Clown blanc et Masques
NOTICE EXPLICATIVE :
En général, le masque est un transfert d’identité(s) quand nous ne pouvons/voulons plus manifester/assumer celle(s)-ci. Il a beau être expressif, en soi, il n’exprime rien. Il a besoin de l’Homme, de sa voix et de ses gestes, pour dire quelque chose, même si l’Homme qui le met s’en sert comme une loupe décuplant ses propres émotions qu’il cache/clame. Le masque catalyse donc tout à fait le double élan d’attraction-répulsion, de fantasme et de Réel, d’amour et de haine, compris dans le désir homosexuel. C’est pourquoi on voit dans les œuvres homosexuelles tant de masques, de chœurs de clowns blancs hyper-maquillés et expressifs (réagissant au meurtre, au viol, ou à la bêtise, que le protagoniste homo a commis sans en éprouver la honte ou la triste réalité), de visages (horrifiés ou hilares) typiques de l’expressionnisme allemand. Le clown blanc est l’allégorie du désir homosexuel, c’est-à-dire d’un fantasme de viol parfois actualisé.
N.B. : Je vous renvoie aux codes « Maquillage », « Ombre », « Doubles schizophréniques », « Androgynie Bouffon/Tyran », « Humour-poignard », « Homme invisible », « Quatuor », « Morts-vivants », « Poupées », « Main coupée », « Emma Bovary ‘j’ai un amant !’ », « Mort », « Cirque », « Appel déguisé », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Aube », à la partie « Autocensure anti-identitaire » du code « Déni », et à la partie « Chœurs de tragédie grecque » du code « Cour des miracles », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) Le clown blanc homosexuel, le masque-violeur :
Parfois dans les œuvres artistiques traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel est ce clown blanc bouche bée et stoïque de l’expressionnisme allemand. Les masques ont une place très importante dans la fantasmagorie homosexuelle : cf. le concert Les Murmures du temps (2011) de Stéphane Corbin (avec les clowns blancs du Cap Crimée), le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, le film « Raiponce » (2010) de Byron Howard (avec le clown blanc efféminé), la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le concert de Jean Guidoni (avril 2007) à la Boule Noire à Paris (avec les clowns blancs), le film « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, le film « Nosferatu » (1922) de Friedrich Wilhelm Murnau, le film « Metropolis » (1927) de Fritz Lang, la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro (avec la mention du masque grimaçant), la comédie musicale La Bête au bois dormant (version 2007) de Michel Heim, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant (avec la danse de Klein avec les lampes de chevet), le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse (avec le maître de cérémonie), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec les clowns blancs), le film « Amour toujours » (1995) de Gabriel de Monteynard, le film « En présence d’un clown » (1997) d’Ingmar Bergman, le vidéo-clip de la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer (avec les nains ultra-expressifs autour de la boîte sabrée renfermant la chanteuse), le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le recueil de poésies Sous le masque (1918) d’Émilienne d’Alençon, le film « Trois visages de la peur » (1963) de Mario Bava, le film « Visage pâle » (1985) de Claude Gagnon, le film « Outrageous ! » (1977) de Richard Benner, le film « La Surprise » (2006) d’Alain Tasma, le film « Changing Face » (1993) de Robert Tate et Robert Roznowski, le film « L’Examen de minuit » (1997) de Danièle Dubroux, le dessin de saint Sébastien (2001) de Thom Seck, la pièce Grand Peur et Misère du IIIe Reich (2008) de Bertold Brecht, le téléfilm « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure (avec la maison de Monsieur Leclerc, remplie de masques), la nouvelle Une Saison en enfer (1873) d’Arthur Rimbaud adaptée par Nâzim Boudjenah, le tableau Être… (2005) de Thierry Brunello, le roman Le Masque d’Apollon (1966) de Mary Renault, le film « Le Masque du démon » (1960) de Mario Bava, le roman Paradiso (1967) de José Lezama Lima (avec l’omniprésence des masques), le film « Mascara » (1987) de Patrick Conrad, le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa (avec les masques du magasin africain), le film « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud (avec les masques dans l’appartement du couple homo), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le film « Saturn’s Return » (2001) de Wenona Byrne, le roman Masque de chair (1958) de Maxence Van der Meersch, le film « The Owls » (2010) de Cheryl Dunye, le film « La Tentation du masque » (1987) d’Hisayasu Sato, la performance Golgotha (2009) de Steven Cohen, le film « Mascarade » (2012) d’Alexis Langlois, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs (avec les masques accrochés sur les murs de l’appartement de Ben et George), etc. On retrouve particulièrement l’expressionnisme allemand dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi, la chanson « Be A Clown » de Judy Garland, etc. Par exemple, dans la mise en scène de Cyrille Laïk et Suzanne Llabador (2010) de la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, tous les comédiens ont le visage maquillé en blanc.
Le masque a quelquefois une dimension amoureuse. « Je t’ai vu partir avec un masque de verre. » (Heiko, le héros homosexuel s’adressant à son amant Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) Par exemple, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Gabriel arrive devant son amant Alex avec un loup, un masque de carnaval vénitien. Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine, l’héroïne lesbienne, ment à sa mère en lui présentant son amante Carole comme une simple amie qu’elle aurait rencontrée dans un « atelier de poterie pour femmes ». Elle dit que Carole est spécialiste dans la confection des masques. Dans le film porno « Le Voyage à Venise » (1986) de Jean-Daniel Cadinot, les parties de jambes en l’air se déroulent en plein carnaval de Venise. Dans le roman Carnaval (2014) de Manuel Blanc, un homme homosexuel se ballade à Cologne, pendant le carnaval, et observe les événements derrière un masque, en se métamorphosant successivement. Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, le groupe homophobe/homosexuel refoulé des Virilius se cherche des masques pour opérer leurs actions-commando : des masques d’animaux, de DSK, etc. Jean-Jacques et Jean-Michel (le couple homo) trouvent finalement l’idée du masque blanc qui va être choisi comme symbole et signe de reconnaissance de tous les Virilius. Ces deux hommes voient le masque comme une preuve de leur « amour » naissant : « C’est drôle. Toi et moi. On a eu la même idée pour nos masques… » (Jean-Jacques à Jean-Michel)
Le clown blanc homosexuel (ou vu par le héros homosexuel) porte un masque « bruyant » pour cacher, par son vacarme, un drame ou une violence réel(-le). Il ressemble à la conscience expulsée du personnage (cf. je vous renvoie aux codes « Doubles schizophréniques » et surtout « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Il éteignit la lumière, puis tenta de faire une mise au point sur la fenêtre d’en face. […] Il lâcha les jumelles. Il les ramassa et regarda de nouveau. Dans une pièce aux murs couverts de masques africains, Martine Van Decker, immobile, murmurait d’interminables borborygmes en l’observant. » (cf. la dernière phrase du roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, p. 248) ; « Son visage était comme un masque, absolument sans expression. Elle se mouvait avec raideur, avec une précision singulière. […] Un cadavre… elle portait en elle un cadavre. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 258) ; « Il portait un chapeau dont le bord rabattu posait sur un visage blême et durci par l’âge un grand masque d’ombre que trouait le nez d’un blanc de cire. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 18) ; « un personnage à la fois comique et sinistre » (idem, p. 20) ; « J’ai vu un jour un homme dévoré par un masque » (le Réalisateur de la pièce El Público (1930-1936) de Federico García Lorca) ; « Ces masques tragiques de la souffrance universelle émeuvent plus fortement une sensibilité qui n’est pas encore formée que la mélodie argentine de Mozart. » (Stefan Zweig, La Confusion des sentiments (1928), p. 55) ; « Je nous revois sur les deux troncs d’arbre, comme des personnages en cire, soudain pétrifiés par la vision de l’énorme mâchoire se refermant sur le corps de notre… notre congénère disons. » (Ashe, l’un des personnages homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 179) ; « Vois la pénombre qui éclaire mon visage. On s’est dit ensemble si c’est là ton voyage. » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer) ; « Mais vous ne dites rien ? Regardez-moi. Je vous fais peur ? » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Tu passes des heures devant ton miroir, passées à mettre des crèmes et des masques. Et on ne voit même pas la différence. » (Michael, le héros homosexuel s’adressant à son colocataire aussi homo Harold, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Tu distingues vite les curieux des bouleversés. Les premiers ont des étincelles dans les yeux, t’examinent comme une femme à barbe dans un cirque ambulant. Les seconds affichent des visages pantelants, tragiques, et pleins de larmes. » (Félix, l’un des héros homosexuels du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 160) ; « L’homme se frotta les yeux et gémit. Il avait un crâne chauve constellé de taches de vieillesse ; sa bouche, large avec des lèvres fines, aurait été une bénédiction pour un clown. » (Jane, l’héroïne lesbienne décrivant le vieux Karl Becker, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 62) ; « La bouche d’Anna était du même rouge vif que son manteau, le fard étiré au-delà de ses lèvres pour former un arc de Cupidon. Des sourcils dessinés au crayon noir rappelaient les arches en forme de M de McDonald’s tracé sur sa lèvre supérieure. Toute trace de son ecchymose avait disparu sous un fond de teint de plusieurs tons plus clair que sa carnation naturelle. Jane trouvait le résultat horrible ; un genre d’automutilation. Si elle avait pu, elle aurait obligé la fille à se déshabiller pour examiner son corps en quête de cicatrices » (Jane décrivant la jeune Anna, idem, p. 88) ; « Lentement, délibérément, Anna leva son visage vers la lumière, telle une star du cinéma muet cherchant la caméra, et Jane vit qu’elle avait l’œil gauche noir et enflé. » » (idem, p. 121) ; « Ses lèvres fines étaient sèches et gercées, blanchies par le froid, mais sa bouche était toujours large et clownesque et il était facile de l’imaginer en train de hanter un cortège de fantômes. » (Jane décrivant le vieux Herr Becker, idem, p. 218) ; « T’as vu Ben ? On dirait le Joker sans maquillage ! » (Arnaud, le héros homo qui ne s’assume pas homo, parlant au téléphone avec son père de son amant Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « J’ai la physionomie d’un clown. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Je connais un clown noir qui déteste les Juifs. Il s’est maqué avec un groupe de clowns blancs qui détestent la Shoah. » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; « Ce soir, je vais vous jouer le blues du clown blanc. » (idem) ; « Toi, t’as l’air d’être un clown de chantier. » (Anwar, le héros homo, s’adressant à Éric, lui aussi homo, dans l’épisode 2 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc.
Par exemple, dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, Paulo est maquillé comme une statue de cire et arbore le sourire mécanique du clown triste. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud (tous les personnages homos sont des clowns blancs portant un masque. D’ailleurs, le Père 2 décrit son fils homosexuel comme « un machin pâlot et anémié », qui « traîne sa tronche grisâtre »… parce qu’en réalité, il le manipule et le vampirise totalement. Dans la pièce L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, Éric, le narrateur homosexuel, évoque les « têtes de clown, fixées à un ressort à spirale, jaillissant d’une boîte à malices » (p. 94). Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’un des deux héroïnes lesbiennes (avec sa compagne Dotty), balance de la farine sur la gueule de Molly, la petite-fille de Dotty. Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, le Coryphée est un homme travesti M to F tyrannique avec un look monstrueux à la Kiss. Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, les chanteuses du cabaret de travestis M to F où s’illustre Strella (le trans M to F) affichent des visages poudrées grimaçants. D’ailleurs, Mary, l’un de ses co-équipiers trans au seuil de la mort, déclare : « Je veux que mon visage ressorte blanc comme de la porcelaine. » Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, il y a la photo encadrée d’un clown blanc sur le piano du vampire homosexuel Pretorius. Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Daniel, le héros homosexuel, veut « arracher les faux visages » des gens parce que, petit, il croyait que les autres avaient deux visages (« histoire de visage derrière le visage ») et que derrière chaque visage il y avait le reflet de leur fantôme : le masque est vu comme le paravent de la mort. Dans la pièce Lettre d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga, la figure homosexualisée de Staline, le fameux dictateur, ressemble à un spectre, à un clown blanc. Dans le film « Seeing Heaven » (2011) de Ian Powell, le spectre au masque blanc vient hanter tous les lieux orgiaques (saunas, backrooms, etc.) où les protagonistes homosexuels se rendent, comme pour leur annoncer leur mort psychique et désirante. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, parle d’un « clown géant » auquel il doit faire face, lors d’un jeu de rôle où il ne distingue pas la réalité de la fiction. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, on aperçoit des mugs en forme de clowns blancs grimaçants au comptoir du bar-club gay Le Stud. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, et son amant Palomino, portent des masques de squelettes mexicains. Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Atos Pezzini, el Divo, homosexuel, interprète le rôle d’un clown blanc dans un opéra-bouffe interlope, Pagliacci : « Vieille pédale ! Va te faire enculer ! » lui lance une de ses partenaires de scène, échaudée.
b) Carnavals et bals masqués :
Beaucoup d’œuvres homo-érotiques choisissent comme cadres narratifs les carnavals et les bals masqués : cf. le film « 30° Couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue, la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, le concert de Mika à Paris-Bercy (avril 2010), le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, le vidéo-clip de la chanson « Mister H » d’Ina Mosha, le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, le film « Olivia » (1950) de Jacqueline Audry (avec le bal costumé), la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi (avec le bal), le film « The Hours » (2003) de Stephen Daldry (avec le bal masqué), le film « La meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller, le roman Le Bal du Comte d’Orgel (1921) de Raymond Radiguet, le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, le film « Le Bal des sirènes » (1944) de George Sidney, le film « Taxi Zum Klo » (1980) de Frank Ripploh, le film « Gilda » (1946) de Charles Vidor, le film « Le Bal des vampires » (1967) de Roman Polanski, le film « Bal de nuit » (1959) de Maurice Cloche, le roman Off-Side (1968) de Gonzalo Torrente Ballester, le roman A Sodoma En Tren Cobijo (1933) d’Álvaro Retana, la pièce Transes… sexuelles (2007) de Rina Novi, le film « Ich Möchte Kein Mann Sein » (1933) de Reinhold Schünzel, le film « Le Bal du vaudou » (1972) d’Eloy de la Iglesia, la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1, avec le Bal de Rentrée), le film « Le Bal des espions » (1960) de Michel Clément, le film « La Lettre du Kremlin » (1969) de John Huston, le roman Le Bal des hommes (2014) d’Arnaud Gonzague et Olivier Tasseri, le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus (avec le bal caritatif « Pervers & Mineurs »), etc. Par exemple, dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz, Daniel découvre l’homosexualité de son père en tombant sur des clichés de lui pendant une soirée costumée. Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, Dieu et le Rat se sont rencontrés au bal. Dans le roman Carnaval (2014) de Manuel Blanc, le héros homosexuel déambule dans la ville de Cologne (Allemagne), et passe de masque en masque à la recherche de son amant, perdu en plein carnaval. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, la première fois que Vita Sackville-West rencontre Virginia Woolf et qu’elle tombe amoureuse d’elle, c’est pendant un bal masqué au club de Bloomsbury.
« Je donne un bal. » (Evita dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Tout est permis au bal de Savoy ! » (Madeleine dans la comédie musicale Ball Im Savoy, Bal au Savoy (1932) de Paul Abraham) ; « Mes sœurs et moi, nous avons gagné le prix d’honneur au bal ! » (Jeanne dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « J’ai fait toutes les fêtes de France ! » (Zize, le travesti M to F du one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « La vie est une fanfare. » (cf. la chanson « Fanfare de nos vies » de Jann Halexander) ; « On est au carnaval, il paraît. » (l’organisateur en chef de la Gay Pride londonienne de 1985, rejetant Mark, le chef LGBT et son groupe de mineurs voulant intégrer le cortège, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « La vie est une fête ! On n’est que de passage. » (Guen, le héros homosexuel, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; etc. Par exemple, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel raconte que les gays adorent organiser des soirées déguisées à thèmes. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric le héros homo adore les bals : « Lui, pour le coup, a un vrai complexe de Cendrillon. » (Otis, le meilleur ami hétéro d’Éric, dans l’épisode 7 de la saison 1).
Le carnaval est le jour où toutes les inversions (sociales, sexuées et sexuelles) sont autorisées, y compris l’homosexualité : c.f. la pièce Three Little Affairs (2010) d’Adeline Piketty (avec l’histoire lesbienne entre Rachel et Ninette un soir arrosé de carnaval)
c) Le carnaval dramatique :
Souvent, dans les œuvres homosexuelles, les viols ont lieu un soir carnavalesque : c.f. le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki (où les viols se perpétuent pendant la fête d’Halloween), le film « La meilleure façon de marcher » (1976) de Claude Miller (dans la scène de bal masqué final, quand Philippe poignarde Marc à la jambe de manière totalement inattendue), le film « Hellbent » (2005) de Paul Etheredge-Ouzts (où tous les meurtres se déroulent un soir d’Halloween), le film « La Femme et le Pantin » (1931) de Josef von Sternberg (avec une Marlene Dietrich en cruelle reine du carnaval), le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, le film « A Festa Da Menina Morta » (2008) de Matheus Nachtergaele, le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec le délire carnavalesque des deux potes travestis Franck et Matthieu, juste avant le drame), le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti (Bram, le héros homo, organise dans la maison de sa tante, un bal masqué Halloween), etc.
« En principe à Mardi gras il fait beau. […] Il pleuvait et nous l’oubliions presque. » (Claudio, l’un des héros homos du roman Riches, cruels et fardés (2002) de Hervé Claude, p. 94)
Par exemple, dans la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983), le meurtre du barman a lieu un soir d’orgie, lors d’un « bal macabre » (p. 83) dans une backroom d’une boîte homo de Pigalle. Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Frank le mari de Ruth l’héroïne lesbienne, est assassiné le soir de la Fête patronale. Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, le carnaval est précisément le moment du viol : « Je vois que, tandis que le pauvre Silberman est assassiné dans les rotatives, à l’étage de la direction on ne pense qu’au carnaval. » (pp. 75-76) ; « Silvano fut réveillé en sursaut par le bruit des pétards et le vacarme dans la rue. […] Il se dirigea vers son bureau pour chercher un revolver […]. Des gamins déguisés arrivaient de la rue avec des serpentins et des tambours. […] L’intrusion des enfants ne prédisait rien de bon. (idem, pp. 170-171) ; « Serais-je en enfer, se demanda-t-il. À bien y penser il était bien possible qu’il fût mort depuis plusieurs jours. […] Les enfants de la rue, depuis que le carnaval avait commencé, ressemblaient de plus en plus à des démons. (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 174) ; « Il se dit : cette année, le carnaval devient sérieux. » (idem, p. 175) ; « Le vieux tremblait de peur. Lezama pensa que s’il l’emmenait au carnaval, il mourrait d’une syncope. » (idem, p. 179) Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, le sauna Continental-Opéra est le théâtre d’une explosion dramatique des chaudières en plein bal masqué : « C’est mardi, mais c’est Mardi gras. Aujourd’hui, les folles du Continental sont permises de se travestir, elles vont et viennent sans arrêt des galeries Lafayette qui se trouvent tout près, ce soir il y a un grand bal autour de la piscine. » (la voix narrative, p. 129) ; « Et c’est Paris au mois de mai. » (idem, p. 132) ; etc. Dans le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, la bande de morts-vivants hantant la maison de Marc et Emma a péri dans une boîte gay qui a brûlé dans les années 1970. Au deuxième et dernier acte de la pièce La Tour de la Défense (1981) de Copi, un hélicoptère s’écrase sur la tour voisine, et déclenche un incendie généralisé. Le carnaval se termine dans les flammes. Dans le film « Le Bal des 41 » (« El Baile de los 41 », 2020) de David Pablos, le bal gay final se termine mal : par l’arrestation des membres du club gay clandestin, une rafle, et la déportation.
La fête homosexuelle fictionnelle n’est qu’un écran, un masque, à la fuite du Réel, et parfois même au viol.
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) Le clown blanc homosexuel, le masque-violeur :
On retrouve l’attitude du clown blanc de l’expressionnisme allemand chez beaucoup d’artistes homosexuels ou transgenres : Yvette Leglaire, Grace Jones, Leigh Bowery, Klaus Nomi, ou encore dans le maquillage outrancier des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence (Dans le documentaire Et ta sœur (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin, la Mère supérieure des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence dit que « le maquillage blanc [qu’elles mettent sur leur visage] rappelle un peu le théâtre du Nô ») Par exemple, Marguerite Yourcenar est fascinée par les masques de Nô du théâtre japonais. Les metteurs en scènes Christophe et Stéphane Botti déclarent être attirés par le clown blanc du cinéma muet, ce « Charlot qui ferait le grand écart entre ses fantasmes et la réalité, un cœur tendre au pays des désillusions » (Christophe et Stéphane Botti, cités dans le livret « Courts mais gay », tome 8, Production Antiprod, 2004). Jean Cocteau était fasciné par les masques, à tel point qu’il a fini par les imiter : l’écrivain Ribadeau Dumas disait de ce dernier qu’il ne souriait jamais : « Cocteau offrait le masque tragique des figures de défilé, la tristesse maquillée du cirque. » (« Apuntes biográficos » de Jean Cocteau, sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) Dans son article « Deux Copi, conformes au maître » (dans le journal Libération du 31 décembre 1999), René Solis salue chez le dramaturge Copi « une souplesse de clown blanc ».
Le film autobiographique « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne commence justement avec une scène d’auto-maquillage de Guillaume, le héros bisexuel, qui se farde le visage devant sa glace de loges à la manière des masques du Nô.
Je vous renvoie également au film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar (avec l’hommage au groupe Kiss ; Kiss est d’ailleurs l’un des groupes favoris du chanteur gay du groupe Placebo), au roman autobiographique Confession d’un masque (1949) de Yukio Mishima, à l’essai La Vérité des masques (1891) qu’Oscar Wilde a écrit à propos de Shakespeare, à la photographe lesbienne Claude Cahun se grimant en clown blanc dans ses Autoportraits (1929), aux masques vivants des petits films « Screen Tests » (1964-1966) d’Andy Warhol », etc.
En général, les personnes homosexuelles attribuent au masque ou au clown blanc toutes les vertus : le mensonge, la dissimulation (par l’art, le sentiment, le génital ou le sensuel) diraient davantage le vrai que la Vérité-même, davantage le beau que la Beauté-même, davantage l’aimant que l’Amour-même. « La forme objective est en réalité la plus subjective. L’homme est moins lui-même quand il parle pour son propre compte. Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité. » (Oscar Wilde, Intentions, cité dans la Correspondance 1945-1970 (1997) de Yukio Mishima, p. 15) ; « J’ai pratiqué l’art du masque. » (Dominique, témoin homosexuel dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) ; « Le motard est un cliché toujours à la mode dans le monde homosexuel, mais, dans le Frigo, je ne peux le définir que comme un clown blanc. » (Stoppani dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, pp. 61-64) ; « Tu ne m’avais jamais dit que mon grand-père faisait des masques de carnaval en papier mâché. » (Alfredo Arias parlant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 156) ; « Vos jeux sont dénués de calcul et de jalousie. » (la voix-off s’adressant à la Reine Christine et à son amante Ebba, s’embrassant sur la bouche et jouant à un bal masqué costumé, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; « Tu multiplies les fêtes tapageuses et les mascarades. » (idem) ; « Tu participes à un jeu dangereux en te dissimulant derrière un nouveau masque. » (idem) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre, Olivier, un agriculteur homo, a eu comme cadeau par sa femme un stage de clown ; et ce stage a fait ressortir son homosexualité latente : « Ça a alimenté mon désir d’être moi, de laisser exprimer ce que j’étais pleinement. » Léo Bassi est un activiste italien endossant le costume du clown blanc pour critiquer le relativisme ambiant et jeter des ponts entre le cirque et la politique, entre la salle et la rue, la scène et la réalité. Il parle du système libéralo-capitaliste mais aussi des valeurs humanistes, et d’homosexualité.
En réalité, le masque n’est pas toujours une loupe du Vrai. Il peut En être au contraire l’écran, et donc être la symbolisation de la lâcheté, de la peur, de l’orgueil humain, de la mauvaise action, du fantasme pervers. Ce n’est pas par hasard si, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans définit le désir homosexuel comme « l’instinct masqué » (p. 146). Le désir homosexuel, en s’éloignant du Réel (= la différence des sexes) et de Dieu, devient un élan honteux (de lui-même), violent quand il s’actualise, et donc un élan qui apprend très vite à la personne qui le ressent à manier l’art de la dissimulation, du masque, de la double vie, de la schizophrénie parfois : cf. le documentaire « Halloween Queen 1 » (1999) de S. Nhieim. « Et le jeune homme reste sur ses gardes, soupçonne qu’on le soupçonne, feint de feindre pour mieux dissimuler ; achète des livres traitant de l’amour hétérosexuel, prend des précautions avec ses amis, évite de confier son numéro de téléphone et ne reste pas indifférent au cours des entretiens où l’on démolit les pédérastes. Dans l’obligation personnelle d’avoir recours aux subterfuges, il sombre en général dans la dissimulation. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 12) Le masque est synonyme de bisexualité ou d’ambiguïté sexuelle : « Ces personnes à sexualité intermédiaire avaient la parole. Leurs lettres me parlaient. Et moi, je les écoutais, les persuadais même dans mes interrogations, d’assumer leur condition dans le respect des autres et de soi-même. Ils démontraient bien cette envie de se livrer à des pratiques sous ce masque, qui paraissait déjà cependant la puissante figure du mensonge. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 105) ; « J’enlevais mon masque d’hétéro pour mettre mon masque d’homo, et inversement. » (Dan Savage parlant de la difficulté de faire son coming out, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.
Par exemple, dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier, le clown blanc est en réalité la personne transgenre (F to M), autrement dit la personne qui se prend pour l’androgyne. Chez le romancier Abdellah Taïa, il est l’icône monstrueuse de la femme-objet cinématographique adorée/détestée : « Sabah y était plus blonde et plus figée que jamais. Sa voix n’avait miraculeusement pas changé mais son visage blanc était devenu un masque, celui de la mort peut-être. » (Abdellah Taïa parlant du retour sur les écrans de l’actrice Sabah, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 67)
Le masque est une technique très courue des happenings de l’« art » contemporain bobo-bisexuel-asexuel, et mime une conscience qui désire se virtualiser, se matérialiser et finalement se déshumaniser : « Les éléments matériels, objets mous ou résistants, propres ou sales, utilisés selon leur nature, prennent, dans le Happening, une importance primordiale. Ce souci d’utilisation de la matière, qui fait que le Happening tient de l’art de la peinture, au moins autant que de celui du théâtre, apparaît encore dans une certaine façon de traiter les personnages comme des objets plutôt que comme des êtres individualisés. Souvent l’acteur est affublé de masques, de linceuls, d’enveloppes de carton, de toiles d’emballages, qui accentuent cette analogie entre l’acteur et l’objet matériel. » (Susan Sontag, « Les Happenings : Art des confrontations radicales », L’Œuvre parle, Œuvres complètes V (1968), p. 408)
b) Carnavals et bals masqués :
Les carnavals et les bals masqués sont des rites qui reviennent régulièrement dans la communauté homosexuelle, communauté qui voudrait célébrer son éloignement du Réel comme une fête éternelle, sans fin. « J’adore le Carnaval, les défilés, les carrosses, les chariots décorés. La seule chose qui me dérange, ce sont les types qui viennent pisser derrière nos arbres du trottoir. » (une des 3 tantes d’Alfredo Arias dans l’autobiographie de ce dernier, Folies-Fantômes (1997) de Copi, p. 111) ; « Il faut aussi savoir que, dans tous les départements d’outre-mer, la période carnavalesque restera encore longtemps un moyen d’expression classique aux homosexuels pour affirmer leur identité. Ce patrimoine national, spécifique à notre région, permet sans conteste aux homos antillais de se montrer à visage découvert. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, dans son roman autobiographique Un Fils différent (2011), p. 184) ; « C’est bien connu. Je fais tout le temps la fête et je me drogue. » (Peter Gehardt, ironique, dans son documentaire « Homo et alors ?!? », 2015) ; etc. Pour ma part, dans mon enfance, j’étais fasciné par le personnage d’Arlequin, les défilés de la mi-carême de ma ville natale (= Cholet), et par la chanson « Au bal masqué » de la Compagnie créole.
Dans le « milieu » LGBT, il y a toujours une très forte tradition de carnavals, de bals et de thés dansants costumés : par exemple le célèbre bal annuel donné dans les salons du Waldorff à New York, le Carnaval Interlope annuel de l’Élysée Montmartre à Paris (auquel j’ai déjà assisté plusieurs fois)… et bien sûr la fameuse Marche des Fiertés, une exportation nord-américaine qui s’est vite mondialisée.
La Gay Pride est un carnaval qui n’a pas conscience de lui-même, comme en attestent les témoignages des pionniers de la manifestation : « Le premier défilé d’homosexuels à Paris eut lieu en juin 1977. Je me souviens de notre départ de la rue Bonaparte jusqu’à Montparnasse ; cette marche eut lieu dans une ambiance festive et plutôt carnavalesque. Les pédés dans les rues, c’était du jamais vu ! Les badauds alignés sur le trottoir, ébahis, applaudissaient notre culot. Certains nous encourageaient à poursuivre le combat, pendant que d’autres exaspérés nous manifestaient leur hostilité. Cette première marche eut surtout un impact médiatique inespéré ; la presse écrite de gauche plaidait notre cause et la télévision commentait la ‘provocation’ : le courage de la minorité silencieuse prenait des proportions extraordinaires. » (Ednar, le héros homosexuel engagé au FHAR, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 173) C’est pour cela qu’il n’est pas très libre, et qu’il vire donc très vite à la violence (souriante, colorée, parodique). Il se gorge d’intentions pour éviter d’avoir à affronter son néant : « Les bals s’inscrivent dans une subculture minoritaire qui leur donne un sens politique. » (Jean-Yves Le Talec, Folles de France (2008), p. 154)
c) Le carnaval dramatique :
Dans ses essais et réflexions, et particulièrement dans Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), Philippe Muray dénonce l’envahissement de la vie quotidienne par la fête d’apparat : « La fête est la force motrice du monde post-historique. » (p. 26)
Et en effet, une fête qui est vidée de son Sens (= le Christ) part forcément en vrille. Elle se vit à la gloire de la jouissance d’une foule individualisée et égocentrée. C’est d’autant plus le cas lors des carnavals LGBT, vidés de Dieu, et où la pulsion sexuelle individualiste (et vaguement altruiste : il s’agit de défendre – avec un masque – toutes les pulsions individuelles) prime : « Quant à la visibilité des homosexuels, j’ai l’impression que c’est un peu un leurre. On ne s’est pas battu pour rien, mais la Gay Pride et le PaCS restent de fausses libertés ; on reste emprisonné dans un ghetto, et si on est visible, c’est derrière un paravent. » (Jean-Daniel Cadinot cité dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 72) ; « Je pense que derrière tout ce carnaval se cache une grande violence. » (Madeleine dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 266)
Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko raconte les soirées thématiques déguisées avec ses amis homos interprétant des personnalités comme Diana Ross, Barbara Streisand, Dalida, Sylvie Vartan… Il décrit surtout l’envers du décor : « On se haïssait. On se scrutait en chiens de faïence. Ainsi allaient nos humeurs. […] Des liens de rivalité et de dépendance, des uns par rapport aux autres, s’installèrent par la suite. Nous étions en fait des assoiffés du renouveau et du sexe, même si nos mœurs nous obligeaient à une pseudo convivialité. » (p. 141)
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