets publics. Le fait que désormais les réseaux sociaux ont transformé de simples ados en petits justiciers, en mini-journalistes, en bébés-espions et en délateurs, est une réalité nouvelle dont il faut tenir compte, et qui explique combien il devient quasiment impossible aux proviseurs d’oser s’attaquer au traitement de l’homosexualité.
5) (ORGUEIL DE L’AUTO-GESTION) Cinquième raison – liée à la quatrième – pour laquelle c’est devenu quasiment Mission Impossible de parler d’homosexualité dans les établissements scolaires : les pressions politiques, les intimidations associatives et médiatiques. À cause d’elles, les établissements « catholiques » jouent la carte non seulement de la prudence mais de l’assurance : « On ne va pas prendre des risques inutiles… même s’il y a des besoins de plus en plus pressants à propos de l’homosexualité… Mieux vaut régler ça en famille. » Le traitement de l’homosexualité est étouffé dans le « cas par cas ». Ils pensent qu’ils peuvent gérer tout seuls ! L’orgueil et la pudibonderie des formateurs à la sexualité, qui surprotègent les jeunes, ou bien mènent une chasse gardée pour conquérir/conserver ce terrain très prisé de l’accompagnement des populations fragiles, obstruent considérablement l’entrée d’analystes de l’homosexualité bien plus compétents qu’eux.
6) (PÉNURIE D’INTERVENANTS HOMOS COMPÉTENTS) Sixième raison pour laquelle c’est devenu quasiment Mission Impossible de parler d’homosexualité dans les établissements scolaires : à cause de la pénurie objective de témoins homos en chair et en os, qui ont vraiment étudié la question de l’homosexualité, de l’hétérosexualité et de l’homophobie, avec un regard d’Église solide, qui sont prêts à s’exposer, et qui savent aussi y faire avec les jeunes. Les chefs d’établissement – et je les comprends – n’ont pas envie d’inviter toujours la même personne (Philippe Ariño) et trouvent ça louche de ne pas avoir un choix d’intervenants plus diversifié. Le choix unique, ça les saoule.
7) (LES FAMILLES DIVISÉES) Septième raison pour laquelle c’est devenu quasiment Mission Impossible de parler d’homosexualité dans les établissements scolaires : les adultes d’aujourd’hui ignorent ou relativisent le danger de la croyance en « l’identité » homo ou de la pratique homo chez leurs enfants. Ils diluent l’homosexualité dans d’autres problématiques qui lui sont indirectement associées (drogues, dépression, suicide, porno, Internet, etc.) et se satisfont d’un discours généraliste sur la sexualité et les addictions, prodigué par des Thérèse Hargot ou des abbés Pierre-Hervé Grosjean. Plus rassurant. Et ça leur suffit. En réalité, ils sont complètement largués sur l’universalité et la primauté de la bisexualité dans la tête et le cœur des jeunes, sur la gravité des situations intimes et des tsunamis intérieurs qu’expérimente parfois leur fiston ou leur fille. Ils sont devenus indifférents et ignorants à leur réalité, presque totalement hermétiques aux mondes parallèles que ce dernier côtoie au jour le jour (jeux vidéos, porno, chaînes Youtube, infos circulant sur les réseaux sociaux, films et séries, groupe politique, loisirs louvoyant avec des sectes, prostitution, etc.). Et après, ce sont les infirmières et psychologues scolaires qui constatent un peu trop tard les dégâts d’un pareil décalage, et qui colmatent les brèches comme elles peuvent. La raison encore plus profonde du mépris de l’homosexualité par les parents d’élèves, c’est celle de leur propre rapport à la différence des sexes et à l’Église (et donc au mariage) : les couples catholiques mariés divorcent de plus en plus. Alors en même temps qu’ils deviennent gays friendly, ils supportent de moins en moins le reflet de leur division qu’est l’homosexualité. Ils ne veulent pas voir celle-ci traitée. Et encore moins que leurs enfants entendent parler de « ça » en classe ! Au cas où ça leur donnerait des idées et les perturberait encore plus que la séparation familiale !
8) (LE CLIMAT MONDIAL TENDU) La huitième et dernière raison pour laquelle c’est devenu quasiment Mission Impossible de parler d’homosexualité dans les établissements scolaires : elle est sociale. Ce sont les blessures invisibles, les divisions profondes et les non-dits laissés par le passage de La Manif Pour Tous et du « mariage gay ». Globalement, les gens sont terrorisés à l’idée de déterrer la hache de guerre, de la discorde, de la confusion, que représente l’homosexualité. Force est de reconnaître que nous sommes confrontés à un climat de guerre civile larvée. Même si ce n’est pas flagrant. Nous nous retrouvons dans une situation de pré-dictature et de Troisième Guerre mondiale, comme l’a souligné le pape François. Nous devons en tenir compte. Car ça n’arrange pas les choses. Et ça explique les nombreuses résistances du personnel éducatif au traitement de l’homosexualité, homosexualité qui je le rappelle est la planque mondiale du diable, donc une véritable boîte de Pandore.
Au bout du compte, toutes ces barrières à franchir, pour obtenir ne serait-ce que 50 pauvres petites minutes de temps de parole (c’est bien le seul créneau offert par une heure de cours classique) afin de traiter d’un sujet aussi énorme que l’homosexualité, ça découragerait même le plus téméraire des intervenants. T’as envie de dire aux parents frileux et aux chefs d’établissements catholiques qui se prennent la tête sur ton cas : « C’est trop compliqué pour vous ? Eh bien restez dans votre merde ! Laissez la télé et Internet éduquer vos élèves en douce et à votre place ! Démerdez-vous sans moi ! Si c’est ça que vous voulez. Moi, j’ai juste le devoir de vous dire que votre établissement n’est plus catholique, malgré l’écriteau qu’il porte sur sa devanture ! »
Cet article bénéficiera bientôt d’une vidéo sur Youtube, intégrant une série de 15 entretiens tournés en avril 2018 à Lourdes avec la journaliste Nathalie Cardon, et dans le droit fil de mon livre Homo-Bobo-Apo. Voici les articles de chacun d’eux :
1 – « Les 11 messages subliminaux diffusés dans l’émission ‘The Voice’ »
2 – « Le Synode des jeunes : la cata »
3 – « Le raz-de-marée de la transidentité » (transsexualité)
4 – « Le Boom des pastorales d’accompagnement des personnes homosexuelles dans l’Église »
5 – « Mylène Farmer, Grande Architecte de la Franc-Maçonnerie gay friendly »
6 – « Pourquoi La Manif Pour Tous est un vrai désastre »
7 – « Pourquoi parler d’homosexualité dans les établissements scolaires est Mission Impossible »
8 – « L’homosexualité dans la série de TF1 Demain Nous Appartient »
9 – « Je me suis ridiculisé publiquement : Comment vivre avec cette honte ? »
10 – « L’Hétérosexualité est la Bête de l’Apocalypse »
11 – « Les 4 armées de la Bataille finale d’Armageddon »
12 – « Visite maçonnique de Macron aux Bernardingues »
13 – « Les 12 obsessions des cathos bobos de la Réacosphère »
14 – « Homosexualité, la priorité niée dans l’Église »
15 – « Définition de la bisexualité »