Hier, c’était la première fois que je me rendais au Bal des Quenelles (13e édition) organisé autour du très controversé humoriste Dieudonné à Saint-Lubin-de-la-Haye. J’y suis allé surtout par amitié pour Morgan Priest, mais également par curiosité et envie de rencontrer du monde. Il se trouve que, grâce aux vidéos que j’ai faites avec Morgan, j’ai été reconnu par quelques personnes venues assister au spectacle d’une heure de Dieudo puis à la remise de prix des Quenelles d’or de l’année sacrant les personnalités qui ont le plus « quenellé » (c’est-à-dire « entubé », « enculé ») le « Système ».
Je pourrais faire une étude sociologique entière de ce que j’ai observé hier soir, mais je ne vais pas m’étendre ici (car je n’ai pas le temps). Je me contenterai juste de dire que je ne regrette absolument pas d’y être allé, rien que parce que j’ai fait la connaissance d’un gars super qui s’appelle Alexis (et qui est devenu, en quelques heures, un ami), parce que j’ai revu des gens que j’aime et découvert d’autres que je ne connaissais pas, parce que j’ai beaucoup ri de cette insolence bon enfant et en même temps souvent pertinente et percutante qui caractérise l’esprit de ce meeting politique déguisé en farce potache frondeuse, et parce que j’ai été ému par la liberté de ton ainsi que par les persécutions réelles (censure, perte de travail, pressions, procès, incarcérations parfois) que subissent certains défenseurs de la Vérité aujourd’hui. Dieudo leur offre une tribune amplement méritée, et montre par-là même que derrière son personnage diabolisé de « crapule », c’est un amuseur au grand cœur. Donc mon impression d’ensemble, c’est l’émerveillement. Des soirées comme celles-là reboostent ma conscience politique et me font sortir de la peur, de l’image, du ronronnement ou du désespoir. Merci à Dieudonné pour ça. Quelle bonne et utile rigolade !
Le seul « bémol » (et non des moindres) qui éteint un chouia mon enthousiasme et mon entière adhésion, c’est que parfois, dans le discours de Dieudonné, à certains moments il y a des choses que je ne trouve pas justes. Et notamment par rapport aux personnes homosexuelles. Je trouve que Dieudo manque d’amour à notre égard. Il a eu des phrases de lui qui n’étaient pas jouées, qui ne sortaient pas de ses personnages, mais bien des propos qu’il pensait vraiment lui, en particulier concernant Emmanuel Macron. J’ai beau ne pas aimer du tout la politique de notre président, j’ai beau apprécier le second degré (y compris sur l’homosexualité, et employé par des personnes qui ne sont pas homos), quand Dieudonné sort de manière acerbe « Vas plutôt sucer des bites, espèce de p’tite pédale… » (véridique : sur le coup, j’ai noté la phrase pour m’en souvenir), là, je ne rigole plus. Je trouve que l’humoriste ne distingue pas bien les personnes homosexuelles de la promotion politique de l’homosexualité. Dit autrement, son distingo n’est pas net entre Juifs et sionisme, ou entre personnes homosexuelles et « lobby LGBT », voire même entre homosexualité et sionisme (c.f. son allusion acide à la boîte trans de Tel-Aviv).
Or ces amalgames volontaires marquent une exaspération réelle chez Dieudo, un ressentiment fort, un désir de vengeance, en même temps qu’une confusion intérieure entre actes (ou discours ou images) et personnes. Et c’est d’autant plus malaisant que ça alimente et réveille de manière assez affirmée l’expression ouverte et récriminante d’une homophobie réelle dans le public de Dieudo (Dans les discours qui ont précédé l’arrivée de l’humoriste, certains speakers gilets jaunes se sont lâchés à l’encontre des « LGBTQ qui ne pensent qu’à leur cul », comme si nous personnes homos étions les putes dévirilisées et débauchées du Système… Et toi, petit homo perdu dans cette assistance qui pue la testostérone, tu souris jaune, tu te sens tout d’un coup bien seul et bien symboliquement méprisé par la foule islamo-catho-anarchisée qui t’entoure, qui joue les fiers-à-bras révoltés, et qui aboie par à-coup compulsif son ras-le-bol et ses désirs d’en finir avec la « dictature arc-en-ciel judaïsante »).
Dieudonné peut très bien se draper dans l’excuse de l’humour, de la dénonciation des injustices politiques, se cacher derrière ce qu’il appelle « l’imaginaire », pour dire des vacheries ou lancer ses pics contre certaines personnes ou groupes médiatiques : ça ne change rien. « L’imaginaire c’est l’autre nom du mal », comme dit Jean-Paul Sartre (Je précise que je ne suis pas fan de Sartre : il a écrit beaucoup de conneries. Mais sa définition de l’imaginaire, dans son livre Saint Genet, comédien et martyr, je l’ai retenue ; et je trouve cette distinction entre l’imagination – qui peut être bonne quand elle est reliée à la Vérité – et l’imaginaire – qui lui est l’autre nom du mal – particulièrement pertinente). Dieudonné, sur scène, bien souvent prétexte de « faire parler son imaginaire » pour dire que sa haine est cachée, drôle et est permise du moment qu’elle n’est pas ouvertement exposée à la figure de la personne qu’il attaque. Sauf que, je pense que finalement, en exposant son « imaginaire », à savoir son mal et ses désirs de vengeance, à un auditoire largement acquis à sa cause, il crée/alimente une haine homophobe qui ne s’avoue pas elle-même.
Et ça, évidemment que ça me dérange ! Car il faut aimer les personnes homosexuelles. Et j’ai senti, tout au long de son spectacle, dans les rares moments où il était question d’homosexualité, un fort ressentiment dans la foule. J’ai senti une rancœur, un agacement, une exaspération… que je comprends, attention : parce qu’il y a plein de lois actuellement qui passent au nom des personnes homosexuelles alors qu’elles n’ont rien à voir avec l’homosexualité, et qui sont des lois injustes, même parfois des trafics humains. Je comprends le ressentiment. Je comprends que le public dieudonnéen (la « Dieudosphère »), notamment croyant ou soi-disant « hétérosexuel », soit agacé. Mais je ne peux pas justifier la haine et la vengeance.
Conclusion : j’ai aimé mon premier Bal des Quenelles… mais Dieudonné a encore énormément de progrès à faire pour aimer les personnes homosexuelles, ne pas les ignorer ou écarter, et ne pas sélectionner (par la caricature plus ou moins consciente) ses amis ou victimes ainsi que ses ennemis.
Je sais bien. C’est extrêmement difficile de s’imaginer que le discours christo-centré ou biblico-centré du protestantisme sera celui de la Nouvelle Religion mondiale de l’Antéchrist. Cela a de quoi nous désorienter fortement, ébranler notre foi. Mais c’est fascinant aussi. Nous devons nous y faire et nous entraîner à dépister ce paradoxe de l’Antéchrist. Il est probable que l’Antéchrist et ses prophètes – se présentant volontiers comme des anti-Antéchrist, des hors-Système, et des pourfendeurs du Gouvernement Mondial – défendent ouvertement la Bible et le Christ comme leur seul Sauveur, afin de s’acheter auprès des gens une sécurité et une légitimité imparables. En revanche, comme par hasard, ils envoient balader l’humanité divine de la Vierge, les sacrements, l’Église-Institution catholique, le Pape, le pardon, l’Espérance, le purgatoire, la Croix, l’Eucharistie, la communauté des cathos, etc. C’est à ces « détails » près qu’on peut tout de suite voir qu’ils se servent de Dieu pour ne pas L’écouter.
Ce travail extrêmement subtil de travestissement, je l’observe actuellement chez les « chrétiens » complotistes de la bande à Dieudo et Soral par exemple (« Le Christ contre le CRIF ! » déclare le second) : ces chrétiens alternatifs ex-protestants, ces agents anti-antichrist de l’Antéchrist, qui feignent de louer le Seigneur pour finalement s’attaquer à Lui, qui feignent de s’en prendre à l’Antéchrist pour le soutenir inconsciemment, ces représentants de ce « catholicisme identitaire » dont la foi se résume à « la fin justifie les moyens » (cf. les dernières secondes de l’interview de Soral)
Concernant ce surprenant et paradoxal christianisme antéchristique, je voudrais faire un petit encart sur une personnalité hors du commun que j’ai découverte il n’y a pas longtemps : Morgan Priest. La caution prophétique du messianisme bibliste à la Dieudo, justement. Né en 1979 (il a un an de plus que moi), il dit avoir rencontré Dieu en 2012. Il a un look marginal (gothique) qui peut effrayer autant que séduire, car ça le sort du cliché propret du « catho coincé langue-de-bois ». Plus c’est gros, plus ça passe ! Morgan Priest est un homme qui s’habille comme un prêtre, avec la soutane, les boucles d’oreilles, la croix du Christ autour du cou, et qui parle beaucoup des fins dernières dans ses vidéos Youtube. Intellectuel bibliste tout à fait pertinent dans ses dires, ne manquant pas d’humour de surcroît, il développe un discours subtil et souvent vrai, mais très dangereux. Je vous invite à voir le génie diabolique qu’il déploie à travers une de ses allocutions que j’ai regardée en entier et qui m’a bluffé tellement elle pourrait séduire bien des catholiques et prend l’apparence du bien.
Force est de reconnaître que ce Morgan Priest est très fort. C’est un bon orateur, très nuancé et super sympa, pas du tout caricatural (en apparences) dans ses propos. Il sait détendre l’atmosphère par des petites blagounettes « djeunes » bien placées. Il tutoie son auditoire et on peut le tutoyer. Il sait instaurer une camaraderie collective, un vrai climat de confiance. En plus, il rassure tous ceux qui croient vaguement « en Dieu », en ne s’imposant pas comme le prosélyte religieux mandaté par une religion instituée. Non. C’est un « libre croyant ». Il se définit d’ailleurs comme « chrétien » ni protestant ni catholique, « un chrétien biblique » (je ne connaissais pas cette dénomination : ça vient de sortir). Il a déjà instauré avec ses nouveaux disciples born again plein de petits rituels empruntés aux grandes religions traditionnelles, en proposant une forme de synthèse sincrétique et œcuménique du protestantisme, adaptable à tous : par exemple, pendant sa conférence, il échange « la Paix du Christ » avec certains frères croyants. Et quelques « amen » d’approbation convaincue s’élèvent de temps en temps jusqu’à lui, comme chez les Évangéliques. Morgane Priest est fin connaisseur de la Bible : il la cite abondamment et la connaît sur le bout des doigts. Il assure « prier » souvent. Il chante les louanges de Dieu. Il Le reconnaît même comme « le Seigneur » : « Dieu fait des miracles. Dieu est vivant. Il fait des choses insoupçonnées. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de la prière » Il défend la prévalence de la liberté dans la pratique religieuse, et donne une image de la foi très accessible et peu contraignante. Il possède un bon bagage théologique, philosophique et même télévisuel. Alors évidemment, c’est très sécurisant pour tout le monde, y compris les incroyants. Il passe d’une émotion à une autre, souvent contraires (joie, tristesse, peur, conviction, rire, etc.), captant ainsi l’attention du spectateur lambda et créant de la sensation forte comme si c’était accidentel.
Dans le discours de Morgan Priest, il y a énormément d’optimisme mystique matiné d’humour… mais absolument pas d’Espérance, en fait. Il insiste beaucoup trop sur les faits (on reconnaît là la patte paranoïaque de Soral et des ex-votants FN, dont le pilier idéologique et discursif est « la RÉALITÉ», « la dénonciation des faits », « l’importance d’avoir raison avant d’aimer », « la lucidité », le pragmatisme spiritualiste) et sur la méchanceté du Gouvernement Mondial pour ne pas les appuyer inconsciemment. Car la lucidité n’est pas la Vérité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Morgan Priest passe davantage son temps à dire que tout n’est qu’apparences dont il ne faudrait pas se fier qu’à défendre les vérités incarnées. Son fond de commerce est la mise en garde. Il joue beaucoup sur l’impression et les effets d’annonce du genre « Attention, ce que je vais vous dire est impressionnant, inédit et secret » (« Là, je vais vraiment vous choquer. » ; « J’espère qu’il n’y a pas d’enfants dans la salle… »). Il s’appuie sur une quantité colossale de chiffres et d’images censées être des documents hyper compromettants et cachés du grand public. « Ce qui m’intéresse, ce sont les faits massifs. » dit-il. Tout cela dans le but de flatter mais aussi d’impressionner son public.
Si j’ai un conseil à donner : ce n’est certainement pas sur son look qu’il faut le contrer, ni même sur les faits qu’il relève. Car tout est mêlé dans son discours : le très vrai et inédit, et puis le très faux. En effet, il prévient de choses que moi-même j’ai étudiées et qui tiennent parfois la route (la puce RFID, les documents biométriques, les Illuminati, le Gouvernement Mondial, les réseaux pédo-satanistes, le Projet Bluebeam, les Guidestones, le Projet HAARP, les chemtrails, la faillite des États, la mutation de la crise économique en Guerre Mondiale, les illusions holographiques, les camps de la FEMA aux États-Unis, etc.). Il a le nez creux pour annoncer énormément de prophéties eschatologiques qui m’ont aussi été rapportées par d’autres canaux plus doctrinaux. Par exemple, il a raison quand il prévient contre les travers laïcistes et individualistes de l’Humanisme intégral (« L’athéisme, c’est l’Homme au centre de tout »). Il définit le Gouvernance atlantiste mondiale avec des mots très précis et justes : « Ère de coopération internationale » C’est tout à fait le nom que j’aurais donné à la Nouvelle Religion mondiale, par exemple. Il semble aussi s’approcher du vrai quand il décrit la manœuvre du Nouvel Ordre Mondial de faire en sorte que l’islam et le sionisme politique se neutralisent entre eux. Il évoque plein de scoops qui ont l’air scientifiquement crédibles et que peu de gens connaissent, alors bien évidemment ça fascine les néophytes et l’effet de surprise est garanti dans la salle. Il en fout plein la vue. Et le zapping audiovisuel achève de convaincre les quelques sceptiques.
En y regardant de plus près, Morgane Priest n’est pas si scientifique et érudit qu’il le prétend. Car il insiste énormément sur la notion – très satanique, en réalité – de sincérité (notion qui se substitue à la Vérité) et sur celle – non moins satanique – d’autonomie (concept dissident qui se substitue à la liberté dans l’obéissance au Christ et son Église). Et avec un peu de sentimentalisme individualiste et spiritualiste par-dessus tout cela, ça se boit très bien ! : « Dieu, c’est toujours une histoire de cœur. Vraiment. L’important, c’est ce que tu penses dans ton cœur. Si tu as été sincère, c’est ça qui compte. » « Si ton cœur a été sincère », tu seras sauvé !
Pour rejoindre le même ordre d’idées, ce qui marque quand on visite le blog de Morgan Priest, c’est que les demandes de fric clignotent de partout. Car oui, la sincérité a un prix (plus élevé que ce que le sincère nous propose sincèrement) ! Cela montre que la gratuité et l’humilité ne sont pas là, et que notre prêtre dissident n’est pas autant au service de son message qu’il le prétend. Car si on l’écoute, on a pourtant l’impression qu’il est complètement désintéressé. Il passe son temps à prévenir contre le Dieu Mammon (Argent), en plus ! Il critique les catholiques et leurs indulgences médiévales, en vantant la gratuité du Salut (« C’est la foi qui sauve. Pas les œuvres, malheureusement. »)… mais dans les faits, il empoche volontiers l’argent sur lequel il crache !
Mais au-delà des considérations matérielles et formelles, c’est vraiment sur son désamour de la Vierge Marie et de l’Église catholique que Morgane Priest finit par se décrédibiliser et par faire tomber son masque. Le masque de l’orchestration misanthrope de l’opposition entre l’Homme et Dieu, entre le Fils (Jésus)/la Fille (Marie) et le Père (Dieu), entre l’Église et Jésus : « Je ne prêche pas l’Homme : je prêche Jésus-Christ Seigneur et Sauveur » affirme-t-il dans une autre de ses vidéos. « Tout le pouvoir est en Dieu et non plus en les hommes » (idem) Sur la fin de sa conférence à la Main d’or, dans les dernières minutes, notre orateur est hallucinant de mauvaise foi, une mauvaise foi s’annonçant comme la vraie foi. Il se met comme par hasard à dévaluer la Vierge Marie, le sacrement du pardon, les neuvaines, le purgatoire, le Pape, tout ça en continuant à chanter les louanges de Jésus et de la Bible : « Je crois personnellement que l’Antéchrist viendra de l’Église catholique. Je pense même que c’est le Pape François. » (2h34) Il qualifie Rome comme « Babylone la Grande » d’où émergera l’Antéchrist. Il est facile de voir que ce touche-à-tout religieux cache un orgueil de ne pas tout contrôler et de vouloir tout savoir (à travers une gnose bibliste pseudo exégétique). « Au départ, avant d’être vraiment et totalement en Christ, j’étais dans le catholicisme. Je priais Marie, je priais le Rosaire. Je faisais plein de choses comme ça. Je comprenais pas tout. Loin de là. C’est bien d’ailleurs parce que je ne comprenais pas tout que j’étais dedans. Et puis après, j’ai connu… Dieu m’a renvoyé vers les protestants : donc j’ai connu les églises évangéliques, pentecôtistes, adventistes, etc. J’ai tâtonné à droite à gauche. Et le Seigneur m’en a sorti aussi, pour devenir juste biblique, tu vois. Parce que j’ai vu qu’il y avait certaines hérésies. Alors c’est important d’être entouré de chrétiens, mais parfois c’est dur de se concentrer et d’être entouré de certaines hérésies. » Fait qui n’est absolument pas anodin : Morgan Priest remet en cause, à la fin de son topo, l’humanité divine de Marie, en prétendant qu’elle n’est que la mère humaine de Jésus, mais pas la mère de Dieu : « Marie n’est pas la mère de la partie divine du Christ. » (2h36) Il invalide les neuvaines à la Vierge devant un auditeur catholique qui lui assurait qu’il avait arrêté le tabac grâce aux neuvaines qu’ils avaient récitées. Il essaie de le décourager : « Les neuvaines, c’est pas biblique. Lis la Bible et tu verras. ». Comme par hasard, il récuse aussi l’existence du purgatoire (so protestant…). « C’est toujours un instrument de pouvoir, le catholicisme. Je ne dis pas qu’ils n’ont fait que des mauvaises choses, loin de là. Ils ont fait de très bonnes choses. Mais ils ont fait croire aussi qu’on pouvait avoir le Salut par les œuvres. » En somme, il ne croit pas en la responsabilité, en la liberté et en la collaboration active des Hommes dans l’œuvre de Salut divin donné par Dieu, ni aux actes de pénitence (qu’il confond avec les indulgences), ni même au sacrement de réconciliation : « Tu ne peux pas racheter tes péchés. Soit tu demandes pardon, et tu essaies de ne plus recommencer… mais c’est pas tes œuvres qui te sauvent. »
Son hypocrisie et son apostasie ne s’arrêtent pas là. Morgan Priest balance toutes ces contre-vérités pour, juste après, faire genre qu’il ne les a pas dites avec présomption, et en soutenant qu’il n’est pas sûr de ce qu’il vient de dire. Il habille ses propos d’un vernis d’incertitude et d’humilité : « Tu sais, avec l’eschatologie, il faut être très très humble. Je me suis basé sur du factuel, avec des vidéos. Mais l’eschatologie, c’est très très délicat. C’est mon humble étude, encore une fois. Ne prends pas tout ce que je te dis pour argent comptant. Une seule chose est sûre : c’est que Jésus est notre seul Sauveur, il est le seul à pouvoir nous sauver. » Comme je l’ai déjà dit, « Je suis toujours mal à l’aise avec les grands hommes qui parlent trop d’humilité… » (Billy Stangby dans le roman Le Père Élijah (1996) de Jonathan O’Brien) Morgan Priest a la finesse de simuler qu’il ne prend pas la Bible au pied de la lettre, en proposant le second degré interprétatif de la métaphore et du symbolisme. Il a la prudence de ne pas s’annoncer comme le dépositaire d’une révélation divine privée qu’il possèderait à lui tout seul et magiquement. Monsieur le Curé dissident se fait généreux et discret : « Je ne suis pas prophète. Je ne suis pas gourou. » Même s’il annonce pleins d’événements du futur, il éteint sa présomption de visionnaire par un semblant d’humilité. Par exemple, concernant la date de la Parousie, il déclare : « Je n’ai pas la date. » C’est presque beau. Et on y croirait quasiment…
Ce qui est discrètement choquant chez Morgan Priest, c’est la contradiction entre son discours et les actes. Il dit que Dieu l’a sauvé et qu’il est un ancien sataniste… mais pourtant, il en conserve toutes les caractéristiques. Pendant le temps de conférence, il est saisissant de voir que parallèlement à la jovialité, le prêtre gothique a énormément de mal à écouter. Dans sa manière de s’exprimer, il adopte parfois un ton injonctif (quand il se dirige à son lecteur de la Bible, notamment) très surprenant, qui contraste avec sa douceur d’apparat. Pendant le temps des questions, on peut constater qu’il n’a pas de patience. Il coupe la parole à son auditoire. Mais personne ne semble s’en rendre compte.
De plus, il cite la Bible et le Christ, mais sa démarche n’est pas une démarche d’humilité et d’obéissance (à part d’obéissance littérale à la Bible). Il a l’air d’être centré sur le Christ qu’il annonce clairement comme Fils de Dieu et comme Dieu d’Amour. Mais il fait comme les protestants : il nie le corps ecclésial de Jésus qu’est l’Église catholique pour ne réduire Dieu qu’à sa tête (= Jésus).
Il met en garde contre les dangers du satanisme, du magnétisme, de la franc-maçonnerie, de la voyance. Du coup, il s’assure une solide couverture. Qui ira suspecter un type passant son temps à dire que le diable est suprêmement intelligent, de se laisser tromper par lui et de le servir ? Qui peut soupçonner un type prévenant les autres contre lui-même de s’attaquer lui-même ? Qui peut soupçonner un type affable et sympa, parlant super bien, s’annonçant comme un ex-sataniste et un ex-franc-maçon, de retomber dans ses anciens travers ésotériques et satanistes ? Personne. Et pourtant, lui-même finit par se comparer au diable. « Satan, il se déplaçait avec ses grandes ailes. Il était majestueux… comme moi ! Non, j’plaisante. » (2h01’30) Il déclare qu’il faut se méfier des faux prophètes et des gens qui se prennent pour Dieu (« C’est énervant de voir que certains se font prophètes. »)… mais c’est pourtant ce qu’il fait en s’habillant comme un prêtre, et en s’autoproclamant prélat par le choix de son pseudonyme ! Bref. Prudence, mes enfants, prudence. Les faux prophètes sont tellement rusés qu’ils sont capables de mettre les autres en garde contre eux-mêmes pour s’innocenter à leurs yeux.