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Code n°14 – Artiste raté

artiste raté

Artiste raté

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

sensibilité

B.D. « Femme assise » de Copi (le canari parle des homosexuels)


 

« Les homosexuels sont tous des artistes car ils sont plus sensibles et esthètes que les autres. » Qu’est-ce que c’est que cette blague ? Cela en étonnera plus d’un, mais je le dis quand même : il y a beaucoup de faux artistes, de créateurs sans talent, de rois du kitsch, de chanteurs de pacotille, parmi nous, gens « homosensibles » qui avons pourtant investi en grand nombre le monde des Arts comme si c’était « notre » fief privé. D’ailleurs, il est stupéfiant de voir en masse dans les fictions homosexuelles la figure de l’artiste homosexuel raté. Surtout quand on sait que cela ne correspond pas du tout au cliché de l’Artiste qu’on prête à tout individu homosexuel, ou presque, qui aurait, depuis son plus jeune âge, une prédisposition artistique « naturelle », une sensibilité et une créativité hors du commun… En réalité, nous ne devrions pas être étonnés : celui qui se prend pour Dieu – alors qu’il ne l’est pas – finit toujours par mal agir et par afficher la médiocrité de son orgueil en créant du laid. Et à l’évidence, l’homosexualité est une crise d’orgueil de l’Homme qui n’a pas reconnu ses limites, qui n’a pas regardé son désir homo en face, et qui veut être Dieu à la place de Dieu (cf. le code « Se prendre pour Dieu » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels). Alors bien sûr, on me dira que c’est dans la nature-même de l’artiste d’être raté : le ratage n’a rien de typiquement homosexuel, il est humain, et il serait le moteur principal de toute Inspiration artistique ! Et puis le vrai créateur a toujours connu, même dans son parcours artistique brillant, des hauts et des bas, soit pour atteindre le succès (parfois post mortem), soit pour le conserver. MAIS je persiste en disant qu’un Homme est d’autant plus artiste qu’il intègre l’échec (chose que font rarement les personnes homosexuelles), qu’il crée du beau et du sensé (chose que peu de créateurs homos font), qu’il a affronté ses démons (chose que ne fait pas la grande majorité des personnes homosexuelles qui banalisent leur désir homo et qui veulent défendre l’amour homo), et qu’il n’oublie pas de toujours se reconnaître créature face au Créateur (qu’est Dieu) malgré l’illusion de toute-puissance et d’auto-création que lui confère son acte artistique (mégalomanie à laquelle peu de créateurs homosexuels échappent).

 

Qu’on m’entende : je ne dis pas que l’homosexualité est un critère de nullité artistique. J’écris bien qu’il y a des grands artistes homosexuels. Mais ceux-là n’ont ni pratiqué ni justifié leur homosexualité. Il faut arrêter de mentir aux personnes homosexuelles et arrêter de les anesthésier par la flatterie d’une homophobie positive.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Faux révolutionnaires », « Dilettante homo », « Bobo », « Faux intellectuels », « Se prendre pour Dieu », « Bovarysme », « Patrons de l’audiovisuel », « Déni », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Promotion ‘Canapédé’ », « Peinture », « Homosexualité noire et glorieuse », « Planeur », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Amant narcissique », « Clown blanc et masques », à la partie « Divin Artiste » du code  « Pygmalion », et à la partie « Kitsch » du code « Fan de feuilletons », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Je préfère vous prévenir tout de suite. Ce code que vous allez lire, et les constats qu’il me fait faire, peuvent paraître cruels de l’extérieur, surtout à une époque où le relativisme est roi, où on nous dit que l’art, les goûts et les couleurs ne se discutent jamais et sont sacrés, où on fait croire à la masse que le statut d’artiste appartient à tout le monde (« Réveillez l’artiste qui est en vous ! Vous avez tous un destin de star ! »). Cela peut paraître aussi complètement caricatural, généraliste, et homophobe de faire un jugement de valeurs sur le talent d’une communauté entière sur la seule base d’une orientation sexuelle. Je vous rassure tout de suite : je ne dis jamais que le désir homosexuel fait de mauvais artistes, ni qu’il n’y a aucun vrai artiste qui soit homosexuel (mais pour qu’il soit bon, en revanche, il faut à mon avis qu’il ait fait un sacré travail de réflexion sur le désir homo… et là, on est loin du compte et c’est en effet très rare !) ! L’unique chose que je tente de faire, c’est d’indiquer une tendance au manque de créativité que le désir homosexuel impulse, tendance qui ne doit en aucun cas être transformée en généralité ou en espèce humaine clairement identifiée. Je sais que la nuance entre « tendance » et « généralité », entre « désir » et « personne », entre « coïncidence » et « cause », est tenue et mal comprise par notre société… mais elle est capitale, et je me battrai pour l’expliquer.

 

La figure de l’artiste raté et méprisé, revenant fréquemment dans les films et les romans homo-érotiques, ressemble à ce que les personnes homosexuelles peuvent être parfois. En musique, pour commencer, beaucoup d’individus homosexuels passent maîtres dans les arrangements musicaux de mauvaise qualité, les paroles insensées, et leur manque de voix (la musique disco est d’ailleurs associée directement aux premiers mouvements homosexuels). Ils qualifient eux-mêmes leur musique de « commerciale » – ou d’« anti-commerciale », ce qui revient finalement au même (la chanson « On est tous des imbéciles » de Mylène Farmer en fournit un parfait exemple). Au cinéma et au théâtre, nous les retrouvons en masse dans les sous-genres : péplum, porno, épouvante, comédie musicale, parodie, music-hall, ou mélo. Ils tournent souvent ce qu’on pourrait appeler des « films carte postale » à la trame narrative très légère, n’ayant pour arguments principaux que l’auto-mise en scène et la nostalgie pop. Au niveau littéraire, ils ne font guère mieux : les auteurs homosexuels sont souvent les écrivains des genres bâtards du monde des Lettres : romans à l’eau de rose, autobiographie pornographique, bande dessinée, science fiction, poésie, etc. Dans les années 1960, ils ont même été les vilains petits canards des surréalistes… Qu’on ne s’étonne pas de les voir figurer aujourd’hui parmi les écrivains les plus cités de La Littérature sans estomac (2002) de Pierre Jourde. Les membres du « milieu homosexuel » ne s’y sont pas trompés : peu s’intéressent à la production littéraire « communautaire ». Et pour cause ! Il n’y a pas grand-chose à en tirer.

 

Les créations d’un certain nombre d’artistes homosexuels sont à l’image de la grande machine capitaliste : un immense travail à la chaîne qui place la quantité et le profit avant la qualité. « Je suis une machine » proclamera avec fierté Andy Warhol, enfermé dans sa Factory. L’alliance de l’art homosexuel avec le marketing est particulièrement bien illustrée par le mouvement Pop Art, apparu aux États-Unis en 1964. Certains artistes homosexuels transforment l’art en marché juteux sans être véritablement inventifs, et se cachent derrière l’excuse de l’excentricité humoristique ou du militantisme pour justifier leur business. C’est ce qui arrive par exemple à Pierre et Gilles, à Andy Warhol (je vous renvoie à l’article « Un Échantillon de bêtise moderne : la fortune critique d’Andy Warhol » de Jean-Philippe Domecq, dans la revue Esprit, L’Art aujourd’hui, n°173, Paris, juillet-août 1991), à Salvador Dalí (André Breton l’avait surnommé, non sans raison, par l’anagramme de son nom : « Avida Dollars »… et le tableau Dollar Sign (1981) d’Andy Warhol va dans le même sens), à Keith Haring, à Mylène Farmer, à Jean Cocteau, etc., particulièrement prolifiques artistiquement, mais peu ingénieux quand leurs désirs de surface se sont davantage exprimés que leurs désirs profonds.

 

ARTISTE 1 Avida Dollars

Avida Dollars


 

Les œuvres artistiques homosexuelles prennent souvent la forme d’un bric-à-brac désordonné pour prouver que la transmission et la création sont davantage possibles dans la destruction ou le merdique que dans le beau et le constructif. Nous identifions dans leurs compositions littéraires le baratin surréaliste obéissant au procédé du flux de la conscience soi-disant « spontané ». À maintes reprises, les poètes homosexuels rallongent la sauce, volontairement, et surtout involontairement, un peu comme les chorales médiocres qui, pour se donner l’illusion qu’elles chantent juste, ralentissent les chants, soit pour masquer leur faiblesse vocale, soit pour s’écouter narcissiquement chanter (la note est étirée jusqu’à l’asphyxie).

 

Baignée à l’excès dans l’idéologique (en l’occurrence l’anti-fascisme moralisant), leur production artistique se politise/poétise bien souvent à l’excès. De nombreux artistes gays et lesbiennes imposent « une sorte de dadaïsme homosexuel psychédélique, une idéologie de la dérision, violemment antiautoritaire » (Hélène Hazera, « Gazolines », dans le Dictionnaire des Cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 213), et remettent au goût du jour tout ce qui serait soi-disant attaqué par le conformisme. Mais comme le conformisme en question est souvent le fruit de leurs propres fantasmes, ils finissent par être conformistes dans l’anti-conformisme, en croyant faire ainsi œuvre de sauvetage héroïque de la merde flottant sur l’océan artistique. En énonçant que l’art n’a pas de règles et qu’il doit être un espace de liberté totale, ils formulent implicitement d’autres poncifs encore plus rigides que ceux qu’énonceraient le classicisme tant redouté : l’obligation du scandaleux, du frivole, de « l’effet schizo », du fragmentaire, de l’insolite, de la neutralité, du doute, de l’émotionnel, du pluralisme, de la prolifération, de l’opposition, de la rupture avec les techniques dites « traditionnelles », de la surcharge (pour masquer le manque de contenu) ou du minimalisme (pour mimer le contenu), de la sincérité, de l’exhibition (au moins un acteur à poil par pièce : c’est le quota), de l’originalité « conceptuelle », du loufoque, du torturé, du laid, de l’insensé, de l’autoparodie, de la caricature, du nihilisme, de la bêtise, du paradoxe, de l’ambiguïté, bref, l’obligation du faire agressivement/légèrement authentique pour se dispenser de l’être.

 

ARTISTE 25 Copi porno

B.D. « Kang » de Copi


 

Non pas que les genres pornographico-autobiographiques, scatologiques, gore, camp, parodiques, sentimentalistes, journalistiques, etc., soient en eux-mêmes condamnables. Aucun style artistique n’est mauvais en soi. Seulement, c’est la suffisance et l’impression de contenu que leur utilisation systématique donne à beaucoup de créateurs homosexuels qui prêtent à sourire. Le « sans concessions », l’opposition, et le scandale n’ont jamais été à eux seuls des garanties de qualité, ne libèrent pas automatiquement les esprits, ne délivrent pas plus de sens et ne touchent pas plus au vrai qu’une création qui montre moins tout en suggérant plus, qui défend un message intelligible, plein d’Espérance, et assumé.

 

C’est le fait qu’ils refassent souvent du même « parce que ça a marché/choqué une fois », que ça a rapporté des sous, et que ça a parfait leur image de marque d’artistes anti-normes, qui rend leurs œuvres si médiocres. Les meilleurs ennemis de l’art sont bien toujours les mêmes : le goût du paraître, l’attachement à l’argent (y compris en se focalisant sur les « gens de peu »), le fuite du risque, une vision manichéenne du monde, l’anti-conformisme de principe, le refus de tendre à la Réalité universelle, l’absence de prétention à la perfection et à la Vérité. « Entre eux et moi, l’argent s’imposait, c’est vrai. […]. Comme si la culture ou l’art se limitait à cela. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du « milieu homosexuel » qu’il fréquente assidument, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 122)

 

Chez beaucoup d’artistes homosexuels, l’invocation du style est un prétexte pour ne pas en user, et évacuer ainsi le sens des œuvres. Leur passion du détail les entraîne dans le sempiternel verbiage autour de leurs textes pour dissimuler qu’ils n’ont rien à en dire. En plaçant le style avant le contenu, par un travail mythique de transformation « du sens en forme » (Roland Barthes, Mythologies (1957), p. 217), ils focalisent paradoxalement sur le fond au détriment de la forme… parce qu’implicitement, ils veulent signifier que le fond n’existe pas : n’oubliez pas que la majorité d’entre eux voient la Réalité comme un miroir sans fond et qu’ils cherchent pourtant à se convaincre de sa réelle profondeur. Ils se persuadent que la superficialité de leurs œuvres artistiques a quand même son utilité parce qu’elle « questionnerait l’art » : Peut-on tout faire d’un point de vue artistique ? À partir de quand est-il possible de parler d’œuvre d’art ? L’art a-t-il un sens ? Qu’est-ce que l’art finalement ? etc. Je ne vous cache pas que nous aurions très bien pu nous poser toutes ces questions avec des créations de meilleure qualité. Mais eux se plaisent à croire que ce sont leurs œuvres « génialement merdiques » qui amorcent ce débat, et que sans elles, nous n’aurions pas poussé aussi loin la réflexion. Comme ils n’en retirent en général qu’une pensée évasive sur le sens de l’art, ils finissent, après être pris de court, par se tourner vers leur public pour lui demander (en faisant mine de ne pas s’y intéresser, ou pour le responsabiliser démagogiquement : politique populiste et « participative » oblige…) la signification de ce qu’ils ont réalisé. « Ce sont les regardeurs qui font le tableau » assure Marcel Duchamp. Cela donne généralement une mise en scène assez pathétique de l’auto-questionnement de l’intellectuel qui prétend en connaître autant (sinon moins) que son public, autrement dit de « l’artiste-qui-a-honte-de-se-dire-artiste ». C’est pourquoi la majorité des spécialistes de la réflexion sur le camp (Susan Sontag en tête) affirment que dans quasiment toutes les œuvres homosexuelles, « l’accent est mis dans la réception » (cf. l’article « Andy Warhol » d’Élisabeth Lebovici, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 496). Généralement, un artiste homosexuel qui parvient au succès le doit davantage à la médiatisation autour de sa personnalité qu’à sa production. Par exemple, lors de sa conférence « Pierre Loti, l’Homme aux deux visages » à Savigny-sur-Orge, le 15 février 2007, le chercheur Georges Poisson explique que « Pierre Loti a été sauvé par sa personnalité plus que par son œuvre. »

 

ARTISTE 15 Copi Absence sens

B.D. « Kang » de Copi


 

Mais le grand public ne se laisse pas longtemps aveugler : il trouve plus intéressantes les réflexions suscitées par la critique des œuvres des artistes homosexuels que leurs œuvres en elles-mêmes. Le Saint-Genet (1952) de Jean-Paul Sartre l’illustre parfaitement puisque ce qui devait initialement n’être qu’une préface aux Œuvres complètes de Jean Genet a fini par dépasser l’œuvre maîtresse et par faire connaître l’auteur du Journal du voleur.

 

Je pense au final que les créations artistiques homosexuelles ne remportent pas un franc succès par leur manque d’idéal et d’Espérance, par la pauvreté de leur message, parce qu’elles ne se tournent pas assez vers l’universel incarné – Néstor Perlongher, par exemple, affirme que « la poésie n’est pas communication » et que « le poète doit faire des vers qui ne se comprennent pas » (Néstor Perlongher, « Poesía Y Éxtasis », dans Prosa Plebeya (1990), p. 149) –, parce qu’elles n’ont pas abordé la souffrance de manière dépassée et un minimum comprise. Moins le désir homosexuel est saisi dans toute son ambiguïté violente, plus la production artistique homosexuelle se transforme en plat sans saveur, et le public (gay ou pas d’ailleurs) ne s’y retrouve pas. Ce n’est évidemment pas l’homosexualité qui convertit beaucoup d’auteurs en artistes minables et cupides, mais bien un désir schizophrénique inconsciemment actualisé. Foncièrement, je n’ai rien contre Andy Warhol et ses alter ego (je me suis assez intéressé à leurs productions pour le dire !). Il est fort possible que dans d’autres circonstances, et une fois qu’ils auront fait jour sur certains désirs qui les aveuglent, certains artistes homosexuels qui se montrent encore médiocres, révèleront leur génie et leur humour avec brio. Je crois simplement qu’ils sont encore en dessous de ce qu’ils pourraient créer s’ils cessaient de s’inventer un personnage torturé qu’ils croient être eux et qui les divise en deux. Dans le cas précis de Salvador Dalí par exemple, Julien Green a tout à fait raison de défendre l’idée qu’« il y a deux Dalí » : l’un qui est un artiste artificiel assoiffé d’argent, et l’autre, plus profond, très généreux et créatif (cf. Julien Green dans l’émission Apostrophe diffusée le 20 mai 1983 sur la chaîne Antenne 2). Ce n’est qu’en mettant une certaine actuation de leur homosexualité de côté que les créateurs homosexuels décolleront et nous offrirons le meilleur d’eux-mêmes. Je ne désespère pas de connaître un jour le grand réveil artistique homosexuel (que des créateurs comme Patrice Chéreau, Manuel Puig, Cathy Bernheim, Hervé Guibert, Laurent Lafitte, Muriel Robin, Frédéric Martel, Jarry, Christian Faure, Océane Rose-Marie, ou Jean-Luc Revol, ont déjà bien amorcé) !

 

Je dois vous avouer ma « pathologie personnelle » concernant les œuvres sur l’homosexualité : je crois que je m’imposerai de les éplucher toute ma vie, car vraiment elles me passionnent, même si, d’un point de vue strictement personnel et gustatif, je les trouve dans leur ensemble de mauvaise qualité, nases, insipides, et affligeantes. Je peux rester planté devant une infinité de films qui agacent et ennuient la majorité des personnes homosexuelles, lire des navets de romans à l’eau de rose à tour de bras, j’ai quand même une endurance qui m’étonne moi-même pour ingurgiter la soupe artistique homosexuelle sans me révolter, sans bailler… tout cela si et seulement si on y parle d’homosexualité, bien sûr (si la création que je vois, en plus d’être nulle, ne parle même pas d’homosexualité, je me tortille sur mon fauteuil et m’impatiente comme tout le monde !). Suis-je maso ? Suis-je obsessivement homo-centré ? Peut-être bien ! Moi, je ne pense pas, puisque je ne vais pas aux œuvres homosexuelles dans une optique identitariste ou amoureuse, bref individualiste. Cependant, j’ai conscience que je peux donner l’impression que ma démarche de recherche du Désir par le biais du désir homosexuel est monomaniaque. En fait, si les gens pensent que je m’enferme dans mon thème, c’est qu’eux-mêmes ont tendance à vider l’homosexualité d’universalité, à enfermer les personnes homosexuelles dans « leurs » clichés, pour ne pas les analyser, ni voir ce qu’ils pourraient en tirer comme conclusions sur eux-mêmes. Ce que je constate pour mon cas, c’est que mon travail de recherche m’ouvre au contraire à l’Amour, même si j’avance à tâtons sur un chemin obscur, peu défriché et balisé, qui m’était à la fois totalement étranger et que j’apprends à rendre familier. Je peux m’intéresser pour ce qui n’attirerait pas d’emblée mes goûts (car si je désire vraiment aller vers ce que j’aime, si je veux réellement du contenu, de l’Art de qualité, il me suffit d’ouvrir ma Bible et d’écouter Jésus et ses saints !). Mais du coup, ce détachement affectif et sensitif narcissique de la plupart des « critiques » littéraires et artistiques actuels – qui pensent à tort qu’il faut forcément « adorer » ou « détester » une œuvre pour pouvoir en faire un bon papier, qu’il suffit de parler de ses petites impressions et de s’épancher sur ses vibrations du cœur (« j’aime/j’aime pas ») pour analyser une création à fond –, me permet de vraiment plonger au cœur des œuvres, en dehors de toute considération de goût, d’« avis », d’« opinion », d’« impression ». C’est cela, pour moi, le vrai travail d’analyse et de respect de l’œuvre artistique : s’appuyer sur ce qui est dit concrètement, et comment c’est dit. Le reste, c’est du blabla, de l’esbroufe, de la dégoulinade narcissique. J’ai trop vu pendant mes années de chroniqueur radio des pseudo critiques littéraires ou cinéma qui lisaient sans lire, qui voyaient sans voir, qui n’avaient aucun sens critique parce qu’ils se centraient sur leurs putains de goûts. J’avais envie de leur dire : « Qu’est-ce qu’on s’en fout de savoir si t’as aimé ou pas cette œuvre ! ‘De quoi elle parle et qu’elle est son sens ?’ C’est ça qui nous intéresse ! Putain de bordel de merde !!! » Alors, OUI, je ne suis pas un ennemi des œuvres homosexuelles, ni des artistes ratés. Je me rue dans leurs brancards pour qu’ils se réveillent. Car ils ont un cerveau pour aimer et pour créer ! Qu’ils ne l’oublient pas.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

ARTISTE 2 Like it is

Film « Like It Is » de Paul Oremland


 

Le personnage homosexuel est un artiste raté dans énormément de productions homo-érotiques : le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland (avec Kelvin, le producteur de musique dance), le film « Días De Boda » (2002) de Juan Pinzás (avec le personnage de Nacho), le film « Le Grand Alibi » (2007) de Pascal Bonitzer (avec le personnage de Philippe), le film « Amour et mort à Long Island » (1997) de Richard Kwietniowski, le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier (avec François, le journaliste plagiaire), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec Elliot, le peintre raté), le film « Ed Wood » (1994) de Tim Burton, le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef Von Sternberg (avec le professeur Emmanuel Rath, humilié jusqu’au bout, en cours comme sur scène), la pièce Jeffrey (1993) de Paul Rudnick, le film « Presque célèbre » (2000) de Cameron Crowe, le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec la figure du poète raté), la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou (où Satie y est décrit comme un compositeur de « musique d’ameublement »), le film « 800 Tsu Rappu Rannazû, Fuyu No Kappa » (1994) de Kazama Shiori, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (Aschenbach, le musicien raté qui se fait lyncher lors de ses concerts), le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault (avec Angelo en scénariste de séries B), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec le personnage de Tim), le film « Bouche à bouche » (1995) de Manuel Gómez Pereira (avec le personnage de Victor), le film « Le Placard » (2001) de Francis Veber (avec François Pignon, présenté comme un homme sans relief), le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar (avec Enrique, le cinéaste de seconde catégorie), le film « La Fleur de mon secret » (1995) de Pedro Almodóvar (avec Leo, l’écrivaine de roman à l’eau de rose), le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon (avec Romain, le photographe raté), le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver (avec le héros Billy, qui n’arrive pas à faire carrière), le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni (avec Pablo, le poète raté n’arrivant pas à se faire publier), la chanson « Blues du Businessman » dans le spectacle musical Starmania de Michel Berger (avec le businessman Zéro Janvier qui « aurait voulu être un artiste »), la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri (avec le personnage de Vincent, l’écrivain sans talent), le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011) de Karine Dubernet, le film « Diferente » (1962) de Luis María Delgado, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne (avec France, l’écrivaine ratée), le spectacle musical Yvette Leglaire « Je reviendrai ! » (2007) de Dada et Olivier Denizet, le film « Quartet » (1948) d’Harold French, le film « Du mouron pour les petits oiseaux » (1962) de Marcel Carné (avec Jean Parédès, l’auteur de romans de gare), le film « Piège mortel » (1982) de Sidney Lumet, le film « La Tourneuse de pages » (2005) de Denis Dercourt, le film « Baba-It » (1987) de Jonathan Sagall, le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan (avec Sibylle Ashby, l’auteure de romans érotiques), la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay (avec Jean-Marc, l’écrivain frustré), la pièce Les Babas cadres (2008) de Christian Dob (avec Jeff, l’artisan des objets en bois inutiles), le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes (avec José, l’artiste contemporain aux meurtriers happening, et les très ambigus jumeaux Sulki et Sulku), la chanson « Fais-moi un chèque » (2011) de Jena Kanelle (où « le fric c’est chic »… au détriment de la qualité), la caricature Les artistes pédérastes (1880) d’Heidbrinck (avec les cercles artistiques homosexuels, dépeints comme malsains et frivoles), le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec Robbie, le réalisateur homo raté), le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Frédérique Quelven (avec la poétesse ratée), le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco (avec Jézabel, l’artiste bisexuelle évoluant dans un milieu beaux-ardeux branchouille), le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche (avec Emma, l’artiste peintre lesbienne, et ses amis « artistes » qui pensent que disserter sur Klimt et Egon Schiele c’est « hyper profond »…), la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder (avec tous les acteurs à poil sur scène), etc.

 

« Je mets donc toute mon âme dans la musique, et mon cœur sombre d’un seul coup dans le chagrin de ce peintre raté qui voit se défaire devant lui un couple d’amis. » (le narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 19) ; « Mais je ne suis pas un artiste. » (Benjamin, l’un des héros homosexuels, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 

Même s’il prétend être un artiste, on voit très souvent que le personnage homosexuel a du mal à emballer les foules avec ses créations : « Rémi était romancier. Du moins se plaisait-il à l’affirmer. […] Il avait toujours aimé écrire, tout en sachant qu’il ne possédait pas le talent suffisant pour prétendre à l’originalité. » (Jean-Paul Tapie, Dix Petits Phoques (2003), p. 14) ; « Vous êtes un médiocre musicien. » (Wagner à Nietzsche, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres Cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Parfois, par association d’idées, Gabrielle repensait à son dernier roman Dernier amour que tous les éditeurs avaient refusé à ce jour. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), pp. 198-199) ; « Tous les trois ans un bouquin publié avec une sinistre régularité. […] Beaucoup de jactance. Beaucoup trop. Pour un écrivain. » (Vincent Garbo parlant du romancier François Letailleur, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, pp. 26-27) ; « C’est un esprit médiocre. » (Saint Loup au sujet d’un de ses assistants coiffeurs gay, dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot) ; « Moi, je choisis des pièces contemporaines où il n’y a que des mecs à poil sur scène. » (Dominique dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Il avait transcrit en japonais : ‘Quoi ? Zob, zut, love’, des bulles presque courantes, n’ayant pas envie de faire un véritable effort de concentration. L’empereur Hiro-Hito en fut bouleversé et décida de le sacrer Prince des poètes du Soleil Levant. […] Ninu-Nip craignit d’être victime d’une plaisanterie douteuse. » (le narrateur de la nouvelle « Quoi ? Zob, zut, love » (1983) de Copi, p. 14) ; « Qu’est-ce que tu fais encore nu ? » (Junon trouvant Jupiter à poil dans une prairie, dans le film pourri « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, où tous les acteurs jouent à poil) ; « Ouais, j’suis un comédien raté. Et alors ? » (Dodo dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz) ; « Benjamin est chorégraphe. Comme tous les mecs qui ont raté leur carrière de danseur… » (Pierre parlant de son amant, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Écoutez-moi, vous le marchand, siffla Smokrev. Vous êtes un échec. Vous étiez un artiste médiocre dont tout le monde se moquait en société. » (le Comte Smokrev, homosexuel, titillant l’homosexualité continente de Pawel Tarnowski, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 482) ; etc.

 

ARTISTE 3 L'Anniversaire

Pièce « L’Anniversaire » de Jules Vallauri


 

Par exemple, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Jules, le héros homo, se fait d’abord passer pour un artiste incroyable : il demande à être appelé pompeusement « le Prince des Poètes » ou « L’Homme en noir ». Et puis au fur et à mesure, on découvre que c’est un homme pédant, un beau-parleur alcoolique, sans succès : « Je suis écrivain de littérature philosophique internationale… dans le porno. » Michèle, l’actrice de séries B qui passe la soirée à ses côtés s’étonne même qu’il démente son côté artiste : « Comment ?? Drogué, alcoolique et gay… Et t’es pas comédien ??? » Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, crée un jeu improvisé « le Jeu des Favoris ». Ninon, la bisexuelle, ne mâche pas ses mots : « C’est scolaire, homo, nul. » Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel se moque du cliché « ‘Le gay est doué dans l’art’ : mon cul ! ». Il raconte son essai raté de devenir musicien : « Un vrai désastre ! » Dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas, Maryline, l’héroïne bisexuelle, prof d’arts plastique, est présentée ironiquement par Sandra comme « une artiste fonctionnaire (le rêve pour tout intermittent du spectacle…) »… mais Anne-Charlotte, une amie de Maryline, prend sa défense : « Maryline n’est pas fonctionnaire ! C’est une artiste ! ».

 

Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Kyril, le dandy avec son monocle, fait des dessins et des poésies anarchistes, et organise des spectacles scandaleux qui se finissent en baston. Quant à Atos Pezzini, le prof de chant homosexuel, c’est aussi une « vieille pédale » jouant dans des opéras-bouffe qui n’ont pas de succès et qui sortant avec des petits éphèbes dont il collectionne les photos de nus « Tout le monde se moque de vous. » lui balance le Noir Madelbos à propos d’Atos et de son jeune amant Alberto.
 

Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Nounours, l’un des héros homos, est un artiste d’art contemporain qui peint des vagins en forme de nénuphars roses. Tout le monde gaffe quand, spontanément, il trouve « ces trucs moches » ignobles à regarder.
 

Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, il n’y a que des trentenaires homosexuels bobos qui sont des artistes ratés : par exemple, Simon a présenté son film « A-mor(t) » en ouverture d’un festival à Beaubourg, et ce fut un gros bide : « Après le court-métrage de Simon, les gens huent. Nous sortons. Les yeux de Simon perlent, il se retient. » Polly, l’une d’entre eux, leur fait le reproche de ne « créer » que pour satisfaire au fond que leurs pulsions sexuelles : « Vous me faites penser aux gens qui regardent des photos d’art de modèles nus en ayant la gaule. Tous ces gens qui n’ont pas encore compris que l’art ne servait pas à bander lamentablement. » (p. 36) La fusion constante entre cul et monde artistique gâche les talents, et transforme ces beaux-ardeux (plasticiens, photographes, écrivains de fortune) en imposteurs sincères : « Tiens, c’est Léo Durand, il est un écrivain raté, vous avez le même âge et je sais pas pourquoi, j’ai l’impression que vous êtes faits l’un pour l’autre ! » (Vianney présentant un mec à Mike, op. cit., p. 94)

 

Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Pierre-André, un dentiste, prend Nina, l’héroïne lesbienne, pour « une grande artiste en mosaïques », ce qui fait bien glousser Lola l’amante de Nina, ainsi que Vera la copine de celle-ci : « Il lui a donné l’illusion d’être une artiste ! » (Lola) Nina se console comme elle peut : « Y’a au moins quelqu’un qui me reconnaît un peu de talent. »
 

Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Philippe de Monceys, le héros homosexuel, est auteur de romans de gare. Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Prentice, le jeune auto-stoppeur hétéro accompagnant le couple de vieilles lesbiennes, est un artiste de seconde zone : lors de ses shows de danseur, son chorégraphe lui demandait de pisser sur scène en guise de geste « artistique ». Dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay, Nelligan Bougandrapeau, le héros homosexuel, dit qu’il a « passé son enfance à voir qu’il n’a aucun talent pour l’écriture ». Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Russell, le héros homosexuel, écrit des nouvelles de merde. Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Duccio, le personnage homo, est un simple acteur figurant. Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik, le héros homosexuel, conçoit des documentaires, et son prochain projet est un reportage « À la recherche d’Avery Willard » retraçant le parcours d’un photographe homosexuel qui a fait des nus à New York et qui est décrit comme un homme sans talent par ses proches collaborateurs. Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Zach, le héros homosexuel, se décrit lui-même comme un réalisateur raté : « Je fais des films de mariage pourris et j’enchaîne les petits boulots. Je n’ai aucune relation stable. Je suis un 7 que les 9 rejettent. » Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Tedd, le héros homosexuel, est dramaturge et écrit des pièces rétro qui n’intéressent personne ; il ne cache pas qu’il ne fait ça que pour l’argent : « Moi ce que je vise, c’est le fric. » Dans la série nord-américain Modern Family (2009-2011), Cameron, un des héros homos, est un clown raté qui n’arrive pas à faire rire. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Rudolf, l’un des héros gays, a été jadis libraire, et écrit des romans narcissiques et indigents à souhait. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Franz, le héros homosexuel, n’a pas de boulot mais veut vaguement faire « quelque chose qui ait un rapport avec l’art ». Dans le film « The Comedian » (2012) de Tom Shkolnik, Ed, le héros homo, galère à Londres comme comédien stand up. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, se destine à aller dans une école artistique à Juilliard (Québec)… mais son parcours se révèlera de courte durée car c’est un caïd refusant de travailler et complètement instable. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben se demande s’il arrivera à devenir célèbre avec ses toiles. Son amant à la fois le rassure et lui dit que ce n’est pas très important : « Il y a un nouveau peintre à la mode toutes les semaines… J’adore tes tableaux. Et je me fiche de l’avis des autres. » Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, Paul est comédien dans du théâtre contemporain merdique reprenant du Shakespeare : Rodney a trouvé ça d’une « nullité » incroyable. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Vincent, le héros homosexuel, est montré comme un violoncelliste raté, qui ne gagne que des petits cachets. Dans l’épisode 1 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric le héros homo se ridiculise devant tout le monde en ratant sa prestation publique de trompette dans l’amphi de sa High-school. Il est d’ailleurs surnommé « Trompette en l’air » par ses camarades après cela. Dans le film « Le Journal de Bridget Jones » (2001) de Sharon Maguire, Tom, le meilleur ami gay de Bridget, est l’artiste d’un « tube » tombé dans l’oubli et datant d’un disque sorti il y a 9 ans.

 

Le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) égratigne les artistes bobos homosexuels qui organisent des ateliers artistiques bidon : Océane Rose-Marie évoque avec un brin d’ironie ses « copines lesbiennes profs de peinture sur soie dans la Creuse ». Dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, Lola la lesbienne est décrite comme une « comédienne ratée ». Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Levi fait partie d’un groupe de rock merdique, les Participe Présents, qu’il finira par quitter. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, Frank s’essaie à l’écriture (il dit qu’il « écrit sur les tulipes et les antiquités. »), et son copain, Jonathan, lui avoue qu’il ne sera pas un journaliste « assez doué ». Dans la pièce La Dernière danse (2011) d’Olivier Schmidt, quand Jack Spencer se vante à son amant Paul Wood d’« avoir du talent », celui-ci lui répond cyniquement : « C’est ce que tu crois… » Il finit quand même par réussir un peu dans le milieu de la danse, mais perd vite son titre, pour finir comme une misérable « star déchue » : « Jack Spencer, après avoir touché la lune, touche le fond » indique un article de journal. Paul Wood suit le même parcours que son copain : il était danseur de ballet de l’Opéra mais sa carrière a été de courte durée : « La roue tourne. Personne n’en sort indemne. » Dans le spectacle Charlène Duval… entre copines (2011), les journalistes se délectent à annoncer que « la carrière de Charlène Duval est finie ». Dans le roman Accointances, Connaissances, et Mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, Bertrand, homosexuel, est un acteur de seconde zone, subissant une retraite anticipée : « On ne parle plus beaucoup de lui dans les journaux à potins, sauf pour lui rappeler qu’il n’est plus rien, figurant dans le film de série B qu’est devenue sa vie. » (p. 36). Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, John, le héros homo, fait des séries B puis sombre dans l’oubli et meurt d’une overdose. Par ailleurs, à deux reprises au cinéma – dans le film « Fame » (2009) de Kevin Tancharoen et le dessin animé « Anastasia » (1997) de Don Bluth et Gary Goldman, pour être précis –, j’ai vu des mises en scène de casting où c’est le personnage homosexuel ou androgyne qui est recalé, se ridiculise, et déprime les sélectionneurs (mais il doit y en avoir bien d’autres, à en croire les « best of du pire » que l’on retrouve sur des émissions de télé-réalité comme La Nouvelle Star de la chaîne française M6)

 

ARTISTE 4 Sulky

Sulki et Sulku dans le film « Musée haut, Musée bas » de Jean-Michel Ribes


 

Et le pire, c’est que le protagoniste homosexuel se rend parfois compte qu’il n’a pas la vocation d’être artiste : « J’ai pas de talent. » (Jean-Marc, l’écrivain raté et « sans envergure » de la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; « J’étais même pas foutu de faire un cendrier qui était pas bancal. » (Jean-Luc, le héros homo ayant monté son propre atelier poterie, dans la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch) ; « Certains diront que j’ai écrit une œuvre illisible, inabordable, incompréhensible, inintéressante ou je ne sais quoi encore. Je ne cherche pas à nier qu’il s’agit d’une œuvre incommode […]. » (la figure de Marcel Proust, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 112) ; « Je ne suis qu’un violoneux de 3e ordre. » (la figure très queer de Sherlock Holmes dans le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder) ; « C’est pire que du Bacchus. » (cf. la chanson « Tango » dans le concert Chansons bleues ou à poing (2009) de Nicolas Bacchus) ; « J’ai essayé d’écrire, moi aussi. Un échec. » (Peter dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz) ; « Vous savez, je n’avais pas une ombre de talent, je ne savais que m’habiller et m’efforcer de paraître jolie. » (Angela, lesbienne et artiste de music-hall, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 236) ; « J’ai essayé et échoué toute ma vie. » (l’écrivaine lesbienne Vita Sackville-West, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; « J’ai l’impression de rater tout ce que je fais. » (Alma, l’héroïne lesbienne dans le téléfilm Under the Christmas Tree (Noël, toi et moi, 2021) de Lisa Rose Snow) ; etc. Les personnages lesbiens du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) sombrent dans la désespérance face à leurs limites de créateurs : « Je ne serai jamais un grand écrivain à cause de mon corps insupportable et mutilé… » (Stephen, p. 285) ; « Dégingandée, impuissante, désordonnée et terriblement découragée, Jamie luttait pour finir son opéra, mais, ces derniers temps, elle détruisait très souvent son travail, sachant que ce qu’elle avait écrit était sans valeur. » (p. 517) Dans les pièces de Tennessee Williams, en général, les artistes détruisent toujours leurs œuvres. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo arrive au même constat d’échec face à sa carrière de dessinateur : « J’ai raté ma vie. » Dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut, le professeur Foufoune, homosexuel, est un artiste frustré puisqu’il aurait voulu faire du cirque au lieu de travailler dans un asile psychiatrique. Dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino, Antonia, l’ex de Julia, se définit comme « poubellologue ». Dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, Max, le héros homosexuel, dit qu’il est un « acteur amateur en fin de droit ». Dans le film « Parking » (1985) de Jacques Demy, Orphée est un chanteur populaire qui sait qu’il mourra avec ses chansons, qui est souvent mécontent de ce qu’il produit, qui est tout aussi mécontent lorsqu’on lui fait savoir que ce qu’il produit est mauvais. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon torpille les messes (« La messe est un spectacle. On raconte de la merde, ça rapporte de l’argent. »)… mais ensuite décrit son propre show comme un « mestacle »… Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, aimerait savoir bien écrire, et pensait que son arrivée à Paris allait l’inspirer… mais il avoue que ce n’est pas magique.

 

Il se dit parfois que pour être moins ridicule et visible, il lui suffit d’assumer, voire de grossir, la nullité de ses œuvres : illusion narcissique s’il en est ! « C’est sûrement pas être artiste que d’frapper sur un piano. C’est sûrement pas être poète que d’chagriner la p’tite fille assise au bord du Styx. […] Les producteurs trouvent ça bien. Toi et moi on l’sait quand même, on n’est pas loin d’l’enfer. […] On est tous des imbéciles. On est bien très bien débiles. C’qui nous sauve c’est le style : équivoques et aussi paradoxes, et ça suffit. » (cf. la chanson « On est tous des imbéciles » de Mylène Farmer) ; « Sur fond d’musique baba ou variété débile. Stratégie oblique oblige. » (cf. la chanson « Mes Amis et moi » d’Arnold Turboust) ; « Peu importe le fond, la forme… Admirez ma technique ! » (Leni Riefenstahl dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Elle attribue le succès du livre, moins à son fond qu’à sa forme. » (Françoise Dorin, Les Julottes (2001), p. 85) ; « Y avait rien de politique, rien d’artistique dans ce que Willie disait. Il n’était pas cultivé. C’était de la bouillie. » (Tristan Garcia, La Meilleure part des hommes (2008), p. 55) ; « C’était devenu un style, le style : tant que je parle, j’ai raison, je peux mentir ou j’ai rien à dire, j’ai raison – j’ai la parole, et ça s’appelle un livre ; William allait bien là-dedans. » (idem, p. 135) ; « Tout art est parfaitement inutile. » (Oscar Wilde cité par la conteuse dans la pièce Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, mise en scène par Imago en 2012) ; « Moi, je suis une artiste brute. J’ai besoin d’aller jusqu’au bout de moi-même. » (David Forgit, le travesti M to F, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; etc. Dans une auto-parodie qui sent l’aveu indirect, Essobal Lenoir, l’auteur du recueil Le Mariage de Bertrand(2010), arrive à s’étonner que son « éditeur ait accepté de publier son écœurant opuscule » (p. 168)

 

ARTISTE 5 Élie Sémoun

Saint-Brice par Élie Sémoun


 

Dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, le personnage de Pietro dévoile très bien les stratégies de camouflage de la supercherie artistique mises en place par l’Homme qui ne veut pas renoncer à son titre de « génie » : « Il faut inventer de nouvelles techniques, impossibles à reconnaître, qui ne ressemblent à aucune opération existante, pour éviter la puérilité du ridicule, se construire un monde propre, sans confrontation possible… pour lequel il n’existe pas de mesures de jugement… qui doivent être nouvelles comme les techniques. Nul ne doit comprendre qu’un auteur ne vaut rien, qu’il est anormal, inférieur, que comme un ver, il se tord et s’étire pour survivre. Nul ne doit le prendre en péché d’ingénuité. Tout doit paraître parfait, fondé sur des règles inconnues… donc, non mises en doute… comme chez un fou, oui, un fou. Verre sur verre, car je ne sais rien corriger… et nul ne doit s’en apercevoir. Un signe sur un verre… corrige sans le salir… un signe peint auparavant sur un autre verre. Il ne faut pas qu’on croit… à l’acte d’un incapable, d’un impuissant. Ce choix doit paraître sûr, solide, élevé et presque prépondérant. Nul ne doit se douter qu’un signe est réussi ‘par hasard’. ‘Par hasard’, c’est horrible. Lorsqu’un signe est réussi, par miracle, il faut immédiatement le garder, le conserver… Personne ne doit s’en percevoir. L’auteur est un idiot frissonnant, aussi mesquin que médiocre. Il vit dans le hasard et dans le risque, déshonoré comme un enfant. Sa vie se réduit à la mélancolie et au ridicule… d’un être qui survit dans l’impression… d’avoir perdu quelque chose pour toujours. » Comme Lourdes, l’héroïne de la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier, qui dit qu’elle « va remplir avec du vide », le faux artiste homosexuel essaie de substituer le travail de déguisement de la médiocrité de son œuvre artistique à l’œuvre artistique elle-même ! Dans Les Petites Annonces d’Élie Sémoun, Gérard Saint-Brice, le (très androgyne) directeur de théâtre contemporain proposant des mises en scène complètement rasoir et barrées, cultive une ambiguïté sexuelle qui parachève l’équation « théâtre-masturbation-intellectuelle = théâtre homosexuel ». Dans le film « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman, la figure de l’artiste raté homosexuel renvoie clairement à l’inceste, puisqu’à un moment du film, Mino joue à son père écrivain une pièce intitulée Le Tombeau des illusions ou l’art fantôme. Il prononce ces mots : « Je suis roi d’un royaume qui est petit mais très pauvre. Je suis artiste ! Oui. Princesse. Artiste pur sang. Poète sans poèmes, peintre sans tableaux, musicien sans musique. Je méprise l’art fabriqué, résultat banal d’efforts vulgaires. Ma vie est mon œuvre vouée à mon amour pour toi. »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’artiste raté :

Les artistes homosexuels n’ont pas souvent bonne réputation. Ils sont connus comme faisant partie intégrante du paysage audiovisuel et artistique, certes, mais passent pour des amuseurs plus que pour des artistes compétents. Par exemple, dans Palimpseste – Mémoires (1995), Gore Vidal est décrit par Latouche comme le « Lope de Vega de la télévision » (p. 420) car fait un travail de nègre trop prolifique et commercial. Il ne dément pas cet avis. « On disait que j’étais ‘le petit pisse-copie de Hollywood’, ce qui n’était pas complètement faux. » (idem, p. 482) Dans l’essai De Sodoma A Chueca (2004) d’Alberto Mira, Jacinto Benavente est qualifié de basique « dramaturge de théâtre de boulevard » (p. 108). Josyane Savigneau, dans sa biographie de Carson McCullers (1995), rapporte que Carson McCullers est considérée comme une « auteure mineure » (p. 11). Les papiers écrits sur les célébrités homosexuelles ou les icônes de la communauté gay ne sont pas dithyrambiques, c’est le moins qu’on puisse dire… : « Chez Mylène Farmer, c’est la sensation d’un trop. Trop de cordes, trop de nappes, trop de chœurs, pas la place de respirer. » (cf. la revue Télérama, mai 1999) ; « Mylène Farmer, c’est un peu comme la Joconde. Tout le monde la voit, mais personne ne l’entend. » (Samuel Laroque dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Oscar Wilde fut un créateur prolifique, public, commercial, de mauvaise qualité, trivial, répétitif. Il fut un plagiaire. » (Neil Bartlett, Who Was That Man ? A Present for Mr Oscar Wilde (1993), pp. 201-202) ; « Il n’a rien écrit, il ne chante pas, il ne peint ni ne joue, il ne fait que parler ! » (Richard Ellmann, Oscar Wilde, cité par Anne-Sylvie Homassel, « Le Soleil Wilde », dans Magazine littéraire, n°343, Paris, mai 1996, p. 30) ; « L’image que l’on retient de cet auteur est celle d’un raté, non seulement peu cultivé, mais aussi peu intelligent : un espèce de bouffon grotesque sans cour qui croit qu’il est difficile de comprendre la vérité et surtout qu’il est obligatoire de le dire. » (Pier Paolo Pasolini concernant Witold Gombrowicz, cité sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003)

 

Les critiques de la production artistique sur l’homosexualité fusent et concordent pour dire que les trois-quarts du temps elle rase les pâquerettes : « Les résultats ? Presque toujours médiocres, sinon consternants. Une grande partie de la production littéraire et artistique homosexuelle se confond avec les plus vulgaires manifestations de la sous-culture pornographique hétérosexuelle. […] L’homosexualité, à peine libérée, n’a rien eu de plus pressé que de débonder ses fantasmes en oubliant de se donner des contraintes intérieures, contraintes sans lesquelles il n’y a pas de véritable création. » (Dominique Fernandez, L’Amour qui ose dire son nom (2000), pp. 301-302) ; « Mièvrerie et fadeur de l’ensemble : plus le sentiment homosexuel cherche à s’exprimer, sans métaphores ni faux-semblants, plus il perd en force et en saveur. C’est une loi que nous aurons l’occasion de vérifier. » (idem, p. 69) ; « L’homosexualité a atteint un niveau de banalisation inimaginable précédemment. Cette normalisation tous azimuts ne va toutefois pas sans une forme d’affadissement, qu’on retrouve peu ou prou dans la plupart des cinématographies occidentales. » (Didier Roth-Bettoni, L’Homosexualité au cinéma (2007), p. 418) ; « Mal écrit surtout, et ennuyeux, pour ‘faire littéraire’. À de tels auteurs, la modernité a appris que la littérature n’avait rien à dire. Barthes leur a montré la ‘fatalité du signe littéraire, qui fait qu’un écrivain ne peut tracer un mot sans prendre la pose particulière du langage’. Il a appelé à une ‘écriture blanche’, ‘innocente’ par son ‘absence idéale de style’. » (Pierre Jourde, La Littérature sans estomac (2002), p. 189) ; « Les textes attaqués en deux principales espèces : parataxe voyante, minimalisme syntaxique, lexical et rhétorique (écriture blanche). Inversement, syntaxe complexe, métaphores flamboyantes, énumérations (écriture rouge). Ces deux manières a priori opposées, la blanche et la rouge, reviendraient plus ou moins au même. L’écriture blanche est un mélange de naturalisme et de romantisme dégradé au même titre que l’écriture rouge : du drapé, de la posture, de la déclamation, charriant des morceaux de réalisme. L’une cherche à se singulariser dans une affectation de détachement, l’autre dans le cabotinage. Dans les deux, le désir de la singularité pour elle-même engendre le poncif. À ces deux espèces de faux-semblants, on en a ajouté une troisième, plus récente. On pourrait la baptiser écriture écrue. […] Petits objets du quotidien, gens de peu, prose poétique, effets stylistiques discrets mais repérables. L’écriture écrue, elle aussi, part du principe de l’authenticité. Elle fait croire que son originalité tient à la modestie de ses objets. » (idem, pp. 38-39) Le bilan artistique homosexuel est tellement pitoyable que certains en arrivent à se demander : « Mais est-il vraiment indispensable d’être hétérosexuel pour avoir du talent, voire du génie ? » (Lionel Povert, Dictionnaire gay (1994), p. 11)

 

ARTISTE 6 Warhol Marilyn

La Marilyn Monroe d’Andy Warhol


 

L’artiste homosexuel connaît souvent « ce statut d’utilité frivole qui lui fait mesurer tout ce qui le sépare des véritables créateurs » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 299). Par exemple, sur l’aveu du « couple » Pierre Bergé/Yves Saint-Laurent, l’Empire YSL a démarré sur un gros coup de « bluff » et une manœuvre stratégique de Pierre Bergé. Saint-Laurent n’a eu le talent que du publiciste qui s’aligne et qui sent ce qu’attend de lui son époque. Et Pierre Bergé, le talent du gestionnaire cupide et profiteur. Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves le lui rappelle vertement : « Espèce de raté ! T’es un parasite ! » Francis Bacon, quant à lui, est très surpris d’avoir autant de succès. D’ailleurs, il affirme haïr ses toiles : « Je n’ai pas le sentiment d’être créatif. Je fais partie de ces gens qui ont reçu une grande dose de chance. » (cf. le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton) Dans le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) Yves Riou et Philippe Pouchain, on apprend que Jean Marais « se voit traiter de plus mauvais acteur de France » quand il interprète Œdipe-Roi de son amant Jean Cocteau. Lui-même confirme : « J’étais très très très mauvais. » Et en effet, il a été refusé au conservatoire, n’a été connu que grâce à ses relations et sa réputation sulfureuse (c’était l’artiste raté qui osait jouer presque nu, à l’époque). Autre cas : celui du réalisateur italien Pier Paolo Pasolini. Plus que pour ce qu’il a écrit ou fait, c’est sur ses intentions qu’il a été jugé surtout. « Bien sûr, ça a fait scandale. Comme tout ce qu’il faisait. » (Dacia Maraini dans le documentaire « L’Affaire Pasolini » (2014) d’Andreas Pichler) Quelques jours avant sa mort, il interprétait le silence qui l’entourait comme un « symptôme d’incompétence » (idem). Bruno Ulmer, obnubilé par la publicité, fait un art pop de la redite, peu inventif (cf. le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre). « Je ne me sens pas un écrivain » dit Jean-Luc Lagarce dans son Journal : il déprime de ne pas parvenir à « vendre ses salades » (c’est comme cela qu’il qualifie ses livres). Andy Warhol, quant à lui, est très lucide sur la qualité de son œuvre : « Je suis peut-être célèbre mais c’est sûr que je ne produis pas du beau travail. Je ne produis rien. » (cf. le reportage « Vies et morts de Andy Warhol » (2005) de Jean-Michel Vecchiet) ; « Les choses que je désire montrer sont mécaniques. Les machines ont moins de problèmes. Je pense que quelqu’un devrait être capable de faire toutes mes toiles à ma place. » (Andy Warhol cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 452) Quentin Crisp ne déroge pas à la tendance homosexuelle à la médiocrité : « Emblème du ratage social, il ne fait rien de bien probant et se considère désormais comme un raté. À défaut de mettre son talent dans son œuvre, il va exceller à en mettre dans sa vie. » (Lionel Povert, Dictionnaire gay (1994), p. 151) ; etc.

 

Par exemple, dans son film « La Bête immonde » (2010), le chanteur et réalisateur Jann Halexander présente (avec sévérité ou réalisme ?) sa trilogie sur Stratoss Reichmann à travers son personnage d’Ariane : il lui fait dire qu’il fait des films et des romans de mauvaise qualité : Ariane parle en effet d’un artiste qui a écrit sur Stratoss Reichmann « un roman qui a donné lieu à un film en deux parties, sans grand intérêt d’ailleurs ».

 

Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, c’est assez pathétique : Bertrand Bonello se filme en train de douter de l’utilité de son travail, et en faire un reportage : « Je ne sais pas où ça va. ». Ses amis bobos essaient de le rassurer sur son projet vide comme ils peuvent : « C’est casse-gueule. Mais c’est ce que j’aime. Sans scénario. Sans rien d’écrit. » (Alice) Il se fait interroger par un journaliste homo sans discours, sans avis (« Je ne sais pas trop quoi dire… »), mal dans sa peau (« J’arrête pas de rougir… Je me demande ce que je vais devenir. » ; « J’ai même songé à disparaître. »), qui lui pose des questions creuses (« Est-ce que la contradiction est une valeur artistique, un espace ? »).
 

Pendant tout le film biographique « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, l’écrivain homosexuel Allen Ginsberg est décrit comme un auteur de pacotille : « Je pense qu’il n’a aucune valeur littéraire. » (une femme témoin s’exprimant au procès d’Allen Ginsberg par rapport au recueil de poèmes « Howl ») Il confirme sa réputation d’imposteur artistique puisqu’il dira lui-même de son vivant que son poème « Howl » n’est qu’un ramassis de « conneries sensibles » : « J’escroque un peu mon monde. » Et ses quelques défenseurs bobos ne trouvent, à sa décharge, que les intentions : ils ne parlent jamais de l’œuvre de Ginsberg en elle-même, mais de ce qu’elle « aurait voulu dire » : l’honnêteté, la sincérité, la provocation, une transcendance, la dénonciation sociale, la puissance des mots, etc.

 

Pour certains « artistes » homosexuels, la revendication de la nullité artistique agirait comme paravent voire comme une conjuration magique de cette même nullité. Tel artiste ose dire qu’il est médiocre = c’est donc qu’il est génial ! Par exemple, André Gide et Pierre Louÿs créent en 1889 la Potache-Revue. Paul Verlaine et Arthur Rimbaud inaugurent le mouvement littéraire « zutiste ». Andy Warhol vénère la « célébrité d’un quart d’heure ». Aymeric Peniguet de Stoutz dit qu’il « n’a absolument rien contre le léger et le ludique : ‘Le superflu, chose très nécessaire’ disait Voltaire ! » (cf. le Magazine Égéries, n° 1, décembre 2004/janvier 2005, p. 80) Vanité des vanités, tout est vanité ! (… surtout la vanité !)

 

Comme dans les fictions, c’est l’argument du style qui revient pour faire illusion, tout cela dans le but d’occulter le manque de fond. Roland Barthes souligne dans la pensée baroque « la prévalence de la forme sur le fond » (Roland Barthes, « La Face baroque », Le Bruissement de la langue, 1984). Selon ces pseudo artistes, l’Art n’aurait pas de but, ne devrait pas avoir de dialectique, sous prétexte qu’il n’a pas qu’un seul sens ni qu’une seule perception de Lui : l’Art « serait », de toute éternité. Par exemple, Gilles Deleuze et Félix Guattari, dans leur manifeste L’Anti-Œdipe (1973), pensent « l’art comme un processus sans but, mais qui s’accomplit comme tel. » (p. 443) ; « C’est cela le style, ou plutôt l’absence de style, l’asyntaxie, l’agrammaticalité : moment où le langage ne se définit plus par ce qu’il dit, encore moins par ce qui le rend signifiant, mais par ce qui le fait couler, fluer et éclater – le désir. Car la littérature est tout à fait comme la schizophrénie : un processus et non un but, une production et non pas une expression. » (idem, pp. 158-159) En général, le geste artistique que ces « artistes » cautionnent n’est pas maîtrisé, prémédité (la seule chose calculée, c’est le fait justement que ce ne soit pas calculé ! Belle hypocrisie !) : « Ma méthode de dessin ressemble à l’improvisation du jazz » déclare Jean Cocteau (cf. le documentaire « Cocteau et compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier). Parfois, cela donne des phrases qui ne veulent objectivement rien dire mais qui font profondes, une dégoulinade verbale ininterrompue et sans goût : « Le rôle de l’art consiste à saisir le sens de l’époque et à puiser dans le spectacle de cette sécheresse pratique un antidote contre la beauté de l’inutile qui encourage le superflu. » (Jean Cocteau cité par Gérard de Cortanze, « Le Journal de l’inconnu », dans Magazine littéraire, n°423, Paris, septembre 2003, p. 54) Vous comprenez cette phrase, vous ? (Moi pas). Comme l’explique à juste raison Élisabeth Lévy dans Les Maîtres censeurs (2002), « cette idéologie dominante qui se pense libérée de toutes les idéologies ne peut triompher qu’au prix d’une abdication fondamentale qui conduit à faire prévaloir l’émotion sur la compréhension, la morale sur l’analyse, la vibration sur la théorie. » (p. 17) Les artistes homosexuels s’appesantissent en général sur les sens pour délaisser le Sens.

 

ARTISTE 7 Cocteau

Lithographie de Jean Cocteau

 

Depuis un certain temps dans le cinéma homo-érotique, c’est la mode : beaucoup de réalisateurs (Pasolini dans « Salò ou les 120 journées de Sodome », Christophe Honoré dans « Métamorphoses », ou encore Karim Aïnouz dans « Praia Do Futuro ») se mettent à chapitrer leurs films. Le chapitrage, ça fait plus intello et un peu moins merdique. Ça donne un semblant de sens à ce qui ne prétend pas en avoir.
 

Le modèle du genre, dans le registre des œuvres homosexuelles bobos merdiques, c’est quand même les films de François Zabaleta. J’étale mes goûts, je m’écoute ressentir… et je vois ce que ça donne… et même si ça donne de la merde, ça serait quand même génial parce que je m’en rendrais compte. Par exemple, dans son film narcissique « Le Cimetière des mots usés » (2011), on y entend l’éloge du ratage artistique : « Julien s’abuse. Il n’a aucun talent. » (Daniel parlant d’un écrivain et ami à lui) ; « Dans le ratage, on est condamné à l’originalité. […] Le ratage n’est pas une stratégie. […] Il n’est pas donné à tout le monde d’être un vrai raté. » (Daniel) ; etc. Les héros de ce navet cinématographique s’écoutent parler, sans chercher à énoncer une quelconque vérité intelligente ou à donner un sens à leur verbiage. Leur manque de prétention suffit à leur tenir chaud : « Mots qui me viennent à l’esprit quand je pense à toi… » (Denis à son amant Luther) Zabaleta philosophe sur la nullité artistique. Il fait même créer à ses personnages homosexuels des « Musées des projets avortés ». L’un de ses héros, Denis, dit « s’entêter à être un artiste », mais comme il voit que ça ne marche pas, il finit par dénigrer tout talent artistique : « Le pire ennemi de l’artiste, c’est le savoir-faire. […] Est-ce que ça sert à quelque chose d’être un artiste ? »

 
 

b) On parle plus de l’image scandaleuse que va engendrer l’artiste que de l’œuvre en elle-même :

ARTISTE 13 Copi pages culturelles

B.D. « Kang » de Copi


 

« Ce n’est pas son œuvre qui faisait de Wilde un héros : c’était sa légende » dit-on du dandy britannique le plus connu de tous les temps, et célébré comme la crème de la crème des artistes homosexuels (cf. le documentaire « Pierre Louÿs : 1870-1925 » (2000) de Pierre Dumayet et de Robert Bober) Par exemple, l’essai Corydon (1905) d’André Gide semble avoir eu le succès de l’image, du scandale, mais n’a pas été jugé concrètement pour ce qu’il disait ; à propos de cet ouvrage, Guillermo de Torre affirme en 1956 que « Corydon n’est pas tant une œuvre absurde qu’une œuvre inutile » (cf. l’article « Anverso Y Reverso de André Gide », dans l’essai Metamórfosis De Proteo de Guillermo de Torre, 1956). Christine Angot est davantage connue pour le scandale suscité par L’Inceste (1999), et l’étonnement qu’un livre pareil puisse se vendre comme des petits pains, que pour la qualité de ce qu’elle a écrit. Dans son émission Apostrophe du 20 mai 1983 sur Antenne 2, Bernard Pivot dit combien le travail du peintre Salvador Dalí repose sur la fanfaronnade : « Dalí, c’est le fric, le scandale, l’esbroufe. » Dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, l’excentrique Brüno (un mélange de Steevy, de Nabila et d’Afida Turner, mais à la sauce nord-américaine), affublé de la méritée réputation de « crétin sans talent », joue de son bagou – et par la même occasion de ses déhanchés de mannequin, de sa gueule et de son cul – pour faire illusion sur la bêtise de ses propos et la violence de ses happening. Avec le vidéo-clip de la chanson « Je suis gay » de Samy Messaoud, on comprend que l’intention (militante, « artistique », « provocatrice ») passe avant la création.

 

La victoire du paraître sur l’être fait beaucoup de bruit et de sensation, mais tout le monde ne mord pas à l’hameçon. Dans ses articles très connus sur le camp, la philosophe nord-américaine Susan Sontag croque à souhait ce qu’on pourrait appeler la « prétention prétentieuse » de ces artistes (homosexuels ou hétérosexuels, peu importe ; surnommés aujourd’hui « artistes des genres » ou « queer ») qui s’attribuent le label d’« artistes d’avant-garde » sans que personne, pas même ceux qui sont censés évaluer leurs productions, ne leur résiste : « Les critiques qui entendent louer une œuvre d’art se croient tenus en général de démontrer que chaque partie est indispensable et qu’il serait impossible de rien changer. Mais l’artiste, qui se souvient du rôle que jouent la chance, la fatigue, les distractions, se rend bien compte que les déclarations du critique ne correspondent pas à la réalité, qu’en bien des points le résultat pouvait être fort différent. L’impression que tout dans un chef-d’œuvre est d’une nécessité absolue ne vient pas du fait que chaque partie devait être présente, mais de la cohérence du tout. » (cf. l’article « À propos du style » (1968), p. 63) Susan Sontag tourne en dérision le tour de passe-passe de ces artistes qui saturent leurs œuvres d’art de style et de forme pour nous faire oublier qu’elles proposent peu de sens : « Il existe, à mon sens, entre ‘style’ et ‘stylisation’ une différence du même ordre que celle qui distingue la volonté de la bonne volonté. » (idem, p. 64) ; « Mettre l’accent sur le style, c’est faire peu de cas du contenu, ou refuser tout engagement par rapport au contenu. Il va sans dire que le mode de sensibilité exprimé par le ‘Camp’ est entièrement non-engagé et dépolitisé, ou, à tout le moins, apolitique. » (cf. l’article « Le Style Camp » (1968), p. 424) ; « De nombreux exemples de ‘Camp’ sont, soit des œuvres ratées, soit des fumisteries. » (idem, pp. 426-427)

 

Enfin, pour vous convaincre de l’océan de nullité dans lequel la culture homosexuelle est tombée, je vous suggère une idée toute simple : il vous suffit d’ouvrir un numéro de Têtu, la revue censée nous représenter, nous, personnes homosexuelles. Et vous aurez l’illustration de ce que j’ai essayé de vous montrer !

 

L’Art véritable, par définition, a deux vocations : celle de refléter le Réel (visible et invisible : je n’ai rien contre l’art contemporain ou non-figuratif et non-naturaliste, encore une fois) et celle de révéler la beauté de l’Homme. Toute oeuvre qui ne respecte pas ces deux critères, n’est pas, à mon avis, artistique. Et comme la majorité des oeuvres faites par les personnes actuelles s’appuient sur la justification du désir homosexuel sous forme d’identité et d’amour alors que le désir homosexuel est éloigné du Réel et qu’il défigure l’Homme dès qu’il cherche à se pratiquer, il est difficile de trouver parmi elles de véritables artistes dignes de ce nom.

 
 

3 – COPI : L’EXEMPLE DU FAUX ARTISTE

ARTISTE 10 Copi

Copi


 

J’ai décidé de terminer cet article consacré au code de l’« Artiste raté » dans les œuvres homosexuelles par un focus spécial sur une vedette homosexuelle que je connais plutôt bien puisque j’avais amorcé une thèse sur elle : il s’agit du dessinateur, dramaturge, et romancier argentin Copi (1939-1987).

 

ARTISTE 9 livre blanc

 

Avec son air goguenard et son culot (corrosif pour son époque), il est parvenu à embobiner un peu son monde à propos de ses qualités artistiques… et il continue surtout de le faire post mortem, puisqu’on voit au sein du monde du théâtre contemporain actuel ses pièces exploitées jusqu’à épuisement complet des troupes dans les théâtres nationaux de France et de Navarre ! L’art de manipuler les autres et de faire croire à son talent fictif, est-ce aussi du talent, quand bien même cette vocation soit plus travaillée, plus tardive, plus artisanale, et plus volontariste, que véritablement innée ? Si certains veulent y croire dur comme fer et applaudir aveuglément à l’intention et au mérite, à la flagrance queer, moi je n’y crois pas du tout. Copi, à mon sens, est un « artiste raté ». Un artiste raté réussi, c’est vrai, mais un artiste raté quand même ! Un chanceux plus qu’un talentueux. Il y en a, des comme ça, qui passent par les mailles du tamis de la célébrité. Mais ne nous excitons pas sur leur compte : c’est par accident (et parce qu’ils font un moment recette) qu’ils jouent dans la cour des grands ; non par une manœuvre maîtrisée et la reconnaissance méritée d’un réel talent. Je le dis sans peur ni aigreur personnelle.

 

ARTISTE 11 Kang Jus de culture

B.D. « Kang » de Copi


 

Copi a cultivé toute sa vie le double jeu, la contrefaçon. Déjà, à l’âge de 10 ans, on le découvre plagiaire du poète Lorca alors qu’il se voit offrir une bicyclette pour son beau poème. Par la suite, artistiquement, sa vie de jeune artiste fils-à-papa commence très bas : il erre dans les rues de Paris, et vend ses collages sur le Pont des Arts ou à la Coupole. Il est le père de La Femme assise, bande dessinée publiée dans le Nouvel Observateur, et connaît une petite notoriété dans les années 1960 grâce à elle. Touche-à-tout du milieu artistique, il collabore avec le monde de la publicité (« Perrier c’est fou ! », c’est lui). Il devient l’auteur de quelques romans et de pièces de théâtre telles que La Tour de la Défense ou Eva Perón, passées à la postérité bien après sa mort, notamment grâce au metteur en scène Marcial Di Fonzo Bo. Quand Copi meurt en 1987, pas une ligne ou presque n’est traduite dans son pays.

 

ARTISTE 21 Femme assise Mauvais roman

B.D. « Femme assise »


 

Aujourd’hui, on déroule le tapis à l’œuvre de Copi, parce qu’il est l’un des premiers artistes homosexuels connus à être frappés violemment par le Sida, et que son franc-parler est irrévérencieux et d’une violence incroyable… mais il semblerait que notre intelligentsia artistique actuelle ait la mémoire courte : si on ne regarde que le public – qui, contrairement à ce qu’essaient de nous faire croire les adulateurs snobinards de Copi – est le principal roi à servir par les comédiens, et le meilleur juge d’une œuvre artistique, si on sort des considérations purement intellectualisantes d’artistes se flattant entre eux, on voit très bien que peu de spectateurs ressortent rassasiés par l’œuvre de Copi. Soit ils quittent précipitamment la salle (rappelons le tollé qu’a suscité la représentation de La Tour de la Défense au théâtre Fontaine de Paris, en 1981 ; ou bien le merveilleux flop de la version italienne de Loretta Strong au Théâtre Gerolamo de Milan ; ou encore les vives réactions au sein de la rédaction de Libé et parmi les lecteurs quand Copi a commencé à déraper avec son personnage de B.D. transsexuel « Libérette »…), soit ils s’emmerdent, soit ils ressortent choqués… et pour ne pas passer pour des cons, ils disent qu’ils ont adoré (ceux qui détestent n’ont pas trop l’énergie de chercher à dire pourquoi). Et pour cause ! Copi se fout bien de son public : « Je ne regarde jamais le public, cela me ferait retomber sur terre. » dit-il dans l’article « Copi lit sa copie, c’est du joli » de Jean-Jacques Samary, au journal Libération du 5 novembre 1994) Sinon, il lui offrirait davantage de qualité et de contenu dans ses œuvres !

 

ARTISTE 20 Copi Rien

B.D. « Femme assise »


 

Alors que le vrai artiste est toujours un chercheur de Vérité, Copi, lui, envisage le chemin de la Vérité comme une prétention. Par exemple, il présente son roman La Cité des rats (1979) comme un banal manuscrit qui n’a pas été écrit pour être publié et qui est retrouvé par hasard. Selon l’auteur, c’est une manière « d’innocenter la personne qui raconte, en ce qui concerne ses prétentions littéraires. Parce que rien n’est plus ridicule que les prétentions littéraires chez un personnage de fiction. » Copi préfère se cantonner à la médiocrité, à produire un « théâtre du pauvre » (cf. article « Entretien avec Michel Cressole : Un mauvais comédien, mais fidèle à l’auteur » (1987) de Michel Cressole dans Libération)… comme ça, pas de risque de tomber de haut ! Dans la pièce Cachafaz (1993), par ailleurs, le héros essaie d’écrire un tango et soutient « qu’il sent venir l’inspiration », alors que Raulito lui rétorque qu’« il ne sait même pas écrire ». Dans les créations de Copi, les personnages jouent même les stars involontaires, ou les écrivains du dimanche : « Je lui ai fait remarquer très poliment que mon succès à la télévision est tout à fait accidentel. » (la voix narrative le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 54) ; « J’avais déjà raté plus d’un roman, j’insistai, et puis je n’avais aucune idée de nouvelle, c’est tout. » (la voix narrative dans la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé », Virginia Woolf a encore frappé (1983), p. 78) ; « Je publiai mon premier roman qu’il adora mais qui n’eut aucun succès. » (la voix narrative en parlant de son éditeur dans le roman Le Bal des folles (1977), p. 9) ; « Est-ce que le lecteur soupçonne que j’oublie ce que j’écris ? En tout cas bon débarras, un roman de plus, une avance de plus. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des folles, p. 155) Les narrateurs de Copi font un livre comme un enfant « a fini » son dessin pour enchaîner sur un autre gribouillis… mais pour eux, ce sera pour un autre cachet : « Qu’est-ce que tu écris vite, me dit-il [l’éditeur]. Un roman en une semaine ! En effet, ça fait juste une semaine que j’ai commencé. Qu’est-ce que je vais faire maintenant ? Je n’en sais rien, je vais me mettre à dessiner, j’écrirai peut-être une autre pièce. Avec les 5000 francs qu’il me donne je partirai me reposer une semaine à Rome, j’ai envie de me balader. » (la voix narrative du roman Le Bal des folles, p. 163)

 

ARTISTE 8 Kang fric

B.D. « Kang »


 

Copi semble davantage attiré par l’argent qu’il peut se faire sur le dos de son statut d’exilé politique argentin persécuté par la junte militaire de son pays d’origine (l’Argentine, c’est « in » = l’argent-« in ») ou de son originalité homosexuelle, que soucieux de produire de la qualité. Déjà, dans toutes ses œuvres, l’obsession pour l’argent saute à la figure : cf. les B.D. Kang (1984), la Femme assise, l’Acte 2 de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986). Et puis certaines répliques de personnages ne trompent pas : « Nous sommes inondés de chèques ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne, 1986) ; « Je n’ai plus l’âge de présenter des modes de plage ! Mon éditeur attend mon manuscrit depuis l’année dernière ! Je ne suis le mannequin que vous avez connu, je suis devenue écrivain ! Comment qu’est-ce que j’écris ? Mes mémoires ! Qu’est-ce que j’ai d’autre à écrire ? En plus, je vis de ça, des avances de mon éditeur ! » (« L. » à Hugh dans la pièce Le Frigo, 1983) Par exemple, dans le roman La Cité des rats, la figure de Copi-Traducteur ne rêve que de mettre « le chèque de son éditeur dans sa poche » (p. 156). Copi, en bon intrus complexé, n’est pas dupe sur son succès : il comprend inconsciemment qu’il est reconnu non pas tant pour son talent que pour son étrangeté sexuelle et étrangère, celle qui amuse teeeeellement la bourgeoisie parisienne, qui le rend si « typique » et « folklorique » : « Je vais te présenter en ville comme un jeune artiste qui débarque d’un pays exotique. » (« L. » au Rat dans la pièce Le Frigo) ; « Je suis un mauvais comédien, mais je suis fidèle à l’auteur. » (Copi affirmant qu’il ne voit pas quelqu’un d’autre que lui jouer dans sa pièce Le Frigo, cité sur l’article « Entretien avec Michel Cressole : Un mauvais comédien, mais fidèle à l’auteur » de Michel Cressole, 1987) Mais Copi, sûrement par arrivisme, et pour ne pas contredire ses quelques fans, s’est lui-même servi de l’excuse de la différence culturelle pour gravir les marches de la gloire et de l’argent sans trop d’effort (et beaucoup de drogue !) : « Je ne suis pas un romancier à la façon française ou tout autre ; je ne suis pas non plus un écrivain d’Apostrophe et, si j’ai participé à cette émission une fois, c’est parce que je suis latino-américain. » (Copi, La Quinzaine littéraire, 16 janvier 1988)

 

ARTISTE 24 Copi fric

B.D. « Kang »


 

Copi ne cache absolument pas son arrivisme et le fait qu’il se laisse téléguider par son époque. Son but est d’être l’ère du temps : « J’ai le Sida. J’attrape toutes les modes. » (Copi s’adressant à Facundo Bo, et cité dans l’essai Le Rose et le Noir, les Homosexuels en France depuis 1968 (1996) de Frédéric Martel, p. 479)

 

ARTISTE 12 Copi mode

B.D. « Kang »


 

Le but de Copi n’est pas de porter son œuvre, d’y exprimer un Essentiel universel. Il l’abandonne comme une malpropre, accouche sous X. « Lorsque j’écris un roman […], il s’écrit presque tout seul, après quoi je l’oublie, car je ne garde pas en mémoire mes romans. » (Copi dans l’article « Copi : ‘Je suis un auteur argentin même si j’écris en français.’ » de Raquel Linenberg, journal La Quinzaine littéraire du 16 janvier 1988) « Toute création étant hasardeuse » (le Dieu des Hommes, dans le roman La Cité des rats, 1979), la technique « artistique » de Copi repose essentiellement sur l’écriture automatique (les répétitions phoniques automatiques, les associations de mots par sonorité, les calembours faciles, les interjections, les cris, les injures, les rimes décontextualisées, les improvisations, les happening… même si le dramaturge dira qu’il vomit les happening et qu’il n’en fait jamais).

 

ARTISTE 14 Copi Ygrèque

B.D. « Kang » de Copi


 

Chez Copi, il n’y a pas à proprement parler d’Art (ars en latin signifie « savoir-faire ») mais plutôt un « ignorer-faire ». Ses sources d’inspiration sont gangrenées de culture télévisuelle de bas étage et de presse people : « Je commence mon deuxième projet de roman. Rien que des images de la télévision italienne me viennent à la tête. Je n’avance guère. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des folles, p. 145) L’Eva Perón de Copi est d’ailleurs comparée à « une Lady Macbeth de soap bon marché » (cf. l’article « L’Eva Perón de Copi au Chili » de Maia Bouteillet, dans le journal Libération du 26 janvier 2001). Dans ses romans, on a l’impression de lire du Guillaume-Dustan-racontant-ses-courses-au-Monop’ avant l’heure : « Je rentre chez moi en zig-zag […] j’ai sommeil, je me fais un viandox […] Je décide de me coucher […] Je rentre dans la chambre. » (la voix narrative du roman Le Bal des folles, p. 37) Copi écrivait d’un trait. Alfredo Arias, son confrère argentin, nous dit bien qu’« il n’aimait pas se corriger. » Et c’est quand on regarde vraiment son écriture, sans idées préconçues, que la lumière se fait. « Il faut bien écouter le texte. Il est d’une pauvreté sans pareille, émaillé de grossièretés arbitraires. Comme si cela ne suffisait pas, les interprètes émettent par instants des cris inarticulés, des grognements, éructations, hurlements ou barrissements tels que l’on se croirait au zoo… En fin de compte, tout cela ne veut strictement rien dire. » (Maurice Rapin parlant de la pièce Eva Perón dans le journal Le Figaro, le 7 mars 1970) C’est pour cela qu’il est si facile de jouer du Copi, que ses pièces sont la manne des troupes amateur actuelles et des jeunes compagnies théâtrales qui sortent des Cours Florent. En effet, les comédiens ne sont pas obligés de coller au texte pour interpréter les pièces de Copi : même les trous de mémoire, les changements de texte, les impros, peuvent passer pour des reconstitutions fidèles du langage inénarrable du « génie révolutionnaire » du dramaturge.

 

ARTISTE 16 Copi Livre blanc nul

« Livre blanc » de Copi


 

Ce que fait Copi, c’est de l’art inversé, ni plus ni moins. Par exemple, dans le roman La Cité des rats, il explique très clairement que ses célèbres rats sont les allégories anagrammiques d’un art corrompu, travesti (cf. l’écriteau « RATS = ARTS »). On retrouve le même écho dans le dialogue entre « L. » et son Rat dans la pièce Le Frigo (1983) : « Hé bien, c’est ça l’art, mais on ne prononce pas ‘rat’, on prononce ‘art’. » Copi a tout de l’artiste « RATé » (même son gratte-papier de La Cité des rats s’appelle « Gouri » ! Ça ne s’invente pas !)

 

ARTISTE 19 Copi Fadaise femme assise

B.D. « Femme assise » de Copi


 

J’irai même plus loin en disant que l’« art » de Copi a pour but de détruire l’art même : « C’est le théâtre que je tue ! » déclame sa femme de ménage Madame Lucienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986). Les pièces de Copi sont généralement servies par une remarquable économie de moyen. Son théâtre n’est guère différent de son œuvre picturale, où prédomine la simplicité du trait. Côté bande dessinée, objectivement, même les dessins de Copi ne sont pas bien dessinés. Il a un mauvais coup de crayon, pas de technique, une mauvaise couleur, ils racontent des histoires parfois incompréhensibles. « On a cru assez longtemps que Copi dessinait parce qu’il ne savait pas écrire. Cette idée saugrenue empêchait de voir que Copi qui, en effet, ne sait pas écrire, ne dessinait pas non plus. » (Michel Cournot, « Des Cris à Montevideo », dans Le Nouvel Observateur, 3 décembre 1973) Tout comme pour le théâtre, on est invité, avec Copi, à un Concert du Vide, que même les amis de « l’artiste » ont bien du mal à défendre : « La conversation s’engage. Une conversation pleine de trous. Parce que, quand l’interlocuteur a envoyé sa réplique, s’ensuivent deux ou trois dessins où ça ne cause pas. […] On voit bien que ça pense, là-dedans. Copi a des silences éloquents, dirai-je. […] Déconcertant, voilà. Copi est déconcertant. » (Cavana parlant de la B.D. La Femme assise, 1988) Copi, selon René de Ceccatty, aurait même le génie de faire exprès d’être mauvais… (Si c’est pas géant, ça !) « Il y a peut-être dans l’arbitraire des rimes et du rythme des vers un équivalent de l’abstraction du dessin. Copi, comme chacun sait, était un faux-mauvais dessinateur. Il imitait l’hésitation du trait des enfants. Mais des détails qui ne trompaient pas indiquaient la maîtrise de l’expression. De la même manière, dans Cachafaz (comme il l’avait fait en français dans les Escaliers du Sacré-Cœur), il imite les ritournelles de l’opérette et les duos d’amour de l’opéra, les tirades tragi-comiques et les apartés mélodramatiques. Mais ce n’est pas pour autant une farce. Car à travers les excès de la situation théâtrale et sous le flots de sang, Copi avait en tête, aussi, un certain tableau social. » (Copi, Cachafaz (1993), p. 7) Quand on ne sait pas comment défendre un auteur, on lui invente des intentions militantes, on politise son œuvre, et le tour est joué !

 

ARTISTE 17 Copi Monde fantastique Goncourt

B.D. « Le Monde fantastique des gays »


 

La nudité (dans tous les sens du terme : rares sont les fois où on ne voit pas un comédien entièrement à poil dans les pièces copiennes) et la nullité de l’œuvre de Copi ont tout pour ravir les troupes de comédiens bobos, les artistes de seconde catégorie qui veulent « s’éclater » ensemble, se donner une image à la fois branchouille, incorrecte, révolutionnaire, MAIS professionnelle quand même. Avec Copi, c’est les copains d’abord. Comme l’explique Myriam Mezières, une de ses anciennes partenaires de scène, son théâtre permet de « militer tout en s’amusant » : « Jouer avec Copi c’était militer pour le pur plaisir. Ça tenait des jeux d’enfants. » (cf. la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, p. 71) Quand les défenseurs de Copi (= ses amis intimes) ne tarissent pas d’éloges pour son œuvre et son humour, on se demande toujours s’ils ne confondent pas les pièces et les romans qu’ils ont vus de lui avec les souvenirs de bringue vécus dans la sphère du privé : « Je me souviens de tant de verres bus ensemble, de tant de rencontres ratées dans mon bureau, du jeu compliqué passionnel et familial de nos rôles d’éditeur et d’écrivain. » (Christian Bourgois, dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, p. 6) La critique la plus lucide que j’ai lue sur le théâtre de Copi (et croyez-moi, ils sont rares, les articles qui n’encensent pas Copi, dans la presse d’aujourd’hui !), c’est celle du journaliste Gilles Sandier, qui ne se laisse pas du tout impressionner par l’épate-bourgeois qu’est l’œuvre du dramaturge argentin : « On dira que Grand-Guignol et folinguerie sont les masques de la pudeur de Copi. Soit. L’ensemble cependant, drame compris, constitue une amusette assez anodine, même si elle peut scandaliser encore quelques boétiens attardés. Cette amusette, drôle au début, ensuite s’éternise et s’appesantit. Elle ressortit au genre du théâtre pour copains, celui qu’on fait entre soi, dans le grenier, les soirs de nouvel an précisément. Mais on éprouve quelque gêne aussi à voir les homosexuels, au théâtre comme à la ville, non seulement se complaire à leur propre dérision (que les bien-pensants charitables diront « émouvante » ou tragique) mais surtout se conformer à l’image que les autres se font d’eux : des monstres assez dérisoires. Ces minauderies sophistiquées, ces hanches tortillées, ces piaillements appliqués, assortis de la drogue, de l’hystérie et de l’infanticide – avec tout l’humour noir qu’on voudra, celui qu’on reconnaît volontiers à Copi – n’amusent que deux sortes de gens : les copains et les poujadistes. Cela fait, il est vrai, de nombreux Français. » (cf. Gilles Sandier, « La Tour de la Défense de Copi : La Cage aux folles version rive gauche », dans Le Matin de Paris, le 26 novembre 1981)

 

ARTISTE 18 Copi Monde Fant Nègre

B.D. « Le Monde fantastique des gays »


 

S’il était encore vivant, Copi verrait certainement d’un très mauvais œil que je puisse porter un jugement de valeur sur son œuvre, et que je le présente comme un imposteur artistique, puisque pour lui, l’« Art » est incritiquable, et l’artiste est un demi-dieu (… camé et fumeur de marijuana) : « Je déteste l’introspection. Pourquoi jeter en pâture ce qui est au tréfonds de nous ? Cela tient généralement de la poubelle. La forme dramatique se suffit à elle-même. » (Copi par rapport à sa pièce Le Frigo, dans l’article « Au Festival d’Automne : Copi sur le ring », journal Le Figaro, le 8 octobre 1983) Il montre patte blanche et se désolidarise de toute forme d’intentions, comme si ses œuvres s’étaient créées toutes seules, sans lui : « Le théâtre est encore l’un des derniers arts où on réussit à faire scandale. Si je le recherche ? Non. Je n’ai ni perversité ni volonté de me venger de qui que ce soit. Je ne m’inspire de rien. Le Frigo est un spectacle avant tout visuel. […] Mon spectacle ne propose aucun symbole érotique. » (idem) Mais désolé, à moi, en tout cas, on ne la fait pas ! Toute création artistique a un sens (et plusieurs lectures pour tendre à ce sens, aussi imparfaites et innombrables soient-elles !) ; et si ses auteurs ne veulent pas qu’il y en ait un, c’est qu’elle en a un d’autant plus violent !

 

ARTISTE 23 Copi Cannes

B.D. « Kang » de Copi


 
 

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Code n°153 – Pygmalion (sous-codes : Divin artiste / « Je suis mon oeuvre » / Amant-objet / Statues / Musée Grévin / Coiffeur homo / Couturier homo / Destruction iconoclaste)

Pygmalion

Pygmalion

 

NOTICE EXPLICATIVE :

Façonner l’autre à son image (fantasmée)

 

Film "Un beau jour, un coiffeur…" de Gilles Bindi

Film « Un beau jour, un coiffeur… » de Gilles Bindi


 

Qui aurait pu prédire que l’être humain, tout doté de bon sens qu’il est, puisse un jour tomber amoureux de lui-même à travers un autre, surtout si cet « Autre » est un objet ou une statue ? Il a beau savoir que ce mannequin, ou cet amant vivant excessivement adoré et instrumentalisé, ne peut pas l’aimer en retour parce qu’il est soit inerte soit trop couvé pour pouvoir en placer une, il s’évertue, comme le sculpteur de la mythologie grecque Pygmalion avec sa statue Galatée, à donner à ses pulsions et à ses fantasmes esthétiques de possession l’apparence et le contenu de l’amour. En d’autres termes, il ne se place pas en réceptacle et serviteur humble de l’Amour, mais en créateur divin qui va façonner l’Amour de ses propres mains, à lui tout seul.

 

Le désir homosexuel est l’un des élans humains les plus marqués de cette illusion de l’amour des statues, de ce mythe de l’invention de la Vérité par l’art et les sentiments. Beaucoup de personnes homosexuelles sont tombées amoureuses de l’homme-objet ou de la femme-objet des magazines, avant d’orienter leur cœur, par défaut, vers les individus de chair et de sang qui correspondaient « le moins mal » à leurs projections narcissiques « artistiques ». Certaines se choisissent même des métiers de Pygmalion (coiffeur, couturier, photographe, maquilleuse, poète, écrivain, etc.) qui les consoleront tant bien que mal de leur orgueil de créature qui veut être Créateur.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Frankenstein », « Cirque », « Don Juan », « Femme et homme en statues de cire », « Amant narcissique », « Homme invisible », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », « Se prendre pour Dieu », « Fusion », « Clonage », « Clown blanc et Masques », « Poupées », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Super-héros », « Amant comme modèle photographique », « Morts-vivants », « Adeptes des pratiques SM », « Fan de feuilletons », « Collectionneur homo », « Cannibalisme », « Train », « Vent », « Femme fellinienne géante et pantin », « Prostitution », à la partie « Antiquaire homo » du code « Fresques historiques », à la partie « être traité comme un objet » du code « Viol », à la partie « Corps morcelé » du code « Ennemi de la Nature », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Je ne suis pas qu’un corps !

(… J’ai aussi une voiture !)

 

Dans un monde où la science semble avancer spectaculairement, où une certaine société matérialiste et individualiste prône le mythe du self-made man et l’auto-réalisation par l’art et les bons sentiments, beaucoup de personnes – notamment homosexuelles – s’imaginent qu’elles peuvent être leur œuvre. En fantasme, le créateur et sa créature fusionnent : elles disent qu’elles sont leurs chansons, leur livre, leurs paroles, leurs goûts, leurs actes. « C’est notre fiction qui nous constitue » soutient par exemple Monique Wittig dans Les Guérillères (1969). La distance vitale entre l’artiste et son chef d’œuvre n’est en général pas respectée. Il leur arrive même de comparer l’exercice d’écriture à la masturbation. Très souvent, à les voir vivre, on s’aperçoit qu’elles se prennent pour ce qu’elles disent, ce qui explique notamment leur susceptibilité et la fermeture de certains de leurs discours. Elles croient, par l’exercice de l’imitation, se créer elles-mêmes. Elles sont d’ailleurs nombreuses à défendre que les travestis finissent par devenir vraiment ce qu’ils imitent, et que les sujets transsexuels hommes sont réellement des femmes.

 

Ce rêve de fusion avec leur création peut également s’exprimer par la rupture ou l’éloignement par rapport à cette dernière. « Contrairement à la plupart des romanciers contemporains dont la matière est essentiellement de source intime, intérieure, moi, j’ai, avant de pouvoir mettre ma matière en œuvre, à la créer hors de moi, à la poser devant moi, séparée, détachée de moi, presque étrangère à moi. » (Roger Martin du Gard à André Gide en 1933) Cependant, cette démarche a tout l’air d’une coquetterie : c’est en feignant de délaisser leur œuvre que le désir de s’attacher à elle au point de s’y confondre est parfois le plus fort. Étant donné qu’en intention, leur chef d’œuvre se veut anti-identitaire, elles se cachent à elles-mêmes leur narcissisme de créateurs. Il peut y avoir, notamment dans l’écriture automatique ou de l’acte iconoclaste, une forme de narcissisme : on s’écoute (s’) abandonner, on se regarde détruire (au ralenti).

 

Par l’art plus que par la science, beaucoup de personnes homosexuelles se prennent pour des Hommes ressuscités, des dieux-sculpteurs de Réalité. C’est l’idée qu’exprime par exemple André Gide quand il affirme dans son roman Les Faux-Monnayeurs (1925) que « la réalité l’intéresse comme une matière plastique » (p. 133). Elles considèrent le regard humain comme principal créateur de ce qui est vu, et non comme récepteur de ce qui le dépasse ; l’expérience extatique du dédoublement de soi ou de la mythomanie, comme une manière juste d’appréhender la Réalité. Déplacer des objets par un simple coup d’œil, jeter des sorts, lutter contre des démons, déployer ses pouvoirs magiques pour contrôler les éléments naturels, ou figer ses ennemis en statues, sont souvent des fantasmes esthétiques exprimés par les personnes homosexuelles (cf. le vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer).

 

Le statut humain qui leur semble le mieux conduire à la nature divine qu’elles visent est celui d’artiste, et plus particulièrement de poète. Elles sacralisent souvent la figure de l’auto-créateur libre et visionnaire, qui forgerait le monde en le nommant. Le rôle d’artistes qu’elles s’attribuent cumule orgueil précieux et auto-détestation. L’activité artistique sert de manière de se consoler de n’avoir pas réussi totalement à se faire Dieu. Hervé Guibert n’a-t-il pas écrit un jour que « l’œuvre artistique était l’exorcisme de l’impuissance » (Hervé Guibert, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), p. 265) ?

 

Pour s’auto-persuader de leur grandeur divine sans se l’attribuer à elles-mêmes de manière trop visible et suspecte, les Pygmalions narcissiques homosexuels ont coutume de projeter tout leur émerveillement d’eux-mêmes vers leur création artistique, vers leur partenaire de vie qu’ils ont voulu sauver de la misère et qu’ils couvrent de cadeaux, de bijoux, de sollicitude, d’attentions, de sexe, de caresses. Énormément de personnes homosexuelles prennent leur amant pour un objet, un fétiche à célébrer comme un reflet spéculaire magnifique et à détruire comme un bibelot. Il n’est pas rare, par exemple, d’entendre des hommes traiter leur compagnon de « nounours », de « bébé », ou de « porte-manteau », même parfois avec des cœurs dans les yeux. Certains vont jusqu’à affirmer (je l’ai entendu !) que leur seul souci, après avoir bien profité de leur printemps de trentenaires, est d’« équiper leur maison d’un amant » à la quarantaine. Et je ne parle pas de la louange des « jolis p’tits culs », des « longues bites », ou des « gros seins », sorties de la bouche de la clientèle des établissements gay…

Comme pour illustrer que l’union homosexuelle est déséquilibrée parce que réifiante, beaucoup d’auteurs homosexuels représentent dans leur iconographie un rapport fétichiste entre les amants : l’un d’eux est le modèle photographique de l’autre, et le personnage qui divinise son compagnon par la photo, le dessin, ou la sculpture, finit toujours par se faire larguer puis traiter comme un objet par celui qu’il a voulu réifier. Cette vision de l’amour n’apparaît pas comme insultante aux esprits qui la représentent étant donné qu’elle se pare des meilleures intentions. Un certain nombre de personnes homosexuelles veulent être les Pygmalion fusionnant avec leur amant créé : souvent, des célébrités homosexuelles lancent des jeunes talents, qui sont par la même occasion des amants temporaires (on peut penser en particulier à Jean Cocteau avec Raymond Radiguet ou Jean Marais, à John Waters avec Divine, à Yvonne Brémonds d’Ars avec Suzy Solidor, au baron Von Sinclair avec Hölderlin, Laurent Bon avec Yann Barthès, etc. Elles attendent de leur amant qu’il soit leur parent-objet, ou leur fils-objet, le tout sans lien de filiation de sang bien sûr. Leur partenaire, c’est leur petit chouchou à elles, celui qu’elles blottissent contre elles pour le protéger des agressions extérieures. « Julien est là tout entier, debout, dans la paume de ma main. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 44) Elles ne se rendent pas toujours compte qu’à force de le tenir bien serré contre elles, ce dernier est en train de devenir symboliquement – et parfois réellement – violet. « Quand tu es comme ça, anéanti contre moi, j’ai l’impression de te protéger. » (Jean Genet, Journal du voleur (1949), p. 163)

 

Leur désir de materner l’amant ou de se lover en lui cache souvent un souhait de disparaître ou de retourner au stade intra-utérin. « J’aimerais que tu sois un kangourou avec une poche pour que les petits kangourous s’y glissent. » (Virginia Woolf s’adressant par lettre à Violet Dickinson) Il arrive que certaines personnes homosexuelles – celles qui de l’extérieur ressemblent à des statues du Musée Grévin tellement elles sont timides, muettes, et sans personnalité – fassent de leur partenaire un bouclier ou un paravent afin de ne pas affronter la vie, et qu’elles se débrouillent toujours pour sortir avec des personnalités très étouffantes et charismatiques qui vont les surprotéger et faire leur travail de sociabilité à leur place. Les paravents dont parle Jean Genet ne sont pas, pour cette raison, à considérer dans le sens uniquement matériel. Il faut y lire une métaphore des amants.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) Divin artiste :

Dans les œuvres homosexuelles, le statut d’artiste est particulièrement valorisé. On a l’impression qu’il n’y a pas de plus grand titre – après « l’être amoureux » – que celui de Poète ou d’Artiste : « Moi, mon truc, c’est pas la chasse ou la pêche. C’est l’art ! » (Jarry dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Un poète est plus qu’un homme. » (Heurtebise dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) ; « Écrire : c’est un sacerdoce, une entrée en religion. » (Philippe Besson, En l’absence des hommes (2001), p. 106) ; « Je veux être artiste ou n’être rien. » (Louis II de Bavière dans la pièce Le Roi Lune (2007) de Thierry Debroux) ; « Oh la la… Y’a vraiment beaucoup de pédés là-bas ! » (Laurent Violet, se référant au monde du spectacle et des arts, dans son one-man-show < i>Faites-vous Violet, 2012) ; « Je suis une grande amatrice d’art. » (Catherine, l’héroïne lesbienne, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Jules, l’écrivain pédant homosexuel, se décrit pompeusement comme le « Prince des Poètes » ou « L’Homme en noir ». Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane fait passer l’écriture pour un rituel sacré, un processus créatif et créateur impossible à interrompre, un moment en suspension : « Je revenais à toi quand l’écriture cessait. » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, le couple Ben/George est engagé dans l’artistique : l’un est peintre, l’autre prof de chant et de musique.

 

L’artiste homosexuel se veut souvent l’égal de Dieu : cf. le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall (avec la figure du Pygmalion-Poète en Stephen), le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo (avec la figure sacralisée du Poète), le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret (avec Sonia, la figure de l’« artiste » bisexuelle extraordinaire), etc. Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, l’Auteur se fait appeler « Dieu » par la Comédienne. Dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, le peintre Jioseppe Campi signe ses tableaux avec les initiales christiques « J. C. ».

 

Le héros homosexuel croit, comme Adam, créer le monde par la parole et par l’art, se créer lui-même : « Toute influence est immorale. » (Lord Henry, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Imaginez le souffle du romancier qui aperçoit pour la première fois son œuvre. » (Thibaut de Saint Pol, N’oubliez pas de vivre (2004), p. 249) ; « En un sens, nos paroles sont réalité. Elles peuvent créer des mondes et les détruire. Elles ont le tranchant du couteau. […] » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), p. 17) ; « De même que Dieu a créé ce monde par la parole, nous créons des mondes par nos mots. […] Nos mots sont puissants. Nos mots sont réels. » (idem, pp. 289-292) ; « Il n’y a pas à dire, Jioseppe a vraiment un don, qui lui permet d’aller au-delà même de la représentation vraie, pour toucher l’idéal. […] Il ne se considère pas comme un simple imitateur de nature. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), pp. 10-11) ; « La machine à écrire est sacrée. » (cf. une réplique de la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg) ; « Je dois créer une œuvre d’art. Je dois chanter l’apothéose, faire croire que j’ai écrit la Bible. » (cf. la chanson « Une Chanson sans paroles et sans musique » de Jann Halexander) ; « Vivre, c’est improviser. Être toujours en totale improvisation. » (le jeune Mathan, homosexuel, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; etc. Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, il est question des « yeux tout-puissants du narrateur » (p. 404).

 

C’est l’effet « Madeleine de Proust » bobo : je me raconte ressentir. « Enfin, Gabrielle redécouvre l’état d’écriture, jubile à évoluer parmi les créations de son esprit, éprouve sa toute-puissance à l’égard des personnages, repousse les limites des mots, affronte le courage de dire. […] Lorsqu’elle écrit, des vagues émotions la traversent. […] Elle n’a jamais ressenti cela. Elle se sent vivante. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), pp. 98-99) ; « Nicolas se sentait pleinement lui-même : vagabond, poète. » (Benoît Duteurtre, Gaieté parisienne (1996), p. 120) ; « Vous vous écoutez écrire. » (le narrateur homosexuel du roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 120) ; « Poète, on se prend à son jeu. C’est le charme. […] Je me suis fait pleurer moi-même en l’écrivant. » (Cyrano par rapport à la lettre d’amour qu’il a écrite dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan) ; « Tu peux t’inventer ta propre personnalité. » (Léo, le héros homosexuel dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; etc.

 

Aux yeux du héros homosexuel, le monde des statues va cristalliser ses fantasmes érotiques et incarner sa créativité divine. C’est la raison pour laquelle, dans les fictions homo-érotiques, on retrouve autant de sculpteurs ou d’amateurs de sculpture. Par exemple, dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz, Daniel découvre soudainement l’homosexualité de son père décédé en réalisant dans le bureau de ce dernier qu’il est rempli d’Apollons grecques. Dans le roman Paysage avec dromadaires (2014) de Carola Saavedra, Erika est une sculptrice lesbienne qui va avoir une liaison avec la jeune et belle Karen. Dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, Matthieu-Alexandre, le fils aîné homosexuel de Marie-Muriel, fait des sculptures du meilleur goût : en forme de bites. Dans le roman Nous sommes l’eau (2014) de Wally Lamb, Annie, sculptrice, vit une passion pour Viveca, une galeriste new-yorkaise. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la pièce commence par une femme sur scène (la narratrice transgenre F to M) qui se met en position fœtale, comme un monstre difforme sur une table d’opération : elle exprime en quelque sorte que son corps lui appartient et qu’elle serait son propre matériau.

 
 

b) « Je suis mon œuvre » :

L’orgueil du personnage homosexuel qui se met dans la peau de l’artiste divin ne s’arrête pas là. Comme il ne veut auto-suffisant, à la fois il se glorifiera en tant que Créateur capable d’engendrer une belle création à son image, et il ne supportera pas que cette création lui fasse de l’ombre. C’est pourquoi il dit souvent qu’il ne fait qu’Un avec son ouvrage/miroir narcissique : « L’œuvre d’un poète est sa vie… et la vie d’un poète est son œuvre. On ne peut les séparer. Pour lui, vivre est un art et son art est toute sa vie. » (Catherine en parlant de son fils homosexuel Sébastien, dans le film « Suddenly Last Summer », « Soudain l’été dernier » (1960) de Joseph Mankiewicz) ; « Moi je… m’invente une vie. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer) ; « Nous ne sommes reliés qu’à nous-mêmes. » (cf. la chanson « Nous souviendrons-nous » de Mylène Farmer) ; « Je suis mon œuvre. […] Si je n’écrivais pas, je crois bien que je serais mort. » (Philippe Besson, En l’absence des hommes (2001), p. 106) ; « Ce sont des mots triomphants ! » (la voix narrative de la pièce Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro) ; « Je puis dire que je suis mon ouvrage. » (la Marquise de Merteuil, Lettre LXXXI, dans le roman Les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos) ; « Je ne sais pas ce qui est réel et ce que j’invente. » (Anna dans le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 17) ; « Les choses que je n’imagine pas n’existe pas. » (l’héroïne de la pièce La Voix humaine (1959) de Jean Cocteau) ; « J’ai envie d’être coulé dans le béton. » (Glen dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh) ; « Tu te prends pour la réincarnation de David ou quoi ? » (Jian Cheng s’adressant à Wang Ping qui se regarde dans la glace, dans le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye) ; « On est un peu homos clichés aujourd’hui. » (Nicolas, Gabriel et Rudolf, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « Je ne suis pas une drag, je suis de l’art ! » (le dragqueen dans le film « Cost Of Love » (2010) de Carl Medland) ; « Je suis une photographie en noir et blanc. » (cf. la chanson « Mélancolie toujours » de Jann Halexander) ; « Je suis une caricature. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire est un poète qui se croit sublime dans la cruauté et qui tente de « faire de sa vie son œuvre ».
 
 

c) Le personnage homosexuel prend son amant pour un objet :

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Cannibalisme », « Amant narcissique », et à la partie « Dos » du code « Amant comme modèle photographique » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

N’étant que créature – ou créateur secondaire – et non Créateur, le héros homosexuel ne va pas pouvoir fusionner avec son œuvre artistique. Pour se consoler de cet échec, et quand même se persuader qu’il est Dieu, il se rabat alors sur la fétichisation sacralisante de son ouvrage, et sur la sentimentalisation d’un amant qu’il va mettre sur un piédestal comme une statue, et dont il va se revendiquer possesseur privilégié : cf. le film « Prends-moi » (2002) d’Everett Lewis.

 

Par exemple, dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini, le boulot d’Hannah, l’héroïne lesbienne, est de sélectionner en casting des actrices pour un film. Dans le film « Sekret » (2012) de Prezemyslaw Wodcieszek, Ksawert, gay, est un danseur qui travaille comme drag queen et Karolina est son agent. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dit qu’il aurait aimé être directeur de casting. Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, Rodney, le riche et vieux critique d’art, entretient le jeune acteur Paul. Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Atos Pezzini, homosexuel, chaperonne des petits jeunes artistes qui veulent évoluer dans le monde du théâtre : par exemple, il définit Diego, son assistant (habillé en marin), comme « son poisson-pilote ». Dans la pièce La Vie est une tarte aux pommes (2014) de Michel Jonasz, l’imprésario est gay. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf écrit en 1929 une autobiographie, Orlando, prenant comme inspiratrice son ex-amante Vita Sackville-West : cette dernière est gênée d’être « la Muse de Mademoiselle Woolf ». Mais après avoir vu le résultat romanesque, elle change d’avis et tombe amoureuse de son double fictionnel : « Je suis tombée amoureuse de ta vision de moi. » déclare Vita. Dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont, Léo tire le portrait de son amant Rémi puis lui dit : « J’ai une idée : je vais devenir ton manager. »

 

Le fait de transformer l’amant en objet indique un élan de possessivité qui se veut de l’amour mais qui au fond n’en est pas : « J’avoue t’avoir adoré à la folie, avec extravagance, absurdité. Je voulais t’avoir pour moi tout seul. » (Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray, 1891) ; « Mais de toi je ferai ce que je voudrai. » (Bruno à son « fils-amant » Jérémie, dans le téléfilm « Sa raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand) ; « Il faut que je l’aie ! » (Léopold racontant sa réaction face au premier garçon dont il prétend être tombé amoureux, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « La seule chose qui m’importe aujourd’hui : posséder une femme. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 15) ; « Je veux sa bouche. Je veux son cul. Il est à moi ! » (Lennon, le héros homosexuel parlant de Martin, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Et si ce qu’il faut, c’est que tu sois originale, je m’arrangerai pour que tu puisses l’être. » (Amy qui veut bien jouer à la lesbienne avec sa meilleure amie Karma pour lui faire plaisir et lui faire gagner de la popularité dans leur lycée, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; etc.

 

C’est le malheur et la tristesse qui font que les amants homosexuels se traitent mutuellement d’objet et cherchent à se raccommoder l’un l’autre, comme un seul vase qu’ils formeraient à deux et dont il faudrait recoller les morceaux : « Mais vous êtes en lambeaux ! Venez que je vous ramasse ! Je vous recouds, Linda ! Vous êtes pas belle à voir ! » (Loretta Strong à Linda dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi) ; « Mon cœur n’est pas de pierre. […] Ma langue n’est pas de bois. […] Ton cœur n’est pas de marbre. […] Tu insistes, je me cabre : il n’y a plus rien à faire. » (cf. la chanson « Changement de propriétaire » du Beau Claude) ; etc.

 

On trouve beaucoup de cas de réification de l’être aimé dans les fictions traitant d’homosexualité. Le personnage homosexuel considère souvent son amant comme un objet : cf. le film « Possession » (2002) de Neil LaBute, la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet, le tableau Men With Doll (2001) de Xavier Gicquel, etc. « Il faut que je prenne des décisions ! Vincent, je le fous à la poubelle… » (Stéphane, le héros homo parlant de son copain, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Moi, c’est Nathan. Ça veut dire ‘cadeau’ en hébreu. » (Nathan se présentant pour la première fois à son amant Jonas, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier) ; « Je suis plus qu’un cocon à bébé pour toi, hein ? » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte s’adressant à son amante Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 101) ; « C’est un cube. Une lesbienne, quoi. » (Angélique par rapport à Judith dans la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell) ; « Je remarque toutes les fautes de goût de cet appartement. […] Je cherche la place que tu vas prendre entre tous ces meubles. » (l’homme dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier, p. 48) ; « J’aimais tout de lui, ses tableaux, ses vêtements… Tout ce qui le concernait me fascinait. Il n’y avait pas une seule ombre au tableau. Il était drôle, généreux et toujours plus beau ! » (Bryan par rapport à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 16) ; « Dans une autre vie, je voudrais être ton ours. » (Bryan à Kévin, op. cit., p. 73) ; « Tu es mon refuge. Avant c’était mon ours, maintenant c’est toi. » (Kévin à Bryan, op. cit., p. 157) ; « T’es à moi, rien qu’à moi et personne ne te touche ! » (Bryan à Kévin, op. cit., p. 345) ; « Finalement, t’es mon cadeau de Noël ! » (Kévin à Bryan, op. cit., p. 391) ; « T’es mon bisounours. » (un des clients du sauna à Tristan, l’homme bear, dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot) ; « Tu pries pour que ton frère, comme toi, au même moment, soit blotti dans les bras d’un beau jeune homme plein de vigueur, et qui prendrait soin de toi comme d’une poupée. » (Félix à propos d’un soldat allié, Bob, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 132) ; « Je touche du bois ! » (Emma, en claquant les fesses d’Adèle au lit, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche) ; « Je me souviens, en te touchant, d’avoir eu peur de te casser. » (Denis s’adressant à son amant Luther, dans le docu-fiction « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « T’es trop chou. On dirait une petite poupée mécanique. » (Kanojo s’adressant à son amante Rinn dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « C’est une petite poupée de chiffon. » (Juna parlant de son amante Rinn, idem) ; « Si je la trouve, je l’achète. » (Shirley Souagnon parlant de son hypothétique grande fan dans le public, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Beaucoup, beaucoup étaient ceux qui l’avaient désiré, avaient désiré surtout le transformer en un objet d’art malléable. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 172) ; « Savez-vous ce que vous êtes ? Vous êtes comme une belle et grande sculpture grecque. Un Hermès. Magnifique… mais froid comme la pierre. » (le Comte Smokrev s’adressant méchamment à Pawel, idem, p. 302) ; etc. Souvent, l’amant homo est aussi expressif qu’un frigo. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, est un garçon très renfermé sur lui-même, qui ne dit quasiment rien : « Jamais plus de trois mots ! » le charrie son amant Kevin.

 

Dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, le couple lesbien Suzanne et Héloïse « s’offre » un plan à trois avec Fédora pour se donner un second souffle : « Je crois vraiment que c’est un cadeau, un cadeau pour toutes les deux. Comme les deux pull-overs achetés à Londres il y a si longtemps. » (p. 333). Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry se sert du sein d’un des spectateurs comme interrupteur de lumière de la salle. Dans le film « Partisane » (2012) de Jule Japher Chiari, Mnesya, la protagoniste lesbienne, dit que son amante Loba l’a attirée parce qu’« elle n’était pas cassée ». Dans le film « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, Allen Ginsberg présente Peter, son amant, comme son « cadeau de Noël ». Dans le film « Un Jour comme un autre » (2003) de Laura Muscardin, l’amant est comparé à une couverture chaude. Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, les deux amants se soumettent un jeu de questions-réponses qui pourrait leur paraître insultantes (« Si tu étais un jouet, tu serais quoi ? ») s’il n’était pas saturé de drague : quand Pablo dit qu’il se voit en pelle et en seau, Bruno propose de l’acheter. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Frankie reproche à son amant Todd de se servir de lui comme un bouche-trou aux soirées, ou comme un objet : « Je suis ton oreiller. » Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel dit qu’il est en couple avec son violon « Jean-Jacques ». Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, écrit sur son amant syrien Tareq.

 

Dans le meilleur des cas, l’amant est associé à une œuvre d’art : « On vous a dit que vous ressemblez à un Botticelli ? » (Cyrille au journaliste Jean-Marc, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, p. 17) ; « C’est mon monument à moi. » (William parlant de son amant Georges, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; « Si je savais dessiner, je te demanderais d’être mon modèle. » (Jacques s’adressant à son jeune amant Mathan, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; etc. En règle générale, le personnage homosexuel se dit fasciné par les corps sculptés et les statues des dieux grecs : cf. le film « Tendre Voyou » (1966) de Jean Becker (avec Ivan Desny), le film « Corps à Cœur » (1978) de Paul Vecchiali, le film « Boys For Beauty » (2000) de Mickey Chen, le film « Boys Toys » (2003) de Geof Smith, la chanson « Black Or White » de Michael Jackson (sur la Statue de la Liberté), le film « Mon Führer : la vraie histoire d’Adolf Hitler » (2007) de Dani Levy (avec les statues grecques dans le bureau d’Hitler), le roman El Día Que Murió Marilyn (1970) de Terenci Moix (avec le goût de Jordi pour les statues), le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, le film « Song Of The Godbody » (1977) de James Broughton, la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec la statue), le roman L’Uruguayen (1972) de Copi (avec la statue de l’enfant au bilboquet, au milieu de la place du village), le film « The Bridge » (2005) de George Barbakadze (avec des statues dans le superbe appartement du couple Niko-Luka), le roman L’homme de marbre (2008) de Stéphane Lambert, le vidéo-clip de la chanson « Nothing Compares To You » de Sinead O’Connor, le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, etc. Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, la valise de Daphnée contient une statue grecque. Dans le roman Son Frère (2001) de Philippe Besson, Lucas parle de sa « fascination pour les corps » (p. 51). Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, il y a des lithographies de statues partout dans la chambre du « couple » Paul-Erik. Dans le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, Nicolas, le héros homosexuel, est associé à une statue de marbre pendant qu’il danse : des images de statue sont intercalées à ses pas. Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine, l’héroïne lesbienne, ment à sa mère en lui présentant son amante Carole comme une simple amie qu’elle aurait rencontrée dans un « atelier de poterie pour femmes ». Carole ironise, en glissant plein de sous-entendus : « Dans ces ateliers, on sculpte les corps… »

 

La statue de marbre charme la fantaisie du héros homosexuel : « La folie des corps… tu sais ce que c’est quand on est jeune. » (Xav dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Michael va à une académie de sculpture, passe ses journées aux musées. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 140) ; « Ta chambre est une ode à la couleur mauve : des tapis aux abat-jour, des peintures aux statuettes, des draps aux alaises, le décor couvre chaque nuance du violet. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 169) ; « Nous adorerons Evita. Son image sera reproduite à l’infini en peinture et en statue pour que son souvenir reste vivant dans chaque école, dans chaque endroit de travail, dans chaque foyer. » (Perón dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « En époussetant le buffet qui se trouve dans le salon, je fais tomber un bibelot. Une petite statuette en bronze qui représente un personnage ailé et qui heureusement touche le parquet sans s’ébrécher. » (Théo dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 68) ; « Nous vîmes, pas très loin de nous, un homme bien mis qui regardait la statue d’un éphèbe. Il le détaillait avec grande attention, et, alors que nous parlions des pratiques assez particulières du monde antique, Philippe me dit que, justement, cet homme avait probablement le goût différent dont il tentait par allusions de m’expliquer l’originalité. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 38) ; « Un ange éploré était accroupi à la base d’une grande croix, les bras levés vers le ciel dans une posture suppliante. Ses ailes étaient aussi longues que son corps, son visage beau et torturé, évoquant un Jésus féminin. Le sculpteur avait fait du bon travail ; une impression de lumière se dégageait des plis de pierre de sa robe, laquelle épousait ses formes athlétiques mais manifestement féminines. Jane s’aperçut que son regard s’attardait sur les fesses de l’ange. Elle rit et murmura : ‘ Du porno de cimetière. ’. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 46) ; « Je vous vois rougir. Comment se fait-il, ma très chère ? Cela vous va bien. » (Merteuil s’adressant à sa poupée Madame de Tourvel, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, dans la mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; etc. Par exemple, dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, le danseur et chorégraphe homo Rudolf Noureev copie les statues de marbre du Louvre et s’en inspire pour effectuer ses chorégraphies.

 

Dans la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust, le narrateur tombe amoureux de son jouet en bois, « Kiki », que lui avait offert son parrain décédé quand il était petit. Il dit que « c’est comme une présence apaisante et rassurante pour lui » : « Je ne l’ai pas choisi. Il ne m’a pas choisi. » Il semble vivre avec cet être-machine une relation fusionnelle où l’un existe au détriment de l’autre : « Il y a eu assemblage de cellules. Il va grandir. Moi pas. Il va gémir. Moi pas. Il va finir. Moi pas. Je suis pourtant dedans. Il se racle la gorge… et c’est ma voix qui sort.
 
 

d) Le mythe de Pygmalion est appliqué au couple homosexuel : l’artiste homosexuel tombe amoureux de son amant-chef d’œuvre :

Le personnage homosexuel prête à sa statue des sentiments humains : cf. la pièce La Statue mutilée (1970) de Tennessee Williams, le film « La Statue qui marche » (1920) de Fritz Lang, le film « De la vie des marionnettes » (1980) d’Ingmar Bergman, la chanson « L’Horloge » de Mylène Farmer (« Mon gosier de métal parle toutes les langues. »), la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer (« Dis maman, pourquoi je suis pas un garçon ? »), la chanson « Parler tout bas » d’Alizée (« Les jours de pluie, mes jouets sont vivants. »), etc. Par exemple, les dernières images du faux film « Servir et protéger » dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Billy parle à la statue du président Lincoln comme si elle était vivante, et son amant Dany le lui fait remarquer : « C’est une statue, Billy… » Et à la toute fin de « In & Out » (1997) de Frank Oz, Howard reçoit la statuette oscarisée de Cameron. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann, le héros homosexuel, prend son aspirateur Tornado pour un être vivant, un chien. Et quand la machine ne fonctionne plus, il pleure un mort. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Georges, le héros homo fortuné, possède dans son appartement des statuettes… et un amant sculptural. Dans le générique du film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, ça démarre tout de suite avec une succession de photos de statues grecques.

 

Photo Le Tribut (1985) de Marcel Marien

Photo Le Tribut (1985) de Marcel Marien


 

Dans les fictions homo-érotiques, on voit souvent qu’art et amour sont mélangés, que le personnage homosexuel ne fait pas de distinction entre les goûts et l’Amour (il « aime » une œuvre d’art comme il « aime » une personne), entre esthétique et éthique : « Est-ce de l’une de ces statues que jaillit un gémissement nostalgique ? » (cf. la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 112) ; « À travers le modèle, il [Jioseppe] doit représenter un sentiment. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 10) ; « Plus elle s’approche, plus le cœur d’Anne-Catherine bat fort. Elle regarde la sculpture. […] Doucement, le doux visage d’un jeune guerrier émerge du fond des âges. Il y a des centaines d’années, cet homme existait, en chair et en os. […] Elle hésite, approche sa main tremblante et finalement, touche l’œuvre. » (idem, p. 272) ; « Jason allait réciter son credo mécaniquement. Dire qu’il ne croyait qu’à l’art. Affirmer avec un lyrisme faux que seules la peinture, la musique et la poésie permettent de supporter l’existence. » (Jason, le héros gay, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 357) Par exemple, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, Petra met l’art sur le même niveau que l’amour. Dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, Orphée et Narcisse sont confondus. Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Bernard, le peintre et amant de Pierre Bergé, tire le portrait d’Yves Saint-Laurent. Dans le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion, Isabelle tombe amoureuse de la veuve Serena Merle rien qu’en l’écoutant jouer du Schubert : « Elle est charmante. Elle joue admirablement du piano. » Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Mathan, le jeune héros homosexuel, a dessiné François, son premier amour. Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, l’homosexualité est mise sur le même plan que le talent pianistique inné : Irène, au moment où le père Raymond lui demande d’où lui vient sa prédisposition au métier de pianiste, lui répond, pour défendre l’homosexualité de son frère Bryan : « C’est comme demander à Bryan pourquoi il est gay. »

 

Il arrive fréquemment que le héros homosexuel tombe amoureux de son œuvre d’art : cf. la chanson « Kissing My Song » du groupe Indochine, les vidéo-clips des chansons « Redonne-moi » et « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer, le film « Calé » (1986) de Carlos Serrano, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Martin (Hache) » (1997) d’Adolfo Aristarain, la comédie musicale My Fair Lady (1958) de Cecil Beaton, le film « My Fair Lady » (1964) de George Cukor, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (le Dr Frank-N-Furter tombe amoureux de son modèle Rocky), le roman L’Apprenti Sorcier (1976) de François Augiéras, le poème « Un Hombre Con Su Amor » de Luis Cernuda, le film « Mikael » (1924) de Carl Theodor Dreyer, la pièce Pygmalion (1957) de George Bernard Shaw (avec Jean Marais et Jeanne Moreau), le film « Artistes et Modèles » (1955) de Frank Tashlin, le film « Mikael » (1923) de Carl Theodor Dreyer, le film « Pygmalion » (1938) d’Anthony Asquith, le film « Boulevard » (1960) de Julien Duvivier, le film « La Rue chaude » (1961) d’Edward Dmytryck (avec la sculptrice), le film « Making Love » (1982) d’Arthur Hiller, le film « Desert Hearts » (1985) de Donna Deitch, le film « Gugu, O Bom De Cama » (1980) de Mario Benvenutti, le film « Valentin » (2001) de Juan Luis Iborra, le film « Caravaggio » (1986) de Derek Jarman, le film « Le Sang du Poète » (1930) de Jean Cocteau (avec le beau sculpteur incarné par Enrique Rivero), le film « Love Is The Devil » de John Maybury, le film « L’Enfant Miroir » (1990) de Philip Ridley, le film « It’s That Age » (1990) d’Hagar Kot, etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Maxence tombe amoureux du portrait de la femme idéale qui lui est apparu en rêve : « Son portrait et l’amour ne font plus qu’une image » dit-il. Dans la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks, Dr Frankenstein Junior et sa créature Frankenstein jouent à être en couple. Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Catherine, l’héroïne lesbienne, compare son amante Fanny à un tableau et tombe amoureuse d’elle. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs (où l’art et la musique sont montrés comme de l’Amour vrai), Ben, l’un des héros homosexuels, est peintre : il peint sur les toits des immeubles new-yorkais, les fameux roof tops . Il décide de tirer le portrait du jeune Vlad, le beau camarade de classe de son neveu Joey, qui est dégoûté de cette mise en scène. Joey trouve qu’un peintre peignant un modèle, « ça fait gay ! ». Ce sera son plus beau tableau. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, maquille sa propre mère dans la salle de bain et lui redonne soi-disant sa féminité. « Ta grand-mère était très douée. » le complimente-t-elle.

 

Toile "Pygmalion et Galatée" de Jean-Léon Gérôme

Toile « Pygmalion et Galatée » de Jean-Léon Gérôme


 

Dans la pensée du Pygmalion et de son modèle (pensée totalitaire et fusionnelle), l’amour est créé par eux et par personne d’autre. Il ne se reçoit pas de l’extérieur… donc encore moins de Dieu ! « Quand est-ce qu’on refait l’amour ? On le réinvente maintenant comme à chaque fois. L’amour est le facteur exponentiel des corps. On se multiplie l’un l’autre. Rien de tout ça ne nous a été transmis, appris. Tout ça on l’avait dedans. » (cf. une réplique de la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier)

 

Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel embrasse son amant Omar qu’il a dessiné sur le mur de sa chambre. Dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011), le comédien se met dans la peau d’un homme dont la femme a été défigurée dans un accident de voiture et qu’il embrasse comme si elle était un tableau abstrait : « Mon p’tit Picasso à moi… Smack ! » Dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, il se produit un curieux phénomène : les personnages voient apparaître sur les tableaux exposés dans une galerie d’art le visage de leur future âme-sœur, visage que les autres visiteurs ne parviennent pas à voir : « Tu veux dire que cette statue [la statue de Dibutades] porte le secret des œuvres qui font apparaître les âmes sœurs ? » (p. 202) ; « La jeune femme [Anne-Catherine] est touchée, pour la première fois de sa vie, par la grâce de l’art, devant l’autoportrait de Madame Vigée-Le Brun et sa fille. » (idem, p. 308) Dans la pièce Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro, la voix narrative s’adresse à une amante-statue. Dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet, Myriam parle toujours à sa poupée. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin a fait un portrait de son futur amant Bryan à partir d’une photo qu’il a prise de lui ; cet acte anticipé d’idolâtrie étonne sa mère : « Vous ne vous connaissiez pas mais tu as sa photo et tu fais son portrait ! » (p. 17) Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Emma tire le portrait d’Adèle dès leur deuxième rencontre. Dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn, Elena, avant de sortir avec son amie Peyton, veut absolument la flatter et l’amadouer en faisant d’elle un beau portrait-photo.

 

L’amant est comparé à une statue ou à une poupée désirable par le héros homosexuel : cf. le vidéo-clip de la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer, le film « Poupée d’amour » (1970) de Mac Ahlberg, le vidéo-clip de la chanson « Luca Era Gay » de Povia (avec la présence d’une statue gréco-romaine), le vidéo-clip de la chanson « Gay Bar » du groupe Electric Six (avec la statue grecque), etc. « Beau comme ces jeunes Grecs ciselés dans le marbre. » (la psychiatre décrivant le corps mort de Cyril, dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 222) ; « Un homme, c’est comme une pierre à laquelle tu te tiens. C’est robuste. » (Franck dans la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely) ; « Quand je suis tombé sur Pietro j’ai été ébloui, tous mes sens se transformèrent. Il n’avait aucune sexualité, aucune. Il ne bandait jamais, ne sentait rien, je pouvais faire de lui ce que je voulais. » (la voix narrative du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 22) ; « Il pense que je vois en lui un chef-d’œuvre romain. » (idem, p. 23) ; « Le corps de Pietro est devenu dur et ferme comme une statue, pas une goutte de sang n’a coulé de son nombril. » (idem, p. 151) ; « Pierre, on dirait un gros bouddha en mousse, sauf dans les moments où il pique ses crises et me casse des objets sur la tête. » (idem, p. 68) ; « Il s’aventure dans la sculpture. Il fait un Pierre grandeur nature en argile à côté du vrai qui n’a pas de mal à poser puisqu’il est toujours immobile à méditer. Ce Pierre ne lui ressemble pas du tout, il est beau, grand et musclé, on dirait une statue grecque. » (idem, p. 70) ; « Tu es comme une sculpture. Je suis amateur d’art. » (le voisin de l’immeuble payant Emmanuel pour qu’il se dénude devant lui, dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré) ; « Si les sculpteurs de l’antiquité t’avaient connu, c’est toi qu’ils auraient pris comme modèle. Tu serais aujourd’hui dans tous les musées ! » (Kévin s’adressant à son amant Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 391) ; etc. Dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura voit son amante Sylvia en pièces détachées, et la compare à la Vénus de Milo. Dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, le corps des amants est sans cesse associé à des sculptures de Michel Ange, aux peintures de Géricault : « La pierre, fût-elle ou non façonnée par l’homme, nous rend immortels. » (p. 44)

 

D’ailleurs, le couple homosexuel fictionnel se place souvent sous le patronat d’une statue : cf. le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa (où le couple Orient-Michaël est soumis au pouvoir énigmatique d’une statue), le film « La Chair et le diable » (1927) de Clarence Brown (avec le pacte d’amour devant la statue), etc. Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Antonin offre à son copain Hubert deux marionnettes en pâte à modeler à leur effigie, pour officialiser leur union.

 

Vidéo-clip de la chanson "Redonne-moi" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer


 

La légende de Pygmalion, ce sculpteur tombant amoureux de la statue qu’il a façonnée, est très souvent revisitée dans les œuvres de fiction homosexuelles : « Pierre me dit tous les jours que je suis sa star. » (Stéphane dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Oui, je la pomponne, lui applique du rose sur les joues, sur les lèvres pour lui donner meilleure mine, sinon elle a un teint de morte. » (Cécile à propos de son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset p. 53) ; « C’est moi qui lance les artistes. » (l’attachée de presse interprétée par Élie Kakou, dans son spectacle comique Élie Kakou au Point Virgule en 1992) ; « Pendant des années je t’ai connu, je t’ai peint. » (Chris dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 64) ; « Vous allez faire mon portrait. » (la duchesse d’Albe au prince Solis, dans la nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978) de Copi, p. 20) ; « Je vais faire de toi un top model. » (Petra à son amante Karin, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Je suis juste un homme qui à coup sûr peut te faire accéder à la célébrité. » (Zach s’adressant à son jeune étudiant-amant Danny, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « T’as du talent, tu sais. » (Jack parlant au jeune et bel Hugo, en cherchant à le pygmalionner, dans la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; etc.

 

Le personnage homosexuel dit qu’il tombe amoureux de sa statue, qu’il est l’agent de celle-ci : « Hey ! Embrasse pour moi la Statue de la Liberté ! » (Stéphane, le héros homo à son meilleure amie lesbienne Florence, au moment où celle-ci part à New York, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Moi, je sirotais ta douce peau d’or. » (cf. la chanson « Ange » du Beau Claude) ; etc. Dans le film « Tu n’aimeras point » (2009) de Haim Tabakman, Ezri tire le portrait d’Aaron, son amant : « Je peux te dessiner. […] Tu es mon chef d’œuvre. » Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Muriel Gold est le modèle pictural constant de sa copine et peintre Catherine S. Burroughs. Dans le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder, Watson est le biographe-amant de Sherlock Holmes. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Thibault, l’amant de Xav, est présenté comme un « Pygmalion ». Dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011), Raphaël Beaumont nous fait une imitation de Cristina Cordula, la conseillère en reloocking de la chaîne française M6. Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, le couple lesbien se promet de se construire une carrière dans la chanson : dès la première phrase du film, Shirin propose à sa copine Ati de fuir Téhéran pour se rendre à « un endroit où elle sera son agent », dans une ville où elles pourront s’aimer au grand jour ; et Ati, un peu plus tard, s’annonce aussi comme le Pygmalion de Shirin : « Tu chantes et je deviens ton agent. » Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, pygmalionne son grand frère Ody pour qu’il gagne le concours genre The Voice grec : « Je veux qu’on aille en Thessalonique et que tu deviennes une star. » Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann, le héros homosexuel, et Julien, le héros bisexuel, maintiennent une relation amoureuse d’intérêt. Yoann joue le Pygmalion de la carrière de présentateur télé de Julien : « Je suis un petit peu son PM : Personal Manager. »

 

Le coït homo ressemble parfois à un atelier poterie : « J’aime trop pétrir ses fesses de coureur, me coller à son dos cambré de statue. Je le renverse dans le lit : il m’est livré. Il est à moi. Alors je sais que son sexe m’appartient. Je le saisis d’un coup, son sexe bandé et chaud dont il est si fier, son gros membre de beau garçon. J’avale son gland rose, son bourgeon gonflé prêt à donner sa sève. Je le sens si bien quand il me prend, bien large et vigoureux. J’aime qu’il me déchire, qu’il m’éventre tout entier du bas en haut. Enfin, je suis si terriblement heureux quand je danse empalé sur lui. » (Jacques Astruc, Chambranle (2006), p. 97) ; « Tu me modèles comme si j’étais faite d’argile. » (Judy Minx dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au troisième Festigay du Théâtre Côté Cour de Paris, en avril 2009) ; « Je n’étais pas de marbre. Ma bouche goba goulûment l’un, puis l’autre testicule. Leur propriétaire se retourna, appuya ses genoux sur une marche, cambra son échine, prit la pose et apposa sa croupe fendue à cheval sur l’arrête de mon nez. Mes paumes pétrirent les deux globes. » (le personnage homosexuel fait l’amour à un modèle, dans la nouvelle « Au Musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 110)

 

Même si le héros homosexuel laisse libre cours à ses pulsions sexuelles les plus viles à travers la sculpture, il dira que son goût des corps n’a rien de « sexuel » : pour lui, c’est uniquement du bon goût ! du raffinement d’esthète ! de la sensibilité gratuite et désintéressée pour l’art ! du vrai romantisme, quoi !…

 
 

e) Le coiffeur homosexuel :

Le coiffeur homo du film "Mon curé chez les nudistes" de Robert Thomas

Le coiffeur homo du film « Mon curé chez les nudistes » de Robert Thomas


 

Chez le personnage homosexuel, le désir de façonner l’amant par amour et pour le figer dans l’esthétique ou le sentiment, ne se limite pas au monde de la sculpture. Un autre cliché très connu de l’homosexualité est celui du coiffeur gay. On retrouve les coiffeurs homos (et leurs parodies) dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen (Fifou, le personnage homo, dit qu’il aime coiffer), la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan (avec Romain Canard, la folle furieuse), le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer (avec Mario, le coiffeur gay de la mère homophobe du héros homo, Romeo), la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy (où il est question d’un homo surnommé le « coiffeur du XIème »), le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne (avec le coiffeur gay qui s’appelle « Montmartre »), le roman Bonbon Palace (2008) d’Elil Shafak (avec les jumeaux coiffeurs Djemal et Djelal, tous deux homosexuels), le film « Un beau jour, un coiffeur… » (2004) de Gilles Bindi, le film « Barbie También Puede Estar Triste » (2001) d’Albertina Carri, le film « Mon curé chez les nudistes » (1982) de Robert Thomas, le film « No Skin Of My Ass » (1991) de Bruce LaBruce, le film « Salut Maya » (2004) de Claudia Lorenz, le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick (avec le salon de coiffure de la tante de Sabu), le film « Ed Wood » (1994) de Tim Burton, le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (avec Patreese Johnson), le film « L’Escalier » (1969) de Stanley Donen (Charlie et Harry le couple de coiffeurs homosexuels), le film « Baleydier » (1931) de Jean Mamy, le film « Coiffeur pour dames » (1931) de René Guissart, le film « Lady For A Day » (1933) de Frank Capra, le film « A Queer Story » (1996) de Shu Kei, le film « Blow » (2000) de Ted Demme, le film « Elisa » (1956) de Roger Richebé, le film « Coucou » (1979) de Francesco Massaro, le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch (avec Sylvia), le film « Les Pétroleuses » (1971) de Christian-Jaque, le film « Le plus vieux métier du monde » (1966) de Claude Autant-Lara, la pièce Jimmy, créature de rêve (2005) de Marie Brassard (avec Jimmy), les films « Le Roi de cœur » (1966) et « Tendre Poulet » (1977) de Philippe de Broca, le film « Outrageous ! » (1977) de Richard Benner, le film « Hush ! » (2002) de Ryosuke Hashiguchi (avec le coiffeur animalier homo), le film « L’Amour en question » (1978) d’André Cayatte, le film « La Matiouette » (1982) d’André Téchiné, le film « Les Gros Bras » (1964) de Francis Rigaud, le film « Comme un oiseau sur la branche » (1990) de John Badham, le film « Who’s The Man ? » (1993) de Ted Demme, le film « Rock » (1996) de Michael Bay, les films « Vacances à Paris » (1958) et « La Party » (1968) de Blake Edwards, le film « La Valse des truands » (1969) de Paul Bogart, le film « L’Escalier » (1976) de Greydon Clark, le film « Black Shampoo » (1976) de Greydon Clark, le film « Ja Zuster, Nee Zuster » (2002) de Pieter Kramer, le film « Papy fait de la résistance » (1983) de Jean-Marie Poiré (avec Guy-Hubert, le coiffeur efféminé joué par Martin Lamotte), le film « Superlove » (1998) de Jean-Claude Janer, le film « La Californie » (2005) de Jacques Fieschi, le film « La Nuit de Varennes » (1981) d’Ettore Scola, le film « Le Harem de Madame Osmane » (1999) de Nadir Moknèche, la B.D. Le Rose et le Glaive d’Astérix, le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay (avec le couple Rick et Chuck), le film « Odette Toutlemonde » (2007) d’Éric-Emmanuel Schmitt (avec le personnage de Rudy), le film « Meilleur Espoir féminin » (1999) de Gérard Jugnot (avec le personnage d’Andrea), la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, le film « Rachel se marie » (2009) de Jonathan Demme (avec le coiffeur homosexuel abusé), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec le coiffeur et maquilleur homo), l’histoire courte « Standing » dans l’album Le Monde fantastique des gays (1986) de Copi, le film « The Producers » (« Les Producteurs », 1968) de Mel Brooks (avec un milieu artistique rempli de folles tordues, et notamment de coiffeurs), le film « You Don’t Mess With The Zohan » (« Rien que pour vos cheveux », 2008) de Dennis Dugan (où le héros hétéro passe pour un homo auprès de sa famille israélienne parce qu’il veut être coiffeur), le roman Maïté Coiffure (2004) de Marie-Aude Murail (avec Fifi, le coiffeur homo), le film « Mon arbre » (2011) de Bérénice André (avec Lydia, la coiffeuse lesbienne garçonne), le sketch « Le Salon de coiffure II » de Muriel Robin (avec Patrick, un homo qui pleure la fermeture du salon de coiffure), le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand (Claudio, le copain de Rodolphe, est coiffeur), le film « Bridget Jones : l’Âge de raison » (2004) de Beeban Kidron, la chanson « Georges » de Thomas Fersen, etc.

 

PYGMALION Maïté coiffure

 

Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Adèle, l’héroïne lesbienne, soupçonne Emma, sa future amante, d’être « coiffeuse » de métier à cause de sa teinture de cheveux de celle-ci, qui est bleue. Le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier, traitant de l’homoparentalité, débute par une séance de teinture (ratée) de cheveux  chez le coiffeur. Dans son one-man-show Gérard comme le prénom (2011), Laurent Gérard nous parle de son coiffeur homosexuel « qui a un rire très… coiffeur » et sur qui il reporte toute son affection : « Quelqu’un d’essentiel dans ma vie : mon coiffeur ! »

 

Film "Braids On Bald Head" (2010) d'Ishaya Bako

Film « Braids On Bald Head » (2010) d’Ishaya Bako


 

Le cliché du coiffeur gay agit comme une homophobie positive tellement il enferme les héros homosexuels dans la soi-disant « exceptionnalité » de leur désir sexuel : « J’ai rien contre les gays. Si y’avait pas les gays, on serait jamais coiffés. » (Sonia dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay) ; « Aimer Carla Bruni, à moins d’être coiffeur, c’est direct le bûcher. » (Jonathan, le héros homosexuel de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Couturier… Et pourquoi pas coiffeur pour dames tant qu’on y est ? » (Laurent Spielvogel imitant son père lui parlant, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « À part ça, je crois qu’il est un petit peu… Il est coiffeur, il est coiffeur ! » (Laurent Spielvogel imitant sa mère lui parlant de son coiffeur homo, idem) ; « J’suis coiffeur. Non, c’est une blague. Je suis visagiste, en fait. » (Arnaud, le héros homo qui ne s’assume pas, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc. Par exemple, dans le film « 20 ans d’écart » (2013) de David Moreau, le cliché du coiffeur homo est imaginé autant que méprisé par un des assistants maquilleurs de l’agence de mode de la revue Rebelle. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, un jeune Kenyan est la risée de la bande masculine de Blacksta et Waireri, parce qu’il est coiffeur : « Il a encore plus une démarche de tapette ».

 

 

Il se trouve que, bien souvent, le cliché renvoie à la réalité. Le personnage homosexuel dit clairement qu’il se consacre au métier de coiffeur : « J’entre à l’école de coiffure l’an prochain. » (Alex, la grande tapette, dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras) ; « Nous autres, les coiffeurs, avons plus de flair que les chiens de chasse. » (le coiffeur dans la pièce La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1935) de Federico García Lorca) ; « Je faisais les teintures chez les coiffeurs. » (Otho, le personnage homosexuel du film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton) ; « J’voulais être coiffeur. » (un des protagonistes homos dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je sais qu’en ce moment, Quentin, il est avec une coiffeuse. » (Jules, le héros homosexuel parlant de son ex petit copain, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; etc. Par exemple, dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, Markus est coiffeur et propose à son amant Gabriel de lui servir de « cobaye » pour son salon de coiffure de Manchester, et ensuite faire carrière : « J’aimerais faire une formation de coiffeur à Londres. » Dans le roman Courir avec des ciseaux (2007) d’Augusten Burroughs, Augusten veut devenir « star, ou docteur, ou coiffeur ». Parfois, le héros coiffeur n’a pas besoin de faire sa réputation : son homosexualité est sous-entendue par les autres personnages : « Le matin je passerai chez mon coiffeur me faire teindre en blond platine. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 

En général, l’artiste capillaire gay est montré comme l’incarnation vivante de la superficialité humaine la plus extrême, un Steevy Boulay sans cervelle et très bavard, une fashion victim aux cheveux décolorés et oxygénés : « C’est un esprit médiocre. » (Saint Loup par rapport à un de ses coiffeurs homos, dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot) ; « Le Marais, j’y vais juste pour me gommer les cheveux. » (cf. la réplique d’une bobo gay friendly dans le film « Neiges d’automne » (2014) d’Hugo Bardin) ; etc. C’est la raison pourquoi le cliché du coiffeur homosexuel attise souvent les foudres de la communauté homosexuelle.

 

Au-delà de ça, le lien entre orientation homosexuelle et coiffure, quel est-il ? Il est le même qu’avec la danse ou le massage. L’acte de coiffer peut se sensualiser très vite, prendre, selon le désir et l’intention qu’on y met, une charge érotique forte. Par exemple, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, la séance de coiffure préfigure l’homosexualité, et annonce déjà le coït lesbien à venir entre Anamika et son amante Linde : « Tandis que je faisais pénétrer l’huile dans ses tresses noires, elle laissait échapper des ‘oooh’ et des ‘aaah’ de plaisir. J’étais tout entière concentrée sur sa peau luisante et la façon dont, grâce à l’huile, mes doigts glissaient tout seuls. » (p. 17)

 

Le coiffeur homo prétend parfois enfanter et magnifier son amant : « Laissez-moi 3 jours, Didier, et je refais de vous le séducteur que vous étiez. » (Bernard, le héros homo et ancien coiffeur, s’adressant à son futur amant, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Céglia)

 
 

f) Le couturier homosexuel :

Film "Rose et Noir" de Gérard Jugnot

Film « Rose et Noir » de Gérard Jugnot


 

En parallèle avec le motif du coiffeur gay, le personnage du couturier homosexuel est aussi récurrent dans les fictions homosexuelles : cf. le film « La Belle Ensorceleuse » (1941) de René Clair, le film « Irene » (1926) d’Alfred E. Green, le film « Fig Leaves » (1926) d’Howard Hawks, le film « The Broadway Melody » (1929) de Harry Beaumont, le film « Manhattan Parade » (1931) de Lloyd Bacon, le film « Le Couturier de ces dames » (1956) de Jean Boyer, le film « Paradis perdu » (1939) d’Abel Gance, le film « Grand Ziegfeld » (1936) de Robert Z. Leonard, le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder (avec Petra), la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz, la pièce Les Indélébiles (2008) d’Igor Koumpan et Jeff Sirerol (avec le vendeur en magasin de mode), le film « Mango soufflé » (2002) de Malesh Dattani, le film « De la vie des marionnettes » (1980) d’Ingmar Bergman, le film « No Desearás Al Vecino Del 5° » (1970) de Ramón Fernández, le film « On est toujours trop bon avec les femmes » (1970) de Michel Boisrond, le film « La Panthère est de retour » (1975) d’Arthur Marks, le film « Manila By Night » (1979) d’Ismael Bernal, le film « Jackie Chan à Hong Kong » (1999) de Vincent Kok, la pièce Attachez vos ceintures (2008) de David Buniak (le vendeur en prêt-à-porter), le film « Rose et Noir » (2008) de Gérard Jugnot (avec les costumiers gay), la pièce Le Frigo (1983) de Copi, (avec Hugh couturier), la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi (avec Jean, le styliste), le film « Anastasia » (1997) de Don Bluth et Gary Goldman (dans la chanson sur « Paris »), le film « Corazones De Mujer » (2008) de Davide Sordella et Pablo Benedetti (avec Shakira, « le meilleur couturier de Turin »), le film « Alice au Pays des Merveilles » (2010) de Tim Burton (avec le Chapelier folle), la pièce Casimir et Caroline (2009) d’Ödön von Horváth (avec le tailleur Eugène Schützinger), le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin (avec Matthew, le couturier homosexuel), le sketch du vendeur en prêt à porter d’Elie Semoun (avec Jean Luc), le sketch d’Alex Lutz imitant la vendeuse de magasin, le film « Devil Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2006) de David Frankel (avec Nigel, le couturier gay), le film « Les Douze Coups de Minuit » (« After The Ball », 2015) de Sean Garrity (avec Maurice le styliste homo), l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien (avec Dallas, l’assistant-couturier homo de la créatrice Cecilia), etc.

 

« Le monsieur qui fait mon costume est homosexuel. » (l’humoriste « hétéro » Arnaud Demanche dans son one-man-show Blanc et hétéro, 2019)

 


 

Par exemple, dans le film « Rush Hour 3 » (2007) de Brett Ratner, Carter s’infiltre incognito dans un cabaret parisien en tant que « Bibiche », un costumier noir particulièrement maniéré. Dans le film « 20 ans d’écart » (2013) de David Moreau, Vincent Khan, le rédacteur en chef de la revue de mode féminine Rebelle est homosexuel. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca est un amoureux des fringues. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François est vendeur dans un magasin de vêtements féminins. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca se met dans la peau d’un vendeur efféminé de chez Prada. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, travaille dans une boutique de prêt-à-porter avant de devenir steward. Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Géraldine, un transsexuel M to F, bosse dans la mode ; et Bernard, le héros homosexuel, joue au couturier avec Donatienne, sa « fille à pédés ». Dans le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch, Michel, le meilleur ami gay de Chloé, est le « conseiller fringues » de son amie. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en thérapie un couple gay Benjamin/Arnaud parce qu’Arnaud ne s’assume pas comme homo. Il leur propose trois options d’ateliers au choix : une visite au Musée de la Mode, un atelier de création de bougies parfumées, et un atelier Mylène Farmer. Benjamin et Arnaud choisissent la sortie au musée. Arnaud se montre étonnamment expert en haute couture, ce qui étonne son copain : « Depuis quand t’es devenu un mini Lagarfeld ? » Par ailleurs, certains personnages homosexuels travaillent dans l’univers du prêt-à-porter et de la haute couture : « Pietro faisait des dessins de mode. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, pp. 12-13) ; « À ma sortie je vous emmènerai faire le tour des grands couturiers ! » (Cyrille, le héros homo, s’adressant à l’infirmière dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « À l’occasion, je pique aussi à la machine. […] Le travail ne me fait pas peur : je suis un peu décorateur, un peu styliste. » (cf. la chanson « Comme ils disent » de Charles Aznavour) ; « J’engage moins mes petites bonnes pour le travail qu’elles sont supposées fournir que selon les désirs qu’elles éveillent en moi. J’agis avec elles comme si j’étais chez la modiste. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 10) ; « Il y a mon costumier, fou de taffetas et d’opéra. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; etc.

 

Film "Dar l'Invincible" (1982) de Don Coscarelli

Film « Dar l’Invincible » (1982) de Don Coscarelli


 
 

g) L’amant homosexuel est aussi statique et causant qu’une porte de prison ou une statue du Musée Grévin :

Le gros problème du Pygmalion homosexuel, c’est qu’en tombant amoureux d’une statue ou d’un amant réservé et manipulable à souhait, c’est qu’il se retrouve un peu seul. Dans la solitude angoissante d’un musée de cire. Les allusions au Musée Grévin dans les fictions homosexuelles sont nombreuses : cf. le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes (avec la mère de José, empaillée pour le Musée Grévin), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec le cabinet du Dr Lebrun en musée de cire), le roman Le Musée Grévin (1943) de Louis Aragon, le film « Le Musée Grévin » (1959) de Jacques Demy, etc. « On n’est pas au Musée Grévin ! » (la mamie de Tom, le héros homosexuel, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) Dans la comédie musicale Peep Musical Show (2009) de Franck Jeuffroy, le marin gay veut voir le Musée Grévin afin de se trouver une excuse pour ne pas sortir avec la pin-up : c’est le chemin vers ce lieu mythique parisien qui nous met sur la piste de son homosexualité. Dans le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier, Marc, le héros homosexuel, paye le Musée Grévin à sa mère Colette.

 

Souvent le personnage homosexuel a des traits qu’on dit « autistiques », c’est-à-dire qu’il ressemble à une statue (du Musée Grévin) qui ne bouge pas, qui ne sait pas communiquer avec son entourage, qui n’exprime rien. Sans contrefaçon, je suis un glaçon… : « À moins que je finisse dans un musée et que je me fasse empailler. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Moi, je suis quelqu’un qui dit pas ses sentiments. Je garde tout. » (Benoît, le héros homosexuel de la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « Comme je suis le seul homosexuel de mon groupe, je ne sais pas où aller pour en rencontrer d’autres et ma grande timidité m’empêche de m’informer. » (le narrateur homosexuel à l’opéra, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 19) ; « Tu es timide et orgueilleuse… ce qui ne facilite pas le rapport avec les autres. » (le père de Claire s’adressant à sa fille lesbienne, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David reproche à son amant, Philibert, de ne pas parler, de ressembler à une statue muette. D’ailleurs, à la fin du spectacle, les deux comédiens parodient des spectateurs qui les regarderaient : « Ils ont mis le paquet ! On dirait le Musée Grévin ! » Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Isabelle est la fille-poupée, tétraplégique et muette. On dirait un trans, d’ailleurs.

 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Harold est décrit par son pote gay Emory comme « un homo glacial ». Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Duccio (un homme du public, homosexualisé) est décrit comme un autiste ; et par ailleurs, Bernard, le héros homo, et sa meilleure amie Donatienne vont au Musée Grévin. Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, le personnage de Paul, surtout quand il est en couple homo, devient muet et insaisissable. Dans le film « Stadt, Land, Fluss » (« La Clé des champs », 2011) de Benjamin Cantu, Marko n’a pas beaucoup d’amis, est quelqu’un de taciturne et de solitaire. Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Chloé est muette comme une statue ; Cécile, sa copine, dit d’elle qu’« elle se laisse faire comme un pantin désarticulé » (p. 25), et qu’elle est « comme un mannequin de cire déguisé » (p. 96). Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Bernard, le héros homosexuel, compare la statue de cire à « une goudou ». Dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, Héloïse est décrite comme une fille « fermée », réservée, peu expansive (p. 368) : « Elle était sobre. Pas froide, mais on aurait pu s’y tromper. » (idem, p. 271) Dans la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier présente son amant homosexuel comme une statue quasi muette du Musée Grévin. Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Florence dit s’être transformée en statue muette, muselée au contact de son amante Hélène. Quand elle la quittera, elle dira : « J’avais fermé ma gueule pendant 4 années. » Dans la pièce Transes… sexuelles (2007) de Rina Novi, Martin, le personnage homosexuel, est montré comme un autiste qui ne parle à personne sur les bancs de la fac. Dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, Sean est décrit comme une statue : « Il ne parlait pas, c’est tout, d’ailleurs il ne nous a jamais parlé. » (p. 43). Il était « toujours dans l’ombre » ; « C’était un gars qui parvenait souvent à se faire oublier. » (idem, p. 80) On découvre que son statisme a pour corollaire une misanthropie cachée : « Je crois qu’il n’aimait personne et ne s’en cachait pas. » (idem, p. 231) Toujours dans le même récit, François, le Belge extraverti, vit avec son compagnon Max, complètement renfermé sur lui-même : « Je ne sais pas comment les autres nous jugeaient, Max et moi. Le mariage de la carpe et du lapin sans doute. » (idem, p. 133) Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny est présenté comme un jeune homme « timide, silencieux, très réservé », et son amant Romeo le trouve à différentes reprises « étrange » autant qu’attirant : « Tu n’es pas comme tout le monde… » Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane reproche à son ex-amant Vincent son incapacité à communiquer, son mutisme de jeune adulte inculte et infantilisé : « T’étais du genre à ne pas donner d’explications. » ; « C’était plutôt à toi qu’il fallait tirer les vers du nez ! »

 

On retrouve l’homo mutique ou sourd-muet dans énormément de créations homo-érotiques : cf. le film « Allez » (2011) d’Oliver Tonning (où Sofia, l’héroïne lesbienne, est une jeune fille très timide), le film « Seul ensemble » (2013) de Valentin Jolivot (avec Lucas, jeune étudiant introverti et homosexuel), le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau (avec le héros homo, Henri), le film « Persona » (1966) d’Ingmar Bergman, le film « À corps perdu » (1988) de Léa Pool, le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie (avec l’inquiétante impassibilité de Rick), le film « L’Homme de désir » (1969) de Dominique Delouche (avec Rudy), le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell (avec le personnage complexe et perturbé de James), le film « Paso doble » (1983) de Lothar Lambert, le film « Plaisir (et ses petits tracas) » (1997) de Nicolas Boukhrief, le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart (Arnold en boîte, c’est quelque chose !), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé (avec le personnage de Stan), le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell (avec le silencieux et perturbé James), le one-woman-show La Folle Parenthèse (2008) de Liane Foly, le film « Paulo et son frère » (1997) de Jean-Philippe Labadie, le roman Le Cœur est un chasseur solitaire (1940) de Carson McCullers (on y retrouve John Singer, le sourd-muet ; d’ailleurs, cette œuvre devait initialement s’intituler Le Muet), le film « Godelureaux » (1960) de Claude Chabrol (avec l’exubérant Brialy et son colocataire muet), le film « Ander » (2009) de Roberto Castón (avec José, un homo renfermé et mutique), le film « Benzina » (« Gasoline », 2001) de Monica Stambrini (avec Eleonora, la lesbienne très introvertie), etc. Par exemple, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Esti, l’héroïne lesbienne, est connue pour être hyper renfermée sur elle-même. Madame Stone se demande même « s’il lui arrive de parler » (p. 58). Son amante Ronit confirme cela : « C’est vrai qu’elle était souvent taciturne, même en société, et même lorsqu’on lui adressait la parole. Elle avait cette étrange façon de se comporter, cette capacité à devenir soudain très silencieuse. » (idem, p. 60) ; « Elle avait toujours été taciturne et un peu bizarre. » (idem, p. 145)

 

Ce mutisme résulte surtout d’un viol ou d’un inceste. Par exemple, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, le petit Jeanjean a été tellement gavé (de sucreries, d’attentions, etc.) par sa mère qu’il est devenu « inexpressif »… ce qui a l’air de réjouir cette dernière : « Au moins, le mien, il est pas prêt de bouger ! »

 

Parfois, en tombant sur certains passages de romans, ou en voyant certaines pièces, on a l’impression que le héros homosexuel soliloque, même s’il nous dit qu’il est en compagnie de son copain : « As-tu plus de facilités pour parler ? J’en doute. Tu ne parles à personne. […] Je ne t’ai jamais vu rire, ni même sourire. Ce n’est pas grave, je t’apprendrai ! Tu parles peu mais heureusement car les rares fois où je t’ai vu parler à quelqu’un, j’étais vert de jalousie. » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 212) ; « On ne se voit plus mais pendant que je t’écris ainsi, chaque soir, j’ai l’impression que tu es là, au bout de ce clavier. Non, plus proche encore. Je te parle, tu m’écoutes. J’imagine tes réponses, je vois ton beau sourire… » (idem, p. 309) ; « Je nous crée une existence. Je veux façonner la tienne, participer à tes joies et à tes surprises. » (idem, p. 311)

 

Le personnage homosexuel définit son amant, comme une statue, un vis à vis « sympa mais pas très loquace » : « T’es comme autiste. » (Jean-Louis à son amant Paul dans la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset) ; « Parle-moi, Irina… Raconte-moi quelque chose. » (Mme Garbo à une Irina, son amante silencieuse, dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Tu as toujours été si terriblement tranquille. » (la voix narrative à l’amante, dans le roman La Vallée heureuse (1939) d’Anne-Marie Schwarzenbach) ; « Je vivais avec le gars le plus gentil de la Terre. » (Eugène en parlant de son copain Sébastien, dans le one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien) ; « Ce que je dis sur Max, je ne le pense pas, évidemment, c’est le garçon le plus gentil du monde, c’est un amour, c’est le mien. […] Max est un cliché à lui tout seul. » (François à propos de son « mari », dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 108 puis p. 114) ; « Mike ?!? Y parle jamais ! J’pense que moi-même j’y ai jamais parlé ! » (Gerry à propos de son ami homo, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 206) ; « Va jouer au Musée Grévin, tu seras plus expressive ! » (la Comédienne à Vicky, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 

Rien d’étonnant que le héros homosexuel finisse par reprocher à la statue – qui lui fait office d’amoureux – son inertie marbrée : « Je lui trouvais une froideur de vamp rétro. Quelque chose d’Eva Marie Saint dans ‘La Mort aux trousses’, l’exotisme slave en plus. […] Quand elle écrivait, elle devait appuyer très fort sur son stylo, car son ongle devenait blanc à l’extrémité, et rosissait à la base, sous l’afflux du sang. Ce détail me prouvait qu’elle n’était pas de marbre. Comme pour me confirmer cette découverte, en réalité sans doute parce que j’avais passé les bornes en la détaillant de manière assez insistante, elle est sortie de son immobilité de statue, a tourné la tête et m’a lancé un regard excédé. […] De toute évidence, je n’existais pas à ses yeux. » (Jason, le personnage homosexuel, décrivant Varia Andreïevskaïa dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 53-54) ;

 
 

h) La destruction iconoclaste de la poupée/statue:

Cette poupée ou statue a pour fâcheuse de résister à son maître : cf. les chansons « La Poupée qui fait non » et « Porno graphique » (« Des poupées qui disent oui ou non ») de Mylène Farmer, le film « Insatisfaites poupées érotiques du professeur Hitchcock » (1971) de Fernando Di Leo, le film « Barbie También Puede Estar Triste » (2001) d’Albertina Carri, la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz (avec Yvonne, la poupée qui fait non), « C’est moi, je suis argile. De l’argile mêlé de ciment et de sable. C’est moi, je suis pierre. Difficile à tailler. » (cf. la chanson de Rosário dans le film « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues) ; « C’est fini. J’en ai plus qu’assez d’être ton objet d’amour. Ton objet tout court. » (Abdellah Taïa à son amant Slimane, dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 115) ; « J’étais son gode préféré… et maintenant, il me délaisse. » (le narrateur homosexuel du one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont) ; « Il est hors de question que je joue à la poupée Lolita de Madame Kanojo. » (Juna s’adressant à son amante Kanojo, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez); « Nous ne voulons pas être tes poupées ! » (idem) ; « Pourquoi ça ne me dérangerait pas d’être une poupée ? Je ne sais pas. Pour jouer avec ta grande sœur. » (Kanojo s’adressant à Juna par des propos incestueux, idem) ; etc.

 

À force de trop s’imaginer que les objets sont vivants et des personnes capables de l’aimer en retour, il arrive que le personnage homosexuel trouve ses poupées ingrates et méchantes, et qu’il se retourne contre elles. « Je nous invente une vie à deux qui est si loin de la réalité ! J’y crois tellement que je me sens bien. Mon cœur est tout léger, ma poitrine se desserre. Je crains ne plus savoir faire la différence entre la fiction et la réalité. Mon esprit divague. Tu me perturbes trop. » (Bryan à Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 311) Il teste l’inhumanité de ses pantins ou cherche à les réveiller en les détruisant. Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, le Rat est bien plus qu’une marionnette en mousse : pour Vicky, il « a un esprit. C’est le Diable. […] Il serait incapable de tuer tout seul. » Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry est persuadé que les objets le détestent et qu’ils sont vivants. « Y’a des jours, même les objets, ils veulent ma peau. Vous l’avez vu vous-mêmes au début de la séance : le briquet, il m’a agressé, vous êtes témoins ! » ; « Il me présente toujours à ses potes comme le mec qui sourie et qui parle pas. » (Benjamin, le héros homo parlant de son amant Arnaud à son psy, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 

Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, Dorian, le héros, finit par prendre son propre portrait pour plus vrai et plus beau que lui : « Je suis jaloux du portrait que tu as fait de moi ! » dit-il à son amant-peintre Basile. En même temps que Dorian embrasse l’artiste, il l’étrangle jusqu’à le tuer parce qu’il a osé concrétiser la relation amoureuse/passionnelle/jalouse entre le modèle et sa toile.

 

Peu à peu, la statue tant adorée apparaît comme dangereuse aux yeux de son adulateur homosexuel : cette Vénus d’Ille androgyne a aussi le pouvoir de pétrifier et de contaminer son amant humain, au point de le rendre fou/objet et de lui faire perdre le sens du Réel : « Si la fille me plaît, c’est la statue de marbre. » (Chriss Lag se décrivant en cas de « coup de foudre », dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles (2009) au Troisième Festigay du Théâtre Côté Cour de Paris) ; « On raconte que quand les ‘Boludos’ vous regardent dans les yeux vous restez figé dans la même position pour l’éternité. On a trouvé sur leur chemin d’innombrables statues en lave représentant des êtres humains et des animaux à l’expression effrayée. » (cf. la nouvelle « La Déification de Jean-Rémy de la Salle » (1983) de Copi, p. 58) ; « On nous trouvera enlacés, bouch’ contre bouch’, galvanisés, incendiés et confondus comme un rocher contre un rocher, comm’ deux statues qu’aurait sculptées la lave ardente du matin. » (Cachafaz à Raulito dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Je veux être ton objet, assurai-je. » (Anamika à Linde, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 150) ; « Ça ressemble à un petit bonhomme, avec un tronc, deux bras, deux jambes, une tête un peu fibreuse, avec des petits fils comme à la base des poireaux. Là, je m’aperçois que c’est pas juste une illusion, que c’est véritablement un petit bonhomme. Sur ce qui fait office de tête, il y a des yeux dessinés, une petite bouche. Et au milieu du ventre, des aiguilles plantées. ‘Tu ne te reconnais pas ? qu’elle me fait. C’est toi. C’est une poupée vaudoue. Tu ne vois pas ? Les petits fils, sur la tête, ça ressemble à tes cheveux. J’ai même prévu d’accrocher des petites perles pour mieux imiter les dreadlocks.’ Au moment où je me reconnaissais, j’ai identifié les symptômes d’un bad trip» (Yvon en parlant de Groucha dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 265)

 

Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, on retrouve exactement cette réification mutuelle entre amants homosexuels, à travers le couple Luc-Jean :

Luc – « Je suis en marbre, n’est-ce pas, tu peux passer ton temps à me cogner dessus, ce n’est que ton poing que ça blesse. Je suis comme la tour d’en face, regarde. L’hélicoptère s’est écrasé contre, les occupants ont péri, mais la tour n’a pas branlé. Je suis une bite bien dure.

Jean – Luc, c’est toi qui te places en tour en face de moi.

Luc – Et toi tu te places en quoi ? En badaud ? Va m’oublier, va. Ne me touche pas, con ! »

 

On voit que le rapport amoureux entre le créateur homosexuel et sa créature se transforme en rapport de force, en manipulation : « C’est vrai, tu jouais à la poupée, me tirais les cheveux quand tu me coiffais, semblais oublier que j’étais bien vivante. » (Cécile à son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, pp. 39-40) ; « Khalid était à moi. Il s’enfonçait dans ma bouche. Je continuais de voyager dans la sienne. Des voies. Des ruelles. De l’obscurité. Des lumières, rares. J’étais devenu un sorcier : le fils de Bouhaydoura. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 141) Dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, la cantatrice Regina Morti est décrite par l’infirmière comme la « poupée mécanique » du professeur Vertudeau. Dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, Petra cherche à modeler Karin à sa guise. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, Frank dit de son amant Jonathan qu’« il le force à faire des choses qu’il ne veut pas faire. » ; celui-ci confirme le reproche qui lui est fait : « Oui, je te manipule. » Dans le film « Un Flic » (1971) de Jean-Pierre Melville, Jean Desailly joue un grand bourgeois inverti qui se fait voler une statuette par un jeune tapin qu’il a amené chez lui. Le thème de la statue est en lien étroit avec la prostitution : cf. le film « Baby Doll » (1956) d’Elia Kazan, le film « House Of Dolls » (1973) de Kuei Chieh-Hung, le film « La Rue chaude » (1961) d’Edward Dmytryck (avec le bordel The Doll’s House), le film « The Big Doll House » (1971) de Jack Hill, etc.

 

Le héros qui joue au Pygmalion homosexuel a tout du despote : il projette sur son amant ses propres diktats émotionnels et esthétiques (voire spirituels), et essaie de l’encastrer de force dans son cadre, son joli tableau, avec des cœurs dans les yeux : « Ce n’est pas une situation que nous subissons. C’est une situation qui tous les deux nous ressemble. » (Daniel à son amant Luther dans le docu-fiction « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) Par exemple, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, un maquereau veut lancer Davide, le héros homosexuel, dans la chanson. Il apparaît comme le chevalier blanc (il porte un costard blanc, a une belle voiture blanche). Mais en réalité, c’est pour s’attirer les faveurs sexuelles du petit. C’est de la prostitution pédophile déguisée (Davide a quatorze ans).

 

Puis le personnage homosexuel se décide parfois à en finir avec son fétiche : « Au revoir Dorian. Tu es celui qui a le plus influencé mon art. […] Je reconnais t’avoir adoré passionnément. » (Basile, le peintre, s’adressant à son amant Dorian Gray dans le roman éponyme (1890) d’Oscar Wilde) ; « Les jours de grand froid, […] on se réfugiait dans ma chambre. On retombait en enfance, parfois on sortait mes Barbie. Quelques mois plus tard, tu as décrété que nous étions trop vieilles pour ça et nous les avons brûlées. » (Cécile à son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 40) ; « Je te tue, Madame ! Tu sais ce que je vais faire avec ta porcelaine de Limoges ? Je vais te lacérer les fesses et je vais te crever les yeux, ma petite patronne ! » (Goliatha à « L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « J’ai décapité Teeny. » (Karine dans le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate !, 2011), « Où est-elle ? Ça sent le brûlé ! Oh, zut, je l’ai mise dans le grille-pain ! Qu’est-ce qu’elle a rétréci, on dirait une baudruche. » (Loretta Strong à propos de sa poupée Linda, dans la pièce Loretta Strong (1987) de Copi) ; « C’est Rooney […] Le requin lui arrache un bras, son petit corps saute en l’air comme un pantin, retombe dans la mer. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 104) ; « Dans un rapide accès de colère, Stephen allait à l’armoire, en sortait ses poupées et commençait à les tourmenter. Elle avait toujours méprisé ces créatures idiotes qui, pourtant, arrivaient avec chaque Noël et chaque anniversaire. ‘Je vous hais ! je vous hais ! je vous hais !’ soufflait-elle, frappant leurs faces inoffensives. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 29)

 

Le motif de la statuette ou de la poupée détruite est un leitmotiv dans les œuvres homosexuelles : cf. le film « Le Roi Jean » (2009) de Jean-Philippe Labadie (avec la poupée massacrée), le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras (avec les poupées électrocutées par Strella, le transsexuel), le film « El Asesino De Muñecas » (1975) de Michael Skaife, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer, la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche (avec la destruction des poupées Barbie), la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, le film « Reflection In A Golden Eye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, etc. Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, Wanda fait cramer ses poupées dans la cheminée. Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Jézabel, l’héroïne bisexuelle, est dessinatrice et peintre : elle finit par détruire ses dessins.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Divin artiste :

Jean Marais

Jean Marais


 

Socialement, on présente de plus en plus les personnes homosexuelles comme les maîtresses du bon goût et du pygmalionnage. « Comme tous les poètes, il entrevoyait l’avenir. » (cf. un interviewé à propos de Pier Paolo Pasolini, dans le documentaire « L’Affaire Pasolini » d’Andreas Pichler) Pensez par exemple à l’émission de télé-réalité « Queer : Cinq experts dans le vent » diffusée en 2004 sur TF1 (inspirée de l’émission nord-américaine Queer Eye For The Straight Guy), dans laquelle des dandys gays étaient chargés d’éduquer un homme « hétéro » pour lui apprendre à séduire élégamment les femmes.

 

Le statut de l’Artiste homosexuel divin est largement entretenu par la critique bobo. Par exemple, dans l’article « Des cris à Montevideo » publié dans le journal Le Nouvel Observateur le 3 décembre 1973, Michel Cournot compare le dramaturge homosexuel Copi est à Jeanne d’Arc qui, tout en ne sachant pas écrire, aurait été quand même touchée par la grâce : « Jeanne d’Arc a fait gagner une demi-douzaine de batailles : en écrivant sans savoir écrire. Pareil pour Copi. Il ne le cache pas. » Dans l’article « Copi est au ciel » sur le journal Le Nouvel Observateur daté du 18 décembre 1987, aux lendemains de la mort de Copi, Michel Cournot récidive en le décrivant comme « un ange gardien », un auteur que « tous aimaient ». Dans l’article « Copi, le survolté » de Guy Dumur, toujours dans le Nouvel Obs mais cette fois publié le 11 avril 1986, Copi est élevé au rang d’extra-terrestre visionnaire : « Il suffit d’avoir vu les dessins de Copi pour savoir qu’il ne voit pas, ne pense pas comme tout le monde. »

 

Beaucoup de personnes homosexuelles, au lieu d’orienter le processus de création vers la découverte de l’Autre, envisagent celui-ci comme un miroir narcissique : « La rencontre la plus importante d’une vie, c’est la rencontre avec soi-même. » (Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton) ; « Être queer, c’est se forger sa propre identité. » (Jan Noll, un chanteur homosexuel interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte).

 
 

b) « Je suis mon œuvre » :

Pas étonnant, par conséquent, que certaines croient en leur réputation de dieux vivants fusionnant avec leurs chefs d’œuvre et créant le monde avec leurs mots : « Il faut être soi-même une œuvre d’art, ou se vêtir d’une œuvre d’art. » (Oscar Wilde, Sentences philosophiques à l’usage de la jeunesse, 1894) ; « Je ne chante pas des chansons ni les interprète. Moi je suis la chanson. » (Bola de Nieves cité par Deny Extremera, « Bola de Nieves : Yo Soy La Canción. », sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) ; « De même que Gustave Flaubert disait ‘Emma Bovary c’est moi !’, mes héros sont tout de même beaucoup moi. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; « J’aime utiliser le corps comme une scène de théâtre. » (Steven Cohen, le performer transgenre M to F, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte) ; « Je SUIS le conte de fée moderne. » (la phrase qui revient comme un leitmotiv dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) ; « Ce que je dis est ce qui est. » (Tamara Kamenszain, « El Canto Del Cisne », dans le recueil Poemas Completos (1997) de Néstor Perlongher, p. 369) ; « J’ai vécu pour mon métier et par mon métier. » (Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton) ; « Tu n’es chez toi nulle part ailleurs que dans ces phrases. » (Anne Garréta, Pas un jour, 2002) ; « Le schizophrène est le producteur universel. Il n’y a pas lieu de distinguer le produire de son produit. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1973), p. 13) ; « J’existe uniquement dans les émotions que je crée. » (Nancy Cárdenas dans l’ouvrage collectif Para Enterdernos (1999) d’Alberto Mira, p. 158) ; « C’est sans doute cela ma folie, je tiens à mon livre plus qu’à ma vie. » (Hervé Guibert, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), p. 274) Dans sa biographie Saint Genet (1952) sur Jean Genet, Jean-Paul Sartre explique que pour Genet, « l’être et le mot ne font qu’un » (p. 54). Le titre de l’essai Les Mots et les Choses (1966) de Michel Foucault n’est pas anodin, de même que celui du recueil de poèmes La Realidad Y El Deseo (La Réalité et le désir, 1924-1962) de Luis Cernuda. C’est la distance entre le créateur et son œuvre, entre le sujet désirant et son objet de désir, qui pose problème à bon nombre de personnes homosexuelles, car elles cherchent à l’abolir/la magnifier (pour prendre leurs désirs pour des réalités). La fusion entre le créateur et sa création est observable par exemple dans les poèmes de Walt Whitman, Néstor Perlongher, Jean Cocteau, les pièces de Jérémy Patinier (par exemple avec le piano-corps dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour, 2011).

 

Certains auteurs homosexuels se vénèrent tellement eux-mêmes dans leur œuvres artistiques qu’ils comparent l’exercice d’écriture à la masturbation (c’est le cas d’Andy Warhol, Gil de Biedma, Jean Cocteau, Néstor Perlongher, Chen Jianghong, Hou Junming, etc.). « Le jeu de faire des vers, qui n’est pas un jeu, finit par ressembler au vice solitaire. » (cf. le poème « El Juego De Hacer Versos » (1986) de Jaime Gil de Biedma) Par exemple, Jean Cocteau parle du dessin comme d’une masturbation, d’une « jouissance » (Jean Cocteau dans le documentaire « Cocteau et compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier). Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, l’art est vraiment utilisé comme le prétexte à baiser, à se masturber narcissiquement.

 

C’est parfois dans la simulation de rupture brutale et de distance que s’exprime le plus clairement le désir de fusion orgueilleuse de certains créateurs homosexuels avec leur « bébé » pictural/plastique : une création artistique non-identitaire, « sans auteur derrière », qui se ferait toute seule, par l’opération du Saint-Esprit, n’est-elle pas finalement, parce qu’elle serait l’œuvre d’un dieu invisible, d’un orgueil, d’une puanteur, d’une lâcheté, d’une hypocrisie, et d’une violence incroyables ? « [Je suis un] narrateur homosexuel, qui ne revendique rien, jamais ne justifie ses désirs, prétendant être ailleurs, dans l’écriture, alors que seuls ses désirs vous concernent. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 25) ; « Contrairement à la plupart des romanciers contemporains dont la matière est essentiellement de source intime, intérieure, moi, j’ai, avant de pouvoir mettre ma matière en œuvre, à la créer hors de moi, à la poser devant moi, séparée, détachée de moi, presque étrangère à moi. » (Roger Martin du Gard à André Gide en 1933) ; « J’explique juste le mot, mais sans dire que je poète. » (le narrateur par rapport au verbe « crabauder » dans le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 53) ; « Je n’adhère pas au culte de ma personnalité. » (Mylène Farmer dans la revue Paris Match, n°2741, le 6 décembre 2001) ; « Cela va se gâter sans qu’il y ait de ma faute. Mes personnages ne tournent pas bien ; je suis obligé de les suivre là où me mène leur défaut ou leur vice aggravé. » (Paul Brach et Suzy Mante-Proust, Correspondance générale de Marcel Proust, 1930-1936, p. 76) ; « J’ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! » (Arthur Rimbaud, Poésies 1869-1872)

 

Par exemple, dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, Pietro s’auto-sacralise en déifiant les œuvres d’art qu’il crée, et se cache à lui-même son propre orgueil en pratiquant un art iconoclaste, violent et vulgaire. Dans le documentaire « L’Atelier d’écriture de Renaud Camus » (1997) de Pascal Bouhénic, malgré les apparences de détachement bobo « humble », Renaud Camus adopte un discours très marchand et impérieux concernant sa création littéraire : il parle d’« efficacité » de l’écriture, et conclut : « Ce que je dis se fait. » Dans l’ouvrage collectif Historias De Amor (1995), Tamara Kamenszain définit le romancier argentin homosexuel Osvaldo Lamborghini comme « le père de la méfiance » car « personne ne fit aussi peu confiance aux mots que lui » (pp.117-120) : « Rien ne rime avec rien. L’auteur ne peut s’asseoir en toute impunité au centre de son poème pour l’ordonner harmonieusement. Parce ce centre névralgique a été pris d’assaut par une rébellion de mots. » Or, voilà bien un paradoxe puisque l’écrivain argentin utilisa dans sa prose et dans sa poésie des mots d’une violence extrême visant à choquer et à agir comme des armes réelles. On trouve avec Osvaldo Lamborghini le parfait exemple du rapport idolâtre que certains artistes entretiennent avec le verbe.

 
 

c) Certains individus homosexuels prennent leur amant pour un objet :

Le désir de vivre une symbiose avec sa création artistique, très marqué chez les personnes homosexuelles, se décline en général par un renoncement à la fusion d’une part (renoncement qui se fait passer pour de l’humilité… alors que c’est juste du réalisme ! Il n’y a que Mary Poppins qui peut rentrer dans un tableau…) et par une sentimentalisation possessive de l’œuvre d’art ou de l’amant portraituré d’autre part. L’amant homosexuel est apprécié davantage pour son paraître, sa plastique, son utilité sensuelle, que pour ses richesses intérieures.

 

On constate une passion homosexuelle par les carcasses corporelles. Je vous renvoie aux photographies de Cosimo Mirco Magliocca du Stadio dei Marmi à Rome, à l’article de Philippe Besson « Hervé Guibert, le Goût pour les corps » dans Magazine littéraire (n°426, décembre 2003), au documentaire Beef Cake (1998) de Thom Fitzgerald (défendant l’existence de l’homme-objet et luttant contre la censure anti-porno), au documentaire « Les Garçons de la piscine » (2009) de Louis Dupont (qui est un prétexte à filmer les corps masculins), à l’affiche du one-(wo)man-show Lady Raymonde (2014) de Denis d’Archangelo (avec l’affiche où Madame Raymonde est déguisée en Statue de la Liberté), etc. Certaines personnes homosexuelles ont affirmé de leur vivant être réellement fascinées par la plastique du corps masculin ou féminin : Walter Pater, Michel Ange, Yukio Mishima, César Lácar, Juan Fersero, Francis Bacon (adepte des statues égyptiennes, et fasciné par les travaux de sculpture de Michel Ange). « J’aime les hommes. J’aime la qualité de leur chair. » (Francis Bacon cité dans le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton) ; « Je suis captivé jusqu’à la fascination par le corps socialisé, le corps mythologique, le corps artificiel (celui des travestis japonais) et le corps prostitué (de l’acteur). » (Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 63) ; « Tiens, encore une pub pour des slips ! C’est la fête du slip ce magazine. » (David Abiker en parlant de la revue Têtu, dans son essai Le Musée de l’homme : le fabuleux déclin de l’Empire masculin (2005), p. 93) ; « Devant un nu féminin, je restais insensible, alors qu’une statue antique d’adolescent suscitait mon érection. » (Yukio Mishima cité dans le Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997) de Michel Larivière, p. 248) ; « Sabah faisait son come-back. Cette chanteuse libanaise mythique de plus de 80 ans qui était devenue, à force de liftings, une statue, une momie, une icône, une petite fille étrange à la chevelure flamboyante et très blonde. Une femme à la voix un peu rauque qui défie le monde et le monde arabe. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 66) ; etc. Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte qu’il veut faire trois statues à l’effigie de ses tantes préférées : « Cette perfection dans le détail renforça mon idée de faire de cette humble maison une sculpture. J’allais immortaliser mes tantes. Mon projet consistait à remplir les différentes pièces de la maison avec du ciment. […] je demanderais à un ami sculpteur de réaliser des statues de mes tantes, d’après une photo de leur jeunesse. » (p. 107) Toujours dans ce témoignage, on nous parle de la « première œuvre d’art comestible » (idem, p. 240) : une Vénus de Milo faite entièrement en dés de fromage.

 

Claude Cahun en statue Bouddha

Claude Cahun en statue Bouddha


 

Certaines personnes homosexuelles (beaucoup plus qu’on ne croit !) se pensent nées d’une statue : « En sortant de la brasserie, j’ai observé longuement la façade de la gare du Nord, et j’ai pensé que mon père était une des statues, boulonnées sur la corniche, et qu’il me regardait, et j’ai pensé : est-ce qu’il me regarde ou est-ce qu’il me surveille ? » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 91) ; « C’est pour ça que ça s’appelle le voging. On prend la pose. » (Carmen Xtravaganza, le transsexuel M to F, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte) ; etc.

 

L’émission Aventures de la médecine spéciale « Sexualité et Médecine » de Michel Cymes diffusée sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, se termine avec un entretien entre Léonie, homme transsexuel M to F de 29 ans, et le journaliste Michel Cymes, au Musée Rodin, entourés de statues. Dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018 aussi, Déborah, personne intersexe élevée en fille, voue un culte à la sculpture de L’Hermaphrodite du Musée du Louvre : « J’adore cette statue, elle est trop belle ! ». Enfin, le chanteur gay kitsch Théo Lavabo, révélé par l’émisson La France a un incroyable talent, joue perpétuellement le rôle de l’aliment (la chipolata) ou de l’objet (le lavabo) qu’on consomme et on utilise pour son plaisir. Il a fait de l’identification aux objets sa marque de fabrique et son identité.
 
 

d) Le mythe de Pygmalion est appliqué au couple homosexuel : l’artiste homosexuel tombe amoureux de son amant-chef d’œuvre

Film "Le Sang d'un Poète" de Jean Cocteau

Film « Le Sang d’un Poète » de Jean Cocteau


 

L’univers du mannequinat, de la sculpture, de la coiffure et de la danse, renvoyant au mythe de Pygmalion et au goût des statues, est particulièrement investi par les sujets homosexuels : cf. le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz (avec des plans fixes sur des statues de marbre sculptées), le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Newtiteuf qui crée son mec idéal par ordinateur, etc. « Leur imagination est charmée à la vue de beaux jeunes gens, à la vue de statues ou de peintures dont ils aiment à entourer leur chambre. » (J. L. Casper, parlant « des pédérastes », dans son Traité pratique de médecine légale, 1852) Dans son autobiographie L’Arc-en-ciel (1983, Journal 1981-1984), Julien Green évoque dans sa vie « certains tableaux qui l’ont marqué et dont il a parlé dans son Journal » : « l’évolution du goût et des sentiments à travers l’œil d’un enfant, puis d’un homme, ce que le monde en apparence plat de la peinture fait surgir dans la perspective du rêve, la tyrannie des images depuis l’enfance. Et, je pense, sans oublier les idoles de la sculpture. » (juin 1981, p. 39)

 

La sculpture est un art propice à la naturalisation des fantasmes, donc à l’homosexualité : les corps (et l’amour, les sentiments) peuvent être subtilement déformés, et ce, de manière réaliste. C’est pour cela, par exemple, qu’elle a souvent servi de support privilégié à l’hybridité et l’hermaphrodisme (cf. l’étrange Métamorphose d’Hermaphrodite de Mabuse au musée Van Beuningen, une statue avec un seul corps et deux têtes).

 

Parmi les sculpteurs homosexuels qui ont créé de beaux Apollons musclés, on trouve Michel Ange, Arno Brecker (qui travailla pour Hitler), Tom of Finland (dessinateur), George Lepape (dessinateur), Patrick Pottier (sculpteur), Jean-Esprit Marcellin (sculpteur), George Segal (sculpteur nord-américain), etc. Par exemple, Jean Cocteau avait pour coutume de dessiner ses amants successifs (Jean Marais, « Doudou », etc.). Avery Willard est un photographe nord-américain qui a fait des nus à New York. Si elles ne sont pas sculpteurs, beaucoup de personnes homosexuelles vivent entourées de statues et de sculptures : par exemple, les divers appartements d’Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé étaient remplis de statues.

 

Je connais dans mon entourage quelques peintres et dessinateurs de nus… qui m’ont avoué qu’au cours de leurs séances de « travail », il leur arrivait de coucher avec leurs modèles masculins. Quand on traîne sur les sites de rencontres internet, il est également fréquent (quand on est un peu jeune et pas trop moche) de se faire accoster par des sculpteurs, de recevoir des offres de photographes qui cherchent à recruter des acteurs pour des castings de films pornos, ou qui tentent de dénicher parmi les internautes des proies faciles pour des shooting photos déshabillés.

 

On peut aussi souligner que les expos design et d’art contemporain/classique sont parfois des lieux de drague et d’homosociabilité idéaux. Un peu comme les bibliothèques : les amants se flairent, se scrutent, s’approchent, entre deux simulations d’observation attentive de toiles. L’art est une bonne excuse pour donner une légitimité, un raffinement, et un caractère élitiste, aux relations entre esthètes homosexuels. (J’aborde plus largement ce point dans le code « Peinture » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Par ailleurs, un certain nombre de personnes homosexuelles veulent être les Pygmalion fusionnant avec leur amant créé : « J’ai un côté Pygmalion. » (Catherine à son amante Paula, dans l’essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, p. 56) ; « C’est là que nous fîmes l’amour divinement. Mon amoureux restait brûlant et mes mains avides ne se lassaient pas de sculpter le corps du jeune dieu qui m’avait visité. » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 127) ; « Il faut se mettre dans la peau du Modèle, il ou elle. […] Il faut se mettre dans la peau du Peintre. » (Ronan Le Grand cité dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 86) ; « Jean, tu es mon seul chef d’œuvre. » (Jean Cocteau à Jean Marais, dans le documentaire « Cocteau et Compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier)

 

Souvent, des célébrités homosexuelles lancent des jeunes talents, qui sont par la même occasion des amants temporaires (on peut penser en particulier à Jean Cocteau avec Raymond Radiguet ou Jean Marais, à Pierre Bergé avec Yves Saint-Laurent, à John Waters avec Divine, à Yvonne Brémonds d’Ars avec Suzy Solidor, à Albert Bausil avec Charles Trénet, au baron Von Sinclair avec Hölderlin, etc. ; Patrick Loiseau, le compagnon du chanteur Dave depuis 36 ans, lui écrit les paroles de ses chansons). Et ces copies de Galatée se laissent entretenir, façonner, sculpter… jusqu’à temps de devenir elles aussi les Pygmalions célèbres de Galatée plus jeunes et moins connues. « L’attachement de Serge pour Nijinski était sans limites : c’est avec lui qu’il avait remporté ses premiers succès en 1909 ; en plus de son ami, c’était un peu son œuvre. » (Jean-Louis Chardans parlant de la relation artistico-amoureuse – et oppressante ! – entre le danseur Nijinski et son amant Serge de Diaghilew, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 197)

 

L’idolâtrie homosexuelle est particulièrement visible dans le mode de vie des « bourgeois de gauche » richissimes qu’ont été Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent. Ils ont vécu toute leur vie agrippés à l’argent et à leurs objets d’art, sous prétexte d’en être amoureux et que ces choses aient été le symbole de leur « amour ». On observe chez ce « couple » une totale inversion des valeurs : ils réifient l’humain, et humanisent les objets. Ils parlent d’objets comme ils parlent d’amour. Ils rentrent en plein dans le délire du Pygmalion ou du Dorian Gray. Par exemple, dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, Pierre Bergé pense que sa quincaillerie et ses statuettes vont « s’envoler de leurs propres ailes » lors des ventes aux enchères. Il décrit ses bibelots comme « une partie de son âme, une partie de sa vie », comme des êtres vivants dont lui et Yves sont tombés amoureux : « Le coup de foudre fut immédiat. » (en évoquant deux vases que Yves Saint-Laurent voulait absolument posséder sur un marché marocain) ; « Mes tableaux de Jéricho, Mondrian, Picasso, Braque, Cézanne… Maintenant, ce sont mes enfants. » ; « Nous sommes devenus Yves et moi très très amoureux… de cette maison de Marrakech. » ; « Je crois en rien. Alors raison de plus pour croire aux choses, à ses objets inanimés. […] Je vais contrôler le destin de cette collection. » Délirant… mais réel.

 
 

e) Le coiffeur homosexuel :

En ce qui concerne les Pygmalions du monde de la coiffure, ils constituent un cliché flamboyant de « l’homosexualité masculine éternelle ». « Dans un coin de la boîte, deux apprentis coiffeurs façonnaient sous un projecteur des coupes excentriques aux clients volontaires. » (Benoît Duteurtre, Gaieté parisienne (1996), p. 53) ; « Sur l’autre chaîne il y avait un homosexuel qui participait à une émission de télé-réalité. C’était un homme extraverti aux vêtements colorés, aux manières féminines, aux coiffures improbables pour des gens comme mes parents. L’idée même qu’un homme aille chez le coiffeur était mal perçue. » (Eddy Bellegueule parlant de Steevy Boulay, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 116-117) ; « Nous sommes antiquaires, coiffeurs, modélistes. C’est un peu vrai, cela dit… » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; etc.

 

Le célèbre coiffeur Antoine de Paris, d’origine polonaise, est venu en France au début du XXe siècle et a révolutionné son métier. Son salon de coiffure s’est situé pendant 60 ans au 5, rue Cambon. Antoine était gay et l’image d’un coiffeur gay vient de lui. Il y a deux films français qu’il a inspiré (« Coiffeur pour dames » en 1933 et en 1952) et son personnage a été parodié dans un film américain « The Secret Life of Walter Mitty » en tant qu’Anatole of Paris. Il était ami proche de Maurice Rostand. Antoine est appelé le roi des coiffeurs, coiffeur des rois. Il a fait une énorme carrière mais aujourd’hui il est oublié car pendant la Guerre Froide il a quitté Paris pour vivre en Pologne communiste.

 

Film "La Petite Salon" de Caroline Le

Film « La Petite Salon » de Caroline Le


 

Je vous renvoie au coiffeur gay du documentaire « Out In Africa » (1994) de Johnny Symons, au documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger (on nous montre les coulisses d’un salon de coiffure lesbien). Il existe, parmi les personnes homosexuelles, de vrais coiffeurs (il suffit de faire un tour dans le quartier du Marais à Paris pour s’en rendre compte…), mais comme ce métier est moins médiatisé que ceux du spectacle, et davantage estampillé « homosexualité visible et péjorative », rares sont les coiffeurs gay connus du grand public. On peut tout de même citer Houcine El Ouriachi (tristement célèbre puisqu’il a été assassiné à Tanger le 11 mai 2005), « JiGé » dans la biographie Le Musée de l’Homme : Le fabuleux déclin de l’Empire masculin (2005) de David Abiker, Fadi Fawaz le dernier compagnon du chanteur George Michael, etc. François About certifie que le copain du réalisateur de Jacques Scandelari était le « coiffeur des stars » à New York. Dans l’émission radiophonique Homo Micro du 12 février 2007, quand Brahim Naït-Balk demande à l’écrivain Ron l’Infirmier si « ça existe, les beaux garçons, chez les infirmiers », ce dernier aborde la question de la place de l’homosexualité dans le monde de la coiffure : « Alors infirmier pour les garçons, c’est comme steward, ou coiffeur. Voilà… C’est 90% des infirmiers hommes… […] Mais j’pouvais pas être infirmière, alors, voilà… » Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte qu’au théâtre de son lycée, il a joué le rôle d’un coiffeur : « Nous montâmes un intermède d’un auteur espagnol. Je faisais le coiffeur du village et Ernestino le médecin. » (p. 196) Dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » (diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013), Jacques Viallatte, le romancier de 61 ans, a découvert son homosexualité à 34 ans – alors qu’il était marié et qu’il avait 4 enfants – avec le coiffeur (marié et homo aussi) de sa femme : « Je rentre dans ce salon de coiffure… et bingo ! Je vois cet homme. Ce coiffeur. […] Je n’ai plus mes jambes. Je commence à transpirer des mains, alors que même sur ce plateau, je transpire pas des mains. Un coup de foudre. Dans le reportage « Homo en banlieue : le combat de Lyes » de l’émission Envoyé Spécial, (diffusé sur France 2, le 7 février 2019), Magdalena, apprentie coiffeuse, est lesbienne. »

 

Romain Carnard, le coiffeur de la pièce "Dernier coup de ciseaux"

Romain Carnard, le coiffeur de la pièce « Dernier coup de ciseaux »


 

Certains militants homosexuels ou gay friendly cherchent à noyer l’existence des coiffeurs homosexuels dans le « cliché » ou dans la masse : « Le citoyen moyen, lui, devient de plus en plus tolérant, et peut-être aussi de plus en plus indifférent. Finalement, dans une famille bourgeoise, aujourd’hui, quand on parle de Valentino, le garçon coiffeur de Madame, on ne parle même plus de sa sexualité. » (Henri Chapier dans l’essai Christine Boutin, Henry Chapier, Franck Chaumont : Les homosexuels font-ils encore peur ? (2010) de Xavier Rinaldi, p. 55) Par exemple, dans le documentaire Ménie Grégoire : Une Voix sur les ondes (2007, sur la chaîne France 5) de Marie-Christine Gambart et Sophie Garnier, la célèbre présentatrice radiophonique Ménie Grégoire se rend chez son coiffeur attitré, Robert, un homme homosexuel qui tient sa boutique Robert of Paris. L’un comme l’autre se flattent et s’auto-sacralisent : « Vous êtes une reine ! » déclare Robert avec enthousiasme ; et Ménie le brosse aussi dans le sens du poil : « L’homosexualité, c’est tout à fait naturel, c’est normal. » Le coiffeur officiel de Marine Le Pen est également homosexuel. Dans le sketch « Men’s Hair Styling Salon » interprété dans les années 1960 par James Stewart, Dean Martin, et Orson Welles, on assiste à la même banalisation rigolarde du lien entre homosexualité et coiffeur : les trois acteurs feuillettent des revues et cancanent ensemble comme s’ils étaient des clientes régulières d’un salon de coiffure.

 

Certaines personnes homosexuelles ont grandi dans une ambiance exclusivement féminine, en plus précisément une ambiance de « féminin d’apparat », de « féminité forcée et cinématographique » : Xosé Manuel Buxán, par exemple, évoque son enfance où il était admiré par son entourage (et surtout les clientes du salon de coiffure de sa mère, fidèles lectrices de revues people) pour ses mimiques, ses talents d’acteur, sa précocité (cf. l’article « Entre El Papel Y La Pluma » de Xosé Manuel Buxán, dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 173).

 

Le cliché du coiffeur gay agit comme une homophobie positive tellement il enferme les personnes homosexuelles dans la soi-disant « exceptionnalité » de leur désir sexuel. « Un jour, le démon de midi ou de onze heures entre en jeu, un gamin parle et c’est le scandale, plus ou moins vite étouffé : ‘M. Un-Tel, le coiffeur (ou l’antiquaire) de la Place-aux-Huiles… Qui aurait cru ça ? … Si gentil… si doux… Surpris avec un petit garçon de douze ans ! … et papati… et patata…’ » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 103) C’est pour ça qu’il agace et amuse prodigieusement la plupart des individus homosexuels : « Il préféra s’orienter vers un métier d’art ; à son niveau d’étude, la seule possibilité qui s’offrait à lui était la coiffure. […] Démonstration à l’appui, il fit face au miroir accroché au-dessus du buffet et, se dandinant exagérément le postérieur, il mima un homosexuel caressant les cheveux des clients. » (Ednar, le héros homosexuel, dans le roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 15)

 
 

f) Le couturier homosexuel :

N.B. : Je vous renvoie aussi à la partie « Homme-voile » du code « Homme invisible », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

PYGMALION Fernandel

 

Certains sujets homosexuels sont réellement couturiers : Christian Dior, Dolce & Gabanna, Jean-Paul Gaultier, Calvin Klein, Yves Saint-Laurent, Gianni Versace, Hubert de Givenchy, Claude Montana, Thierry Mugler, Azzedine Alaïa, etc. Et quand je dis « couturier », il s’agit de toutes les coutures, même théâtrales et littéraires : « Les écrivains se sont toujours passionnés pour la couture. Il n’y a qu’à lire Proust. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 150) ; « Mon seul combat, c’est d’habiller les femmes. » (Yves Saint-Laurent dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; etc.

 

Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias fait allusion à beaucoup de couturiers homosexuels : Horace, Jacques, Luisito Mareco. À propos de Jacques, qui a pour modèle et amant le jeune cadet de 16 ans Pedro, on découvre que l’attrait pour le monde du prêt-à-porter dit une fascination/soumission pour la beauté et le paraître : « Il s’immobilisa, interloqué devant cette nudité inattendue. ‘C’est un rêve. C’est un ange descendu sur terre’, soupira le vieux couturier. » (p. 261)

 
 

g) L’amant homosexuel est aussi statique et causant qu’une porte de prison ou une statue du Musée Grévin :

Si l’on revient à la problématique de l’amant-objet au sein de la relation d’amour homosexuel, on peut être étonnés de vérifier que la réification de soi-même ou de l’être aimé n’est parfois pas qu’une légende délirante, et qu’au contraire elle s’actualise dans la réalité bien plus souvent qu’on ne le croit ! « C’est pas parce que j’ai gagné l’année dernière que je vais me transformer en statue du Musée Grévin. » (le chanteur homosexuel Mika, dans l’émission The Voice 4 sur la chaîne TF1 le 17 janvier 2015) J’ai en tête les images de Jean Cocteau se filmant en train de converser avec sa propre statue du Musée Grévin. Dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, on apprend qu’Yves Saint-Laurent a quasiment été un pantin toute sa vie, et son amant Pierre Bergé évoque sa « timidité maladive ».

 

Pour ma part, j’en ai rencontrés beaucoup, dans la communauté LGBT, des Musée Grévin homosexuels vivants ! Vous savez, ceux qui de l’extérieur ressemblent à des statues tellement elles sont statiques, crispées, coincées, réservées, muettes, sans personnalité et sans avis, renfermées sur elles-mêmes (on les croirait à la limite de l’autisme parfois… ; avec un de mes amis, on s’amuse à les appeler « les frigos sur pattes » !) « C’est comme un objet qu’on pose sur une table. Des fois on oublie qu’il est là. » (un témoin en parlant d’un amant, dans la pièce documentaire Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo) ; « Je suis froide et impénétrable. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla).

 

Dans les cas connus de « frigos », on peut penser à Raymond Radiguet, qui était un homme silencieux et renfermé, à Fernando Lumbreras et « son caractère introverti » (Fernando Olmeda, El Látigo Y La Pluma (2004), p. 67), etc. Roger Martin du Gard décrit le « beau visage d’ange inconsolable » d’Annemarie Schwarzenbach (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 97). L’écrivain Ribadeau Dumas disait de Jean Cocteau qu’il ne souriait jamais : « Cocteau offrait le masque tragique des figures de défilé, la tristesse maquillée du cirque. » (« Apuntes biográficos » de Jean Cocteau, sur le site www.islaternura.com). Le docu-fiction autobiographique « N’importe où hors du monde » (2012), est, selon son réalisateur François Zabaleta, « l’histoire d’une destruction ; celle, quotidienne, irréversible, d’un enfant de huit ans muré, celle du sentiment de la différence chez un enfant ». Emilio Barón évoque la profonde solitude de Luis Cernuda enfant, de son « incapacité à communiquer avec les autres » (Emilio Barón, Luis Cernuda Poeta (2002), p. 41). Alexandre Delmar dit qu’il est « un vrai d’Aboville des relations sociales » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 43). Carson McCullers a une tendance à se renfermer sur elle-même. C’était déjà le cas dans son enfance. « Ce sérieux que rien ne pouvait infléchir ne lui donnait pas l’air d’une adulte, mais plutôt celui d’un enfant prodigieux mais très légèrement anormal qui refuse de sortir pour aller jouer parce qu’il est occupé à écrire dans son cahier. » (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 17). À l’âge adulte, elle restera « paralysée et quasi mutique » (p. 18). La représentation de Paul Verlaine à côté d’Arthur Rimbaud dans le tableau Le Coin de table peint par Fantin-Latour en 1872 est très parlante : on y voit un Verlaine littéralement pétrifié par la beauté de son jeune et insaisissable amant.

 

Le phénomène des Musée Grévin homosexuels m’a toujours interrogé et halluciné. Au-delà de la blague, je crois d’une part qu’il n’est évidemment pas spécifiquement homosexuel (et puis personne n’est un frigo !), et d’autre part qu’il nous rappelle en revanche le lien non-causal entre désir homosexuel et viol, ou entre homosexualité et désir d’être objet. Karine Reysset lui a donné un nom un peu scientifique qui lui va très bien, je trouve : dans son roman lesbien À ta place (2006), elle écrit que son personnage Chloé souffre de « catatonie », une maladie se manifestant par un « état de passivité, d’inertie motrice et psychique, alternant souvent avec des crises d’excitation, caractéristique de la schizophrénie » (p. 43). Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Fred, le trans M to F, est surnommé « le Frigo » par Alex, un camarade gay. Dans la réalité, il n’est pas rare justement de rencontrer des cas de « catatonie » parmi les habitants apathiques du « milieu » homo.

 

Par exemple, dans le film très biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, ne semble avoir aucune intériorité : il a du mal à parler, est très introverti, ne peut pas dire ce qu’il ressent, n’a aucun avis sur rien, semble dépourvu de personnalité, de vie intérieure mais aussi extérieure (vie amoureuse, amicale : zéro).
 
 

h) La destruction iconoclaste de la poupée/statue:

Dans la réalité aussi, la lassitude arrive fréquemment dans les couples homosexuels fondés sur le Pygmalionnage. Même si les amants n’ont pas de rôles de Pygmalion (créateur) et de Galatée (créature) prédéfinis, et qu’ils passent leur temps à s’échanger leurs masques, c’est sur un même éloignement de la Réalité que se construit leur relation. L’un finit par reprocher à l’autre de ne pas se laisser faire ou de ne rien exprimer, l’autre voudrait être libre et ne pas être considéré comme un enfant/comme un père : « Catherine pensait-elle que j’étais une marionnette dont elle pouvait tirer les ficelles à son gré pour la faire gesticuler selon ses humeurs ? » (Paula Dumont parlant de son amante, dans son essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 124) ; « Quand vous n’êtes pas sur votre piédestal, vous n’êtes pas intéressant. » (Oscar Wilde à Lord Douglas, dans son autobiographie De Profundis, 1897) ; « J’ai tenu comme j’ai pu. J’ai arrêté de travailler. Je suis devenu une petite femme. Ta conception de la femme. Je suis devenu Saâd, ton copain d’enfance. Je suis devenu une sculpture entre tes mains. » (Abdellah Taïa à son amant Slimane, dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 117) ; « Tu m’appartiens désormais, me dit-il’. C’était des mots d’homme, des mots possessionnels et j’en avais la cognition. À seize ans, je n’étais plus le même. J’avais soudainement comme une impression de vide, ce vide qui semblait être ma mort et mon humiliation. […] Qu’étais-je devenu, pour un jour, une nuit, toute une vie ? » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 70) ; etc. En somme, ils se vengent d’une seule et même idolâtrie qu’ils alimentent tous les deux en restant en couple.

 

La destruction progressive des âmes et des cœurs dans beaucoup de duos amoureux homosexuels se fait symboliquement par l’anéantissement concret des statues et des poupées. On l’observe fréquemment dans les discours et les actions artistiques/militantes réelles de certains individus homosexuels. « Il faut être agressif pour être sculpteur. » (Louise Bourgeois, la sculptrice, dans le film documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cajori et Amei Wallach) ; « Quand on attaque une toile au couteau, ça m’intéresse. » (Celia s’adressant à Bertrand, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; etc.

 

La pulsion sadique dans le fétichisme a été maintes fois analysée en psychanalyse. Beaucoup de chanteuses devenues icônes gays jouent avec leur poupée avant de la détruire à l’écran (cf. les chansons « Sans contrefaçon » et « Plus grandir » de Mylène Farmer, « Papa m’aime pas » et « Maman s’est barrée » de Mélissa Mars, « Pour que tu m’aimes encore » de Céline Dion, « Parler tout bas » d’Alizée, « On éteint » de Zazie, « Tú No Eres Para Mí » de Fanny Lu, etc.).

 

Si on voit actuellement dans certaines vitrines de Castro (le quartier gay de San Francisco, aux États-Unis) des poupées Barbie et Ken massacrées, torturées, et exposées bâillonnées pour prouver que la communauté homosexuelle tord le cou à la « tyrannie marchande hétérosexiste », c’est bien que les poupées et les statues sont UN PEU considérées comme des témoins à charge gênants. Si elle déchaînent autant de haine et que des individus anti-matérialistes s’affairent à leur scotcher la bouche, c’est bien qu’elles sont considérées comme vivantes et détentrices d’un lourd secret. Pour le connaître, ce tabou, il suffit de se pencher sur le vécu de leurs assassins iconoclastes homosexuels, et on trouve assez vite la réponse… Je crois que la révélation de la poupée homosexuelle réside d’une part sur la nature idolâtre du désir homosexuel par rapport à l’homme-objet et la femme-objet (Ce qui gêne la communauté homosexuelle, c’est que l’homosexuel ou la lesbienne sont les pâles copies de l’homme-objet et de la femme-objet, ces deux créatures médiatiques/scientifiques qu’elle déteste/adore : « Il était manifeste qu’elle était choquée par la visibilité de mon homosexualité. Pour elle, j’étais la représentation, la statue vivante, l’incarnation même du lesbianisme. » souligne Paula Dumont dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 174), et d’autre part sur le fantasme de viol que la figurine « incarne ». Dans son Épître aux Romains, saint Paul présente les actes homosexuels comme une conséquence du fait d’adorer des images des statues d’hommes, comme le fruit d’une idolâtrie, d’un amour trahi. Aurait-il, une nouvelle fois, flairé juste ?

 

La violence iconoclaste des Pygmalions homos actuels relève de la pulsion sadique dirigée contre une poupée vaudou – autrement dit d’un processus de diversion de la violence réelle. C’est pour cela qu’elle n’inquiète pas, et même qu’elle peut amuser. Cela dit, elle reste une violence actualisable, potentielle, emmagasinée dans le placard « fantasme » de notre psychisme. C’est la mort dans sa globalité qui est dédramatisée et évacuée dans la réification des êtres humains. Rien n’est grave – même la scène de torture et d’écartèlement des membres – si c’est une poupée qui les subit. Mais comme la poupée est fantasmatiquement humanisée et animée de sentiments par certains créateurs homosexuels, la gravité de la mort peut, pour le coup, être mélangée de manière cachée au désir, et donc se transformer en fantasme inconscient, en horreur banalisée, en pulsion involontairement actualisable.

 

Le sort réservé aux femmes réelles par certains couturiers gays ou certaines femmes lesbiennes féministes parties en croisade contre la femme-objet est parfois dramatique : « La nature féminine se transforme sous le crayon des créateurs de mode. […] Ils entraînent l’humanité consentante vers des corps de femmes sans seins ni fesses, sans rondeur ni douceur, des corps de mec, longs et secs. Ce sont leurs fantasmes que les créateurs de mode imposent à l’humanité, leurs fantasmes d’homosexuels (puisque l’énorme majorité d’entre eux le sont), qui rêvent davantage sur le corps d’un garçon que sur celui d’une femme. […] Aujourd’hui, les jeunes filles, toujours au bord de l’anorexie, se fabriquent un corps de garçonnet pour plaire à des créateurs homosexuels qui n’aiment pas les femmes, qui les considèrent comme de simples ‘portemanteaux’, et les terrorisent pour quelques grammes de trop. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), pp. 19-20) En remettant en cause la soi-disant « condition de la femme » (… de la statue), les féministes – souvent lesbiennes – rejettent au final une vie de dînette, de poupée, et non la vie de la femme réelle… Le problème, c’est qu’elle ne fasse pas la différence entre les deux, et que, du coup, elles vont évacuer les deux… alors qu’il n’y a que la première à jeter.

 

En amour homosexuel, on observe le même processus destructeur. L’individu qui joue au Pygmalion homosexuel a tout du despote : il projette sur son amant ses propres diktats émotionnels et esthétiques (voire spirituels), et essaie de l’encastrer de force dans son cadre, son joli tableau, avec des cœurs dans les yeux : « J’ai rêvé un instant (puisque tout le monde rêvait, pourquoi aurais-je dû être la seule à coller à des réalités triviales?) à 8 jours de vacances, en ce lieu, avec Catherine. Je l’ai entrevue, devant son chevalet de peintre, sous le soleil méridional, dans l’odeur du thym, de la menthe et du romarin. Là ou ailleurs, arriverais-je un jour à vivre une semaine entière auprès d’elle ? » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 164) Il cherche aussi à être possédé comme un objet et à être détruit : cf. le magazine des sexualités gays qui s’intitule Prends-moi. « À l’allure de ces contacts qui foisonnaient de partout, surgit ma rencontre avec un fils de riche monégasque qui m’initia aux joies du mannequinat et des voyages à l’étranger. Cette formule de voyages à l’étranger, appelée ‘Escort’ dans le milieu, n’était autre qu’un accompagnement auprès des hommes d’affaires dans leurs déplacements. Bien sûr, avec le sexe à l’appui ! » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 115) Pas étonnant que la sculpture homosexuelle s’effrite… : « Ces existences-là n’ont pas de ciment social. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976)

 
 

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