En ce moment, je rencontre quelques filles géniales, cathos, bonnes à marier, et à qui je sens que je plais. Mais le simple fait de m’imaginer en intimité et en couple avec elles me dégoûte, m’effraie, me décourage, m’ennuie profondément. Et je rencontre aussi quelques rares hommes géniaux, cathos, parfaits pour former une union, qui eux ne me dégoûtent pas du tout, mais que je ne veux pas draguer (La « condition homosexuelle » est extrêmement mal faite et handicapante, quand même !)
Je me sens comme une bestiole de petite taille qui, même avec un escabeau (= l’attention d’une femme, l’amitié exceptionnelle d’un ami), ne parviendra pas à contempler le beau paysage au-dessus de la barrière, ne pourra pas cueillir les gros fruits de l’arbre haut perché du mariage femme-homme ou du sacerdoce. Parce que c’est trop élevé. Parce que c’est trop lourd pour ces pattes. Parce que le fil que je tisse et auquel je me hisse ne résistera pas à la force du vent et aux altitudes. Parce que la blessure est là, et qu’en dépit des prières, de la bonne volonté, de l’essai de découverte de ces femmes, c’est au-dessus de mes forces et des forces que le Seigneur me donne pour l’instant.
Il n’y a que l’amitié avec mes frères et sœurs de condition homosexuelle qui soulage ma démangeaison, mon écœurement, ma révolte, ma désespérance, mon cri intérieur, mon ras-le-bol d’être homo, mon isolement, le passage des années. Car eux vivent la même limite que moi, le même drame, au même niveau. Sans eux, je me dirais : Mais à quoi ça sert de vivre ? À quoi sert mon homosexualité ? Pour qui j’existe et suis-je vraiment unique ? Vu que je ne peux pas (encore ?) goûter les fruits de l’amour plein et complémentaire, je n’ai que cette fraternité de misère et de blessure à laquelle me raccrocher. C’est pour ça que je n’aime pas ceux qui veulent raser le « milieu homo » ou la « communauté homosexuelle » ou le « lobby LGBT », avec leurs bulldozers. Ne nous enlevez pas le « milieu homo ». Aidez-le plutôt à devenir une grande communauté d’amitié désintéressée. Mon homosexualité n’a qu’un seul avantage : me rendre proche et responsable de gens que, sans elle, je n’aurais jamais connus. En plus de Jésus, mon seul roc existentiel, vraiment, ce sont mes amis homosexuels. Je comprends tout à fait les personnes homosexuelles qui, même avec un accompagnement spirituel béton, une bande d’amis béton, une famille aimante, parfois même un mariage béton, pètent un câble et demandent à rejoindre expressément leurs jumeaux d’orientation sexuelle pour être enfin compris. Ce besoin n’a rien de communautariste, ni de théâtral ni de pornographique à la base. Il est de l’ordre de la recherche de communion de Croix, de la compréhension mutuelle de soi. Les « petits » restés au sol ont besoin de partager avec ceux qui sont à la même hauteur qu’eux ce qu’ils voient, tout pendant que les grands s’émerveillent là-haut et ne les entendent pas souvent. On peut critiquer ce nivellement par le bas que traduit la recherche du semblable d’orientation homosexuelle, trouver que c’est une pensée qui n’élève pas et qui obéit à la bassesse des pulsions. Mais c’est faire bien peu de cas du micromonde, de la force de l’amitié, et de l’importance de l’homosexualité (qui est bien plus qu’un défouloir, qu’une envie passagère, qu’un caprice ou qu’une peur surmontable). C’est pour cette raison que je suis particulièrement peiné quand une personne homosexuelle prétend me haïr sans même avoir pris le temps de me connaître. Ça m’attriste bien plus qu’avec une personne non-homosexuelle. Car l’enjeu de notre relation est plus grand.