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Code n°1 – Actrice-Traîtresse (sous-codes : Star vieillissante et cruelle / Photo chiffonnée dans une main fermée et crispée)

Actrice-traîtresseActrice-traîtresse

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Traîtresse, je t’adore !

 

Film "The Raspberry Reich" de Bruce LaBruce

Film « The Raspberry Reich » de Bruce LaBruce


 

Le désir homosexuel, c’est l’histoire d’une idolâtrie. On remarque dans les œuvres homosexuelles (et parfois dans la réalité) que la féminité fatale agit comme un fantasme identificatoire puissant : le personnage homosexuel se prend pour la femme-objet qu’il considère comme sa mère – ou sa grand-mère –, et auquel il rêve de ravir l’identité immortelle. L’idole cinématographique, parce qu’elle n’arrive pas à devenir complètement réalité (elle vieillit, elle jaunit, elle n’est pas éternelle, elle a ses humeurs et son humanité), ou bien tout simplement parce qu’elle ne tient pas sa promesse de fusion à la personne qui rêve de s’identifier à elle, finit par être considérée comme une traîtresse. Il arrive que cet attachement souffrant soit figuré par l’image d’un personnage gay tenant dans sa main fermée une photo chiffonnée, signe du déni de son acte iconoclaste vengeur.
 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Douceur-poignard », « Destruction des femmes », « Regard féminin », « Reine », « Femme-Araignée », « Haine de la beauté », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Sirène », « Bourgeoise », « Prostitution », « Matricide », « Femme vierge se faisant violer un soir d’été ou de carnaval à l’orée d’un bois », « Grand-Mère », « Femme étrangère », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « Bergère », « Mort = Épouse », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Pygmalion », « Tante-objet ou Mère-objet », « Putain béatifiée », « Mère gay friendly », « FAP la ‘fille à pédés’ », « Tomber amoureux des personnages de fiction ou du leader de la classe », « Télévore et Cinévore », « Mariée », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Défense du tyran », « Musique comme instrument de torture », « Carmen », à la partie « Monstres » du code « Morts-vivants », à la partie « Traître » du code « Homosexualité noire et glorieuse », à la partie « Scène de répudiation » du code « Femme et homme en statues de cire », et à la partie « Espionne » du code « Espion homo », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) La femme-objet médiatique représente la mort et la trahison :

Betty Boop

Betty Boop


 

En général, dans les fictions traitant d’homosexualité, la femme-objet n’est pas une enfant de chœur. Elle est messagère de mort et incarne la figure de la trahison. C’est le cas dans le roman La Traición De Rita Hayworth (La Trahison de Rita Hayworth, 1968) de Manuel Puig, le tableau Le Spectre du sex-appeal (1932) de Salvador Dalí, la pièce La Reine morte (1942) d’Henri de Montherlant, le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau (avec Maria Casarès interprétant la Mort), la chanson « Miss Paramount » du groupe Indochine, le film « Doña Macabra » (1970) d’Hugo Argüelles, le roman Las Cortes De La Muerte (1911) d’Antonio de Hoyos, le film « The Wild Party » (1975) de James Ivory, le vidéo-clip de la chanson « I Wanna Go » de Britney Spears (avec la bimbo qui se venge des journalistes qui abusent d’elle), la chanson « Paparazzi » de Lady Gaga (où le personnage de la femme trahie devient elle-même meurtrière), la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983) de Copi, le vidéo-clip « Timebomb » de Kylie Minogue (qui vole le portable des passants, fonce sur des hommes, etc.), la comédie musicale Ball Im Berlin (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham, la chanson « Beaucoup trop jolies » de Véronique Rivière, le film « Potiche » (2010) de François Ozon (avec Joëlle, la figure de la femme traîtresse), la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen (avec Graziella, la présentatrice folle-dingue dirigeant l’émission de télé-réalité Stars chez eux), le one-man-show Les Bijoux de famille (2015) de Laurent Spielvogel (avec le play-back de Marlène Dietrich en entrée et en sortie), le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso (avec le poster de la pochette de disque d’une chanteuse-vampire), etc.
 

L’actrice déçoit et violente ET ne déçoit pas parce qu’elle est violente sur nos écrans. « Je suis pute. » (Julie Duchâtel, la metteur en scène acariâtre dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) Par exemple, dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kévin Champenois, Amélie, une des héroïnes lesbiennes, qualifie la « femme idéale » de « traîtresse ». Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, Dorian Gray tombe amoureux d’une belle comédienne, mais à partir du moment où elle a fait une représentation médiocre de Roméo et Juliette, il se pense trahi, rompt avec elle et l’entraîne au suicide : « C’était tout simplement du mauvais art. Tu as tué mon amour. Tu me laisses indifférent. Tu as tout gâché. Tu es vaine et stupide. » Dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier, les stars grabataires, détruites et auréolées d’un caractère tyrannique exécrable, sont mises à l’honneur. La comédienne, Marilyn Monroe, version moche et obèse, surnommée « Lourdes », danse en tutu comme l’hippopotame de « Fantasia ». Elle se présente comme une femme despotique, une bimbo faisant un discours politique anti-moches et pro-moches. Elle se plait à s’auto-détruire (« Eh oui ! Même Marilyn faisait caca. Ça casse le mythe. ») et demande au public qu’il l’aide à cela (« Fouettez-moi, battez-moi ! »).
 

L’actrice qui trahit est souvent collabo : « Pendant la guerre, on a souffert. Enfin… surtout à la Libération. Moi, j’ai été tondue. Moi qui ai connu les Allemands de près, je peux vous dire que je les connus de près, de très très près. Surtout Hans. Des Allemands, des aristocrates… d’une classe foooolle. Des gens qui gagnaient à être connus. » (la femme collabo dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau)
 

Elle a quelque chose de diabolique. Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, considère la chanteuse Madonna comme un démon qui la possède : « Madonna, quand elle rentre, pour la faire sortir… » Il la vénère autant qu’il la jalouse : « Quand je vous dis qu’elle est mauvaise… » Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Norbert, le héros homosexuel, après avoir entonné une chanson d’Édith Piaf, la supplie de le quitter : « Édith, sors de ce corps ! »
 

L’actrice chérie par le héros homosexuel invite à une forme de damnation, d’oubli de soi, comme l’indique Fabien dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green : « Je cède à cette tentation un peu comique de contempler le visage banal d’une actrice en vogue. J’oscille perpétuellement entre la nostalgie de la vertu et le désir de péchés que je n’ose point commettre, et je me sens à la fois profondément malheureux. » (p. 150)
 

La machine médiatique féminisée broie parfois le personnage homosexuel. Par exemple, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Silberman est déchiqueté par une rotative dans la rédaction du journal où il travaille : « Les rouleaux de papier étaient rouges de sang. Une jambe se retrouvait coincée dans un engrenage. » (p. 51) Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homo, a mis un poster d’une chanteuse femme fatale avec des empreintes de mains ensanglantées sur elle (les mains de son fan, en l’occurrence…). Dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet, les actrices d’un hôpital psychiatrique sylvestre finissent par tuer l’unique homme de l’histoire, celui qui est désigné comme le « Prince charmant ». Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Élisabeth, une femme de fer à la tête d’un empire industriel important, a conduit son fils Nicolas au suicide en lui imposant la succession de l’entreprise familiale.
 

Martine Superstar dans la pièce Quand les belles-mères s’invitent !  de Stéphane Henriaut

Martine Superstar dans la pièce Quand les belles-mères s’invitent ! de Stéphane Henriaut


 

Fifi (le travesti M to F) – « Elle me poignarde !

Lou (l’héroïne lesbienne) – Et tu t’attendais à moins ? C’est toi la seule assassine ? »

(Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi)
 

L’actrice est parfois qualifiée de monstre : « Nous savons que vous êtes un monstre. » (l’Auteur s’adressant à Vicky Fantômas dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, p. 251) Elle a le pouvoir de vampiriser et de tuer psychiquement son fan à distance. « Je suis mort. Yolanda m’a suicidée. » (Sor Estiércol dans le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar) ; « Cette Barbara Streisand, elle t’a pas un peu déformé le cerveau ? » (le père d’Howard s’adressant à son fils homosexuel suite à son coming out, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Tatiana Debon est une blonde tout en rondeurs, mais couverte d’épines comme un de ces cactus rebondis qu’on voit sur les bouteilles de tequila. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 385) ; « Vestale de la Beauté monstrueuse. » (Warda dans le roman Hawa (2010) de Mohamed Leftah) ; « On dit que les actrices peuvent tuer pour un rôle. » (Sylvie s’adressant à l’actrice Isabelle, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Il y a une fille dans mon lit !! Qu’est-ce que je vais faire avec ça ?? J’espère qu’elle ne va pas me toucher, la vicieuse ! Je ne suis pas un sex-toy, Mademoiselle ! » (Fabien Tucci, homosexuel, s’adressant à une femme qu’il surnomme comme la chanteuse Rihanna, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Je la supporte pas, celle-là. Je peux pas l’encadrer. » (Benjamin, le héros homosexuel, à propos de la chanteuse Lady Gaga, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.
 

Par exemple, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque imite Catherine Deneuve en momie, Mylène Farmer en poupée muette (« Mylène Farmer, c’est un peu comme la Joconde. Tout le monde la voit, mais personne ne l’entend. »), Liliane Bettencourt en hideuse créature (elle est qualifiée d’« Horreur Loréale ») et Dalida en monstre (« Moi, je faisais la Belle et Dalida la Bête. »).
 

Le personnage homosexuel s’avoue assassiné par les mots de son actrice-amante : « J’ai adoré vous retrouver sous ses traits de vieille dame indigne, d’aristocrate aux mots qui tuent et au cœur en compote. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 58) ; « Je ne savais même pas ce que je cherchais alors, mais, la voyant, reine en haillons, marquise hautaine, vieille petite fille ridée, elle, la Dame de Bois-Rouge, puisqu’il faut dire son nom, je suis restée fascinée au centre de sa toile et je n’en suis sortie qu’éreintée, pourfendue, achevée par ses coups de pioche dans le cœur. » (idem, p. 129) ; « Une femme s’approche de moi. Elle souffle sur mon visage un chant en berbère. Elle me relève. Je me laisse faire. Elle s’arrête de chanter. Elle est douce. Elle me dit, en arabe, dans l’oreille gauche : ‘Va vers lui, va vers le Roi, c’est comme ton père. C’est ton père. ’ Et elle me pousse, violemment, dans sa direction. Je ne m’attendais pas à cette violence, à cette trahison. Je ne suis plus rien. » (Khalid, l’un des héros homosexuels du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 12) ; « Cantatrice, castratrice, ah ben une lettre ça peut tout changer hein… » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homosexuel, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; etc.
 

La « pin-up du soldat », celle qui vient au front et conduit les Hommes à la mort, est souvent une icône gay : Bette Midler dans le film « For The Boys » (1991) de Mark Rydell, Marlene Dietrich dans le poème « Canción De Amor A Los Nazis En Baviera » de Néstor Perlongher, Lady Diana dans l’article « Todo El Poder A Lady Di » du même auteur, etc. Par exemple, pendant le concert Météor Tour d’Indochine à Paris-Bercy le 16 septembre 2010, sont intercalées sur les écrans géants des images de guerre avec des archives filmées de majorettes, de Reines de Beauté.
 

Parfois, cette actrice-traîtesse représente globalement tous les acteurs, qu’ils soient hommes ou femmes, qui peuplent les écrans des salles de ciné. Dans le film « Murder By Death » (« Un Cadavre au dessert », 1976) de Robert Moore, la femme de Sam Spade demande à son mari pourquoi il cache des magazines pleins d’hommes musclés et nus dans son bureau. Celui-ci lui répond : « Ce sont des suspects ! » Il les considère comme responsables de sa propre soumission à eux.
 

Cette rancœur nourrie par le personnage homosexuel envers ses idoles (hypersexualisées) de papier peut déboucher sur une vengeance ou un meurtre iconoclaste. Par exemple, dans le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, et encore dans la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, les stars du show business sont tour à tour assassinées. « Nous pendouillerons Cher ! » affirment les protagonistes homos de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy en parlant de la chanteuse Cher. Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel danse sur des tubes des chanteuses qu’il adore et qu’il insulte en même temps : « Ah la feignasse ! » s’insurge-t-il contre Kylie Minogue ; « Qu’est-ce qu’elle fait cette connasse ? » crie-t-il contre Lady Gaga. Quand le démon de la danse s’empare de lui, il s’adresse à la chorégraphe noire « Mia Frye, sors de ce corps ! ».
 

Vidéo-clip de la chanson "C'est dans l'air" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer


 

Du fait d’appartenir à un monde onirique que les humains ne peuvent pas rejoindre, l’actrice est considérée comme une mère cruelle et démissionnaire : « La grande dame nous laisse tous orphelins, c’est un malheur incommensurable pour l’humanité. » (Monsieur Charlie dans la pièce L’Héritage de la Femme-araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, p. 17) Sa puissance ne dure que le temps d’une chanson ou d’un film : « Björk avait terminé depuis longtemps. Sa voix malicieuse avait cessé de nous envoûter et le sortilège prenait fin avec le disque. » (la voix narrative du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 187) ; « Jolie, crinière au vent, ses dessous dépassant de l’ouverture du fourreau pailleté, boitant sur une seule chaussure, traînant d’une main le renard, de l’autre son sac, suivit Silvano sans rien dire. […] Son maquillage dégoulinait. Jolie de Parma, celle qui l’avait tant ému au cinéma ! réalisa-t-il tout d’un coup. Hier encore, vous étiez mon idole, mon idéal de femme. » (le narrateur homosexuel du roman La Vie est un tango (1979) de Copi, pp. 22-23) ; etc.
 

Le héros homosexuel rêve de se venger de l’actrice-traîtresse, et dénigre sa reine : « Même la mort n’en veut plus. » (Léo, le héros homosexuel à propos de Loana, dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas) ; « Son vrai nom à Victoria Abril, c’est Victoria Merda ! » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; « Surtout, ne jamais aimer Mylène. […] Aimer Carla Bruni, à moins d’être coiffeur, c’est direct le bûcher ! » (Jonathan, le héros homosexuel de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Avoir rencontré Jolie d’une façon aussi hasardeuse que désagréable le remplissait d’une confusion que Silvano dissimula en adoptant une attitude méprisante. Pour se donner du courage, il se dit : ‘Quand je raconterai à Dorita que la célèbre Jolie de Parma n’est que la putain d’un sénateur… » (Copi, La Vie est un tango (1979), pp. 14-15) ; « Mon illusion, c’est le monde des femmes telles qu’elles sont : plus animales que l’homme mais dont personne ne peut les accuser de passion ! » (Lou, l’héroïne lesbienne s’adressant à sa mère Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (2014) de Copi) ; « Une actrice. Oui. Une pute, c’est bien ce que je dis. » (Benjamin, l’un des héros homos de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Vous êtes une sangsue. Une hyène ! » (Philippe s’adressant à Elisabeth, la présentatrice-télé qui l’a traîné médiatiquement dans la boue, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.
 

Planche "Le Miroir" de la B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi

Planche « Le Miroir » de la B.D. Le Monde fantastique des gays de Copi


 

Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne, présentatrice télé, détruit le milieu audiovisuel dans lequel elle gravite : « Les actrices sont toutes des malades mentales. » Elle se qualifie elle-même de « peau de vache ». Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Strella, le héros transsexuel M to F, imite parodiquement la Callas qui se shoote, alors que, pourtant, elle l’adore : « Je l’ai vue à la télé et ça m’a rendu dingue. […] Notre seul point commun, c’est d’être cinglées. » Dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, le rapport entre Cyrille, le héros homosexuel, et la cantatrice Regina Morti est passionnel : « Je garde encore ce mot que vous m’avez envoyé lors de la première de la Tosca à la Scala di Milano, le voici : ‘Regina, ti amo ! Regina, ti amo ! ’. » (Regina) ; « Je ne peux pas vous épouser, ma chère Regina. » (Cyrille) ; « Je ne vous ai jamais envoyé ce billet ridicule ! » (idem) ; « Je déteste les cantatrices d’opéra, il est impossible de les faire taire. » (idem) ; etc. Cyrille finit par traiter Regina d’« espèce de vieille truie ».
 

L’actrice est détestée de ne pas parvenir à arracher celui qui s’identifie à elle de sa soi-disant misérable existence : « La Négresse du tableau ne m’aimait pas. Elle avait raison. Elle était devenue, au fil du temps, ma rivale. Mon ennemie. Des yeux qui ne se fermaient jamais. Elle avait, elle aussi, le don de voir. » (Hadda à propos du tableau du Louvre, Portrait d’une négresse de Marie-Guillemine Benoist, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 196)
 

Lors du concert d’Oshen à l’Européen de Paris, le 6 juin 2011, Océane Rose-Marie a tout à fait illustré la jalousie des personnes homosexuelles envers la star de magazine, ce reflet narcissique qui fait souffrir et qui fait scandale, précisément parce qu’il n’arrive pas à nous transformer complètement en objet comme lui : « Une fois, j’ai vu dans un magazine une femme qui me ressemblait. Je n’arrêtais pas de me demander : pourquoi cette femme me ressemble ? Pourquoi elle est dans le magazine et pas moi ?!? […] Elle me ressemblait, et ça me rendait malheureuse. Cette femme dans le magazine qui me ressemblait, je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a explosé à la figure. » Cette femme-objet sur papier glacé ne parvient pas à nous entraîner avec elle dans son univers de paillettes ; elle nous abandonne ; elle ne peut pas concrètement nous diviniser par contamination visuelle. Et ça, les personnes homosexuelles ne l’ont pas avalé.
 

L’actrice étant aussi par définition le piège-à-hommes, il est donc logique qu’elle apparaisse aux yeux du héros homosexuel comme LA rivale à neutraliser, la pimbêche qui vient lui voler son/ses amant(s). Par exemple, dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, Lucilla, la copine de Mr Carter, est considérée comme une traîtresse par le jeune héros homosexuel, John, secrètement amoureux de Mr Carter, justement.
 
 

b) La star ridicule et dégradée, ou la vedette vieillissante défiant héroïquement le temps, est célébrée par le personnage homosexuel :

Alice Sapritch

Alice Sapritch

 

L’acte de destruction de la star – soit parce que c’est elle qui détruit, soit parce qu’elle est détruite par son fan homosexuel – est souvent envisagé comme un acte d’amour. Le héros homosexuel rêve son actrice à la fois morte et toute-puissante, éternellement vieille… pour continuer de la haïr pour toujours ! « Cette vieille, la Vénérable, vraiment je lui en voulais, j’y avais cru plus qu’à tout le reste, et voilà, j’étais baisé. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 109) ; « Ayez pitié d’une pauvre femme par-dessus vieille ! J’allume la boule. Vous la voyez votre petite Delphine pendue ? Monsieur, me dit-elle, je me sens mal. Mes sels ! Je la gifle. Je l’attrape par les cheveux, lui cogne le front contre la boule de cristal, elle râle, elle s’affaisse sur sa chaise, elle a une grosse boule bleue sur le front, un filet de sang coule de son oreille. En bas on entend le bruit régulier de la caisse, je regarde par la fenêtre, le boulevard Magenta est toujours le même. La vieille continue de râler, je l’étrangle, elle meurt assise. Je me recoiffe de mon peigne de poche, j’enfile mon imperméable. » (le narrateur homosexuel assassinant Madame Audieu, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 89) ; « C’était une dame que j’appréciais beaucoup. Je n’aurais jamais pu lui faire du mal. Ça aurait été comme si je tuais ma propre mère. » (Pretorius, le vampire homosexuel parlant de Mme Yank, la comptable de 80 ans de l’Hôtel du Transylvania, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Marlène Dietrich : une idiote ! » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc.
 

Planche "La Doyenne" de la B.D. Le Monde fantastique des gays de Copi

Planche « La Doyenne » de la B.D. Le Monde fantastique des gays de Copi


ACTRICE-TRAÎTRESSE Doyenne 2
 

On retrouve la star vieillissante par exemple dans les spectacles d’Élie Kakou (avec l’ancienne claudette Mongola), le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald (avec la diva à la retraite), l’album Le Monde fantastique des gays (1986) de Copi (avec la Doyenne), la pièce Quand les belles-mères s’invitent ! (2014) de Stéphane Henriaut, la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon (avec la Palma « has been »), le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek (avec la grand-mère de Tommaso, le héros homosexuel), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec les quatre vieilles divas), la comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus (2006) de Christian Siméon (avec la vieille star de music-hall handicapée), le film « The Devil Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2006) de David Frankel (avec la diabolique Miranda), le film « Höstsonaten » (« Sonate d’Automne », 1978) d’Ingmar Bergman (avec Charlotte la mère pianiste retraitée), la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier (avec la figure de Marilyn Monroe grabataire et obèse), le film « The Fan » (1981) d’Edward Bianchi, le film « Il était une fois dans l’est » (1974) d’André Brassard, le film « Women » (1939) de George Cukor, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec Jenny), le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval (avec la star à la carrière finissante, parodiant les Marlène Dietrich et Zizi Jeanmaire qui n’ont pas su s’arrêter à temps), le one-(wo)man-show Lady Raymonde (2014) de Denis D’Archangelo, la chanson « Et si vieillir m’était conté » de Mylène Farmer, le film « Tan de Repente » (« Tout à coup », 2002) de Diego Lerman (avec la grand-mère chanteuse), le film « Die Bitteren Tränen der Petra von Kant » (« Les Larmes amères de Petra Von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Sunset Boulevard » (« Boulevard du Crépuscule », 1950) de Billy Wilder (avec la Norma Desmond), le spectacle musical Yvette Leglaire « Je reviendrai ! » (2007) de Dada et Olivier Denizet, le film « Le Clair de terre » (1969) de Guy Gilles, les films « Femmes Femmes » (1974), « Corps à Cœur » (1978), et « En haut des marches » (1983) de Paul Vecchiali, le film « Heat » (1972) de Paul Morrissey (avec Sylvia Miles), le film « Best in Show » (« Bêtes de Scène », 2000) de Christopher Guest, le film « Beverly Kills » (2005) de Damion Dietz, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, le roman L’Autre (1971) de Julien Green (avec Mademoiselle Ott), le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec Junn, la mère en maison de retraite), le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan (avec Kate, la mère vieillissante démissionnaire, gangster et indépendante : « Jamais personne ne me dira ce que je dois faire ! »), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears (avec Léa, la star à la retraite), la comédie musicale Une Étoile et moi (2009) d’Isabelle Georges et Frédéric Steenbrink (avec Leslie Caron, la vieille actrice accueillie et ovationnée comme une diva), le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier (avec la vieille fumeuse), le one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba (avec les vieilles grands-mères), le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras (avec Mary, le vieux transsexuel M to F ayant un cancer mais fumant quand même comme un pompier), la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec Paulette Poussin, l’arrière-grande-tante de Jean-Paul, complètement grabataire, imité par son petit-neveu homo), le sketch de la « Belle-mère » de Didier Bénureau, etc. Par exemple, dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, l’amant diplomate de Roscoe, au moment de recevoir Margaret Thatcher en personne, bande concrètement à cause d’elle. Et Roscoe, par vengeance, dit qu’il a vraiment pissé dans le thé qui sera servi à la première ministre.
 

Les stars adulées par le personnage homosexuel sont en général à l’article de la mort. Par exemple, dans la chanson « Les Adieux d’un sex-symbol » de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger, l’actrice déclassée Stella Spotlight symbolise le déni du statut mortel des Hommes. Elle se définit elle-même comme la mort en personne : « Voulez-vous voir la mort en face ? Elle s’habille en technicolor. » Dans le film « The Curiosity of Chance » (« Saisir sa chance », 2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, a une tendance à « l’imitation de chanteuses mélodramatiques décédées comme Rosemary Clooney, Dionne Warwick, Ethel Merman ». Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se présente comme une Miss France à la retraite. Dans la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim, le lieutenant Kalachnikov homosexuel avoue qu’il est attiré par les vieilles. Dans son one-man-show Gérard comme le prénom (2011), Laurent Gérard rentre dans la peau de sa grand-mère Mamita, anti-socialiste, raciste, acariâtre, bourgeoise. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, se moque des hôtesses de l’air vieillissantes et acariâtres avec leurs plus jeunes collègues, qui utilisent le chariot de victuailles comme des déambulateurs : « Les vieilles hôtesses, elles, elles ne nous aiment pas, elles nous parlent mal. » Dans la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, Claude est la vieille femme infréquentable, anti-conformiste, inflexible, peu docile, « chieuse », rebelle, vulgaire, volage, solide comme un roc… bref, immortelle. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca rentre dans la peau d’une actrice vieillissante qui fait des publicités, Marie-Astrid : « Dans ‘Autant en emporte le vent’, en 1939, c’est moi qui faisais le vent. » Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Kyril, le dandy maniéré avec son monocle, se gausse méchamment de Marguerite en feignant de l’aduler : « Je vous adore ! »
 

« Je travaille à mon grand come-back. » (la mère transgenre M to F se rétamant plusieurs fois sur scène, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti David Forgit) ; « Je n’ai pas le temps d’aller faire le mannequin en Australie, d’ailleurs, je suis trop vieille. » (« L. », le personnage transgenre M to F de la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Le fait de s’habiller en jumelles leur conservait une certaine clientèle d’amateurs malgré leur soixantaine bien entamée. » (Mimi et Gigi, les deux travestis M to F de la nouvelle « Les vieux travelos » (1978) de Copi, p. 87) ; « La Solitaire entre par en haut de l’escalier. C’est une belle femme de quarante ans, habillée luxueusement. » (Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Catherine D. est en chantier. » (Philippe Mistral évoquant l’actrice Catherine Deneuve, dans son one-man-show Changez d’air, 2011) ; « Quand je serai vieux, j’aimerais tellement être comme vous. » (Romain, le coiffeur homosexuel s’adressant à Isabelle la concertiste, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Ophélie, si tu nous entends, là-haut, on t’embrasse. » (Jérémy Lorca s’adressant à la chanteuse déclassée Ophélie Winter, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc.
 

Généralement, cette star hautaine expulse son fan. C’est le cas de la méchante vieille dans le film « Tatie Danielle » (1989) d’Étienne Chatiliez (le petit-neveu gay Jean-Marie est rebaptisé de « Jeanne-Marie » par elle), de Lena horrible avec son fan Ernesto dans le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, de l’odieuse Grany dans le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte, de Mrs Whittaker dans le film « Easy Virtue » (« Un Mariage de rêve », 2009) de Stephan Elliott, de Margo méprisant ses fans dans le film « All About Eve » (« Ève », 1950) de Joseph Mankiewicz, de Victoria dans le film « Madame Satã » (2001) de Karim Aïnouz, de la bourgeoise maléfique (dont on ne voit que la main) qui tient le téléphone à Steven mourant dans son lit d’hôpital dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, de toutes les stars méprisantes vis-à-vis des fans masculins dans les vidéo-clips des chansons « I Outta Love » d’Anastacia, « My Love Don’t Cost A Thing » de Jennifer Lopez, « J’envoie valser » de Zazie, « Moi… Lolita » d’Alizée, « He Wasn’t Man Enough For Me » de Toni Braxton, « I Never Loved You Anyway » des Corrs, etc.
 

Par exemple, dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Uma Rojo refuse un autographe à son fan Esteban qui, à cause de cela, mourra dans un accident de voiture. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, toutes les actrices sont à la fois idéalisées et maltraitées parce qu’elles ignorent ou maltraitent leur fan homosexuel. En effet, Dany, le héros homo, cherche à atteindre son inaccessible idole, la chanteuse-actrice Patty Pravo (« Patty, c’est mon idole, mon porte-bonheur. ») qui le salue de loin depuis un bateau de croisière, qui à la fin du film ne lui adressera qu’un furtif « Amore » depuis sa limousine noire, avant de disparaître à tout jamais. Frustré par cette relation puissante et distante à la fois, Dany se venge d’une des doublures de Patty nommée Vivi. Vivi est la belle-mère de Dany, la poupée par excellence (habillée en rouge comme Patty, et blonde décolorée aussi comme Patty), vivant dans une villa en parfaite femme au foyer soumise… Dany débarque chez elle avec un flingue et la considère comme une rivale qui lui a piqué son père.
 
 

c) Le personnage homosexuel garde dans sa main une photo déchirée ou chiffonnée:

Le fan homosexuel vit une vie par procuration avec « sa » star : « Quand je touchais un salaire de misère pour payer ma chambre de bonne, j’avais toujours épinglée votre photo sur mon miroir. J’ai suivi avec grande attention votre carrière. » (Vicky s’adressant à la Comédienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) Voyant que cette actrice ne partage pas son quotidien, il finit par détruire l’effigie de son idole pour mieux prouver qu’elle est immortelle et qu’elle survivra à sa destruction iconographique/symbolique. C’est le cas dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, le film « Gunman In The Streets » (« Le Traqué », 1950) de Frank Tuttle et Boris Lewin, le film « Le Foto Di Gioia » (« Delirium », 1987) de Lamberto Bava, le film « Fotos » (1996) d’Elio Quiroga, le film « La Tour Montparnasse infernale » (2000) de Charles Némès, le film « Le Testament d’Orphée » (1959) de Jean Cocteau, le film « Spring Fever » (« Nuits d’ivresse printanière », 2009) de Lou Ye, le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh (avec la photo de Petra et sa collègue, déchirée par Jane la compagne de Petra), la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir (avec la destruction des photos, jetées au feu), le film « Plan B » (2010) de Marco Berger (avec la photo du sosie de Bruno jetée par Laura), le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec la photo brûlée, serrée au poing), etc.
 

Par exemple, dans la pièce El Vals De Los Buitres (1996) d’Hugo Argüelles, Lionel détruit un poster de Bette Davis avec un couteau. Dans le film « ¡ Harka ! » (1941) de Carlos Arévalo, Herrera déchire la photo de sa fiancée Amparo. Dans le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, une fille se fait arrêter par les bourreaux parce qu’elle possède une photo sous son oreiller : elle est assassinée pour crime d’idolâtrie. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, jette les photos des footballeurs qu’il a utilisées pour faire son article sur l’équipe de foot de son lycée.
 

La photo cristallise et mythifie autant qu’elle fige le modèle féminin dans la mort et l’horreur : « Il faut que je t’explique pourquoi j’ai peur de la photographie. Pour moi, c’est la mort. Je me rappelle Maman presque tous les jours. Je me souviens d’un après-midi en particulier. Nous étions sur les rives de la Sunshine Coast, dans le golfe d’Alaska. Partout il y avait de la neige, c’était blanc à perte de vue. Papa avait acheté un Polaroïd, Maman s’était assise sur un tas de neige. Son visage ce jour-là sera son visage pour toujours. J’entends tout à coup le clic de l’appareil, le zzz de la photo qui sort – petit à petit, le portrait se révèle… Je trouve ça magique. Et pourtant, lorsque les traits de Maman deviennent tout à fait nets sur le papier glacé, je ne la reconnais plus… Elle a déjà changé. Je la regarde, je regarde la photo, je la regarde, je reviens à la photo : ma mère s’enfuit ! Je pleure énormément. La photo tombe sur la neige. Quand mon père la ramasse, les couleurs ont suinté, le visage de ma mère n’est plus qu’une traînée rose. » (Chris, l’un des héros homos du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 44) ; « Dans un dernier flash, elle [Truddy] vit le visage de sa mère, morte à sa naissance et qu’elle n’avait connue que par des photos. » (Copi, « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 40) ; « J’ai été la victime du rouleau compresseur médiatique. » (Cindy, l’héroïne hétérosexuelle qui joue la lesbienne pour ses besoins de célébrité, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) ; etc.
 

Vidéo-clip de la chanson "Libertine" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer


 

Le personnage homosexuel est sous la dépendance d’un cliché photographique qu’il ne veut pas lâcher. On retrouve souvent dans les fictions homo-érotiques le motif de la main serrant un papier chiffonné : cf. le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec le mouchoir froissé dans la main, aux toilettes), le poème « Lugar » (1980) de Néstor Perlongher, le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye, etc.
 

Main d'Odetta dans le film "Teorema" de Pier Paolo Pasolini

Main d’Odetta dans le film « Teorema » de Pier Paolo Pasolini


 

Par exemple, dans le film « Rebel Without A Cause » (« La Fureur de vivre », 1955) de Nicholas Ray, Platon cache une photo du bel acteur Alan Ladd dans son vestiaire. Dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, Odetta, qui prenait sans arrêt les autres personnages en photo, finit mystérieusement pétrifiée sur le lit familial, à l’image de ses clichés. Elle garde une main crispée qui renferme le symbole de son idolâtrie… On ne saura jamais ce que c’est. L’arroseur arrosé apparaît également avec le professeur Figueroa dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, tué par le film qu’il était en train de voir.
 

Marilyn Monroe

Marilyn Monroe


 

De nombreux écrits traitant d’homosexualité nous présentent des personnages gardant dans leur main une icône dont ils ont du mal à se détacher, et qu’ils détruisent pour mieux effacer leur idolâtrie : « Chloé avait du sang entre les dents quand on l’a retrouvée inanimée dans la forêt de Sénart, un papier avec mon nom dans son poing serré. » (Cécile parlant de sa compagne, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 136) ; « Ma main crispée sur une carte postale, la plus banale la plus vulgaire La Place du Tertre tandis que je retiens une espèce de plainte, un grognement dont je m’affole de ne pas reconnaître la nature, je serre les dents, mon corps légèrement incliné au-dessus de la carte vers le guichet. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Peau des Zèbres (1969) de Jean-Louis Bory, p. 173) ; « Il sentit sous sa paume le papier lisse d’un exemplaire de l’Imitation que sa mère lui avait donné pour son vingt-deuxième anniversaire, et tout à coup il fut repris par un monde qui lui parut aussi étroit qu’une geôle. » (le héros homosexuel du roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 16) ; « Alors, par un mouvement de révolte qui lui rendit toute sa vigueur, il se leva, arracha cette image pieuse fixée avec une punaise et d’un geste rageur la déchira en quatre morceaux, puis, ouvrant la fenêtre, il lança dans le vide ces petits fragments de papier bariolés de couleurs naïves. » (Emmanuel Fruges, idem, p. 185) ; « Alors elle serre ce papier tout froissé sur son cœur, son cœur peut-être aussi froissé que le papier, autant… ou davantage. » (Molina, le personnage homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 218)
 

Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony vit toujours dans la nostalgie de son « amour » impossible avec Scrotes : « L’amour est comme un phare. Adieu, Scrotes… » dit-il en froissant un papier.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) La femme-objet médiatique représente la mort et la trahison :

Lady Gaga

Lady Gaga


 

En règle générale, les égéries LGBT ne sont pas des enfants de chœur. Par exemple, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » (diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte), il est question de danser de manière « férocement glamour ». Les icônes gays incarnent la quintessence de la trahison et de la violence sophistiquées. Les personnes homos aiment soutenir des femmes machistes, mégalos, ridicules dans leur prétention à être absolument stars, mais sincères dans leur mégalomanie, des êtres qui transcendent la différence des sexes et qui font la nique à tout le monde : on peut penser à Madonna, Lady Gaga, Afida Turner (cf. interview avec Jeremstar), Cindy Sander, Mylène Farmer, Nabilla Benattia, Lady Gaga, Jeanne Moreau, Judy Garland, etc. Ces actrices jouent le rôle de l’homme-objet conquérant et indépendant. Par exemple, sur la chaîne NRJ 12, le 5 février 2011, Afida Turner dit qu’elle « est un mec dans un corps d’homme. » Pour la chaîne TF1, Thomas Vergara, le petit copain de la bimbo Nabilla Benattia qui l’a poignardé, avoue qu’elle n’est pas vraiment un homme : « C’est un garçon, en fait, Nabilla. »
 

Et en même temps, les personnes homosexuelles se retournent contre ces femmes cinématographiques qui les maltraitent, les méprisent (dans leur virilité ou leur féminité) et ne les aiment pas d’un amour réciproque à celles qu’elles imaginent leur donner. « Elle [Katia Leonsky] aimait appeler ses jeunes admirateurs ses ‘nains’. Pour combler son narcissisme, il fallait la présence d’au moins sept admirateurs. Ernestito lui offrit une Vénus de Milo miniature en fromage. En la mangeant, elle ressemblait à un rat. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 297) Par exemple, le retournement inattendu du public gay contre son égérie Madonna (qui n’a fait que 45 minutes de concert à l’Olympia à Paris en 2012) laisse songeur.
 

 

L’actrice est détestée par la communauté homosexuelle de ne pas parvenir à arracher celui qui s’identifie à elle de sa soi-disant misérable existence : « Quand j’étais petit, je jouais à la diva pop dans ma cuisine. Donc je peux comprendre qu’on admire une chanteuse au point qu’on a envie non seulement d’être son meilleur ami et de vivre sa vie, mais aussi d’être à sa place. » (Mykki Blanco, homosexuel, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Chacun d’entre eux avait quelque chose à reprocher à Concha. Ils voulaient tous être son unique amant ou son amante exclusive. L’esclave de cette déesse toute-puissante. Chacun exigeait Concha pour soi seul. Raimundo l’accusait d’indifférence, parce que Concha acceptait ses faveurs à condition qu’un autre homme, souvent racolé par Carlo le coiffeur, le possède d’abord. Raimundo se sentait humilié par cette femme qu’il vénérait. Il estimait que sa virilité partait en lambeaux. Il ne pouvait plus s’expliquer de façon cohérente qu’il eût accepté à regret les conditions mortifiantes de Concha. Il ne pouvait plus revenir dessus. Mais si, il le pouvait : en assassinant Concha. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 31) ; etc.
 

Dans cette émission de Touche pas à mon poste! (2022 sur D8), le présentateur Matthieu Delormeau étrille la chanteuse Beyoncé – grande icône gay et porte-drapeau de la communauté LGBT mondiale – en la traîtant de traîtresse parce qu’elle a accepté de faire un concert à Dubaï, fief de « la plus grande homophobie ».
 

 

Dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel, Lea Delaria, femme lesbienne, dit qu’elle est fan de l’actrice Sigourney Weaver jouant Ellen Ripley dans le film « Alien », parce qu’elle s’y identifie. Mais lorsque dans le scénario de la série de film, l’héroïne finit par coucher avec des mecs, la déception arrive : « J’étais dégoûtée qu’elle couche avec des hommes. J’étais dégoûtée qu’elle couche tout court ! »
 

Miss California

Miss California


 

Dans la réalité, les bimbos les plus célébrées par la communauté homosexuelle ont pu être aussi les plus taxées d’« homophobes » : rappelons-nous d’Anita Bryant (ancienne Miss Oklahoma dans les années 1970), de Brigitte Bardot (et de Frigide Barjot aussi !), de la soprano Élisabeth Schwarzkopf, de Carrie Prejean (Miss California qui a perdu sa couronne de Miss USA en 2009 pour avoir soutenu que le mariage n’était souhaitable qu’entre un homme et une femme), etc. On peut penser également à Judy Garland, icône gay par excellence, et qui à la fin de sa vie insultait ses fans (« J’en ai rien à foutre du public ! ») ; ou bien à Mylène Farmer qui se montre depuis toujours d’une grande froideur à l’égard de la communauté homo.
 

C’est la raison pour laquelle il n’est pas étonnant d’entendre dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant à la fois l’exaltation («Anita Bryant nous a unis ! ») et la diabolisation («Anita, sorcière ! ») de l’actrice. Jean-Luc Lagarce, dans son journal intime (tenu de 1977 à 1995), ne fait pas secret du rêve d’immortalité déçu qu’il partage avec son idole Marlene Dietrich : « Je pensais qu’elle et moi, nous étions immortels. » Dans ses mémoires Palimpsestes (1995), Gore Vidal explique les dégâts de sa confusion entre réalité et fiction : « Malheureusement, je pris le cinéma au sérieux, et s’il ne me fit aucun mal, il mit néanmoins mon sang-froid à rude épreuve. » (p. 418) Quant à Alberto Mira, il reproche à Madonna son irréalité et sa bonté majoritairement de façade : « Madonna est bonne, Madonna est, comme Evita, une sainte, et comme Evita, une révolutionnaire. Comme Evita, elle donne beaucoup d’argent aux associations caritatives, et comme Evita, elle est inimitable. Bref, Madonna est comme Evita, un point c’est tout. C’est justement ça le problème… » (cf. la dernière phrase de l’article « Madonna », dans l’essai Para Entendernos (1999) d’Alberto Mira, p. 483)
 
 

b) La ridicule star dégradée ou la star vieillissante défiant héroïquement le temps est célébrée par beaucoup de personnes homosexuelles :

Il se tisse souvent un lien étrange, à la fois fidèle, passionnel et haineux, entre le fan homosexuel et la femme-objet, lien où la star féminine finit par l’emporter : « Mes fans gays ne m’ont jamais laissé tomber. Même dans les moments difficiles. Les homos sont étranges. Ou ils t’adorent, ou ils ne savent même plus que tu existes… » (la chanteuse Cher interviewée dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Marlene Dietrich savait qu’elle avait un following gay. Elle jouait avec. » (Michel Gaubert, homosexuel, idem)
 

C’est le vieux chêne indétrônable que la communauté homosexuelle célèbre en l’actrice. Beaucoup de personnes homosexuelles aiment les stars vieillissantes, les comédiennes déclassées ou au contraire défiant le temps et les modes : Pascal Sevran, François Ozon, Frédéric Mitterrand, Panos H. Koutras, Marcel Proust, Denis D’Archangelo, etc.
 

« Les deux copines [Jacques et Luisito] prirent le chemin du retour, en récitant alternativement les noms d’actrices françaises et argentines. Ginette Leclerc, Mona Maris, Martine Carol, Olga Zubarry, Arletty, Tita Merello, Leslie Caron, Elsa Daniel, Elvire Popesco…

Ah non, celle-là n’est pas française, protesta Luisito avec force.

Oui, elle est polaque ou roumaine, dit Jacques.

Ou juive, comme toi. »

(Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 227-228)
 

Je vous renvoie au documentaire « Poussières d’Amour » (1996) de Werner Schroeter, au livre d’essais Miss Media (1997) de Ricardo Llamas, etc. Certaines personnes homosexuelles admirent la femme à la soixantaine séduisante et possédant encore une classe époustouflante pour son âge : par exemple, Laura (Jeanne Moreau) dans le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, Victoria (Julie Andrews) dans le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, Camille (Catherine Deneuve) dans le film « Après lui » (2007) de Gaël Morel, Catarina (Géraldine Chaplin) dans le film « Hable Con ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, Blanche (Vivien Leigh) dans le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Elia Kazan, etc. « Il mettait très bien en scène les dames âgées. » (Jean Cocteau par rapport à son amant Jean Marais, dans le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) d’Yves Riou et Philippe Pouchain)
 

Un certain nombre de personnes homosexuelles célèbrent l’actrice vieillissante tant qu’elles peuvent s’identifier à elle : « C’est notre côté vieilles taties. » (une Sœur de la Perpétuelle Indulgence, dans le documentaire « Et ta sœur » (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin) ; « C’était une très belle femme vieillissante aux cheveux très longs : une sorte de vieille Mélisande étendue sur un lit voilé de dentelles. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 192) ; etc.
 

Par exemple, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa vénère la vieille Sabah : « Sabah faisait son come-back. Cette chanteuse libanaise mythique de plus de 80 ans qui était devenue, à force de liftings, une statue, une momie, une icône, une petite fille étrange à la chevelure flamboyante et très blonde. Une femme à la voix un peu rauque qui défie le monde et le monde arabe. » (p. 66) Mais la déception ne tarde pas à arriver et, avec elle, la dénonciation de la mort-réalité : « Sabah y était plus blonde et plus figée que jamais. Sa voix n’avait miraculeusement pas changé mais son visage blanc était devenu un masque, celui de la mort peut-être. […] Mais ce retour-événement était, au fond, lui-même triste. Sabah n’était plus Sabah. L’âge d’or cinématographique et musical que je connaissais très bien et auquel elle avait contribué était révolu depuis au moins trois décennies déjà. » (idem, p. 67)
 

De son côté, Thierry Le Luron aimait particulièrement imiter les vieilles divas : Line Renaud, Alice Sapritch, Chantal Goya, etc. … pour mieux les croquer. « Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours aimé les vieilles dames » avoue Frédéric Mitterrand dans son autobiographie La Mauvaise Vie (2005). Quant à Jean-Philippe, travesti M to F, concernant son personnage de Charlène Duval, il dit d’elle qu’« elle est une synthèse de toutes les stars vieillissantes » (cf. l’article « Charlène Duval » de David Lelait, sur ce site consulté en juillet 2005).
 
 

c) Certaines personnes homosexuelles gardent dans leur main une photo déchirée ou chiffonnée:

B.D. Femme assise de Copi

B.D. Femme assise de Copi


 

La relation entre les personnes homosexuelles et l’actrice est d’ordre idolâtre, c’est-à-dire qu’elle repose sur une passion jalouse, un fétichisme, une destruction d’image désirée comme une résurrection et un acte magique. Nous retrouvons cette idée de l’estampe détruite dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias : « J’imaginais Lola couchée dans le petit lit, regardant le plafond et les murs où étaient accrochées les photos et les affiches de sa fille Clara, chanteuse folklorique argentine. Elle devait regretter la beauté de Clara, la beauté radieuse de ces photos. Elle devait serrer les poings pour retenir ses larmes. » (p. 71) On comprend que cette photo chiffonnée est un cliché sur lequel certaines personnes ont pu crisper leur désir, ont pu jouir, pas génitalement mais fantasmatiquement parlant (ou par procuration avec un homme « hétéro » qui les attirait…) : « Ernestino [homosexuel] se promit de ne jamais raconter ce qu’il avait vu. Nacho [l’homme « hétérosexuel » espionné] , entre-temps, avait joui sur une photo de Gina Lollobrigida, qu’il avait serrée fortement entre ses mains, faisant une boule de papier engluée dans son sperme. » (idem, p. 199)
 

Par ailleurs, de nombreux artistes homosexuels pratiquent un art fondé sur l’iconoclastie des stars vieillissantes : cf. la photo « Apparition du fantôme du sex-appeal » (1936) de Claude Cahun. Ils détruisent par la parodie les genres musicaux, théâtraux, littéraires qu’ils aiment le plus et qui sont tous très féminins (exemples : Francis Bacon, François Ozon, Christian Siméon, Marcel Proust, Andy Warhol, Yvette Leglaire, Jérémy Patinier, etc.). Je me souviendrai longtemps du passage de la chanteuse Cindy Sander (petite starlette de la télé-crochet qui s’était fait connaître par sa chanson cheap « Papillon de lumière ») à la soirée des Follivores au Bataclan le soir de la Gay Pride 2008 : l’hystérie des gens qui m’entouraient confinait à la sincérité-foutage-de-gueule…
 
 

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Code n°17 – Bergère (sous-codes : Peau d’âne / Femme-objet / Joconde)

Icône 17

Bergère

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Pourquoi on a du mal à aimer une femme ? (La célébration homosexuelle de la femme-objet idéalisée… au détriment de la femme réelle : sois belle et tais-toi)

 

Rita Hayworth

Rita Hayworth

 

Les individus homosexuels aiment-ils particulièrement la femme ? Non. Ils peuvent la trouver « objectivement » belle, désirable, terriblement forte et attirante… mais en général, ils lui préfèrent la femme-objet (l’actrice, le mannequin, la chanteuse). Leur rapport avec la femme réelle, confondue avec la femme cinématographique, peut être passionnel, charnel, érotique, amoureux… mais en tous cas il n’est pas aimant : là est tout le paradoxe !
 

Même si la majorité des hommes gays n’ont pas d’attirance sexuelle pour les femmes, en revanche, il serait faux de dire qu’ils n’ont aucune attirance du tout, ni surtout aucune projection fantasmatique (voire érotisée) sur elles. Il y a du désir. Un désir idolâtre, peu fiable, misogyne en ses fonds, mais un désir quand même. Disons qu’ils sont fous de la femme-objet qu’ils ont confondue avec la femme réelle… si bien qu’ils méprisent inconsciemment la seconde en la réduisant à une équation esthétique et émotionnelle, à un montage sculptural, à une caricature de féminité, à un moule sur-féminin (qui force les femmes à être plus qu’elles-mêmes ! à être des hommes-objet ou des pères-objet !). Ayant parfois grandi dans des univers très féminins, dans des maisons de poupées bourgeoises, il arrive qu’ils soient à l’âge adulte les constructeurs et les annonciateurs de l’imagerie féminine qui sera adoptée par une société.
 

En général, l’égérie gay représente une vierge maternelle, une grand-mère transfigurée de lumière, la bergère gentillette des romans pastoraux, la Vénus végétale, la jumelle narcissique, l’Ophélie de Millais : Charpini & Brancato « J’aime bien mes dindons » (1933). Elle n’a pas de sexe et n’a jamais « péché » (comprendre « connu la génitalité »). Pour bon nombre de sujets homosexuels, le sexe et le corps des femmes a peu à voir avec « l’être femme », puisque n’importe qui peut être femme : il suffit, comme le recommande Néstor Perlongher, de « se laisser envahir par l’émotion du devenir femme » (Néstor Perlongher, « Sobre Alambres » (1988), p. 140) de se déguiser en star ultra-féminine, ou de faire intervenir la science, pour qu’un être né homme se convertisse en femme. Ce qui préoccupe la majorité des personnes homosexuelles, ce n’est pas tant la femme incarnée que son allégorie divine, scientifique et télévisuelle. « Je suis fascinée par les femmes hétérosexuelles » affirment certaines femmes lesbiennes (cf. le documentaire « Le Bal des chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder). Elles ont pris l’exception de femme pour la femme universellement/uniformément exceptionnelle, si bien qu’elles sont tentées de délaisser les femmes réelles.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles s’identifient à la femme-objet, créature appartenant prioritairement au star system et qui se rêve sur-humaine : « J’ai voulu être hors du commun, dit-elle, dépasser la condition humaine. » (l’actrice française Jeanne Moreau citée dans l’essai Les Femmes et les homosexuels : la fausse indifférence (1996) de Virginie Mouseler, p. 166) Elles pensent vraiment qu’elle est l’incarnation de la femme réelle. Par exemple, Julien Green soutient que lorsqu’il voit jouer Brigitte Bardot, il ne peut plus parler de cinéma : « Dans les films d’elle que j’ai vus, elle ne joue pas, elle existe. » (cf. l’article « Julien Green, l’histoire d’un sudiste » de Philippe Vannini dans le Magazine littéraire, n°266, juin 1989, p. 103) Elles préfèrent la femme en photo qu’à table… même si la photo est parfois jolie et flatteuse pour la femme réelle. Ils glorifient la femme étrangère folklorique, l’extra-terrestre autiste et muette, la femme-musée qui fait tout pour ne pas être prise pour une potiche parce que précisément elle en est presque une. Le symbole le plus manifeste de leur désir de pétrifier la femme, de lui clouer le bec sans qu’elle cesse de sourire mystérieusement, c’est leur goût pour la Joconde.
 

Film "Xenia" de Panos H. Koutras

Film « Xenia » de Panos H. Koutras


 

Les personnes gays et lesbiennes (conjointement aux personnes hétérosexuelles machistes) sont souvent les parents de la femme-objet. Tout en rejetant son concept, elles le cautionnent par la photographie, la littérature, le théâtre, les arts plastiques, et le septième art. De nombreux réalisateurs homosexuels réactualisent le mythe de Don Juan en cherchant à s’entourer des plus belles femmes du monde et en les transformant en monstres sacrés du cinéma mondial.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles admirent la femme-objet au point de vouloir prendre sa place. Certaines études scientifiques avancent que 40% des garçons gays ont eu le désir d’être une femme (Jacques Corraze, L’Homosexualité (2000), p. 56). Ils le confessent rarement, car en effet, c’est un peu vrai et un peu faux à la fois. C’est faux dans les faits, puisqu’ils ne désirent pas être la femme réelle, mais la femme imagée qu’ils ont prise pour la femme réelle. C’est vrai en fantasme… et parfois un peu dans les faits, quand les désirs artificiels se sont partiellement actualisés par la chirurgie et l’artifice du travestissement ou des attitudes.

 

La majorité des personnes homosexuelles idéalisent la femme, et cette attitude, contrairement au cliché qui sévit surtout dans le « milieu » homosexuel, n’est pas proprement gay. Beaucoup de femmes lesbiennes croient tellement que la femme de magazine est la femme réelle qu’elles en déduisent, parce qu’elles n’atteindront jamais le degré de « perfection » de l’image, qu’elles ne sont pas de vraies femmes, ou même que la femme n’existe pas : « La féminité me paraissait assortie de tant de contraintes que je n’ai pas mis beaucoup de temps à décider que je ne voulais pas être une femme. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 54)

 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Poupées », « Reine », « Destruction des femmes », « Carmen », « Vierge », « Putain béatifiée », « Femme et homme en statues de cire », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Substitut d’identité », « Mère possessive », « Grand-Mère », « Tante-objet et Mère-objet », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Frankenstein », « Fleurs », « Jardins synthétiques », « FAP ‘fille à pédés’ », « Bourgeoise », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Fan de feuilletons », « Télévore et Cinévore », « Femme allongée », « Actrice-Traîtresse », « Pygmalion », « Innocence » et « Don Juan », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) Le personnage homosexuel grandit dans une ambiance très féminine, et choisit la bergère comme femme idéale :

Tableau La Jeune Bergère de Georges Paul François Laurent Laugée

Tableau La Jeune Bergère de Georges Paul François Laurent Laugée

 

Dans les fictions traitant d’homosexualité apparaît souvent l’image d’Épinal kitsch et sucrée de la bergère de la pastorale : cf. le film « Peau d’âne » (1970) de Jacques Demy, le roman Peau d’âne (2003) de Christine Angot, la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) Philippe Cassand (avec la référence à Peau d’âne), le vidéo-clip de la chanson « Tristana » de Mylène Farmer, le recueil Les Quarante Bergères : Portraits satiriques en vers inédits (1925) de Robert de Montesquiou, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec l’amour de Nietzsche pour les paysannes), le film « La Comtesse aux pieds nus » (1954) de Joseph Mankiewicz, le film d’animation « Toy Story 2 » (1999) de John Lasseter (avec le personnage de Bo Peep), le film « Totò Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec Sarah, la lesbienne Cacharel), la chanson « Duo des dindons » de Charpini et Brancato, etc. Par exemple, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Guillaume, le héros homosexuel, passe une heure à regarder une gravure d’une femme aux coquelicots. Et il ne touche pas à sa meilleure amie Mathilde parce qu’il la considère comme un bibelot : « Tu ferais la Madone de je ne sais quel tableau. »
 

« T’as vu ? C’est comme dans Peau d’âne. » (Anne, l’héroïne bisexuelle avalant dans sa bouche un bracelet à la bijouterie pour le voler, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma) ; « Je les regardais s’engouffrer tous dans l’escalier qui menait au balcon, lorsque je reconnus Perrette Hallery de dos… accompagné d’une magnifique femme en manteau de poil de singe, rousse à mourir sous son chapeau à voilette, la peau laiteuse et la démarche assurée. Le cliché de la belle Irlandaise, Maureen O’Hara descendue de l’écran pour insuffler un peu de splendeur à l’ennuyeuse vie nocturne de Montréal, la Beauté visitant les Affreux. […]La fourrure de singe épousait chacun de ses mouvements et lui donnait un côté ‘flapper’ qui attirait bien des regards admiratifs. Les hommes ne regrettaient plus d’être là, tout à coup. […] Maureen tenait le bras de son fils et je crus d’abord qu’elle était aveugle. Mais elle promenait autour d’elle ce regard curieux de myope qui ne voit pas ce qui l’entoure et qui se fie au flou des contours pour se guider. Mon rouquin n’avait pas menti au guichet, sa mère avait bel et bien un problème de vision ! » (le narrateur homo parlant de la mère de son futur amant rouquin Perette Hallery, à l’opéra, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 44) ; etc.
 

Le héros homosexuel met la féminité sur un piédestal, sous verre ou sous cloche, dans un joli herbier : « Ce que j’aime en une femme, en une vierge, c’est la modestie sainte ; ce qui me fait bondir d’amour, c’est la pudeur et la piété ; c’est ce que j’adorai en toi, jeune bergère ! » (Arthur Rimbaud, Un Cœur sous une soutane (1870), p. 202) ; « Tu es très belle avec ton poncho qui sent l’âne. » (l’héroïne lesbienne s’adressant à Bérénice dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) ; « Lady Anna Gordon est l’archétype de la femme parfaite que Dieu trouva bon de créer. » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, pp. 17-18) ; « Je respecte toutes les femmes hétérosexuelles de la salle. » (Shirley Souagnon s’adressant à toutes les « femmes hétérosexuelles » dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Y’a un proverbe antillais qui dit : ‘Avant d’épouser la bergère, regarde sa mère !’ J’ai regardé… et je me suis barré ! » (Rémi, le héros bisexuel, jadis en couple avec Marie, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; etc.
 

Il n’est pas rare d’ailleurs qu’il cherche à reproduire le paradis de dînette dans lequel il a grandi, le cocon majoritairement féminin et déréalisant de l’enfance. « Je reste presque seul, dans l’évident triomphe de mes seize ans, entouré de femmes qui prennent soin de moi, de leur affection excessive et peureuse. » (Vincent, le jeune héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) Philippe Besson, p. 14) ; « Au fil des ans, je m’étais habituée à la compagnie de personnes beaucoup plus âgées que moi. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 13) ; « Dans mes nuits, j’étais la poupée qu’on habille et qu’on déshabille. Est-ce une maladie ordinaire, un garçon qui aime un garçon ? » (cf. la chanson « Le Privilège » de Michel Sardou)
 

Bo Peep et Woody dans le film d'animation "Toy Story" de Pixar

Bo Peep et Woody dans le film d’animation « Toy Story » de Pixar


 

Beaucoup de personnages homosexuels n’arrivent pas à se détacher du salon de thé de leur(s) mère(s) : cf. le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le film « Morte A Venezia » (« Mort à Venise », 1971) de Luchino Visconti (avec la famille de Tadzio, où les hommes sont inexistants), le roman Du côté de chez Swann (1913) de Marcel Proust, la pièce La Casa De Bernarda Alba (1936) de Federico García Lorca, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec le camping des femmes esseulées ou lesbiennes), etc. Par exemple, Maurice, le héros du film éponyme (1987) de James Ivory, n’est entouré que de femmes (ses sœurs, sa mère, ses tantes) durant toute sa vie. Dans le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick, Sabu, le personnage homosexuel, a évolué pendant toute son adolescence dans le salon de coiffure de sa tante, en compagnie des clientes. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, dit ironiquement qu’il incarne le cliché parfait du « gay » : « Pas de père. Et entouré de femmes dominantes… ». Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric le héros homo est le seul garçon de sa famille : il est entouré d’une longue lignée de sœurs.
 

L’attachement précoce pour la bergère préfigure parfois une homosexualité. Par exemple, dans la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, un papa raconte à son jeune fils une histoire d’amour anodine entre un prince et une princesse ; mais l’enfant n’y croit pas, et ré-invente complètement le conte de fée pour que le prince ait le choix de renoncer tout d’abord à la princesse, mais aussi à la solution « éthique » de rechange trouvée par son père – à savoir la bergère pour que Roméo finisse dans les bras d’un homme ! « Ah ! alors une bergère. C’est un prince qui veut épouser une bergère. Mais tu sais, à la fin, la bergère c’est toujours une princesse abandonnée par ses parents. » (le père, p. 6) En quelque sorte, la bergère est le stade intermédiaire vers une homosexualité exclusive.
 
 

b) La passion pour la femme-objet folklorique et cinématographique :

B.D. "Kang" de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Le thème de la femme-objet revient extrêmement souvent dans les fictions homosexuelles : cf. le film « Potiche » (2010) de François Ozon, la pièce La Pyramide (1975) de Copi (mise en scène par Adrien Utchanah en 2010, avec la parodie du concours de Miss de Beauté), le film « Little Miss Sunshine » (2006) de Jonathan Dayton (avec le concours de Miss America), la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier (dans laquelle le maquillage féminin est présenté comme une dictature esthétique imposé aux femmes), la chanson « Material Girl » de Madonna, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec Göran, fan homo de Dolly Parton), le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque (avec le narrateur, fan de chanteuses comme Dorothée, Chantal Goya, Mylène Farmer, Catherine Deneuve, etc.), le film « Miss Congeniality » (« Miss Détective », 2000) de Donald Petrie (avec Vic, le conseiller relookeur des Miss), la comédie musicale Ball Im Berlin (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham (avec Madeleine, un genre de Lili Marleen), « Les filles, c’est des garçons » de Gabaroche, la chanson « Transfert Trottinette » de Bilal Hassani (hommage à Britney Spears), etc.
 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. Kang de Copi


 

En général, les personnages homosexuels entretiennent une relation passionnelle avec une femme-objet médiatique. « J’adore Audrey Hepburn. Audrey Hepburn, c’est la femme de ma vie. » (Nicolas, le héros gay du film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan) ; « Nous adorerons Evita. Son image sera reproduite à l’infini en peinture et en statue pour que son souvenir reste vivant dans chaque école, dans chaque endroit de travail, dans chaque foyer. » (Juan Domingo Perón dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, p. 86) ; « Pour moi sa vie était ma source d’inspiration ! Je n’ai jamais joué qu’un seul personnage : Madame Lucienne ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Je vous aime, Dalida. Je vous adore. Je peux vous embrasser ? » (la figure d’Élie Kakou dans le one-woman-show Sandrine Alexi imite les stars (2001) de Sandrine Alexi) ; « J’aime une comédienne : Sybil Vane. » (Dorian Gray dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Ne trouvez-vous pas que seules les actrices sont dignes d’amour ? » (idem) ; « J’me voyais déjà monter des marches avec des stars. » (Fabien Tucci, homosexuel, originaire de Cannes, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « J’adore toutes les femmes. » (Simon, le héros homo, fan de Whitney Youston, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « J’adore Géraldine Pellas. » (Jacques, le héros homo, en parlant d’une cantatrice qu’il écoute fort chez lui, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc.
 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Par exemple, dans le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, le héros a une photo encadrée de Lady Di dans sa valise. Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Quentin, le héros homo, sort avec Michèle, l’actrice de série B La Vie est plus moche. Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, peint des actrices. Dans le one-man-show Parigot-Brucellois (2009) de Stéphane Cuvelier, le personnage transsexuel M to F est fan de Karen Cheryl et de Simone de Beauvoir. Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain, le coiffeur homosexuel, regarde Julie Lescaut à la télé, et se déguise en Lady Gaga ou en Princesse Sarah dans ses soirées déguisées. Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, Rayon, le héros transsexuel M to F, a plein de photos d’actrices autour de sa glace. Dans le faux film « Servir et protéger » à l’intérieur du film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Billy Stevens, un soldat homosexuel, est fan de la B.O. du film « Beaches » avec Bette Midler, et ce signe trahit auprès de sa hiérarchie militaire son homosexualité. Toujours dans le film « In & Out », Howard, le héros central de l’intrigue, est fan de Barbara Streisand et de Gloria Gaynor. Dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, Elliot, le héros homosexuel, est fan de Judy Garland. Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, un hommage est rendu continuellement à la chanteuse Jackie Quartz (l’interprète de « Mise au point ») : Benoît, son fan homosexuel, a d’ailleurs placé un portrait d’elle pile au centre de son salon. Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David est fasciné par Catherine Deneuve. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Marcy se compare sans arrêt à Amélie Poulain ; et Sébastien, son meilleur ami gay, se prosterne devant la photo de la chanteuse Madonna, icône qui a remplacé la statuette de la Vierge dans l’appartement. Dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, les deux protagonistes masculins s’identifient à Meg Ryan et à Julia Roberts. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Esteban voue un véritable culte à l’actrice Huma Rojo. Dans le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, Benigno regarde Alicia à son cours de danse à travers la fenêtre de son immeuble, comme un inventeur sa ballerine enfermée dans une cloche de verre. On retrouve cette image avec le tableau de Pierre et Gilles dans lequel une femme miniature enfermée dans un sablier est regardée par un homme géant. Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry exprime le désir de devenir majorette et pom-pom girl ; d’ailleurs, il compare la femme à « un beau tableau », « une belle statue ». Dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, Bruno, le héros homosexuel, imite ses idoles Dalida et Mylène Farmer à travers des play-back et des spectacles où il se travestit. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dépeint les différentes catégories d’homos qu’il a identifiées dans la communauté LGBT, dont « les fans de femmes avec un grand F ». Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, « M. », un des héros homos, dit « qu’il est amoureux d’Audrey Hepburn, l’actrice de Breakfast At Tiffany’s […] et fan de Lio » (p. 39). Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Angelo, l’un des héros homos refoulés, après sa tentative de kidnapping de Carla Bruni dont il dit être amoureux, manque de peu d’être interné dans un hôpital psychiatrique, et est activement recherché par la police. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, l’un des héros homosexuels, est fan de l’actrice María Montez, et la défend bec et ongles : « Qu’est-ce que tu reproches à cette femme formidable ? » Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Graziella, l’agent de Tom (le héros homo) qui veut le forcer à paraître hétéro, lui soumet un test de questions pour savoir s’il arrive à rentrer dans la peau de son personnage. Et l’un des questions lui impose un choix cornélien impossible : « Lady Gaga ou Madonna ? » Tom prend sur lui pour répondre une seule des deux… mais le « naturel » ne tarde pas à revenir au galop : « Les deux ! Je les adore ! » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Petra, la femme du neveu de Ben (le héros homosexuel), est surnommée en boutade par Ben et George « Petra von Kant ». Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antionetta se rend compte que Gabriele, son ami homosexuel, a l’esprit et le cœur contaminés « d’actrices, de chanteuses, de présentatrices ». Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en thérapie un couple gay Benjamin/Arnaud parce qu’Arnaud ne s’assume pas comme homo. Il leur propose trois options d’ateliers au choix : une visite au Musée de la Mode, un atelier de création de bougies parfumées, et un atelier Mylène Farmer. Dans le film « Sing » (« Tous en scène », 2016) de Garth Jennings, Gunther, le cochon homosexuel, se prend pour Lady Gaga. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, Ritchie, le héros homo qui se travestit le temps d’une soirée, est comparée à Nana Mouskouri.
 

Le héros homosexuel a tendance à considérer la star comme sa vraie mère biologique : « Toute l’année j’avais attendu de voir Mary Poppins avec mon idole, en vedette. » (Michael, le héros homosexuel du roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 89) ; « Dalida, ma Dali, mon idole. » (Karine Dubernet dans son one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! , 2011) ; « J’me sens très proche d’elle. » (Philippe Mistral en parlant de Dalida, dans son one-man-show Changez d’air, 2011) ; « Oh ! C’est terrible !!! C’était comme une mère pour moi ! » (Romain, le coiffeur homosexuel, parlant de la cantatrice Isabelle, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Ma mère, c’est Chantal Goya. » (Claude, le personnage homosexuel de la pièce Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Tu n’aimerais pas être actrice ? Si t’étais actrice, j’écrirais des rôles pour toi. » (Esteban, le héros homosexuel s’adressant à sa mère Manuela, dans le film « Todo Sobre Mi Madre », « Tout sur ma mère » (1998) de Pedro Almodóvar) ; « Le pire, maman, ce serait de devenir comme toi : une potiche. » (Joëlle s’adressant à sa mère Suzanne dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon) ; « C’est quoi le problème ? C’est sa mère, Sophie Marceau ? » (Alex par rapport à Gabriel le héros homosexuel, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le jeune héros homosexuel, délaisse sa vraie mère (il ne pleure même pas sa mort) pour lui préférer la chanteuse Patty Pravo, même si les deux femmes fusionnent : « Ma mère était chanteuse. Elle pouvait chanter. » ; « Patty, c’est mon idole. » Dans une vision onirique, le jeune homme voit sa star sur un paquebot, en rouge, qui s’adresse à lui à distance, d’un bateau à un autre, et qui ne pourra pas le rejoindre. Comme s’il s’agissait de sa mère, elle lui demande de se couvrir pour ne pas prendre froid. « Patty Bravo est mon porte bonheur. » À la fin, la limousine noire de Patty s’arrête au bureau de tabac pour acheter le journal : elle se contente de glisser à Dany un doux « Amore » puis de s’en aller sans en dire plus. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Matthieu, le héros homosexuel, parle de sa mère en l’imitant comme s’il s’agissait de la mère cinématographique Loréal : « Parce que je le vaux bien. »
 

Pourtant, on l’avait mis en garde que la femme-objet n’est qu’une exception de femme qui n’est absolument pas représentative de toutes les femmes réelles. « Le portrait de votre femme n’est pas votre femme. » (Maria Casarès s’adressant à Orphée, dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) On l’a aussi prévenu que cette conception de la femme n’honore pas les vraies femmes : « C’est facile de faire la femme, mais être une femme, c’est autre chose. » (Luis à son amant transformiste Paulo, dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron) Mais rien n’y a fait.
 

En général, la femme est regardée comme une star-objet (c’est pour cela qu’elle est représentée parfois de dos) : « L’idéal est une panoplie de majorettes. » (Denis, le héros homo du film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta ; « Hillary pose devant ce photographe qui s’applique pour immortaliser la beauté de la jeune femme. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 10) ; « Maria fait partie du décor, comme un meuble de la pièce. » (Cyril, le héros du roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 28) ; « Catherine D. [sous-entendu Catherine Deneuve] est en chantier. » (le héros homosexuel dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) ; « Eva était incontestablement la plus séduisante dans son ensemble easy-wear Vivienne Wetswood en cachemire vert pâle orné de soieries noires. Elle ressemblait à une égérie des sixties. Ses lèvres avaient le goût du cappuccino. » (Antoine dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, p. 203) ; « Antoine aperçut Eva de dos, dans une splendide robe volantée mauve. » (idem, p. 216) ; « Je lui trouvais une froideur de vamp rétro. Quelque chose d’Eva Marie Saint dans ‘La Mort aux trousses’, l’exotisme slave en plus. […] Quand elle écrivait, elle devait appuyer très fort sur son stylo, car son ongle devenait blanc à l’extrémité, et rosissait à la base, sous l’afflux du sang. Ce détail me prouvait qu’elle n’était pas de marbre. Comme pour me confirmer cette découverte, en réalité sans doute parce que j’avais passé les bornes en la détaillant de manière assez insistante, elle est sortie de son immobilité de statue, a tourné la tête et m’a lancé un regard excédé. » (p. 54) ; « De toute évidence, je n’existais pas à ses yeux. » (Jason, le héros homosexuel décrivant la Russe vénéneuse Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 53-54) ; « Pour moi, Anna Morante est une image immobile, en deux dimensions. Seulement une image. » (Leo, le héros homosexuel du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 106) ; « C’est bien ainsi que tu les préfères : froides, flasques. » (le héros gay s’adressant à Stan à propos des femmes, dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé). Par exemple, dans le film « Morte A Venezia » (« Mort à Venise », 1971) de Luchino Visconti, Aschenbach embrasse des cadres où se trouvent les photos des « femmes de sa vie ».
 

C’est une attitude, une sensation, une posture esthétique, une corporalité sans âme (mais avec du style et de la sensiblerie !), que le héros homosexuel recherche chez les femmes de son entourage : « J’aime l’esprit des femmes, Vincent. J’aime leur esprit avant toute chose. Et puis, bien sûr, je prise leur élégance. » (Marcel Proust s’adressant à son jeune amant Vincent dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 92-93) ; « Je suis une femme par mon odeur. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 185) ; « Ça ne retire rien à l’amour que je porte aux femmes. Que dis-je à l’amour ? Au culte que je leur voue. J’aime la féminité. Je la vénère. Profondément. » (Jason, le héros homo du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 120) ; « Une femme est authentique quand elle ressemble à l’image qu’elle a rêvée d’elle-même. » (Agrado le transsexuel M to F dans le film « Todo Sobre Mi Madre », « Tout sur ma mère » (1998), de Pedro Almodóvar) ; « Aaaaah les femmes… Y’a toujours quelque chose de dérangé dans ces machines compliquées. » (Monsieur de Rênal, le mari efféminé de Louise, dans la comédie musicale Le Rouge et le Noir (2016) d’Alexandre Bonstein) ; « Quelle machine compliquée que la femme. » (idem) ; etc. Par exemple, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi et Damien, les deux héros bisexuels, prennent la femme pour une machine. Ils se rencontrent dans une laverie, et dès qu’ils percutent une machine à laver, ils s’excusent en l’appelant « Madame ».
 

Dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), le travesti Charlène Duval affirme qu’elle « connaît les femmes par cœur » ; en réalité, elle voit la femme comme « une espèce », une femelle qu’on peut disséquer, et se propose d’opérer « une coupe psychologique de l’intérieur de la femme ». C’est la sur-féminité – une « féminité de laboratoire », pour ainsi dire – plus que la féminité réelle qui est célébrée par le héros homosexuel. Dans l’idée, cette sur-féminité peut donc être tout à fait portée par des hommes. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, Roberto le transsexuel M to F est défini par Yolanda comme son « idéal féminin ».
 

Le personnage homosexuel trouve dans la femme-objet la puissance de la matière – matière qu’il appellera inconsciemment « caractère » ou « personnalité » (cf. la chanson « Stronger » de Britney Spears, « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun, la chanson « La Reine » de Lorie, etc.). En s’identifiant à elle, il a l’impression d’être une dame de fer (violée et prostituée !), armé(e) contre tous les obstacles du Réel, dur(e) comme du béton : « Nous, les tantes, nous sommes résistantes. » (Gérard, un des personnages homosexuels de la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « Nina Hagen, c’est nous ! » (Rudolf, le héros homosexuel s’adressant à ses deux amis Gabriel et Nicolas, à qui il offre les vinyles de la chanteuse, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « Je suis sosie d’une chanteuse très très connue : je suis sosie de Mireille Matthieu. Et de Nana Mouskouri. » (Max, le héros homosexuel de la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « J’ai toujours pensé que comme j’étais une pédé passif, alors je pouvais être un femme belle et désirette, c’est dans moi, comme jouer à la poupée quand j’étais enfant, essayer les robes de ma mother quand j’étais teen et sucer des bites maintenant, quoi ! […] Devant le miroir, Cody lève les cheveux de sa perruque blonde et dit ‘Je souis Catherine Denouve, non, dans une film de Bunuel ? ’ En me regardant, les cheveux toujours maintenus en l’air, il dit ‘Toi, tu es Vanessa ? Ça fait très français, ça, comme nom, quoi. Catherine Denouve et Vanessa de Paris, les putes gratuites qui cherchent les hommes pour leur vagina. » (Cody, le héros homosexuel américain efféminé s’adressant à son pote gay Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 92 puis p. 101) ; « À partir de maintenant, je m’appelle Samantha. » (Shirin, l’une des héroïnes, dans le film « Circumstance » (2011) de Maryam Keshavarz) ; « T’es la première femme qui m’ait attiré… depuis Lary Swan. » (Maurice, le styliste homosexuel, s’adressant à Kate travestie en homme, dans le film « Les Douze Coups de Minuit », « After The Ball » (2015) de Sean Garrity) ; etc.
 

Par exemple, dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa dit qu’elle est le sosie noir de Marilyn Monroe. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se compare, avec ses 4 amis, aux Desperate Housewives ; il joue à être le sosie de Madonna ; il participe à un concours de Miss France ; et avec son meilleur ami travelo « Annonciade », qui ressemble à une vraie femme-objet, une prostituée avec des bijoux et beau manteau de vison. Dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), le travesti M to F David Forgit à la fois célèbre la femme-objet et la détruit en incarnant trois générations de prostituée : la mère, la grand-mère et la fille. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Nicolas, Gabriel et Rudolf, les trois héros gays, forment le chœur fanatique d’une cantatrice transgenre des montagnes, une sorte de Sissi robotique : « Sissi est de retour !! » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, la cantatrice trans M to F Louvre est fêtée pendant son concert comme une diva divine. Davide, le jeune héros homosexuel, s’y identifie complètement.
 

Le personnage homosexuel préfère l’hyper-féminité (donc en réalité le fantasme de viol, qui peut tout à fait être incarné par un homme ou un personnage transgenre/transsexuel) à la vulnérabilité de la femme réelle : « Les femmes sont plus féminines ici. » (Dai, le père de famille hétérosexuel, parlant des hommes homosexuels du cabaret transformiste où il fait un discours, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « Les filles qui se font violenter sont souvent hyper sexualisées. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 55) ; etc. « Arlette était la fille la plus belle que Silvano eût rencontrée à Paris, elle avait l’air d’un éphèbe. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 104) ; « Je ne sais pas ce que tu lui trouves à Marlène Dietrich. On dirait un vieux travelo. » (Laurent Spielvogel imitant sa mère dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Sidonie, je l’ai tant aimée. Mais les actrices sont des idiotes ingrates. Au fond, je crois que j’ai plus aimé l’actrice que la femme. » (Peter, le héros homo, par rapport à sa meilleure amie actrice Sidonie, dans le film « Peter von Kant » (2022) de François Ozon) ; etc.
 

La réification de la femme n’est pas réservée aux personnages gays masculins. Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen tombe amoureuse d’Angela, la femme-actrice lesbienne. Certaines héroïnes lesbiennes ont une conception de la femme tout aussi imagée et fanatique que leurs homologues homosexuels hommes. Pour elles, une personne ressemble d’autant plus à femme qu’elle devient glaciale et figée : « Elle fait plus femme, plus froide surtout. » (Ann Scott, Le Pire des mondes (2004), p. 77)
 

La femme-objet est même d’ailleurs bisexuelle ou lesbienne (je vous renvoie à la partie « prostituée lesbienne » du code « Putain béatifiée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le vidéo-clip de la chanson « Comment t’appelles-tu ce matin ? » d’Élodie Frégé, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, le one-woman-show La Folle Parenthèse (2008) de Liane Foly (Jeanne Moreau est imitée en femme lesbienne), etc.
 

Chez les héroïnes lesbiennes, l’adoration de la femme-objet va souvent jusqu’à la (simulation de) destruction de cette dernière… donc jusqu’à l’absorption fusionnelle. La femme-objet hétérosexuelle est une femme lesbienne en devenir. Les héroïnes lesbiennes s’y sont identifiées à l’excès dans le rejet. « Une fois, j’ai vu dans un magazine une femme qui me ressemblait. Je n’arrêtais pas de me demander : Pourquoi cette femme me ressemble ? Pourquoi elle est dans le magazine et pas moi ?!? […] Elle me ressemblait, et ça me rendait malheureuse. Cette femme dans le magazine qui me ressemblait, je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a explosé à la figure. » (la chanteuse Oshen, habituellement la « lesbienne invisible » interprétée par Océane Rose-Marie, en concert à L’Européen de Paris, le 6 juin 2011) Comme je l’explique au sujet de l’homosexualisation de l’homme-objet qui s’hétérosexualise et incarne l’« Éternel Masculin » (dans le code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), on constate exactement le même phénomène avec la femme-objet : plus une femme s’hétérosexualise et cherche à devenir objet, à représenter l’« Éternel Féminin », plus elle s’homosexualise et prend des traits androgynes, lesbiens.

 

Le héros homosexuel – ou dit homosexuel -, en s’identifiant à la femme-objet ou en étant identifié à elle, se met en danger de viol, car il est parfois pris pour une poupée gonflable à violer. Par exemple, dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Mardonio féminise son pote Secundo après avoir appris que le père de ce dernier, Noé, était homo : « La petite chatte arrive[…]Regardez sa maison de Barbie »

 
 

c) La première femme-objet officiellement mondialisée, Mona Lisa, attire le personnage homosexuel :

Expo Marcel Duchamp au Centre Pompidou (Paris) de septembre 2014 à janvier 2015

Expo Marcel Duchamp au Centre Pompidou (Paris) de septembre 2014 à janvier 2015


 

C’est curieux comme la Muse de Léonard de Vinci fait l’unanimité dans les créations artistiques homosexuelles : on la retrouve dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau (avec le poster de la Joconde dans la chambre de Chance, le héros homosexuel), le film « My Summer Of Love » (2005) de Paul Pavlikovsky (avec Mona, la lesbienne), le film « Miss Mona » (1986) de Medhi Charef, la chanson « Les Liens d’Eros » d’Étienne Daho («Elle est là ma Vénus allongée, […] sourire de Joconde apaisée »), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec la caricature de la Joconde dans l’une des salles du manoir hanté), la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo, le roman Le Sourire de la Joconde (1953) de Jacento et Martinez Benavente, le film « Le Sourire de Mona Lisa » (2003) de Mike Newell, la chanson « La Joconde » de Juliette, le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, le film « Potains mondains et amnésie partielle » (2001) de Peter Chelsom, le film « Mona Lisa » (1986) de Neil Jordan, la chanson « Mona Lisa » dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, la photo Lisa Lyon (1982) de Robert Mapplethorpe, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer, le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent, la pièce Da Vinci contre Michel-Ange (2015) d’Alessandro Avellis, le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram (avec le poster de la Joconde dans l’appartement), etc.
 

La référence à Mona Lisa semble pourtant bien anodine. On l’entend parfois au détour d’une réplique, sans trop comprendre ce qu’elle vient faire dans le contexte d’énonciation : « Ne bousculez pas la Joconde. » (Henry dans le roman Les Clochards célestes (1963) de Jack Kerouac, p. 92) ; « La Joconde et les tableaux de Dalí sont très beaux mais ils ne me font pas cet effet-là. » (Bryan parlant de son émoi homosexuel pour son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 210) ; « Mona Lisa sin sonrisa » (Yolanda dans la pièce Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « T’as le sourire de la Joconde sur la figure. » (Mégane dans la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams) ; « Je suis allée la voir, la Joconde. Y’avait une queue. Mais une queue ! » (Mireille, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; « Enlève le soutif : c’est Mona Lisa. » (Riki, homosexuel, s’adressant à son amie Marie à propos de sa tenue, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc.
 

Mais en réalité, il existe souvent une parenté symbolique, désirante, de type amoureux et incestueux, entre la Joconde et le héros homosexuel. Ils ont couché ensemble… au moins spirituellement parlant ! « Romain ressemble au fils qu’aurait pu avoir dans un rêve la Joconde avec le Petit Prince de Saint-Exupéry. » (Dominique en parlant de Romain, le héros gay, dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, p. 16) ; « J’me fais James Bond… et la Joconde. » (un des protagonistes homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je mélange parfois les toiles de l’appartement. Il y a des visages, des Joconde, des objets mystérieux qui me regardent. » (le Comédien de la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Pédé dit que le tableau de la Joconde a été sa « grande passion anale ». Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Maxence, le peintre-poète « sensible », dit avoir « perdu son idéal féminin » : « De Vénus en Joconde, je ne l’ai pas trouvée. »
 

Dans la pièce Le Clan des Joyeux Désespérés (2011) de Karine de Mo, Mona Lisa indique l’inversion de sexes. En effet, au moment où Lili rentre dans l’appartement de Mona où celle-ci tente de se suicider au gaz et qu’elle repose inanimée, elle lit le pendentif de Mona à l’envers («Anom » = phonétiquement « à n’homme »)… et est tentée de lui faire un bouche-à-bouche lesbien, avant de se rétracter par acquis de conscience…
 

La Joconde est surtout l’être humain figé, empaillé, non-libre, violé… mais qui sourit quand même pour cacher son état. « Mylène Farmer, c’est un peu comme la Joconde. Tout le monde la voit, mais personne ne l’entend. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? , 2012) ; « If you were the Mona Lisa. You’d be hanging in the Louvre. Everyone would come to see you. You’d be impossible to move. » (cf. la chanson « Masterpiece » de Madonna) ; « Que si fuera un retratista, que si fuera un buen artista, yo sería su Mona Lisa y hasta un tango de Gardel… Y eso no lo trago yo. » (cf. la chanson « No Soy Para Ti » de Fanny Lú) ; « La Joconde, de près, c’est flou ! » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; etc. Elle est le paravent/le symbole du viol. Par exemple, dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, Catherine joue Mona Lisa et Jean-Paul (le héros homo) Léonard de Vinci lui chantant « Ti Homo » à la place de « Ti Amo » : Léonard de Vinci finit par déclarer à Mona Lisa qu’elle est « du caca ».
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) Né dans une dînette et une ambiance féminine:

 

Beaucoup d’hommes gays et de femmes lesbiennes ont grandi dans une ambiance presque exclusivement féminine, un monde de petites filles modèles de la Comtesse de Ségur, entourés de leurs mères réelles et symboliques (les tantes, les cousines, les nourrices, les grands-mères, les sœurs, les voisines, les institutrices, les actrices, etc.). « J’avais 6 sœurs et une mère. J’ai grandi entouré de femmes. » (le chanteur homosexuel Halim Corto dans l’émission Je veux te connaître de la Radio de Nancy RCN, le 25 octobre 2011) ; « Je me sentais étouffer entre ma mère, mes sœurs, la voisine, l’amie de la famille qui était également notre professeur de piano, et ma grand-mère qui passait tous ses dimanches à la maison pour des après-midi de couture. » (Jean Le Bitoux, Citoyen de seconde zone (2003), p. 29) ; « Ma famille maternelle est au courant de mon homosexualité parce que je suis très proche d’eux. Ma mère, ma tante et ma grand-mère qui sont définitivement les femmes de ma vie. » (Maxime, « Mister gay » de juillet 2014 pour la revue Têtu); « À l’école maternelle, j’étais toujours avec les petites filles pour les embrasser et faire des touches pipi en nous cachant de peur que leurs parents ne nous surprennent. […] Dès la maternelle, collé aux instits pendant la récré j’étais en échec scolaire, un élève très sensible instable, ayant peur de tout et du regard des autres. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu juin 2014) ; etc. Ce fut le cas de Pierre Loti, Reinaldo Arenas (très proche de sa grand-mère qui faisait, selon lui, « pipi debout »), Pedro Almodóvar, Costas Taktsis, Miguel de Molina, Hart Crane, Louis II de Bavière (fortement attaché à sa nourrice), Edward Morgan Forster (en 1956, il dédiera un livre à sa tante Marianne Thornton), Marcel Carné, Michel Tremblay, Marcel Proust, André Gide (très proche de son institutrice Anna Schackleton), Edward Carpenter (qui a passé son enfance avec les six dernières filles de sa famille), Wilfred Owen, Edmund White (qui a grandi en compagnie d’une sœur hyper virile), etc.
 

Dans son article « Entre El Papel Y La Pluma » publié dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, Xosé Manuel Buxán, évoque son enfance où il était admiré pour ses mimiques, ses talents d’acteur, sa précocité, par son entourage féminin… et surtout les clientes du salon de coiffure de sa mère, fidèles lectrices de revues people. Le dramaturge argentin Copi fut très attaché à sa grand-mère maternelle (Salvadora Medina Onrubia) ; plus tard, il passera ses dimanches à jouer à la canasta avec elle et son cercle d’amies de 80 ans. L’écrivaine nord-américaine Carson McCullers vit toute sa vie sous les jupes de sa mère, et de toutes les mères de substitution qu’elle trouvera sur son chemin : sa belle-mère, sa prof de piano, etc. ; à son sujet, Janet Flanner parle de l’influence catastrophique de son abusive « abysmal mother ». Dès l’âge de 10 ans, le jeune Cecil Beaton photographie ses sœurs, s’inspirant des portraits d’actrices publiés dans la presse. Charles Trénet a grandi uniquement entouré de femmes.
 
 

b) La femme-objet est confondue avec la femme réelle, quand bien même elle soit BIEN sacralisée:

Lady Gaga pour le défilé de Thierry Mugler

Lady Gaga pour le défilé de Thierry Mugler


 

On entend souvent dire que la communauté homosexuelle est naturellement féministe, véritablement respectueuse de la gent féminine, spontanément du côté des femmes. Des femmes-objets, c’est une évidence ! (… des femmes réelles, je ré-évaluerais fortement à la baisse le lieu commun…) Rien qu’à Paris, dans le Marais, il existe une Boutique Madonna, et une Boutique Mylène Farmer. « Ma vie est un repaire de chanteuses dont personne ne se souvient que moi. » (Pascal Sevran, Tous les bonheurs sont provisoires, 2005) ; « Copi connaissait par cœur le théâtre de Tennessee Williams et s’intéressait aux femmes, à ce qu’est la féminité et aux actrices comme personne. » (Myriam Mezières dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, p. 77) ; « Le corps des femmes ne m’excite guère plus que n’importe quel autre objet de première nécessité et d’usage quotidien. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, ayant vécu toute sa vie entouré uniquement d’homme, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Tout est toujours l’idée d’une fille. » (Pierre Palmade, 7 janvier 2017, France 2, en préambule de la pièce Elles s’aiment depuis 20 ans de Pierre Palmade et Michèle Laroque) ; etc. Plusieurs créations homosexuelles se sont déjà consacrées directement à une actrice en particulier : le film « Callas Forever » (2001) de Franco Zeffirelli, le documentaire « Britney Baby, One More Time » (2001) de Ludi Boeken, les Marilyn Monroe d’Andy Warhol, etc. Je vous renvoie aux documentaires « Amoureuse de Greta Garbo » (2000) de Lena Einhorn, « Jodie : An Icon » (1996) de Pratibha Parmar, etc. Par exemple, Patrick Loiseau, le compagnon du chanteur Dave, vénère Françoise Hardy et se « looke » même comme elle. Lors de son concert à l’Essaïon (décembre 2007), Stéphane Corbin avoue s’identifier à Ally McBeal. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel se met dans la peau de Marlène Dietrich, Edwige Feuillère, Sylvie Vartan, Barbara, toutes ces femmes sophistiquées.
 

Les personnes homosexuelles sont-elles des « hommes à femmes » (à femmes-objets en l’occurrence) ? On est en droit de le croire quand on les voit entourées des monstres sacrés du cinéma. Les réalisateurs dudit « Cinéma de femmes » sont nombreux à être homosexuels : Edmund Goulding, Irving Rapper, Mitchell Leisen, Vincente Minnelli, etc. Par exemple, Werner Schroeter devient ce « Roi des Roses » (1984) chouchouté par Isabelle Huppert, Maria Malibran, Carole Bouquet, etc. Pour son film « Der Tag Der Idioten » (1981), il a travaillé avec 30 femmes dont toutes celles avec qui il a collaboré pendant 13 ans. Pedro Almodóvar, quant à lui, fait jouer ensemble les actrices espagnoles les plus charismatiques du cinéma espagnol (Carmen Maura, Penelope Cruz, Marisa Paredes, Rosi de Palma, Victoria Abril, etc.). Il se fait plaisir en réunissant dans « Volver » (2006) et « Habla Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) toutes les comédiennes qui ont tourné dans ses films. François Ozon dirige les grandes dames du cinéma français (Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Catherine Deneuve, Emmanuelle Béart, Charlotte Rampling, etc.). Il se taille la part du lion avec son film « Huit Femmes » en 2002, quand il réunit un casting des actrices françaises les plus fameuses. Pendant sa carrière, le cinéaste George Cukor construit un culte à la gent féminine toute entière (Marilyn Monrœ, Katherine Hepburn, Greta Garbo, Ingrid Bergman, Judy Garland, etc.). Dans le film « The Women » (1939), il met en scène rien moins qu’une centaine d’actrices (pas un seul homme à l’affiche !). Concernant Truman Capote, il fut aussi un homme à femmes (Jerry Hall, Deborah Harry, Bianca Jagger, Lee Radziwill, Marilyn Monroe, etc.). Le réalisateur Rainer Werner Fassbinder regroupe sur un même plateau les plus grandes artistes allemandes (Rosel Zech, Hanna Schygulla, Barbara Sukowa, etc.). Alfred Hitchcock a magnifié la femme – et notamment la femme fatale – à travers une pléiade d’actrices (Grace Kelly, Tippi Hedren, Janet Leigh, etc.). Youssef Chahine a travaillé avec beaucoup de grandes divas camp comme Dalida, Nebila Ebeid, Latifa… Bruce Benderson traduit une autobiographie de Céline Dion. Tout le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras est construit à la gloire des chanteuses italiennes des années 1950 : Patty Pravo, Raffaela Carrà, etc. À l’âge de 6 ans, le dramaturge homosexuel Copi a écrit un roman qui s’appelait Ce que sont les femmes : il dira de celui-ci qu’il est « un titre si génial qu’il n’en trouvera jamais d’aussi bon ». Mais dans son article « Désopilante » sur Le Quotidien de Paris daté du 11 février 1984, le journaliste Jacques Nerson souligne à juste titre que la Femme assise de Copi, le personnage qui a occupé le Nouvel Observateur pendant 10 ans, est « essentiellement passive ». Et ceci est vrai pour toutes les héroïnes copiennes.
 

« Les héroïnes du milieu sont souvent les stars qui symbolisent la femme-objet : cet être apprécié et sollicité pour ses qualités sexuelles tout en revendiquant d’être compris comme un être humain et fragile. » (Michael Pollack, Une Identité blessée (1993), p. 193) ; « Je n’étais pas épargné par l’identification aux stars de cinéma. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 275) ; « Mes goûts aussi, toujours automatiquement tournés vers des goûts féminins sans que je sache ou ne comprenne pourquoi. J’aimais le théâtre, les chanteuses de variétés, les poupées. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 29) ; « Moi. Petit. Adolescent des années 80. […] Je n’ai qu’une seule idée en tête. Une obsession. Une actrice égyptienne ; mythique, belle, plus belle que belle. Souad Hosni. Une réalité. Ma réalité. Je suis pressé d’aller dans mon autre vie, imaginaire, vraie, entrer en communion avec elle, chercher en elle mon âme inconnue. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 10) ; « Ce jour-là, je courais vers une image, une femme. L’actrice égyptienne. Une grande star. Une grande dame. Souad Hosni. Elle passait à la télévision dans un feuilleton que j’adorais. Houa et Hiya : Elle et Lui. Je courais vers elle pour l’embrasser. Être pendant une heure avec elle, amoureux en pleurs, danseur libre, comédien de ma propre vie. » (idem, p. 32) ; « Voilà une belle femme. » (le dramaturge argentin Copi parlant de l’actrice Brigitte Bardot, dans l’article « Au Festival d’Automne : Copi sur le ring » publié dans le journal Le Figaro du 8 octobre 1983) ; « Il y a un nom qui revient sans cesse dans mes livres, c’est celui d’Isabelle Adjani, qui est une sorte de déesse pour moi. » (Abdellah Taïa, interviewé dans l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle, le 25 septembre 2006) ; etc. Par exemple, en 2009, Eytan Fox a dirigé la série musicale Mary Lou, d’après les chansons de la célèbre chanteuse Tzvika Pik, fable moderne où un jeune homosexuel part à la recherche de sa mère.
 

Dans l’esprit de beaucoup de personnes homosexuelles, ce sont les fantasmes esthétiques et les accessoires (déguisements, maquillages, vêtements, images, etc.) qui font la femme ; pas l’être ni le corps sexué. « Être femme c’est seulement cela… s’habiller en femme. » (Copi, cité dans l’essai Habla Copi (1998) d’Osvaldo Tcherkaski, p. 50) ; « Le plus beau vêtement d’une femme, c’est sa nudité. » (Yves Saint Laurent, cité dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 54) Il suffit d’écouter le couturier français Yves Saint Laurent commenter son « invention » de la femme en smoking pour comprendre qu’il prend la femme pour un bibelot… un jolie bibelot, certes… mais un bibelot quand même («Cette femme androgyne, égale à l’homme par son vêtement, bouleverse l’image traditionnelle d’une féminité classique et déploie toutes les armes secrètes qui n’appartiennent qu’à elle. » cf. l’article « Yves Saint Laurent » d’Anne Boulay et Marie Colmant, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 414) Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, le goût du couturier homosexuel pour les femmes-bibelot est manifeste : « Magnifiques, ces bijoux. Le toc, j’adore. » s’exclame-t-il face à son amie Loulou en Algérie, par exemple. Mais dès qu’une femme prouve un peu son libre arbitre et son caractère, il s’en débarrasse. C’est ce qui arriva avec Victoire, son égérie de défilés, qu’il finit par jeter comme une malpropre, sans trop d’explication (à part une vague histoire de jalousie) : « Tu n’es belle que sophistiquée. […] Avec des cheveux comme ça, on dirait une souillon. Tu es d’une vulgarité, ma pauvre, c’est effarant. […] Laissez-la partir. Son style, ce qu’elle est, c’est déjà dépassé. »
 

 

La différence des sexes n’est plus reconnue comme un fondement du Réel, mais envisagée sous le prisme du paraître, de la subjectivité, de l’illusion, de la superficialité : « Qu’est-ce que c’est, un homme ? Qu’est-ce que c’est, une femme ? C’est ce qu’on en voit. » (la femme trans F to M, interviewée dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier)
 

C’est la femme – dans le sens de corporalité, de carcasse en acier, ou à l’extrême inverse, d’esprit – qui est célébrée par les sujets homosexuels, plutôt qu’une personne entière, une entité habitée par une âme et un mystère concret (celui de la sexualité, de l’Amour) : cf. le documentaire « Apparence féminine » (1979) de Richard Rein, les chorégraphes hyper efféminés Mehdi Kerkouche et Stéphane Jarny pour la cérémonie de Miss France 2016, etc. « Le corps de la femme que j’aime éveille en moi le respect et le sentiment du sacré. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 106) ; « Il est de ces hommes qui croient que les comédiennes sont des magiciennes. » (Jeanne Moreau parlant de Jean-Claude Brialy, dans l’autobiographie de ce dernier, Le Ruisseau des singes (2000), p. 9) ; « J’existais, pour ces femmes traditionnelles, fortes quand il le faut, prisonnières malgré elles des règles, comme moi. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 60) ; « En accordant dorénavant beaucoup de temps à mon entourage professionnel notamment féminin, je m’intronisais aussi plus que jamais en femme, au point que les conversations que je tenais ressemblaient aux leurs. En effet, lorsque j’arrivais le matin, c’était pour parler de vêtements ou de cuisine ; de même que pendant les heures de déjeuner, je traînais les magasins avec ce même entourage à la recherche de petits bibelots de décoration. Ma condition était l’archétype voulu d’une vie de femme, mes propos et mes réactions, ceux d’une fille vivant seule. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 130) ; etc.
 

Dans son article « Copi : Le Théâtre exaltant » (1983), Michel Cressole décrit la Madame Lisca de Copi (héroïne de sa toute première pièce) non pas comme une femme de chair et de sang mais comme une « idée de femme, une odalisque ». Dans son biopic « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013), Guillaume Gallienne, le narrateur bisexuel, imite les femmes par cercles concentriques grossissants (d’abord sa mère puis sa grand-mère puis ses tantes puis toutes les femmes) et les réduit toutes à une attitude, à un souffle, à du vent : « Elles ont toutes quelque chose d’unique. Toutes. Chacune de leurs attitudes. […] La plus grande différence des femmes, c’est leur souffle. Il varie tout le temps. »
 

Pourtant, il y a un paradoxe dans cette idolâtrie homosexuelle désincarnante pour la femme-objet. Par rapport à celle-ci, il arrive aux personnes homosexuelles de parler d’excitation sexuelle, comme Werner Schroeter qui assure à propos de la cantatrice Maria Callas qu’« elle est la vision érotique de son enfance, sa passion totale » (cf. l’article « Conversation avec Werner Schroeter » de Michel Foucault, dans Dits et écrits II (2001), p. 1079). « J’ai toujours aimé les femmes. […] J’étais sensible à la séduction du corps féminin et il m’arrivait d’en rêver la nuit. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 274) ; « Ce sont des fans très fidèles. » (Michael Michalsky, homosexuel, parlant de la relation des personnes homosexuelles avec leurs égéries féminines, dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « J’écrivis à Danielle Darrieux. Elle était belle, spirituelle, charmante, drôle, élégante, pleine de talent, j’étais fou amoureux d’elle. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 54) ; « J’avais dix, douze ans, j’étais déjà amoureux d’elle. » (Pascal Sevran à propos de l’actrice Jacqueline Joubert, dans son autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 32) ; etc.
 

Mais elles idolâtrent à ce point son corps qu’elles n’envisagent pas de la toucher. La femme-objet est cette mère symbolique sur laquelle pèse l’interdit de l’inceste fantasmé : « Il m’a fallu beaucoup de temps pour trouver sa tombe. Face à elle, j’ai prié machinalement. J’ai lu des versets du Coran. J’ai dit des mots de ma mère. » (Abdellah Taïa parlant de l’actrice Souad Hosni, dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 91) Elles vivent avec leur actrice une forme de dépucelage à distance, de viol par l’image (qu’elles ré-écrivent souvent en idyllique coucherie symbolique) : « Mon innocence, je l’ai perdue en compagnie de Béatrice Dalle, elle est désormais pour moi ma marraine, ma référence, mon premier amour, […] mon totem. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 131) ; etc. Par exemple, dans la bande dessinée La Femme assise (2002), l’héroïne se fait appeler « Madame Copi » ; Copi, son auteur, a décidé de se marier à sa propre créature.
 

En réalité, les personnes homosexuelles, même si elles sont attirées émotionnellement et fantasmatiquement par les femmes, leur préfèrent la femme-objet et n’ont pas de désir érotique pour elle (c’est bien la seule chose qui manque tant, sur les autre plan, l’adoration, l’affectivité et la sensibilité sont là !) C’est l’hyper-féminité qu’elles célèbrent : « Je me suis souvent demandé pourquoi les gays aimaient autant les femmes hétérosexuelles. Il s’agit moins de la femme hétérosexuelle que de la femme hétérosexuelle au look exubérant. Elles ne ressemblent pas à la plupart des femmes de notre entourage. Elles sont excessives. » (Jan Noll, homosexuel, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Ce n’est pas tant la femme que l’androgyne transgenre condensant à lui seul la différence des sexes, que les individus homosexuels cherchent à devenir. « Beaucoup d’égéries gays jouent avec la sexualité de manière outrancière. Or le sexe occupe une place très importante chez les homos. C’est presque une caricature. Par certains côtés, ça fait un peu penser aux drag-queens. » (Michael Michalsky, homosexuel, idem) Par exemple, toujours dans ce documentaire « Somewhere Over The Rainbow », le fameux chanteur noir homosexuel Sylvester est décrit par Steve Blame comme une « Diva masculine ».
 

La réification de la femme n’est pas propre aux hommes gays. Je connais beaucoup de femmes lesbiennes qui sont tombées amoureuses de la femme-objet cinématographique. On le voit aussi dans les reportages télévisés. Par exemple, dans l’émission Ça se discute (spéciale « l’homosexualité féminine », diffusée sur la chaîne France 2, le 18 février 2004), une des invités lesbiennes dit sa fascination amoureuse pour la beauté de Céline Dion. Dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger, Oriane, une jeune femme lesbienne de 21 ans, présente avec humour aux spectateurs ce qu’elle appelle son « Mur des Lamentations », c’est-à-dire des modèles de mode féminins qui tapissent tous les murs de sa chambre. Toujours dans ce même documentaire, la fameuse série de bandes dessinées Martine est désignée par la réalisatrice comme le déclencheur du désir lesbien.
 

Parfois, beaucoup de femmes-objets venues du cinéma, de la mode, de la chanson, se lesbianisent, d’ailleurs. Par exemple, couronnée Miss Espagne deux fois, en 2008 et 2013, Patricia Yurena Rodríguez a fait son coming out en publiant sur Instagram une photo intitulée « Roméo et Juliette » où l’on peut la voir dans une posture très romantique en compagnie de la DJ et chanteuse espagnole Vanesa Klein.
 

Certaines femmes lesbiennes adoptent une conception de la femme tout aussi imagée, fanatique, et machiste, que leurs homologues homosexuels hommes. Pour elles, une personne ressemble d’autant plus à femme qu’elle devient glaciale et figée. La confusion entre la Femme-objet médiatique et la femme réelle revient fréquemment dans leur discours. « La femme n’existe pas, mais les femmes, bel et bien. » (Hélène Bregani dans le documentaire « Debout ! Une Histoire du Mouvement de Libération des Femmes 1970-1980 » (1999) de Carole Roussopoulos) Beaucoup d’entre elles déifient la femme (Teresa de Lauretis, par exemple, lui met un « F » majuscule) pour finalement mieux la faire disparaître, nier la réalité de la sexuation, et imposer les femmes-objets comme les seules représentantes (méprisables) des femmes réelles. Autre exemple: Stefan Sweig, l’écrivain allemand, a écrit en 1935 un seul opéra dont le titre est signifiant : La Femme silencieuse.
 

Chez elles, l’adoration de la femme-objet va souvent jusqu’à la (simulation de) destruction de cette dernière… donc jusqu’à l’absorption fusionnelle. « La pire faute de goût selon moi : essayer de ressembler à Britney Spears. » (Mylène, une femme lesbienne de 25 ans, dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 191) ; « Qu’en était-il des autres, asservies à leur mari et à leurs enfants, sans ressources personnelles, sans voiture, sans autre nourriture spirituelle que Marie-Claire, Elle ou Femme d’Aujourd’hui ? Bonne Déesse, quel obscurantisme ! » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 242) La femme-objet hétérosexuelle – et cela surprendra sûrement nos amies lesbiennes – est une femme lesbienne en devenir. Les femmes lesbiennes réelles s’y sont identifiées à l’excès dans le rejet. Comme je l’explique au sujet de l’homosexualisation de l’homme-objet qui s’hétérosexualise et incarne l’« Éternel Masculin » (dans le code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), on constate exactement le même phénomène avec la femme-objet : plus une femme s’hétérosexualise et cherche à devenir objet, à représenter l’« Éternel Féminin », plus elle prend des traits androgynes et lesbiens. Je me faisais encore la remarque en voyant les nombreux clichés de Grace Jones au vernissage de l’Exposition Jean-Paul Goude au Musée des Arts Décoratifs de Paris, le 10 novembre 2011. Il existe des liens très forts entre le monde de la prostitution féminine et le lesbianisme. Par exemple, dans le docu-fiction « Tierra Madre » (2011) de Dylan Verrechia, Aidee, l’héroïne, est lesbienne de jour, et strip-teaseuse de nuit dans une boîte. Je développe plus largement l’idée de la parenté femme-objet/lesbienne dans le code « Putain béatifiée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

c) Devenir la Joconde :

La Joconde d'Andy Warhol

La Joconde d’Andy Warhol


 

Ce n’est pas un hasard si la Joconde a été récupérée par de nombreux artistes homosexuels. Certains disent qu’elle était en réalité l’amant caché de Léonard de Vinci, Salai. Pour commencer, l’homosexualité de Léonard de Vinci, le père de La Joconde, est passée à la postérité et fut même étudiée par Sigmund Freud. Et ensuite, comme le désir homosexuel dit un désir de devenir objet, et qu’à mon sens, Mona Lisa est la première femme-objet officiellement mondialisée de l’Histoire de l’Humanité, il est logique qu’on la retrouve énormément dans l’univers artistique homosexuel : cf. la sérigraphie Mona Lisa (1963) d’Andy Warhol (on dit d’ailleurs que la Marilyn Monroe de Warhol est la « Mona Lisa du XXe siècle »), la photo La Joconde aux moustaches (1919) de Marcel Duchamp, le tableau photographique Autoportrait à la Mona Lisa (1973) de Salvador Dalí, etc. Pour la petite histoire, le Mona Lisa était une résidence de luxe hébergeant des personnes homosexuelles à Nice. Plus proche de nous, le chroniqueur homosexuel français Steevy Boulay a une représentation de La Joconde dans sa cuisine.
 

Le tableau Autoportrait à la Mona Lisa de Salvador Dalí

Le tableau Autoportrait à la Mona Lisa de Salvador Dalí


 

Si on y réfléchit bien, Mona Lisa est un costume de travelo à elle toute seule : « Et cette Joconde du kabuki qu’est Tamasaburo, le plus célèbre onnagata, ne répond-il pas à un vœu de perfection aussi bien qu’à un désir homosexuel, comme Mishima lui-même le reconnaissait lorsqu’il lui dédiait une nouvelle. » (Georges Banu, « Jeux théâtraux et enjeux de société », dans l’essai Le Corps travesti (2007) de Georges Banu, p. 3) D’ailleurs, elle ne brille pas par sa féminité. Elle a un visage bien à elle, reconnaissable parmi mille, … et pourtant asexué.
 

La Joconde est également l’être humain violé, femme comme homme, figé et utilisé comme un objet : « J’attendis le moment idéal pour réaffirmer au père Basile, mon intention de tout quitter […], avec cet aspect froid que mon regard soutenait, l’ironie de mon sourire ; ce sourire qu’il appréciait à chacune de nos rencontres et qu’il comparait à celui, éternellement figé, de la Joconde. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du prêtre pédophile qui abusait de lui, dans l’autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 47)
 
 

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