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« Tu es mal aimé par l’abbé Pagès et tous les autres parce que tu ne tiens pas dans cette continence… »


 

Par rapport à la continence homosexuelle (don public de son homosexualité au monde et à l’Église sans la pratiquer), les pharisiens actuels nous font miroiter que si nous nous conformons à leur volonté et à ce que eux appellent « la Volonté divine », « la sainte Obéissance » (parce que finalement ils se prennent pour Dieu), ils nous soutiendront… et que s’ils ne nous soutiennent pas/ne nous ont pas soutenus, s’ils ne nous croient pas et ne croient pas en notre sainteté/notre solidité/notre légitimité/notre témoignage, c’est uniquement parce que nous n’en avons pas donné les preuves suffisantes, c’est parce que nous sommes (re)tombés. J’ai entendu, pas plus tard qu’aujourd’hui, une pharisienne catholique (qui se reconnaîtra), qui a été capable de me sortir, suite à son visionnage de la vidéo de Morgan Priest : « Tu es mal aimé par l’abbé Pagès et tous les autres parce que tu ne tiens pas dans cette continence… » Et le pire, c’est qu’elle ne voit même pas l’énormité/la gifle qu’elle m’a sortie.
 

Cette logique pharisienne du « On ne te soutient pas parce que tu n’es/n’as pas été obéissant » ou du « Si tu avais été obéissant, on t’aurait soutenu » est non seulement puante mais un gros mensonge. J’en sais quelque chose puisque, dans la période 2011-2016 où j’ai été vraiment continent, les pharisiens ne m’ont pas davantage soutenu. Et là, pour eux, 3 mois de retour à la continence, ce n’est pas assez. Ils tiennent les comptes. Et « ça fait tache ».
 

Croire que les pharisiens sont bons à partir du moment où on est bon, c’est se fourrer le doigt dans l’œil, et c’est également une illusion pharisienne. J’en viens même à me demander pour quoi certains catholiques m’aiment, et s’ils m’aimeraient si je n’étais plus continent. J’en doute. Toute personne qui estime que j’ai mérité le désamour des pharisiens à cause de ma désobéissance passée, pense (à tort) que c’est ma désobéissance qui justifie qu’ils me tournent le dos. Là encore, c’est faire de la sainteté une affaire de mérite, ou un coup de baguette magique. C’est aussi ne pas comprendre que les pharisiens n’aiment ni les pécheurs ni ceux qui leur sont obéissants. Ils ne nous aiment pas davantage quand nous sommes continents. Ils n’aiment jamais. Qu’on fasse ce qu’ils demandent ou pas. Ils sont incapables de demander pardon, même quand ils ont objectivement fauté et manqué de Charité : ils offrent une parodie de pardon, à savoir la prière pour les autres, ou bien l’hypocrite formulation d’« excuse d’avoir blessé ».
 

Ils n’ont pas compris que l’Amour de Jésus n’est pas rétribué par le mérite et selon nos bonnes œuvres, n’obéit pas à notre fiabilité, mais qu’Il arrive justement alors même que nous sommes encore pécheurs et pas fiables. Jésus n’est pas mort sur la Croix pour les Justes ou à partir du moment où nous sommes sortis définitivement de nos péchés, avons le parfait C.V. et montrons patte blanche. Non : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. » (Rom 5, 8). Dieu nous accorde son pardon et la sainteté, non parce que nous ne péchons plus, mais parce que nous ne péchons pas, et même quand nous péchons encore. Dieu nous sauve parce que nous ne méritons pas son Salut. C’est saint Paul qui le dit. Je vous renvoie à mon article sur les pharisiens, et sur l’aspect fondamentalement collectif de la sainteté.

Voilà à quoi se résume la vie d’une personne catholique et homosexuelle qui veut rester dans l’Église


 

Quand tu es homo et catho, et qu’on ne te permet pas d’être continent (puisque la continence est par définition l’abstinence pour Jésus, le don et l’analyse publics de l’homosexualité : elle est comme la sainteté, elle n’est pas personnelle, elle est un chemin et un cap et non un trophée ni la ville d’arrivée, elle n’appartient qu’au Christ, elle n’existe qu’en partage et que si elle est donnée et reçue ; sinon elle meurt dans un coffre ou dans les mains), l’unique perspective existentielle qu’il te reste (et je pense, qui est vécue par 99,9% des catholiques homos qui veulent obéir à l’Église), c’est l’abstinence sèche. Cette abstinence qui est surnommée pieusement et pompeusement « Croix », « renoncement », « Vérité », « obéissance », « sainteté », « promesse de Salut ». Cette abstinence que certains appellent à tort « chasteté » (la chasteté est la vertu universelle qui n’induit pas nécessairement le célibat, le renoncement au couple ni aux enfants ni à la génitalité ni à la sentimentalité… donc elle ne correspond pas à la condition spécifique homosexuelle), et encore plus à tort « continence » (celle-ci est nécessairement publique, joyeuse, percutante, réconciliée avec la culture et la communauté LGBT, et ouvertement homosexuelle) consiste à : 1) se contrôler en permanence sur la masturbation ; 2) se contrôler en permanence sur le porno ; 3) s’empêcher de tomber amoureux ; 4) s’empêcher de sortir avec quelqu’un et de coucher ; 5) quitter son copain si jamais on est en « couple », et de vivre une vie de célibataire « à vie » ; 6) éviter de se marier (ou alors, quand on peut se marier, tirer un trait complet sur son homosexualité et sa vie d’avant) ; 7) renoncer à rentrer dans les ordres (ou alors, quand on a réussi à passer entre les mailles du filet, faire profil bas et s’engouffrer dans une intense vie de prière) ; 8) renoncer à la conjugalité et à la joie de l’apostolat par l’homosexualité ; 9) vivre dans l’anonymat, la tristesse, la sécheresse, la double vie (le suicide, pour un catholique, est inconcevable) ; 10) s’imposer à soi-même (j’oserais même dire « s’inventer », « se rêver », « fantasmer », « singer »), sans mission ecclésiale officielle ou clairement pré-établie, un vœu, une oblature, une consécration virginale entre soi et Jésus/l’Église, un peu « à la protestante » (puisqu’aucun évêque, ni cardinal ni prêtre ni Pape n’a le courage de nous demander la continence : dans les rares cas où ils osent utiliser notre homosexualité, ils ne nous proposent qu’une abstinence, qu’un retrait, qu’une fraternité de victimes planquées, qu’une écoute impuissante…). En gros, pour l’instant, la seule porte de sortie offerte par l’Église aux personnes durablement homosexuelles, c’est une vie de vieux gars superficiellement « accompagné » (par des groupes de parole qui essaient d’éteindre ton homosexualité plutôt que de l’utiliser, qui tentent de juguler le flot impétueux de ta libido débordante, de limiter les dégâts de ton train de vie branlant et parsemé de chutes et de tentations), quasiment une vie de veuf (à 30 ans !) frustré et ponctuellement libertin. Et, pour les plus courageux, une vie de petit garçon sage effectuant inlassablement des va-et-vient entre les sites de rencontres et les confessionnaux. Merveilleux, n’est-ce pas, dans quel isolement, quelle misère et quel désarroi nous, personnes homos qui avons le petit mérite de rester dans l’Église et d’encore assister à la messe, qui avons le petit courage de rentrer dans le rôle du malade apaisé et même miraculeusement guéri par Jésus, et de supporter l’indifférence, la défiance, la culpabilisation et le mépris permanents de la plupart des catholiques à notre encontre, nous nous trouvons… Ça fait envie, hein? Voilà notre quotidien. Et le pire, c’est que je n’exagère même pas ! Et comme je comprends ceux d’entre nous qui se barrent de l’Église (même s’ils ont tort de se barrer) !
 

N.B. : Pour compléter, lire aussi cet article ainsi que cet autre article.

Celui qui peace partout

Celui qui peace partout

 

L’Église la propose, je l’ose!

 

 

N.B. : Cet article, qui figure dans la revue Causeur de juillet-août 2011 a été initialement intitulé « La continence, orgasme du catho-homo !« . Je ne l’ai quasiment pas remodelé.

 
 

 

Que faire quand on est à la fois catho, homo, et au printemps de sa vie ? L’Église catholique propose une solution scandaleuse pour notre époque, une grosse blague bien sérieuse qui s’appelle CONTINENCE. Un truc qui ne s’oppose pas strictement au couple homo (le meilleur n’est pas l’ennemi du bien), un choix de vie qui ne ravit pas y compris les couples « hétéros » (qui sont loin d’être des modèles de vertu dans le domaine de la sexualité-engagement, c’est le moins qu’on puisse dire…), une solution à l’homosexualité qui paraît tellement irréaliste que peu d’ecclésiastiques osent seulement en prononcer le nom, de peur de passer une nouvelle fois pour les méchants-réac-ennemis-du-plaisir-et-de-l’Amour. Mais bon, tant pis ! L’Église propose. Le Peuple sanctifié que nous sommes dispose ! Et de toute façon, l’institution vaticane n’est plus actuellement à une « énormité idéologique » près, surtout quand cette énormité, une fois concrètement testée, procure un bonheur inédit et une joie d’exister qu’une vie de couple homo bien rangée ne donnera vraisemblablement jamais. J’en suis la preuve vivante, étant moi-même catholique, homosexuel, et vraiment continent !

 

Continence. Qu’est-ce que c’est que ce mot barbare ? – vous demandez-vous. La nouvelle trouvaille angéliste d’une Église catho soucieuse d’imposer sous une forme plus moderne ses interdits moraux sur la sexualité ? Sûrement pas. Qu’on L’écoute un peu parler de sexe, et on s’aperçoit vite que l’Église aime tellement le corps, les plaisirs, et le cul, qu’Elle leur offre des limites ! Un rapport avec l’incontinence ? On chauffe, on chauffe… Pour faire dans le jeu de mot trivial super illustratif et pédagogique, je dirais que l’incontinent, c’est celui qui pisse partout ; alors que le continent, c’est celui qui « peace » partout… c’est-à-dire qui donne sa sexualité à Dieu et aux autres pour mieux la vivre et lui donner sens, surtout quand il constate que le couple homosexuel, tout capable d’amour qu’il soit, est très limité, bancal, et peu idéal pour trouver le bonheur.

 

J’ose même dire que la continence dont l’Église parle est la Voie Royale proposée à des personnes qui, comme moi, ne se sentent appelées ni au mariage, ni au célibat consacré. Car il n’existe pas une seule et unique voie d’épanouissement sexuel dans ce bas monde. Et le célibat et l’abstinence ne sont pas des non-sexualités, mais au contraire d’autres expériences concrètes de la sexualité humaine, si riche et si diversifiée. Les enfants que nous avons tous été, les vieillards que nous serons peut-être, les célibataires que nous sommes universellement à un moment donné de notre vie, ne me contrediront pas : nous vivons tous de sexualité, 24h/24, de la naissance jusqu’à la tombe. Et même si nous sommes tous appelés à donner notre vie à une personne privilégiée, nous n’avons en revanche pas un destin de Roméo censé remplir avec sa « moitié » les restos les jours de st Valentin, ou les plateaux-télé en forme de camembert, dans l’optique de prouver au monde entier que l’amour-sentiment est plus fort que tout… et que l’Amour-engagement, éternel et unique, n’existe pas. La continence est à mon avis la meilleure façon d’assumer pleinement son désir homosexuel et d’en parler avec une réelle transparence, sans honte. J’ai remarqué qu’à partir du moment où on passait à l’acte homosexuel, à partir du moment où on justifiait son désir homosexuel – en tant qu’identité ou amour –, très vite on le dissimule et on ne cherche plus à le comprendre. On n’a plus la force de parler d’homosexualité. La continence, à l’inverse, nous sort de la justification, de la culpabilité, de l’idéologie, des mascarades, du mutisme, pour nous donner accès à l’explication, à la monstration, à la Vérité, à la liberté, à l’action. C’est en la goûtant qu’on se rend compte qu’elle est un véritable trésor, et qu’avant, l’ennui et l’anesthésie du cerveau nous engluaient dans la superficialité.

 

Alors si monsieur Tout-le-monde vous demande d’un air sceptico-bougon la définition de la continence, ne vous cassez pas trop la tête. Dites-lui d’abord (ça ira plus vite) tout ce qu’elle n’est pas : ni un appel à la chasteté (la chasteté n’est pas réductible à la continence : c’est la juste distance nécessaire à tout type de relation, y compris entre un homme et une femme, un artiste et son œuvre, un individus et ses amis, etc.), ni une sacralisation du célibat (le célibat en soi n’a pas de sens : il n’en trouve un que s’il est un don entier de son être à une autre personne UNIQUE, qu’on appellera Dieu ou individu de l’autre sexe), ni un synonyme d’abstinence (on peut s’abstenir pour tout et n’importe quoi, et pas forcément pour des buts louables). La continence, elle, vise à s’abstenir POUR quelqu’un… qui plus est Quelqu’un avec un « Q » majuscule puisqu’il s’agit de Jésus! Vous pouvez poursuivre en lui disant ce qu’est vraiment la continence : un don entier de sa personne à Dieu. Et si la pilule ne passe toujours pas, il ne vous restera plus qu’à balancer la comparaison pédagogico-vulgos entre continence et incontinence, que j’ai proposée plus haut, comparaison qui a son charme, sa clarté, et vous libèrera peut-être de l’indécrottable soupçon de « coincitude » qui pesait sur vous depuis que vous aviez prononcé le mot « Dieu ».

 

Qu’on se le dise ! La continence, ce n’est pas le bagne, ou une demande impossible. Cela ne devient inhumain que si on ne la vit pas pleinement ! Car ceux qui soi-disant se l’imposent à coup de martinet et de volontarisme de grenouille de bénitier, ne nous leurrons pas, ne la vivent pas : ils l’essaient mal, ou scolairement, et crient contre elle avant d’avoir mal ou de s’être laissé le temps d’y goûter avec leur cœur. Ce n’est pas ce que diront les détracteurs de la continence qui, dans une naïveté confondante, pensent vraiment que la sincérité affichée de ces faux continents vaut pour acte réel et pour preuve indiscutable que la continence est une démarche suicidaire et hypocrite ! Regardons les faits. Laissons de côté les intentions.

 

Vous me croyez si vous voulez. Les prophètes hédonistes de la jouissance sans entrave se foutent le doigt dans l’œil bien profond en pensant que les vrais coincés sont les cathos, que la sexualité-génitalité n’a pas vraiment d’enjeu ni de gravité (c’est vrai que la joie de l’accueil d’un enfant, c’est de la bagatelle…), ou qu’elle est forcément géniale d’être soi-disant proportionnelle au nombre d’expériences amoureuses accumulées dans une vie. Je n’ai jamais vu d’individus plus frustrés sexuellement que ces bêtes de sexe qui enchaînent fiévreusement, sans liberté aucune, les « plans cul » et les aventures de 6 mois avec différents partenaires. Les cathos, continents ou pas, sont à mes yeux, les serial-baiseurs les moins frustrés qu’il existe sur Terre. Il n’y a qu’à voir le nombre d’enfants et d’amis sereins qui gravitent autour d’eux ! C’est parce que les cathos aiment vraiment le sexe qu’ils se privent parfois de cul. Il ne faut jamais abuser des bonnes choses… sinon, on n’y goûte plus à force de s’en goinfrer.