Je suis en train de préparer l’audio de demain sur les apparitions (eschatologiques) de la Vierge Marie. C’est vraiment passionnant. Et quand je vois cette photo des bergers de Fatima (Lucia, saint Francisco et sainte Jacinta), je ne peux que m’émerveiller de leur humilité. Ils ont vu la Vierge… et ils pourraient, à cause de cela, prendre la pose, sourire, faire leurs intéressants, se mettre en avant, jouer les enfants illuminés et pleins de piété, pour prouver au monde qu’ils n’ont rien inventé. Mais non. On ne lit dans leur visage que la Croix (crainte, gravité, pénitence, pauvreté, souffrance). C’est magnifique, cette gravité. Et même si c’était aussi la mode à l’époque de rester hiératique sur les clichés, à elle seule, cette photo prouve que les trois voyants ont vraiment vu Marie.
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Film « Le 13e Jour » sur les apparitions de Fatima en 1917 : pourquoi ne pas relayer les appels insistants de la Vierge ?
Je reviens d’aller voir le film britannique « Le 13e Jour » (2016) de Dominic et Ian Higgins qui vient de sortir au cinéma en France, dans peu de salles, et que je vous invite à aller voir, surtout si vous ne connaissez pas les apparitions de la Vierge Marie à Fatima : Marie est en effet apparue en 1917 à trois bergers portugais – Lucia, Francisco et Jacinta – pendant 6 mois et toujours le treizième jour de chacun de ces mois, pour leur délivrer trois secrets. Authentifiés par l’Église catholique, il reste énormément de zones d’ombre à leur sujet.
Mon colocataire s’était rendu à l’avant-première du film en décembre de l’année dernière, juste avant que je me rende moi-même sur place à Fatima pour le jour de Noël (où j’ai appris plein de choses, mais c’est le lever de boucliers dès que vous essayez d’enquêter sur le troisième secret). Il m’avait dit que le film n’était pas mal, mais qu’il survolait les trois secrets pour se centrer sur la vie des trois pastoureaux. Il constituait donc un docu-fiction intéressant pour les néophytes, une bonne vulgarisation et un avant-goût des apparitions de Fatima, mais pas une œuvre fouillée.
Et en effet, en le voyant aujourd’hui, je suis ressorti très partagé. À la fois je ne peux que me réjouir que le cinéma aide à faire connaître à un large public et à extraire du passé un événement aussi important pour le monde que les apparitions mariales de Fatima, à la fois ça me révolte que ça soit fait comme ça, de manière aussi brouillonne et superficielle. Le pire, c’est que la falsification historique se donne des airs d’archives, de commémoration fidèle, de document réaliste et journalistique, de résurrection de la mémoire catholique, d’hommage spirituel… alors que concrètement, les messages de la Vierge sont survolés, rétrécis au lavage, et même transformés. Et ça, comme dirait Helmut Fritz, « Ça m’énerve ».
Ce qui m’agace, c’est que l’essentiel des apparitions – le contenu des avertissements de la Vierge – est relégué au rang de détail, puis remplacé par la réactions extérieure et postérieure, par l’impression, l’émotivité qu’ils suscitent. Le film dévoile davantage les conséquences de la censure dont les trois secrets font l’objet que la réalité et le sens des secrets en eux-mêmes. Comme si la Sainte Vierge était venue pour rien, avait presque été muette lors de ses apparitions, n’avait averti de rien. Les trois secrets sont figés en historiettes symboliques, tiennent en 2-3 phrases. Hallucinant, cet hommage qui n’en est pas un, ce passage de micro à la Vierge pour finalement le lui couper préalablement. On déplace le centre du message sur ses effets, ou vers les difficultés de vivre avec. C’est fou ! La beauté et la gravité de la Vérité méritent-elles une pareille guimauve pleurnicharde ? un tel silence ? Je ne comprends pas.
La mise en scène du « 13e Jour », aussi naturaliste qu’elle veuille être (on nous montre en fil conducteur la voix-off de sœur Lucie qui écrit/relit ses mémoires), est complètement trafiquée, romancée, dramatisée. Le pathos dégouline. La musique mélo occupe trop d’espace. Tout y est larmoyant. Sans compter les doublages de mauvaise qualité, les ralentis kitschissimes, les esthétisations douteuses (exemple : la larme de sang qui coule de l’œil de Jacinthe au moment de sa mort ; ou encore la simulation d’arrivée Superman de la Vierge dans les nuages). Dans ce film, la joie est très peu présente, sauf à quelques rares moments où c’est carrément la pluie de pétales de roses à la fin, l’extase-guimauve. Sinon, c’est de la pleurniche tout le temps. Je doute que ça se soit passé comme ça dans la réalité.
« Le 13e Jour » sent le montage à tous les étages. Comme dans les films de reconstitution « historique » actuels, travaillés à grand renfort d’images de synthèse (je pense à « Qué viva Esenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, ou encore à « Moulin Rouge » (2001) à Baz Luhrmann), on a l’impression avec « Le 13e Jour » que toutes les images sont formatées pour faire vieillottes, pour faire « d’époque », mais c’est un massacre au bistouri cinématographique aussi voyant que les photos retouchées des trois bergers de Fatima. Ravalement de façade monstrueux.
Tous les personnages sont manichéisés et simplifiés à l’extrême. Le scénario semble d’ailleurs suivre la trame des tableaux de « La Belle et la Bête » de Walt Disney (c’est vous dire le niveau). Le seul personnage à qui le film a rendu fidèlement un peu de son épaisseur, un peu de psychologie et de contradictions, c’est Jacinthe. Sainte Jacinthe. Il la montre comme une fillette un peu trop auto-centrée, parfois capricieuse et boudeuse, têtue, avec un grain de folie et de fantaisie (elle aimait danser). J’aime ces saints à qui on laisse l’impétuosité et les défauts : ça les rend très accessibles, surtout pour nous tous pécheurs.
Pour le reste, zéro psychologie. La mère de Lucie est présentée les trois-quarts du temps comme une marâtre. Les autres personnages sont pour la plupart dépeints comme des sceptiques (à deux exceptions près), voire comme des méchants de dessin animé, des gangsters Al Capone, des parrains de la mafia Santa Barbara.
Le plus embêtant, cela reste les imprécisions, voire carrément les falsifications qu’on prête à la Vierge et aux enfants. Le film « Le 13e Jour » a dû choisir et faire des coupes pour ne pas durer trop longtemps, j’en conviens, mais là, ce ne sont pas de simples coupes. C’est de la désinformation. Par exemple, quelques mois avant les apparitions mariales, les trois enfants ont vu l’Ange du Portugal (probablement l’Ange Gabriel) à trois reprises à Loca do Cabeço, qui les a préparé à prier et à accueillir la venue de la Vierge. Il n’en est pas du tout fait mention. Pas plus qu’il n’est montré que le jeune berger Francisco, pendant les apparitions de la Vierge, voyait tout mais n’entendait rien. Ce sont sa sœur et sa cousine qui lui rapportaient ce qu’elles entendaient. Plus gênant encore est le choix interprétatif des réalisateurs du film de réduire le premier secret à sa dimension de film d’horreur (alors que, aux enfers, concrètement, les enfants ont vu beaucoup de prêtres et de cardinaux, et ont beaucoup plus de choses à en dire !), de réduire le deuxième secret aux deux premières Guerres Mondiales (sans aller voir plus loin vers la Troisième Guerre Mondiale et la Fin des temps), de réduire le troisième secret à l’attentat du Pape Jean-Paul II et à la Guerre Froide (et non au schisme à l’intérieur de l’Église, aux tribulations contre le Pape François et ses quelques prêtres fidèles, à la Fin des temps). Les secrets de Fatima renvoient d’une part à la vision des enfers (1er secret), en second lieu à la Seconde Guerre Mondiale et au communisme (2e secret), et en troisième lieu à la Fin des temps et aux Trois Jours de Ténèbres. Ils ne sont nullement « de simples images ».
La démarche de la Vierge n’est donc pas du tout respectée. Le troisième secret n’est pas qu’une image d’Épinal légendaire ou appartenant au passé. L’appel virginal intègre la dualité des miracles de Dieu. Car lorsque les Hommes, grâce à la Vierge, obtiennent exceptionnellement du Père des preuves de Son existence (par exemple, la « Danse du Soleil » du 13 octobre 1917, devant 70 000 personnes, dont des journalistes et une majorité d’incrédules), ce n’est jamais gratuit et ça ne se fait pas sans douleur. La preuve irréfutable de Dieu ôte forcément une grande part de foi, de confiance et de liberté à ceux qui en bénéficient, coûte souvent un bras, et a toujours sa face amère de violence et de crainte. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette fameuse « Danse du Soleil », loin d’être simplement un cadeau ou une démonstration de force, a généré une véritable scène de panique parmi la foule qui l’a vue. Car les preuves de l’existence de Dieu ressemblent à un châtiment, à un sévère avertissement, à un appel empressé à la conversion… ce que ne montre pas « Le 13e Jour ». Au contraire : dans le film, la scène de panique du troisième secret se dilue en pluie de confettis (pétales de rose), en messages infantilisants et pacifiques. « Le 13e Jour » se conclut par un mot sirupeux et bobo de sœur Lucie (« J’ai l’espoir que Fatima symbolisera toujours la lumière dans l’obscurité. Une lumière qui nous conduira à la Paix. »). Et dans le générique final, on nous invite à « conserver notre âme d’enfant » : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. ». L’appel pressant à la conversion ? Nulle part. Le caractère urgent et mondial et concret des trois secrets ? Évaporé ! La Vierge Marie ? Gentiment remerciée et non-exaucée dans sa demande.
Ce n’est pas un hasard si le pape Benoît XVI a expliqué en 2010 que le troisième secret de Fatima ne s’était pas encore accompli, et que le message d’Akita au Japon et le troisième secret de Fatima avaient exactement le même contenu. Or, si on regarde la version officielle du troisième secret divulguée par le Vatican en 1960, on voit bien qu’il y a rétention d’informations. Voici les propos prêtés à sœur Lucie : « Après les deux parties que j’ai déjà exposées, nous avons vu sur le côté gauche de Notre-Dame, un peu plus en hauteur, un Ange avec une épée de feu dans la main gauche ; elle scintillait et émettait des flammes qui, semblait-il, devaient incendier le monde ; mais elles s’éteignaient au contact de la splendeur qui émanait de la main droite de Notre-Dame en direction de lui ; l’Ange, indiquant la terre avec sa main droite, dit d’une voix forte : ‘Pénitence ! Pénitence ! Pénitence !’. Et nous vîmes dans une lumière immense qui est Dieu quelque chose de semblable, à la manière dont se voient les personnes dans un miroir quand elles passent devant, à un Evêque vêtu de Blanc, nous avons eu le pressentiment que c’était le Saint-Père. (Nous vîmes) divers autres évêques, prêtres, religieux et religieuses monter sur une montagne escarpée, au sommet de laquelle il y avait une grande Croix en troncs bruts, comme s’ils étaient en chêne-liège avec leur écorce ; avant d’y arriver, le Saint-Père traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas vacillant, affligé de souffrance et de peine, il priait pour les âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin ; parvenu au sommet de la montagne, prosterné à genoux au pied de la grande Croix, il fut tué par un groupe de soldats qui tirèrent plusieurs coups avec une arme à feu et des flèches; et de la même manière moururent les uns après les autres les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses et divers laïcs, hommes et femmes de classes et de catégories sociales différentes. Sous les deux bras de la Croix, il y avait deux Anges, chacun avec un arrosoir de cristal à la main, dans lequel ils recueillaient le sang des Martyrs et avec lequel ils irriguaient les âmes qui s’approchaient de Dieu. » Si l’on compare cette version avec la prophétie d’Akita (la Vierge s’adressant à sœur Agnès le 13 octobre 1973, jour anniversaire de la dernière Apparition de la Vierge à Fatima, en plus !), il n’y a pas photo : le texte du troisième secret de Fatima a été carrément édulcoré dans la métaphore, et même tronqué. Sœur Agnès rapporte en effet les propos de la Vierge en ces termes : « Ma fille chérie, écoute bien ce que je vais te dire maintenant, et transmets-le à ton Supérieur. Comme je l’ai déjà annoncé précédemment, SI LES HOMMES NE SE CONVERTISSENT PAS, le Père fera tomber sur toute l’Humanité un grand châtiment. Sans aucun doute ce sera un châtiment plus grave que le déluge, tel qu’on n’a encore jamais vu. Le Feu tombera du Ciel. Par ce châtiment une grande partie de l’Humanité sera détruite. Les Prêtres mourront comme les fidèles. Les hommes qui seront épargnés connaîtront de telles souffrances qu’ils envieront ceux qui sont morts. Alors la seule arme qui restera sera : le ROSAIRE et le SIGNE laissé par le Fils. Chaque jour récitez la prière du Rosaire. Avec la Prière du Rosaire, priez pour les Évêques et pour les Prêtres. L’action du démon a pénétré jusque dans l’Église. Les Cardinaux se dresseront contre les Cardinaux, et les Évêques contre les Évêques. Les prêtres qui M’honoreront seront méprisés, vilipendés, combattus par leurs confrères. L’Autel, l’Église seront saccagés. L’Église sera remplie de gens à compromissions. Par l’action du démon, beaucoup de Prêtres et de Religieuses abandonneront leur Vocation. Le démon s’acharnera tout spécialement contre ceux qui se seront offerts au Père. La perte de beaucoup d’âmes est la cause de ma douleur. » Il y a donc quelque chose qui ne colle pas entre la ressemblance Fatima/Akita confirmée par le pape Benoît XVI et l’écart qu’on observe entre les deux compte-rendus officiels de Fatima et d’Akita. Cherchez l’erreur…
L’autre niveau du troisième secret de Fatima est, me semble-t-il, eschatologique et d’anticipation : la « Danse du Soleil » n’est pas juste une démonstration de force de Marie-magicienne ni une performance pour impressionner la galerie, contrairement à ce que donne à penser « Le 13e Jour ». C’est bien plus que cela : c’est une préfiguration de ce qui va se passer à la Fin des temps et aux Trois Jours de Ténèbres. Il est dit dans la Bible que le Jugement Dernier descendra sur terre non simplement par l’eau (comme ce fut le cas pour Noé) mais par le fer et le feu. On ne saurait être plus clair. Malgré ses limites, le documentaire exceptionnel de Pierre Barnérias, « M et le Troisième Secret », est bien plus fidèle au caractère prophétique, annonciateur, urgent et concret, du troisième secret de Fatima, que ne l’est « Le 13e Jour ». Pierre Barnérias prend la Vierge vraiment plus au sérieux. Et il a raison. C’est quand même un monde que la Vierge Marie, qui n’apparaît jamais pour rien, soit censurée de la sorte par ceux-là même qui se portent volontaire pour relayer son message !
À mon avis, le troisième secret, tout comme à Akita, parle : 1) que les ¾ de l’Humanité risque de disparaître si le monde n’écoute pas la Vierge et ne se convertit pas (c’est la Justice et les Trois Jours de Ténèbres qui tombent après le temps de Miséricorde : c’est ni plus ni moins ça, le secret de Fatima) ; 2) du risque de cataclysmes écologiques d’une envergure inimaginable (peut-être créés par un bombardement nucléaire) ; 3) d’une forte perturbation à la tête de l’Église et autour du Pape (c’est bien pour ça que le Vatican a du mal à divulguer le troisième secret ; d’ailleurs, dans celui-ci, le Pape n’est pas tué seul mais avec un groupe de disciples, et par une armée de soldats qui les visent avec des balles ou des flèches : par conséquent, le troisième secret n’est pas, comme l’induit « Le 13e Jour », l’attentat de 1981 du Pape Jean-Paul II !). « L’Année de la Miséricorde » proposée par le Pape François, ainsi que son intérêt soudain pour la France, puis son Encyclique Laudato Si pointant le risque de catastrophes naturelles, n’arrivent pas par hasard : le Pape François et le Pape Benoît XVI connaissent la feuille de route, le déroulement dévoilé par les secrets de Fatima, le script des fins dernières. On ne nous la fait pas ! C’est juste pour éviter la panique et pour produire l’effet inverse que voulait la Sainte Vierge (à savoir le regain de confiance) que certainement les Papes connaissant le troisième secret de Fatima se taisent concernant ce dernier. Mais il y a aussi une raison moins noble : la désobéissance à la sainte Vierge. Et ça, ça fait très mal. Le Père Malachi Martin, qui a pris connaissance du véritable troisième secret de Fatima, en 1998, une année avant sa mort, avait dit : « Vous savez, si le Vatican révélait le 3e secret ce serait un tel choc chez les gens, que les églises seraient immédiatement remplies de fidèles à genoux, les confessionnaux de toutes les églises, cathédrales et basiliques seraient pleins à craquer, même le samedi soir ! » Ce n’est pas du tout l’impulsion que donne aux spectateurs le film « Le 13e Jour ». Donc je vous engage à aller le voir, surtout si vous ne connaissez pas Fatima. Mais après, il va falloir approfondir ailleurs.