Il n’est pas très facile de revenir de retraite spirituelle quand celle-ci confine à l’intime, au secret du cœur, à la discrétion délicate de l’Esprit Saint, et qu’en même temps, elle concerne l’universel et mérite donc le témoignage. La mission apostolique est un débordement de la coupe intérieure christique. Tout ne peut pas et ne doit pas être dit (ça s’est passé entre Dieu et moi) mais il y a toute une part qui ne m’appartient pas et qui est de l’ordre de la conversion collective, du don vers l’extérieur, de la multiplication des pains, du partage. Alors j’ai décidé de vous ouvrir en partie mon journal de bord de mon séjour en abbaye bénédictine au Barroux.
En effet, pour vivre un temps de retraite spirituelle et entendre ce que le Seigneur pensait de mon projet (un peu fou et pas très mûr, avec le recul) de partir vivre dans la rue dans le but d’évangéliser, je suis venu du lundi 15 au 22 février 2016 à l’abbaye sainte Madeleine (Vaucluse, près d’Avignon). Une abbaye réputée austère et intégriste, notamment parce que les 50 frères qui s’y trouvent sont habillés en noir, ont leurs offices exclusivement en latin, vivent en apparence comme à l’âge de pierre, et certains portent même la tonsure (vous savez : la couronne de cheveux autour de la tête). Je ne savais pas trop où je mettais les pieds et à vrai dire, j’y allais plus par obéissance à ma mère spirituelle que par goût personnel. Les traditionnalistes, ce n’est a priori pas trop ma tasse de thé.
Eh bien je m’étais trompé ! Le Seigneur m’y attendait, et bien comme il faut. Il m’a comblé de cadeaux ! Au-delà de mes espérances ! Non seulement parce que mon contexte extérieur était tumultueux sans que je ne m’en rende trop compte (le Barroux a donc fait office, sans le savoir, d’abri anti-atomique pile au moment du flot d’insultes qu’a généré le site Yagg par rapport à mon article « L’homosexualité expliquée à un ado de 11-17 ans »), mais en plus par les événements à la fois très simples et surnaturels que j’y ai vécus pendant cette retraite.
Pour vous raconter la conclusion avant le chemin qui a mené à celle-ci, mon projet initial d’évangélisation s’est évanoui. Il n’est plus question pour moi de vivre en SDF, même si, par l’audace que le projet traduisait, cela paraissait grand et courageux, et prouve que j’ai toujours un grand désir de me donner entièrement au Christ. Le problème, c’est que je n’étais pas dans l’obéissance. Et l’obéissance à l’Église, c’est la clé de la vocation vraie. « Qui vous obéit m’obéit » dit Jésus à ses ministres. Sans obéissance, pas d’Amour. Une fois cela compris, il est ressorti de ma semaine au Barroux avec Jésus trois grandes priorités :
1) Je ne m’occupais pas assez de ma VIE INTÉRIEURE : J’ai découvert que jusqu’à présent, j’avais été plus un canal qu’un réservoir d’Esprit Saint, plus une cymbale retentissante qu’une personne christique qui se donne dans l’Amour. À l’avenir, je veux passer du temps à écouter Jésus et Le mettre au centre de ma vie. Je veux goûter à cette interaction permanente entre les mondes visible et invisible.
2) J’ai décidé de NE PLUS JUGER LES PERSONNES. L’avertissement de Jésus « Quiconque se fâche contre son frère aura à en répondre au Tribunal » a résonné en moi comme une bombe quand je l’ai lu dans le Catéchisme de l’Église catholique dès les premiers jours de ma retraite. Car je savais que parfois, j’ai méprisé les personnes qui ne pensaient pas comme moi, ou les ai confondues avec leurs propos ou leurs actes. Le signe de cette confusion, c’est mon emportement, mes attaques ad hominem. J’ai fait le serment, depuis ma retraite au Barroux, de bénir toute personne, et surtout ceux que j’ai salis publiquement. J’ai une dette envers eux. Cette réparation va me demander un travail de toilettage de mes blogs, articles et vidéos, sans pour autant annuler tout ce que j’ai écrit, car heureusement beaucoup de mes prises de parole ne sont pas entachées de cette colère de ne pas être compris.
3) Mon critère d’orientation de mon existence, mon gouvernail, ça doit être uniquement l’OBÉISSANCE À L’ÉGLISE, c’est-à-dire me mettre sous le patronat, la direction, l’ordre et le conseil d’un évêque ; être envoyé. Car, comme le dit Jésus, « Qui vous accueille, M’accueille. » (Mt 10, 40).
Voilà, en gros, si je devais résumer mon passage au Barroux, les trois trésors que Jésus m’a révélés clairement. En douceur. Et sans que cela me soit dit par mon directeur de retraite (le Père H.).
Ma retraite a donc été ponctuée de rencontres importantes (Saint Antoine de Padoue, Dom Chautard, Père H., Élisabeth, Josiane…), de demandes de pardon (celle avec Élisabeth de Montauban a été déterminante et a tout inauguré), de tournants décisifs, de renoncement à certaines activités (j’ai décidé par exemple de quitter le journal ), de temps forts dans l’église du Barroux face à la Croix du Christ. Et sans que ça soit programmé, elle a suivi exactement la progression classique des étapes de la conversion du cœur qu’on peut observer dans les sessions charismatiques ou dans les festivals de jeunes, beaucoup plus cadrés et mieux léchés en apparence. Même déroulement !
Lundi 15 : Perturbation de la perte des repères ;
Mardi 16 : Immersion dans le silence ;
Mercredi 17 : Dieu m’a fait connaître mon péché ;
Jeudi 18 : Premières demandes de Réconciliation ;
Vendredi 19 : Combat spirituel et deuil du projet initial ;
Samedi 20 : Relecture et pommade de l’Esprit Saint ;
Dimanche 21 : Joie et Résurrection dominicale ;
Lundi 22 : Départ.
Alors que mon directeur de retraite n’a pas été du tout invasif ni cassant dans son accompagnement spirituel (même vers la fin, il a compris que le gros du cheminement avait été parcouru, et il m’a laissé finir ma retraite tranquille, tout en priant continuellement pour moi), alors que je n’ai pas suivi de retraite prêchée (comme ça aurait pu être initialement le cas, vu que je m’étais d’abord dirigé vers St Joseph de Mont-Rouge à Puimisson puis les Jésuites de Manrèse), alors que mes activités à l’abbaye ont suivi une trame très pauvre et banal (mes déplacements les 4 premiers jours se sont limités à des allées et venues entre ma chambre et l’église ; et j’assistais simplement aux offices), le Seigneur m’a travaillé d’une manière pourtant extraordinaire. J’ai découvert des vérités que seul l’Esprit Saint a pu me dire car elles ne me sont pas parvenues de bouches d’Hommes, et certainement que ça m’aurait été difficile de les recevoir sereinement par voie humaine. Jésus a tout programmé en délicatesse, aux petits oignons. C’était exactement ce qu’il me fallait !
Voici un peu plus en détail comment ça s’est passé :
Lundi 15 février, j’ai effectué la route à pied de Carpentras jusqu’au Barroux. Une vingtaine de kilomètres. C’était un peu inconscient de ma part, car les voitures roulaient vite, la distance était longue, j’avais peu d’espace pour marcher, et puis surtout, le vent du Mistral soufflait à un point qu’il me déportait parfois. Mais il faisait beau et j’avais besoin de m’infliger cette mortification, de me manger tout cet Esprit Saint dans la gueule, de souffrir un peu. Pour labourer ma terre intérieure et qu’elle soit toute belle pour accueillir la semence à venir. Je suis arrivé vers 17h30, pile avant que la nuit tombe. Le frère hôtelier m’a installé dans ma chambre, mon directeur de retraite (Père H.) m’a salué, et j’ai assisté aux offices du soir. Le coucher est arrivé tôt.
Le jour suivant, le mardi, je me demandais ce que je faisais dans cette abbaye, quel état d’esprit je devais adopter, ce que j’allais trouver pendant cette retraite, et j’angoissais un peu à l’idée de perdre mes repères. En effet, le monastère bénédictin n’a quasiment pas de statues à vénérer, n’offre pas d’endroit autre que l’église où se recueillir, pas de petits oratoires ni d’exposition du Saint Sacrement ouverte au public, pas de coins « prière ». Même pas une statue de saint Benoît ou de saint Bernard ! Juste, dans le cloître, un Vierge de Lourdes et un petit Archange saint Michel calfeutré dans une niche. L’église est d’ailleurs très épurée, peu meublée. Dans ces conditions de pauvreté et de sobriété, ce n’est pas facile de savoir où aller, où reposer, où méditer, à part dans sa chambre, dans l’église (justement) ou en pleine nature. Et pourtant, dans cet apparent désert où se parle une langue quasi étrangère pour moi (le latin), Jésus m’avait préparé une oasis.
Le mardi 16, je suis sorti à l’extérieur du bâtiment où logent les retraitants, et contre un des murs se trouvait un petit escalier en pierre aidant à gravir un talus parsemé de plantes. Je me suis assis à mi-hauteur de cet escalier, pour y lire. Et là, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir au beau milieu des lierres grimpants une statuette blanche d’un saint que n’importe quel promeneur aurait pu ignorée tellement elle était discrètement posée là : saint Antoine de Padoue ! Mon saint préféré ! Mon ami. Mon lumignon dans la nuit, quand ça ne va pas.
En plus, la figurine était placée là parce que le moine-jardinier, par scrupule, n’avait certainement pas osé la jeter, alors qu’elle était en piteux état : cassée, il lui manquait l’Enfant-Jésus (ce qui n’est pas un détail !) et la Bible. Pourtant, saint Antoine avait encore été épargné et était reconnaissable par son lys blanc de la virginité.
Saint Antoine du Barroux
En plus, il n’avait pas une position de tête habituelle eu égard à la tradition des sculptures à son effigie (normalement, il fixe le petit Jésus, et n’a pas les yeux levés au Ciel). Ici, saint Antoine contemplait Dieu là-haut, et son doigt tenant le lys indiquait également le centre de son cœur. À travers cette statue, son improbabilité aussi, Dieu a voulu me consoler en me montrant que je n’étais pas seul. À travers son fidèle disciple médiéval, Il m’a également enseigner quelle était l’attitude que je devais suivre pour bien vivre ma retraite : ouvrir et exposer le fond de mon cœur à mon Père du Ciel, me pencher sur ma vie intérieure (= Jésus). J’avais juste à me laisser aimer par Lui et à m’offrir pour que mon cœur se consume au Sien. C’était tout simple. Comme j’ai été touché par cette délicatesse ! Même le frère qui me suivait en direction spirituelle ignorait l’existence de cette statue.
Dans la journée, le père H., justement, est venu me rendre visite dans ma cellule pour m’écouter. Il m’a beaucoup écouté et a simplement capté mon attention sur la puissance active de la prière. Le poumon de l’Église apostolique, c’est l’Église monacale. Ce sont les monastères, les couvents et les abbayes ! Et même dans la vie d’un serviteur de Dieu dédié à l’apostolat, il ne prêchera rien s’il ne prie pas et s’il ne reçoit pas d’abord l’Amour de Dieu qu’il pourra ensuite transmettre.
Mercredi 17 février, à 6h20 du matin, alors que j’étais déjà bien éveillé, un « détail » troublant a inauguré ma journée. J’ai vu au plafond de ma chambre près de la fenêtre, à travers les rideaux fermés, des filets de lumière bleutée au plafond. Ça n’a duré que trois secondes. Mais je peux vous assurer qu’il ne s’agissait pas des éboueurs du coin ni des gyrophares de voiture de policiers ou d’ambulance. Je crois que la Vierge Marie voulait me signifier qu’elle était là auprès de moi, qu’elle ne m’abandonnait pas.
Ce mercredi, lors de sa deuxième visite, le frère H. m’a dit quelque chose qui m’a marqué, alors que ça pourrait sembler anodin : « L’apostolat, c’est pas notre truc. » Il parlait au nom des bénédictins. Et intérieurement, ça a déclenché en moi une réaction en ricochet que j’ai réprimée : « Eh bien moi c’est mon truc ! » L’appel à l’apostolat, c’est quelque chose qui m’habite vraiment. Cette remarque aura son importance pour le jour suivant, vous allez voir.
En dernier conseil, le frère H. m’a dit qu’il ne fallait pas que j’hésite à solliciter l’Esprit Saint. Ce que je fis dès le temps des complies le soir même. Je ne me doutais pas de la manière dont Il allait s’y prendre le lendemain. (Pendant ces complies, j’ai imploré spécialement l’Esprit en exprimant un remord et un souhait de réconciliation à l’égard d’une femme quadragénaire, Élisabeth, à qui j’avais parlé trop sèchement sur Facebook et que j’avais virée de mes contacts récemment.)
Jeudi 18 février, la journée s’annonçait comme les autres, à part qu’il faisait moins beau dehors, et que dans un coin de ma tête, je me demandais ce que le frère H. et moi allions bien avoir de nouveau à nous dire. Non pas que nous tournions en rond pendant nos entretiens, mais il me semblait que nous aurions pu, par la suite, avoir épuisé très vite tout ce qu’il y avait à dire sur mon projet d’évangélisation. Donc j’avais quelques inquiétudes du blanc. J’avais passé le gros de ma journée à recopier sur Word mes notes du Catéchisme de l’Église catholique dont j’ai achevé enfin la lecture. En début d’après-midi, l’idée m’est venue d’aller faire un tour à la bibliothèque des frères pour voir s’il avait un livre sur Saint Antoine de Padoue. J’avais bien apporté dans mes affaires le pavé du père Malachi-Martin dépeignant les scandales du Vatican et l’arrivée du Schisme dans l’Église, mais je n’ai plus envie de lire ce genre de livres. Vu le contexte, je ne les sentais plus.
Finalement, ne trouvant pas de biographie sur saint Antoine, je suis remonté dans ma chambre, bredouille. Et là, sur l’étagère de livres qui surplombait mon bureau, un petit livre a attiré mon attention car il comportait le mot « apostolat » qui m’avait fait réagir la veille dans la bouche du frère H. : il s’agissait de L’Âme de tout apostolat du cistercien Dom Jean-Baptiste Chautard. Un guide pratique publié en 1907, taillé sur mesure avec l’appel à l’apostolat que Dieu m’avait donné et pour lequel je m’étais déplacé au Barroux, car à la fois ce livre ne contredisait absolument pas mon projet de départ et m’encourageait vraiment à me jeter à l’eau (d’ailleurs, si j’avais décidé de partir sur les routes, c’était plus pour cultiver ma Vie intérieure que pour prêcher, plus pour être évangélisé que pour évangéliser, plus pour m’intérioriser que m’extérioriser), à la fois il me révélait que jusqu’à présent j’avais cru davantage au pouvoir des actions et des mots qu’au pouvoir de la prière… même si je priais quand même. Et cette inversion perverse des priorités était savamment occultée par les richesses objectives que Dieu m’avait données depuis des années grâce au pouvoir réel de mes prises de parole publiques : je suis doté d’une pensée originale, d’une intelligence et d’un don de la parole qui donneraient à croire que je pourrais me passer de prier et de soigner ma Vie intérieure, que je pourrais me lancer dans l’apostolat en suivant une formation à l’intimité avec Dieu « en accéléré ». Alors que pas du tout. Si je devais partir dans la rue, ça devait être avant tout pour me la fermer. Et si un jour je parlais, ce serait dans longtemps, et après concertation et longs entretiens préalables avec le Christ.
Dans L’âme de tout apostolat, Dom Jean-Baptiste Chautard (1858-1935) parlent en effet pour tous les « volontaires » de Jésus, en distinguant (sans les opposer) les ordres contemplatifs et les « personnes d’œuvres ». D’entrée, il voit d’un très bon œil les férus d’œuvres, les guerriers pour le Royaume, les hommes d’action, pour qui la vie intérieure n’est pas la priorité. « Ce volume ne s’adresse qu’aux hommes d’œuvres animés d’un ardent désir de se dépenser, mais exposés à négliger les mesures nécessaires pour que leur dévouement soit fécond pour les âmes sans être pour eux-mêmes un dissolvant de vie intérieure. Stimuler les prétendus apôtres qui ont le culte du repos, galvaniser les âmes que l’égoïsme illusionne parce qu’il leur montre dans l’oisiveté un moyen de favoriser la piété, secouer l’indifférence de ces indolents, de ces endormis qui dans l’espoir de quelques avantages ou honneurs accepteront certaines œuvres, pourvu qu’elles ne troublent en rien leur quiétude et leur idéal de tranquillité, tel n’est point notre but. Cette tâche exigerait un ouvrage spécial. Laissant donc à d’autres le soin de faire comprendre à cette catégorie d’apathiques les responsabilités d’une existence que Dieu voulait active et que le démon d’accord avec la nature rend inféconde par manque d’activité et par défaut de zèle, revenons aux chers et vénérés confrères à qui nos pages sont réservées. ». (p. 27)
Le père Chautard va même jusqu’à encourager les évangélisateurs zélés : « Que ces humbles pages aillent aux soldats, qui, tout zèle, tout ardeur pour leur noble mission, s’exposent en vertu même de l’activité qu’ils déploient, au péril de n’être point, avant tout, des hommes de vie intérieure, et qui, s’ils en étaient un jour punis par des insuccès en apparence inexplicables autant que par de graves dommages spirituels, seraient alors tentés d’abandonner la lutte et de rentrer découragés sous la tente. Les pensées développées dans ce livre nous ont aidé nous-mêmes à lutter contre l’extériorisation par les œuvres. Puissent-elles éviter à quelques-uns ces déboires, et mieux guider leur courage, en leur montrant que jamais le Dieu des œuvres ne doit être délaissé pour les œuvres de Dieu, et que le ‘Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile !’ (1 Co 9) ne nous donne pas le droit d’oublier le ‘Pour moi, bien volontiers je dépenserai et je me dépenserai encore moi-même tout entier pour vos âmes’ (2 Co, 12). » (p. 7)
Dom Jean-Baptiste Chautard
Sans brider les élans missionnaires, Dom Chautard met en garde contre l’hérésie pharisienne des œuvres, de la fièvre humaniste et humanitaire qui se sert de Jésus pour s’acheter une humilité, mais qui obéit prioritairement à l’égo : « Dieu veut que Jésus soit la Vie des œuvres. » (p. 8) ; « Se conduire pratiquement en s’occupant des œuvres comme si Jésus n’en était pas seul le principe de vie est qualifié par le cardinal Mermillod d’‘HÉRÉSIE DES ŒUVRES’. Par cette expression, il stigmatise l’aberration d’un apôtre qui, oubliant son rôle secondaire et subordonné, n’attendrait que de son activité personnelle et de ses talents les succès de son apostolat. » (pp. 10-11) Le frère Chautard évoque même « l’insensé ouvrier évangélique ! » (p. 11), les « faux christs » (p. 12).
Pour échapper à la tentation de prendre la place de l’action de Dieu, il indique plusieurs clés, dont la n°7 qui m’a interpelée : « Septième vérité : Je dois craindre sérieusement de n’avoir pas le degré de vie intérieure que Jésus exige de moi. » (p. 18) Il prend l’exemple de l’oraison du matin, la messe, les sacrements et offices, examens particulier et général, les lectures pieuses, un minimum de recueillement. « Ma Vie intérieure sera ce qu’est ma Garde du Cœur. » (p. 19). Il s’agit de « » (Heb 11, 27). Il me faut « préserver fréquemment tous mes actes de tout ce qui pourrait vicier leur mobile ou leur accomplissement » (p. 19). « Cet exercice se pratique à toute heure. » (p. 19). « Que ferait Jésus ? Comment se comporterait-il à ma place ? Que me conseillerait-il ? Que demande-t-il de moi en ce moment ? Telles sont les questions qui viennent spontanément à l’âme avide de vie intérieure. » (p. 20) Même Jésus s’en référait à son Père pour prendre une décision et avant d’agir : « Je suis descendu du Ciel non pour faire ma volonté mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. ». Le frère Chautard rajoute ces précisions importantes : « Onzième vérité : Jésus doit être et veut être la vie de ces œuvres. Mes efforts à eux seuls ne sont rien, absolument rien. ‘Sans moi, vous ne pouvez rien faire.’ (Jn 15, 5). Ils ne seront utiles et bénis de Dieu que si, par une vraie vie intérieure, je les unis constamment à l’action vivifiante de Jésus. Ils deviendront alors tout puissants. ‘Je puis tout en Celui qui me fortifie.’ (Phil, 4 – 13). S’ils provenaient d’une orgueilleuse suffisance, de la confiance en mes talents, du désir des succès, ils seraient rejetés de Dieu, car ne serait-ce pas sacrilège folie de ma part de ravir à Dieu, pour m’en parer, quelque chose de sa gloire ? » (p. 21)
Le frère cistercien non seulement ne cherchent pas à éteindre notre liberté par son appel à l’abandon à Dieu-intérieur, mais il veut la renforcer, nous aider à l’incarner : « Loin d’engendrer en moi la pusillanimité, cette conviction sera ma force. Et quel besoin de prière elle me donnera pour obtenir cette humilité, trésor pour mon âme, assurance du secours de Dieu et gage de succès pour mes œuvres ! » (p. 22) ; « Cette vie intérieure est un principe de dévouement. » (p. 28) ; « Pénétré de l’importance de ce principe, je m’examinerai sérieusement pendant mes retraites pour reconnaître 1) si ma conviction de nullité de mon action lorsqu’elle est seule et de sa force lorsqu’elle est unie à celle de Jésus, ne m’émousse point ; 2) si j’exclus impitoyablement toute complaisance et vanité, tout retour sur moi dans ma vie d’apôtre ; 3) si je me maintiens dans une défiance absolue de moi-même ; 4) si je prie Dieu de vivifier mes œuvres et de me préserver de l’orgueil, premier et principal obstacle à son concours. » (p. 22)
Bref. Grâce au livre du frère Chautard, j’ai bien été mis en garde contre la tentation de « l’amour de l’action pour l’action », de « vivre hors de moi-même », de l’« admiration exclusive pour les œuvres ». Cette tentation ne concerne pas que l’homme d’œuvres : elle concerne aussi l’homme de paroles ou de pensée (même apparemment brillantes et fécondes) comme moi. L’intelligence, le talent, les mots, les actions, s’ils ne sont pas puisés en Dieu, sont une lèpre. Le père Chautard prévient contre ce qu’il appelle « la piété de sentiment » (p. 110), à savoir une « piété de milieu, d’entraînement, faite exclusivement de pratiques et d’habitudes, ne donnant que des croyances vagues, un amour sans chaleur et des vertus sans racines. Piété flasque, toute de devanture, de mièvrerie, ou de routine. ‘Pieuseté’ formant de bons enfants incapables de causer de la peine, des maniérés sachant faire la révérence, mais sans force de caractère, à la remorque de leur sensibilité et de leur imagination. » (p. 111)
Le père Chautard présente la culture de la vie intérieure comme un vrai travail : « Travail intime, assidu et constant. Et cependant c’est précisément par ce travail que l’âme acquiert une facilité merveilleuse et une étonnante rapidité d’exécution pour les travaux apostoliques. » (p. 33) ; « Ceux qui prient, disait après sa conversion l’éminent homme d’État, Donoso Cortès, font plus pour le monde que ceux qui combattent. » (p. 36). « Dix Carmélites priant, affimait un Évêque de Cochinchine au gouverneur de Saïgon, me seront d’un plus grand secours que vingt missionnaires prêchant. » (p. 38) Et de surcroît, Dom Chautard rappelle la nécessité des œuvres : « Déserter le champ de bataille sous prétexte de mieux cultiver son âme et d’arriver à une union plus parfaite avec Dieu, serait pure illusion et dans certains cas source de vrais dangers. » (p. 43) Saint Thomas d’Aquin corrobore cela : « La vie contemplative est en soi d’un plus grand mérite que la vie active. Il peut néanmoins arriver qu’un homme mérite davantage en faisant un acte extérieur : par exemple, si à cause de l’abondance du divin amour, pour accomplir la volonté de Dieu, pour sa gloire, on supporte parfois d’être privé pour un temps de la douceur de la divine contemplation. » Le livre L’âme de tout apostolat souligne le danger du quiétisme comme celui de l’activisme.
En prenant conscience de la tension entre prière et action, ou entre sphère religieuse intérieure et sphère religieuse extérieure, je n’annule pas les œuvres (verbales, écrites) que j’ai pu posées, et que je poserai encore, car elles sont utiles, proposantes et souvent vraies. Dans tout ce que j’ai dit, il y a un mélange entre des choses très utiles (voire uniques et exceptionnelles) et des choses superflues, stériles, orgueilleuses et agressives. J’ai été commentateur plus qu’acteur, canal plutôt que réservoir, observateur plus que contemplatif, inspecteur du négatif plus que du positif, justement parce que je me focalisais sur l’action de mes mots et de ma pensée et non sur la paix d’un silence christique. J’ai davantage critiqué que proposé et prié. J’ai fait des remontrances davantage publiquement qu’en privé. J’ai sans doute trop parlé, et sans la légitimité/l’humilité/le recul qui convenaient. Mais je ne veux pas renoncer à parler moins et mieux. Ou, dit autrement, je ne veux pas renoncer à laisser davantage parler Dieu en moi, et Le mettre davantage au centre que je ne l’ai fait jusqu’à présent. L’apostolat ne doit être que le don du surplus de mon oraison.
Juste avant le dîner à l’abbaye, j’ai eu l’envie d’écrire un mail de demande de pardon à l’amie dont je parlais un peu plus haut, Élisabeth, qui s’était montrée désagréable avec moi la semaine précédente sur Facebook et que j’avais retirée de ma liste de contacts car à chaque fois qu’elle intervenait sur mon mur, c’était pour me faire des remarques cyniques. Cependant, dans la manière que j’avais eue de lui répondre, j’y étais allé trop fort, trop dur. Et la veille, pendant ma prière, comme je vous l’ai dit, j’avais supplié Jésus et l’Esprit Saint que cette amie ne me ferme pas sa porte et me laisse une seconde chance de me faire pardonner. J’ai donc écrit mon mail et envoyé une demande d’ajout d’ami (eh oui, contre toute attente, au Barroux, les sites internet sont quasiment tous inaccessibles… mais en revanche, Dieu a permis que j’aie la Wi-fi, l’accès à ma messagerie, et – le plus surprenant – à Facebook et Twitter. Certainement pour que les pardons aient lieu !). Ce n’est qu’après le dîner que j’ai vu d’une part qu’Élisabeth avait accepté ma demande de contact, et d’autre part son long message de Miséricorde, où elle me pardonnait vraiment avec son cœur et en me montrant ses blessures. C’était magnifique. Et le plus ahurissant, c’est qu’elle m’a avoué m’avoir débloqué seulement la veille… au même moment où j’avais prié l’Esprit Saint ! Comme quoi la prière avait effectivement bien agi ! Et avait devancé les mots. CQFD. Ces imbroglios virtuels peuvent paraître, de l’extérieur, des broutilles adolescentes. Mais en réalité, ils font souvent énormément souffrir, ne sont pas rien, et quand ils se résolvent, peuvent libérer aussi beaucoup.
Ce jeudi soir, pendant les complies dans l’obscurité de l’église, même si je n’étais pas très attentif aux psalmodies, je me sentais en état de grâce, comme amoureux, sur un nuage. Je trouvais Jésus, l’Esprit et le Père magnifiques. Et puis j’ai compris pourquoi la grande Croix du Christ, illuminée et placée sur l’autel, m’hypnotisait depuis mon arrivée. On a vraiment l’impression qu’elle plane toute seule dans les airs car les cordages qui la maintiennent en suspension sont rendus invisibles par l’obscurité. Sa simple vue paraît déjà une préfiguration réaliste de la vision béatifique du grand Retour de Jésus en Gloire à la fin des temps ou le jour de notre mort. D’ailleurs, le Christ en Croix du Barroux est crucifié tout habillé. C’est sa particularité. Il est représenté déjà ressuscité, couronné, m’a expliqué le frère H.. C’est donc une Croix qui appelle à la prière, à la prise de conscience de l’eschatologie chrétienne, et d’où émane le miracle de la Résurrection avec une saisissante actualité.
Vendredi 19 février, lors de la messe, le Seigneur m’a fait une blague sérieuse, en jouant avec le double sens du mot « homo » permis par le latin, dans l’Évangile selon saint Jean, au chapitre 5 : « Quis est ille homo qui dixit tibi : tolle grabattum tuum et ambula ? » (Quel est l’homme/l’homo qui t’a dit : Prends ton grabat et marche ?) Peut-être que je me fais des films tout seul. Mais je ne crois pas. Jésus est tout à fait capable, sur le moment, de s’incorporer en nous, et même chez la personne homo, pour témoigner, par notre homosexualité, de sa Miséricorde et de son pouvoir en nous de guérir les autres. Truc de fou.
Dans la journée, j’ai poursuivi ma lecture de Don Chautard, à l’extérieur de l’abbaye cette fois, avec ma couverture bleue, sur le parking des visiteurs de l’abbaye (c’était la première fois que je m’aventurais à sortir de l’enclos monacal dans lequel j’étais resté depuis lundi). Avec L’Âme de tout apostolat, j’aurais voulu avoir meilleur guide pour ma recherche vocationnelle spécifique, ou meilleur substitut à une retraite prêchée, que je n’aurais pas pu le trouver ! Une retraite guidée même par des topos intéressants (comme « Comment faire les bons choix ? », « Comment discerner ma vocation ? », « le combat spirituel », et même consacré à « l’engagement ») eût été hors sujet par rapport à ma recherche : elle l’aurait soit freinée, soit survolée. Que le Seigneur est bon en nous donnant le meilleur et le plus adapté à nos besoins du moment ! Ce livre est tellement dense (jamais je n’ai lu un ouvrage avec une telle attention) que c’en était troublant. J’aurais voulu, pour gagner di temps, survoler certains passages, sauter des lignes ou des paragraphes, mais aucun n’était à jeter. Tout était à surligner.
Ce vendredi de Carême, j’ai découvert, malgré le décorum brillant (encore que plus tellement actuellement) de mon apostolat (brillance entretenue par quelques rares admirateurs et par le caractère inédit des sujets que je traite) toute la supercherie et la laideur de mon statut de « témoin médiatique », de mon œuvre « littéraire », « musicale », « audiovisuelle ». Bien sûr, il ne s’agit pas de tout jeter ou de tout noircir de ce que j’ai fait précédemment : je n’ai pas à rougir de tout. Mais je sais, au fond de mon cœur, qu’il y avait un déséquilibre grandissant entre ma vie intérieure et ma vie publique, et un abandon progressif de Dieu. Et très peu de personne pour me le dire ou me le verbaliser. Le Cardinal Lavigerie dit bien que la frontière est mince entre le saint et le pervers : « Pour un apôtre, il n’y a pas de milieu entre la sainteté complète (au moins désirée et poursuivie avec fidélité et courage) ou la perversion absolue. » (cité par Dom Chautard, p. 79) Au risque de paraître excessif, je crois vraiment que le livre L’Âme de tout apostolat de Dom Chautard m’a sauvé du naufrage, a stoppé ma course vers l’enfer. Tel que j’étais parti, j’allais au trou. J’étais (et je suis encore) en grand danger (de contre-témoignage, voire carrément de damnation, n’ayons pas peur des mots) et je ne le savais même pas. Toute la description qu’il fait du faux prophète qui s’installe dans son témoignage (de la p. 78 à la p. 91), qui succombe à la « tiédeur de volonté » (p. 85), qui s’achemine vers « l’abandon de l’oraison et de tout règlement » (p. 85), vers « la négligence dans la récitation du bréviaire » (p. 85), qui ne développe pas « le goût de l’oraison, l’esprit de sacrifice, l’habitude de la garde du cœur », qui mise beaucoup plus sur les œuvres et ses occupations que sur Jésus, c’est moi.
Ce qui est dingue, c’est la précision chirurgicale et la délicatesse avec lesquelles opère le Seigneur. C’est tellement personnalisé, c’est tellement du « sur mesures », ce livre de Dom Chautard ! Je me vois dedans. S’il avait porté le titre Pour Philippe Ariño quand il viendra faire une retraite ici au Barroux, je l’aurais cru ! Le « pire », c’est que ce livre ne m’a même pas été conseillé par mon directeur de retraite. J’ai été libre de le choisir sur l’étalage de mon bureau (même si le choix a été accidentellement orienté par ce que m’a dit mon directeur). Et les quinze autres livres dans ma chambre, que j’aurais très bien pu lire aussi (il aurait suffi d’un seul autre livre pour détourner entièrement mon attention de L’âme de tout apostolat et le concurrencer !), n’auraient pas bousculé autant mes meubles intérieurs et extérieurs : Le Combat spirituel de Laurent Scupoli, La Vie et la Règle de Saint Benoît, La Vie du petit saint Placide de Geneviève Gallois, La messe commentée, Amour et silence par un chartreux, et même Entretiens sur la vie intérieure de Dom Romain Banquet, auraient sans doute, malgré leur intérêt certain, tapé à côté…
L’âme de tout apostolat est pile écrit pour ceux qui veulent faire le saut immédiat de l’évangélisation. Il correspondait pile poil à ma situation. Et il m’encourage à la méfiance perpétuelle de moi-même, à la méfiance envers mes œuvres, et à la confiance toute entière en Dieu à l’intérieur de moi. Il me disait que sans l’humiliation et sans l’oraison, sans la « prise en compte d’un péril incessant » de mes actes et de mon âme (p. 94), j’allais droit au mur : « L’apôtre VRAI connaît les périls que font naître les œuvres. Il les redoute et chaque jour se précautionne contre eux par un sérieux examen de conscience qui lui découvre ses points faibles. » (p. 94) Cependant, après la crainte, Il apportait sa miséricorde : « Dieu ne punit point cette faiblesse par une diminution de sa grâce, et il ne tient pas rigueur de ces défaillances, POURVU QU’IL Y AIT EU EFFORTS SÉRIEUX de vigilance et de prière pendant l’action, et que l’âme se dispose, le travail achevé, à revenir près de Lui se reposer et réparer ses forces. Ces perpétuels RE-COMMENCEMENTS occasionnés par l’entrelacement de vie active et de vie intérieure réjouissent son cœur paternel. » (pp. 96-97)
Ce livre m’a démasqué ! Je le dis sans fausse modestie. J’ai découvert que je n’étais qu’un petit prétentieux. J’ai eu tant de paroles mordantes depuis que je parle publiquement. Des paroles apparemment utiles et vraies, d’un point de vue extérieur, contextuel, rentable et instantané… mais finalement beaucoup moins fécondes qu’une prière ou une remontrance privée ! L’insolence de ma situation (= lecture de Dom Chautard) aurait pu me vexer terriblement tant elle touchait juste, et en plus en tout Amour, en tout humour. Sur le coup, pendant l’office de None dans l’église justement, elle m’aurait fait presque rire. Mais elle m’a quand même fait davantage pleurer (… de honte et de joie). La Parole de Dieu, et les retraites au Barroux, ça décoiffe, je peux vous l’assurer ! Ça fait tomber les vieilles peaux. C’était comique tellement c’était précis, c’était vexant tellement c’était imparable, touchant tellement c’était fait de telle sorte que je ne m’en sente pas trop humilié. J’ai découvert combien mon âme était en grand et perpétuel danger, d’autant plus parce que je me croyais relativement à l’abri de la damnation. Cette vérité-là, je n’aurais sans doute pas été capable de l’entendre pendant un enseignement d’une retraite prêchée par les Jésuites, pas même un enseignement consacré à la thématique de l’apostolat. Je n’aurais pas pu l’entendre pendant une conférence sur la nécessité de l’engagement politique et social des catholiques. Cette vérité-là sur moi-même (l’état désastreux de mon âme, mon statut d’imposteur public, d’éternel pécheur sur terre), je n’aurais pas pu l’entendre des retraitants (en début d’après-midi, sur le parking, l’un des prêtres en soutane qui a séjourné en même temps que moi à l’abbaye et qui était sur le départ, est venu me féliciter pour « la beauté de mon témoignage » : ironie du sort, à ce moment-là, ma notoriété me débectait tellement qu’il m’aurait donné une fleur fanée en guise de bravo, c’eût été pareil). Cette vérité-là sur moi-même, probablement que je n’aurais même pas été en capacité de la recevoir par une mise en garde directe de mon accompagnateur, au demeurant très solide, mais suffisamment pressionné par ma susceptibilité, par le lien d’affection fort qui le lie à ma mère spirituelle qui m’avait envoyé à lui puisque c’était son parrain, par mon intelligence, pour ne pas oser me dire trop cash les choses et me décourager. Il fallait, pour que je la reçoive calmement et qu’elle soit féconde, que je reçoive la claque du vendredi de Carême par un moyen surnaturel, lointain, extérieur, pas trop brutal et humanisé : un livre. Mais aussi l’Eucharistie, l’Esprit Saint, les paroles de la Bible (et notamment les psaumes, omniprésents dans la liturgie des heures bénédictine). La lecture de L’âme de tout apostolat, comme je le disais, a constitué la claque du vendredi de Carême. Mais qu’est-ce que ça faisait du bien que Dieu mette vraiment le doigt là où ça faisait mal, qu’Il me mette le nez devant les risques réels de l’entreprise dans laquelle je m’apprêtais à me lancer. Dieu veille sur toutes ses brebis, c’est impressionnant !
Vendredi après-midi, le frère H. est venu me visiter pour la troisième reprise. C’était à la fois très clair et attendu (ses conseils se dirigeaient vers la cultivation, en moi, de la vie intérieure et vers l’obéissance), à la fois crucifiant (mon projet de départ dans la nature se délitait de lui-même). Mes plans s’envolaient en fumée. J’étais symboliquement nu. Mais la découverte que j’avais laissé à l’abandon mon Christ intérieur était trop grande, trop enthousiasmante : cette retraite me révélait une amertume (j’ai un trésor intérieur que j’ai négligé au profit de mes trésors extérieurs périssables) mais aussi un nouveau trésor réjouissant (mon trésor intérieur n’était pas perdu, je pouvais le récupérer et le retrouver en Lui accordant ma vie) ! Le frère H. n’a même pas eu à argumenter, à briser des rêves, à me contredire. C’est ma retraite et le livre de Dom Chautard qui avaient parlé. Le père H. n’a fait que me conseiller de prier l’Esprit Saint pour qu’Il m’éclaire.
Pendant l’entretien, j’ai senti que le frère H. se laissait impressionner par mon homosexualité, car je l’entendais lui accorder trop d’importance, me définir comme un « récent converti » qui sortait tout juste d’expériences traumatisantes et qui a fait une « grande conversion ». Je l’ai laissé accorder trop d’importance à mon homosexualité et minorer mes 29 premières années de virginité, mes 35 années de pratique et d’éducation religieuse, me traiter comme un jeune converti bon pour être hébergé chez Tim Guénard. Je me disait que ça faisait partie de mon pack « Humilité », de l’obéissance et du sens que voulait donner Jésus à ma retraite. C’était peut-être moi qui me croyais trop vite sorti de l’homosexualité, qui banalisais le traumatisme de mes 1 an et demi de pratique homo, et qui surestimais ma force pour l’apostolat. Je l’ai laissé dire sans broncher.
Ce vendredi de Carême a été fidèle à l’image que je me faisais des vendredis saints et des Mystères douloureux. J’ai pleuré parce que soudain face à moi, c’étaient un avenir incertain, un virage dans le brouillard, qui se profilaient. Après mon entrevue avec le frère H., j’ai envoyé un mail à un évêque en qui j’ai confiance pour le préparer à recevoir une lettre de ma part, avec un compte-rendu détaillé de retraite et une demande de rendez-vous, si possible au moment où je savais que je serais à Lourdes (entre le 5 et le 6 mars prochains). Puis, juste avant les complies, je suis allé implorer (en larmes) l’aide de l’Esprit Saint et de saint Antoine de Padoue, avec ma couverture bleue, sur les marches de la statue de saint Antoine, autour de 19 h justement, en priant spécialement pour l’évêque sollicité. Et v’là t’y pas qu’en revenant dans ma chambre, un mail de Mgr, daté de 19h02, est arrivé : positif ! La prière, c’est encore plus précis et inattendu que le téléphone. Bon, à partir de là, il ne me restait plus qu’à suivre l’Esprit Saint pour qu’Il me fasse écrire un super compte-rendu de retraite.
Le soir, je suis passé très rapidement sur les réseaux sociaux. Je ne lisais dans les « posts » de mes amis que des commentaires négatifs, superficiels et critiques, que des réactions réactionnaires sur l’actualité. Mes congénères se consolaient et se vengeaient comme ils pouvaient de ne pas assez agir pour le Seigneur et de ne pas assez prier. Mais que de jactance pour pas grand-chose ! Je suis tombé bon nombre de fois dans le panneau, alors je me permets ce constat.
Samedi 20 février, ce fut une journée sans filet pour moi : le père H. avait moins de temps à me consacrer samedi (idem pour le dimanche et le lundi qui approchaient). Je crois qu’il a compris que la retraite avait fait son bel effet. Je suis allé m’acheter à la librairie de l’abbaye L’âme de tout apôtre : je décidai qu’il serait mon livre de chevet, pour garder le plus longtemps possible en mémoire les trésors de grâces qui se trouvent à chaque page. Un groupe de scouts adultes est arrivé à l’abbaye pour faire une recollection. Même s’ils étaient d’Europe donc supposément éduqués à l’intériorité, j’arrivais quand même à les trouver encore trop bavards (le silence de l’abbaye commençait vraiment à déteindre sur moi !).
Pendant les offices du samedi, je me suis aperçu que le contact régulier et néanmoins un peu distant avec ces 50 hommes de prière m’enveloppait comme une vague de mer qui venait chercher le grain de sable et l’attirer vers Dieu, l’aider à prier. Même si je ne suivais pas encore tout, si je ne comprenais pas tout, si la monophonie des chants en latin pouvait toujours me rebuter un peu. Cela tenait du miracle que la puissance de l’Église soit aussi contagieuse. Ça ne peut pas vraiment s’exprimer par des mots. Je vivais une retraite sensationnelle. Pourtant, d’aucun l’auraient vue comme anodine, voire même comme un abandon car le frère qui me suivait m’a laissé libre de mon emploi du temps et s’est occupé de moi surtout d à distance, dans l’invisible de la prière.
Le samedi, je me sentais minable mais aimé, alors je n’étais pas triste comme la veille. Le Seigneur a eu assez pitié de moi pour me permettre de faire le constat tout seul que je me préparais à devenir un gros connard au fil des années, un faux prophète que beaucoup voyaient comme saint, mais qui en réalité allait laisser sa Vie intérieure s’assécher dans la critique permanente et l’assurance d’avoir raison tout seul. Et le pire, c’est que depuis un an, je me plaignais de voir que mes amis me délaissaient, qu’on ne m’invitait plus en conférence. Je jouais l’incompris. Certes, il y avait l’homophobie réelle au sein de l’Église et dans la société, il y avait l’ignorance, la bêtise et l’endurcissement des cœurs. Mais pas que. Et les amis qui essayaient de m’avertir de l’« hérésie des œuvres », de l’hérésie des prises de parole radicales, de l’hérésie du commentaire systématique, de l’hérésie de la plainte, de l’« hérésie de la Vérité sans Charité et sans prière » en résumé, finissaient soit par lâcher l’affaire avec moi et bouder dans leur coin, soit par voir dans mon intransigeance une énigmatique radicalité sainte. Je sais qu’il n’en était quasiment rien (de ma « sainteté accomplie »). Même si je ne dois pas me diaboliser à l’excès ni détruire les belles paroles que j’ai dites, ni oublier la charité et la douceur véritables que certaines d’entre elles avaient (car je ne suis pas un mauvais bougre ni un imbécile, et mes écrits sur l’homosexualité sont nécessaires, puissants).
Au Barroux, j’en étais rendu à un point où mon statut d’homme public et la gloriole que j’avais pu en tirer me faisaient honte. Je n’en voulais plus. Ou en tous cas, pas comme avant. Dernièrement, par téléphone, mon grand frère Louis-Marie avait eu à mon égard une parole de remontrance et de correction fraternelle pleine de sagesse. C’était à propos d’un billet incendiaire que j’avais écrit à l’attention de la Conférence des Évêques de France (CEF) suite à l’assemblée plénière de Lourdes juste après le Synode de novembre 2015 sur la famille, où je m’étais permis de me fâcher contre le discours de Mgr Pontier, le président de la CEF. Très fraternellement, mon frère m’avait dit d’un soupir plein de tendresse et de lamentation mêlées : « Certes, tu as raison… mais pas comme ça. Tu n’aurais pas dû. Tu aurais pu te contenter de prier pour eux, ça aurait eu davantage d’efficacité. » Moi, à l’autre bout du fil, je me trouvais des excuses. J’accueillais en partie son recadrage, mais je me félicitais intérieurement de mon incorrigible – et finalement « admissible » à mes yeux – impertinence, je me gaussais de mes frondes « sans concession et politiquement incorrectes ». Mais je n’écoutais pas vraiment et m’endurcissais dans le sentiment d’« avoir quand même un peu raison d’être dur ». Je me moquais de ceux qui m’appelaient à l’amour et à la Charité, leur soutenant qu’ils étaient « schizos » de dissocier en moi fond et forme, et de ne pas me prendre comme un Tout. Et je profitais de mon statut d’Insolent public, qui possède la puissante singularité de parler d’homosexualité comme personne, avec la pertinence et la continence qu’il faut, pour ne pas me remettre un poil en question ni laisser la première place au Christ. Jeune con que j’étais et que je suis encore !
L’Amour du Seigneur, c’est qu’Il m’a épargné l’humiliation d’entendre ça de la bouche d’un humain présent en chair et en os face à moi. Dans sa grande Miséricorde, il a tenu à ce que je me rende compte de mon péché, de l’état désastreux de mon âme, de mon identité d’antéchrist et de faux prophète, par la douceur, par une retraite « anodine », par la solitude, par la distance relative de mon directeur de retraite, par un petit livre discret d’un moine cistercien venu du fond des temps (l’abbé Chautard). Certainement qu’en ayant été plus direct et plus descriptif, Jésus savait que je me serais caché, que mon cœur n’y aurait pas survécu, que le sentiment de honte et d’imposture m’aurait submergé, que je me serais enfermé dans ma coquille de vexation. Il m’a préservé de la honte en me laissant une seconde chance. Gloire à Lui ! Et pardon, pardon, pardon. Je veux désormais passer du temps à prier pour ceux avec qui je ne suis pas d’accord, et à ne dire que du bien d’eux (Ça vaut aussi pour les évêques, les cardinaux, le Pape, Virginie Tellenne, Ludovine de la Rochère, Jacques de Guillebon, Koz Toujours, Tugdual Derville, l’abbé Grosjean, nos dirigeants, mon frère jumeau, etc.).
Pendant la messe de ce samedi matin, à la fois une grande plainte et une profonde angoisse me submergeaient (« Que de temps j’ai perdu ! »), à la fois une vraie action de grâce montait de mon cœur (« Merci Seigneur, grâce à cette retraite, de m’avoir fait connaître mon péché et mon visage d’orgueilleux ! Je veux dorénavant chanter les louanges de tout le monde, et en particulier de ceux que je n’aime pas assez et dont les paroles m’énerveraient ! »). Mon Carême, il fallait que ce soit un Carême de vie extérieure : finies les paroles acerbes, les critiques, les constats négatifs (même avérés), les médisances ayant l’apparence de la Vérité, les avis sur tout. Ce dont tu vas te priver, Philippe Ariño, ce n’est pas de chocolat (de toute façon, niveau nourriture, je mange dans l’année pire que le menu de Carême qu’on me donne à l’abbaye du Barroux ! Alors où serait le mérite de ma privation de nourriture ?), ce n’est pas de tes vêtements ni de ton toit ni de ton argent (en tout cas, pas tout de suite) ; mais c’est de PAROLES, et en particulier de paroles mauvaises qui te soulageaient mais qui faisaient bien plus de mal que de bien ! Carême d’AVIS ! Carême d’OPINION ! Carême d’IRONIE ! Car tout ça, c’est dans mon cas la richesse pharisienne la plus difficile à lâcher ! Lors de la messe, les lectures étaient très importantes : « Cherchez toujours le bien entre vous et envers tous. Soyez toujours dans la joie. Priez sans cesse. Éprouvez tout et retenez ce qui est bon. Abstenez-vous de tout ce qui a l’apparence du mal. » (saint Paul aux Thessaloniciens, I 5, 14-23). Et je rajoute les paroles du Christ et qui m’ont bien foutu les boules 3 jours auparavant quand je les ai lues sur le Catéchisme de l’Église catholique : « Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal ! » (Mat 5, 20-26) Ça va loin. Et on a beau tourner la phrase dans tous les sens pour euphémiser, ça ne marche pas : « Vous avez entendu qu’il a été dit aux ancêtres : ‘Tu ne tueras point’ ; et si quelqu’un tue, il en répondra au tribunal. Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal ; mais s’il dit à son frère : ‘Crétin !’, il en répondra au Sanhédrin ; et s’il lui dit : ‘Renégat !’, il en répondra dans la géhenne de feu. Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens d’un grief que ton frère a contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande. » (Mat 5, 22) Ça a le mérite d’être CLAIR ! Et moi, je ne veux pas aller en enfer ! Alors autant vous dire que j’ai du taf ! 😉 Je crois qu’il faut que nous fassions spécialement confiance et attention à toutes les phrases ou passages de la Bible qui nous foutent mal à l’aise, car généralement, c’est là que se trouve notre péché et qu’il ne faudrait surtout pas fuir.
Les gens que j’ai traînés dans la boue, j’ai une dette envers vous. Si je veux la régler publiquement à présent (et je la règlerai ensuite en faisant un toilettage de mes articles), c’est aussi parce que je vous ai maltraités publiquement. Pour des raisons bonnes ou mauvaises, là n’est pas la question. Je n’avais pas à régler publiquement mes désaccords avec vous, ni à humilier votre personne par l’insulte, le mépris, l’invective, ni à salir votre nom, votre réputation et votre honneur, surtout indirectement. Et j’ai la chance, avant ma mort et mon procès céleste, de me rattraper, alors je la saisis. En espérant qu’elle ne vous mettra pas mal à l’aise, et qu’elle ne vous apparaîtra ni comme une hypocrisie, ni comme une confusion entre la blogosphère et le confessionnal. Si vous voulez qu’on en reparle en privé, je me tiens à votre disposition et j’en serais très heureux.
Jacques de Guillebon : Mes attaques contre toi sont d’autant plus inadmissibles qu’à la base, tu m’avais montré un intérêt réel, malgré ta pudeur apparente. En fait, j’ai su par des amis communs très proches, et par tes discrets essais de salutation à mon égard, que derrière ta façade de froideur, tu es très convivial, plein de camaraderie, droit, et qu’au départ, avant que je te sois hostile, tu voulais mon amitié. Si je ne m’étais pas bêtement arquebouté sur tes écrits sur l’homosexualité, si je ne m’étais pas jeté sur tes contradictions, nos échanges intellectuels auraient pu aller loin, nos engagements politiques auraient pu être fructueux. J’ai pris ta maladresse pour la méchanceté qu’elle n’est pas. J’ai pris tes blessures et ta timidité pour l’orgueil monstrueux qu’elles ne sont pas. J’ai utilisé tes écarts de conduite alors que moi-même je ne suis pas parfait. Je te demande vraiment pardon.
Ludovine de la Rochère : Je n’ai jamais caché mes désaccords sur bon nombre de vos choix dans notre lutte contre le « mariage pour tous ». Mais je peux attester devant tout le monde que vous avez un vrai cœur de mère. D’ailleurs, quand la mienne est décédée, vous êtes venue à la sortie de la messe de Saint-Germain-des-prés (ça ne s’improvise pas !) pour me voir et me formuler vos condoléances. Même si, sur le moment, je n’ai pas su reconnaître votre élan de bonté, je le salue maintenant devant tous. Vous avez respecté ma maman. Et par là même, vous m’avez respecté moi. Vous avez été touchée par ma situation et par ma peine bien enfouie. Vous avez fait fi de nos différends. Peut-être même que, contrairement à moi, vous ne vous doutiez pas encore à l’époque que je vous en voulais. Innocemment, spontanément, vous avez été plus simple et plus bienveillante que moi. Par la suite, malgré nos désaccords de stratégie, je n’avais pas à vous dire que vous « mentiez comme vous respiriez », car ce n’est pas vrai. La preuve avec l’épisode des condoléances. La preuve aussi avec les sacrifices et les efforts que vous faites pour dénoncer le « mariage pour tous ». Avec grande maladresse, peur de l’homosexualité et manque de clairvoyance, certes. Mais vous faites ce que vous pouvez. La preuve avec le courage dont vous faites preuve pour supporter les nombreuses critiques faites à l’encontre votre combat, critiques venant aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Et moi, comme un méchant qui voulait se venger de ne pas être sollicité par vous, au lieu de vous assurer un précieux soutien dont vous aviez besoin, j’en ai rajouté une couche pour couler votre barque, pour pointer du doigt les nombreuses incohérences de votre stratégie. Et comme les failles pointées sont argumentées et avérées, je ne peux qu’être sûr de vous enfoncer vraiment. C’est ainsi que je joue le jeu de nos opposants. J’ai été vrai mais méchant, donc finalement, je n’étais plus tellement vrai mais réellement méchant. Vous n’avez pas mérité ma méchanceté. Je vous demande pardon.
René Pujol : Je regrette de vous avoir fait passer pour un mauvais journaliste, ou un journaliste mauvais. Car tel n’est pas le cas. Nos désaccords sur certains sujets de société sont là, rien ne sert de le nier hypocritement. Mais vos qualités journalistiques sont indéniables. D’ailleurs, j’aime votre capacité à formuler vos opinions avec tact et art, à tourner vos phrases de telle manière qu’elles ne blessent pas ou qu’elles se finissent en interrogations (pour ne jamais rien imposer), qu’elles soient pleines de nuances et échappent aux caricatures, aux manichéismes. Vous êtes un anticonformiste, un joueur même, qui refuse les simplismes, les pensées toutes faites, le dogmatisme. J’aime aussi votre souci des pauvres, de ceux à qui on ne pense pas, ou ceux qu’on s’est trop habitués à victimiser pour les considérer comme des personnes. Vous défendez la gauche parce que vous croyez sincèrement que la priorité de la Charité christique va aux personnes avant les moyens pour les aider. Et je suis intimement convaincu de cela avec vous. Pardon si j’ai douté de vos bonnes intentions. Car elles sont vraiment bonnes.
Yves Floucat : Je voulais vous remercier pour votre goût des mots précis, pour votre culture (grande, qui gagne à être connue, et qui prouve votre ouverture d’esprit, votre imagination aussi), pour votre souci d’érudition (injustement ignoré, alors que vous connaissez beaucoup de choses essentielles et que vous avez du respect pour les auteurs qui ont formé la pensée moderne). Nous nous sommes opposés sur des divergences de définition de mots, et c’est dommage, car ce que vous avez écrit sur la sexualité ouvre des perspectives véritablement humanistes et à développer dans notre monde surérotisé (je pense à votre belle promotion de l’amitié et du philia dont parlent saint Thomas et Jacques Maritain par exemple). Je n’ai pas su mettre en avant que vous êtes un puits de science et que j’ai beaucoup à apprendre de vous. Je vous demande pardon que nous soyons passés autant à côté l’un de l’autre alors que nos pensées, différentes, se complètent et s’enrichissent. Je le pense vraiment.
Abbé Grosjean et les prêtres du Padreblog : Je vous demande pardon de vous avoir méprisés publiquement, comme si vous étiez des prêtres consensuels, alors que je sais que vous faites un gros travail de médiateurs, de diplomates, de contradicteurs, pour recoller les morceaux entre des mondes que beaucoup s’affairent à séparer. Et si vous étiez si consensuels que cela, vous n’auriez pas choisi de revêtir le Christ (déjà), et vous ne prendriez pas le risque de prendre position sur des sujets épineux et impopulaires. Vous avez d’ailleurs été les premiers à m’offrir une tribune pour parler d’homosexualité. Vous cherchez donc beaucoup moins le confort et la carrière que ce que j’ai dit. Pardon et merci à vous. Continuez de prendre position et de prendre des risques. Ma jalousie n’a rien à faire là.
Les blogueurs et écrivains Fikmonskov, Fol Bavard, Louis Daufresne, Yvan Mata, Arnaud du Royaume, Falk Van Gaver, François Xavier-Bellamy : J’ai été sévère à votre encontre en vous citant ad hominem dans mon livre Les Bobos en Vérité. Le bobo est un personnage mythique et non une personne réelle. J’ai eu tort, en utilisant vos noms, de le personnifier, de vous enfermer dans une caricature universelle mais que personne n’incarne complètement, et pas vous plus que moi. En plus, la plupart d’entre vous n’entrez pas dans la pratique du libertinage que j’y décris. Enfin, je voulais te féliciter en particulier toi Fikmonskov pour ton engagement politique et « virtuel » sur ton blog : tu es un empêcheur de tourner en rond, qui sait identifier les failles d’un système plus vite que les autres, et qui possède un vrai talent littéraire. Tu rentres dans le lard et tu m’as appris à aimer les (bonnes et utiles) bagarres dialectiques. Merci pour ça.
Albéric Dumont : J’ai compris que tu ne me voulais aucun mal (à part le fait que moi je t’en voulais) quand récemment, au téléphone, tu m’as dit toi-même, en conclusion de notre échange : « Au fond, en plus, je suis d’accord avec tout ce que vous défendez. » Mes remarques sur les contradictions (réelles) ou sur l’homophobie (réelle) de La Manif Pour Tous n’auraient pas dû revêtir de caractère personnel ni intentionnel. Donc pardon pour mes attaques personnelles à ton encontre. Je n’ai pas à rendre volontaire et planifiée une homophobie qui n’est en réalité qu’inconsciente et à peine préméditée. Merci de ton engagement contre le « mariage pour tous », car il y a plus plan-plan comme combat.
Madeleine Bazin de Jessey : Pardon d’avoir découragé ton initiative louable de t’engager politiquement pour le bien commun. D’avoir, pour le coup, blessé tes proches ainsi que ta personne. Tu as énormément de qualités, notamment en termes de clarté, d’élocution, d’expression, de diplomatie, de douceur, d’intellect, de positivité, d’honnêteté, de capacité à vouloir unir et réconcilier les gens même quand ils ne sont pas exactement du même bord, voire qui sont opposés. C’est rare pour une fille de ton âge. En plus, Dieu sait s’il faut du courage pour porter politiquement un groupe (La Manif Pour Tous) qui, historiquement et indélébilement, portera la marque (infâme aux yeux de nos contemporains) de l’opposition au « mariage homosexuel » ! Il faut aussi du courage pour porter les contradictions d’un courant politique comme la droite, les contradictions d’un groupe mal aguerri comme Sens Commun ou les contradictions d’un homme politique comme Nicolas Sarkozy. Victime semi consentante de la Génération « Il faut s’engager ! » (génération fomentée par des adultes arrivistes et souvent irresponsables), tu as été lancée, comme une bête à concours, dans la fosse aux lions. Et il fallait plus te plaindre et te soutenir, que t’attaquer. Le lourd chapeau que tu portais pour la vitrine n’était pas le tien, et te pesait. Je n’ai pas su te soutenir alors que tu faisais le grand écart. Pardonne-moi.
Tugdual Derville : Merci pour ton refus absolu de la médisance et de la violence. C’est admirable. L’œil pour œil, dent pour dent, tu ne connais pas. Et c’est tout à l’honneur du Christ. Tu m’as toujours respecté, et même parfois invité et demandé conseil, y compris pour avoir un retour sur tes discours improvisés pendant les veillées des veilleurs. Tu es convié, et à raison, à parler de tous les sujets concernant la valeur sacrée de la vie humaine, de la conception jusqu’à la mort naturelle. Et c’est une bonne chose, car tu défends l’Humain avec délicatesse et pertinence, sans jamais tomber dans le jugement des personnes. Tu prends le risque de t’exposer, de prendre des coups, mais jamais tu n’abandonnes l’idée qu’un jour ceux qui s’opposent à toi ne seront pas tes amis. Pardon de t’avoir fait porter l’éclipse de l’homosexualité dans l’échiquier politique et médiatique du « mariage gay », alors que tu es loin d’être le premier en matière d’homophobie. Pardon aussi d’avoir méprisé ton bébé Écologie Humaine : j’ai beau ne pas être d’accord, je n’avais pas à le mépriser.
Nathalie Saracco : J’ai manqué de douceur dans ma critique sur ton film « La Mante religieuse », film pas parfait (et tu le sais) mais courageux, avec des scènes très efficaces, et qui peut amener des gens éloignés de l’Église vers la foi. C’est nul de ma part d’avoir essayé de torpiller ta barque, de t’avoir confondue avec ton film, et d’avoir farfouillé dans tes failles, tes blessures, plutôt que dans tes nombreuses richesses de cœur et artistiques. Continue à faire des films qui défendent Jésus et l’Église. J’attends tes prochaines productions avec intérêt et émerveillement, car tu suis une pente ascendante.
Mgr Pontier : Je vous ai jugé sur un seul discours, et sans vous avoir jamais vu, sans vous connaître, sans savoir l’énorme travail que vous faites dans l’Église, pour les autres et notamment en faveur des plus pauvres. Mon attitude est lamentable et inqualifiable, d’autant plus qu’elle s’adresse à un évêque catholique, qui plus est, chef des évêques de France. Je suis navré de mon insolence et de ma couardise, car je me suis exprimé de loin, derrière un écran, sans avoir au moins l’honnêteté de m’adresser à vous directement.
Christiane Taubira : J’ai su que vous avez porté une loi qu’au fond vous ne vouliez pas et qui ne venait pas de vous (comme ça arrive presque systématiquement à chaque ministre), même si ensuite, pour sauver la face, vous avez simulé de l’assumer à 200 % et de la mener jusqu’au bout. Cette loi du « mariage pour tous » est tellement injuste et vous a apporté une telle infamie (et pour cause : elle peut vous conduire à la damnation éternelle), un tel faux soutien (car les pro-mariage-pour-tous ne savent toujours pas pourquoi ils sont pour), que vous êtes plus à plaindre, à écouter, à aimer et à convertir qu’à juger et à punir. Dieu seul s’en chargera, tout comme il se chargera du jugement de chacun équitablement le jour de sa mort. Au lieu de vous traiter de tous les noms, au lieu de l’invective par internet (qui vous a enfermée dans le mutisme et a endurci votre cœur plutôt que de vous ouvrir au dialogue et à la compréhension), j’aurais dû prier pour vous et vous souhaiter tout le bien, toute la clairvoyance, vous expliquer calmement pourquoi la loi qui porte votre nom est grave non seulement pour notre pays, notre monde, mais aussi pour votre âme. Par mes critiques, j’ai contribué indirectement à vous fermer comme une huître. Je ne suis pas fier de moi et vous demande pardon.
Erwann Binet : Je sais que vous avez voulu bien faire en menant le projet de Loi Taubira à son terme. Je sais aussi que vous vouliez sincèrement aider les personnes homosexuelles en défendant « nos » droits (même si ce n’était pas la bonne manière, et que c’était même une aide homophobe). Quand vous êtes passé à mes côtés sur le plateau de la chaîne KTO, vous avez esquissé un désir bienveillant de lire mon livre . Vous m’avez dit en coulisses : « Je lirai votre livre. » Finalement, je doute que vous l’ayez fait et compris l’enjeu dramatique de la pratique homo, et plus largement du mythe du « mariage » sans différence des sexes. J’ai pris votre sincérité de haut parce qu’elle n’était pas connectée à la Vérité, alors qu’en réalité, j’aurais gagné à la considérer comme un désir de bien faire. Je vous ai caricaturé en « méchant » alors que vous étiez plein de bonnes intentions. Pardon de vous avoir diabolisé.
Najat Vallaud-Belkacem : Cela se voit. Vous êtes une femme douce, à l’écoute, qui est très amicale et pas du tout formatée « politique de requins », qui est pétrie de bonnes intentions (notamment à l’égard des personnes homosexuelles). Vous défendez des concepts (« le respect », « l’acceptation des différences », « la lutte contre la violence et les discriminations », « la tolérance », « la paix », « l’accueil des personnes homosexuelles », la « mixité », etc.) auxquels vous croyez, c’est évident. Ce n’est d’ailleurs pas ces derniers qu’il faut remettre en cause, mais leurs applications. Je vous ai traitée d’« idiote » alors que vous ne l’êtes absolument pas (inconséquente, certainement, mais pas idiote), de « méchante » et de « dangereuse » alors que vous ne l’êtes pas volontairement (vous êtes même une femme gentille, dans le sens noble et convivial du terme), et que vous n’avez toujours pas compris la gravité de la Loi Taubira que vous avez défendue avec les meilleurs intentions du monde. Pardon d’avoir menti et de vous avoir caricaturée pour vous secouer.
François Hollande : Vous êtes attaqué comme peu de présidents de la République l’ont été. Je suis sincèrement désolé d’avoir participé à ce lynchage, car ça a été comme tirer sur un nœud pour le défaire. Mon attaque à la fois ne vous fait pas progresser et, d’une certaine manière, vous abrite fébrilement et nous blesse tous (pour vous !). Vous n’occuperiez pas le poste de Président de la République, vous seriez certainement aux fêtes de famille le tonton farceur, taquin, gaffeur et pitre, bienveillant, à l’écoute, doux, que je préfèrerais. Je sais, par exemple, par rapport à mon homosexualité, que vous ne m’auriez pas jugé. Et, étant de gauche aussi, nous aurions trouvé de nombreux terrains d’entente. C’est la raison pour laquelle je trouve le rôle qu’on vous fait jouer et les lois dangereuses (la Loi Taubira en tête) qu’on vous fait porter d’autant plus affreux, mensongers. J’aurais aimé vous parler, vous expliquer l’homosexualité telle qu’elle est, la Loi Taubira telle qu’elle est, vous dire combien vous jouiez avec le feu avec celle-ci et combien vous enfonciez notre pays dans un caveau que Nicolas Sarkozy avait déjà bien commencé à creuser (et ça, vous l’avez démontré). J’ai manqué de diplomatie et de l’écoute que vous avez naturellement. Pardon.
Virginie Tellenne (alias Frigide Barjot) : J’ai profité de t’avoir côtoyée personnellement et dans la sphère privée pour te critiquer publiquement et par derrière. J’ai mélangé sphère privée et sphère publique (et ainsi, fait exactement ce que je te reprochais). Ce n’est pas malin. Je te demande pardon. Ça ne t’a pas fait avancer. Ne pas être d’accord avec quelqu’un n’est jamais une raison pour mépriser sa personne. En plus, Dieu t’a gâtée : j’aurais dû m’en réjouir plus longtemps et bénir le Seigneur pour cela plutôt que de m’attacher à ce qui nous séparait. Tu as des talents indéniables de communicante, d’humoriste, de rassembleuse, d’animatrice. Une générosité débordante. De plus, tu as le sens de la synthèse, de la formule concise et efficace. Tu as le sens de l’impertinence inclusive et souvent bien dosée, qui détend l’atmosphère et déride même les plus coincés. Tu as des dons pour créer de la convivialité, pour faire passer des messages complexes et indigestes avec naturel, clarté, simplicité, dans des milieux pourtant très hostiles. Tu désarçonnes les plus anticléricaux et les plus cléricaux. Tu es un tourbillon rose qui rafraîchit l’atmosphère et rarement refroidit. Par ta personne, l’Esprit Saint a contribué à ramener beaucoup de gens à la foi. Tu es parvenue notamment à désembourgeoiser l’opposition à la Loi Taubira (même si tu l’as embourgeoisé à une nouvelle sauce, la sauce bobo). Et je ne doute pas de tes intentions gays friendly à l’égard de tous mes frères homos (même si tu ne connais pas grand-chose à l’homosexualité – tu me l’as toi-même avoué – et que tu te refuses à en parler). À cause de désaccords (capitaux) de fond et de forme (ta défense de l’Union Civile est une réelle homophobie, par exemple), je n’ai pas su te valoriser auprès des autres, te bénir en toutes circonstances, surtout au cœur des tempêtes externes et internes que tu as vécues et que tu continues de vivre. Je n’ai pas su avoir la patience de t’expliquer, pas eu l’audace de te pardonner. Je t’ai laissée aller vers l’impasse d’un immense mensonge que tu nommes « l’Union Civile déconnectée des liens de filiation », une impasse dangereuse et qui risque de te coûter cher. Pardon pour cela. Tu as ta place dans le cœur de Dieu, dans l’Église et dans la société, même si tu en doutes bien plus que tu ne croies.
Jean-Pier Delaume-Myard : Pardon de t’avoir méprisé sans voir le bien que tu faisais, d’avoir tout noirci sous prétexte que ce n’était pas parfait. Personne (sauf Jésus et Marie) n’est parfait, ni même moi. Pardon d’avoir joué publiquement des niveaux de perfection entre les êtres humains, des niveaux de foi ou de chasteté. Nous sommes tous en chemin, et la moindre des choses, c’est, de ma part, d’accepter de marcher ensemble. J’ai refusé de marcher avec toi. Je l’ai joué solo, et c’est dommage. D’autant plus que nous sommes frères et avons plein de points communs. Pardon de mon arrogance, de mon égoïsme, de mon purisme désincarné et peu convivial, de mon manque d’humour et de sympathie à ton égard. Je me suis comporté comme un connard, alors qu’en plus tu es un garçon aimable et qui me voulais au départ du bien. Tu as pris, toi aussi, beaucoup de risques, et beaucoup de coups. J’aurais dû te soutenir avant de discuter les « détails » du message à diffuser.
Clément Borioli : Annoncer des faits crument sans être capable de considérer ta personne, ton courage, ta sensibilité, ta vulnérabilité (qu’on a tous quand on nous critique et on nous attaque), ce n’est pas digne de ma part. Tu as énormément de qualités que le Seigneur t’a données : qualités de compassion, d’empathie, de sourire, de gaité (sans mauvais jeu de mots ^^), d’humour (caustique comme j’aime), d’adaptabilité à tous les milieux (tu te fonds dans beaucoup de cultures et de milieux : tu es un vrai imitateur et parodiste). Pardon d’avoir cherché la confrontation et de ne pas avoir su te valoriser. J’ai fait une fixette sur tes défauts. Mon perfectionnisme n’était pas aimant. Idem pour Xavier Bongibault : tu n’as pas mérité mon mépris.
Bobby Óscar López : Pardon de t’avoir attaqué sur tes témoignages et conférences (alors que je n’ai assisté à aucune, à part sur le web). En plus, toi, tu ne m’as jamais attaqué, tu ne parles pas le français (donc tu ne pouvais même pas te défendre), donc mes attaques étaient lâches, petites, excessives. Sois béni mon frère. Et bravo pour ton courage. Continue.
Jean-Marc Veyron-Lacroix : J’ai fait preuve d’ingratitude alors que tu as été l’un de seuls à promotionner mon livre L’homophobie en Vérité. Au lien de comprendre la force de ton amitié et de ton parrainage, j’ai enfoncé le couteau sur tes vulnérabilités. Je te demande pardon et je vais dorénavant essayer de t’accompagner dans ce que tu vis.
Nathalie de Williencourt : Pardon de mon mépris pour toutes les entreprises bienveillantes que tu mènes auprès des personnes homosexuelles. Pardon aussi du mépris que j’ai exprimé pour ta personne. Le fait que je ne sois pas d’accord avec toi ne justifie en rien ma colère ou le jugement de ton être, de ton intellect. J’aurais dû t’expliquer calmement mes désaccords au lieu de me fermer et de t’attaquer à distance, sans faire avancer notre cause commune d’amour des personnes homosexuelles et de lutte contre l’homophobie. Je me suis fermé au dialogue et à la rencontre, malgré les mains que tu m’as tendues plusieurs fois au départ.
Edmond Prochain et Natalia Trouiller : Vous avez le droit d’aimer la bière et de vous en servir pour créer de la convivialité. J’ai eu tort de ne pas savoir en rire avec vous. Alors qu’en plus, vous avez de l’humour à revendre et vous ne me voulez aucun mal. Et que rigoler ensemble du boboïsme, c’est ça la vraie amitié. Veuillez bien m’en excuser.
Erwann Le Morhedec : J’ai eu tort de mépriser tes écrits, alors que beaucoup sont utiles, intéressants, parfois courageux et originaux. J’ai enlevé la part de courage qui te revenait et me suis arrêté à des préciosités de forme (et de fond), sans valoriser ce qui nous rapprochait. Car en effet, nous avons beaucoup de combats communs. Et c’était idiot d’appuyer sur tes défauts, tes faiblesses, tes contradictions, ton personnage médiatique de Koz Toujours, nos différences, alors que nous avons bien plus de convergences que de divergences. J’aurais dû comprendre que nous devions nous épauler plutôt que nous tirer dessus par blogs interposés. Je te demande pardon. Tu n’es pas le prétentieux que certains croient. Et tu fais concrètement du bien.
Sabine Faivre : Je me suis emporté contre vous récemment sur Facebook à propos d’un article que vous aviez écrit pour l’observatoire socio-politique de Fréjus-Toulon, alors que vous ne le méritiez pas et que, même si, à mon avis, vous avez fait preuve de maladresse, d’inexactitude à propos de l’homosexualité, vous avez au moins eu le mérite de vous aventurer sur un terrain difficile, souvent glissant et avec sincérité. Je n’avais pas à m’énerver et à vous parler d’homophobie alors que vous ne savez pas tout ce que recouvre et implique ce terme. Mon coup de sang était excessif.
Étienne Loraillière : Je crois sincèrement que vous n’avez ni compris l’homosexualité, ni l’enjeu (mondial, de sainteté) qui se cache derrière ce thème. Mais ce n’est pas une raison pour attaquer votre personne et annuler tout votre travail journalistique, souvent honnête et qui contribue à édifier l’Église du Christ. Merci pour ça. Et pardon de mon emportement, de mon impatience.
Philippine de Saint Pierre : Pardon de vous avoir attaquée sur votre apparence physique. C’est, je crois, l’attaque humaine la plus gratuite et la plus méchante qui soit. C’est honteux de ma part. Il n’y a pas meilleur moyen pour humilier quelqu’un, l’enfermer dans la caricature, et pour fermer le dialogue. Je vous présente mes plates excuses. En plus, vous m’aviez aidé à faire connaître ma chanson « C’est bien gentil » (il y a de fortes chances que vous l’ayez fait alors même que vous ne l’aviez même pas appréciée… donc doublement merci). Si j’avais appris à vous regarder avec bonté et bienveillance, sûrement que vous m’auriez fait davantage confiance par la suite. C’est bien fait pour moi. Et pardon.
Jean-Pierre Denis : J’ai idée de l’écartèlement et des combats que vous vivez au quotidien et dans votre métier de journalisme. Et moi, au lieu de vous soulager et de bonifier ce qui est bon, j’ai, par perfectionnisme et purisme pharisien, vu le verre à moitié vide et non à moitié plein. Des journaux comme La Vie, La Croix, ou des radios telles que Radio Notre-Dame, sont en grand danger (pas nécessairement de disparition mais au moins de dénaturation de leur substance), et c’est le moment d’encourager et de redresser aimablement : pas de décourager ni de lâcher les chiens dessus. Pardon de ne pas avoir réglé directement avec vous le contentieux et les désaccords que je ressentais, mais de m’être caché derrière le peu d’audience qu’il me reste pour vous cibler comme un sniper. Pardon d’avoir été plus royaliste que le Roi. Pardon aussi de vous avoir traité publiquement de bobo… Ça ne fait pas avancer les affaires si, préalablement, on n’a pas été capable de rigoler ensemble et en privé du boboïsme.
Mon frère Jean : C’est pas vrai que tu es bête. C’est moi qui suis bête (et en plus méchant) de t’avoir humilié intellectuellement devant tout le monde, sur les réseaux sociaux, parce que je n’ai pas su te dire gentiment que ça me blessait profondément que tu défendes le « mariage pour tous », une loi intrinsèquement homophobe (homophobe en actes même si, en intentions, elle est gay friendly). Tu es bourré de qualités (humour, capacité d’analyse, refus des injustices, honnêteté, autorité, douceur, convivialité, etc.)/ Pardon d’avoir du mal à accueillir ta situation, tes choix différents, ton couple, tes relations, tes prises de position, ce que tu vis. De ne pas t’accepter unique et libre. Pardon de m’être fâché contre toi et de t’avoir méprisé.
Bizarrement, les seules personnes dont je suis quasiment sûr de les avoir honorées et respectées, ce sont mes frères et sœurs homosexuels, ainsi que mes anciens élèves. Si néanmoins j’en aurais blessés certains sans m’en rendre compte, je le regrette et leur demande pardon au cas où.
Je m’adresse également à tous ceux que j’aurais oubliés et que j’ai vraiment blessés : quand bien même vous m’auriez traité bien pire que vous ne l’avez fait, rien n’aurait justifié que je me défende ou vous attaque comme je l’ai fait. Rien ne justifie ma riposte. Moi qui défends la différence entre le jugement des actes et le jugement des personnes, j’ai été incapable de le faire avec vous. Je vous ai jugés en vous confondant avec vos actes, ou bien en mettant en avant mes désaccords de forme ou de fond à propos de ce que vous disiez ou faisiez, plutôt que nos ressemblances, plutôt que le positif, plutôt que votre personne ou notre relation, plutôt qu’en priant pour vous.
Je m’adresse à nouveau à vous que j’ai déshonorés (cités précédemment). Je pense à cette phrase de Jésus : « Malheur par qui le scandale arrive ! Malheur à celui qui a osé scandaliser un seul de ces petits qui sont mes frères ! Il vaudrait mieux pour lui qu’on mît à son cou une pierre de moulin, qu’on le jetât dans la mer, que s’il scandalisait un de ces petits. » (Luc 12, 17) Et je pense également au mal que j’ai fait à l’Église en vous rejetant et en offrant une image de dureté du catholique. « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres. » (Jean 13, 35) En plus de vous demander pardon, je vous dis très sincèrement que si vous avez besoin de mon soutien pour quoi que ce soit, vous pouvez compter sur moi. Et je m’engage à faire un sérieux toilettage de mes articles, livres et vidéos où j’ai sali votre nom (ça risque de me demander du boulot, mais vous méritez cette réparation). Pour le jugement des actes et des discours, on verra. Mais pour le jugement des personnes, je promets qu’à partir de ma retraite, je bénirai tout le monde. Vous m’avez bien entendu : TOUT LE MONDE. Sans exception. Même Hitler. Même ceux qui m’attaquent, même ceux qu’avant je n’aimais pas assez, même ceux dont je désapprouve les pratiques et les discours. Je bénirai tout le monde. En d’autres termes, je dirai du bien de chacun de vous et je prendrai votre défense même si je n’en ai pas envie. Et si je vois quelque chose chez vous qui me déplaît, j’insisterai doublement sur le reste qui me plaît (Et je rappelle que bénir toute personne n’équivaut pas à bénir tous ses actes, toutes ses paroles ou toutes ses intentions, hein ^^). Et si vous me voyez faillir à ma promesse ici écrite et glisser vers le jugement de personnes, je compte sur vous pour me rappeler gentiment à l’ordre. Ok ? 😉 Merci d’avance.
Je reviens au récit de la fin de ma retraite au Barroux. Samedi 20 février au soir, donc, s’en est suivie une grande démarche de déblocage de tous les comptes Facebook de mes amis que j’avais défriendés ou bloqués. Ce fut une grande joie des retrouvailles, même si tous mes contacts ne sont pas rentrés pas dans la danse. Peu importait. C’était un bon début. Et je comprends que certains anciens amis soient durablement méfiants à mon égard et doute que ma démarche de réconciliation dépasse la bonne intention ou l’intérêt personnel masqué. La paix de l’Esprit, si elle n’est pas accueillie, revient de toute façon sur moi. Donc de toute façon, pas de regrets ! Et ma porte reste ouverte.
Ma mère spirituelle a reçu par moi des nouvelles de ma retraite, et m’a envoyé cette précieuse maxime du Curé d’Ars qui ne permet plus l’équivoque concernant mon projet de mendicité : « Il vaut mieux donner que de demander. Je ne conseillerai jamais à personne de faire le vœu de mendicité. » Voyant mon revirement spirituel, je l’ai sentie qui en même temps s’enthousiasmait, en même temps culpabilisait un peu de n’avoir pas su me mettre davantage en garde contre l’orgueil du missionnaire. Je l’ai rassurée en lui disant que le Seigneur m’avait toujours confirmé que c’était elle qu’il me fallait en direction spirituelle. Je n’aurais pu être qu’avec une mère spirituelle comme elle, qui m’encourage plus qu’elle ne me refrène dans mes élans (même excessifs et peu charitables), car c’était le meilleur moyen de me laisser libre et heureux, et le seul moyen de laisser à Dieu et à l’Esprit Saint l’initiative de prendre le taureau par les cornes (le taureau, c’est moi, en l’occurrence ^^). Ce désarmement nécessaire, vécu pendant la retraite, était un travail trop délicat pour des mains d’homme (même son frère, le frère H., ne s’y était pas risqué avec moi !^^). Donc personne ne doit s’excuser ni culpabiliser de rien dans l’affaire. Tout le monde a fait exactement ce qu’il fallait : prier. Et la chute de mon orgueil au cours de ma retraite est une bénédiction salutaire, car il valait mieux la faire sur terre qu’au purgatoire ou même en enfer ! 🙂
Pendant l’office de None du samedi soir, une phrase du psaume 146 a retenu mon attention, pourtant papillonnante à ce moment-là : « Ce n’est pas dans la vigueur du cheval qu’Il se complaît, ni dans les jambes de l’homme qu’Il met son plaisir. Le Seigneur met ses complaisances dans ceux qui le craignent et dans ceux qui espèrent en sa bonté. » Ok. Moi l’idolâtre de la marche à pied, appelé Philippe (= étymologiquement « qui aime les chevaux »), je ne pouvais que recevoir le message codé 5/5 !
Dans la journée du dimanche 21 février, une jeune femme scout m’a reconnu et est venue me saluer. Elle faisait partie du camp SPES de Toulon (des Missionnaires de la Miséricorde) pour lequel j’avais témoigné il y a 2-3 ans. Elle était enchantée de me revoir, et la joie était partagée. C’était elle qui, avec une amie, m’avait demandé quelles étaient les astuces pratiques que je pouvais donner aux jeunes femmes d’aujourd’hui pour aider les hommes à ne pas basculer dans l’homosexualité et à reprendre confiance en eux. J’ai osé lui montrer ma découverte-bombe de la retraite : le livre L’âme de tout apostolat de Dom Chautard. Elle m’a avoué que son père en était fan et que sa conversion au catholicisme s’était fondée presque exclusivement sur cet ouvrage. Elle en connaissait tellement le pouvoir qu’elle craignait même de le lire par peur d’en être bouleversée à jamais.
Le dimanche, l’affluence au Barroux est beaucoup plus importante. Ça change l’ambiance générale. Et j’avoue que je suis content d’avoir pu bénéficier d’une qualité de solitude et de silence en tout début de retraite. Mon cœur était serein et gai depuis samedi soir. Et ça s’est prolongé toute la journée dominicale. J’ai vraiment l’impression que ma retraite a été utilisée par Jésus à 300%. Le matin, j’ai appris avec joie et surprise par le frère H. qui est passé vite fait dans ma cellule pour me saluer, que c’est lui qui allait faire la seule et unique homélie de la semaine, pendant la messe de 10h d’aujourd’hui. Encore un clin Dieu personnalisé que ça soit tombé sur lui et pas sur un autre !
Juste avant la messe de 10h, alors que je me trouvais par hasard dans le hall attenant à l’église, j’ai été témoin à mon insu d’une altercation – inhabituellement violente quand on connaît le calme des lieux – entre une femme d’une soixantaine d’années (look BCBG) et un jeune frère bénédictin qui tentait de contenir l’ardeur colérique de son ouaille.
Suite à ça, je suis rentré dans l’église. La messe s’est déroulée sans encombres. Le calme des petits enfants, pendant une célébration pourtant quasiment toute en latin, était admirable. En plus, l’homélie du dimanche de la Transfiguration, dédiée entièrement au thème de la beauté (le gros du message, c’était : « Si la Vérité touche l’intellect et la tête, la Beauté va plus loin en atteignant le cœur » et « Cette Beauté a la gravité de la Croix puis de la Résurrection du Christ ») était d’une profondeur remarquable et suintait l’amour commun de ma mère spirituelle et du Père H. pour Charles Péguy.
Avant la procession de sortie des frères, je regardais à distance la dame qui s’était énervée contre le jeune frère ; et j’ai osé la confier à Jésus pour qu’Il lui apporte la Paix et pour qu’Il m’offre, s’Il le voulait bien, une occasion de m’adresser à elle et de lui glisser un mot gentil qui la mettrait en joie, avant qu’elle ne quitte l’abbatiale. Et j’ai été exaucé par l’Esprit Saint au-delà de mes espérances ! Je vous livre les faits tels que je les ai vus de mes propres yeux. Non seulement la dame n’a pas détalé comme un lapin, mais en plus, par un jeu étrange de déplacement des autres fidèles pour regagner la sortie, j’ai été placé par l’Esprit Saint à l’exacte proximité que j’aurais pu espérer pour pouvoir lui parler naturellement, sans lui sauter dessus ou avoir à lui courir après. Elle, pourtant de nature expéditive et pressée, s’est retrouvée face à moi, juste à côté de la commode des bréviaires, comme immobilisée par une force qui ne venait pas d’elle (presque un « Un, deux, trois, Soleil »), pleinement disposée à me regarder et à m’écouter avec attention, alors qu’elle ne connaissait ni mes intentions ni ma personne. Hallucinant. Le Seigneur avait tout préparé. Je n’avais qu’à formuler avec un grand sourire mon désir : « Bonjour madame. Je voulais vous dire que je suis vraiment heureux que vous soyez là, et que vous soyez restée à la messe. Ça m’a rempli de joie pendant toute la célébration ! » La femme, qui depuis le début de la messe avait observé un silence sombre et pète-sec, est sortie de son amertume et son visage s’est illuminé. Elle m’a proposé qu’on sorte discuter dans le hall. Là-bas, je lui ai dit explicitement que j’aimais son caractère volcanique, qu’il m’avait fait rire et enthousiasmé, et que sa présence à la messe m’avait réconforté, réjoui profondément le cœur. J’essayais de la regarder avec les yeux du Christ, plein d’amour et d’empathie, ne relevant que le positif, essayant de la valoriser à fond et de l’écouter au maximum. Et j’ai entendu soudain cette boule de révolte et de douleur haineuse vomir des méchancetés diaboliques parce qu’en réalité, cette femme se détestait elle-même et ne se sentait ni aimée ni reconnue dans sa passion pour la Vérité. Elle s’est mise symboliquement à hurler « J’EXISTE !! JE SUIS LA SEULE À AVOIR RAISON !! JE N’OBÉIRAI QU’À MOI-MÊME PARCE QUE JE NE PEUX FAIRE CONFIANCE À PERSONNE !! ». Quand j’emploie le verbe « vomir », je n’exagère pas. Tout le monde passait au crible de sa jalousie : elle méprisait sévèrement les adolescents, les tradis, les soixante-huitards, les familles, les catholiques, les prêtres, les moines de l’abbaye, et même ses collègues chefs Scout qui l’avaient suivie au Barroux (et qu’elle traitait de « vipères »). Cette femme, qui répondait au doux prénom de Josiane, et qui se vantait d’avoir été une des pionnières du retour de l’Église catholique au traditionalisme religieux, se réclamait de la force et de la sainteté de sainte Jeanne d’Arc. Elle me disait textuellement qu’elle avait une volonté de fer et qu’elle mettait celle-ci au-dessus de tout. Elle me racontait que le jeune abbé qui l’avait confessé la veille et avec lequel elle s’était fritée juste avant la messe, avait tenté de lui interdire d’assister à la célébration d’aujourd’hui, et qu’elle s’était empressée de lui désobéir. Elle m’affirmait qu’elle ne voulait plus faire confiance à personne, pas même aux prêtres, parce qu’« elle voyait où ça la menait » : « La confiance, ça ne sert à rien ! » lançait-elle. Tout en la félicitant sincèrement de son impétuosité et en me solidarisant d’elle, j’essayais de glisser çà et là quelques appels à la douceur, à la confiance, à la Charité, au respect de la sainteté des prêtres. Je lui donnais l’exemple du Curé d’Ars qui avait déclaré de son vivant que, si un jour il se retrouvait face à un ange et face à un prêtre, il s’inclinerait d’abord devant le prêtre, car celui-ci est plus grand et plus royal qu’un ange. L’impétueuse sexagénaire au carré Hermès et à la jupe plissée écossaise (je vous jure que je ne force même pas le trait !) m’a répondu, avec un aplomb satanique : « Moi, je ne m’incline que devant l’ange ! ». Je lui ai répondu : « À votre place, je me méfierai des anges. Notamment de l’Ange de Lumière. » Elle me rétorque : « Ah non mais pas celui-là ! Seulement les bons ! » Je lui ai sorti alors : « Le tiers des ‘bons anges’ est quand même tombé avec Lucifer… ».
Ne perdant pas mon émerveillement devant cette femme révoltée, je m’efforçais (quitte à paraître lourd et exagérément obséquieux) à la bénir et à la couvrir de louanges, à rendre grâce à Jésus pour sa présence à la messe et pour l’immense joie qu’elle m’avait donnée, et qui commençait à devenir réelle. Parce que – et ça, c’était sûr – l’Esprit Saint m’avait conduit à Josiane et me soufflait d’aimer, d’aimer et d’encore aimer celle qui jouait la mégère acariâtre, je sentais que la femme au caractère de dragon n’avait pas vomi tout son orgueil ni sa blessure la plus profonde, et qu’il lui restait encore le gros morceau à cracher. Il n’est pas sorti de ma propre initiative. Jésus a fait en sorte que quasiment rien ne vienne de moi, mais que tout se fasse par Lui, et dans le respect de la liberté de tous les acteurs présent. En fait, aussi surprenant que cela puisse paraître venant d’une femme aussi bavarde et autocentrée que Josiane, elle s’est arrêtée de parler et s’est intéressée à moi, en me posant une question sur… ma maman ! (Qu’est-ce que ma mère venait faire là ?) Elle m’a demandé si ma mère était encore de ce monde. Je lui ai répondu que non, qu’elle nous avait quittés il y a à peine deux. Mais Josiane m’a ainsi fait le cadeau de me permettre de rendre témoignage à ma maman et de raconter en trois phrases la conversion extraordinaire que celle-ci avait vécue pendant sa vie. Je ne sais pas pourquoi, j’ai senti que je devais insister sur la tempête que ma maman avait traversée et sur le mot DÉPRESSION – ne me demandez pas pourquoi j’avais deviné que Josiane en avait fait aussi une carabinée, avec internement psychiatrique et tout, avant que mon interlocutrice ne me l’avoue elle-même ! – dépression qui avait transformé ma mère dure en maman douce et sainte qui lisait des psaumes avec mon papa sur son lit d’hôpital encore trois semaines avant sa mort. Josiane n’a pas fondu en larmes du tout quand j’ai tapé dans le mille de son drame secret. Mais au moins, elle s’est livrée sur la part la plus humiliante de sa vie. Quand j’ai entendu toute la souffrance, tous les combats, tout le désamour, toutes les trahisons, tout le récit de la dépression, tous les manquements d’amour qu’avait subis autant que provoqués la pauvre Josiane, j’ai compris pourquoi elle ramenait tout à elle, ne voulait compter que sur elle-même, détestait les prêtres et les catholiques, refusait la confiance et se méfiait de l’Amour, foutait le bazar dans les groupes où elle participait pour un oui pou un non.
Elle devait retrouver pour le déjeuner de midi son équipe de scouts, justement, mais n’arrivait pas à me lâcher. Moi, je continuais à lui exprimer mon émerveillement de la rencontrer, ma préférence pour son impétuosité et pour son goût de la Vérité, en lui rappelant avec un immense sourire et une fermeté insistante que « Sans Charité, la Vérité devient péché », que « Sans l’Amour de Jésus, c’est l’enfer au bout du couloir », que « Refuser la confiance et manquer de respect aux prêtres c’était pas beau », et en l’invitant à essayer, ce midi, avec ses camarades, la DOUCEUR. Et miracle ! : l’Esprit Saint a réussi à faire sourire Josiane ! Trop beau ! J’ai vu l’humeur massacrante se transformer en joie. La rigidité qui accepte de s’assouplir et de laisser passer le sang chaud. Je ne sais pas du tout ce que ça aura donné. L’orgueilleux self-control volontariste et égocentré ne datait pas d’hier. Donc je doute qu’un changement spectaculaire se soit produit. Mais rien n’est impossible à Dieu. Ce qui est sûr, c’est que l’Esprit Saint et que ma maman ont agi.
Pendant l’office de None du début d’après-midi dominical, un verset du psaume 118 a accroché mon cœur tellement il mettait en mots exactement mon sentiment intérieur de gratitude envers le Seigneur : « Vous avez été bon envers votre serviteur, Seigneur, selon votre Parole. Enseignez-moi la bonté, la règle de la vie et la sagesse, car j’ai foi en vos commandements. Avant d’être humilié, je péchais. Maintenant, j’observe votre Parole. » Amen !
En fin d’après-midi, je me suis rendu aux Vêpres des sœurs bénédictines de l’abbaye de l’Annonciation. Sur le chemin champêtre ensoleillé, j’ai appelé mon papa au téléphone. Je lui ai dressé le bilan de ma retraite. Quand j’ai vu qu’il pleurait à chaudes larmes de joie, de soulagement au téléphone, j’ai mesuré combien il m’avait laissé libre et combien ça l’avait fait souffrir. Comme il entendait que tout en moi était parole de sagesse et de paix, il était dans l’action de Grâce. Quand je lui ai dit que je faisais Carême de paroles médisantes, il m’a rétorqué : « Ça, ça fait longtemps que je te le dis ! » J’aurais pu répliquer, comme à mon habitude. Mais je n’ai pas réagi. Je baisse les armes et ne murmure plus, ne me justifie plus. Comme un grand, je laisse seulement le seigneur me justifier !
Cette retraite au Barroux m’a montré que je n’avais pas assez confiance en l’Église. Je décrétais sous forme de prédictions hasardeuses son inexorable déclin, son agonie, son schisme, sans même goûter à la vitalité spirituelle du terrain ecclésial. C’est honteux, quand j’y pense. Même si je soutenais l’éternité de l’Église, je la rêvais à l’article de la mort. Oiseau de mauvais augure que j’étais.
Cette retraite m’a montré également mon orgueil et mon arrogance de Monsieur je-sais-tout. Et le pire, c’est que c’est l’Esprit Saint qui m’a dévoilé tout cela. Car mon directeur de retraite n’a été que douceur pendant toute la retraite et n’a même pas eu besoin d’être convaincant. Au fur et à mesure de la retraite, je le voyais gagner en joie et en soulagement quand il venait me visiter.
Et moi qui me vantais, avant la retraite, d’être un homme du « oui mais »… alors qu’en réalité, l’homme qui se donne sans condition, sans « si », sans « mais », sans « sauf », mais dans un grand et plein « OUI » est le véritable serviteur du Christ!