Contrairement à l’idée commune, l’Amour, ce n’est pas la personne qu’on ressent bien. C’est celle qu’on ressent de temps en temps bien, et surtout celle qu’on a choisie à vie, au-delà de ce qu’on ressent.
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Code n°8 – Amour ambigu du pauvre
Amour ambigu du pauvre
NOTICE EXPLICATIVE :
La solidarité, comme tout don humain, n’est pas positive en soi. Cela dépend de comment elle s’exerce, et surtout si l’identité et la liberté de la personne assistée ont été honorées suite à l’échange, justement. Dans le cas des personnages homosexuels des fictions (et parfois des personnes homosexuelles réelles), on peut constater que la juste distance entre le bienfaiteur et l’étranger/le pauvre n’a pas été clairement observée, et que l’un comme l’autre ont cherché à empiéter sur le terrain de l’autre sans se respecter. Le plus riche s’est laissé attendrir par un élan de solidarité fusionnelle, un sincère désir de communion amoureuse avec son petit protégé, tandis que le nécessiteux profite de la situation, vit dans l’assistanat, et considère le sexe, le vol et le meurtre, comme des moyens de venger sa propre classe sociale ou race. C’est précisément cet amour excessif, passionnel, sacrificiel, peu distant, que l’on observe dans les œuvres homos, et chez les personnes homos réelles en mal d’exotisme, d’âmes à sauver. Il est fréquent en effet de voir que l’élan solidaire du héros gay, apparemment pétri de bonnes intentions et d’amour du prochain, rime le plus souvent avec usurpation d’identité, prostitution, tourisme sexuel, narcissisme bobo, indifférence aux vraies personnes dans le besoin, opportunisme petit-bourgeois. L’étranger n’est pas tant aimé pour lui-même que pour son image d’Épinal fantasmée, et l’occasion en or qu’il fournit de s’acheter un diadème de victime innocente, de preux défenseur des Droits de l’Homme, tout en déchaînant en toute légitimité sa jalousie sur les Puissants dont on rêve de ravir discrètement la place.
N.B. : Je vous renvoie également les codes « Putain béatifiée », « Mère Teresa », « Témoin silencieux d’un crime », « Méchant Pauvre », « Bobo », « Prostitution », « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre », « Voyage », « Homosexuel homophobe », « Liaisons dangereuses », « Amant modèle photographique », « Poupées », et à la partie « Je suis une (plus grande) victime (que les autres) » du code « Homosexualité noire et glorieuse », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
Le personnage homosexuel aime le pauvre d’un amour ambigu, à la fois condescendant et fou :
a) Le pauvre-objet, exotique et lointain :
Beaucoup d’œuvres homo-érotiques chantent la charme discret et « involontaire » de l’étranger ou de l’indigent, le fameux Beatus Ille. « La transfiguration d’un état de misère » comme l’a écrit un jour un ami romancier angevin en 2003 : cf. le roman Aziyadé (1879) de Pierre Loti (avec le jeune Samuel), le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon (Victor et Selim l’ouvrier arabe), la toile Noa-Noa (1901) de Paul Gauguin, le roman Les Civilisés (1905) de Claude Farrère, le roman Malaisie (1930) d’Henri Fauconnier, le roman Prostitution (1975) de Pierre Guyotat, les romans L’Immoraliste (1902) et Si le grain ne meurt (1925) d’André Gide, le roman Incidents (1987) de Roland Barthes, le film « Caravaggio » (1986) de Derek Jarman, les romans La Sombra Del Humo En El Espejo (1924) et Pasión Y Muerte Del Cura Deusto (1924) d’Augusto d’Halmar, le tableau Robinson et Vendredi (2007) d’Éric Raspaut, le roman Cet Arabe qui t’excite (2000) de Djallil Djellad, le film « Grande École » (2004) de Robert Salis (avec Salim Kechiouche), le court-métrage « Alger la blanche » (1986) de Cyril Collard, les films « Les Corps ouverts » (1997) et « Wild Side » (2003) de Sébastien Lifshitz (avec Yasmine Belmadi), la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy (avec les beaux Turcs à Istanbul), les films « Underground » (2007) et « Love Kills » (2007) de Tor Iben, le film « Fronteras » (« A Escondidas », 2016) de Mikel Rueda (avec Rafa et Ibrahim l’immigré), etc. Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves regarde avec envie par la fenêtre le beau et jeune travailleur d’Oran au service de sa famille de colons. Dans le roman L’Autre Dracula (1997) de Tony Mark, le narrateur homosexuel dit être attiré par un « superbe et ténébreux gitan » (p. 35). Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, la clocharde Berthe est surnommée « la Reine des Hommes » (p. 61). Dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien, Romane est lesbienne, et se prend de passion pour Yindee, une jeune femme thaï qui travaille avec elle en tant que vétérinaire. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, les deux amants Tomas (Allemand) et Oren (Israëlien, marié à une femme et avec un enfant) incarnent tour à tour la figure de l’étranger fascinant.
Au départ, le personnage homosexuel nous offre son hommage larmoyant au Tiers-monde. « J’me sens très proche de ces gens-là. Les gens qui n’ont rien. » (Benigno à Marcos, dans le film « Hable Con Ella », « Parle avec elle » (2001) de Pedro Almodóvar) ; « Et tous ces enfants qui meurent de faim chaque jour… et nous qui allons passer un repas somptueux… » (Jules, le héros homosexuel dandy, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Y’a plein de p’tits nouveaux. Ils sont mignons tout plein. Y’a pas beaucoup de Français… mais ça ne me dérange pas. Au contraire. » (Fabien Tucci, homosexuel, parlant de son boulot à Pôle Emploi depuis deux ans, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc. Mais peu à peu, on constate que ce ne sont chez lui bien souvent que des mots. Dans les fictions, par exemple, un certain nombre de personnages homosexuels se désintéressent totalement du sort du monde : Aschenbach dans le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti, ou Sébastien dans « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, constituent de bons exemples de cette compassion homosexuelle qui pleure sur la victime sans lui venir en aide. Dans le roman Para Doxa (2011) de Laure Migliore, le cadre humanitaire en Namibie sert de prétexte à la romance lesbienne entre Ambre/Helena. Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, Finlandais, tombe amoureux de Tareq, un bel ouvrier syrien qui ne peut pas vivre son homosexualité dans son pays et qui a fui la guerre.
Le pauvre est considéré comme une poupée sacrée ; non comme un être vivant et libre. Par exemple, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, le miséreux est un objet qu’on se dispute et qu’on s’arrache : « Ah, mes chéries […] Je vous ai invité un Arabe sublime comme cadeau du nouvel an. Ahmed rentre ! » (Micheline, le trans M to F) ; « Il est à moi, cet Arabe. Voleuse ! » (Daphnée s’adressant à Micheline) ; etc. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, sort avec son guide mexicain, Palomino : « Je me conduis en seigneur colonial. » Le pauvre est réduit à un double spéculaire narcissique, comme le jeune Franck dans le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta : « Quand on entre dans la cour, le garçon de la DDASS sort le premier. Il s’approche de la voiture, colle son nez à la vitre, me regarde, une main en visière de casquette. » (p. 49)
Dans les films homosexuels, le mélange inter-classes sociales n’est quasiment placé que sous le signe de la mort, de l’absence, du sexe, et de l’argent : cf. le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, le film « Mein Süsser, Kleiner Arsch » (« Mon beau petit cul », 1998) de Simon Bischoff, le film « L’Amant bulgare » (2003) d’Eloy de la Iglesia, etc. C’est le corps de l’ouvrier, et non le travail, qui est glorifié : cf. le film « Acla » (1992) d’Aurelio Grimaldi (avec les ouvriers musclés travaillant dans les mines), le vidéo-clip de la chanson « Cargo de nuit » d’Axel Bauer (réalisé par Jean-Baptiste Mondino), le film « Far West » (2003) de Pascal-Alex Vincent (avec l’assistant agricole musclé du grand-père), etc. « Ô mon bel étranger, on ne se reverra plus. » (cf. la chanson « Étrange » de Nicolas Bacchus)
Dans les nouvelles d’Essobal Lenoir, on voit bien que le goût pour le monde ouvrier et la population issue de l’immigration n’a rien à voir avec un réel militantisme, mais qu’il est plutôt focalisé sur un fantasme égoïste de spectateur de films pornos obnubilé par son bas-ventre : « Je ne sais quoi m’attirait irrésistiblement vers la rivière. » (le narrateur homosexuel fasciné par les ouvriers de la fabrique de tuiles qui se baignent et pissent, dans la nouvelle « La Carapace » (2010), p. 15) ; « Tous ces Slaves trouvaient ma petite chambre tellement grande, et ils avaient tant besoin de tendresse… » (cf. la dernière phrase de la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010), p. 61) ; « Majid rapplique et s’enferme avec moi. Il ouvre au maximum la fermeture éclair de son bleu sous lequel il ne porte aucun sous-vêtement. Il sort son tuyau, active sa pompe et me lèche consciencieusement toutes les coulures encore tièdes, en compressant sa queue brûlante contre le marbre froid de mes cloisons. » (cf. la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010), p. 83) ; « On engagea donc un carreleur, un peintre et un plombier. […] Quelle jouissance que de voir les muscles sous la peau tendre des fesses du carreleur accroupi, d’autant plus que le plombier, en triturant mon système de chasse d’eau, me masturbait involontairement sans rien comprendre à mes dérèglements. » (idem, p. 92) ; « Le satyre qui ne sommeille jamais en moi cherchait des yeux un joli prolétaire contre la chaleur duquel je pusse plaquer ma libido, afin d’emporter à la maison une image pour mes travaux pratiques vespéraux. Hélas ! le prolo se fait denrée rare à Paname… » (cf. la nouvelle « La Queue du diable » (2010), p. 113) ; « Ce jardinier, on le dirait sorti d’un calendrier des Dieux du Stade. » (Tom, le héros homosexuel en parlant de son futur amant qui le fait fantasmer, Louis, le jardinier sexy de la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) ; « Si tu veux faire le potager tout nu, tu le fais. » (Graziella s’adressant à Louis, idem) ; etc.
L’attrait pour le pauvre est parfois purement sexuel et autodestructeur. « J’aime les p’tits délinquants ! » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Cody cherche des Arabes. Il est obnubilé, il dit ‘Je sens que je pourrais être une femme avec eux parce qu’ils se servent de ton corps comme celui d’une femelle, tu vois, comme si t’étais une objet de plaisir et que tu n’existais pas comme personne.’ » (Cody, le héros gay efféminé dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 91) ; « Le chauffeur de taxi râle. Il a joui. Toujours la même histoire avec les Arabes. Il va se laver sans dire un mot, se savonne bien la bite sans oser me regarder dans le miroir qu’il a en face. Ça t’a plu ? Je lui demande appuyé sur le rebord de la porte. Moi je me vois bien dans le miroir, j’ai les cheveux longs éméchés, la robe déchirée, on dirait une pute qu’on vient de violer. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 44) ; etc.
Par exemple, dans le film « Le Rebelle » (1980) de Gérard Blain, Beaufils explique son attirance pour la « racaille », la marginalité et la violence : « Il n’y a que cela qui me fait bander. » Ici, on est bien loin de la pensée humanitaire et humaniste en action ! Dans énormément d’œuvres homosexuelles, l’amitié de l’étranger est salie par le sexe et la prostitution, même si le personnage homosexuel continue de nous faire croire (et de se faire croire à lui-même) que c’est de l’amour vrai : « Noeli, un jeune Métis. C’est pour moi le début d’un amour, même s’il repose sur l’argent. » (le héros du roman Les Dollars des sables (2006) de Jean-Noël Pancrazi) Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, par exemple, « le banlieusard, beauté exotique » est invité comme gigolo par la Jet Set homosexuelle. Cela ressemble à de l’ouverture (… mais le souci, c’est qu’on ne dit pas de quelle ouverture il s’agit…). Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony baise des « chauffeurs mécaniciens » et des jeunes prostitués. Dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Grégory sort avec Gérard, un fils d’immigré italien. Et il se dit attiré par Michael, l’homme marié : « Son côté bière, son côté working-class. »
b) Le pauvre est aimé pour son malheur et comme substitut d’identité :
On constate souvent que l’amour homosexuel du miséreux implique de conserver le pauvre à terre plutôt que debout : il est question, comme le chante Catherine Lara dans la chanson « Les Secrets du Monde » du spectacle musical Graal, d’« aimer les faibles à genoux ». Il ne faudrait surtout pas que le nécessiteux se relève ou qu’il soit l’égal du héros homo ! : « C’est pourquoi il [Tanguy] aimait Misha : parce qu’il était le plus malheureux. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 95) ; « Zohr incarnait à mes yeux toute la misère de la nature humaine, je voyais en elle mon sombre destin. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 29) ; « Monsieur Goudron était un bienfaiteur. Il m’a pris chez lui quand je n’avais aucun moyen de subsistance. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, se défendant d’avoir eu une quelconque liaison avec l’écrivain âgé Goudron, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 290) ; etc. Par exemple, dans la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou, le héros désire « cette humanité pouilleuse » du haut de la terrasse de son père (une sorte de mélange Blacks/Blancs/Beurs)… mais « finalement, il n’en est jamais descendu, de sa terrasse ». Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, raconte comment il est sorti avec un certain Fabrice, un « escroc qui l’a ruiné après lui avoir fait vivre une vie de « princesse » : « Il s’est tiré avec la caisse. Plus rien. Une princesse déchue. » (idem). Puis il se retrouve entouré par des Roumains que sa situation de précarité l’a amené à connaître, et se prend pour la quintessence de la pauvreté roumaine : « J’étais comme une mendiante, une Roumaine… »
Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, une association LGBT d’une dizaine de membres prennent d’assaut un village de mineurs gallois pour les défendre contre les pressions gouvernementales à l’encontre des syndicats ouvriers… Ça part d’un bon sentiment. « On a subi les mêmes épreuves que vous. » leur soutiennent les militants homosexuels, dirigé par le jeune Mark. « Solidarité pour toujours ! » En réalité, ces bons samaritains s’imposent à une population qui ne leur a rien demandé (« Pourquoi viennent-ils ? On leur a écrit pour les remercier. » s’indigne Maureen, l’une des syndicalistes) Ça sent la course à la victime, l’instrumentalisation de la misère des autres pour qu’ils servent d’alibi à l’imposition des droits LGBT sous la forme de droits universels et de lutte des classes. Finalement, on lit derrière la démarche de ces héros homosexuels une forme de jalousie : « Les forces de l’ordre s’en prennent à ces pauvres gars plutôt qu’à nous ! » (Mark)
Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Vera, la sournoise héroïne lesbienne, joue d’abord les saint Bernard :« Tu connais mon penchant naturel à venir au secours des désespérés. » Mais son amante Lola, qui connaît ses calculs, la remet à sa place : « Tu es incapable d’une vraie générosité. Tu reprends d’une main ce que tu donnes de l’autre. »
Cela arrive très fréquemment que le protagoniste homosexuel ravisse l’identité de son amant étranger : « Je me suis mis à la place de mon prochain. » (Emmanuel Fruges, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 147) ; « Moi je me sens papou bizarrement certains matins… » (le héros de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « J’ignorais tout des ‘clochards célestes’ alors que j’en étais un moi-même, dans toute l’acception du terme, et me considérais comme un pèlerin errant. » (Ray Smith, dans le roman Les Clochards célestes (1963) de Jack Kerouac, p. 14) ; « Maintenant clochardisé, installé assis dans la marge, non seulement Vincent Garbo n’effraie plus ni ne dérange, mais chacun et chacune semble lui reconnaître comme un droit à l’existence. Comme si sur ce mètre carré de bitume, j’avais enfin trouvé ma juste place. » (Vincent Garbo, le narrateur homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 93) ; « Tu partages le sang de Pablo, Doris, Roger, Hilaire, Esteban et les autres. Tu ne t’appelles plus Félix Perlman mais Vincent Braconnier. » (Félix, le héros homosexuel du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 59) ; « Tu ne sais pas résister aux étrangers » (Teja, l’amant allemand et danseur, de Rudolf Noureev, dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes) ; etc.
Dans son one-woman-show Free, The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon, pourtant née en France, s’identifie aux esclaves noirs chantant le blues, aux enfants faméliques des pubs d’Action Contre la Faim : « Moi, si je me mets à nue, je peux faire une pub pour Action Contre la Faim. Avec des mouches autour des yeux. » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ian demande à George, le héros homosexuel pas du tout clochard, s’il est SDF et celui-ci confirme. Dans son one-woman-show Chaton violents (2015) d’Océane Rose-Marie, Océane, l’héroïne lesbienne, fait référence à sa soi-disant « sœur adoptive cambodgienne ».
Certains personnages homos se définissent volontiers comme les vrais pauvres (cf. je vous renvoie à la partie « Je suis la plus grande victime » du code « Homosexualité noire et glorieuse » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : c’est le cas des Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, de l’association Les Gouines sans domicile fixe dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie, des faux SDF homosexuels dans la pièce Jeffrey (1993) de Paul Rudnick, des « 2 travestis clochards » Mimi et Fifi dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, des clochards homos du bâti Lars Norén (2011) d’Antonia Malinova, etc. Dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant, Harvey Milk se qualifie lui-même d’« immigré ». Dans ses élans identificatoires, le personnage homosexuel réagit comme la bourgeoise qui a peur de toujours manquer, qui semble inconsolable, qui parle sans arrêt des effets de la crise économique dont elle pâtirait plus que les autres (comme la Marquise du film « Dans les ténèbres » (1983) de Pedro Almodóvar), ou en tout cas autant que les vrais pauvres : « Nous sommes pauvres, nous n’arrivons plus à soutenir notre train de vie. […] Je me vois obligé de monter une affaire de tricot, Michael et moi nous tricotons des ponchos toute la journée, les enfants nous aident parfois. Mais enfin, je ne me plains pas, c’était une vie plutôt agréable. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 96) Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, on voit parfaitement la violence condescendante de l’attrait sexuel de l’héroïne lesbienne Anamika pour sa future servante et amante Rani qu’elle a repérée dans un bidonville : « J’aurais voulu que la femme du bidonville [Rani] soit à mon entière disposition. Des images de films hindis dans lesquels le brahmin de la caste supérieure s’éprend de la domestique de la caste inférieure et lui fait passionnément l’amour ne cessaient de tournoyer dans ma tête. » (p. 20.) Parfois, les chiasmes employés indiquent à la fois la substitution aux pauvres et leur instrumentalisation via la prostitution : « Salam Aleikoum ! Aleikoum Salam ! Attendez-moi au fond, dans la chambre de droite. » (Jarry dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) Dans la pièce Les Babas cadres (2008) de Christian Dob, le couple gay Jeff et Mimil aiment le monde entier… du fin fond de leur Cantal ! La substitution avec les pauvres tant adorés de loin est vite opérée : « On est vachement solidaires avec le Tiers-Monde. C’est nous, le Tiers-Monde ! » L’aide proposée aux vrais pauvres prend l’allure de la fuite : « Les mal-aimés, qui les venge ? […] Sauf qui peut. Sauve c’est mieux ! Sauf qu’ici, loin sont les cieux. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer) L’aide « humanitaire » que l’homosexuel veut mettre en œuvre est finalement narcissique : à force de s’identifier aux victimes, il s’imagine qu’il est sa première victime à sauver, comme le personnage de Sébastien dans la pièce Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, qui veut créer S.O.S. Homosexuels pour secourir les internautes gays en détresse. Et le vrai pauvre voit clair dans la comédie de son faux ami homosexuel, puisqu’il lui reproche de s’être servi de lui sans l’avoir véritablement aidé à s’en sortir : « Enfant de la rue, tu m’as cueillie comme un fruit défendu. Enfant de misère, moi qui voulais te donner mon amour, toi qui venais aller-retour, tu n’m’as jamais dit : ‘Viens je t’emmène et je t’offre une autre vie.’ » (cf. la chanson « La Fille du soleil » de Candela dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon). Cependant, comme il est lui-même rentré dans le jeu de sa propre exploitation, au pire il jouera de cynisme dénégateur face au snobisme puant de son mac protecteur (comme le personnage d’Omar avec son riche amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa : « Il aimait ça, Khalid, ma force, mon côté mauvais garçon. Il aimait que je vienne d’un autre monde. Les pauvres. Ça le changeait, disait-il souvent. Il trouvait ça exotique. », p. 25), au mieux il sera plus direct dans la dénonciation de l’exploitation mutuelle : « Je vais te dire un grand secret : finalement, tu détestes le monde. » (cf. une femme s’adressant au personnage homosexuel d’Emmanuel dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré)
Le pauvre dont le héros homosexuel se réclame peut également être l’enfant approprié en cas de « mariage pour tous » (et tout ce qui va avec : adoption, PMA, GPA). « C’est le dossier de Tchang. Il a trois ans. Et on va le chercher dans 2 semaines. » (François annonçant par surprise à son compagnon Thomas la nouvelle de leur voyage en Thaïlande pour l’adoption d’un enfant, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) Par exemple, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener, quand le père de Claire la met en garde, elle et sa copine Suzanne, à propos de leur projet de mariage et d’enfant (« Vous jouez à la poupée avec un petit être vivant. »), elle s’entête dans une solidarité agressive : « Je veux un enfant et je l’aurai ! »
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
Les personnes homosexuelles qui pratiquent leur homosexualité ont tendance à aimer le pauvre d’un amour ambigu, à la fois condescendant et fou
Beaucoup de personnes homosexuelles se désirent Hommes du Peuple engagés contre la misère. Et pourtant, concrètement, elles restent souvent éloignées des réalités humaines désagréables : dans les faits, les cadres de la rencontre entre les personnes homosexuelles et les pauvres qu’elles défendent ont presque toujours un rapport à la prostitution masculine, à la domesticité, à l’anarchisme, au militantisme politique, au populisme, bref, à une solidarité intéressée. « J’aime utiliser ma judaïté. » (Steven Cohen, le performer transgenre M to F, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte) ; « Le roi est généreux. Il veut que ses sujets gardent un bon souvenir de lui, car il ne connaît que trop bien le côté obscur de son âme. Louis II voudrait être un roi bienveillant, mais il sait que ce n’est pas le cas. » (cf. le documentaire « Louis II de Bavière, la mort du Roi » (2004) de Ray Müller et Matthias Unterburg) ; « J’eus affaire à un monsieur habitant une belle villa dans le Val de Marne, qui me désirait fortement vêtu comme l’homme de ménage du film ‘La Cage aux folles’. J’avais halluciné, concluant que ce fantasme me rabaissait complètement. Et puis, non sans gêne, il s’était plu à me dire que son sexe était un petit biscuit qui devenait grand comme une baguette. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 113) ; etc.
Il arrive à certaines personnes homosexuelles de s’émouvoir pour la condition précaire d’un misérable garçon qu’elles tentent de sauver de la galère, et celui-ci se laisse entretenir par elles, mais le contrat unit quand même deux égoïsmes cherchant à se substituer l’un à l’autre. « J’aime les petits Arabes. En effet. Pour une fois qu’on aime les p’tits Arabes pour autre chose que pour leur pétrole. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) Beaucoup de personnes homosexuelles ne désirent plus simplement compatir au sort du pauvre : après lui avoir écrit son holocauste, elles veulent se substituer à lui pour dire qu’elles sont les plus grandes victimes de tous les temps. Faire mémoire devient très souvent dans leur cas un prétexte pour pleurer sur soi. Elles aiment davantage le pauvre pour l’esthétique révolutionnaire qu’il incarne que pour lui-même, et dans la mesure où il justifie « en gros » leurs combats personnels. C’est le glissement de la révolution à l’anarchisme/rébellion dont parle Patrick Bougon concernant l’engagement politique de Jean Genet : « La position politique de Genet est moins propalestinienne qu’anarchiste. […] Ce qui intéresse Genet chez les Black Panthers et les Feddayin, c’est qu’ils sont des vecteurs de déstabilisation du pouvoir et de l’État. » (Patrick Bougon, « Politique et Autobiographie », dans le Magazine littéraire, n°313, 1993, p. 69) Leur soutien au pauvre est une adhésion de principe, non prioritairement de personne. Elles ne s’intéressent pas tant à la victime en elle-même qu’à l’occasion qu’elle leur fournit de s’attaquer aux mécanismes de pouvoir qui la rendent/rendraient victime. Concernant par exemple l’univers carcéral, les paroles de Michel Foucault sont assez claires : « En fait, je ne m’intéresse pas au détenu comme personne. Je m’intéresse aux tactiques et aux stratégies de pouvoir qui sous-tendent cette institution paradoxale qu’est la prison. » (Michel Foucault, « Michel Foucault, l’illégalisme et l’art de punir », entretien avec G. Tarrab en 1976, p. 87) En choisissant de défendre « la différence qui gêne(rait) », elles ont l’impression d’être ultra-révolutionnaires et dangereuses, mais elles se cachent ainsi à elles-mêmes le jugement dépréciatif qu’elles ont porté sur les porte-drapeaux de leur révolution : en simulant la fausse camaraderie, elles s’entourent d’individus que la société juge/jugerait peu fréquentables, parce que ce sont souvent elles-mêmes qui ont projeté sur elle leurs propres jugements sur les pauvres, alors que ce qui devrait présider à l’ordre de la solidarité, c’est la lutte pour les exclus contre l’exclusion, il semble que pour elles, c’est la lutte grâce aux exclus contre ladite « majorité » (… il serait plus juste de dire ceux de leur propre classe) qui l’emporte. Elles veulent sauver le Peuple sans Lui, en lui arrachant le haut-parleur des mains. « Nous devons dire que nous sommes plus frappés pour que les Arabes le soient moins. Nous devons crier pour les Arabes qui, eux, ne peuvent pas se faire entendre. » (Michel Foucault, Le Temps immobile, t. III, p. 430, cité dans Dits et écrits I (2001), p. 57) En quelque sorte, elles s’identifient aux victimes à défendre pour prendre leur place et reprocher ensuite à ceux qui ne les suivraient pas dans leur élan de solidarité universelle de ne pas agir comme elles. Elles sont les prophètes d’« une nouvelle orthodoxie dont le contenu importe finalement moins que le partage manichéen qu’elle établit entre amis et ennemis du genre humain, l’obligation qu’elle fait aux premiers de se ranger, sous prétexte de défendre les opprimés, du côté des puissants. » (Élisabeth Lévy, Les Maîtres Censeurs (2002), p. 13)
En règle générale, la solidarité homosexuelle est à entendre dans son sens passionnel, à savoir d’altruisme agressif, de « générosité dingue » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 221). Touche pas à pote ! Mon pauvre est à moâ ! Bien souvent paniquées par les nouvelles du journal, meurtries par le sort des populations télévisuelles, beaucoup de personnes homosexuelles, en mal de combat ou en panne d’identité, ont un besoin cannibale de se rendre utiles et d’aller vers les autres. Il leur arrive de crier dans leur salon de thé : « Je dois et j’ai besoin de faire ma vie avec les masses et les travailleurs manuels ! » (Edward Carpenter sur le site Isla de la Ternura, consulté en janvier 2003) Elles s’inscrivent parfois dans les associations caritatives, parlent de voyages « humanitaires » et de « solidarité » à tout bout de champ, se persuadent qu’elles sont indispensables au bonheur de celui qui se trouve dans la détresse… alors que par ailleurs, elles ont tendance à voir la vie en noir, à peu s’occuper d’elles, de leur voisinage, de l’entraide à échelle humaine. Elles veulent pour les vraies victimes ce qu’elles refusent pour elles-mêmes. « Comme vous savez, je suis du côté de ceux qui cherchent à avoir un territoire, mais je refuse d’en avoir un » avoue Jean Genet (Jean Genet dans l’article « Une Crépusculaire odeur l’isole » de Tahar Ben Jelloun, dans le Magazine littéraire, n°313, 1993, p. 30). Le paradoxe de leur passion du pauvre se situe dans le fait que nous pourrions définir la plupart des personnes homosexuelles à la fois comme des amis de la Terre entière et des ennemis du genre humain. C’est par exemple ce qui peut expliquer que Michel Larivière décrive dans une même phrase Michel Simon comme un individu « misanthrope, anarchiste, toujours proche des exclus, des marginaux, mais vivant en solitaire, entourés de ses animaux familiers » (Michel Larivière, Dictionnaire des Homosexuels et Bisexuels célèbres (1997), p. 311).
À force d’avoir le cœur sur la main, elles ont tendance à ne plus le laisser à sa juste place ! Peu de personnes homosexuelles ont la notion de la vraie générosité : pour elles, elle se limite à tout donner matériellement sans donner de sa personne, à s’émouvoir dans la mélancolie démissionnaire. Or, comme l’explique Mère Teresa, on aura beau donner tout son argent aux pauvres sans nous donner NOUS, notre don aura la froideur d’un chèque ou d’une pièce de monnaie.
a) Le pauvre-objet, exotique et lointain :
Beaucoup de personnes homosexuelles sont séduites par le jeune amant étranger : dans les cas les plus connus, il y a André Gide, Jean Genet, François Augiéras, Jean Sénac, Arthur Rimbaud, Pierre Herbart, Rachid O., Robert Lalonde, Claude Farrère, Daniel Guérin, Pierre Guyotat, Paul Bowles, Alberto Cardín, etc. Par exemple, pour leurs créations artistiques, Gilbert et George utilisent beaucoup de jeunes marginaux (cf. Patriots en 1980). Andy Warhol a fait de même. Juan Goytisolo dit être attiré par le « méridional sans cravate » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 391). En Espagne, le Marquis de Campo est connu pour sa passion pour les jeunes hommes prolétaires. Eloy de la Iglesia a toujours été attiré par les jeunes ouvriers pauvres. Le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini a trempé dans une affaire de détournement de mineurs à l’âge de 27 ans, et a fini par être assassiné par les voyous banlieusards qui l’attiraient tant : « Pasolini développait de vraies amitiés avec ses garçons : il jouait au foot avec eux, fait des virées nocturnes avec eux, danse et va à la plage avec eux. » (Kammerer dans le documentaire « L’Affaire Pasolini » d’Andreas Pichler) Je vous renvoie également à la vie du colonisateur anglais Sir James Brook (racontée par Nigel Barley dans Un Rajah blanc à Bornéo, 2002). Certains auteurs homosexuels, issus de la bourgeoisie et dits « engagés », aiment à décrire par un « ultra-réalisme de pissotières » l’émergence inespérée de l’amour homo dans les bas-fonds des milieux défavorisés qu’on leur a/aurait cachés pendant leur jeunesse dorée : cf. les films « Orestie africaine » (1969) et « Le Père sauvage » (1980) de Pier Paolo Pasolini, le roman Le Garçon qui pleurait des larmes d’amour (2007) d’Alexandre Delmar, le roman The Servant (1948) de Robin Maugham, la pièce Quai Ouest (1985) de Patrice Chéreau, les films « The Last Days » (2005) et « Mala Noche » (1985) de Gus Van Sant, le documentaire « Les Mille et un soleils de Pigalle » (2006) de Marcel Mazé (avec le portrait de deux jeunes Maghrébins témoignant de leur quotidien dans des sex-shops parisiens), etc. Daniel Guérin, notamment, parle de sa « conversion » au monde des garçons prolétaires. En 1962, il publie Eux et Lui, livre autobiographique dans lequel il se met en scène à la troisième personne aux côtés des exclus, comme sur une jolie carte postale de la rencontre pacifique des peuples que tout (selon lui) opposerait.
Dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa raconte comment il tombe amoureux de Karabiino, un domestique inaccessible, qu’il n’arrivera pas à acheter, ni par l’argent, nu par la séduction, ni par l’émotionnel : « J’ai allumé la télévision. Sur Melody Hits, il y avait le clip de la chanson de Sabah. Karabiino connaissait le tube mais ignorait tout de la chanteuse. Il s’est arrêté de travailler. Je l’ai invité à venir s’asseoir sur le lit à côté de moi. Et on a regardé le clip ensemble. C’était joyeux. Triste. Bouleversant. Loin de tout. […] J’avais soudain envie de pleurer, mais je ne savais pas pourquoi. Karabiino, lui, avait les yeux fixés sur l’écran. Était-il heureux ? Avait-il oublié pour un moment son malheur ? À quoi pensait-il ? Qui, au fond, était-il ? Je n’avais pas de réponses. Je n’en avais pas besoin. Karabiino était un garçon offert à mes yeux, à ma mémoire, parfaitement lisible et complètement mystérieux. Je savais un bout de son histoire, de son rêve. Mais là, à côté de moi, il était comme un petit prince, un petit roi. Un petit Sphinx. Insaisissable. Ailleurs. Ailleurs en permanence. » (pp. 76-77)
L’ouvrier ou l’étranger pauvre-jeune-et-musclé à qui la communauté homo fait les yeux doux correspond davantage à un cliché publicitaire digne des Dieux du Stade qu’à une rencontre réelle avec le monde du prolétariat : « Il est par exemple frappant de noter qu’une image qui a longtemps été (et qui est toujours) une icône gay représente un (très beau) mécanicien portant deux pneus alors que la population gay vit dans des milieux sociaux autrement plus raffinés ou intellectuels. » (Hugo sur le site suivant consulté en octobre 2003) ; « Pendant que mon cousin prenait possession de mon corps, Bruno faisait de même avec Fabien, à quelques centimètres de nous. Je sentais l’odeur des corps nus et j’aurais voulu rendre palpable cette odeur, pouvoir la manger pour la rendre plus réelle. J’aurais voulu qu’elle soit un poison qui m’aurait enivré et fait disparaître, avec comme ultime souvenir celui de l’odeur de ces corps, déjà marqués par leur classe sociale, laissant déjà apparaître sous une peau fine et laiteuse d’enfants leur musculature d’adultes en devenir, aussi développée à force d’aider les pères à couper et stocker le bois, à force d’activité physique, des parties de football interminables et recommencées chaque jour. » (Eddy Bellegueule simulant des films pornos avec ses cousins dans un hangar, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 153) ; etc. Chez le photographe Orion Delain, par exemple, on constate de manière palpable que l’élan vers l’étranger tend plus vers l’esthétisme que vers l’amour réel. La séduction, l’obsession pour la beauté des corps, et la drague, court-circuitent les échanges relationnels qui promettaient d’être beaux, gâchent la gratuité de la rencontre (pourtant concrète) avec les habitants du monde de la pauvreté matérielle.
Il ne suffit pas, par exemple, qu’un individu devienne objet de désir sexuel applaudi pour sa plastique et ses charmes physiques/culturels par toute une communauté, pour qu’il soit véritablement aimé et respecté. Je pense par exemple au fantasme homosexuel de plus en plus répandu du Maghrébin dans l’industrie cinématographique du porno, fantasme interprété à juste raison par Maxime Cervulle et Nick Rees-Roberts dans Homo Exoticus (2010) comme un racisme positif ou une forme nouvelle de néocolonialisme contemporain. Ilmann Bell, dans Un Mauvais Fils (2010), analyse très bien le phénomène : « L’Arabe est aux homos ce que la Blonde est aux hétéros. » Et ce n’est pas parce que, de surcroît, l’étranger prend le rôle du dominateur (sexuel) dans un scénario où il serait montré à son avantage, et qu’il laisse apparemment au placard son ancestrale activité d’esclave passif pour endosser la casquette du violeur qui va « régler son compte » à l’Occidental dans l’obscurité d’une cave de « té-ci » miteuse, que la revanche des pauvres sur les riches est effective sur le terrain, que la communauté gay lutte efficacement en faveur de l’émancipation des étrangers, et que le film porno en devient pour le coup justicier, révolutionnaire, humanitaire. Le pauvre, même magnifié corporellement par la caméra et dans sa performance génitale, n’en est pas moins utilisé comme objet sexuel, et vu uniquement sous le prisme d’un regard machiste (que le caméraman soit une femme ou un homme, un Blanc ou un Beur, ne change rien à la violence de l’acte enregistré).
Enfin, il ne suffit pas non plus de s’annoncer sous les hospices de la fraternité et de la solidarité pour être concrètement aimant. L’amour du pauvre peut être agressif, exclusif et excluant, s’il est un prétexte pour haïr les soi-disant « opposants » à notre entreprise humaniste. On retrouve ce partage manichéen et paradoxal dans le discours « solidaire » et « républicain » d’un Federico García Lorca, prononcé le 6 juin 1936 : « Je suis frère de tous et j’exècre l’homme qui se sacrifie pour une idée nationaliste abstraite. » (Lorca cité dans l’essai La Littérature espagnole au XXe Siècle (1998) de Nicole Réda-Euvremer, p. 37)
b) Le pauvre est aimé pour son malheur et comme substitut d’identité :
Le regard porté par beaucoup de personnes homosexuelles sur la pauvreté est beaucoup trop compassionnel et inondé de larmes pour être authentique. « J’ai un amour malheureux pour le monde » déclare Pier Paolo Pasolini (cf. le reportage « Les Fioretti de Pier Paolo Pasolini, 1922-1975 » (1997) d’Alain Bergada). Jean Genet dit bien que ce qui l’a attiré chez le jeune Abdallah, son amant arabe, ce sont les « images d’une enfance misérable, inoubliable, où il se savait abandonné » (cf. l’article « L’Éthique de l’Art », de Thierry Dufrêne dans le Magazine littéraire, n°313, 1993, p. 64) plus que sa personne. On observe également cet éloignement du pauvre réel chez l’écrivain anglais Forster : « On se retrouve soudain sur les terres de E. M. Forster, où les classes inférieures (mâles) sont à la fois vénérées et totalement incomprises. » (Gore Vidal dans Palimpseste – Mémoires (1995), p. 231) Paul Julian Smith, dans son essai Laws Of Desire (1992), souligne que le regard soi-disant aimant et humaniste de Juan Goytisolo sur les jeunes hommes arabes est en fait lié à la réification et à la domination : dans les écrits du romancier espagnol, « les Arabes sont toujours observés, et l’homme occidental est celui qui écrit et pense à leur place. » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 392)
L’homme pauvre est très souvent réifié par les individus homosexuels. Par exemple, l’acteur Brüno transforme les Mexicains en fauteuils de luxe (en l’honneur de la chanteuse Paula Abdul) dans le film « Brüno » (2009) de Larry Charles. Le plasticien homosexuel Michel Journiac a réalisé en 1973 un moulage d’après son propre visage : Journiac Travesti en voyou. Le pauvre de Jean Genet n’est pas un être humain de chair et de sang mais une marionnette de bois : « C’était le plus triste des mendiants. Son visage avait la qualité de la sciure de bois et presque sa matière. » (Jean Genet, Le Journal du voleur (1949), p. 35) Frédéric Mitterrand, dans La Mauvaise Vie (2005), ne fait guère mieux quand il décrit ses amants du bout du monde : « Il était le vrai petit chérubin des cartes postales. » (idem, p. 13) ; Mitterrand présente à juste titre sa frénésie de solidarité comme une folie incontrôlée, une pathologie personnelle proche de la fièvre acheteuse du panier percé : « C’était une de ces idées folles qui m’assaillent à chaque fois que je rencontre un enfant perdu au cours de mes voyages. » (idem, p. 15) Cet amour du jeune éphèbe avec un « air de gosse des rues » (idem, p. 31) est souvent lié à l’argent, à une tentative de possession : « Je le bombardais de cadeaux : l’entreprise de corruption était à l’œuvre sans même que j’en ai pleinement conscience. » (idem, p. 17) Dans son récit autobiographique Parloir (2002), Christian Giudicelli, prof de 50 ans, considère le pauvre étranger comme un fétiche dont on peut faire collection : « Au lieu d’étudiants ou d’artistes en herbe, j’ai collectionné un nombre impressionnant de paumés en crise de croissance auprès desquels je me sentais embarqué dans un voyage salutaire loin du monde des lettres. » (p. 21) Sa générosité s’annonce très égocentrée : « Amour bien ordonné commence par soi-même. Je prends avant d’offrir. Une fois rassasié, plein d’une nouvelle énergie, je me découvre généreux. » (idem, p. 100) Il s’amourache d’un jeune délinquant maghrébin (qui se sert de lui, de son narcissisme de donateur, et de son compte en banque) qu’il aime d’un amour fusionnel très distancé et immatériel (narcissique, donc) : « Cette fois, je suis de l’autre côté et lui se retrouve du côté d’où je viens, le bon côté. […] Je suis allongé sur mon lit et je tente de m’allonger sur le lit de Kamel, là-bas, à Fleury-Mérogis, de m’oublier, de n’être plus moi mais lui, afin de souffrir à sa place. » (idem, p. 120)
Il y a deux visages contradictoires en la personne homosexuelle (et en beaucoup de personnes non-homosexuelles d’ailleurs) : celui de la Mère Teresa et celui du profiteur concupiscent. Et le trait d’union entre ces deux masques, c’est la sincérité. Par exemple, Michael Jackson défend la forêt amazonienne, les peuples meurtris et les enfants abandonnés (cf. les chansons « They Don’t Care About Us », « Earth’s Song », et « Heal The World »)… mais par ailleurs pratique des actes pédophiles. Dans son autobiographie Retour à Reims (2010), Didier Éribon marque bien ses distances avec un monde prolétaire dont il est issu, qu’il est censé défendre, mais dont il se sert à des fins vengeresses personnelles : « Mon marxisme de jeunesse constitua pour moi le vecteur d’une désidentification sociale : exalter la ‘classe ouvrière’ pour mieux m’éloigner des ouvriers réels. En lisant Marx et Trotski, je me croyais à l’avant-garde du peuple. Je détestais la classe ouvrière dans laquelle j’étais immergé, l’environnement ouvrier qui limitait mon horizon. » (pp. 88-89) ; « Ainsi, quand je manifestais contre les succès électoraux de l’extrême droite, ou quand je soutenais les immigrés et les sans-papiers, c’est contre ma famille que je protestais ! » (p. 117) ; « J’étais politiquement du côté des ouvriers, mais je détestais mon ancrage dans leur monde. » (p. 73) Ces propos me font penser à ce que décrit Bruce Benderson dans Pour un nouvel art dégéréné (1998) : les Hommes bobos sont attirés (intellectuellement) par la misère, mais seulement pour la côtoyer de très très loin.
Certaines personnalités homosexuelles semblent être les maîtresses du Charity Business le plus odieux et le plus intéressé : « Les œuvres caritatives, c’était super pour devenir célèbres ! » déclare fièrement l’acteur Brüno, dans le film éponyme de Larry Charles (et malheureusement, ce n’est pas du second degré…). L’approche du pauvre par Federico García Lorca est également ambiguë : à la fois attendrie et moqueuse, comme l’explique son frère Francisco. « Il aimait déguiser les servantes, à qui il faisait jouer parfois de petits pantomimes. […] La servante jouait avec un accent très marqué de la Vega, et imitait dans ses mimiques la grande actrice Maria Guerrero. Federico l’avait déguisée avec un ornement ‘oriental’. Elle avait la peau très bronzée et il avait peinturlurée son visage de poudre de riz. La pauvre femme ne se rendait pas compte, dans son ineffable simplicité, du comique de son jeu de scène, qui nous apprécions énormément, avec parfois la cruauté puérile des adolescents. » (Francisco García Lorca, Federico Y Su Mundo (1980), p. 74) On entend de la part d’un certain nombre de personnes homosexuelles la défense du tourisme sexuel au nom de la « solidarité envers le Tiers-Monde » : entretenir les jeunes gigolos, « n’est-ce pas un juste rééquilibrage entre le riche Nord et le Sud pauvre ? » (p. 138) écrit sans honte Denis Daniel dans son autobiographie Mon Théâtre à corps perdu (2006). Dans le cas de Marcel Proust, on observe la même dualité : à la fois l’écrivain sait mieux que personne que l’amour vrai ne se monnaie pas… mais cela ne l’empêche pas d’« aimer particulièrement le milieu des domestiques : il avait besoin de ce monde que l’on pouvait acheter ». (cf. l’article « La Douleur pour destin » de Pietro Citati, dans le Magazine littéraire, n°350, 1997, p. 25)
Beaucoup de personnes homosexuelles aiment les pauvres non pour eux-mêmes mais pour l’occasion qu’ils leur fournissent de se mettre à leur place : « Les homosexuels sont souvent des immigrés d’un nouveau genre. » (p. 78) déclare Jean Le Bitoux dans son essai Citoyen de seconde zone (2003) ; « Nous sommes tous des Arabes gays. » (Éric, le chroniqueur « littéraire » de l’émission radiophonique Homo Micro sur Paris Plurielle, 106.3 FM, à Paris, le 22 juin 2006) ; « C’était mieux d’être un lépreux que de se sentir attiré par les hommes. » (Dan, homme homosexuel, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check) ; etc. Sur le terrain associatif LGBT, l’éloignement du pauvre réel et l’arrivisme gagnent également une grande part du tableau idyllique du militantisme homosexuel : « Act Up est l’association de lutte contre le Sida dont la composition fait la plus grande part aux malades, alors même qu’elle ne s’investit alors aucunement dans l’aide directe. » (cf. l’article « Mobilisation gay en temps de Sida » d’Olivier Fillieule, cité dans l’essai Les Études gay et lesbiennes (1998) de Didier Éribon, p. 91) Certains groupes militants homosexuels agressifs, tels que le FHAR (visible dans les années 1970), Act Up, Les Panthères roses (association dont la première « action » a été lancée le 14 décembre 2002 à Paris, lors d’une manifestation contre la guerre en Irak), ou Les Sœurs de la Perpétuelles Indulgence, naissent précisément dans les moments où le gâteau des pauvres est partagés, où la lutte en faveur des réelles injustices sociales (pandémie du Sida, conflit armé, crise économique…) est à son zénith, où il y a de la souffrance et de la pauvreté à récupérer, des couvertures de victimes à tirer à soi, plus ou moins légitimement d’ailleurs.
L’identification injurieuse à l’étranger/au pauvre est pourtant faite avec le sourire, et passerait presque pour belle tellement elle « swingue » à l’unisson de la pensée politiquement correcte actuelle déroulant le tapis rouge à la « Tolérance », ce concept idéologique fumeux qui ne signifie rien (tout dépend de ce qu’on tolère). Je pense par exemple au final très World et United-Colour-of-Bande-de-Cons du concert d’Oshen (Océane Rose-Marie, la fameuse « Lesbienne invisible »), le 6 juin 2011 à l’Européen de Paris, avec la brochette de femmes étrangères débarquant sur scène comme un cheveu sur la soupe, pour pousser la chansonnette en l’honneur de la « diversité [des ‘genres’] et des différences », au rythme des tambourins orientaux. Certains militants homosexuels se servent du visage pluri-ethnique d’une communauté homo internationale fantôme, ou de la « femme lesbienne du bout du monde » (de préférence afghane, incarcérée, et violée), pour obtenir des droits LGBT nationaux, et envoyer ses commissionnaires prêcher la Bonne Nouvelle de l’Amour homo à leur place jusqu’aux extrémités de la Terre (comme on peut le voir ci-dessous pour le cas de l’Espagne) : « Dans d’autres villes apparaîtront des groupes d’immigrés LGBT. Conjointement à leurs problèmes d’insertion, ces activistes peuvent jouer un rôle primordial en ouvrant la question homosexuelle et transsexuelle à leurs communautés d’origine en Espagne. Qui mieux qu’un gay maghrébin ou qu’une lesbienne péruvienne pour parler à ses semblables ? » (Jordi Petit, cité dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 58) Cette identification excessive à « l’homosexuel persécuté aux 4 coins de la Planète » donne parfois lieu à de grotesques méprises, limite insultantes pour les nations ainsi récupérées et diabolisées une fois que le pot aux roses est découvert. Ce fut le cas tout récemment avec la blogueuse syrienne qui tenait le site « A Gay Girl In Damascus » (= Une Fille Gay à Damas)… mais qui n’était en fait ni syrienne, ni lesbienne, ni une femme ! Un post annonçait début juin 2011 qu’elle avait été kidnappée par les forces de sécurité syriennes : on a découvert que cette « Amina Arraf », qu’on s’apprêtait à couronner mondialement de la Palme du Martyr de l’Homophobie, se trouvait être un personnage inventé par Tom MacMaster, un étudiant américain en Écosse… Well well well… On passe. Concernant la récupération des pauvres à des fins politiques égoïstes, le problème se pose de manière beaucoup plus locale et nationale dans le cadre par exemple des banlieues. L’« enfer » qu’endurent/qu’endureraient les quelques rares personnes homosexuelles qui habitent dans les tours – et que la grande majorité des membres de la communauté LGBT méconnaît, même si elle se plaît à les imaginer très nombreuses ET invisibles – constitue un prétexte en or pour prouver à l’ensemble de la population française que la sainte et affreuse déesse Homophobia existe, et pour convaincre nos politiques de l’urgence de la législation sur les « droits des homos ». Vanda Gautier, la metteur en scène, s’oppose justement à l’entreprise stigmatisante d’instrumentalisation de la souffrance du « pauvre homosexuel des cités », menée par certains militants homosexuels, spécifiquement au sujet des banlieues. « L’homophobie, ce n’est un ‘problème de banlieue’. Il n’y a pas plus de violence homophobe en banlieue qu’ailleurs. Elle s’exprime d’une manière particulière en banlieue, mais elle n’est pas des banlieues. » (Vanda Gautier lors de la remise du Prix Toleranz à la comédie musicale Place des Mythos de Catherine Regula, SIGL, Carrousel du Louvre, Paris, le samedi 3 novembre 2007)
La recherche parfois fiévreuse du pauvre homosexuel martyrisé peut dans certaines situations traduire tout simplement un désir de mort (« De nombreuses fois je me suis demandé s’il n’y avait pas une pointe de morbidité dans la fascination que le fait juif exerce sur moi » déclare par exemple Juan A. Herrero Brasas dans l’essai Primera Plana (2007), p. 25), ou bien une haine de soi très profonde (comme l’écrit Gilles William Goldnadel : « Les martyrocrates, ce sont tous ceux qui, par passion ou par intérêt, exploitent, magnifient ou fabriquent la souffrance de celui qui, a priori, présente le profil idéal de l’innocente victime à protéger » pour combler leur propre mal-être : cf. l’essai Les Martyrocrates (2004), p. 7). Inutile de dire que ces deux sentiments sont des moteurs puissants d’homophobie…
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Code n°9 – Amoureux (sous-codes : L’important c’est d’aimer / Désir d’aimer / Tu ne sais pas aimer)
Amoureux
NOTICE EXPLICATIVE
La tyrannie homophobe et bisexuelle du discours imposé de l’« Amour »
« L’Important, c’est d’aimer et d’être heureux ». Voilà le gentil discours que nous tient la télégénique Miss France homosexuelle pour expliquer combien l’amour entre deux hommes, ou entre deux femmes, est merveilleux, incontestable, et qu’il vaut le coup d’être vécu (Elle oublie de dire qu’elle est « contre la guerre et pour la Paix dans le monde », mais bon, tant pis… on lui pardonne pour cette fois). Et dans les fictions homosexuelles comme dans les échanges sociaux actuels, les personnages homosexuels/les personnes homosexuelles se qualifient régulièrement de personnes « amoureuses » plutôt que de personnes « homosexuelles », d’ailleurs. L’argument de « l’Amour » arrive au hit parade des justifications de l’homosexualité (même avant celui du plaisir sexuel, c’est dire !). Est-ce efficace et convaincant ? Pas si sûr. Surtout quand il y a si peu d’amour concret derrière la jolie étiquette en forme de cœur ou d’arc-en-ciel que nous collent violemment sur le front les promoteurs de l’« Amour gay irréfutable ».
La différence entre l’amour « adulescent » et l’Amour vrai est exactement à l’image de la différence qui existe entre « sincérité » et « Vérité », ou entre « être amoureux » ( = ressentir des sentiments, une attirance physique, vibrer pour quelqu’un, vivre des instants d’émoi intenses qu’on appelle couramment « coups de foudre », suivre la courbe en dents de scie de son ressenti, …) et « aimer » ( = donner toute sa personne à un être unique et éternel, s’engager le plus totalement possible en faveur de la vie, dire à l’autre « Je te choisis », canaliser ses sentiments vers une seule direction, respecter le Réel et la Nature…). Le binôme « être amoureux/aimer » n’est pas antinomique, même si les deux sont bien distincts : le premier est plus simple que le second (tomber amoureux est à la portée de tout le monde, alors qu’aimer, ce n’est pas donné à tout le monde : cela implique le renoncement, un choix, une liberté posée fermement) ; le second prime toujours sur le premier, même s’il ne se suffit pas à lui-même ; le second canalise et utilise le premier pour transformer la pulsion en énergie vitale (comme l’ellipse de notre ADN). Cette différence entre « être amoureux » et « aimer », le désir homosexuel ne l’a pas faite. C’est pourquoi les personnes homosexuelles confondent très souvent intentions/goûts et Amour, ou bien tiennent un discours complètement cucul pour justifier n’importe quel type de relation dite « amoureuse », y compris les relations qui ne sont pas « d’amour ». En d’autres termes, il est plus juste de les définir comme des personnes amoureuses que comme des personnes aimantes.
Bon, maintenant, nous allons passer aux choses sérieuses. Je vais dans un premier temps vous servir la quantité astronomique de guimauve qu’on nous donne habituellement à la Cantine Rainbow. Et après quelques bouchées, vous en serez tellement écœurés que vous allez mieux comprendre d’une part ce que j’ai essayé de vous expliquer rapidement sur l’Amour un peu plus haut, et d’autre part aussi mesurer combien stupide et militaire est la dégoulinade de bien-pensance que s’/nous impose la communauté homo pour ne pas avoir à aimer en actes et en Vérité.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Mère gay friendly », « Planeur », à la partie « Films cuculs » du code « Milieu homosexuel paradisiaque », et à la partie « le silence béat » du code « Déni », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
Le personnage homosexuel se qualifie de personne « amoureuse » plutôt que de « personne aimante/aimée » ou de « personne homosexuelle », afin d’éviter de se définir, de regarder ses propres actes, et d’aimer sur la durée :
Dans la série des créations artistiques chantant l’amour homosexuel avec des p’tits cœurs partout (et pas mal de cœurs brisés, du coup), il y a le roman La Tentative amoureuse (1893) d’André Gide, le roman Médianoche amoureux (1985) de Michel Tournier, le film « Deux filles amoureuses » (1995) de Maria Maggenti, le film « Les Amoureux » (1993) de Catherine Corsini, la chanson « Amoureuse » de Véronique Sanson, le film « I’m In Love » (« Je suis amoureux », 2013) de Raphaël de Casabianca, le poème « Amoureux dans la vie » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, la pièce Rêveries d’une jeune fille amoureuse (2013) d’Arthur Vernon, la chanson « Nous les amoureux » de Jean-Claude Pascal, la chanson « Les Romantiques » de Catherine Lara, l’album Romantiques pas morts de Patrick Juvet, le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, le film « A Question Of Love » (1978) de Jerry Thorpe, la chanson « L’Innamoramento » de Mylène Farmer, Le Dictionnaire amoureux de l’Espagne (2005) de Michel del Castillo, le poème « Todo Es Por Amor » de Luis Cernuda, le roman Une Soif d’amour (1950) de Yukio Mishima, le film « Les Amoureux » (1964) de Mai Zetterling, le film « L’Important c’est d’aimer » (1974) d’Andrzej Zulawski, le film « L’Incroyable histoire vraie de deux filles amoureuses » (1995) de Maria Maggenti, le film « La Carte du cœur » (1998) de Willard Carroll, le film « Bocage, O Triunfo Do Amor » (1998) de Djalma Limongi Batista, le film « Celui qui aime a raison » (2006) d’Arnold Pasquier, le film « C’est la vie » (2001) de Jean-Daniel Cadinot, la photo Les Amoureux (1998) de Pierre et Gilles, la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe Botti, l’album Être amoureux (2005) d’Élisabeth Brami, la chanson « L’amour à l’envers » de Shy’m, etc.
« Je suis amoureux de Julien. Mais ça veut rien dire. J’suis amoureux de tout le monde ! » (Yoann, le héros homosexuel, de la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Il y avait des jeunes gens comme moi, amoureux fous de l’opéra, conscients ou non de leur différence, qui scrutaient chaque nouveau visage, beau ou laid, se présentant aux doubles portes d’entrée, à la recherche d’un signe de reconnaissance, d’un regard un tant soit peu insistant, peut-être même d’un sourire. Je tombais moi-même amoureux aux trente secondes, convaincu que tel ou tel spectateur regardait dans ma direction, plantait son regard dans le mien, hésitait à m’aborder. » (le narrateur homo dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 43) ; « Je suis amoureux. » (Chris, le héros homo dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Il faut être amoureuse. […] Je crois que je suis amoureuse de toi, Clara. » (Zoé s’adressant à Clara, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret) ; « C’est l’amour qui compte. » (le jeune Michael parlant de son émoi pour un de ses camarades, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « Tomber amoureux, c’est l’Âge d’Or ! » (Pierre l’hétéro dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; « Chacun fait c’qu’il veut. » (Pierre n’osant toujours pas se positionner sur l’homosexualité, idem) ; « La vérité, c’est que je suis tombée amoureuse d’Aysla. » (Marie, l’héroïne lesbienne du téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; « Je ne suis même pas homo. Il y a deux ans, j’ai juste aimé follement l’homme de la vie de l’ancienne femme de la mienne. Depuis, tout est rentré dans l’ordre. » (Rémi évoquant son histoire avec l’hétéro Damien, le copain de son ex Marie, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; « Dans les bras d’Arthur, je n’étais pas un pédé. » (Jimmy, l’amant d’Arthur, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; « Ces deux hommes qui s’aimaient, c’est beau, non ? » (Eva parlant de Verlaine et Rimbaud, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion) ; etc.
Par exemple, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, l’obsession de tous les personnages principaux, affichée dès le départ, c’est de « tomber amoureux » et d’embrasser quelqu’un un jour. Dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, le héros homosexuel Phillip, en s’adressant à son amant, et finalement à tous les membres de la communauté homosexuelle, sort une phrase culte (la seule du film… faut pas la rater) : « On est des cœurs d’artichaut. » Naaaan… tu crois ? Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel reprend en play-back au moment du salut final la chanson « Falling In Love Again ». Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas et François concluent leur histoire avec cette phrase creuse : « Tu sais, François, cette histoire n’est pas une question d’orientation sexuelle. Cette histoire, c’est l’histoire d’une personne qui est tombé amoureux d’une personne. » Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Camille, l’héroïne invisible que tout le monde croyait hétérosexuelle, sort avec Ninon, elle aussi bisexuelle : « C’est arrivé comme ça. Camille n’est pas plus bisexuelle que lesbienne. On a été dépassées par les événements. »
Généralement, on entend toujours de la part des personnages homosexuels des fictions la même rengaine sur l’amour – une rengaine particulièrement homophobe d’ailleurs puisqu’elle encourage à nier la spécificité du désir homosexuel (en mettant toutes les orientations sexuelles sur le même plan) et à taire l’énonciation et la pratique d’une bisexualité qui paradoxalement est censée s’appliquer à tout le monde universellement. Elle tient en peu de mots : « Je fais ce que je veux en matière de sexe à partir du moment où j’aime, puisque l’important c’est d’aimer. » On préfère baptiser ce poncif contemporain sur la sexualité de « queer » ou d’« amour » pour ne pas voir qu’il exprime une simplification désastreuse de l’Amour vrai (certes, l’Amour est une force sexuée, mais pas nécessairement un acte génital/sensuel), ainsi que notre propre homophobie intériorisée.
Pour être plus clair, je vous laisse lire maintenant la sempiternelle Litanie de la Nullité – et de l’Homophobie homosexuelle, par la même occasion ! – de la Nation gay friendly : « Non. On n’est pas lesbiennes. C’est juste qu’on s’aime. » (Élisa à son amante Mahaut, dans le film « Le Sable » (2005) de Mario Feroce) ; « J’aime un mec. J’aime Cédric. C’est pas une question d’être pédé. C’est juste une question d’amour. » (Laurent à son père, dans le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure) ; « C’est pas les filles que j’aime. C’est toi, et depuis toujours. » (Zoé s’adressant amoureusement à sa meilleure amie Clara après l’avoir embrassée, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret) ; « Je suis amoureuse ! » (Alba découvrant subitement son amour lesbien face à son amante Yolanda, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « Ils s’aimaient, sachez-le. » (cf. le poème « Ils s’aimaient » de Vicente Aleixandre) ; « C’est beau l’amour. » (cf. la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer) ; « Arrête de vouloir comprendre. J’aime Loïc. Un point c’est tout. » (Guillaume dans la pièce Les Amazones, 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret) ; « Il faut aimer n’importe qui, n’importe quoi, n’importe comment, pourvu qu’on aime. » (Sébastien dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim) ; « Tout bien réfléchi, n’importe qui ferait l’affaire. » (Ninette découvrant peu à peu son homosexualité face à Rachel, dans la pièce Three Little Affairs (2010) d’Adeline Piketty) ; « Je suis encore complètement amoureux. » (Hugo le héros homo du film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino) ; « On a le droit d’aimer qui on veut, comme on veut. » (cf. la chanson « Entre Elle et Moi » des Valentins) ; « T’aimer parce que c’est aujourd’hui, c’est ce qui compte vraiment. » (cf. la chanson « J’attends » de Mylène Farmer) ; « Aimer les filles ou les garçons, c’est aimer de toute façon » (cf. la chanson « La plus belle fois qu’on m’a dit je t’aime » de Francis Lalanne) ; « On s’en fout qu’on soit hétéro ou homo. Pourquoi les gens ne peuvent pas nous accepter tels que nous sommes ? » (Oscar dans le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano) ; « Tribu, qu’est-ce que nous voulons ? Paix et liberté maintenant !!! […] Faites l’amour ! » (les comédiens de la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) ; « Moi, je dis que le vrai défi, c’est d’être soi-même ici et maintenant. » (Vincent dans le téléfilm « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve) ; « Hétéro, homo, c’est dépassé : je t’aime seulement parce que c’est toi. » (Mécir à Paul, dans le film « Grande École » (2003) de Robert Salis) ; « Quelle est la différence ? Enfin, Suzanne, je ne te reconnais plus. L’amour est toujours l’amour. C’est une femme ? Eh bien tant mieux pour toi ! » (Anne, l’amie gay friendly de Suzanne, quand celle-ci lui annonce avec difficulté son homosexualité, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 144) ; « Je n’ai rien contre. Ce qui compte, c’est ton bonheur. » (la tante de Dany à son neveu, dans le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun) ; « C’est important de faire ce qu’on aime. […] Malik, moi, je ne veux que ton bonheur. » (Sara à son fils homo Malik, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « Tu dis : j’avais décidé de ne plus aimer les hommes. Mais toi, c’est différent. » (Vincent à Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 44) ; « Je ne me sens pas plus hétéro qu’homo. C’est juste toi. » (Bart en s’adressant à son amant Hugo, dans l’épisode 268 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 13 août 2018) ; « Qu’on soit tarlouze ou hétéro, c’est finalement le même topo. Seul l’amour guérit tous les maux. » (cf. la chanson « Petit Pédé » de Renaud ; et le pire, c’est qu’avec un discours conventionnel pareil, Renaud arrive encore à s’étonner de ne pas avoir réussi à faire davantage d’émules dans la communauté homo…) ; « Ce n’est pas que je sois lesbienne en quoi que ce soit : ce qui m’attire, c’est la personne. Il se trouve simplement que toutes les personnes qui m’attirent sont des filles. » (Jessica Campbell dans le film « L’Arriviste » (1999) d’Alexander Payne) ; « Le sexe est universel : il se fout de notre genre et de nos préférences. […] [Concernant l’infidélité au sein de notre couple…], on a choisi la voie moyenne de la communication totale avec, au premier chef, le respect des sentiments de l’autre. » (Michael à son compagnon Ben, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 70 puis 78) ; « Il s’agit d’amour ! Alors de quoi est-ce que tout le monde a si peur ?!? » (Steven faisant un coming out larmoyant face à l’assemblée muette de sa High School, dans le film « Get Real », « Comme un garçon » (1998) de Simon Shore) ; « Tout ce qu’on fait, c’est par amour. Ça ne peut pas être mal. » (Kal à Fran, dans le film « Sex Revelations » (1996) d’Anne Heche) ; « C’est pas la vérité qui compte. C’est le bonheur. » (Alice dans la pièce Open Bed (2008) de David Serrano et Roberto Santiago) ; « Être toujours heureux est un commandement d’une importance vitale. » (cf. proverbe hassidique cité en épitaphe du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 226) ; « Make Love, not War we say : It’s easy to recite ! » (cf. la chanson « Love Makes The World Go Round » de Madonna) ; « ‘Aime et fais ce que tu veux’, disait Augustin. Le vrai combat, il est là ! » (Frère Antoine à Malcolm dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 137) ; « S’il me manque l’amour, je ne suis rien. » (Mark lisant au temple l’Épître de saint Paul aux Corinthiens, dans le film « Save Me » (2010) de Robert Cary ; plus tard, son copain Scott dira : « L’amour est juste. Et l’amour, c’est bien. ») ; « L’essentiel, c’est l’amour. » (Göran dans le film « Patrik, 1.5 », « Les Joies de la famille » (2009) d’Ella Lemhagen) ; « C’est de l’amour finalement. » (cf. la conclusion de l’adjoint au maire pendant la cérémonie d’un mariage gay dans une mairie française, sketch « Le Mariage homosexuel bientôt en France » de l’humoriste Lamide Lezghad, à l’émission On n’demande qu’à en rire sur France 2, le 31 janvier 2011) ; « L’important, c’est que tu sois heureux. » (la mère face à son fils qui fait son coming out, dans un sketch « Coming out du dimanche midi » de l’émission Tout le monde il est beau sur la chaîne Canal +, 2011) ; « L’essentiel, c’est que tu sois heureuse, et que tu reste en vie. » (la mère à sa fille Ariane qui lui annonce qu’elle est lesbienne, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; « Je suis heureuse pour vous car l’amour est une chose formidable. » (Yvonne la gouvernante s’adressant à Ednar à propos de son couple avec Dylan, dans le roman Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 74) ; « Aimer un garçon, ça ne veut rien dire. Ce n’est pas pour ça qu’on est homo. D’ailleurs, je ne l’aimais pas. Je le trouvais beau, c’est tout ! » (Bryan en parlant de Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 32) ; « J’aime France… mais attention ! Je ne suis pas du tout lesbienne ! » (Sharon, qui se décrit comme une « bi », dans la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne ; de son côté, France dit que son homosexualité n’est pas une question d’identité, mais uniquement « de désir, de Moment, d’Amour… ») ; « Ce qui compte, c’est d’être amoureuse. […] C’est pas si grave d’être homosexuelle quand on s’aime. » (Hortense qui, en tombant amoureuse de Raphaël qu’elle avait pris pour une femme pendant toute la croisière, finit par se croire lesbienne, dans le film « La Croisière » (2011) de Pascale Pouzadoux) ; « Il n’y a pas d’homosexualité, ni d’hétérosexualité, il y a la sexualité. » (cf. le film « La Truite » (1982) de Joseph Losey) ; « Quoi que tu sois, garçon ou fille, ça n’a pas d’importance. Je sais que je t’aime. » (Leslie Cheung dans le film « He’s A Woman, She’s A Man » (1994) de Peter Chan) ; « En amour, il n’y a pas de règles. » (Harold, l’un des héros homosexuels du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Et l’amour dans tout ça ? » (Emad, le frère d’Adineh l’héroïne transsexuelle F to M, s’adressant à son père, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; « J’ai le droit d’être amoureux » (cf. le chanson « J’ai le droit aussi » de Calogero) ; « Aimez ! Aimez ! Tout simplement. Et peu importe comment. » (Dominique, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; etc. Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, l’avocat Roy Cohn ne croit pas aux identités « gay » et « lesbienne », mais uniquement « aux relations ».
Par exemple, dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Aysla et Marie sont deux femmes mariées qui couchent ensemble… (l’une d’elles regrette de s’être mariée avec un homme : « Je n’aurais jamais dû me marier… ») mais elles n’assument absolument pas la réalité de leur pratique amoureuse, et font preuve d’homophobie inconsciente : « Que les choses soient claires : je ne suis pas lesbienne. » prévient Marie. « Et moi non plus. » lui répond Aysla, pour continuer de sortir avec elle en la déculpabilisant. En gros, vous détestez le mariage ainsi que l’homosexualité ? Eh bien raison de plus pour la pratiquer !
Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, André, homosexuel, se montre très entreprenant en draguant Cyril, un de ses collègues de bureau sur qui il se fait des films. Finalement, Cyril le repousse (« Je ne suis pas branché pédés, en vrai. ») mais André, dans un premier temps, refuse d’outrepasser les limites imposées par un discours homophobe : « Mais moi non plus. On n’est pas obligés de mettre des mots sur tout… ».
Derrière les refrains prônant l’« Amour », on lit souvent chez le héros homosexuel une grande immaturité affective et une profonde angoisse, car l’état amoureux est propre à la passion, à l’adolescence, et fait vivre les montagnes russes émotionnelles à celui qui s’y enchaîne (cf. l’album Être amoureux : Petits bobos, petits bonheurs (2005) d’Élisabeth Brami) : « Il faut admettre que ce comportement d’éternel adolescent me jouait parfois de vilains tours. Effectivement, je tombais amoureux mais cela ne durait pas plus d’une semaine. » (Ednar, le héros homosexuel du roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 132) ; « Ainsi, les années défilaient à grands pas ; je vieillissais sans voir venir mes rides ; mes cheveux grisonnants tout autour de mes tempes prouvaient que j’avais atteint un bel âge. Mais comme toujours, j’étais amoureux, car je n’avais jamais pu vivre sans amour. » (idem, p. 184) ; « Malgré les bonheurs que Marie me donnait tous les jours, ce bel amour simple ne me suffisait déjà plus. Cette inclination que j’ai pour la conquête est sans doute le pire. Je me sens toujours amoureuse du plus difficile, de l’impossible même, et donc condamnée à n’être jamais comblée. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 204-205) ; etc.
Par exemple, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, c’est au moment où Franck avoue à son ami Henri qu’il entame une relation « sérieuse » avec Michel (« J’crois que je suis en train de tomber amoureux. ») qu’Henri sent précisément qu’il se jette dans la gueule du loup (« Et c’est ça qui te tracasse ? » lui répond-il immédiatement).
Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud, le héros homo qui ne s’assume pas, refuse de poser le mot « homosexuel » sur ses propres pratiques amoureuses avec son compagnon : « J’ai des relations sexuelles avec Benjamin, une fois de temps en temps. Comme tout le monde. »
Ce discours pro-« amour », qui se veut humaniste, et incarné dans les Sens (je l’ai bien écrit au pluriel!), ne se dirige en réalité qu’à des corps végétaux, angéliques, non-sexués, immatériels, narcissiques, où l’autre (ou soi-même !) en face n’existe pas. « Je voudrais pouvoir être amoureux. Ma propre personnalité est un poids pour moi. » (Dorian Gray dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Et ils s’émeurent. Et ils s’aimèrent. » (le petit homme et Jean-Claude son amant spéculaire, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau) ; « J’allais de déceptions en déceptions, et pourtant je ne me lassais pas de tomber amoureux. » (Ednar, le héros homosexuel du roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 114) ; « Avec un peu d’amour, beaucoup d’alcool, tout passe toujours. » (Jeanfi, le steward homo dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; etc. À la fois il cache et il traduit une réelle déprime, une haine de soi redoutable.
On retrouve dans les œuvres homosexuelles le refrain de la philosophie légère (et pourtant dangereuse) de « l’amour n’a pas de sexe », et celui – encore pire pour la communauté homosexuelle puisqu’il neutralise son droit à exister – de « l’amour n’a pas d’orientation sexuelle ». « On n’a pas couché ensemble. On a fait l’amour. […] J’ai pas couché avec Quentin. Je l’ai aimé. » (Jules, le héros homo en parlant de son aventure avec Quentin, pour ne pas assumer de dire qu’il est homo ET pour idéaliser son « histoire de cul », dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas ; mais homo, bi, hétéro c’est pareil, on ne mange pas dans les assiettes cassées. » (le chauffeur du taxi dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 120) ; « On se fout de qui embrasse qui. » (Tori, la lycéenne gay friendly, dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn) ; « Le cœur a ses raisons que la raison ignore. » (une vieille mamie secondée de son mari, idem) ; « De toute façon, le vingt-et-unième siècle sera bi ou ne sera pas ! » (Claude, l’une des héroïnes lesbienne du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 63) ; « Bien plus que la raison, le cœur est le plus fort. » (une réplique dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy) ; « Ça vous fait rien de savoir ce que c’est que de faire l’amour avec un garçon, ou avec une fille d’ailleurs ? » (Jacques s’adressant à Anna, la jeune voyante, dans le film « L’Apparition » (2018) de Xavier Giannoli) ; etc.
Menée à son terme, la Queer Theory est homophobe et hyper matérialiste : « Ne me dis pas que tu es pédé et que ça existe d’être pédé. Ça n’existe pas, la seule chose qui existe, c’est des situations sexuelles qui font bander tout le monde, les filles comme les garçons, hétéros ou pédés. » (Cody, le héros homosexuel américain à son pote gay Mike dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 99) ; « Les objets comme des collections de sable, Témoins de nos escales dans le monde amoureux. » (le Comédien, dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Un enfant, qu’il soit élevé par deux pédés du cul ou par un père et une mère, l’important, c’est qu’il ait de l’amour. » (Nadia, la mère porteuse hétéro dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand) ; « C’est le grand Amour. On ne peut rien y faire. » (Tom, le héros homosexuel, forçant Dick à l’aimer, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; etc.
Par des propos lénifiants sur l’amour, c’est toute une censure/indifférence homophobe sur le désir homosexuel qui est imposée. Et ça, c’est très inquiétant pour le futur des personnes homosexuelles, qui ne se verront bientôt plus reconnaître leur désir homosexuel, ni leur culture, ni leur légitimité à exister en tant que personnes homosexuelles, si ça continue. Qu’on ne s’étonne pas de la recrudescence des actes homophobes dans une société pareille où le discours bisexuel asexualisant (qu’on nous ordonne de nommer « amour ») a pignon sur rue !
L’un des points de réflexion que je trouve cependant intéressant dans ce chœur d’agneaux bêlants – même s’il est faux de l’interpréter ensuite comme une essence homosexuelle éternelle –, c’est quand certains personnages ou certains auteurs affirment que « les » homosexuels font partie d’une race à part appelée « les amoureux » : « Nous appartenons à la race d’Eros. » (Le Coryphée dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias) ; « J’ai grandi dans le romantisme. » (Mme Garbo dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1971) de Copi) ; « Le pire, c’est que votre caractère vous pousse à être amoureux. » (D’Albert à Alcibiade, dans le film « Le Chevalier de Maupin » (1965) de Mauro Bolognini) ; « Nous, les lesbiennes, on tombe toujours follement amoureuses. » (Océane Rose Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009). À mon sens, ils touchent ici du doigt ce qui est l’une des caractéristiques les plus saillantes de la nature du désir homosexuel : c’est un désir sentimental et amoureux plus qu’un désir aimant. Dans son roman En l’absence des hommes (2001), Philippe Besson a bien choisi les mots qu’il prête à Proust pour illustrer ce que je viens de vous expliquer : « Je ne suis pas un amant, ne l’ai jamais été. Je suis un amoureux, véritablement. » (la figure de Marcel Proust, p. 93)
Dans l’amour homosexuel, le « désir d’aimer » semble l’emporter sur « l’amour en actes ». Par exemple, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Matthieu, le héros homosexuel, nous raconte sa love story, et surtout la courbe montante-descendante de ses sentiments ; d’ailleurs, c’est au moment où il se sent le plus in love de Jo (« Le top du ‘Je suis amoureux’. » dit-il) qu’il va finalement le tromper.
On reste sur le terrain des bonnes intentions, ou bien du rêve. C’est particulièrement perceptible dans les chansons de Mylène Farmer (« J’avais rêvé du mot aimer. », cf. la chanson « Rêver » ; « J’ai dans mon autre moi un désir d’aimer, comment l’oublier ? », cf. la chanson « Tous ces combats ») mais également dans d’autres œuvres très appréciées des personnes homosexuelles. Par exemple, c’est ce désir d’aimer que souligne le critique Bernard Urbani dans le discours de la manipulation amoureuse des deux héros bisexuels des Liaisons dangereuses (1782) de Laclos, la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont, qu’il décrit comme deux êtres « avides d’aimer », malgré leur cruauté effective (Bernard Urbani, « Le Couple libertin : Valmont, Merteuil », dans Pierre-Ambroise-François Choderlos de Laclos, Analyses et Réflexions sur Les Liaisons dangereuses de Laclos (1991), p. 78). Dans un élan très Walt Disney qui stipule que « tous nos rêves sont possibles à partir du moment où on y croit très fort », certaines personnages homos prônent la toute-puissance de la sincérité, sans penser une seule seconde que l’enfer ne fonctionne qu’à coup de bonnes intentions : « Une personne est d’autant plus authentique qu’elle ressemble à ce qu’elle a toujours rêvé d’être intensément. » (le transsexuel Agrado dans le film « Todo Sobre Mi Madre », « Tout sur ma mère » (1998) de Pedro Almodóvar) ; « La sincérité met fin à la paranoïa. » (cf. une phrase de la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg)
Par exemple, dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Greg, le héros homo, s’est fait vider son compte en banque par Igor, son amant qui lui a piqué sa carte de crédit… mais il continue de dire qu’il a aimé pour de vrai : « J’crois en la sincérité et la fidélité. »
Finalement, avec cette rhétorique de l’amour asexué (qui peut être homosexuel… ou pas), on se retrouve face à des personnages homosexuels hypocrites et lâches, qui nient la responsabilité et la réalité des actes sexuels qu’ils posent, ou bien qui mettent sur un piédestal tout désir humain (sans le définir, bien évidemment) à partir du moment où il est exprimé et qu’il est soi-disant individuel. Par exemple, dans le film « Cherchez Hortense » (2012) de Pascal Bonitzer, quand Jean-Pierre Bacri demande à Claude Rich « Papa, est-ce qu’il t’est arrivé de coucher avec des hommes ? », ce dernier lui répond : « Oui. Ça fait de moi un homosexuel ? » Tous les désirs se vaudraient, et donc ne mériteraient même plus d’exister. Quelques rares personnages homosexuels sentent le danger de ce discours bisexuel-asexué niant l’existence du désir homosexuel en eux : « Je sais que l’amour est important, je sais même que l’amour, c’est la preuve que l’homosexualité existe. Je sais tout ça. Non mais si j’y pense, n’importe qui peut baiser une bouche ou un cul, on s’en fout si c’est un mec ou une nana, genre derrière un glory hole. Donc oui, oui, je sais, l’amour c’est ce qui est le plus important. Mais chuis pédé, moi, pas hétéro. Je vais pas draguer quelqu’un. Sauf toi, peut-être ! » (Mike, le narrateur homosexuel s’adressant à Polly sa meilleure amie lesbienne, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 32)
Ce qui se passe en ce moment, c’est que le mot « amour » est sacralisé et préféré à Dieu même, universellement préféré à l’Amour même ! « Pour Bryan, faire l’amour, c’est le huitième sacrement. » (Tom parlant de son amant « catho », dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) Nous allons être de plus en plus confrontés à cet imbroglio, ce tour de passe-passe, ce décalage fusionnel (ce noeud!) entre mot et réalité, entre intention et amour, entre sincérité et Vérité, entre esprit et corps, entre enfer et paradis. « L’enfer, c’est l’absence d’amour. » (Bryan, idem)
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
En général, la personne homosexuelle se qualifie d’« amoureuse » plutôt que de « personne aimante/aimée » ou de « personne homosexuelle », afin d’éviter de se définir, de regarder ses propres actes, et d’aimer sur la durée :
Dans les documentaires télévisuels, les débats publics, et les échanges sociaux informels, on retrouve sans arrêt cette emphase sur l’amour-sentiment supplantant complètement l’amour-engagement et la réflexion sur le sens du désir homosexuel : je vous renvoie par exemple au titre de l’émission homosexuelle (pardon… « gay friendly », il faut dire maintenant) Ce n’est que de l’amour sur la radio française RCN à Nancy (90.7 FM) ; à l’article « Si nous parlions d’Amour » (1999) de Marie-Jo Bonnet dans la revue Triangul’Ère 1 de Christophe Gendron ; ou bien encore au jeu télévisé français Les Z’Amours qui a accueilli pour la première fois de son histoire (le 11 juin 2009) un couple homosexuel ; etc.
C’est drôle comme beaucoup de personnes homosexuelles se font une obligation de tomber amoureuses, comme pour rentrer bêtement dans le moule social de la princesse et du prince charmants (et surtout pour imiter leurs films !) : « Il fallait que je tombe amoureux. » (Hugo Marsan en parlant de sa jeunesse, lors de la 3e Journée Mondiale contre l’Homophobie, Paris, le 18 mai 2007) ; « Nous allons ensemble rire, pleurer, trembler, tomber amoureux-se-s. » (Antoine Quet dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 9) ; « C’était un coup de foudre réciproque. » (Élisabeth par rapport à Catherine, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; etc. Elles n’ont toujours pas compris que le sentiment amoureux, sans la différence des sexes, est éphémère et souffrant par nature. « Tu fonces, tu t’enchaînes aux mêmes arbres qu’autrefois. Et tu sais déjà que tu vas souffrir, parce que tout te dit que ce sera plus compliqué que jamais… En un mot, tu es amoureux. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 162) L’état amoureux imposé par le capricieux Éros, et que beaucoup de personnes homosexuelles (célibataires, mais pas uniquement célibataires) rêveraient, dans leur incroyable naïveté, de retrouver comme si c’était le seul Nirvana qui existe sur Terre, n’est pas autre chose qu’un calvaire (si et seulement s’il n’est pas vécu dans l’Amour et canalisé par Lui !). Ce n’est pas pour rien que Marcel Proust parle, dans Sodome et Gomorrhe (1921-1933), des épuisantes « intermittences du cœur » (p. 21) que le grand huit des sentiments (homosexuels comme hétérosexuels) nous fait vivre façon looping ! Dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata, quand on demande à Charles Trénet s’il a connu l’amour vrai, il répond : « J’étais trop amoureux pour me fixer. J’ai eu juste DES amours. » En vrai, ce n’est pas une partie de plaisir que d’être amoureux sans être aimant : « Je suis heureux, ce matin. Insatisfait. J’ai retrouvé un état amoureux, l’état brut qui est de front celui de dépit et de révolte. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 13) ; « J’étais aveugle et amoureux. Les gays adorent vivre des histoires d’amour éternelles de trois jours. Alors je fais comme tout le monde, j’adore ça. » (Ashe dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 248). La passion peut même rendre fou, et nous anesthésier partiellement, au point de nous décourager d’aimer vraiment : « J’étais devenu un zombie. Un fou dans la nuit. Un mystique de l’amour. Un amoureux éconduit. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 53)
La grande majorité des personnes homosexuelles, incapables de faire la différence entre « être amoureux » et « aimer » (car notre société ne les y aide pas, il faut bien le dire !), se qualifient d’« amoureuses » : « Je mets du sentiment partout. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 315) ; « Je suis un grand amoureux. » (Étienne Daho dans la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 32) ; « Le monde me transforme en amoureux. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 96) ; « J’aimais tellement être amoureuse. » (une témoin lesbienne de 70 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Moi, je suis une romantique et je suis une grande amoureuse. » (Nina Bouraoui dans l’émission Culture et Dépendances diffusée le 9 juin 2004 sur la chaîne France 3) ; « Elle a fait de moi un être éternellement amoureux. » (Julien Green, en parlant de sa mère, dans l’émission Apostrophe diffusée le 20 mai 1983 sur la chaîne Antenne 2) ; « Je me savais incurablement sentimentale. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 190) ; « Nijinski attache une grande importance aux mots ‘sentiment’, ‘sentir’ et ‘ressentir’. » (Christian Dumais-Lvowski, dans l’avant-propos du journal Cahiers (1919) de Vaslav Nijinski, p. 20) ; « Bonjour je m’appelle Jérémy Patinier, je ne vais pas vous raconter de conneries mais je vais vous parler d’amour. J’ai été amoureux 4 fois déjà. Ça a duré un an et demi, 6 mois et 2 fois 3 mois. Ça fait deux ans et demi en tout. J’ai 27 ans et 6 mois, j’ai calculé ça fait 10 037 jours. Bon j’arrondis à 10 000 jours si on enlève le début, la fin et les jours où on se déteste : ça fait 12% de ma vie à être amoureux. » (L’auteur de la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour, 2011, Incipit) ; « Je suis amoureux. Amoureux de l’amour. » (le chanteur Stéphane Corbin, lors de son concert Les Murmures du temps au Théâtre de L’île Saint-Louis Paul Rey à Paris, en février 2011 ; il dit d’ailleurs que son album Les Murmures du temps a été « créé dans l’esprit amoureux, à écouter des chansons nostalgiques ») ; « J’étais déjà amoureux avant même de l’accueillir à sa descente du train. […] Yann était devant moi, beau et aussi gauche que moi. Mon premier réflexe a été de l’emmener contempler la mer Méditerranée. Nous nous sommes promenés, nos doigts s’effleurant comme par mégarde. Nous avons flirté tout l’après-midi comme deux adolescents connaissant leurs premiers émois. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), pp. 83-84) ; etc.
L’écrivain Christophe Bigot, lors de la Conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon, à la Mairie du IIIe arrondissement, le 18 novembre 2010, affirme qu’il s’est identifié très jeune à la figure romantique du procureur Camille Desmoulins : « Il est jeune, courageux, fougueux, c’est un amoureux. J’ai voué un culte à Camille Desmoulins pendant toute mon adolescence. » À l’occasion, on découvre que l’adjectif « amoureux » n’est en général qu’une pompeuse poétisation/romantisation de la pulsion génitale la plus vile et la plus égoïste (= je bande, je suis excité, DONC je tombe amoureux et j’aime !) : « Selon moi, le rapport que nous devons avoir à l’égard de nous-mêmes, lorsque nous faisons l’amour, est une éthique du plaisir, de l’intensification du plaisir. » (Michel Foucault, « Une Interview de Michel Foucault par Stephen Riggins », 1983, dans Dits et Écrits II, 1976-1988 (2001), p. 1355) Le Bonheur et le Plaisir sont les moteurs du discours libertin : « Il y a un pédagogue chez chaque libertin. En effet le Bonheur, valeur suprême que la philosophie des Lumières substitue au principe traditionnel et religieux de Salut, se définit dans la pensée libertine en termes d’activité et d’intensité. » (Béatrice Bonhomme, « Commentaire de la Lettre XLVIII », dans Pierre-Ambroise-François Choderlos de Laclos, Analyses et Réflexions sur Les Liaisons dangereuses de Laclos, Éd. Marketing, Paris, 1991, p. 75). Selon les amoureux homosexuels, l’Homme ne serait qu’une marionnette offerte en holocauste à l’Amour. On ne pourrait pas comprendre l’Amour, puisqu’Il serait inintelligible, inattendu, accidentel, despotique : « L’histoire qu’on se raconte est singulière. Elle tient à peine compte de l’identité des partenaires, des relations que l’on a avec telle personne, du fait que l’on soit ou non amoureuse de quelqu’un de précis à ce moment-là. C’est un état de désir diffus, imprévisible, qui vous tombe dessus parce que le soleil, parce que la vie… » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 173) On nous fait croire que l’amour vrai n’est qu’une affaire de jolies intentions (et non d’actes et d’engagement concret), qu’un arrangement privé à deux, et qu’à partir du moment où les deux parties qui se mettent en couple sont apparemment consentantes (mais sont-elles si libres qu’elles le disent ?), adultes, et vaccinées, leur amour serait indiscutable. « Le désir justifie tout, pourvu qu’il soit partagé. » (idem, p. 191) « Ce qui compte, c’est la relation. […] Le critère éthique fondamental, qui relativise les différences, est celui de la qualité intérieure de la relation. » (Isabelle Graesslé, Pierre Bühler et Christoph D. Müller, Qui a peur des homosexuel-les ? (2001), p. 179) Le mythe du consentement mutuel – qui stipule qu’une action devient juste et aimante à partir du moment où elle est voulue par plus d’une personne ( = « on va voir ailleurs… mais c’est rien puisqu’on s’dit tout ») – n’est absolument pas remis en cause, alors que, dans les faits, on peut très bien agir mal à deux, au-delà des sincérités, des promesses, de la communication dans le couple.
L’éloge idolâtre du sentiment amoureux s’accompagne d’ailleurs très souvent d’une forme d’auto-mépris chronique de l’amour-sentiment, forcément. C’est parce qu’on n’y croit trop, et qu’on en fait un mauvais usage, que les sentiments peuvent nous tromper ! : « Je ne veux plus jamais tomber amoureux. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 170) Les plus romantiques des sentimentaires homosexuels sont ceux qui dénoncent chez les autres la naïveté et l’idéalisme des contes de fées dans lesquels ils s’enferrent pourtant à pieds joints eux-mêmes, parce qu’ils n’ont rien compris à l’Amour vrai. L’Amour, ce n’est pas comme dans les contes de fée : c’est mieux, et plus grave, que les contes de fées ! C’est par excès de romantisme que nous arrivons à être déçus par ce que nous croyons être « de l’amour » : non parce que nous aimons vraiment.
Dans l’amour homosexuel, le « désir d’aimer » semble l’emporter sur « l’amour en actes » : « C’est vers seize ans que survint le premier flot qui me jeta par dessus bord. Depuis longtemps existait en moi un inconscient désir d’aimer. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 80)
Je suis persuadé que c’est parce que les personnes homosexuelles ne croient plus en l’amour qu’elles le chantent à tue-tête. Pour cacher leur dépression et les détournements de l’amour qu’elles opèrent, elles se mettent à défiler sous les bannières de l’optimisme en forme de cœur ou d’arc-en-ciel. Et ce remplacement de l’Espérance (= lire tous les événements concrets de la vie humaine à la lumière de la Victoire de la Vie sur la mort, à travers la Croix du Christ) par l’optimisme ( = voir le monde avec des lunettes roses) est vraiment pathétique. Ça y est ! Je crois qu’on peut le dire : Les Bisounours homosexuels (déprimés mais « optimistes ») sont là ! Ils ne croient pas en l’Amour unique et éternel, mais en l’amour-sentiment, merveilleux et éphémère à la fois. « Aime comme tu veux ! » signalent leurs banderoles de Gay Pride (cf. arborées au défilé parisien de 1986). En réalité, derrière l’argument de l’amour, la motivation de beaucoup de militants homosexuels est prioritairement légaliste et matérialiste, ne nous leurrons pas : « On veut être reconnus comme une famille par la loi, pas que par les cœurs. » (Francine et sa compagne Karen, dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger)
La justification de l’homosexualité par « l’amour » est totalement de mauvaise foi, mais semble dans un premier temps, il faut le reconnaître, vraiment efficace et incontestable, d’une part parce qu’elle touche la corde sensible de notre compassion, et d’autre part parce que l’Amour vrai, même s’Il s’éprouve concrètement sur la durée, dans la patience et la persévérance, ne se prouvera et ne s’imposera jamais : Il est l’Amour même (et la Liberté qui va avec) !
Votre attention, s’il vous plaît ! La Miss France homosexuelle a un message capital à nous délivrer : « Vive la liberté, la vie, la différence, la grâce, le respect… » (Clémentine Célarié dédicaçant maternellement la revue Triangul’Ère 3 (2001) de Christophe Gendron, p. 778) ; « Je réclame la liberté générale des mœurs, de tout ce qui ne nuit pas à la tranquillité, à la liberté, au bonheur du prochain. » (Claude Cahun citée par Catherine Gonnard, article « Claude Cahun », dans le Dictionnaire des Cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 91) ; « Seul l’amour peut légitimer les actes sexuels consentis sans violences. » (le docteur Ramón Serrano Vicens, cité dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 160) ; Les militants de l’association gay basque Xente Gai Astur veulent « construire une société plus juste et meilleure pour tous les êtres humains » (cf. Fernando Olmeda, El Látigo Y La Pluma (2004), p. 322) ; « Jocelyne François ne se veut pas la porte-parole d’une quelconque cause. Pour elle, il s’agit de dire l’évidence : l’amour, et sa singularité. Un ton qui rompt définitivement avec tous les poncifs et les stéréotypes d’une homosexualité subie ou transgressive, en se voulant essentiellement à l’écoute d’une histoire personnelle, celle de sa rencontre avec la peintre Marie-Claire Pichaud. Son œuvre reste surtout une invitation à aller jusqu’au bout de soi et de ses bonheurs. » (cf. l’article « Jocelyne François » de Catherine Gonnard, dans le Dictionnaire des Cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 201) « En conclusion, je pense que nous recherchons tous, hétéros ou gays, le bonheur, l’amour, la liberté de vivre la vie que l’on a choisie. Il n’y a donc pas de différence. Je souhaite de tout cœur que les homos puissent vivre leur vie dans la paix, la reconnaissance et la sécurité. » (cf. lu dans la revue Têtu, juillet/août 2002) Oui, en effet, le bonheur, comme le répète le monde magique de la publicité, c’est d’être soi-même, de s’écouter, de penser à soi, … et, comme dirait le bobo, d’« être vivant » et d’« avoir aimé (malgré tout) ». De chanter la vie, de danser la vie (= de vivre pour sa gueule, en gros). Et surtout, surtout, de ne pas juger (comprendre = « faire marcher son sens critique ») : « Pour moi l’homosexualité est une chose normale. Je ne vois pas du tout au nom de quoi est-ce qu’on juge l’autre. Son corps, mon corps est à moi. Votre corps est à vous, j’espère. Nous avons le droit d’en faire… à peu près, ce qu’on veut. La seule chose qui soit interdite, c’est la mauvaise foi, le mensonge et le meurtre. Tant qu’on ne porte pas ombrage à la liberté de l’autre, on a le droit d’être libre. » (Juliette Gréco dans le documentaire « Sex’n’Pop, Part I » (2004) de Christian Bettges) C’est vrai, tout ça. Il ne faut pas oublier non plus de dire que « L’Important, c’est la communication et les échanges ». C’est important, ça. Ben oui : on reçoit beaucoup plus que ce qu’on donne. C’est Lorie, la grande philosophe, qui l’a dit. Et c’est capital de rappeler que l’amour n’a pas de règle ni de limites, parce que l’Amour est transcendant : Il est partout, même là (surtout là !) où on ne s’y attend pas, … où notre désir n’y est pas, où on ne veut pas s’investir librement.
Miss France a encore un mot à nous dire sur le mariage gay, peut-être ? Oui, il faut en effet lutter contre les préjugés sur les homos, c’est vrai (c’est quoi, un « préjugé », au fait ?). Et lancer le Kiss-ing de l’amour obligatoire à la Gay Pride ! pour expliquer au monde entier que « les homos sont faits pour le mariage ! » (dixit Arielle Dombasle dans la revue Têtu, juin 2011) Voilà. Ça, c’est fait. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, tout le monde il aime ! Tout ça, C’EST LA VIE ! « Tu s’ras bien avec tes deux mamans. Avec le p’tit Raphaël, on fonde une famille. On peut tout à fait vivre une relation homo avec un p’tit bébé. Ça me paraît complètement naturel. Voilà, quoi. C’est la vie. » (une maman lesbienne juste après la naissance de son fils, dans l’émission Ça se discute diffusée le 18 février 2004 sur la chaîne France 2) Les couples homos, en résumé, pas besoin de se prendre la tête, « C’est juste de l’amour quoi. » (Jeanne Broyon par rapport à l’amour lesbien, dans le documentaire « Des Filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger ; d’ailleurs, pendant un kiss-ing parisien, la réalisatrice se ballade justement avec un ballon gonflé en forme de cœur, marqué « Action Bisounours ». CQFD) Euh… Une dernière petite question perso : On est vraiment obligé d’applaudir ?
Quand on regarde les mots de la Miss France tout-sourire d’un peu plus près, on y découvre toujours le même discours homophobe prônant une diversité-rouleau-compresseur égalitiste : « Dès qu’il y a de l’amour, qu’il soit hétéro, homo, bi, trans, c’est une occasion de fête et de joie. Et je trouve ça magnifique ! » (Linda Troller dans le documentaire « 68, Faites l’amour et recommencez ! » (2008) de Sabine Stadtmueller) ; « C’est pas le mariage homo. C’est le mariage tout court. » (Marion, la sœur de Guillaume, son frère homo en couple avec Patrick, dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy de l’émission Tel Quel diffusée le 14 mai 2012 sur la chaîne France 4) ; « Homo, hétéro, il n’y a pas fondamentalement de différence. L’amour entre deux personnes, avec un grand A, c’est le même. » (Violaine citée dans la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 81) ; « À travers ce film, j’ai essayé de dire que l’amour reste éternel en dépit des difficultés que la société impose aux amoureux. Homos ou pas ! C’est pour moi une façon de rendre hommage à ceux qui s’aiment et expriment leur amour comme ils le sentent. » (Mohamed Camara à propos de son film « Dakan » (1997), dans Arte Magazine, le 15 juillet 2000) ; etc.
Voici le discours typiquement bisexuel de l’irresponsabilité des libertins « gays friendly » : « Tu sais, cariño, un jour, tu vas tomber amoureux. Si c’est un garçon, t’es homo. Si c’est une fille, t’es hétéro. […] Je me suis tapée toutes les filles de ma promo. Ça n’a pas fait de moi une lesbienne ! » (une des tantes de Guillaume, le héros bisexuel, prise en flagrant délit de déni de responsabilité, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) Et tout le monde a « adoooré » la « nouveauté » qu’aurait représentée ce film « Guillaume et les garçons, à table ! »… J’avais beau leur dire : « Mais non, c’est pas un film novateur ni positif pour les personnes homosexuelles. Malgré les apparences, il n’est pas un progrès du tout. C’est un film homophobe qui banalise et ignore la pratique homosexuelle en même temps que les personnes. », je n’arrivais pas à me faire entendre…
Les Queer & Gender Studies, derrière un discours évasif sur les bienfaits des différences (qu’elles nient concrètement, à commencer par la différence des sexes !), tentent d’imposer un dangereux flou artistique sur la recherche du sens de la sexualité, des corps naturels, et de l’Amour, une recherche qui, inutile de le rappeler, garantie le respect des personnes et de notre société : « Les contours d’une nouvelle forme de sexualité ne peuvent pas être connus, il appartient, à chacun de nous de le déterminer. […] Les êtres humains s’arrangent à leur façon de la reproduction et de la production, des différences sexuelles et de l’érotisme ; ils font aussi leur propre histoire du plaisir et du bonheur. […] La recherche du bonheur au XIXe siècle dépend de vous. » (Jonathan Ned Katz, L’Invention de l’hétérosexualité (2001), pp. 181-183) ; etc. Leur défense de l’amour est particulièrement sentimentaliste et anti-naturaliste : « Aujourd’hui, la signification de la sexualité ne se situe plus exclusivement dans le corps mais dépend de l’usage que l’on en fait. » (idem, p. 176) Ce sont les instincts et les pulsions animales (les penseurs queer diront « envies » ou « amour » pour édulcorer leur violence) qui sont mis en avant, voire imposés : « Le sexe est une pulsion humaine fondamentale qui ne peut être bridée. Toutes les tentatives pour le contrôler ou le réglementer ont échoué. L’amour ne connaît pas de verrous. » (Terry Sanderson, Gay Kâma Sûtra (2003), p. 8) À travers un réquisitoire archi-appris sur l’amour (l’amour dont paradoxalement on ne dit rien ! on se contente généralement de nous l’exhiber sans légende), derrière des mots énigmatiques et ésotériques berçant notre douilletterie, se cache une redoutable censure sur l’homosexualité : « Le Vatican s’oppose à l’amour ! » (Don Barbero, prêtre gay friendly dénonçant la position de l’Église catholique lors du vote de la loi DICO en Italie en 2003, dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi) ; « L’homosexualité ne m’intéresse pas comme sujet de cinéma. Ce qui m’intéresse, c’est l’intimité des personnages. » (Gaël Morel cité par Cyril Legann, « Gaël et son clan », dans la revue Illico, 10 juin 2004) ; « Je ne fais aucune différence entre l’hétérosexualité, la bisexualité et l’homosexualité. L’amour, c’est être consumé par un feu intérieur, qui vous emmène loin. Tout le monde a raison, tout le monde fait le bon choix, personne n’a à s’interposer quand il s’agit d’amour. […] Quant à l’homoparentalité, je ne vois pas le problème, si problème il y a. Peu importe la sexualité des parents, l’amour doit être au centre de la famille. Je suis pour le bonheur et la félicité. » (Étienne Daho cité dans la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 34) ; « Du moment qu’il y a de l’amour et de l’éducation… » (cf. une phrase d’un défenseur du « droit à l’enfant » pour les couples de même sexe, dans la série d’émissions 7 minutes pour une vie, « Homoparentalité : Le Parcours de deux mamans et deux papas » dans Le Magazine de la Santé, diffusé sur la chaîne France 5, décembre 2009) ; « J’ai pas vraiment envie d’en parler. C’est un film d’amour, voilà. Souvent, mes films ne traitent pas directement d’homosexualité. » (François Zabaleta juste avant la projection de son film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, au 17e Festival Chéries-Chéris d’octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; etc.
Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, le papy homosexuel fermier de 83 ans compare le fait d’aimer le vin avec l’homosexualité: « Il s’agit d’aimer. », mais on voit qu’il impose une censure sur sa propre homosexualité : « Je suis né comme ça. Je suppose. Je ne me pose pas la question. C’est, je pense, l’intérieur qui commande. »
Certains amants homosexuels, dans un élan d’irresponsabilité puéril et homophobe, vont même jusqu’à nier leur désir homosexuel, leurs actes, leur orientation homosexuelle, leur culture, leurs amis homos, leur communauté sexuelle d’adoption, parfois même renier leur propre compagnon, pour satisfaire ce discours social insipide sur la sexualité : « Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui, parce que c’était moi. » (Montaigne au sujet de La Boétie, cité dans le roman Parce que c’était lui (2005) de Roger Stéphane, p. 37) ; « La conduite sexuelle entre deux hommes a peu ou rien à voir avec l’identité ‘homosexuelle’. » (Neil McKenna, On The Margins (1996), p. 12, cité dans l’essai Historia De La Literatura gay (1998) de Gregory Woods, p. 312) ; « Je ne pensais pas devoir décrire mon protagoniste en tant qu’homosexuel ou hétérosexuel. Pour moi, il est queer. Dominik n’a pas besoin de se décrire. » (Jan Komasa, le réalisateur du film « Sala Samobójców », « Suicide Room » (2011), s’exprimant sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, le 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; « Je ne suis pas lesbienne ; j’aimais Thelma. » (Djuna Barnes à propos de sa relation orageuse avec la sculptrice Thelma Wood, citée dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 76) ; « Moi je ne lutte pas pour être homosexuel. Je lutte pour être moi et pour être une personne. Moi je crois aux personnes, pas à l’homosexualité. On ne doit pas te coller une étiquette parce que tu te mets avec un mec ou une nana. » (Fernando Olmeda, El Látigo Y La Pluma (2004), p. 265) ; « Ce n’est pas important d’être gay… ou important d’être blanc… ou important d’être noir. L’important, c’est d’être soi. » (James Baldwin en mai 1986, cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 72 ; « J’ose espérer à l’avenir qu’on ne parlera plus d’orientation sexuelle, que ça deviendra juste un fait naturel. » (une femme trentenaire lesbienne dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) ; etc.
Pour faire contrepoids à ce discours fleur bleue senteur lavande puant, je ne peux m’empêcher de citer les quelques mots de Pascal Bruckner sur l’individualisme infantile, dans La Tentation de l’innocence (1996) : « L’individualisme infantile est l’utopie du renoncement au renoncement. Il ne connaît qu’un mot d’ordre : sois ce que tu es de toute éternité. Ne t’embarrasse d’aucun tuteur, cultive et soigne ta subjectivité qui est parfaite du seul fait qu’elle est tienne. Ne résiste à aucune inclination car ton désir est souverain. Tout le monde a des devoirs sauf toi. », p. 106).
Le plus fascinant dans tout ce processus contemporain de bisexualisation du concept d’homosexualité, c’est que nous sommes en train de revenir inconsciemment aux fondamentaux historiques homophobes du désir homosexuel, à l’époque (fin du XIXe siècle) où les nomenclatures « les homosexuels » et « les hétérosexuels » s’appliquaient exactement aux mêmes individus : les personnes bisexuelles qui ne voulaient pas s’engager en amour. Une époque, d’ailleurs, où les personnes homosexuelles étaient particulièrement persécutées. Aujourd’hui, c’est la même chanson. On veut, en mettant à mort la réflexion sur le désir homosexuel, faire table rase sur l’horizon symbolique de la sexualité humaine au sens large. Le désir homosexuel est réduit à une pratique génitale (à ne pas analyser), et n’est plus reconnu en tant que désir (la seule chose dont on est sûr qu’il est). On ne doit même plus dire « amour gay », sinon, on se fait taper sur les doigts ! L’« amour gay », c’est de l’Amour-tout-court, voyons ! Pourquoi instaurer des « catégories d’amour », enfin !?! Je perçois cette tyrannie homophobe dans les propos pourtant bateau et désinvoltes d’un écrivain comme Christophe Donner : « Ma nature est d’être amoureux, d’être sensuel, d’être excité, de sucer, d’enculer mais pas d’être homosexuel » (l’écrivain Christophe Donner). La censure actuelle sur l’homosexualité, le refus de se définir comme une personne homosexuelle, ou de seulement parler de l’amour/désir spécifiquement « homosexuel », ne préfigure rien de bon pour la communauté homosexuelle à venir…
Ce phénomène de censure concernant la question gay est extensible à la société entière, malheureusement. C’est sur le sens de la sexualité humaine et de l’Amour qu’il faudrait s’attarder, en réalité ; sur les fondamentaux. On n’a jamais entendu parler autant d’Amour dans nos médias qu’aujourd’hui, … et pourtant, on l’a jamais aussi peu mis en pratique ni expliquer ! « On respecte les façons diverses d’aimer. » (Christian Flavigny, pédopsychiatre « catholique », dans l’émission « Sans langue de buis » consacrée aux États Généraux de la bio-éthique, diffusée le 12 janvier 2018 sur la chaîne KTO) Pour revenir sur le cas de la communauté homo, qui n’est que la partie visible de l’iceberg de l’Ignorance sociale sur l’Amour, ce qui surprend le plus, c’est de voir le degré de violence et de haine que les défenseurs de l’amour gay, qui n’ont pourtant que les mots « amour » et « respect » à la bouche, sont capables de mobiliser pour justement défendre leur conception très personnelle et discutable de l’Amour. Ne voyant leurs actions qu’à travers le prisme de leurs bonnes intentions, il semble difficile à la majorité des personnes homosexuelles de mesurer que ce n’est pas les valeurs en elles-mêmes qu’elles désirent mettre sincèrement en pratique dans leurs amours qu’elles doivent remettre en cause (« s’accepter soi-même », « défendre la diversité », « accueillir la différence », « aimer l’autre de tout son cœur et tel qu’il est », etc.), mais le détournement qu’elles en font. Par exemple, la générosité n’a jamais impliqué de se laisser vider son compte en banque par son amant ; l’amour de la beauté n’a jamais imposé la soumission au sexe ; l’acceptation de soi n’a jamais demandé la caricature du coming out ; etc. La communauté homosexuelle toute entière a du mal à saisir que l’amour n’est pas que l’intention d’aimer, et que, comme le dit le fameux adage, « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».
Je vois d’ici certains lecteurs interpréter mon cynisme par rapport à l’amour gay comme une forme d’aigreur personnelle qui relèverait de la jalousie enfouie, ou du refus gratuitement méchant de cautionner le discours social actuel sur la beauté des couples homos. On ne sait pas pourquoi, mais bon, ça me ferait naturellement mal de voir un couple homo vraiment heureux ; ça m’écorcherait la bouche de l’avouer, mais le « bonheur des autres » me débecterait… Je leur réponds tout de suite que, pour l’instant, et depuis un certain moment déjà (surtout depuis que je ne suis plus homosexuellement amoureux, tiens ! comme par hasard ! et que je ne crois plus en cette soupe guimauve qu’on nous force à avaler comme du petit lait), je vais très bien. C’est parce que je ne me fais pas/plus avoir par la chansonnette des amoureux homosexuels que je peux dire haut et fort que ça fait du bien d’être au régime ! 😉 Et que ça fait du bien aussi de dénoncer ce qui se cache de franchement révoltant derrière le vernis de bien-pensance qui recouvre la communauté gay (et pas que la communauté gay : toute la société) D’autres personnes homos, prétendant vivre en ce moment le « Big Love » avec leur partenaire, me soutiendront que c’est plutôt mignon de se définir comme « amoureux ». En apparences, en tout cas. Mais ce qui est gênant, c’est ce que cette méga propagande publicitaire en faveur de l’amour, lancée par la communauté homosexuelle, cache une censure sur les pratiques dites « amoureuses » et sur la réflexion à propos de l’Amour, précisément.
Je le crois de plus en plus. Le désir homosexuel n’aide pas les individus qu’il habite à se poser la question de leurs désirs profonds. Il faut toute une vie à un Homme pour apprendre à aimer. Mais bien souvent, les personnes homosexuelles, en croyant aimer mieux que les autres qui les auraient si mal reconnues, se pensent exemptées du travail d’apprentissage collectif et patient de l’amour, si bien qu’elles arrivent souvent précipitamment sur le terrain des relations amoureuses en ayant grillé certaines étapes et sans connaître les règles de base du jeu aimant respectueux. On le constate très clairement dans les fictions et dans les faits. « Moi, je ne sais plus dire ces choses-là. » (Charlotte incapable d’assurer un « je t’aime » à Mélodie, dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell) ; « Moi, j’ai jamais réussi à être en entier à quelqu’un. » (Charlotte à la fin du film, idem) ; « J’ai des difficultés pour aimer. » (Monique, témoin homosexuelle dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) ; « Le problème, c’est que tu n’aimes que toi. » (Adrien s’adressant à Louise, le personnage trans M to F, dans le téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier) ; « J’connais beaucoup d’hommes qui ont aimé mon frère, enfin… qui croyaient l’aimer. » (Hall par rapport à son frère homo Arthur, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc.
Par exemple, dans le film « Tableau de famille » (2002) de Ferzan Ozpetek, Antonia répète à trois reprises à Michele, l’amant de son mari, une phrase à laquelle celui-ci ne sait pas quoi répondre tellement elle est juste : « Tu ne sais pas aimer ! » Dans le film « Benjamin » (2018) de Simon Amstell, Benjamin, le héros homosexuel, avoue « son incapacité à aimer ». On retrouve cette idée dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow (« Ça ne durera pas, votre histoire à Paul et à toi, parce que toi, tu ne sais pas aimer. » dit Marie à Sébastien), dans la chanson « La Vie continuera » d’Étienne Daho (« Aimer tu ne sais pas. »), dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (« Tu ne sais pas aimer ! » crie Prior à son amant Louis), dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie (« Vous avez une drôle de façon de vous aimez. » déclare l’Inspecteur à Franck), dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson (« On s’est mal aimés, toi et moi. » constatent Vincent et Stéphane), dans la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely (« Tu sais rien de l’amour, toi. » signale Franck à son mec), dans la chanson « Tu ne sais pas aimer » de Damia, dans le film « Un Mariage de rêve » (2009) de Stephan Elliot (« Tu ne sais pas aimer. » déclare Larita à John), dans la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo (« Tu ne m’as jamais aimé. T’es incapable de partager une vraie relation. » dit Arnaud à Mario), dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier (« C’est terrible de s’apercevoir qu’on aime si mal la personne qu’on aime. » déclare Georges, le héros homosexuel faisant son autocritique dans sa relation coûteuse avec William), dans le one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015) de Pierre Fatus (« Pour l’amour, je ne suis pas diplômé. On m’a pas appris à aimer. »), dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini (« T’as pas de cœur, Delphine. » déclare Carole à son amante), dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré (« Je sais pas être avec quelqu’un. Je ne sais qu’être seul. »dit Jacques à son amant Arthur), etc. Par exemple, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M déclare à Rana la femme mariée qu’elle n’a jamais aimé : « Ça fait quoi d’aimer quelqu’un ? » Question qui étonne Rana : « Tu n’as jamais été amoureuse. » Et dans la vie réelle, même chose. Il suffit de regarder la majorité des individus homosexuels (ou hétérosexuels) gérer leurs aventures sentimentales pour se rendre compte que, quoi qu’ils en disent, il n’y a pas de place pour un conjoint dans leur vie, et qu’ils ne se sont pas encore assez préparés à l’accueil de l’amour. Ils sont d’ailleurs les premiers étonnés de constater, une fois « casés », que non seulement rien n’a changé à leur insatisfaction d’être et d’aimer, mais qu’ils se sentaient mieux célibataires qu’aussi mal accompagnés. Quand nous voyons la plupart d’entre eux s’amouracher de n’importe qui à n’importe quel moment, pour finir déçus ou détruits les trois-quarts du temps, on a de quoi de penser qu’ils n’ont pas suffisamment compris comment il fallait s’y prendre en amour. Je suis certain qu’ils sauraient aimer de manière plus mûre dans d’autres circonstances et structures conjugales que les couples hétérosexuel et homosexuel : ils aiment mal (ou « moyen ») seulement quand ils s’obstinent à vouloir aimer à travers le modèle du couple fusionnel androgynique et en dehors de la différence des sexes.
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Code n°79 – Frère, fils, père, amant, maître, Dieu
Frère, fils, père, amant, maître, Dieu
NOTICE EXPLICATIVE
La relation « amoureuse » homosexuelle : pas ajustée
À première vue, le couple homosexuel ressemble à un grand feu d’artifice. On y découvre une infinité de désirs, y compris des désirs non-amoureux. Éros, Philia, et Agapê semblent s’être donnés rendez-vous pour fusionner ensemble, pour fêter la plénitude de l’androgyne. Le problème, c’est que dans cette énorme salade composée, on les a perdus en route ! On ne les retrouve plus que par bribes, car à la base, on n’a pas voulu les distinguer (le noeud du problème et là : on n’a pas cherché à les dissocier, à les définir, pour mieux les unir : tout s’est joué au niveau du refus du désir, de la liberté !). C’est pourquoi la relation homosexuelle est un « magma » informe qui n’a pas d’identité claire ni le goût extraordinaire qu’on attendrait de l’Amour vrai. Elle n’aide pas ceux qui la composent à se positionner pour vraiment se sentir à leur place, pour vraiment se sentir aimés. Comme elle a trait à un peu à tous les types de liens sociaux possibles (fraternité, amitié, spiritualité, paternité, camaraderie, etc.), la personne aimée dans le cadre conjugal homosexuel est amenée à porter les nombreux et inconfortables masques du frère, du fils, du père, du « bon copain », du maître, du Dieu, qui ne lui reviennent pas exactement, qui sont trop grands ou trop petits pour sa taille, et qui ne lui donnent pas une identité fixe assez solide pour un engagement durable et une confiance partagée à deux. Il est aisé de prétendre aimer sincèrement quelqu’un, sans prendre le temps de se pencher sur les raisons profondes de notre attachement à lui. L’amant peut servir de prétexte pour régler précipitamment toutes les blessures d’enfance que nous ne voulons pas affronter. Au départ, l’amour que nous lui portons prend l’apparence d’un enthousiasmant « best-of d’amour(s) »… avant de se transformer, au fil du temps, en épouvantable (ou ennuyeuse !) pieuvre à six têtes.
Comment peut-on qualifier le couple homo ? Quelle place y occupe le partenaire amoureux ? Est-il aimé pour qui il est vraiment, ou est-il juste un « bon copain », un compagnon de vie, un frère, un substitut paternel ou filial, quelqu’un qu’on « aime bien » mais qu’on n’aime pas pleinement, quelqu’un qu’on aime trop parce qu’on l’« adore » ? Toute personne homosexuelle en couple serait en droit de demander à son compagnon : « Tu me dis que tu es mon frère, mon fils, mon père, mon amant, mon maître, mon Dieu… mais qui suis-je vraiment dans l’histoire ? Suis-je unique ? M’aimes-tu vraiment ? Es-tu unique pour moi ? Qu’est-ce qui me rend plus spécial à tes yeux qu’un autre ? Qu’est-ce que nous attendons de nous ? Que faisons-nous ensemble, au juste ? Arrête de m’infantiliser ! Je ne suis pas ton père ! Qu’est-ce qui nous différencie de simples colocs’… à part le sexe ? »
N.B. : je vous renvoie également aux codes « Inceste », « Amant modèle photographique », « Poupées », « Inceste entre frères », « Infirmière », « Mère possessive », « Cannibalisme », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Pygmalion », et à la partie sur l’« amitié » dans le code « Solitude », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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1 – PETIT « CONDENSÉ »
En remettant en question la valeur de l’amour homosexuel tel que je le fais, je m’expose probablement aux foudres de certaines personnes homosexuelles qui prétendent – le plus sincèrement du monde ! – qu’elles aiment profondément leur partenaire ou qu’elles ont vraiment connu le « Grand Amour », souvent au prix de nombreux sacrifices qui suffisent à prouver la force surhumaine de leurs sentiments. Mais je continue de penser que la majorité d’entre elles confondent l’amour avec l’impression d’amour qui se dégage de différents types de liens (entre deux frères, deux amis, un élève et son maître, une personne malade et son visiteur, un acteur et son public, un père et son fils, etc.) qui peuvent assurément offrir des instants de complicité « forts » mais qui ne sont pas d’ordre purement aimant.
Étant donné que l’union conjugale homosexuelle n’est pas procréatrice mais réellement fantasmée (dans le sens de « réalité fantasmée » que j’emploie dans mon livre, à savoir une réalité forcée, où priment les fantasmes), l’identité des amants au sein du couple homosexuel devient fatalement floue. Quand certains sujets homosexuels essaient de parler de leur relation d’amour, nous ne savons jamais trop s’ils se réfèrent à une union paternelle, fraternelle, amoureuse, amicale, gémellaire, féodale, religieuse, ou autre. Ils définissent leur partenaire comme un père, un fils, un grand frère protecteur, un bon ami, un frère jumeau, un confident, un fidèle serviteur, un maître, un roi, un demi-dieu, mais ils ne sont convaincus par aucun de ces qualificatifs.
Dans un premier temps, comme le lien homosexuel touche un peu à tous les types de liens humains possibles, il ressemble à une étourdissante salade composée renfermant le meilleur. Nous pourrions dire que c’est un « best-of d’amour(s) » ! Mais à vouloir tout mettre dans cette salade, et surtout des éléments qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, elle finit par ne plus avoir de goût. Plus les jours et les mois se succèdent, et moins les partenaires homosexuels se surprennent… ou plutôt si : ils se découvrent, mais dans le mauvais sens. Tous deux portent tellement de masques à la fois qu’ils sont amenés à se demander qui ils sont véritablement pour l’autre et pour eux-mêmes. « Mon copain m’assure qu’il m’aime… mais m’aime-t-il vraiment d’amour, ou comme un simple ami, un substitut paternel, un tendre frère, ou un dieu tout-puissant, que je ne suis à l’évidence pas ? » À la longue, leur questionnement peut devenir très vite obsédant puisqu’il met en lumière une angoissante absence de projet de vie, et un refus mutuel de l’acceptation libérante de leur inaliénable unicité. « Je reste avec l’autre parce que je n’ai pas la force de le quitter et de m’aimer seul » pourraient s’avouer intérieurement à elles-mêmes beaucoup de personnes homosexuelles !
L’amalgame entre amour et amitié par exemple est beaucoup plus dramatique que ce que nos sociétés actuelles le pensent : l’un et l’autre se détruisent quand nous les faisons fusionner ensemble. Certaines personnes homosexuelles camouflent leur gêne de cette confusion dans le cynisme dédramatisant. « Je fais l’amour de temps en temps comme on va à la piscine, rongée de culpabilité à mon tour parce que je n’aime ma partenaire que d’amitié. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 174) Elles savent implicitement que le massacre de l’amitié par les gestes de l’amour équivaut souvent au massacre de l’amour aussi. Une fois qu’elles et leur compagnon sont unis par le sexe, elles se rendent compte qu’il est difficile de faire machine arrière et de s’avouer qu’ils se seraient davantage respectés s’ils étaient restés simplement amis, s’ils n’avaient pas grillé bêtement les étapes. La promesse des corps n’obéit pas à nos croyances en la banalité du passage de l’amour à l’amitié, ni les actes sexuels à nos intentions de les atténuer.
Beaucoup de personnes homosexuelles se retrouvent prises à leur propre jeu de la séduction. Ce n’est pas qu’elles n’aiment pas leur partenaire. Elles « l’apprécient beaucoup », « l’aiment bien », éprouvent une « profonde affection pour lui », le considèrent comme un petit frère qu’on cajole, comme un « bon copain », un parrain, un confident qui avec le temps finira par devenir par la force des choses indispensable. Elles l’aiment … oui, c’est certain… mais pas d’amour. Et c’est là tout le problème. Leur union sentimentale, ce n’est pas rien, et pourtant, ça ne suffit pas : elle ne les comble pas un minimum comme l’Amour vrai comble un maximum. Elles savent au fond qu’elles auraient très bien pu choisir avec leur partenaire « amoureux » l’option amicale qui les compromette moins et qui leur apporte tout autant (si ce n’est plus !), qu’elle aurait trouvé dans l’amitié les mêmes avantages que ceux qu’elles expérimentent dans l’amour homosexuel… excepté la jouissance génitale, les « je t’aime » à lire sur le portable, les croissants chauds servis au lit le dimanche matin, et le nounours à blottir contre soi la nuit, … bref, tout ce qui, sans l’amour véritable, ne fait partie que des « à-côtés » détestables de la passion amoureuse éphémère.
Dans la majorité des couples homosexuels qui nous entourent, on se demande quelle drôle de relation « amoureuse » il est en train de se vivre. Les amants homosexuels n’ont pas pour autant l’impression de s’enfoncer dans un mensonge flagrant puisqu’ils sont souvent tous les deux très sincères au départ et vivent quand même ensemble des moments authentiques ponctuels qui leur font oublier les désagréments persistants de l’amalgame des sentiments humains amoureux, amicaux ou filiaux, ces derniers étant en temps normal liés sans s’équivaloir. Mais au final, certains décrivent leur couple comme un « nous » dépassant et étouffant le duo. « ‘Nous’, c’est cette entité autosuffisante, cette famille pas si facile à définir. Maris, amants, amis, frangins, tout à la fois ? » (Élisabeth Lebovici, « Gilbert and George », dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 222) Les amants homosexuels forment une famille à deux en quelque sorte, mais cloisonnée sur elle-même. Pour cette raison, il n’est pas étonnant de voir arriver l’asphyxie chez bon nombre d’entre eux.
2 – GRAND DÉTAILLÉ
FICTION
Le personnage homosexuel ne sait pas qualifier la nature de sa relation amoureuse homosexuelle autrement que comme un fourre-tout sans beaucoup de goût :
a) Mon amant homosexuel est mon frère :
Beaucoup de personnages homosexuels considèrent leur amoureux comme leur frère (…et plus si affinités) : « Es-tu un frère ? Es-tu un rêve ? À des milliers d’âmes anonymes. » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer) ; « Vous êtes plus qu’un frère. » (Bernard s’adressant à son futur amant Didier, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Cyril et Sébastien Ceglia) ; « Je recherche mon frère, mon jumeau. » (Paul, le héros homosexuel du film « Seeing Heaven » (2011) de Ian Powell) ; « Si Hall meurt, je meurs. » (Arthur, le personnage homosexuel, parlant de son frère, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc. C’est le cas par exemple dans le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, dans la photo Comme des frères (1982) de Jean-Claude Lagrèze, etc. (J’évoque plus largement le cas des frères de sang qui couchent ensemble, à travers un autre code, celui de l’« inceste entre frères » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.) Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit et Esti veulent mélanger leur sang : « On pourrait devenir des sœurs de sang. […] Si on mélange notre sang, on sera sœurs pour toujours. » (pp. 214-215) Georges et Alexandre, les deux protagonistes homosexuels du film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, font de même. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, afin d’être au chevet de son copain Bryan à l’hôpital, Kévin se fait passer pour son frère. Un peu plus tard, quand Bryan sort de sa convalescence, l’effusion que son amant lui réserve au moment des retrouvailles n’étonne pas le lecteur : « Bryan, mon frère, j’ai envie de t’embrasser ! » (p. 233) Dans le film « Rose et noir » (2009) de Gérard Jugnot, quand on demande à Saint Loup et Casta quelle est la nature de leur relation, Casta répond par une entourloupe : « La vérité, c’est que nous sommes frères. » Mais la surenchère de Saint Loup (« On peut dire ça comme ça… ») laisse planer l’équivoque homosexuelle. En tombant sur certaines descriptions amoureuses de l’amant homo, on est surpris de voir qu’il est comparé maintes et maintes fois à un frère : « Rosário, je l’aime comme mon frère, comme mon petit ami. » (Tonia dans le film « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues) ; « Nous sommes comme des frères. » (Malik à son amant Bilal dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « Aujourd’hui, votre fils a plus besoin d’un frère. » (le héros homo évoquant son homosexualité à son père qu’il vouvoie et à qui il adresse une lettre à la troisième personne, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy)
Par exemple, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, Arielle, la « fille à pédé », confond le frère de son meilleur ami Antoine, Gérard, avec un de ses amants : « T’as un nouveau prétendant ? » « Non, c’est mon frère. » répond-il. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, drague 18 ans après avoir perdu son amant de jeunesse Nathan, le frère de ce dernier, Léonard. Une façon pour lui de conjurer le sort et de retrouver Nathan. Dans le film « Knock at the Cabin » (2023) de Night Shyamalan, pour voler Wen, leur future « enfant » obtenue par GPA dans une clinique asiatique, Eric fait passer son « mari » Andrew pour « son frère » et le faire rentrer dans la salle d’accouchement comme si lui était le vrai peur de la gamine.
b) Mon amant homosexuel est mon fils :
Dans certaines œuvres de fiction traitant d’homosexualité, l’amant est considéré comme un fils. Je vous renvoie au roman Todos Los Parques No Son Un Paraíso (1978) d’Antonio Roig (avec la relation ambiguë entre Roig et Ronald), au poème « La Portée de quelques notes » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, au film « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider (avec une relation infantilisante et très mal vécue par les deux amants), au film « Rue des Roses » (2012) de Patrick Fabre (Mehdi est en couple avec un homme plus jeune, Axel), à la chanson « Quatre Vies » d’Emmanuel Moire, à la pièce Un cœur de père (2013) de Christophe Botti, etc. Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, Joe accueille Roy comme un « fils prodigue ». Dans le film « Corps à Cœur » (1978) de Paul Vecchiali, Louis, un garagiste âgé, fait une déclaration d’amour inattendue à son employé Pierrot : « Je me disais que je t’aimais comme un fils. Je t’aimais. Mais pas comme un fils. Toi tu ne te rendais compte de rien. » Dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval, Fred traite son amant Max comme un môme, et lui chante la comptine de « La Petite automobile ». Dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, Petra et sa servante Marlène maintiennent une relation infantilisante : la première envoie la seconde faire des dessins. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien traite son amant Yoann comme un petit enfant qu’il amène au Parc Astérix. Et Yoann s’excite toujours autant d’y être emmené. Dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini, Marie, l’amante d’Hannah, traite pour rire sa partenaire de « petit bébé » parce que celle-ci (24 ans) est plus jeune qu’elle : « Je me sens comme une pédophile… » dit-elle après l’avoir embrassée. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Frédérique traite sa copine Heïdi de « bébé »… et la différence d’âges de 10 ans entre elles n’aide pas, il faut le reconnaître. Et quand leur ami homo Jean-Luc parle d’avoir un enfant, il s’annonce déjà comme une mère possessive : « Je me connais, je serai une vraie maman poule. » Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William sort avec un homme marié, Georges, qui a le double de son âge, et qui l’infantilise en l’appelant « Sugar ». Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Petra traite son amante Jane de « bébé ». Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien traite son amant Yoann comme un petit enfant qu’il amène au Parc Astérix. Et Yoann s’excite toujours autant d’y être emmené.
Le personnage homosexuel décrit son amant comme son propre « bébé d’amour » : « Mathilde s’extrait de mon ventre. » (la voix narrative parlant de son amoureuse, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 91) ; « Oh ! Pascal, Pascal !… J’ai pas de fils. Mais c’est un comme toi que j’aurais voulu. Un exactement comme toi. » (Pierre au jeune Pascal dans le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, p. 253) ; « J’veux baiser qu’avec toi, ça s’dit pas. Et un bébé comme toi, ça s’prête pas. » (cf. la chanson « Caribbean Sea » d’Étienne Daho) ; « Mais de toi je ferai ce que je voudrai. » (Bruno s’adressant à son « fils » et amant Jérémie, parodiant Niagara, dans le téléfilm « Sa raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand) ; « Je serai de loin ta mère, comme ta mère. » (Khalid s’adressant à son amant Omar, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 150) ; « Chéri ! C’est maman ! » (Benjamin parlant à son amant Pierre dès qu’il arrive dans leur appart, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Ça va, bébé, t’as passé une bonne journée ? » (Arnaud s’adressant à son amant Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Je suis sûr que t’étais l’enfant parfait. » (Bryan s’adressant amoureusement à son amant Tom, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; « Tiens compagnie à papa. » (un client s’adressant perversement à David, le jeune homosexuel de 14 ans, dans le cinéma porno, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; etc.
L’amant est aimé par le héros homosexuel comme ce dernier imagine qu’une mère aime son fils : « Et maintenant… on ouvre le petit paquet secret… celui que je tenais caché… avec quelque chose de très bon… pour accompagner le thé… du cake ! » (Molina à son amant Valentín, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 185) ; « On n’aime plus sa maman ? » (Franck à son « fils/meilleur pote » Matthieu, en lui fonçant dessus pour rire, dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel) ; « J’éprouve même ce que j’imagine être le sentiment d’une mère pour son enfant… Moi qui n’en aurai jamais. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 14) ; « Lui [Édouard, le copain de Georges], il cherche une mère… Ça tombe bien. » (Arnold parlant de Georges, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; etc. Le personnage homosexuel englue son amant d’une sollicitude très maternelle : « Je le forçais à sortir avec un sparadrap sur le nombril que je vérifiais quand il rentrait et je ne le laissais jamais sortir seul le soir. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 41) ; « J’aime Perón comme s’il était mon fils. » (la mère d’Evita dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Mourad venait d’entrer dans la cuisine. Il souriait de joie en entendant son petit Jason si plein d’énergie pris d’un nouvel accès d’autoritarisme. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 333) ; « J’aime les hommes qui aiment leur mère. » (Léopold s’adressant à son amant Franz, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Je me suis toujours demandé pourquoi elle m’aimait. J’ai vaguement pensé que j’étais un substitut maternel, comme on dit. Cette idée ne me plaît guère, mais il n’est pas mauvais de la regarder en face. » (Suzanne en parlant de sa compagne Héloïse, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 78) ; « Lola, viens ici. Je ne t’autorise pas à faire ce genre de caprice. » (Vera l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Lola, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Ça va ! Je suis pas ta mère ! » (Lola s’adressant à son amante Nina, idem) ; « Tu ne sais jamais rien. J’en ai assez de te materner, Nina. » (idem) ; etc. Par exemple, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine, l’héroïne lesbienne explique à son amante Carole que c’est en jouant au papa et à la maman sur la cour d’école qu’elle a vécu sa première expérience lesbienne : « On jouait au papa et à la maman. Comme y’avait pas assez de papas, j’ai fait le papa. » Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en psychothérapie Benjamin/Arnaud et essaie de les aider à s’assumer en tant que couple homo. Il s’y prend de manière progressive, par des petits exercices pratiques. Et notamment, il tente de leur faire la main de l’autre : « Finalement, c’est pas très dur. C’est comme prendre un enfant par la main. »
Souvent, l’attrait du personnage homosexuel pour les amants qui ont l’âge d’être son fils, mais qui ne se laissent pas manipuler comme des bébés, font place chez lui à l’amertume et au mépris jeuniste : « Je ne suis pas ton ‘petit Jan’. » (Jan résistant à la drague de son ami Matthieu, dans le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser) ; « Je m’étais fait l’illusion de retrouver en vous ma propre jeunesse, mais rien en vous ne me séduit. Il y a trente ans je vous aurais peut-être trouvé désirable, et encore je ne suis pas sûr de cela, et puis vous n’étiez qu’un nouveau-né. » (Cyrille au Journaliste dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) Par exemple, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., le couple Matthieu (28 ans) et Jonathan (23 ans) parlent, en plaisantant, de leur soi-disant « grande différence d’âges ». Et plus tard, ils s’infantilisent l’un l’autre sans s’en rendre compte : « Il est trop mignon quand il fait des dodos. » (Jonathan) Dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, la relation amoureuse entre le très vieux et autoritaire Raúl et le très jeune Roberto commence à révolter mollement le second : « Je ne suis pas ton fils. »
c) Mon amant homosexuel est un simple ami :
Je reprends de manière beaucoup plus complète la confusion entre amitié et amour homosexuel dans mon code « solitude » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
Cela dit, on peut quand même faire mention de quelques œuvres de fiction traitant du mélange entre amitié et amour homosexuel : cf. le film « Les Amis » (1970) de Gérard Blain, le film « I Am Not What You Want » (2001) de Kit Hung, le film « Mon Ami, mes amants » (2002) de Jean-Daniel Cadinot, la chanson « Amis, amants » du groupe What For, etc. Par exemple, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik décrit son amant Paul comme son « meilleur ami ».
Entre les personnages de fiction homosexuels, il est parfois question de sex friends, de « potes de baise » : « Elle était avec ses copines… enfin, ses exs… enfin, ses potes… enfin, ces autres gouines branchées. » (Océane Rose Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Entre amants, entre amours, entre amis. » (cf. une réplique de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je ne peux plus continuer avec Jo. Il ne se passe plus rien. On est passés d’une relation fusionnelle à une relation fraternelle. » (Matthieu parlant de la relation d’un an qu’il vit avec Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; etc. On ne sait pas trop si les héros entre eux sont amis ou amants… ou les deux. Par exemple, dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Henri présente son « mari » Dominique comme son frère… alors que c’est juste son meilleur ami.
d) Mon amant homosexuel est mon père :
L’amant homosexuel recherche un amant protecteur et paternel : cf. la chanson « Aime-moi comme ton enfant » de Catherine Lara, le roman Julia (1970) d’Ana María Moix, le film « L’Isola Di Arturo » (« L’Île des amours interdites », 1961) de Damiano Damiani, le film « Charlotte dite ‘Charlie’ » (2003) de Caroline Huppert (où Charlie est troublée en massant la mère de sa copine Babou), etc. Je vous renvoie au code de l’« inceste » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels. Par exemple, dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Tareq, le héros homosexuel, raconte que sa première fois homosexuelle, à l’âge de 17 ans, il l’a vécue avec un homme plus âgé que lui : « Je cherchais sûrement une figure paternelle. »
Dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, Sébastien appelle son amant Paul « mon papounet ». Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, Alex et Mitchell simulent une relation neveu/oncle. Dans le roman Deux femmes (1975) de Harry Muslisch, Laura soupçonne son amante Sylvia de ne pas avouer son homosexualité à sa maman parce qu’elle a aussi l’âge d’être sa mère : « Inconsciemment, tu lui tiens peut-être rancune d’être tombée amoureuse d’une femme qui lui ressemble. » (p. 60) Sylvia réagit ironiquement : « Ah bon, tu es ma mère, alors ? » Ce à quoi Laura lui rétorque dans une attitude de provocation vexée : « À cela près que je ne m’occupe pas de ton père. En tout cas je suis aussi une femme, et toi tu es une petite garce. » Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, une patiente lesbienne reçoit un beau diamant de la part de Lili, sa compagne lesbienne de 73 ans, à l’occasion de « leur » un an de vie ensemble : « C’est pour ça que Lili, c’est mon deuxième papa. » Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Russell appelle sincèrement son amant Glenn (du même âge) « Dad » ; et quand il lui annonce qu’il est orphelin, il lui propose à son tour de lui servir de substitut paternel : « Et si je faisais semblant d’être ton père… » Dans la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust, le narrateur adulte joue au petit enfant dont la vie s’est arrêtée à la mort de son parrain. Dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, le producteur homosexuel, drague ouvertement Samuel (joué par Omar Sy) et se faisant passer pour un enfant à protéger : « Tu m’adoptes ? »
Le personnage homosexuel s’adresse à son amant comme s’il était son père, ou bien est considéré par les gens de l’extérieur comme le fils de son petit ami : « N’oublie pas de me ré-enfanter. » (Daniel s’adressant à son amant Luther dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Désolé papa. » (Jack, 22 ans, à son amant Paul, du même âge, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt) ; « Je ne sais pas si Harvey a deviné qu’on formait un couple : il se peut qu’il se soit trompé et nous ait pris pour père et fils. » (Michael en parlant de son couple avec Ben, dans le romanMichael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 80) ; « Et c’était cela la seule différence. C’était qu’une autre silhouette, un autre visage, se détachaient de l’arrière-plan pour se préciser aux côtés de son père… Pierre Gravepierre ! » (Pascal à propos de son amant Pierre, dans le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, p. 131) ; « Physiquement, j’aime mieux qu’ils soient plus mûrs, je recherche plutôt un papa. » (Bjorn dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, pp. 159-160) ; « Douze ans de plus que moi… Il pourrait être mon père. » (Damien par rapport à son amant Norman, dans la pièce Les Deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi) ; « Je suis dans ton ventre, je suis un fœtus, je m’oublie. » (Alice à son amante Elsa dans le film « Alice » (2004) de Sylvie Ballyot) ; « Salut Christine. Tiens, t’es venue avec ta mère ? » (Nathalie Lovighi sortant une blague acerbe à une amie lesbienne lors d’une soirée, dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3e Festigay de Paris en 2009) ; « Mon père… J’ai épousé mon père. Putain d’Œdipe… » (Marilyn, la videuse lesbienne de la boîte Le Gouine, parlant de sa compagne, dans le one-woman-show Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges) ; « Fermant les yeux, elle essaya de reconstituer le visage paternel, son beau visage qui parfois semblait inquiet ; mais l’image fut lente à se former et s’effaça aussitôt, car les morts doivent souvent faire place aux vivants. Ce fut l’image d’Angela Crossby qui subsistait tandis que Stephen était assise ans le vieux fauteuil de son père. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 186) ; « La voisine prit le nouveau-né dans ses bras, ouvrit son corsage, mettant à nu un sein bien rond d’où, tout gonflé comme il était, le lait sortait déjà. Elle le guida vers la petite bouche qui instantanément se mit à téter. Je m’imaginais tétant ce joli sein, et me renouvelai la promesse que je m’étais faite : posséder un corps féminin et en avoir tous les plaisirs possibles. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 27) ; etc.
L’amant est aimé par le héros homosexuel comme ce dernier imagine qu’un fils aime sa mère : « Tu crois qu’il est comme ma belle-mère ? » (Zize, travesti M to F, parlant de son mari à sa mère, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « C’est drôle, ça ne fait pas un mois qu’on se connaît et je te dis des choses que je n’ai jamais dites à personne, à part à ma mère ! » (Kévin à Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 100) ; « Aujourd’hui, après, quelques jours d’interruption ayant expédié au mieux mes obligations, j’ai enfin eu le temps de me faire cajoler par la bonne. J’ai acheté toutes sortes de produits sans regarder à la dépense, notamment une poudre parfumée que l’on indique en cas d’irritation de la peau chez les bébés. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 98) ; « Je t’aime. Je t’aime autant que ma mère ; peut-être même plus… Je t’aime. » (Tanguy à Gunther, dans le roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, p. 89) ; « Valentín… je crois que depuis mon enfance, je ne me suis jamais senti aussi content. Depuis le temps où maman m’achetait un jouet, ou quelque chose comme ça. » (Molina après sa nuit d’amour avec Valentín, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 210) ; « Il [Adrien] avait aussi un immense besoin d’être aimé. Il y avait en lui un enfant qui cherchait à être protégé, consolé, un enfant qui requérait un amour total. […] Il était bien conscient que cet amour-là ressemblait à l’amour perdu de la mère. » (Adrien parlant de son jeune amant Malcolm, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 40). Dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, Bonnard propose à son copain Dzav d’être sa mère.
Ce rapport incestueux avec l’amant apparaît au final comme une illusion : « Le téléphone sonne. Son cœur s’illumine à l’idée que Ginette ait finalement pensé à elle. Mais ce n’est que sa mère. » (Lucie dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 31) ; « T’es pas ma mère : t’es ma copine. » (Rosário à son amant trans Tonia dans le film « Morrer Como Um Homen », « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues) ; « L’homosexualité est une infantilisation. » (le père de Claire s’adressant à sa fille et à la compagne de celle-ci, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; etc. Le personnage homosexuel finit parfois par punir les amants mûrs qu’il s’est choisi comme pères de substitution, en affublant de qualificatifs âgistes ces prétendus « vicieux qui veulent jouer le rôle de sa mère » (la voix narrative dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 161). Forcément : n’étant pas son père réel, ils finissent fatalement dans son esprit par être des imposteurs !
e) Mon amant homosexuel est mon maître et mon Dieu :
Dans certains créations artistiques, le personnage homosexuel déifie son amoureux : cf. le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler (où un fan se laisse soumettre par sa rock star), le film « In The House Of Brede » (1975) de George Schaefer, le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, le film « Je t’aime, je t’adore » (2002) de Manuel Blanc, la chanson « Monsieur Amour » de Colette Mars, la chanson « Mon Secret » de Suzy Solidor, la chanson « Amen-moi » de Bilal Hassani ; etc. « Gérard et moi, c’était une allégeance absolue. » (Guillaume dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset) ; « Excuse-moi. J’avais oublié que t’es un dieu. » (Bart s’adressant amoureusement à Hugo, dans l’épisode 268 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 13 août 2018) ; « Je t’aime comme un fou, comme un soldat, comme une star de cinéma. » (Philippe s’adressant à Gabriel – et parodiant Lara Fabian – dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; « À cet instant je me sentis comme sainte Véronique, tant mon émotion était grande. » (Alexandra, la narratrice lesbienne, en train d’essuyer les sécrétions vaginales de sa jeune voisine, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 53) ; « Je voudrais le suivre où il ira. Il est ma vie. Je suis son Roi. Pour tout vous dire, je l’ai juste rêvé. » (cf. la chanson « Je l’ai pas choisi » d’Halim Corto) ; etc. L’amant est considéré comme un ange ou un demi-dieu : « Tu es un ange merveilleux. » (Pietrino à son amant Fefe dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto) ; « C’était bien le jour de Khalid. » (Omar, qui voit son amant comme un roi, comme le substitut d’Hassan II, dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 90) Dans le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, David, l’amant homosexuel, est comparé à Dieu : « J’ai passé des semaines dans les bras du Bon Dieu. » (p. 12) Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Santiago compare la toile qu’il a peinte de son amant Miguel au « Corps du Christ ». Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, appelle sa nurse Collins « sa déesse » (p. 29). Dans l’épisode 365 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 27 décembre 2018, André, le héros homosexuel, dit qu’il est sorti avec un bel Allemand, Otto, « beau comme un dieu grec ».
L’amour entre amants homos prend la forme de la relation entre un fidèle et son dieu : « Qu’en est-il de l’existence de Dieu ? Et de Mathilde ? » (la voix narrative dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 103) ; « J’ai subitement envie de la vouvoyer. J’ignore d’où me vient cette aspiration à la distance. […] Je vous en prie, madame. » (idem, p. 90) ; « Tu es celui que j’aime… comme Dieu. » (Pierre à son amant Julien, dans la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) ; « Elle est dure avec moi, je vous jure. Je lui lave les pieds comme si elle était Jésus et elle m’engueule, elle me parle mal. » (Polly parlant de son amante Claude, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 115) ; « Je t’idéalisais, je te consommais puis je t’ignorerai. » (c.f. la chanson « Comme ça » d’Eddy de Pretto) ; etc. Par exemple, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Arthur appelle son amant Jacques « mon ange ».
À ce propos, on observe très souvent dans les fictions homosexuelles que le verbe « aimer » est remplacé par celui d’« adorer » (qui signifie « vouloir être semblable à ») : « Comme les dieux qu’on adore adorer, j’adorais adorer. » (cf. la chanson « L’adorer » d’Étienne Daho) ; « Je t’embrasse et t’adore. » (Chris à Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 121) ; « Je veux que le monde entier sache combien je vous adore. » (Stephen à Angela dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 196) ; « Je vous adore, vous et vos naïfs stratagèmes… » (Émilie parlant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 58) ; « J’t’adore. » (Erika s’adressant à son amante Jézabel, dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco) ; « Je reconnais t’avoir adoré passionnément. » (Basile s’adressant à son amant Dorian dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « J’l’adore, c’est vrai. » (Yoann, le héros homosexuel, parlant de son amant bisexuel Julien, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Il l’aime et il l’adore. » (cf. la chanson « Insondables » de Mylène Farmer) ; « Je l’adore. Et tu l’adoreras aussi. » (Vita Sackville-West, lesbienne, s’adressant à sir Harold Nicolson à propos de Virginia Woolf, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc.
Cette adoration possessive n’est pas toujours comprise du héros homosexuel, qui voit dans l’attachement amoureux excessif de son partenaire une attitude déplacée et immature. Dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, par exemple, Cachafaz n’apprécie pas de « se faire idolâtrer par un pédé ». Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Dan veut que son amant Gerry, avec qui il vit depuis une vingtaine d’années, « comprenne une fois pour toute qu’il n’est pas Superman » (p. 237).
f) Mon amant homosexuel est un peu tout et rien à la fois :
Le personnage homosexuel adopte une vision extra-large de son amoureux : il serait à la fois son frère, son ami, son « pote », son père, son voisin, son parrain, son cousin, son double, son confident, son roi, son Dieu. Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, par exemple, Félix rencontre tout au long de son voyage des inconnus qui deviennent tour à tour les membres/les amants de sa symbolique famille parallèle élargie. Dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre, Rubén, un client de 40 ans appelle Eloy son jeune prostitué (au look christique) « mon amour, mon petit » ; ils découvrent qu’ils ont le même nom de famille ; et un peu plus tard Eloy révèle à son client qu’il vient d’une famille de 8 enfants, et qu’il a toujours aimé les douches serrés comme des sardines avec ses frangins en caleçon… et que ça aurait inconsciemment stimulé son homosexualité !
Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, entretient une relation de séduction avec son grand-frère Ody, son parrain homo Tassos, ses amis de passage (qui parfois l’entretiennent financièrement et sont en général plus âgés que lui), son pote Stefanos (compagnon fashion victim rencontré aux toilettes), son père biologique Lefteris disparu puis retrouvé sous la forme d’un homme politique d’extrême-droite qui doit selon lui correspondre aux critères pileux de ses fantasmes de magazines. Ody laisse entendre à la fin que leur père biologique à lui et à Dany n’est peut-être même pas Lefteris. Dans le film « Vacationland » (2006) de Todd Verows, le héros homo embrasse son amant qui finit par changer de visage et prendre la forme d’un businessman puis d’un grand-père. Dans le film « Ma vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh dresse le portrait de Liberace, un pianiste virtuose absolument tyrannique autant que doucereux avec ses amants qu’il infantilise et exploite en les traitant tôt comme des dieux (il dira « Mon Sauveur !!! » ou bien « Je suis un peu toute ta famille. » à son amant Scott) tantôt comme des diables qui lui ont pourri la vie.
La relation entre amants est en général ludiquement/amoureusement indéfinie : « J’ai une infinie tendresse pour toi. Qui durera toute la vie. » (Emma s’adressant à Adèle, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche) ; « Jonatán, mon père et mon roi, mon frère et mon amant. » (cf. la nouvelle « Jonatán » (2000) de Blas Matamoro) ; « Mon amour pour vous n’est pas celui qu’on porte à une amie, à une mère. Sinon, aurais-je un tel désir de vous bercer dans mes bras ? » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 176) ; « Il est le maître, le frère, mon jumeau. » (Julien Brévaille à propos de son amant Loche, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 65) ; « Mary n’aurait aucune place dans son cœur, dans sa vie, pour un enfant, si elle venait à Stephen. Elles seraient tout l’une pour l’autre si elles demeuraient dans cette parenté sans limites : père, mère, ami, amant, tout… étonnante plénitude ! Et Mary, l’enfant, l’amie, la bien-aimée. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 393) ; « Tandis qu’elle tenait la jeune fille dans ses bras, Stephen sentait qu’en vérité elle était toutes choses pour Mary : père, mère, amie et amant, et Mary toutes choses pour elle : l’enfant, l’amie, la bien-aimée. » (idem, p. 412) ; « Il s’appelle Robert Edwards. Il a vingt-trois ans. Il a soixante-dix-neuf ans. […] Il est ton père, ton frère, ton ami : tu le connais depuis toujours. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 232) ; « Croyez-en le vieux bonhomme désabusé que je suis devenu, et qui vous aime comme un père, un frère, un ami. » (la figure de Proust à son amant Vincent dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 183) ; « Sachez que je vous aime tout entière. […] Je vous aime femme, mère, amie, amante. » (Émilie à Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 107) ; « Ma Dame, aujourd’hui, je suis votre enfant. Consolez-moi. Aujourd’hui, je suis votre amie. Écoutez-moi. Aujourd’hui, je suis votre sœur. Gardez-moi. Aujourd’hui, je suis votre amante. Aimez-moi. Aujourd’hui, je suis à vos pieds. Sauvez-moi. » (idem, p. 156) ; « Le papa, c’est toujours Dieu. » (Thierry le héros homo, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8 « Une Famille pour Noël ») ; « À toi mon frère que j’ai aimé comme un père. » (Didier Bénureau dans son concert Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Je peux pas encore aller la voir à l’hôpital, parce que je suis pas de sa famille. (En pleurant) Tu te rends compte, je ne peux pas aller voir ma femme à l’hôpital parce que je ne suis pas de sa famille, mais je suis TOUTE sa famille à moi toute seule ! Putain, je-suis-pas-sa-fa-mille ! Ils se foutent de ma gueule, moi je veux la voir, j’en ai rien à foutre que je sois pas mariée, j’ai bien le droit de voir ma femme, je dors avec elle toutes les nuits. » (Polly parlant de son amante Claude, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 115) ; « Dany, quand tu dis que tu m’aimes, tu m’aimes un peu comme un pote, c’est ça ? Alors comme un frangin ? Comme un cousin, donc ? Comme deux mecs en prison ? » (Billy Stevens, le personnage homo du faux film « Servir et protéger » s’adressant à son futur amant Dany en pleine guerre du Vietnam, en faisant mine de ne pas comprendre les sentiments que son camarade de tranchée qu’il porte sur le dos lui exprime, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Je suis voleur. Vous êtes Roi. Autrement dit, nous sommes deux frères. » (cf. le poème ironique que Lacenaire adresse au Roi, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin) ; « On dirait ma sœur. » (Benjamin parlant de son amant Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc. Dans le roman L’Agneau carnivore (1945) de Agustín Gómez-Arcos, le protagoniste définit son amoureux comme « son frère amour, son seul dieu ». Dans l’épisode 86 « Le Mystère des pierres qui chantent » de la série Joséphine Ange-gardien, diffusée sur la chaîne TF1 le 23 octobre 2017, Louison est grillée pour son homosexualité par des photos prises sur téléphone portable à une soirée, où elle enlace – à la base amicalement – sa meilleure amie Clara. C’est la confusion des sentiments : « Clara, c’était ma meilleure amie. C’était comme une sœur. » Louison finit par faire un vrai coming out.
Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Anamika, l’héroïne lesbienne de 20 ans, se pose la question de rajouter à la liaison qu’elle a déjà avec Linde une mère de famille, et celle qu’elle maintient par ailleurs avec Rani sa domestique, une troisième relation amoureuse avec Sheela, une de ses camarades de classe : « J’avais l’esprit ailleurs, occupé à peser le pour et le contre afin de savoir si je devais avoir une relation amoureuse de plus, avec quelqu’un de mon âge, une jeune fille sans mari ni fils. Une jeune fille qui n’était ni ma domestique ni mon aînée. Une personne qui était plus ou moins mon égale. » (p. 64) Finalement, son cœur recherche non seulement des relations lesbiennes avec des personnes de chair et de sang, mais plus fondamentalement une union lesbienne divine : « L’exposé fut donné par une fille de terminale, qui parla de l’image de la déesse-mère dans la civilisation Harappan. Je songeai à Linde à chaque fois qu’elle disait ‘déesse-mère’. » (idem, p. 232)
Dans l’épisode 432 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 1er avril 2019, Barthélémy Vallorta dit à son amant Hugo Quéméré qu’il est pour lui à la fois « son chevalier servant, son ami, son amant».
Dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), le libraire Pawel Tarnowski, homosexuel continent, repousse son élan physique et sentimental envers le jeune David : « Pawel cherche la source de cette douleur. Essaie de la comprendre. L’homme que je cherche est en moi. Quel est cet homme ? Est-ce l’icône de mon père perdu ? Est-ce donc cela la source de la blessure primitive : la sensation laissée par l’absence du père.[…]Il jeta un coup d’œil au sol. Le garçon y dormait immobile. Pendant un long moment, Pawel le tint dans son esprit comme un père tient un enfant de deux ans sur ses genoux. Puis, il se tourna et s’endormit. » (pp. 362-363) Le dialogue final (p. 476) entre David et lui montre bien le lien trop riche et trop diversifié qui les unit. David essaie de définir le regard que Pawel pose sur lui : « C’était le regard que posait parfois mon père sur moi. Est-ce que je suis comme un fils pour vous, Pawel ? » Pawel lui répond : « Oui, un peu comme un fils. » David rajoute : « Et un ami ? » Pawel de lui répondre : « Oui, ça aussi. » David prolonge, en prêchant le faux pour savoir le vrai : « Mais un jeune ami qui dit des choses puériles. » Pawel tente de s’en sortir sans rien révéler de ses sentiments amoureux mal ajustés : « C’est le cas parfois. Mais je vois l’homme que tu es en train de devenir. Un homme bon qui marchera avec moi le long de la Vistule lorsque cette guerre sera finie, qui me racontera des choses sages et corrigera ma pauvre philosophie. » Père, fils, ami, maître. On a la totale !
Mais au bout d’un moment, fatigué de cette dispersion ou de son amant multi-visages, le personnage homosexuel se demande à quoi il joue, qui il aime, et quelle est sa véritable place dans sa relation amoureuse avec l’amant trouble : « Is it my brother ? Is it a friend of mine ? » (cf. la chanson « Who Is It ? » de Michael Jackson) ; « Que sommes-nous ? Un couple ? » (Julien à son amant, dans la pièce Une Rupture d’aujourd’hui (2007) de Jacques-Yves Henry) ; « J’ai voulu que tu sois toutes les femmes à la fois : amie, amante, sœur, mère, j’ai voulu m’abandonner dans une seule femme. […] Je t’aime je t’admire je t’adore, je te tue. » (Alice à Elsa dans le film « Alice » (2004) de Sylvie Ballyot) ; « Et toi, qui es-tu ? Si je suis de la famille, qui es-tu ? Mon frère ou ma sœur ? » (Kévin à son amant Bryan dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 159) ; « Quand on nous voit ainsi tous les deux, je me demande souvent ce que les gens pense de nous : voilà deux frères, deux amis ou deux amants ? » (Bryan à Kévin, idem, p. 423) ; « Dans les escaliers, je demande ‘Mais nous deux, on est quoi ? Des amants ? Un couple ?’ Il me regarde en levant les yeux au ciel. » (Mike à son amant Léo dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 100) ; « Je veux un tatouage, symbole de l’Amour. C’est juste un tatouage. Même si tu choisis le même que ton père, ça ne fera pas revenir ton frère. » (Jade, l’héroïne lesbienne du film « Spider Lilies » (2007) de Zero Chou) ; etc.
On comprend que le héros, en cherchant à donner différents masques inappropriés à son amant, pèche par narcissisme : « Je pensais que… Je t’ai aimé comme un frère, comme un fils, parce que je croyais que tu étais comme moi. » (Valcárcel à Herrera, dans le film « ¡ Harka ! » (1941) de Carlos Arévalo) ; « J’vois bien que je te demande quelque chose que tu peux pas me donner. » (Christophe à son amant Boris, dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Je l’aime pour ce qu’il ne sera jamais. » (Julien Brévaille à propos de son amant Loche, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 157) ; « Il y a une phrase dans son album : ‘L’homme doit être mari, père, soldat.’ Moi, je ne suis ni mari, ni père, ni soldat. » (Gabriele, le héros homo, s’adressant à son amie Antonietta, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; etc.
C’est alors que le vertige arrive : « Khalid, ami, frère, double de moi, traître, traître qui faisait le fier seul… » (Omar dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 91) Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc se fait plaquer par son amant Mathieu, beaucoup plus jeune que lui, après plusieurs années de vie commune. « Mais pourquoi me sentais-je encore responsable de ce trop bel acteur qui avait pris trop de place dans ma vie pendant sept ans et de qui j’avais été séparé depuis près de quinze ans ? Encore le rôle du père, du mentor, du Pygmalion que j’avais joué auprès de lui pendant si longtemps ? » (p. 43) ; « J’avais quand même vécu tout ce temps avec un gars de quinze ans mon cadet ! Au commencement, ce n’était pas très grave, j’en avais 39, lui 24, mais j’avais prédit dans un moment de découragement […] qu’un jour je serais un monsieur de 50 ans et lui un toujours jeune homme de 35… et c’est exactement ce qui s’était produit. » (idem, p. 228)
Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, occupe toutes les identités qu’il veut vis à vis des hommes qu’il essaie de séduire. Par exemple, Dick, l’homme dont il est amoureux, lui demande une imitation : « Fais-moi une imitation. » Et Tom imite la voix du père de Dick, et la ressemblance est tellement frappante que Dick dit « C’est éblouissant. » et se tourne vers sa compagne en désignant humoristiquement Tom comme son père : « Marge, je te présente mon père. » Plus tard, Tom, en s’écrivant à lui-même et en faisant parler Dick (qu’il a assassiné), qualifie leur relation ambiguë de toutes les catégories : « Je t’écris à toi, le frère que je n’ai jamais eu. Mon seul véritable ami. Tu es un peu mon fils. » ; « Tu es le frère que je voulais avoir. » Tom finira par assassiner son dieu humain qu’il idolâtre. Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin (mis en scène par Élise Vigier en 2018), Jimmy a vécu en couple avec Arthur pendant 14 années, et pleure son absence : « Il me manque mon ami. Il me manque mon amoureux. Il me manque mon frère. » Quant aux sentiments de Hall, le frère d’Arthur, à l’égard d’Arthur, ils oscillent entre adoration, amour conjugal, narcissisme et idolâtrie aussi : « L’adoration est-elle un blasphème ou la promesse de la Gloire éternelle ?[…] Arthur est mon âme. La prunelle de mes yeux. » Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, ne sait pas quelle place il occupe dans le cœur de son « amant » Nicholas : souvenir d’enfance ? plan cul ? petit copain ? troisième roue du carrosse ? Grand Seigneur ? (« T’habites un château de contes de fées. » lui fait la remarque Nicholas) Impossible de répondre. Face à son amie Tereza, Phil ne sait même pas lui dire « s’il a un copain » ou pas : « Je ne sais rien de lui. J’ai l’impression de ne pas le connaître. » Et effectivement, le « couple » finira par imploser.
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
La majorité des personnes homosexuelles ne savent pas qualifier la nature de leur relation amoureuse homosexuelle autrement que comme un fourre-tout sans beaucoup de goût :
a) Mon amant homosexuel est mon frère :
Je vous renvoie à l’essai Comme un frère, comme un amant (1993) de Georges-Michel Sarotte. Parfois, la relation qui se vit entre deux personnes homos d’un même couple est plus fraternelle qu’aimante : « Dans leurs lettres, Annemarie Schwarzenbach et Carson McCullers disent s’aimer ‘comme des frères’. » (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 98) ; « L’aspect physique excepté, nous ressemblions à des frères, des jumeaux inséparables. Entre nous, il s’agissait d’une histoire de famille, pas du compagnonnage des petites amours. Moins épuisé, je ne doute pas que Claude aurait répondu à l’infirmière curieuse : ‘Ce monsieur qui vient me voir tous les jours, c’est moi.’ » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 20)
« Roissy, terminal 2. Une agent de sécurité vérifie nos passeports. […] Elle remarque que nous avons le même nom. Beaugrand-Gérin. ‘- Vous êtes frères ? Vous vous ressemblez !’ Je lance un regard amusé à Ghislain. ‘- Non. Nous sommes mariés !’ Le visage de la femme-colosse s’empourpre d’un sourire gêné. ‘- Oh. Pardon…’. » (c.f. l’autobiographie Fils à papa(s) (2021) de Christophe Beaugrand, où ce dernier raconte qu’il va cherche avec son « mari » leur enfant acheté par GPA aux États-Unis, Éd. Broché, Paris, p. 10).
b) Mon amant homosexuel est mon fils :
Quelquefois, l’amant homosexuel est considéré, par celui qui prétend l’aimer, comme le fils que leur couple n’accueillera pas. S’instaure alors dans le binôme homosexuel un processus d’infantilisation incestueuse (qui n’a pas forcément à voir avec la différence d’âges entre les partenaires, d’ailleurs : deux personnes du même âge peuvent tout à fait s’infantiliser l’une l’autre sans qu’intervienne le fossé des générations). « Je me sentais bien. L’étonnement, l’espoir, m’occupaient tour à tour pendant nos rencontres. Son âge ne devint plus alors le handicap qui parfois, me frustrait en sa compagnie. […] tel le culte paternel. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 124-125) Par exemple, Peter Pears dit de son compagnon Benjamin Britten qu’il « lui était dévoué comme un petit enfant passionné et proche » (cf. « Apuntes biográficos » de Benjamin Britten, sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003). Dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne, Xavier sort avec Guillaume « qui pourrait être son fils ».
En ce qui concerne le phénomène d’imitation du lien parent/enfant, Sigmund Freud décrit les sujets homosexuels comme des êtres qui ont tendance à se lancer à la poursuite d’objets de désir qui leur ressemblent afin de pouvoir « les aimer comme leur mère les a aimés ». Et on observe en effet que la relation mère/fils (ou plutôt l’image que certaines homosexuelles s’en font : à la fois une idéalisation excessive, et un modèle impérieux/oppressant) est très souvent transposée dans la relation amoureuse homosexuelle. L’amant est aimé par la personne homosexuelle comme cette dernière imagine qu’une mère chérit son fils : « Je suis arrivé à t’aimer si fort (plus que tout au monde) que je me suis donné l’ordre de ne t’aimer que comme un papa. » (cf. une lettre de Jean Cocteau à Jean Marais, citée dans l’article « Jean Marais » d’Arnaud Lerch, le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 312) ; « Ce que je cherche, c’est le droit d’aimer, non pas pour la seule jouissance physique, mais pour le droit de tenir quelqu’un dans me bras. […] Je réclame cela parce que je n’ai pas de fils. » (Havelock Ellis, L’Inversion sexuelle (1909), cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 367) ; « Il va dans le noir de son passé égyptien et, comme ma mère, j’ai envie de prier pour lui, de le soutenir, de loin, de près. » (Abdellah Taïa parlant de son amant Karim, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 65)
Par exemple, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013, quand le romancier Jacques Vialatte a vécu sa première grande histoire avec un homme et qu’il signale qu’elle a duré 9 mois, la présentatrice Sophie Davant sort une boutade qui fait rire tout le monde, mais qui reste un beau lapsus : « Le temps d’une grossesse, quoi… » (… même si, dans son esprit, elle parlait certainement de la nouvelle naissance que constituerait le coming out ou la rencontre de « l’amour » homosexuel). Dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre, Patrick raconte comment un jour, pour mentir à un de ses collègues sur son homosexualité, il s’est senti obligé de faire passer son « conjoint » pour son fils afin de justifier son absence et de se rendre à l’hôpital assister son amant. Il s’en veut encore de sa lâcheté homophobe.
Dans les relations amoureuses que Magnus Hirschfeld, homosexuel notoire, a entretenues en Allemagne dans les années 1920-30, on observe presque toujours un décalage générationnel et paternaliste : « Le secrétaire de l’Institut est un certain Karl Giese. C’est l’amant préféré de Hirschfeld, de 30 ans plus jeune que lui (il a donc 21 ans en 1919). Il ne distingue par une nature hautement sensible. Il sert Hirschfeld dans tous les détails de la vie domestique. Il l’appelle « papa », comme beaucoup de gens à l’Institut à cause de son rôle paternel. Ou encore Oncle Hirschfeld. Un autre amant est très attaché au maître de céans ; il se surnomme Tante Magnesia. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 112) ; « C’est là que Magnus Hirschfeld rencontre Li Shiu Tong, surnommé Tao Li, un jeune étudiant en médecine qui devient son compagnon. L’écart d’âge entre les deux est de 40 ans. Tao Li a donc 25 ans au début de leur liaison. Liaison hors du commun, homosexuelle, interraciale, intergénérationnelle. En outre, elle n’est pas monogame, puisque Hirschfeld garde sa relation avec Karl Giese. Ce ménage à trois ne vivra pas sans problème. Hirschfeld entretient financièrement ses deux amants. » (idem, p. 113)
c) Mon amant homosexuel est un simple ami :
J’aborde de manière très détaillée dans le code « solitude » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels le fréquent mélange qui est fait dans les sphères relationnelles homosexuelles entre amitié et amour… à tel point que je dis que l’amitié est la grande oubliée/ennemie de la communauté homosexuelle, puisque la drague monopolise la grande majorité des rapports interpersonnels entre individus homos. Dès qu’ils s’entendent bien, les sujets homosexuels ont tendance à passer très vite à la vitesse supérieure, et à ne pas se laisser le temps de l’amitié ; ils deviennent parfois amis, mais ce sera après avoir couché ensemble. Et quand ils sont en couple, étant donné que l’amour qu’ils vivent n’est pas trépidant, il semble qu’il n’y ait que la génitalité qui les empêche de dire ouvertement qu’ils ne sont que « de simples amis et pas plus »… alors que c’est bien souvent le cas : y compris quand le feeling est bon entre eux, ils ne sont pas plus que de bons amis. Ils se rendent compte que, mis à part les moments de sexe et de sensualité clairement conjugaux, mis à part l’officialisation sociale de leur statut de « couple », rien ne les distingue d’un duo formé de deux meilleurs amis ; et après leur rupture, si elle arrive un jour, ils comprennent très vite qu’ils auraient mieux fait d’en rester à l’amitié plutôt que de chercher à simuler l’amour fou. Ils vivaient côte à côte, certes, mais objectivement, au niveau de la force de leur lien, rien ne les distinguait de deux colocataires ou de deux amis… « Nous n’existions plus ensemble. […] Bien pis, nous nous détruisions. […] Quel était le bon sens de cette forme d’amour ? Un amour-amitié ou un amour-passion. Certes, je ne voulais pas m’enfermer dans une définition. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de sa relation qui bat de l’aile avec son amant Yoro, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 140)
Cet « amour d’amitié » (détournement du beau Philia grec ou thomiste), cette « amitié forcée » (et du coup dénaturée), ces « amitiés particulières » (nom donné traditionnellement aux couples homos, et qui me paraît si révélateur !), font dire à certains penseurs que la notion de « couple homosexuel » est discutable, voire inappropriée pour deux personnes du même sexe qui décident de composer un ménage. Dans son essai Le Règne de Narcisse (2005), Tony Anatrella préfère le terme de « duo » à celui de « couple » pour qualifier une union entre deux hommes ou entre deux femmes. Et Chekib Tijani, l’auteur du très contesté essai 700 millions de GEIS (2010), va jusqu’à mettre le couple homosexuel sur le compte de la simple camaraderie travestie en « amour » : « Un gei [c’est ainsi que Tijani définit l’individu homo] qui est en relation avec un autre gei n’a pas le sentiment de vivre en couple, ce sont deux ‘copines’. » (p. 63)
d) Mon amant homosexuel est mon père :
Parfois, l’amant homosexuel est vraiment considéré comme un père de substitution par les personnes homosexuelles : « Rech. son père de substitu. » (cf. une petite annonce lue dans la revue Têtu, n° 127, novembre 2007, p. 200) ; « Aujourd’hui, c’est le 19 juin, la fête des Pères, et comme tu es mon Miam, mon papa Miam, je ne t’oublie pas. » (Julien à son amant Pascal Sevran, dans l’autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006) de Pascal Sevran, p. 169)
Si vous regardez les photos de Virginia Woolf avec Violet Dickinson, il est assez frappant de voir leur posture et leurs attitudes : on dirait que la première est une petite fille fragile se réfugiant sous les jupes de sa maman. Woolf semble avoir reproduit le même schéma avec ses autres amantes : « J’aime être avec elle, j’aime sa splendeur. […] Il y a sa maturité et sa poitrine épanouie : le fait qu’elle navigue, toutes voiles dehors, en haute mer, alors que je me contente de caboter le long des côtes ; son aptitude, je veux dire, à prendre la parole devant n’importe quel auditoire, à représenter son pays… à surveiller l’argenterie, les domestiques, et les chows-chows, sa maternité aussi… bref, le fait qu’elle est (ce que je n’ai jamais été) une vraie femme. » (Virginia Woolf en parlant de Vita Sackville-West dans son Journal, le 15 septembre 1922)
Dans son essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), Paula Dumont parle d’un couple d’amies lesbiennes à elle, Martine et Huguette, dans lequel s’est instauré un rapport de fille/mère très prononcé : elle évoque chez Martine « son besoin de trouver une mère poule qui la protège » (p. 117). Dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy de l’émission Tel Quel diffusée sur la chaîne France 4 le 14 mai 2012, Charlotte appelle son amante Marion « bébé ». Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, on nous raconte la rencontre entre Nicolaus Sombart et son amant beaucoup plus âgé que lui Carl Schmitt. « Est-ce pour cette raison qu’il a cherché en Schmitt, son amant beaucoup plus âgé que lui, un père de substitution ? Il aurait pu être son fils. » (p. 273)
Souvent, l’amant est aimé par la personne homosexuelle comme cette dernière imagine qu’un fils aime sa mère : « J’aimerais être nourri par vous, c’est-à-dire que j’aimerais être nourri par vous comme par ma mère. » (un patient homo dans l’article « Le Complexe de féminité chez l’homme » (1973) de Félix Boehm, Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 442) ; « C’était une relation maternelle entre elles deux. » (Marie-Jo Bonnet parlant de la relation « amoureuse » entre Yvonne de Bray et Violette Moriss, lors de sa conférence « Violette Moriss, histoire d’une scandaleuse » le 10 octobre 2011 au Centre LGBT de Paris) ; « Je t’ai protégé de tout, probablement trop. » (Pierre Bergé s’adressant à Yves Saint-Laurent, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; etc.
Cette configuration relationnelle particulière est explosive. Dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans parle des couples lesbiens et des fréquentes « associations d’une partenaire jeune et d’une autre plus âgée » (pp. 48-49) : « Dans un cas, la personnalité de la jeune femme est étouffée, jusqu’à la rendre incapable ‘éprouver les sentiments naturels d’amour et le désir d’un foyer normal ; dans l’autre, si elle parvient à s’arracher à l’emprise de la plus âgée, elle laisse dans la vie de celle-ci un vide qui ne pourra jamais être comblé. »
e) Mon amant homosexuel est mon maître et mon Dieu :
Dans les discours de beaucoup de personnes homosexuelles, si on prête un peu l’oreille, on a l’occasion d’entendre que le verbe « aimer » est régulièrement remplacé par le verbe « adorer ». La relation d’homme à homme (ou de femme à femme) est souvent envisagée comme une relation d’Homme à Dieu : « J’aimais vraiment Alfred. Ce n’est pas assez dire que je l’aimais, je l’adorais. » (Marcel Proust en parlant d’Alfred Agostinelli, son amant qui se tua en avion, cité dans l’article « Chronologie » de Jean-Yves Tadié, dans la revue Magazine littéraire, n°350, Paris, janvier 1997, p. 22) ; « C’est une famille qui s’aime. Non. Qui ne s’aime pas ; qui s’adore. » (un amie de Francesca, parlant de la « famille recomposée » du couple lesbien Francesca-Olga + Florence l’enfant obtenue par PMA, dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy de l’émission Tel Quel diffuséesur la chaîne France 4 le 14 mai 2012) ; « Tout au fond de moi, je suis figée d’amour. Paralysée par l’adoration. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 45) ; « Ernestito tomba à genoux devant Nacho comme il aurait pu le faire devant un saint d’une religion inconnue. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 260) ; « Mon corps était devenu ton corps. Mais tu voulais encore et encore plus. Quoi, plus ? Je ne savais plus quoi te donner… Tu exigeais que je sois là pour toi, tout le temps. Je l’ai fait. Avec plaisir. Avec amour. Avec dévotion, je t’aimais. Je t’adorais. J’ai quitté les autres, ma vie, mon chemin dans Paris, mes projets, pour toi. » (Abdellah Taïa s’adressant à son « ex » Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe, 2008) ; « Mon ancien camarade de classe me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… Et tout à coup, le visage de Durieu que j’avais oublié et qui m’a arraché un cri : un visage d’ange résolu. Silencieux aussi celui-là, on ne le voyait pas, il disparaissait, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir sa beauté comme une brûlure, une brûlure incompréhensible. Un jour, alors que l’heure avait sonné et que la classe était vide, nous nous sommes trouvés seuls l’un devant l’autre, moi sur l’estrade, lui devant vers moi ce visage sérieux qui me hantait, et tout à coup, avec une douceur qui me fait encore battre le cœur, il prit ma main et y posa ses lèvres. Je la lui laissai tant qu’il voulut et, au bout d’un instant, il la laissa tomber lentement, prit sa gibecière et s’en alla. Pas un mot n’avait été dit dont je me souvienne, mais pendant ce court moment il y eut entre nous une sorte d’adoration l’un pour l’autre, muette et déchirante. Ce fut mon tout premier amour, le plus brûlant peut-être, celui qui me ravagea le cœur pour la première fois, et hier je l’ai ressenti de nouveau devant cette image, j’ai eu de nouveau treize ans, en proie à l’atroce amour dont je ne pouvais rien savoir de ce qu’il voulait dire. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24) ; etc.
f) Mon amant homosexuel est un peu tout et rien à la fois :
La relation entre amants homosexuels est en général ludiquement/amoureusement indéfinie : « Adieu aux baisers de mon tonton, pardon, de mon parrain. » (Kamel en parlant à/de son amant Christian, dans l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli, p. 164) ; « Manolo a toujours été mon père, mon frère, mon compagnon, mon mari, toute ma vie. » (Juan Rodríguez parlant de son copain décédé, Manolo, dans le documentaire « Católicos Gays » de l’émission Conexión Samanta sur la chaîne Play Cuatro, juin 2011) ; « Hubert fut mon ami, mon amant, le grand frère bienveillant qui m’a tant manqué lorsque j’étais enfant, et, qui sait ?, le père qui a disparu, qui sermonne et protège. » (Jean-Luc Romero, On m’a volé ma vérité (2001), p. 40) ; « Je pense à lui comme le grand frère qui m’a manqué, comme l’ami protecteur qui aurait pu m’aider. » (Kim Pérez Fernández-Figares, homme transsexuel, à propos de son amant Philippe, cité dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 254) ; « La recherche d’un ami, d’un héritier spirituel, d’un compagnon et amant choisi à la fois pour sa beauté, son talent et sa distinction l’obsède. » (Michel Larivière parlant de l’écrivain français Robert de Montesquiou, dans le Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), p. 252) ; « Les hommes que j’érotisais ressemblaient à mon père, à mon frère surtout. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 249) ; « J’ai fini par adopter les codes des garçons : marcher comme un mec, parler comme mon père et mes frères, regarder les filles comme mon père et mes frères les regardaient, me battre avec les copains comme un vrai mâle. » (une amie lesbienne, Stéphanie, 31 ans, en 2012) ; « Pierre est un compagnon. Et il est devenu un partenaire avec le PaCS. Et ensuite il sera mon mari. » (Bertrand dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; « Comment t’appeler ? Frère de sang ? Frère de lait ? Copain, ami, amour ? » (c.f. la chanson « Copain ami amour » de Dave) ; etc.
Au départ, ça a l’air « fort », ce lien amoureux qui s’étire à foison dans l’envolée lyrique (« Tu es mon Tout, mon Roi, ma Lune, mon Ciel étoilé… »), qui semble exprimer une profonde plénitude. En réalité, quand on regarde les faits et ce que vivent véritablement les amants homosexuels, on se rend compte qu’il existe une forme de compromis incestueux, d’arrangement qui ressemble à de l’amour parce qu’en apparence il contente les deux membres du couple, mais qui au final est une paix bancale : « Martine, qui cherchait désespérément la mère qui l’avait abandonnée à trois jours, m’avait rencontrée fort à propos. Sous cet angle, nous étions complémentaires, moi qui jouais le rôle de l’adulte sérieuse et responsable et elle qui était perpétuellement en quête de protection. » (Paula Dumont dans son essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 231) ; « Je voudrais rapporter le cas, que j’ai pu observer récemment, d’un jeune homme, fiancé à une jeune femme de la façon la plus bourgeoise, et qui tombe amoureux d’un homme plus âgé que lui, qu’il prend de son propre aveu d’abord pour modèle, puis pour maître et enfin pour amant. Cet amant lui-même, bien que ‘purement homosexuel’, me racontera plus tard que, nullement attiré par mon malade au départ, il n’avait été intéressé que par la présence de sa fiancée et la situation triangulaire créée lors d’un dîner. Lorsque le malade, jaloux de son amant, abandonna pour lui sa fiancée, cet amant se désintéressa complètement de lui. Interrogé par moi sur les raisons de ce revirement, il me dit : ‘L’homosexualité, croyez-moi, c’est vouloir être ce que l’autre est.’ » (Jean-Michel Oughourlian cité dans l’essai Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978) de René Girard, pp. 469-470) ; etc. En fait, ce n’est pas parce qu’il y a consentement mutuel pour s’exploiter l’un l’autre, ou pour jouer vis à vis de son partenaire un rôle qui ne nous revient pas mais qui anesthésie pour un temps les problèmes, que l’exploitation et la comédie disparaissent et cessent d’entretenir le couple homosexuel dans le mensonge identitaire. Bien au contraire ! La barque se charge petit à petit.
Bien souvent, sans même qu’elle puisse en parler directement à son partenaire, la personne homosexuelle se demande quelle est sa place dans son couple, quel rôle elle joue, quelle importance elle a aux yeux de son « chéri ». Cela peut engendrer en elle un questionnement très obsédant (j’ai connu personnellement ces bouffées d’angoisse quand je me voyais infantilisé ou traité de « petit écureuil » ou de « Titi » par certains de mes ex-amants !), mais aussi très libérant si elle se pose les bonnes questions. Elle peut mesurer qu’en donnant différents masques inappropriés à son amant, elle est entrée dans une comédie amoureuse qui flatte deux narcissismes, mais qui ne permet à aucun des deux partenaires du couple homo de se sentir pleinement à sa place : « Bien élevé. Énarque. Suffisamment jeune. Suffisant riche. Suffisamment beau. Supérieur. C’est pour ça qu’avant j’avais choisi Quentin. Supérieur, il l’était dans tous les domaines, enfin c’était ce qui me semblait à l’époque. Il avait 26 ans, moi 23. Il était beau. Il savait ce qu’il y avait de meilleur. Il suffisait de le suivre. Le seul problème c’est que Quentin avait si peur des gens qu’il se sentait obligé de les détruire. Moi, je n’avais pas de moi. J’étais vide. Il me remplissait. » (Guillaume Dustan, Nicolas Pages (1999), p. 112) ; « Aux côtés d’hommes, je m’ennuie très rapidement. Même en présence d’homosexuels. Je les considère comme des pères ou frères. Je dois coucher avec des hommes qui n’affrontent pas la vie. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014)
Beaucoup de personnes homosexuelles, en revenant sur les fonctionnements complexes de leur couple, parle de ce décalage engendré par l’accumulation de rôles, et qui surcharge la structure conjugale homosexuelle sur la durée, au point de la rendre soit impossible et non-viable, soit hyper compliquée et lourde-dingue : « J’ai tenu comme j’ai pu. J’ai arrêté de travailler. Je suis devenu une petite femme. Ta conception de la femme. Je suis devenu Saâd, ton copain d’enfance. Je suis devenu une sculpture entre tes mains. » (Abdellah Taïa parlant de son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 117) Dans l’essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, Catherine est très ambiguë et torturée avec son amante Paula, alors que pourtant elle se veut d’une grande sincérité et d’une totale franchise. On a l’impression qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut. À la fois elle revient chroniquement vers Paula pour lui dire qu’elle l’aime d’amour (« C’est une forme d’amour, tu es de ma famille. », p. 167), mais elle refuse de lui appartenir et ne veut pas s’engager parce qu’elle ne se sent pas exactement amoureuse (« Ce que j’éprouve et éprouverai toujours pour toi, c’est de la tendresse », p. 184) Si elle fait un pas, c’est pour mieux reculer de trois pas ensuite. À quel jeu joue-t-elle ? Au fond, ce n’est pas tant qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut, ni qu’elle serait vraiment compliquée par nature ; il y a chez elle comme un mécanisme vital de résistance à l’entreprise homosexuelle de travestissement de l’amour, un juste rejet du contrat préétabli de la félicité homosexuelle tendu par une personne en face qui la couve du regard et qui prétend l’aimer à condition qu’elle endosse la pile très pesante de masques qui ne lui vont pas : le masque de la sœur, de la bonne copine, de la mère de substitution, de la sœur, de la fille, de la maîtresse, de la déesse, de la star, de l’amie.
Cette indécision de l’amant homosexuel qui se dérobe, qui glisse des doigts comme un savon, et qui fait vivre les montagnes russes émotionnelles à son compagnon qui veut le faire rentrer dans son jeu de rôles incestueux/amoureux pour mieux le posséder, semble insupportable, égoïste, insensée. Mais au fond, elle vaut de l’or, car elle nous rappelle qu’on ne peut pas tricher longtemps en Amour, et que le désir homosexuel est un désir tellement « touche-à-tout d’Humanité » qu’il finit par ne plus toucher grand-chose ni grand monde.
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Épisodiquement, oui ; durablement, non.
L’amour homosexuel peut satisfaire épisodiquement, mais il ne comble pas durablement.
Accuser n’est pas aimer
Rappelons-le : l’accusation de personnes n’est pas un acte juste. L’accusation d’actes injustes, si. Certains ont tendance à l’oublier, car ils sont pris dans leur élan esthétique et intentionnel de ‘justiciers’ qui crient « J’accuse ! » (à la Zola) pour se dispenser de penser et pour cacher leurs peurs (d’eux-mêmes !), de condamnateurs qui s’imaginent que la fin justifie les moyens, que les gens sont leurs actes et leurs mots. Ils dressent alors des « Murs des cons », des « Murs des homophobes », des « Murs des fachos », comme jadis les « san benito » en temps d’Inquisition (ces vêtements affichés dans les églises et sur lesquels étaient cousus les rumeurs et les accusations délatrices qu’on attribuait à celui ou celle qu’on voulait dénoncer et faire arrêter)… alors que les fascistes qui les ont précédés ont eu exactement la même démarche. L’accusation de personnes n’est pas la justice : elle est fasciste. Et ce n’est pas pour rien que le diable est parfois surnommé « l’Accusateur ».
L’Amour avec un grand « A » ne respecte personne
Ceux qui adoptent le discours ambiant de l’ « Amour » avec un grand « A », un « Amour » qui serait désincarné, sans limite, homosexuel, avec la différence des sexes juste en option, sont extrêmement dangereux : ils refusent de poser un regard sur le couple homo, ils défendent l’Union civile, ils transforment tout le monde en anges, pour mieux nier la réalité, le corps et la dignité des personnes.
Confondre l’amitié « gay friendly » et l’ « amour » homo
Certaines personnes indifférentes au projet de loi du « mariage pour tous » ou carrément « gay friendly » le sont parce qu’elles confondent à tort l’amitié bienveillante ou l’empathie de principe, bien légitimes, qu’elle ont vis à vis les personnes homosexuelles, et ce que vivent ces mêmes personnes homosexuelles en amour et en actes homos, qui là ne peut pas être justifié car c’est insatisfaisant et souvent violent.
L’insatisfaction en amour
Nous ne pouvons pas nous permettre d’être durablement insatisfait et malheureux en matière d’amour ou de couple!
La foi sociale en l’Amour : OUI. En l’Amour incarné : NON
Nos contemporains croient en l’amour. Ça, c’est une certitude. Mais pas en l’amour incarné. Ils jugent la différence des sexes « annexe »… alors que pourtant, celle-ci est la condition non-négociable de notre présence réelle et humaine sur Terre ; elle favorise la solidité aimante de tout couple, même si, en soi, elle ne se suffit pas à elle-même ; et elle ouvre souvent à la vie et à la filiation.