Et c’est reparti… Et c’est terriblement banal… Et c’est tellement pitoyable… Pourquoi en parler et en remettre une couche ?
Et pourtant… Envie de crier intérieurement au secours. Mais qui pourra m’écouter ? Et à qui arriver à dire un truc pareil ?
Et on a beau savoir que c’est pitoyable, on a l’impression que ça ne s’arrêtera jamais, que c’est un cercle vicieux (comme la bouteille ou la clope). Y compris quand on veut ! Y compris quand on a détruit les preuves du méfait ! Y compris quand on le jure à Dieu ! Y compris quand on s’adresse à ses meilleurs amis, à notre conjoint, à tous les saints, à nos proches qui sont décédés, au Ciel, à Marie, à un prêtre !
Ne t’en fais pas, mon ami. Je suis passé par là. Par ce sentiment poisseux de tristesse d’avoir été faible. Par ce sentiment de honte de ne pas parvenir à se contrôler, d’être dépendant d’images pornographiques minables qui collent à la peau (et à l’imaginaire surtout !). Par ce manque de volonté en nous, qui nous donne l’impression d’être des sombres merdes qui n’arriveront jamais à la sainteté et à ce que nous demande l’Église. « Je rends faible » dit le diable. Et quand il a temporairement réussi à nous affaiblir, à nous assujettir, il ne s’arrête pas en chemin, le salaud : il continue de nous dire que « c’est pas grave » ET que « c’est hyper grave » en même temps, que le début du péché équivaut à ses ultimes conséquences, qu’on ne s’en sortira jamais.
Je suis passé par là. J’y repasserai peut-être un jour. C’est une tentation d’homme. C’est le combat d’une vie (peut-être le plus important pour initier les autres bien plus grands combats de notre vie que lui !) Et sur ce terrain-là de notre génitalité intime, rien n’est acquis, même à celui qui se maîtrise mieux que les autres. Nous sommes TOUS tentés et TOUS faibles. La forte jouissance de la masturbation, c’est notre talon d’Achille, à nous les mecs (alors que le talon d’Achille des filles, c’est plutôt la séduction et chercher à plaire). A fortiori dans un monde où la pornographie est à portée de main, en un clic, est omniprésente.
Donc je suis à 100% avec toi dans ce moment d’amertume que tu vis maintenant suite à la masturbation, toi qui lis ces lignes et qui n’as peut-être plus la force de te regarder en face, plus la force de parler, de lire ou d’écrire quelque chose. Je devine combien tu as envie de te cacher après t’être vidé et sali les yeux, combien tu as envie d’oublier. Et comme je te comprends ! L’idée même que tu vas devoir assez vite reconfesser ce fait devant un prêtre t’angoisse et te fatigue d’avance. Tu n’es même plus sûr de tes promesses, de ta parole (tu as tellement promis, pour finalement dans le quart d’heure d’après retomber de plus belle). Peut-être que tu ne veux même plus aller te confesser pour « si peu ».
Viens que je te serre (virtuellement, verbalement, pour de vrai) dans mes bras, pour partager ta peine avec moi, pour que nous en rigolions ensemble de cette infidélité honteuse, du fait que tu te vautres et te revautres. Pas pour banaliser ta chute, mais pour la purifier au feu du pardon, de l’amitié, de l’humour, du Réel, des Essentiels de notre vie. Accueille-moi aussi, je t’en prie, quand je retombe. J’ai tant besoin de notre fraternité. Et regardons ensemble le ciel, marchons un peu, allons prendre l’air, en se disant que toutes ces offenses à nous-mêmes et à Dieu, toutes ces trahisons, ne sont rien à côté de l’amour incroyable que Jésus a pour nous, rien à côté de l’Éternité qu’Il nous offre en héritage, rien à côté du bon moment que ton dérapage nous permet de vivre à présent tous les deux, rien à côté de la force du partage fraternel de nos défaillances communes.
Ne donnons pas au mal l’importance qu’il n’a pas. C’est ce qu’il cherche (= à nous enfermer dans nos mauvaises actions, à les grossir et à les banaliser). Mets la joie et le Bien en priorité, et relève-toi sans pleurnicher, dignement, avec la ferme intention de ne plus recommencer. Ferme mais pas rigide ni théâtrale. Une décision presque dépassionnée : c’est celle qui marche le mieux sur la durée. L’important, c’est que tu veuilles te relever et que tu renouvelles ce désir à Dieu et à ceux que tu aimes : pas que tu réussisses. Le plus important dans le Bien, c’est la décision de Le faire. C’est comme pour le mariage. Ce qui est moteur et ce qu’un prêtre vérifie chez un couple solide, c’est la décision de s’aimer. Pas comment ça se passera dans le futur (car ça, il ne peut pas le savoir). Eh bien pour la masturbation et le porno, c’est pareil. Le plus important est que tu décides d’arrêter. Pas que tu arrêtes. Si tu arrêtes, tant mieux, bien sûr. Si tu arrêtes durablement et définitivement, encore mieux, bien sûr ! Mais la force d’arrêt durable vient d’abord et surtout d’avoir un jour décidé d’arrêter. Cette décision peut même arriver à la seconde qui a suivi le regard apitoyé que tu t’es lancé dans la glace après avoir joui en te disant que tu n’étais qu’un connard. Le bon larron, Marie-Madeleine ou encore les ouvriers de la dernière heure, connaissent cette seconde décisive là. Et ils connaissent surtout sa force incroyable. Ils connaissent la joie qu’elle annonce. Donc allez : DÉCIDE ! Et ta décision t’entraînera.
Je t’aime fort et t’accompagne.
Philippe