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Code n°31 – Cirque (sous-code : Fêtes foraines)

cirque

Cirque

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Qu’est-ce que c’est que ce cirque ???

 

Pièce La Vraie Fiancée d'Olivier Py

Pièce La Vraie Fiancée d’Olivier Py


 

Tandis qu’elles s’évertuent à croire que l’onirique est le Réel et que « tout est beau » (Andy Warhol cité sur ce site, consulté en juin 2005) avec des cœurs dans les yeux, beaucoup de personnes homosexuelles établissent une frontière étanche entre beauté et bonté, réalité et Vérité, et se servent de l’excuse de l’art ou de la performance scénique pour instaurer un lien destructeur entre beauté, amour et mort. Elles vont ainsi trouver particulièrement belle non pas la mort en elle-même mais la représentation de la mort, la mise en scène du risque (notamment à travers la corrida, la boxe, le cirque, l’art gothique). Elles partent du principe que la beauté est quelque chose qui ne durera jamais, que c’est la mort qu’elles admirent en elle.

 

Avec le cirque, le tragique et le comique se confondent ; le risque mortel louvoie avec la magie esthétique et grotesque ; la transgression des frontières est à son apogée. Il était donc logique que les personnes homosexuelles, qui flirtent et expulsent la limite de vie qu’est la différence des sexes à travers la pratique homosexuelle, se retrouvent émotionnellement dans le monde adulescent des jeux du cirque et des fêtes foraines.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Manège », « Magicien », « Aube », « Amour ambigu de l’étranger », « Folie », « Poupées », « Boxe », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Corrida amoureuse », « Humour-poignard », « Jeu », « Cour des miracles homosexuelle », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et Masques », et à la partie « Trapéziste homo » du code « Funambulisme et Somnambulisme », dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

FICTION

 

a) La passion homosexuelle du cirque :


 

Souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel aime l’univers du cirque ou bien travaille dans un cirque : cf. la chanson « La Foire d’Empoigne » d’Arnold Turboust, le roman El Circo (1957) de Juan Goytisolo, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le vidéo-clip de la chanson « Le Premier Jour » d’Étienne Daho, le film « Un Cirque à New York » (2002) de Frédérique Pressmann, la chanson « Viendras-tu avec moi ? » de Nilda Fernandez, le roman Le Cirque (1948) de Yukio Mishima, les vidéo-clips des chansons « Sans Contrefaçon » et « Optimistique-moi » de Mylène Farmer, le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, l’album « Bijoux et Babioles » de la chanteuse Juliette, le roman El Ángel De Sodoma (1928) d’Hernández Catá, la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H. (où le couple Jonathan/Matthieu se repasse en boucle le film « Moulin rouge »), le roman El Misántropo (1972) de Llorenç Villalonga, le film « Vices privés, vertus publiques » (1976) de Miklos Jancso, le film « The Gymnast » (2005) de Ned Farr, le film « Siegfried » (1986) d’Andrzej Domalik, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay ct Dmitry Troitsky, le roman La Vie comme une Fête (1977) de Marcel Jouhandeau, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « A Lira do Delirio » (1978) de Walter Lima Jr, le vidéo-clip de la chanson « No Big Deal » de Lara Fabian (avec la chanteuse enfermé dans une cage de fauve de cirque), le film « Mann Mit Bart » (« Bearded Man », 2010) de Maria Pavlidou, la chanson « Je suis moi » de Shy’m (avec la femme-à-barbe), le film « Thread » (2009) de Lilium Leonard (avec le cirque indien), le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker, la chanson « The Forgotten Circus » du groupe Coop, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation » (2004) de Pedro Almodóvar, l’album Circus de Britney Spears, la chanson « La Femme à barbe » d’Émily Loiseau, etc.

 

Film "When Night Is Falling" de Patricia Rozema

Film « When Night Is Falling » de Patricia Rozema


 

Parfois, le héros homosexuel a l’impression que son amant est un figurant de cirque et que l’histoire sentimentale qu’ils vivent est aussi enchanteresse/dangereuse/irréelle qu’un cirque : « Stella s’occupe de moi tout le temps. On dirait une dame de cirque. » (Dotty parlant de sa compagne Stella avec qui elle vit depuis 30 ans, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « Si on fondait un cirque ambulant avec un bon bandonéon ? » (Raulito s’adressant à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Le samedi 7 février 1920, nos deux amis (Paul Robin et François de Séryeuse) étaient au cirque Médrano. » (Raymond Radiguet, Le Bal du Comte d’Orgel (1924), p. 23) ; « Brandt a encore fait tout un cirque. Je crois que je lui ai manqué. » (Engel s’adressant à son amant Marc Brandt, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant) ; etc. Par exemple, dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau voit « deux SDF avec un nez rouge ». Dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, Dzav et Bonnard montent le « Cirque Gay 2020 ». Dans le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1943) de Luchino Visconti, Gino est tenté de faire sa vie avec Giuseppe, un saltimbanque forain qu’il rencontre dans un train et qui lui propose de le suivre dans sa vie d’homme du cirque sur les marchés. Dans le film « When Night Is Falling » (1995) de Patricia Rozema, Camille tombe amoureuse de Petra, une artiste de cirque. Dans le film « Itinéraire d’un enfant gâté » (1988) de Claude Lelouch, Jean-Philippe tombe amoureux de Sam, l’homme de cirque.

 

Film "Les Amants diaboliques" de Luchino Visconti (avec Gino et Giuseppe)

Film « Les Amants diaboliques » de Luchino Visconti (avec Gino et Giuseppe)


 

Les héros homosexuels aiment dans le cirque cette alliance entre beauté, amour et mort : « J’étais friand de ce genre de choses où le piment du danger relève le goût de la beauté physique. » (Roger à propos d’un spectacle acrobatique, dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 18) ; « Tu aimes le cirque. Que penses-tu de mon final ? » (Jack s’adressant à Harvey, dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant) ; « La vie est une fanfare. » (cf. la chanson « Fanfare de nos vies » de Jann Halexander) ; etc.

 

Film « Das Flüstern Des Mondes » (« Whispering Moon », 2006) de Michael Satzinger

Film « Das Flüstern Des Mondes » (« Whispering Moon », 2006) de Michael Satzinger


 

Le cirque est présenté comme l’univers bisexuel par excellence, où les acrobates sont androgynes, hyper maquillés, portent des collants et des « moule-bite », sont à voile et à vapeur : « Le théâtre ça s’apprend dans les cirques. Mais j’ai appris aussi beaucoup dans la marine. Les voiles d’un bateau ou les rideaux d’un théâtre, pour moi, c’est pareil. » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’avais fait une soirée ‘Circus’. » (le narrateur homosexuel racontant qu’il a organisé une soirée déguisée à thème, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; etc. Par exemple, dans le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder, les Piccolos se trouvent être des nains d’un cirque déguisés en fillettes. Dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut, le professeur Foufoune, avant de finir médecin, dit qu’il a toujours rêvé de faire du cirque.

 

 
 

b) La fête foraine et les parcs d’attraction :

Vidéo-clip de la chanson "Boy & Girls" de Charlie Makes The Cook

Vidéo-clip de la chanson « Boy & Girls » de Charlie Makes The Cook


 

Souvent, les personnages homosexuels se retrouvent dans une fête foraine ou vont dans un parc d’attraction pour célébrer/concrétiser leur relation amoureuse : cf. le roman Les Forains (1945) d’Henri Sauguet, le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Edge Of Seventeen » (1998) de David Moreton, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Loopplanes » (2010) de Robin Wilby, le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar, le roman La Foire aux garçons (1934) de Philippe Hériat, le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé (avec la référence aux forains), le roman L’Autre (1971) de Julien Green (avec le parc d’attraction), le vidéo-clip de la chanson « Boys and Girls » du groupe Charlie Makes The Cook, le film « Happy, Texas » (1999) de Mark Ilsey (avec les forains homosexuels), le film « Adieu Forain » (1998) de Daoud Aoulad-Syad, le film « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py, le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, le ballet Les Forains (1945) d’Henri Sauguet, la chanson « L’Attraction » d’Emmanuel Moire, le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec le chapitre « Disneyland »), la bande dessinée La Foire aux Immortels (1992) d’Enki Bilal, le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, le film « Friendly Persuasion » (« La Loi du Seigneur », 1956) de William Wyler, etc.

 

Film "Garçon stupide" de Lionel Baier

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

« Un petit pédé s’assied à côté de moi, tend sa main avec féminité et dit ‘Je suis Camillia. Enfin, là je suis en Rodriguo, mais ici on me connaît en Camillia. Je bosse dans un parc d’attraction et j’ai pas eu le temps de me changer. » (Mike, le narrateur homosexuel dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 103) ; « On nous appelle les forains. La route est notre domicile. » (le duo Bill/Étienne dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy) ; « Vous n’avez pas eu de peine à trouver un foyer d’artistes pour vous adopter alors que moi je suis restée à l’orphelinat jusqu’à l’âge de quinze ans, où je me suis enfuie pour faire la strip-teaseuse dans les fêtes foraines. » (Vicky s’adressant à la Comédienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « On est au Parc d’attractions et je suis Madame Godzilla. » (l’infirmière d’hôpital s’adressant à Rana, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; « Tu veux venir à la fête foraine avec nous ce soir ? » (les amis de Simon, le héros homo qui va rencontrer pour la première fois en vrai son amant, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; etc.

 

 

Par exemple, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Jean et Henri se rendent dans une fête foraine : Jean tente de tester la virilité peu affirmée d’Henri en le soumettant à un jeu de punching-ball (ce dernier, pour le séduire, se coupera le front en tapant sa tête trop fort contre l’appareil)… et Jean se volatilisera avant de voir la victoire inespérée de son jeune amant. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glen et Russell vont dans un parc d’attraction de Londres, aux autos taponneuses. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Jean et Juan, le couple homo, vont à Eurodisney ensemble. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, les deux amantes Kena et Ziki commencent leur idylle dans les manèges tournants d’une fête foraine de Nairobi (Kenya).

 
 

c) Le Cirque du (fantasme de) viol :

Série Drôles de Dames

Série Drôles de Dames


 

Le cirque (ou le parc d’attraction) n’est pas, chez le héros homosexuel, qu’une simple passion anodine pour les sensations fortes et divertissantes. Car nul ne cherche à se distraire et à se faire peur s’il n’a pas peur lui-même à la base et s’il ne veut pas échapper à quelque chose. Le cirque, je crois, est le symbole d’une fuite du Réel et d’une misanthropie : « Il faut aimer le cirque et mépriser le monde. » (la voix narrative de la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet)

 

Film "La Loi du Désir" de Pedro Almodovar

Film « La Loi du Désir » de Pedro Almodovar


 

Le revers du cirque, c’est qu’il transforme souvent le personnage homosexuel, sous prétexte d’humour, de recherche de l’originalité et de défi des limites, en objet ( = un Pinocchio), en bête de foires et de laboratoire, en victime (morte ou blessée si son numéro ne marche pas comme prévu) offerte à la curiosité malsaine et au transfert des pulsions morbides du public, comme les rituels de la cruauté des jeux du cirque sous la Rome Antique, les sports de combat, la tauromachie, la boxe. « Tu distingues vite les curieux des bouleversés. Les premiers ont des étincelles dans les yeux, t’examinent comme une femme à barbe dans un cirque ambulant. Les seconds affichent des visages pantelants, tragiques, et pleins de larmes. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 160) Par exemple, dans le film « Tacones Lejanos » (« Talons aiguilles », 1991) de  Pedro Almodóvar, Rebeca (Victoria Abril) est mise à prix, en boutade, par son beau-père dans un marché. Dans le film « Babysitting » (2014) de Philippe Lacheau, Sam et Franck s’embrassent à leur insu dans le noir (une Dark Room d’un parc d’attractions), mauvaise blague orchestrée par Sonia que les deux hommes se disputent : en découvrant les images, ça ne les fait pas rire du tout.

 

Le cirque peut être également le signe de l’inceste, du viol (cf. je vous renvoie aux codes « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois » et « Jeu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) et de la mort : « Maman m’a mené au cirque. » (George, 6 ans, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 157) ; « N’oublie jamais que le clown se lave toujours les dents au cirque. » (la grand-mère Babou – très possessive – parlant à son petit-fils bisexuel Guillaume, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; « La fête et le drame, c’est la même chose. » (Julien Brévaille, le héros homosexuel du roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 54) ; « Oui, c’est la fête, enfin, la fin de la fête. » (Luc, l’un des héros homosexuels de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; etc. C’est très net dans les films de Pier Paolo Pasolini, les vidéo-clips de Mylène Farmer et dans les pièces de Copi.

 
 

Machiniste – « Mon grand-père le clown s’est suicidé en cours de spectacle. Il s’est pendu au trapèze, tout le monde croyait à un numéro comique ! Il a eu quinze minutes d’applaudissements avant qu’on s’aperçoive qu’il était mort !

Auteur – C’est ça l’art ! »

(cf. un dialogue entre le Machiniste et l’Auteur, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 
 

Le cirque est symboliquement le cadre dans lequel se rejoue le drame du viol/de l’inceste, ou bien ce que le héros homosexuel vit comme un drame et qui n’est que la réalité de la sexualité, la réalité de sa conception : « Je refais le rêve du cirque. Si… tu sais bien… le numéro de trapèze. Mon père, ma mère et moi… » (la psy rêvant qu’elle chute en trapèze, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson)

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, le parc d’attractions Magic World est présenté comme l’antre des enfers, malgré son nom lumineux. S’y rendre, c’est comme s’homosexualiser : « Les lumières là-bas, c’est Magic World, c’est ça ? Mes parents ne m’y ont jamais amené. Ils aiment pas trop les attractions. » dit Jonas, le héros homosexuel. Nathan, son amant homo, réplique : « Mais c’est trop bien, Magic World ! Ils sont cons, tes parents. Je t’y emmènerai, moi, à Magic World. Promis. » On découvre tout de suite après, grâce à la maman de Nathan, qu’en réalité, ce parc d’attractions représente un souvenir douloureux de viol pour lui. En effet, à l’âge de 9 ans, il s’est fait lyncher par une meute de voitures autos tamponneuses qui l’a chargé, au point que Nathan a été éjecté de sa voiture et s’est fait défigurer : « Et schlaaack ! La joue coupée en deux, sur la barrière de protection. » Le film s’achève sur la scène où Jonas amène Léonard, le jeune frère de Nathan, devenu adulte, au Magic World, et on devine qu’ils vont être amants, alors qu’ils ont 18 ans d’écart d’âges…
 

Pourtant, le cirque est un monde où la souffrance et la mort semblent ne pas exister car soit elles y sont scénarisées (le danger est décuplée avec la musique et les roulements de tambour), soit elles y sont niées (normalement, les artistes ne sont pas censés mourir en cours de spectacle… sinon, ils feront fuir tout leur public ; au contraire, ils n’attirent que parce qu’ils ont été capables de défier victorieusement la mort). « C’est vrai qu’elle n’a rien, Fougère. C’est une petite blessure qu’elle a. C’est du cirque. » (Joséphine dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « C’est pas le Cirque du Soleil en ce moment à la maison… » (Jérémie racontant qu’il y a de l’eau dans le gaz dans sa relation avec son futur « mari » Antoine, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare) ; « J’ai pas le temps pour ce cirque ! » (Mathias Le Goff refusant d’entraîner l’association sportive gay des Crevettes pailletées, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc. C’est pourquoi le cirque homosexuel est souvent décrit comme le monde du viol teinté d’amnésie, du rêve éveillé.

 

Vidéo-clip de la chanson "Optimistique-moi" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La passion homosexuelle pour le cirque :


 

Souvent, les personnes homosexuelles aiment l’univers du cirque ou bien travaillent dans un cirque. Par exemple, Pierre Loti s’est produit dans des cirques. Enfant, Francis Carco voulait travailler dans un cirque. À l’Université de Cambridge, Graham Chapman faisait partie d’une troupe étudiante, le Cambridge Circus. C’est une manière de camoufler leur mal-être par la dérision : Cirque : « Je ne suis pas maudit dans la mesure où je peux faire mon p’tit cirque et qu’aucun flic ne va m’attendre à la sortie. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976)

 

 

On peut penser également à la Queer Week de Sciences Po Paris, qui a lieu tous les ans sur le campus. Pour ma part, j’ai déjà vu débarquer des troupes de clowns lors des JAR (Journées Annuelles de Rencontres) de l’Association David et Jonathan. Et les Gay Pride, sous certains aspects, est à mi-chemin entre le carnaval et le cirque.

 

CIRQUE rubon35

 

Beaucoup d’artistes homosexuels ont exercer les arts du cirque ou se sont passionnés pour le cirque : Cary Grant, Jérôme Savary, Jorge Donn, Nijinski, Alfred Jarry, Barbette (qui a joué au cirque Barnum), Jean Cocteau, Francis Poulenc, Miss Urania, Héctor Biancotti, Pier Paolo Pasolini, Federico García Lorca, Jean Genet, Olivier Py, Jean-Paul Gaultier, etc.

 

Jean-Paul Gaultier et la troupe d'un cirque asiatique

Jean-Paul Gaultier et la troupe d’un cirque asiatique


 

Il existe des compagnies de cirque homosexuelles : par exemple celle de Charles Knie (voir les photos). Le styliste Thierry Mugler a beaucoup collaboré avec le Cirque du Soleil.

 

Thierry Mugler en 2003

Thierry Mugler en 2003


 
 

b) La fête foraine et les parcs d’attraction :

Film "Loopplanes" de Robin Wilby

Film « Loop Planes » de Robin Wilby


 

On retrouve également de nombreux croisements entre l’univers de la magie en carton pâte des parcs d’attraction et l’homosexualité : cf. le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau (montrant une roue de fêtes foraines) Beaucoup de personnes homosexuelles font partie du personnel des Disneyland et autres grands parcs de loisirs. Certaines en sont même les concepteurs, comme par exemple le roi Louis II de Bavière : « Walkenstein, un château qui aurait plu à Walt Disney ! » (cf. le documentaire « Louis II de Bavière, la Mort du Roi » (2004) de Ray Müller et Matthias Unterburg) Michael Jackson a même fait construire un parc d’attractions (sur le thème de Peter Pan !). Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la Reine Christine, pseudo « lesbienne », est catapultée à l’époque moderne, dans laquelle elle marche dans une fête foraine, un parc d’attractions. Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, va sur le Grand-8 d’une fête foraine avec son papa.

 

« J’ai su très tôt que je n’étais pas semblable aux autres. J’ai le souvenir très précis d’une fête foraine où m’avaient emmené mes parents. La mode de l’époque condamnait les hommes à porter des pantalons moulants à pattes-d’éléphant, surmontés de chemises en satin de couleurs criardes, aux grands cols larges en pelle à tarte, de préférence ouvertes sur le torse si le temps était clément. J’avais six ans à peine et j’étais autant fasciné par les jeux de la fête foraine auxquels je pouvais participer que par la présence autour de moi de ces adultes habillés à la mode. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), pp. 23-24) ; « Sur ma lancée d’organisateur de jeux pour le quartier, je pris en charge les fêtes de la Saint-Jean. J’avais tout juste treize ans. Je montai une comédie musicale avec mes camarades, abusant du play-back. C’était le début du disco et je me trémoussais avec enthousiasme durant le spectacle, incarnant… des chanteuses. » (idem, pp. 29-30)

 
 

c) Le Cirque du (fantasme de) viol :

Le cirque (ou le parc d’attraction) n’est pas, chez l’individu homosexuel, qu’une simple passion anodine et enfantine pour les sensations fortes ou divertissantes. Car nul ne cherche à se distraire et à se faire peur s’il n’a pas peur lui-même à la base et s’il ne veut pas échapper à quelque chose. Le cirque, je crois, est le symbole d’une fuite du Réel et de soi, d’un cynisme sincère (certains parlent d’un « art total ») et d’une misanthropie. Pour le décadent, il cristallise la victoire de l’artifice, en même temps qu’il donne corps à son mal de vivre proférant que « tout n’est qu’apparence », que « la vie n’est qu’un immense chapiteau et qu’une grande illusion ». Par exemple, dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier, la femme transsexuelle F to M qui témoigne, fait du cirque et tente, par ce biais, d’atteindre une transcendance identitaire, asexuée, existentielle : « Le clown, il peut tout être. Le clown, il est au-delà. »

 

Le revers du cirque, c’est qu’il transforme l’individu, sous prétexte d’humour, de recherche de l’originalité et de défi des limites, en objet ( = un Pinocchio), en bête de foires et de laboratoire, en victime (morte ou blessée si son numéro ne marche pas comme prévu) offerte à la curiosité malsaine et au transfert des pulsions morbides du public, comme les rituels de la cruauté des jeux du cirque sous la Rome Antique, les sports de combat, la tauromachie, la boxe.

 

 

Le cirque peut être également le signe de l’inceste, du viol (cf. je vous renvoie aux codes « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois » et « Jeu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) et de la mort. « On expliquait mal comment une si grand actrice [Cora Margot] était tombée dans une telle déchéance qu’elle fût forcée à promener son art dans un petit cirque de dernière catégorie qui n’avait même pas pu se payer un toit pour son chapiteau. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 304) Par exemple, le romancier français Jean Genet suivait son amant Abdallah sur les pistes de cirque, composa pour lui un numéro de funambule, dessina son costume, régla les éclairages, et orchestra finalement sa mort. « Tu dois risquer une mort physique définitive. La dramaturgie du Cirque l’exige. Il est avec la poésie, la guerre, la corrida un de ces seuls jeux cruels qui subsistent. Le danger a sa raison. […] Cette exactitude sera la beauté de ta danse. » (Jean Genet, cité dans l’article  « L’Éthique de l’Art » de Thierry Dufrêne, dans Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 64)

 

Album Circus de Britney Spears

Album Circus de Britney Spears

 
 

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