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Code n°17 – Bergère (sous-codes : Peau d’âne / Femme-objet / Joconde)

Icône 17

Bergère

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Pourquoi on a du mal à aimer une femme ? (La célébration homosexuelle de la femme-objet idéalisée… au détriment de la femme réelle : sois belle et tais-toi)

 

Rita Hayworth

Rita Hayworth

 

Les individus homosexuels aiment-ils particulièrement la femme ? Non. Ils peuvent la trouver « objectivement » belle, désirable, terriblement forte et attirante… mais en général, ils lui préfèrent la femme-objet (l’actrice, le mannequin, la chanteuse). Leur rapport avec la femme réelle, confondue avec la femme cinématographique, peut être passionnel, charnel, érotique, amoureux… mais en tous cas il n’est pas aimant : là est tout le paradoxe !
 

Même si la majorité des hommes gays n’ont pas d’attirance sexuelle pour les femmes, en revanche, il serait faux de dire qu’ils n’ont aucune attirance du tout, ni surtout aucune projection fantasmatique (voire érotisée) sur elles. Il y a du désir. Un désir idolâtre, peu fiable, misogyne en ses fonds, mais un désir quand même. Disons qu’ils sont fous de la femme-objet qu’ils ont confondue avec la femme réelle… si bien qu’ils méprisent inconsciemment la seconde en la réduisant à une équation esthétique et émotionnelle, à un montage sculptural, à une caricature de féminité, à un moule sur-féminin (qui force les femmes à être plus qu’elles-mêmes ! à être des hommes-objet ou des pères-objet !). Ayant parfois grandi dans des univers très féminins, dans des maisons de poupées bourgeoises, il arrive qu’ils soient à l’âge adulte les constructeurs et les annonciateurs de l’imagerie féminine qui sera adoptée par une société.
 

En général, l’égérie gay représente une vierge maternelle, une grand-mère transfigurée de lumière, la bergère gentillette des romans pastoraux, la Vénus végétale, la jumelle narcissique, l’Ophélie de Millais : Charpini & Brancato « J’aime bien mes dindons » (1933). Elle n’a pas de sexe et n’a jamais « péché » (comprendre « connu la génitalité »). Pour bon nombre de sujets homosexuels, le sexe et le corps des femmes a peu à voir avec « l’être femme », puisque n’importe qui peut être femme : il suffit, comme le recommande Néstor Perlongher, de « se laisser envahir par l’émotion du devenir femme » (Néstor Perlongher, « Sobre Alambres » (1988), p. 140) de se déguiser en star ultra-féminine, ou de faire intervenir la science, pour qu’un être né homme se convertisse en femme. Ce qui préoccupe la majorité des personnes homosexuelles, ce n’est pas tant la femme incarnée que son allégorie divine, scientifique et télévisuelle. « Je suis fascinée par les femmes hétérosexuelles » affirment certaines femmes lesbiennes (cf. le documentaire « Le Bal des chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder). Elles ont pris l’exception de femme pour la femme universellement/uniformément exceptionnelle, si bien qu’elles sont tentées de délaisser les femmes réelles.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles s’identifient à la femme-objet, créature appartenant prioritairement au star system et qui se rêve sur-humaine : « J’ai voulu être hors du commun, dit-elle, dépasser la condition humaine. » (l’actrice française Jeanne Moreau citée dans l’essai Les Femmes et les homosexuels : la fausse indifférence (1996) de Virginie Mouseler, p. 166) Elles pensent vraiment qu’elle est l’incarnation de la femme réelle. Par exemple, Julien Green soutient que lorsqu’il voit jouer Brigitte Bardot, il ne peut plus parler de cinéma : « Dans les films d’elle que j’ai vus, elle ne joue pas, elle existe. » (cf. l’article « Julien Green, l’histoire d’un sudiste » de Philippe Vannini dans le Magazine littéraire, n°266, juin 1989, p. 103) Elles préfèrent la femme en photo qu’à table… même si la photo est parfois jolie et flatteuse pour la femme réelle. Ils glorifient la femme étrangère folklorique, l’extra-terrestre autiste et muette, la femme-musée qui fait tout pour ne pas être prise pour une potiche parce que précisément elle en est presque une. Le symbole le plus manifeste de leur désir de pétrifier la femme, de lui clouer le bec sans qu’elle cesse de sourire mystérieusement, c’est leur goût pour la Joconde.
 

Film "Xenia" de Panos H. Koutras

Film « Xenia » de Panos H. Koutras


 

Les personnes gays et lesbiennes (conjointement aux personnes hétérosexuelles machistes) sont souvent les parents de la femme-objet. Tout en rejetant son concept, elles le cautionnent par la photographie, la littérature, le théâtre, les arts plastiques, et le septième art. De nombreux réalisateurs homosexuels réactualisent le mythe de Don Juan en cherchant à s’entourer des plus belles femmes du monde et en les transformant en monstres sacrés du cinéma mondial.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles admirent la femme-objet au point de vouloir prendre sa place. Certaines études scientifiques avancent que 40% des garçons gays ont eu le désir d’être une femme (Jacques Corraze, L’Homosexualité (2000), p. 56). Ils le confessent rarement, car en effet, c’est un peu vrai et un peu faux à la fois. C’est faux dans les faits, puisqu’ils ne désirent pas être la femme réelle, mais la femme imagée qu’ils ont prise pour la femme réelle. C’est vrai en fantasme… et parfois un peu dans les faits, quand les désirs artificiels se sont partiellement actualisés par la chirurgie et l’artifice du travestissement ou des attitudes.

 

La majorité des personnes homosexuelles idéalisent la femme, et cette attitude, contrairement au cliché qui sévit surtout dans le « milieu » homosexuel, n’est pas proprement gay. Beaucoup de femmes lesbiennes croient tellement que la femme de magazine est la femme réelle qu’elles en déduisent, parce qu’elles n’atteindront jamais le degré de « perfection » de l’image, qu’elles ne sont pas de vraies femmes, ou même que la femme n’existe pas : « La féminité me paraissait assortie de tant de contraintes que je n’ai pas mis beaucoup de temps à décider que je ne voulais pas être une femme. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 54)

 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Poupées », « Reine », « Destruction des femmes », « Carmen », « Vierge », « Putain béatifiée », « Femme et homme en statues de cire », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Substitut d’identité », « Mère possessive », « Grand-Mère », « Tante-objet et Mère-objet », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Frankenstein », « Fleurs », « Jardins synthétiques », « FAP ‘fille à pédés’ », « Bourgeoise », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Fan de feuilletons », « Télévore et Cinévore », « Femme allongée », « Actrice-Traîtresse », « Pygmalion », « Innocence » et « Don Juan », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) Le personnage homosexuel grandit dans une ambiance très féminine, et choisit la bergère comme femme idéale :

Tableau La Jeune Bergère de Georges Paul François Laurent Laugée

Tableau La Jeune Bergère de Georges Paul François Laurent Laugée

 

Dans les fictions traitant d’homosexualité apparaît souvent l’image d’Épinal kitsch et sucrée de la bergère de la pastorale : cf. le film « Peau d’âne » (1970) de Jacques Demy, le roman Peau d’âne (2003) de Christine Angot, la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) Philippe Cassand (avec la référence à Peau d’âne), le vidéo-clip de la chanson « Tristana » de Mylène Farmer, le recueil Les Quarante Bergères : Portraits satiriques en vers inédits (1925) de Robert de Montesquiou, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec l’amour de Nietzsche pour les paysannes), le film « La Comtesse aux pieds nus » (1954) de Joseph Mankiewicz, le film d’animation « Toy Story 2 » (1999) de John Lasseter (avec le personnage de Bo Peep), le film « Totò Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec Sarah, la lesbienne Cacharel), la chanson « Duo des dindons » de Charpini et Brancato, etc. Par exemple, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Guillaume, le héros homosexuel, passe une heure à regarder une gravure d’une femme aux coquelicots. Et il ne touche pas à sa meilleure amie Mathilde parce qu’il la considère comme un bibelot : « Tu ferais la Madone de je ne sais quel tableau. »
 

« T’as vu ? C’est comme dans Peau d’âne. » (Anne, l’héroïne bisexuelle avalant dans sa bouche un bracelet à la bijouterie pour le voler, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma) ; « Je les regardais s’engouffrer tous dans l’escalier qui menait au balcon, lorsque je reconnus Perrette Hallery de dos… accompagné d’une magnifique femme en manteau de poil de singe, rousse à mourir sous son chapeau à voilette, la peau laiteuse et la démarche assurée. Le cliché de la belle Irlandaise, Maureen O’Hara descendue de l’écran pour insuffler un peu de splendeur à l’ennuyeuse vie nocturne de Montréal, la Beauté visitant les Affreux. […]La fourrure de singe épousait chacun de ses mouvements et lui donnait un côté ‘flapper’ qui attirait bien des regards admiratifs. Les hommes ne regrettaient plus d’être là, tout à coup. […] Maureen tenait le bras de son fils et je crus d’abord qu’elle était aveugle. Mais elle promenait autour d’elle ce regard curieux de myope qui ne voit pas ce qui l’entoure et qui se fie au flou des contours pour se guider. Mon rouquin n’avait pas menti au guichet, sa mère avait bel et bien un problème de vision ! » (le narrateur homo parlant de la mère de son futur amant rouquin Perette Hallery, à l’opéra, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 44) ; etc.
 

Le héros homosexuel met la féminité sur un piédestal, sous verre ou sous cloche, dans un joli herbier : « Ce que j’aime en une femme, en une vierge, c’est la modestie sainte ; ce qui me fait bondir d’amour, c’est la pudeur et la piété ; c’est ce que j’adorai en toi, jeune bergère ! » (Arthur Rimbaud, Un Cœur sous une soutane (1870), p. 202) ; « Tu es très belle avec ton poncho qui sent l’âne. » (l’héroïne lesbienne s’adressant à Bérénice dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) ; « Lady Anna Gordon est l’archétype de la femme parfaite que Dieu trouva bon de créer. » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, pp. 17-18) ; « Je respecte toutes les femmes hétérosexuelles de la salle. » (Shirley Souagnon s’adressant à toutes les « femmes hétérosexuelles » dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Y’a un proverbe antillais qui dit : ‘Avant d’épouser la bergère, regarde sa mère !’ J’ai regardé… et je me suis barré ! » (Rémi, le héros bisexuel, jadis en couple avec Marie, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; etc.
 

Il n’est pas rare d’ailleurs qu’il cherche à reproduire le paradis de dînette dans lequel il a grandi, le cocon majoritairement féminin et déréalisant de l’enfance. « Je reste presque seul, dans l’évident triomphe de mes seize ans, entouré de femmes qui prennent soin de moi, de leur affection excessive et peureuse. » (Vincent, le jeune héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) Philippe Besson, p. 14) ; « Au fil des ans, je m’étais habituée à la compagnie de personnes beaucoup plus âgées que moi. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 13) ; « Dans mes nuits, j’étais la poupée qu’on habille et qu’on déshabille. Est-ce une maladie ordinaire, un garçon qui aime un garçon ? » (cf. la chanson « Le Privilège » de Michel Sardou)
 

Bo Peep et Woody dans le film d'animation "Toy Story" de Pixar

Bo Peep et Woody dans le film d’animation « Toy Story » de Pixar


 

Beaucoup de personnages homosexuels n’arrivent pas à se détacher du salon de thé de leur(s) mère(s) : cf. le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le film « Morte A Venezia » (« Mort à Venise », 1971) de Luchino Visconti (avec la famille de Tadzio, où les hommes sont inexistants), le roman Du côté de chez Swann (1913) de Marcel Proust, la pièce La Casa De Bernarda Alba (1936) de Federico García Lorca, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec le camping des femmes esseulées ou lesbiennes), etc. Par exemple, Maurice, le héros du film éponyme (1987) de James Ivory, n’est entouré que de femmes (ses sœurs, sa mère, ses tantes) durant toute sa vie. Dans le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick, Sabu, le personnage homosexuel, a évolué pendant toute son adolescence dans le salon de coiffure de sa tante, en compagnie des clientes. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, dit ironiquement qu’il incarne le cliché parfait du « gay » : « Pas de père. Et entouré de femmes dominantes… ». Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric le héros homo est le seul garçon de sa famille : il est entouré d’une longue lignée de sœurs.
 

L’attachement précoce pour la bergère préfigure parfois une homosexualité. Par exemple, dans la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, un papa raconte à son jeune fils une histoire d’amour anodine entre un prince et une princesse ; mais l’enfant n’y croit pas, et ré-invente complètement le conte de fée pour que le prince ait le choix de renoncer tout d’abord à la princesse, mais aussi à la solution « éthique » de rechange trouvée par son père – à savoir la bergère pour que Roméo finisse dans les bras d’un homme ! « Ah ! alors une bergère. C’est un prince qui veut épouser une bergère. Mais tu sais, à la fin, la bergère c’est toujours une princesse abandonnée par ses parents. » (le père, p. 6) En quelque sorte, la bergère est le stade intermédiaire vers une homosexualité exclusive.
 
 

b) La passion pour la femme-objet folklorique et cinématographique :

B.D. "Kang" de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Le thème de la femme-objet revient extrêmement souvent dans les fictions homosexuelles : cf. le film « Potiche » (2010) de François Ozon, la pièce La Pyramide (1975) de Copi (mise en scène par Adrien Utchanah en 2010, avec la parodie du concours de Miss de Beauté), le film « Little Miss Sunshine » (2006) de Jonathan Dayton (avec le concours de Miss America), la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier (dans laquelle le maquillage féminin est présenté comme une dictature esthétique imposé aux femmes), la chanson « Material Girl » de Madonna, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec Göran, fan homo de Dolly Parton), le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque (avec le narrateur, fan de chanteuses comme Dorothée, Chantal Goya, Mylène Farmer, Catherine Deneuve, etc.), le film « Miss Congeniality » (« Miss Détective », 2000) de Donald Petrie (avec Vic, le conseiller relookeur des Miss), la comédie musicale Ball Im Berlin (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham (avec Madeleine, un genre de Lili Marleen), « Les filles, c’est des garçons » de Gabaroche, la chanson « Transfert Trottinette » de Bilal Hassani (hommage à Britney Spears), etc.
 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. Kang de Copi


 

En général, les personnages homosexuels entretiennent une relation passionnelle avec une femme-objet médiatique. « J’adore Audrey Hepburn. Audrey Hepburn, c’est la femme de ma vie. » (Nicolas, le héros gay du film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan) ; « Nous adorerons Evita. Son image sera reproduite à l’infini en peinture et en statue pour que son souvenir reste vivant dans chaque école, dans chaque endroit de travail, dans chaque foyer. » (Juan Domingo Perón dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, p. 86) ; « Pour moi sa vie était ma source d’inspiration ! Je n’ai jamais joué qu’un seul personnage : Madame Lucienne ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Je vous aime, Dalida. Je vous adore. Je peux vous embrasser ? » (la figure d’Élie Kakou dans le one-woman-show Sandrine Alexi imite les stars (2001) de Sandrine Alexi) ; « J’aime une comédienne : Sybil Vane. » (Dorian Gray dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Ne trouvez-vous pas que seules les actrices sont dignes d’amour ? » (idem) ; « J’me voyais déjà monter des marches avec des stars. » (Fabien Tucci, homosexuel, originaire de Cannes, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « J’adore toutes les femmes. » (Simon, le héros homo, fan de Whitney Youston, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « J’adore Géraldine Pellas. » (Jacques, le héros homo, en parlant d’une cantatrice qu’il écoute fort chez lui, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc.
 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Par exemple, dans le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, le héros a une photo encadrée de Lady Di dans sa valise. Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Quentin, le héros homo, sort avec Michèle, l’actrice de série B La Vie est plus moche. Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, peint des actrices. Dans le one-man-show Parigot-Brucellois (2009) de Stéphane Cuvelier, le personnage transsexuel M to F est fan de Karen Cheryl et de Simone de Beauvoir. Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain, le coiffeur homosexuel, regarde Julie Lescaut à la télé, et se déguise en Lady Gaga ou en Princesse Sarah dans ses soirées déguisées. Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, Rayon, le héros transsexuel M to F, a plein de photos d’actrices autour de sa glace. Dans le faux film « Servir et protéger » à l’intérieur du film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Billy Stevens, un soldat homosexuel, est fan de la B.O. du film « Beaches » avec Bette Midler, et ce signe trahit auprès de sa hiérarchie militaire son homosexualité. Toujours dans le film « In & Out », Howard, le héros central de l’intrigue, est fan de Barbara Streisand et de Gloria Gaynor. Dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, Elliot, le héros homosexuel, est fan de Judy Garland. Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, un hommage est rendu continuellement à la chanteuse Jackie Quartz (l’interprète de « Mise au point ») : Benoît, son fan homosexuel, a d’ailleurs placé un portrait d’elle pile au centre de son salon. Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David est fasciné par Catherine Deneuve. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Marcy se compare sans arrêt à Amélie Poulain ; et Sébastien, son meilleur ami gay, se prosterne devant la photo de la chanteuse Madonna, icône qui a remplacé la statuette de la Vierge dans l’appartement. Dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, les deux protagonistes masculins s’identifient à Meg Ryan et à Julia Roberts. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Esteban voue un véritable culte à l’actrice Huma Rojo. Dans le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, Benigno regarde Alicia à son cours de danse à travers la fenêtre de son immeuble, comme un inventeur sa ballerine enfermée dans une cloche de verre. On retrouve cette image avec le tableau de Pierre et Gilles dans lequel une femme miniature enfermée dans un sablier est regardée par un homme géant. Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry exprime le désir de devenir majorette et pom-pom girl ; d’ailleurs, il compare la femme à « un beau tableau », « une belle statue ». Dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, Bruno, le héros homosexuel, imite ses idoles Dalida et Mylène Farmer à travers des play-back et des spectacles où il se travestit. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dépeint les différentes catégories d’homos qu’il a identifiées dans la communauté LGBT, dont « les fans de femmes avec un grand F ». Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, « M. », un des héros homos, dit « qu’il est amoureux d’Audrey Hepburn, l’actrice de Breakfast At Tiffany’s […] et fan de Lio » (p. 39). Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Angelo, l’un des héros homos refoulés, après sa tentative de kidnapping de Carla Bruni dont il dit être amoureux, manque de peu d’être interné dans un hôpital psychiatrique, et est activement recherché par la police. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, l’un des héros homosexuels, est fan de l’actrice María Montez, et la défend bec et ongles : « Qu’est-ce que tu reproches à cette femme formidable ? » Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Graziella, l’agent de Tom (le héros homo) qui veut le forcer à paraître hétéro, lui soumet un test de questions pour savoir s’il arrive à rentrer dans la peau de son personnage. Et l’un des questions lui impose un choix cornélien impossible : « Lady Gaga ou Madonna ? » Tom prend sur lui pour répondre une seule des deux… mais le « naturel » ne tarde pas à revenir au galop : « Les deux ! Je les adore ! » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Petra, la femme du neveu de Ben (le héros homosexuel), est surnommée en boutade par Ben et George « Petra von Kant ». Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antionetta se rend compte que Gabriele, son ami homosexuel, a l’esprit et le cœur contaminés « d’actrices, de chanteuses, de présentatrices ». Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en thérapie un couple gay Benjamin/Arnaud parce qu’Arnaud ne s’assume pas comme homo. Il leur propose trois options d’ateliers au choix : une visite au Musée de la Mode, un atelier de création de bougies parfumées, et un atelier Mylène Farmer. Dans le film « Sing » (« Tous en scène », 2016) de Garth Jennings, Gunther, le cochon homosexuel, se prend pour Lady Gaga. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, Ritchie, le héros homo qui se travestit le temps d’une soirée, est comparée à Nana Mouskouri.
 

Le héros homosexuel a tendance à considérer la star comme sa vraie mère biologique : « Toute l’année j’avais attendu de voir Mary Poppins avec mon idole, en vedette. » (Michael, le héros homosexuel du roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 89) ; « Dalida, ma Dali, mon idole. » (Karine Dubernet dans son one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! , 2011) ; « J’me sens très proche d’elle. » (Philippe Mistral en parlant de Dalida, dans son one-man-show Changez d’air, 2011) ; « Oh ! C’est terrible !!! C’était comme une mère pour moi ! » (Romain, le coiffeur homosexuel, parlant de la cantatrice Isabelle, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Ma mère, c’est Chantal Goya. » (Claude, le personnage homosexuel de la pièce Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Tu n’aimerais pas être actrice ? Si t’étais actrice, j’écrirais des rôles pour toi. » (Esteban, le héros homosexuel s’adressant à sa mère Manuela, dans le film « Todo Sobre Mi Madre », « Tout sur ma mère » (1998) de Pedro Almodóvar) ; « Le pire, maman, ce serait de devenir comme toi : une potiche. » (Joëlle s’adressant à sa mère Suzanne dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon) ; « C’est quoi le problème ? C’est sa mère, Sophie Marceau ? » (Alex par rapport à Gabriel le héros homosexuel, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le jeune héros homosexuel, délaisse sa vraie mère (il ne pleure même pas sa mort) pour lui préférer la chanteuse Patty Pravo, même si les deux femmes fusionnent : « Ma mère était chanteuse. Elle pouvait chanter. » ; « Patty, c’est mon idole. » Dans une vision onirique, le jeune homme voit sa star sur un paquebot, en rouge, qui s’adresse à lui à distance, d’un bateau à un autre, et qui ne pourra pas le rejoindre. Comme s’il s’agissait de sa mère, elle lui demande de se couvrir pour ne pas prendre froid. « Patty Bravo est mon porte bonheur. » À la fin, la limousine noire de Patty s’arrête au bureau de tabac pour acheter le journal : elle se contente de glisser à Dany un doux « Amore » puis de s’en aller sans en dire plus. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Matthieu, le héros homosexuel, parle de sa mère en l’imitant comme s’il s’agissait de la mère cinématographique Loréal : « Parce que je le vaux bien. »
 

Pourtant, on l’avait mis en garde que la femme-objet n’est qu’une exception de femme qui n’est absolument pas représentative de toutes les femmes réelles. « Le portrait de votre femme n’est pas votre femme. » (Maria Casarès s’adressant à Orphée, dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) On l’a aussi prévenu que cette conception de la femme n’honore pas les vraies femmes : « C’est facile de faire la femme, mais être une femme, c’est autre chose. » (Luis à son amant transformiste Paulo, dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron) Mais rien n’y a fait.
 

En général, la femme est regardée comme une star-objet (c’est pour cela qu’elle est représentée parfois de dos) : « L’idéal est une panoplie de majorettes. » (Denis, le héros homo du film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta ; « Hillary pose devant ce photographe qui s’applique pour immortaliser la beauté de la jeune femme. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 10) ; « Maria fait partie du décor, comme un meuble de la pièce. » (Cyril, le héros du roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 28) ; « Catherine D. [sous-entendu Catherine Deneuve] est en chantier. » (le héros homosexuel dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) ; « Eva était incontestablement la plus séduisante dans son ensemble easy-wear Vivienne Wetswood en cachemire vert pâle orné de soieries noires. Elle ressemblait à une égérie des sixties. Ses lèvres avaient le goût du cappuccino. » (Antoine dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, p. 203) ; « Antoine aperçut Eva de dos, dans une splendide robe volantée mauve. » (idem, p. 216) ; « Je lui trouvais une froideur de vamp rétro. Quelque chose d’Eva Marie Saint dans ‘La Mort aux trousses’, l’exotisme slave en plus. […] Quand elle écrivait, elle devait appuyer très fort sur son stylo, car son ongle devenait blanc à l’extrémité, et rosissait à la base, sous l’afflux du sang. Ce détail me prouvait qu’elle n’était pas de marbre. Comme pour me confirmer cette découverte, en réalité sans doute parce que j’avais passé les bornes en la détaillant de manière assez insistante, elle est sortie de son immobilité de statue, a tourné la tête et m’a lancé un regard excédé. » (p. 54) ; « De toute évidence, je n’existais pas à ses yeux. » (Jason, le héros homosexuel décrivant la Russe vénéneuse Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 53-54) ; « Pour moi, Anna Morante est une image immobile, en deux dimensions. Seulement une image. » (Leo, le héros homosexuel du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 106) ; « C’est bien ainsi que tu les préfères : froides, flasques. » (le héros gay s’adressant à Stan à propos des femmes, dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé). Par exemple, dans le film « Morte A Venezia » (« Mort à Venise », 1971) de Luchino Visconti, Aschenbach embrasse des cadres où se trouvent les photos des « femmes de sa vie ».
 

C’est une attitude, une sensation, une posture esthétique, une corporalité sans âme (mais avec du style et de la sensiblerie !), que le héros homosexuel recherche chez les femmes de son entourage : « J’aime l’esprit des femmes, Vincent. J’aime leur esprit avant toute chose. Et puis, bien sûr, je prise leur élégance. » (Marcel Proust s’adressant à son jeune amant Vincent dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 92-93) ; « Je suis une femme par mon odeur. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 185) ; « Ça ne retire rien à l’amour que je porte aux femmes. Que dis-je à l’amour ? Au culte que je leur voue. J’aime la féminité. Je la vénère. Profondément. » (Jason, le héros homo du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 120) ; « Une femme est authentique quand elle ressemble à l’image qu’elle a rêvée d’elle-même. » (Agrado le transsexuel M to F dans le film « Todo Sobre Mi Madre », « Tout sur ma mère » (1998), de Pedro Almodóvar) ; « Aaaaah les femmes… Y’a toujours quelque chose de dérangé dans ces machines compliquées. » (Monsieur de Rênal, le mari efféminé de Louise, dans la comédie musicale Le Rouge et le Noir (2016) d’Alexandre Bonstein) ; « Quelle machine compliquée que la femme. » (idem) ; etc. Par exemple, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi et Damien, les deux héros bisexuels, prennent la femme pour une machine. Ils se rencontrent dans une laverie, et dès qu’ils percutent une machine à laver, ils s’excusent en l’appelant « Madame ».
 

Dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), le travesti Charlène Duval affirme qu’elle « connaît les femmes par cœur » ; en réalité, elle voit la femme comme « une espèce », une femelle qu’on peut disséquer, et se propose d’opérer « une coupe psychologique de l’intérieur de la femme ». C’est la sur-féminité – une « féminité de laboratoire », pour ainsi dire – plus que la féminité réelle qui est célébrée par le héros homosexuel. Dans l’idée, cette sur-féminité peut donc être tout à fait portée par des hommes. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, Roberto le transsexuel M to F est défini par Yolanda comme son « idéal féminin ».
 

Le personnage homosexuel trouve dans la femme-objet la puissance de la matière – matière qu’il appellera inconsciemment « caractère » ou « personnalité » (cf. la chanson « Stronger » de Britney Spears, « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun, la chanson « La Reine » de Lorie, etc.). En s’identifiant à elle, il a l’impression d’être une dame de fer (violée et prostituée !), armé(e) contre tous les obstacles du Réel, dur(e) comme du béton : « Nous, les tantes, nous sommes résistantes. » (Gérard, un des personnages homosexuels de la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « Nina Hagen, c’est nous ! » (Rudolf, le héros homosexuel s’adressant à ses deux amis Gabriel et Nicolas, à qui il offre les vinyles de la chanteuse, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « Je suis sosie d’une chanteuse très très connue : je suis sosie de Mireille Matthieu. Et de Nana Mouskouri. » (Max, le héros homosexuel de la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « J’ai toujours pensé que comme j’étais une pédé passif, alors je pouvais être un femme belle et désirette, c’est dans moi, comme jouer à la poupée quand j’étais enfant, essayer les robes de ma mother quand j’étais teen et sucer des bites maintenant, quoi ! […] Devant le miroir, Cody lève les cheveux de sa perruque blonde et dit ‘Je souis Catherine Denouve, non, dans une film de Bunuel ? ’ En me regardant, les cheveux toujours maintenus en l’air, il dit ‘Toi, tu es Vanessa ? Ça fait très français, ça, comme nom, quoi. Catherine Denouve et Vanessa de Paris, les putes gratuites qui cherchent les hommes pour leur vagina. » (Cody, le héros homosexuel américain efféminé s’adressant à son pote gay Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 92 puis p. 101) ; « À partir de maintenant, je m’appelle Samantha. » (Shirin, l’une des héroïnes, dans le film « Circumstance » (2011) de Maryam Keshavarz) ; « T’es la première femme qui m’ait attiré… depuis Lary Swan. » (Maurice, le styliste homosexuel, s’adressant à Kate travestie en homme, dans le film « Les Douze Coups de Minuit », « After The Ball » (2015) de Sean Garrity) ; etc.
 

Par exemple, dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa dit qu’elle est le sosie noir de Marilyn Monroe. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se compare, avec ses 4 amis, aux Desperate Housewives ; il joue à être le sosie de Madonna ; il participe à un concours de Miss France ; et avec son meilleur ami travelo « Annonciade », qui ressemble à une vraie femme-objet, une prostituée avec des bijoux et beau manteau de vison. Dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), le travesti M to F David Forgit à la fois célèbre la femme-objet et la détruit en incarnant trois générations de prostituée : la mère, la grand-mère et la fille. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Nicolas, Gabriel et Rudolf, les trois héros gays, forment le chœur fanatique d’une cantatrice transgenre des montagnes, une sorte de Sissi robotique : « Sissi est de retour !! » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, la cantatrice trans M to F Louvre est fêtée pendant son concert comme une diva divine. Davide, le jeune héros homosexuel, s’y identifie complètement.
 

Le personnage homosexuel préfère l’hyper-féminité (donc en réalité le fantasme de viol, qui peut tout à fait être incarné par un homme ou un personnage transgenre/transsexuel) à la vulnérabilité de la femme réelle : « Les femmes sont plus féminines ici. » (Dai, le père de famille hétérosexuel, parlant des hommes homosexuels du cabaret transformiste où il fait un discours, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « Les filles qui se font violenter sont souvent hyper sexualisées. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 55) ; etc. « Arlette était la fille la plus belle que Silvano eût rencontrée à Paris, elle avait l’air d’un éphèbe. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 104) ; « Je ne sais pas ce que tu lui trouves à Marlène Dietrich. On dirait un vieux travelo. » (Laurent Spielvogel imitant sa mère dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Sidonie, je l’ai tant aimée. Mais les actrices sont des idiotes ingrates. Au fond, je crois que j’ai plus aimé l’actrice que la femme. » (Peter, le héros homo, par rapport à sa meilleure amie actrice Sidonie, dans le film « Peter von Kant » (2022) de François Ozon) ; etc.
 

La réification de la femme n’est pas réservée aux personnages gays masculins. Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen tombe amoureuse d’Angela, la femme-actrice lesbienne. Certaines héroïnes lesbiennes ont une conception de la femme tout aussi imagée et fanatique que leurs homologues homosexuels hommes. Pour elles, une personne ressemble d’autant plus à femme qu’elle devient glaciale et figée : « Elle fait plus femme, plus froide surtout. » (Ann Scott, Le Pire des mondes (2004), p. 77)
 

La femme-objet est même d’ailleurs bisexuelle ou lesbienne (je vous renvoie à la partie « prostituée lesbienne » du code « Putain béatifiée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le vidéo-clip de la chanson « Comment t’appelles-tu ce matin ? » d’Élodie Frégé, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, le one-woman-show La Folle Parenthèse (2008) de Liane Foly (Jeanne Moreau est imitée en femme lesbienne), etc.
 

Chez les héroïnes lesbiennes, l’adoration de la femme-objet va souvent jusqu’à la (simulation de) destruction de cette dernière… donc jusqu’à l’absorption fusionnelle. La femme-objet hétérosexuelle est une femme lesbienne en devenir. Les héroïnes lesbiennes s’y sont identifiées à l’excès dans le rejet. « Une fois, j’ai vu dans un magazine une femme qui me ressemblait. Je n’arrêtais pas de me demander : Pourquoi cette femme me ressemble ? Pourquoi elle est dans le magazine et pas moi ?!? […] Elle me ressemblait, et ça me rendait malheureuse. Cette femme dans le magazine qui me ressemblait, je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a explosé à la figure. » (la chanteuse Oshen, habituellement la « lesbienne invisible » interprétée par Océane Rose-Marie, en concert à L’Européen de Paris, le 6 juin 2011) Comme je l’explique au sujet de l’homosexualisation de l’homme-objet qui s’hétérosexualise et incarne l’« Éternel Masculin » (dans le code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), on constate exactement le même phénomène avec la femme-objet : plus une femme s’hétérosexualise et cherche à devenir objet, à représenter l’« Éternel Féminin », plus elle s’homosexualise et prend des traits androgynes, lesbiens.

 

Le héros homosexuel – ou dit homosexuel -, en s’identifiant à la femme-objet ou en étant identifié à elle, se met en danger de viol, car il est parfois pris pour une poupée gonflable à violer. Par exemple, dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Mardonio féminise son pote Secundo après avoir appris que le père de ce dernier, Noé, était homo : « La petite chatte arrive[…]Regardez sa maison de Barbie »

 
 

c) La première femme-objet officiellement mondialisée, Mona Lisa, attire le personnage homosexuel :

Expo Marcel Duchamp au Centre Pompidou (Paris) de septembre 2014 à janvier 2015

Expo Marcel Duchamp au Centre Pompidou (Paris) de septembre 2014 à janvier 2015


 

C’est curieux comme la Muse de Léonard de Vinci fait l’unanimité dans les créations artistiques homosexuelles : on la retrouve dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau (avec le poster de la Joconde dans la chambre de Chance, le héros homosexuel), le film « My Summer Of Love » (2005) de Paul Pavlikovsky (avec Mona, la lesbienne), le film « Miss Mona » (1986) de Medhi Charef, la chanson « Les Liens d’Eros » d’Étienne Daho («Elle est là ma Vénus allongée, […] sourire de Joconde apaisée »), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec la caricature de la Joconde dans l’une des salles du manoir hanté), la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo, le roman Le Sourire de la Joconde (1953) de Jacento et Martinez Benavente, le film « Le Sourire de Mona Lisa » (2003) de Mike Newell, la chanson « La Joconde » de Juliette, le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, le film « Potains mondains et amnésie partielle » (2001) de Peter Chelsom, le film « Mona Lisa » (1986) de Neil Jordan, la chanson « Mona Lisa » dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, la photo Lisa Lyon (1982) de Robert Mapplethorpe, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer, le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent, la pièce Da Vinci contre Michel-Ange (2015) d’Alessandro Avellis, le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram (avec le poster de la Joconde dans l’appartement), etc.
 

La référence à Mona Lisa semble pourtant bien anodine. On l’entend parfois au détour d’une réplique, sans trop comprendre ce qu’elle vient faire dans le contexte d’énonciation : « Ne bousculez pas la Joconde. » (Henry dans le roman Les Clochards célestes (1963) de Jack Kerouac, p. 92) ; « La Joconde et les tableaux de Dalí sont très beaux mais ils ne me font pas cet effet-là. » (Bryan parlant de son émoi homosexuel pour son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 210) ; « Mona Lisa sin sonrisa » (Yolanda dans la pièce Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « T’as le sourire de la Joconde sur la figure. » (Mégane dans la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams) ; « Je suis allée la voir, la Joconde. Y’avait une queue. Mais une queue ! » (Mireille, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; « Enlève le soutif : c’est Mona Lisa. » (Riki, homosexuel, s’adressant à son amie Marie à propos de sa tenue, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc.
 

Mais en réalité, il existe souvent une parenté symbolique, désirante, de type amoureux et incestueux, entre la Joconde et le héros homosexuel. Ils ont couché ensemble… au moins spirituellement parlant ! « Romain ressemble au fils qu’aurait pu avoir dans un rêve la Joconde avec le Petit Prince de Saint-Exupéry. » (Dominique en parlant de Romain, le héros gay, dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, p. 16) ; « J’me fais James Bond… et la Joconde. » (un des protagonistes homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je mélange parfois les toiles de l’appartement. Il y a des visages, des Joconde, des objets mystérieux qui me regardent. » (le Comédien de la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Pédé dit que le tableau de la Joconde a été sa « grande passion anale ». Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Maxence, le peintre-poète « sensible », dit avoir « perdu son idéal féminin » : « De Vénus en Joconde, je ne l’ai pas trouvée. »
 

Dans la pièce Le Clan des Joyeux Désespérés (2011) de Karine de Mo, Mona Lisa indique l’inversion de sexes. En effet, au moment où Lili rentre dans l’appartement de Mona où celle-ci tente de se suicider au gaz et qu’elle repose inanimée, elle lit le pendentif de Mona à l’envers («Anom » = phonétiquement « à n’homme »)… et est tentée de lui faire un bouche-à-bouche lesbien, avant de se rétracter par acquis de conscience…
 

La Joconde est surtout l’être humain figé, empaillé, non-libre, violé… mais qui sourit quand même pour cacher son état. « Mylène Farmer, c’est un peu comme la Joconde. Tout le monde la voit, mais personne ne l’entend. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? , 2012) ; « If you were the Mona Lisa. You’d be hanging in the Louvre. Everyone would come to see you. You’d be impossible to move. » (cf. la chanson « Masterpiece » de Madonna) ; « Que si fuera un retratista, que si fuera un buen artista, yo sería su Mona Lisa y hasta un tango de Gardel… Y eso no lo trago yo. » (cf. la chanson « No Soy Para Ti » de Fanny Lú) ; « La Joconde, de près, c’est flou ! » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; etc. Elle est le paravent/le symbole du viol. Par exemple, dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, Catherine joue Mona Lisa et Jean-Paul (le héros homo) Léonard de Vinci lui chantant « Ti Homo » à la place de « Ti Amo » : Léonard de Vinci finit par déclarer à Mona Lisa qu’elle est « du caca ».
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) Né dans une dînette et une ambiance féminine:

 

Beaucoup d’hommes gays et de femmes lesbiennes ont grandi dans une ambiance presque exclusivement féminine, un monde de petites filles modèles de la Comtesse de Ségur, entourés de leurs mères réelles et symboliques (les tantes, les cousines, les nourrices, les grands-mères, les sœurs, les voisines, les institutrices, les actrices, etc.). « J’avais 6 sœurs et une mère. J’ai grandi entouré de femmes. » (le chanteur homosexuel Halim Corto dans l’émission Je veux te connaître de la Radio de Nancy RCN, le 25 octobre 2011) ; « Je me sentais étouffer entre ma mère, mes sœurs, la voisine, l’amie de la famille qui était également notre professeur de piano, et ma grand-mère qui passait tous ses dimanches à la maison pour des après-midi de couture. » (Jean Le Bitoux, Citoyen de seconde zone (2003), p. 29) ; « Ma famille maternelle est au courant de mon homosexualité parce que je suis très proche d’eux. Ma mère, ma tante et ma grand-mère qui sont définitivement les femmes de ma vie. » (Maxime, « Mister gay » de juillet 2014 pour la revue Têtu); « À l’école maternelle, j’étais toujours avec les petites filles pour les embrasser et faire des touches pipi en nous cachant de peur que leurs parents ne nous surprennent. […] Dès la maternelle, collé aux instits pendant la récré j’étais en échec scolaire, un élève très sensible instable, ayant peur de tout et du regard des autres. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu juin 2014) ; etc. Ce fut le cas de Pierre Loti, Reinaldo Arenas (très proche de sa grand-mère qui faisait, selon lui, « pipi debout »), Pedro Almodóvar, Costas Taktsis, Miguel de Molina, Hart Crane, Louis II de Bavière (fortement attaché à sa nourrice), Edward Morgan Forster (en 1956, il dédiera un livre à sa tante Marianne Thornton), Marcel Carné, Michel Tremblay, Marcel Proust, André Gide (très proche de son institutrice Anna Schackleton), Edward Carpenter (qui a passé son enfance avec les six dernières filles de sa famille), Wilfred Owen, Edmund White (qui a grandi en compagnie d’une sœur hyper virile), etc.
 

Dans son article « Entre El Papel Y La Pluma » publié dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, Xosé Manuel Buxán, évoque son enfance où il était admiré pour ses mimiques, ses talents d’acteur, sa précocité, par son entourage féminin… et surtout les clientes du salon de coiffure de sa mère, fidèles lectrices de revues people. Le dramaturge argentin Copi fut très attaché à sa grand-mère maternelle (Salvadora Medina Onrubia) ; plus tard, il passera ses dimanches à jouer à la canasta avec elle et son cercle d’amies de 80 ans. L’écrivaine nord-américaine Carson McCullers vit toute sa vie sous les jupes de sa mère, et de toutes les mères de substitution qu’elle trouvera sur son chemin : sa belle-mère, sa prof de piano, etc. ; à son sujet, Janet Flanner parle de l’influence catastrophique de son abusive « abysmal mother ». Dès l’âge de 10 ans, le jeune Cecil Beaton photographie ses sœurs, s’inspirant des portraits d’actrices publiés dans la presse. Charles Trénet a grandi uniquement entouré de femmes.
 
 

b) La femme-objet est confondue avec la femme réelle, quand bien même elle soit BIEN sacralisée:

Lady Gaga pour le défilé de Thierry Mugler

Lady Gaga pour le défilé de Thierry Mugler


 

On entend souvent dire que la communauté homosexuelle est naturellement féministe, véritablement respectueuse de la gent féminine, spontanément du côté des femmes. Des femmes-objets, c’est une évidence ! (… des femmes réelles, je ré-évaluerais fortement à la baisse le lieu commun…) Rien qu’à Paris, dans le Marais, il existe une Boutique Madonna, et une Boutique Mylène Farmer. « Ma vie est un repaire de chanteuses dont personne ne se souvient que moi. » (Pascal Sevran, Tous les bonheurs sont provisoires, 2005) ; « Copi connaissait par cœur le théâtre de Tennessee Williams et s’intéressait aux femmes, à ce qu’est la féminité et aux actrices comme personne. » (Myriam Mezières dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, p. 77) ; « Le corps des femmes ne m’excite guère plus que n’importe quel autre objet de première nécessité et d’usage quotidien. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, ayant vécu toute sa vie entouré uniquement d’homme, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Tout est toujours l’idée d’une fille. » (Pierre Palmade, 7 janvier 2017, France 2, en préambule de la pièce Elles s’aiment depuis 20 ans de Pierre Palmade et Michèle Laroque) ; etc. Plusieurs créations homosexuelles se sont déjà consacrées directement à une actrice en particulier : le film « Callas Forever » (2001) de Franco Zeffirelli, le documentaire « Britney Baby, One More Time » (2001) de Ludi Boeken, les Marilyn Monroe d’Andy Warhol, etc. Je vous renvoie aux documentaires « Amoureuse de Greta Garbo » (2000) de Lena Einhorn, « Jodie : An Icon » (1996) de Pratibha Parmar, etc. Par exemple, Patrick Loiseau, le compagnon du chanteur Dave, vénère Françoise Hardy et se « looke » même comme elle. Lors de son concert à l’Essaïon (décembre 2007), Stéphane Corbin avoue s’identifier à Ally McBeal. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel se met dans la peau de Marlène Dietrich, Edwige Feuillère, Sylvie Vartan, Barbara, toutes ces femmes sophistiquées.
 

Les personnes homosexuelles sont-elles des « hommes à femmes » (à femmes-objets en l’occurrence) ? On est en droit de le croire quand on les voit entourées des monstres sacrés du cinéma. Les réalisateurs dudit « Cinéma de femmes » sont nombreux à être homosexuels : Edmund Goulding, Irving Rapper, Mitchell Leisen, Vincente Minnelli, etc. Par exemple, Werner Schroeter devient ce « Roi des Roses » (1984) chouchouté par Isabelle Huppert, Maria Malibran, Carole Bouquet, etc. Pour son film « Der Tag Der Idioten » (1981), il a travaillé avec 30 femmes dont toutes celles avec qui il a collaboré pendant 13 ans. Pedro Almodóvar, quant à lui, fait jouer ensemble les actrices espagnoles les plus charismatiques du cinéma espagnol (Carmen Maura, Penelope Cruz, Marisa Paredes, Rosi de Palma, Victoria Abril, etc.). Il se fait plaisir en réunissant dans « Volver » (2006) et « Habla Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) toutes les comédiennes qui ont tourné dans ses films. François Ozon dirige les grandes dames du cinéma français (Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Catherine Deneuve, Emmanuelle Béart, Charlotte Rampling, etc.). Il se taille la part du lion avec son film « Huit Femmes » en 2002, quand il réunit un casting des actrices françaises les plus fameuses. Pendant sa carrière, le cinéaste George Cukor construit un culte à la gent féminine toute entière (Marilyn Monrœ, Katherine Hepburn, Greta Garbo, Ingrid Bergman, Judy Garland, etc.). Dans le film « The Women » (1939), il met en scène rien moins qu’une centaine d’actrices (pas un seul homme à l’affiche !). Concernant Truman Capote, il fut aussi un homme à femmes (Jerry Hall, Deborah Harry, Bianca Jagger, Lee Radziwill, Marilyn Monroe, etc.). Le réalisateur Rainer Werner Fassbinder regroupe sur un même plateau les plus grandes artistes allemandes (Rosel Zech, Hanna Schygulla, Barbara Sukowa, etc.). Alfred Hitchcock a magnifié la femme – et notamment la femme fatale – à travers une pléiade d’actrices (Grace Kelly, Tippi Hedren, Janet Leigh, etc.). Youssef Chahine a travaillé avec beaucoup de grandes divas camp comme Dalida, Nebila Ebeid, Latifa… Bruce Benderson traduit une autobiographie de Céline Dion. Tout le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras est construit à la gloire des chanteuses italiennes des années 1950 : Patty Pravo, Raffaela Carrà, etc. À l’âge de 6 ans, le dramaturge homosexuel Copi a écrit un roman qui s’appelait Ce que sont les femmes : il dira de celui-ci qu’il est « un titre si génial qu’il n’en trouvera jamais d’aussi bon ». Mais dans son article « Désopilante » sur Le Quotidien de Paris daté du 11 février 1984, le journaliste Jacques Nerson souligne à juste titre que la Femme assise de Copi, le personnage qui a occupé le Nouvel Observateur pendant 10 ans, est « essentiellement passive ». Et ceci est vrai pour toutes les héroïnes copiennes.
 

« Les héroïnes du milieu sont souvent les stars qui symbolisent la femme-objet : cet être apprécié et sollicité pour ses qualités sexuelles tout en revendiquant d’être compris comme un être humain et fragile. » (Michael Pollack, Une Identité blessée (1993), p. 193) ; « Je n’étais pas épargné par l’identification aux stars de cinéma. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 275) ; « Mes goûts aussi, toujours automatiquement tournés vers des goûts féminins sans que je sache ou ne comprenne pourquoi. J’aimais le théâtre, les chanteuses de variétés, les poupées. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 29) ; « Moi. Petit. Adolescent des années 80. […] Je n’ai qu’une seule idée en tête. Une obsession. Une actrice égyptienne ; mythique, belle, plus belle que belle. Souad Hosni. Une réalité. Ma réalité. Je suis pressé d’aller dans mon autre vie, imaginaire, vraie, entrer en communion avec elle, chercher en elle mon âme inconnue. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 10) ; « Ce jour-là, je courais vers une image, une femme. L’actrice égyptienne. Une grande star. Une grande dame. Souad Hosni. Elle passait à la télévision dans un feuilleton que j’adorais. Houa et Hiya : Elle et Lui. Je courais vers elle pour l’embrasser. Être pendant une heure avec elle, amoureux en pleurs, danseur libre, comédien de ma propre vie. » (idem, p. 32) ; « Voilà une belle femme. » (le dramaturge argentin Copi parlant de l’actrice Brigitte Bardot, dans l’article « Au Festival d’Automne : Copi sur le ring » publié dans le journal Le Figaro du 8 octobre 1983) ; « Il y a un nom qui revient sans cesse dans mes livres, c’est celui d’Isabelle Adjani, qui est une sorte de déesse pour moi. » (Abdellah Taïa, interviewé dans l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle, le 25 septembre 2006) ; etc. Par exemple, en 2009, Eytan Fox a dirigé la série musicale Mary Lou, d’après les chansons de la célèbre chanteuse Tzvika Pik, fable moderne où un jeune homosexuel part à la recherche de sa mère.
 

Dans l’esprit de beaucoup de personnes homosexuelles, ce sont les fantasmes esthétiques et les accessoires (déguisements, maquillages, vêtements, images, etc.) qui font la femme ; pas l’être ni le corps sexué. « Être femme c’est seulement cela… s’habiller en femme. » (Copi, cité dans l’essai Habla Copi (1998) d’Osvaldo Tcherkaski, p. 50) ; « Le plus beau vêtement d’une femme, c’est sa nudité. » (Yves Saint Laurent, cité dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 54) Il suffit d’écouter le couturier français Yves Saint Laurent commenter son « invention » de la femme en smoking pour comprendre qu’il prend la femme pour un bibelot… un jolie bibelot, certes… mais un bibelot quand même («Cette femme androgyne, égale à l’homme par son vêtement, bouleverse l’image traditionnelle d’une féminité classique et déploie toutes les armes secrètes qui n’appartiennent qu’à elle. » cf. l’article « Yves Saint Laurent » d’Anne Boulay et Marie Colmant, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 414) Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, le goût du couturier homosexuel pour les femmes-bibelot est manifeste : « Magnifiques, ces bijoux. Le toc, j’adore. » s’exclame-t-il face à son amie Loulou en Algérie, par exemple. Mais dès qu’une femme prouve un peu son libre arbitre et son caractère, il s’en débarrasse. C’est ce qui arriva avec Victoire, son égérie de défilés, qu’il finit par jeter comme une malpropre, sans trop d’explication (à part une vague histoire de jalousie) : « Tu n’es belle que sophistiquée. […] Avec des cheveux comme ça, on dirait une souillon. Tu es d’une vulgarité, ma pauvre, c’est effarant. […] Laissez-la partir. Son style, ce qu’elle est, c’est déjà dépassé. »
 

 

La différence des sexes n’est plus reconnue comme un fondement du Réel, mais envisagée sous le prisme du paraître, de la subjectivité, de l’illusion, de la superficialité : « Qu’est-ce que c’est, un homme ? Qu’est-ce que c’est, une femme ? C’est ce qu’on en voit. » (la femme trans F to M, interviewée dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier)
 

C’est la femme – dans le sens de corporalité, de carcasse en acier, ou à l’extrême inverse, d’esprit – qui est célébrée par les sujets homosexuels, plutôt qu’une personne entière, une entité habitée par une âme et un mystère concret (celui de la sexualité, de l’Amour) : cf. le documentaire « Apparence féminine » (1979) de Richard Rein, les chorégraphes hyper efféminés Mehdi Kerkouche et Stéphane Jarny pour la cérémonie de Miss France 2016, etc. « Le corps de la femme que j’aime éveille en moi le respect et le sentiment du sacré. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 106) ; « Il est de ces hommes qui croient que les comédiennes sont des magiciennes. » (Jeanne Moreau parlant de Jean-Claude Brialy, dans l’autobiographie de ce dernier, Le Ruisseau des singes (2000), p. 9) ; « J’existais, pour ces femmes traditionnelles, fortes quand il le faut, prisonnières malgré elles des règles, comme moi. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 60) ; « En accordant dorénavant beaucoup de temps à mon entourage professionnel notamment féminin, je m’intronisais aussi plus que jamais en femme, au point que les conversations que je tenais ressemblaient aux leurs. En effet, lorsque j’arrivais le matin, c’était pour parler de vêtements ou de cuisine ; de même que pendant les heures de déjeuner, je traînais les magasins avec ce même entourage à la recherche de petits bibelots de décoration. Ma condition était l’archétype voulu d’une vie de femme, mes propos et mes réactions, ceux d’une fille vivant seule. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 130) ; etc.
 

Dans son article « Copi : Le Théâtre exaltant » (1983), Michel Cressole décrit la Madame Lisca de Copi (héroïne de sa toute première pièce) non pas comme une femme de chair et de sang mais comme une « idée de femme, une odalisque ». Dans son biopic « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013), Guillaume Gallienne, le narrateur bisexuel, imite les femmes par cercles concentriques grossissants (d’abord sa mère puis sa grand-mère puis ses tantes puis toutes les femmes) et les réduit toutes à une attitude, à un souffle, à du vent : « Elles ont toutes quelque chose d’unique. Toutes. Chacune de leurs attitudes. […] La plus grande différence des femmes, c’est leur souffle. Il varie tout le temps. »
 

Pourtant, il y a un paradoxe dans cette idolâtrie homosexuelle désincarnante pour la femme-objet. Par rapport à celle-ci, il arrive aux personnes homosexuelles de parler d’excitation sexuelle, comme Werner Schroeter qui assure à propos de la cantatrice Maria Callas qu’« elle est la vision érotique de son enfance, sa passion totale » (cf. l’article « Conversation avec Werner Schroeter » de Michel Foucault, dans Dits et écrits II (2001), p. 1079). « J’ai toujours aimé les femmes. […] J’étais sensible à la séduction du corps féminin et il m’arrivait d’en rêver la nuit. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 274) ; « Ce sont des fans très fidèles. » (Michael Michalsky, homosexuel, parlant de la relation des personnes homosexuelles avec leurs égéries féminines, dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « J’écrivis à Danielle Darrieux. Elle était belle, spirituelle, charmante, drôle, élégante, pleine de talent, j’étais fou amoureux d’elle. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 54) ; « J’avais dix, douze ans, j’étais déjà amoureux d’elle. » (Pascal Sevran à propos de l’actrice Jacqueline Joubert, dans son autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 32) ; etc.
 

Mais elles idolâtrent à ce point son corps qu’elles n’envisagent pas de la toucher. La femme-objet est cette mère symbolique sur laquelle pèse l’interdit de l’inceste fantasmé : « Il m’a fallu beaucoup de temps pour trouver sa tombe. Face à elle, j’ai prié machinalement. J’ai lu des versets du Coran. J’ai dit des mots de ma mère. » (Abdellah Taïa parlant de l’actrice Souad Hosni, dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 91) Elles vivent avec leur actrice une forme de dépucelage à distance, de viol par l’image (qu’elles ré-écrivent souvent en idyllique coucherie symbolique) : « Mon innocence, je l’ai perdue en compagnie de Béatrice Dalle, elle est désormais pour moi ma marraine, ma référence, mon premier amour, […] mon totem. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 131) ; etc. Par exemple, dans la bande dessinée La Femme assise (2002), l’héroïne se fait appeler « Madame Copi » ; Copi, son auteur, a décidé de se marier à sa propre créature.
 

En réalité, les personnes homosexuelles, même si elles sont attirées émotionnellement et fantasmatiquement par les femmes, leur préfèrent la femme-objet et n’ont pas de désir érotique pour elle (c’est bien la seule chose qui manque tant, sur les autre plan, l’adoration, l’affectivité et la sensibilité sont là !) C’est l’hyper-féminité qu’elles célèbrent : « Je me suis souvent demandé pourquoi les gays aimaient autant les femmes hétérosexuelles. Il s’agit moins de la femme hétérosexuelle que de la femme hétérosexuelle au look exubérant. Elles ne ressemblent pas à la plupart des femmes de notre entourage. Elles sont excessives. » (Jan Noll, homosexuel, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Ce n’est pas tant la femme que l’androgyne transgenre condensant à lui seul la différence des sexes, que les individus homosexuels cherchent à devenir. « Beaucoup d’égéries gays jouent avec la sexualité de manière outrancière. Or le sexe occupe une place très importante chez les homos. C’est presque une caricature. Par certains côtés, ça fait un peu penser aux drag-queens. » (Michael Michalsky, homosexuel, idem) Par exemple, toujours dans ce documentaire « Somewhere Over The Rainbow », le fameux chanteur noir homosexuel Sylvester est décrit par Steve Blame comme une « Diva masculine ».
 

La réification de la femme n’est pas propre aux hommes gays. Je connais beaucoup de femmes lesbiennes qui sont tombées amoureuses de la femme-objet cinématographique. On le voit aussi dans les reportages télévisés. Par exemple, dans l’émission Ça se discute (spéciale « l’homosexualité féminine », diffusée sur la chaîne France 2, le 18 février 2004), une des invités lesbiennes dit sa fascination amoureuse pour la beauté de Céline Dion. Dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger, Oriane, une jeune femme lesbienne de 21 ans, présente avec humour aux spectateurs ce qu’elle appelle son « Mur des Lamentations », c’est-à-dire des modèles de mode féminins qui tapissent tous les murs de sa chambre. Toujours dans ce même documentaire, la fameuse série de bandes dessinées Martine est désignée par la réalisatrice comme le déclencheur du désir lesbien.
 

Parfois, beaucoup de femmes-objets venues du cinéma, de la mode, de la chanson, se lesbianisent, d’ailleurs. Par exemple, couronnée Miss Espagne deux fois, en 2008 et 2013, Patricia Yurena Rodríguez a fait son coming out en publiant sur Instagram une photo intitulée « Roméo et Juliette » où l’on peut la voir dans une posture très romantique en compagnie de la DJ et chanteuse espagnole Vanesa Klein.
 

Certaines femmes lesbiennes adoptent une conception de la femme tout aussi imagée, fanatique, et machiste, que leurs homologues homosexuels hommes. Pour elles, une personne ressemble d’autant plus à femme qu’elle devient glaciale et figée. La confusion entre la Femme-objet médiatique et la femme réelle revient fréquemment dans leur discours. « La femme n’existe pas, mais les femmes, bel et bien. » (Hélène Bregani dans le documentaire « Debout ! Une Histoire du Mouvement de Libération des Femmes 1970-1980 » (1999) de Carole Roussopoulos) Beaucoup d’entre elles déifient la femme (Teresa de Lauretis, par exemple, lui met un « F » majuscule) pour finalement mieux la faire disparaître, nier la réalité de la sexuation, et imposer les femmes-objets comme les seules représentantes (méprisables) des femmes réelles. Autre exemple: Stefan Sweig, l’écrivain allemand, a écrit en 1935 un seul opéra dont le titre est signifiant : La Femme silencieuse.
 

Chez elles, l’adoration de la femme-objet va souvent jusqu’à la (simulation de) destruction de cette dernière… donc jusqu’à l’absorption fusionnelle. « La pire faute de goût selon moi : essayer de ressembler à Britney Spears. » (Mylène, une femme lesbienne de 25 ans, dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 191) ; « Qu’en était-il des autres, asservies à leur mari et à leurs enfants, sans ressources personnelles, sans voiture, sans autre nourriture spirituelle que Marie-Claire, Elle ou Femme d’Aujourd’hui ? Bonne Déesse, quel obscurantisme ! » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 242) La femme-objet hétérosexuelle – et cela surprendra sûrement nos amies lesbiennes – est une femme lesbienne en devenir. Les femmes lesbiennes réelles s’y sont identifiées à l’excès dans le rejet. Comme je l’explique au sujet de l’homosexualisation de l’homme-objet qui s’hétérosexualise et incarne l’« Éternel Masculin » (dans le code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), on constate exactement le même phénomène avec la femme-objet : plus une femme s’hétérosexualise et cherche à devenir objet, à représenter l’« Éternel Féminin », plus elle prend des traits androgynes et lesbiens. Je me faisais encore la remarque en voyant les nombreux clichés de Grace Jones au vernissage de l’Exposition Jean-Paul Goude au Musée des Arts Décoratifs de Paris, le 10 novembre 2011. Il existe des liens très forts entre le monde de la prostitution féminine et le lesbianisme. Par exemple, dans le docu-fiction « Tierra Madre » (2011) de Dylan Verrechia, Aidee, l’héroïne, est lesbienne de jour, et strip-teaseuse de nuit dans une boîte. Je développe plus largement l’idée de la parenté femme-objet/lesbienne dans le code « Putain béatifiée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

c) Devenir la Joconde :

La Joconde d'Andy Warhol

La Joconde d’Andy Warhol


 

Ce n’est pas un hasard si la Joconde a été récupérée par de nombreux artistes homosexuels. Certains disent qu’elle était en réalité l’amant caché de Léonard de Vinci, Salai. Pour commencer, l’homosexualité de Léonard de Vinci, le père de La Joconde, est passée à la postérité et fut même étudiée par Sigmund Freud. Et ensuite, comme le désir homosexuel dit un désir de devenir objet, et qu’à mon sens, Mona Lisa est la première femme-objet officiellement mondialisée de l’Histoire de l’Humanité, il est logique qu’on la retrouve énormément dans l’univers artistique homosexuel : cf. la sérigraphie Mona Lisa (1963) d’Andy Warhol (on dit d’ailleurs que la Marilyn Monroe de Warhol est la « Mona Lisa du XXe siècle »), la photo La Joconde aux moustaches (1919) de Marcel Duchamp, le tableau photographique Autoportrait à la Mona Lisa (1973) de Salvador Dalí, etc. Pour la petite histoire, le Mona Lisa était une résidence de luxe hébergeant des personnes homosexuelles à Nice. Plus proche de nous, le chroniqueur homosexuel français Steevy Boulay a une représentation de La Joconde dans sa cuisine.
 

Le tableau Autoportrait à la Mona Lisa de Salvador Dalí

Le tableau Autoportrait à la Mona Lisa de Salvador Dalí


 

Si on y réfléchit bien, Mona Lisa est un costume de travelo à elle toute seule : « Et cette Joconde du kabuki qu’est Tamasaburo, le plus célèbre onnagata, ne répond-il pas à un vœu de perfection aussi bien qu’à un désir homosexuel, comme Mishima lui-même le reconnaissait lorsqu’il lui dédiait une nouvelle. » (Georges Banu, « Jeux théâtraux et enjeux de société », dans l’essai Le Corps travesti (2007) de Georges Banu, p. 3) D’ailleurs, elle ne brille pas par sa féminité. Elle a un visage bien à elle, reconnaissable parmi mille, … et pourtant asexué.
 

La Joconde est également l’être humain violé, femme comme homme, figé et utilisé comme un objet : « J’attendis le moment idéal pour réaffirmer au père Basile, mon intention de tout quitter […], avec cet aspect froid que mon regard soutenait, l’ironie de mon sourire ; ce sourire qu’il appréciait à chacune de nos rencontres et qu’il comparait à celui, éternellement figé, de la Joconde. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du prêtre pédophile qui abusait de lui, dans l’autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 47)
 
 

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Femme et homme en statues de cire (sous-codes : Couple hétérosexuel / Scène de répudiation / Ombres chinoises)

femme et homme cire

Femme et homme en statues de cire

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 
 

Je revendique mon hétérophobie

et mon amour des couples femme-homme aimants !

Le couple hétéro et le couple homo sont catastrophiques : ils sont jumeaux historiques et de violence car ils ont tous deux sacralisé l’altérité sans laisser d’espace à la différence des sexes aimante. Pas un pour rattraper l’autre !

 

CIRE 1 noir et blanc

 

« Hétérosexualité » ne rime pas avec « Amour ». Je ne sais pas si on vous l’a déjà dit. En tout cas, moi, je vous le dis ! Et cela ne change rien en ma foi en l’Amour, que Celui-ci soit vécu dans un célibat consacré ou dans un couple femme-homme non-hétérosexuel : elle reste intacte. C’est justement parce que je crois en l’Amour vrai que je ne valide ni les couples hétéros ni les couples homos, ces pâles fac-similés de l’Amour qu’on a voulu mettre en scène à la télé en unissant artificiellement l’homme-objet et la femme-objet, deux statues de cire souriantes et perpétuellement en conflit, passant leur temps à se déchirer parce qu’elles cherchent en vain à se substituer l’une à l’autre.

 

CIRE 3 noir et blanc rouleau

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Haine de la famille », « Femme fellinienne géante et pantin », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Don Juan », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Corrida amoureuse », à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », et surtout à la partie « Parents divorcés » du code « Orphelins », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels, ainsi qu’au site CUCH (Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité : www.cuch.fr).

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Roméo, Juliette et tous les autres,

au fond de vos bouquins, dormez en paix !

 

CIRE 5 Barbie

 

Au fil des siècles, la littérature et les arts audiovisuels ont pris une telle place dans notre quotidien qu’ils ont réussi à nous faire croire que les couples-objets femme-homme étaient plus vrais que nature, et qu’ils avaient le pouvoir de se substituer aux couples réels non-photographiques. Grossière idolâtrie !

 

Le couple hétérosexuel est un binôme qui intègre la différence des sexes, mais, contrairement aux couples femme-homme aimants, sans désir : il a pour particularités d’être prioritairement fictionnel, et d’être en voie de bisexualisation, voire d’homosexualisation (d’ailleurs, les hommes-objets et les femmes-objets actuels, présentés comme de « parfaits hétéros », font tour à tour leur surprenant coming out : fans féminines de Ricky Martin, Zachary Quinto, Tiziano Ferro, George Michael, vous n’avez plus qu’à vous rhabiller !). En général, les deux membres de ce couple hétérosexuel ne s’entendent pas, se chamaillent (et font l’amour pour recoller les morceaux : réconciliation sur l’oreiller bien connue), vivent dans le fantasme de fusion (qui concrètement aboutit à une brève passion et à une rupture/à la mort), cherchent à copier l’homme-objet et la femme-objet de leurs écrans de télé, autrement dit « les hétéros » et « les homos ».

 

Je vous encourage fortement à compléter la réflexion sur ce trompe-l’œil qu’est « l’hétérosexualité » en lisant l’autre code du Dictionnaire des Codes homosexuels fortement imbriqué avec celui-ci : « L’homosexuel = L’hétérosexuel ». Il vous explique que l’hétérosexualité est un concept très récent qui était, à sa création (1870), synonyme de « bisexualité » (et non de relation de fidélité exclusive et aimante femme-homme), et qui est apparu pile à l’époque où précisément le mythe du « self-made man sans Dieu » et de l’Homme-objet naissaient grâce aux progrès scientifiques et audiovisuels humains.

 

En effet, avant d’emprunter le chemin du couple homosexuel, qui est une copie exacte du couple hétérosexuel, la grande majorité des personnes homosexuelles a été fortement influencée par le couple hétérosexuel formé par Ken et Barbie. Elles ont intégré dans leur cœur une vision complètement cucul et violente, fusionnelle et conflictuelle, rose et noire, du couple femme-homme et de l’Amour. Celle que leur ont donnée les films pornos, les magazines, les comédies romantiques/dramatiques, les romans à l’eau de rose, la peinture, et parfois leurs parents désunis (je traite plus largement du lien entre divorce et homosexualité dans le code « Orphelins » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Généralement, quand on les interroge sur les couples intégrant la différence des sexes, on se rend vite compte que les personnes homosexuelles sont d’une naïveté incroyable : elles ont vraiment pris les couples médiatiques pour des réalités (à imiter dans le rejet ou l’adulation).

 

CIRE Jenifer

 

Tous les ménages que nous connaissons qui se disputent, mais qui paradoxalement vivent encore dans le mythe fusionnel/fiévreux du prince charmant et de la princesse charmante (utopie passionnelle qui envisage la structure du « Couple » comme une plénitude absolue et facile, comme un duo qui se nourrira exclusivement du feu des sentiments amoureux), ou au contraire dans la haine de ce mythe, sont dignes d’être appelés « homosexuels » (s’ils sont formés de deux personnes de même sexe) ou « hétérosexuels » (s’ils se composent de deux personnes de sexes différents).

 

La famille « hétérosexuelle » type se compose de « Monsieur Papa » d’un côté, de « Madame Maman » de l’autre, bien séparés ou carrément trop collés (… et de « Monsieur Bébé » entre les deux… parce qu’il faut bien…) : c’est la famille artificielle des pubs. Dans les médias, « les hétéros » sont souvent représentés par deux poupées Barbie et Ken emballées sous cellophane et juxtaposées l’une à l’autre, par les figurines de mariés sur les pièces montées de mariage, par des ombres chinoises en conflit, par des siamois partageant un même buste, par un homme d’affaires en vadrouille et une femme au foyer esseulée et malheureuse, par les couples déchirés des comédies sentimentales, par les acteurs froids et fusionnels des films pornos, ou bien par une photo déchirée d’une actrice et d’un acteur sur les couvertures de journaux à scandale. Ils se nomment Chouchou et Loulou, les Bidochons, Marie-Chantal et Charles-Édouard, George et Margaret dans leur chambre à coucher, Brandon et Samantha (sur la Ferrari rouge), les « bobos » anti-sociaux, etc.

 

CIRE 6 Pierre et Gilles

Photo de Pierre et Gilles


 

La distinction que j’établis entre couple hétérosexuel (composé de deux êtres-objets vivant l’un à côté de l’autre, mais sans âme) et couple femme-homme désirant avait déjà été faite par Plutarque au Ier siècle après J.-C. : dans Dialogue sur l’Amour, il parle d’un côté de « l’union intégrale » des « époux qui s’aiment », et de l’autre « des relations des gens qui vivent côte à côte sans avoir entre eux ce lien profond ». Ceux qui à l’heure actuelle associent « les hétérosexuels » à tous les couples femme-homme, ou pire, à tous les pères et mères de la Terre, prennent les choses à l’envers en faisant passer l’image médiatique avant la Réalité : ce n’est pas le couple femme-homme (et encore moins la famille) qui fait le couple hétérosexuel, mais le désir de copier le « couple hétérosexuel » imagé qui transforme certains individus en caricatures d’« hétérosexuels » ; c’est une application scolaire et rigide de la différence des sexes, une sacralisation démesurée de celle-ci. Le couple femme-homme qui s’aime d’un amour vrai ne mérite même pas de s’appeler « hétérosexuel » puisqu’il n’est ni statique ni violent, et qu’il ne fait pas du paraître sa priorité désirante. Une seule orthographe pourrait convenir aux hétérosexuels : les « éthers au sexuel ».

 

Le couple homosexuel est une copie conforme inversée du couple hétérosexuel, et une pâle imitation du couple femme-homme uni par l’amour. Par exemple, dans le film « Dimanche matin » (2001) de Robert Farrar, nous retrouvons bien cette transposition du couple hétérosexuel au couple homosexuel, avec la « tantouze » menée par le bout du nez par son « mari » ultra-macho. C’est intrigant comme dans l’inconscient collectif, l’union homosexuelle est spontanément associée aux couples femme-homme en conflit (donc hétérosexuel) et jamais aux couples femme-homme unis et non-hétérosexuels. On peut observer que dès que deux amis du même sexe se querellent en public, tout de suite s’abat sur eux le soupçon d’homosexualité. Se chamailler entre semblables sexués, cela « fait homosexuel » ou « vieux couple hétéro ». Ceci est tout à fait significatif de la nature du désir homosexuel qui encourage à l’identification aux deux membres du couple hétérosexuel, à savoir l’homme-objet et la femme-objet, tous deux haineux et simulant une entente de façade qui cache une guerre impitoyable.

 
 

Les contre-coups de l’absence de séparation des sexes ou de l’excès de séparation entre les sexes

 

Il est probable que le viol que les personnes homosexuelles ont cru subir/ont vraiment subi est celui de la séparation excessive entre les sexes, mais aussi celui de l’absence de séparation. « Paradoxe ou incohérence : au moment même où la différence des sexes ne parvient plus à structurer la sexualité et les rapports entre les corps, elle prend valeur constituante dans le corps politique où le genre sexuel devient un critère déterminant. […] On s’étonnera de voir nos socialistes faire de la différence des sexes un critère là où elle n’a rien à en faire (parité, conquête et exercice du pouvoir) et vouloir l’effacer là où elle est structurante (sphère privée, famille). Visant à réduire les discriminations, on désexualise les institutions (mariage, procréation), et à l’inverse on sexualise le langage (féminisation des noms de fonction, transmission du patronyme). » (Michel Schneider, La Confusion des sexes (2007), pp. 23-24)

 

CIRE PINK

 

Socialement, l’effacement progressif des espaces féminins et masculins va crescendo. La parité et la mixité sont des valeurs de plus en plus imposées – et donc menacées – dans nos civilisations, et le trouble pour celui qui essaie de se construire une identité sexuée et d’apprivoiser son corps de femme ou d’homme s’accentue. La définition sexuelle semble être laissée non plus à la Nature, à l’extérieur, à la société, à la famille, aux parents, mais à l’appréciation personnelle de l’individu qui risque, du coup, de ne plus savoir qui il est. De l’excès du partage des sexes connu dans les siècles antérieurs, nous sommes passés à un autre, tout aussi handicapant pour la réalisation de la rencontre entre femmes et hommes : le retrait de la démarcation. Il est handicapant dans la mesure où la séparation temporaire, loin d’impliquer nécessairement la rupture, peut dans le meilleur des cas signifier « reconnaissance », « condition préalable à la relation », « espace d’échanges », « préparation de la rencontre ». Une société qui laisse ses membres se regrouper et se séparer selon les âges, les sexes, les religions, les cultures, les pays, les passions communes, les affinités, les convictions politiques, les liens familiaux, etc., est une collectivité humaine qui respire la démocratie. L’encouragement à la distinction entre les sexes n’a rien de militaire ni de « fasciste » : c’est l’empêcher à tout prix (sous couvert d’« égalité de droits » ou « des sexes » par exemple) qui devient totalitaire.

 

Les personnes homosexuelles, par ce qu’elles sont et désirent, expriment ce malaise social de l’indifférenciation des sexes. La plupart du temps, elles le justifient : certaines n’acceptent pas la distinction filles/garçons faite dans les écoles, les hôpitaux, au seuil des toilettes et des vestiaires, chez le coiffeur, dans les dictionnaires, etc., parce que pour elles, elle équivaut à la séparation totale entre les sexes, et plus fondamentalement à la remise en cause de leur désir d’être tous les sexes. Mais de temps en temps, inconsciemment, elles regrettent que l’effacement de cette frontière empêche les femmes et les hommes de se rencontrer.

 

Le désir homosexuel est l’indicateur de la blessure que la femme et l’homme s’infligent dans leur couple par l’image médiatique d’abord, et parfois dans la réalité concrète. C’est pourquoi mon insistance sur les liens entre désir homosexuel et viols sociaux. L’homme est actuellement de plus en plus condamné à porter l’étiquette du « beauf bourrin » et ennuyeux ou du parfait prince charmant qu’il n’est pas. La femme, quant à elle, est réduite à l’image de tigresse « salope » ou de femme au foyer, blonde et soumise. L’un comme l’autre se réifient à l’image… si bien qu’au final, certaines femmes et certains hommes réels ne veulent plus se côtoyer simplement, et prétendent parfois s’autosuffire dans l’affirmation d’une homosexualité ou d’un isolement fier de lui-même. Beaucoup de femmes et d’hommes actuels s’enlisent dans le débat sexiste, ou esthétisent leur angoisse par rapport à la disparition des membres du sexe « opposé » en questionnement disco (cf. les chansons « Où sont les femmes ? » de Patrick Juvet, « Où sont passés les Hommes ? » du groupe L5, « Toc, Toc, Toc » de Zazie, « Les Brunes comptent pas pour des prunes » de Lio, etc.) n’indiquant pas un renoncement aux mythes télévisuels de l’hypervirilité ou de l’hyperféminité, mais au contraire une réinstauration de ceux-ci. On le voit rien qu’aux reproches que formulent certaines femmes médiatiques aux hommes : elles s’adressent davantage à des Monsieur Muscle plantés passivement devant leur petit écran, ou posant sur leur Harley comme des objets, qu’à des hommes de chair et de sang. « Los chicos son de molde y nosotros de corazón. » (Beyoncé défendant les « femmes », dans sa chanson « Si Yo Fuera Un Chico » ; traduction personnelle : « Les hommes sont de pierre alors que nous, nous sommes sentimentales. »)

 

Certaines personnes homosexuelles illustrent en image que c’est en partie l’abandon des femmes par les hommes, ou l’abandon des hommes par les femmes, qui ont fait d’elles « des homos » (cf. les films « W » (1998) de Luc Freit, « Que faisaient les femmes pendant que l’homme marchait sur la lune ? » (2000) de Chris Vander Stappen, « Beignets de tomates vertes » (1991) de Jon Avnet, « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, etc.). Il est indéniable, même si nous ne pouvons pas en faire une règle, qu’il y a énormément d’enfants de parents divorcés parmi les personnes homosexuelles, ou bien de jeunes adultes dont les géniteurs restent ensemble par convenance ou pour l’image. Il n’est pas très étonnant non plus que les militants gay les plus intransigeants sur la pureté homosexuelle soient aussi ceux qui ont un passé hétérosexuel particulièrement lourd. Ce conflit (fantasmé) entre leurs parents peut se traduire par une intériorisation identificatoire, une affirmation officielle d’une identité homosexuelle factice qui est à l’image du clash entre leur père et leur mère. Le « Je souffre de votre (possible) désunion/du viol que vous vous infligez » se mute en « Papa et maman, je suis homo… et je garderai secret votre (désir de) divorce ».

 
 

La validation, et parfois la construction homosexuelle, du couple hétérosexuel

 

Par leur façon de parler du couple « hétéro », nous comprenons tout de suite que beaucoup de personnes homosexuelles confondent la famille composée de la femme et de l’homme réels, avec la famille décrite par les prospectus : par exemple certaines parlent de la première comme d’une « idéologie lourde et coûteuse » (cf. l’article « Hétérosexisme » de Louis-Georges Tin dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 209), donc d’une propagande publicitaire et politique, alors que jamais le couple femme-homme réel n’a eu besoin d’argent, ni de la télévision, pour éprouver la joie et le besoin ludique de se rencontrer : il s’est formé spontanément, gratuitement, volontairement, même s’il a bénéficié par la suite de l’appui des structures sociales pour célébrer son union. L’attachement des personnes homosexuelles au mythe du prince charmant et de la princesse blonde, qu’elles attribuent bizarrement à tout individu qui s’accouple avec une personne du sexe « opposé », leur apparaît évidemment intolérable puisqu’elles le choisissent comme modèle de référence ou anti-modèle, et qu’elles ont pour la plupart du temps contribué à le rendre iconographiquement réel, par leur création d’une image violente du couple femme-homme. Car qui transforme la femme et l’homme en statues de cire à la fois stoïques et en conflit, sinon une majorité d’entre elles ? Elles prouvent souvent à l’image qu’elles confondent le couple réel avec leurs effigies parce qu’elles le regardent précisément comme un objet destructeur, tout-puissant, et enviable. Le motif de la femme fellinienne géante et du pantin masculin, de la blonde vénéneuse qui manipule le mâle avec un rire sardonique, ou bien de l’amant amoureux de sa figurine qui se refuse sans arrêt à lui, reviennent fréquemment dans les œuvres homosexuelles.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles empêchent la rencontre entre la femme et l’homme en la diabolisant ou en la romançant sur les écrans. Dans certains films homo-érotiques, il n’est pas anodin que ce soit le personnage homosexuel qui, on ne sait jamais vraiment pourquoi (peut-être s’interpose-t-il pour leur éviter une guerre dramatique élaborée par ses propres fantasmes ?), sépare la femme et l’homme. Le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion en fournit un parfait exemple. Les représentations stylisées du combat entre le camp des filles et celui des garçons – notamment dans les comédies musicales et les jeux télévisés – excitent souvent beaucoup les personnes homosexuelles. Elles mettent fréquemment en scène l’impossibilité de l’union femme/homme, souvent par le traitement tragi-comique, à travers une scène de répudiation entre une femme hautaine et un homme désespéré l’implorant à genou, ou bien des disputes cataclysmiques jouées par des stéréotypes agressifs de chacun des deux sexes.

 

CIRE Dujardin

 

Cette vision diabolisée ou mièvre de l’union femme-homme implique aussi l’illusion de la compréhension parfaite entre les femmes et les hommes réels. Beaucoup de personnes homosexuelles divinisent le couple hétérosexuel, y compris aux dépens du mariage et du couple femme-homme réel non-hétérosexuel. Elles croient à la fois que tous les humains sont condamnés à ne jamais être heureux en amour, et paradoxalement, qu’ils goûtent tous au bonheur magique et « normal » dont elles seules seraient privées. Par exemple, certaines pensent naïvement que « les enfants hétéros n’auront jamais aucun problème dans leur vie » (Denis, un trentenaire homosexuel interviewé dans l’émission Bas les masques (1992) de Mireille Dumas). Comme elles attribuent à ceux qu’elles appellent parfois « les heureux » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 128) une vie selon les stéréotypes de la publicité, elles assurent que l’existence des autres est peu enviable, mais cependant plus harmonieuse que la leur. « Je pensais jalousement à ces hommes anonymes qui à cette heure s’amusaient, grossièrement peut-être, mais qui étaient supérieurs à moi par leur connaissance du plaisir, dont j’avais seulement le désir… » (cf. le poème « El Placer » de Luis Cernuda)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles idéalisent le couple femme-homme non-hétérosexuel parce qu’elles le jalousent secrètement, lui et le couple hétérosexuel. La jalousie semble être l’un des moteurs principaux du désir homosexuel. Certaines personnes homosexuelles la justifient en la projetant en haine « hétérophobe » sur ceux qui ne seraient que des « homophobes envieux » (Gregory Woods, Historia De La Literatura Gay (1998), p. 294) faisant une allergie inexpliquée à « leur bonheur d’homosexuels ». En définitive, elles envisagent que le bonheur puisse être gênant, non pas parce qu’il le serait réellement, mais parce qu’elles-mêmes en font une expérience paradoxale. La félicité des autres a souvent quelque chose d’écœurant quand on ne la vit pas exactement soi-même. S’il y a une haine de leur part pour le couple femme-homme qu’elles qualifient de « tyrannique », c’est parce qu’effectivement il est matraqué en tant que « modèle hétéro » idyllique dans les médias, mais aussi parce que la supériorité du couple femme-homme désirant (donc non-hétérosexuel) réveille leur orgueil mal placé et les renvoie de fait aux déficiences des structures conjugales homosexuelles (et hétérosexuelles !). En effet, que signifie l’expression « omniprésent schéma oppressif de la famille traditionnelle » ou « famille hétérosexuelle standard et idéale » dans un pays comme la France où un tiers des couples ne sont pas mariés, où plus de la moitié des enfants naissent hors mariage ? La modèle conjugal imposé n’est-il pas plutôt, en 2008, la famille éclatée et recomposée ? Le mépris affiché des couples intégrant la différence des sexes exprime chez les personnes homosexuelles leur quête désespérée d’approbation et la volonté de se substituer à ces couples dans l’inversion mimétique homosexuelle.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) Où sont les membres de l’autre sexe ? :

Très souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, c’est l’absence des membres de l’autre sexe qui a impulsé l’homosexualité du personnage gay ou lesbien. « Les femmes sont parties. On va pouvoir bouger. » (Bernard, le héros homosexuel draguant son voisin Didier, fragilisé parce qu’il apprend que sa copine a un amant, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Tous ces hommes, que sont-ils devenus ? » (Madeleine dans la comédie musicale Ball Im Berlin, Bal au Savoy (1932) de Paul Abraham) ; « Si tu continues à les laisser filer les uns après les autres, les filles seront plus rapides. » (Maurice s’adressant à sa fille lesbienne Delphine, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc. C’est pourquoi ce dernier pose la question top Disco « Où sont les femmes (ou les hommes, dans le cas lesbien) ? » : cf. le film « Que font ces dames… quand leurs maris bossent ? » (1971) d’Ernst Hofbauer, la pièce Où va le cœur des filles quand ils sont partis ? (2008) d’Annelise Uhlrich, la chanson « Où sont les femmes ? » de Patrick Juvet, le film « Va voir maman papa travaille » (1977) de François Leterrier, le film « ¡ Cariño, He Enviado Los Hombres A La Luna ! » (1998) de Marta Balletbo-Coll, le film « Que faisaient les femmes pendant que l’homme marchait sur la lune ? » (2000) de Chris Vander Stappen, le film « Where The Boys Are » (2010) de Bertrand Bonello, etc.

 

Par exemple, dans la mise en scène d’Esteban Morilla (2008) de la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (1938) de Witold Gombrowicz, on entend la chanson de Patrick Juvet « Où sont les femmes ? ». Dans le film « W » (1998) de Luc Freit, ce sont les parties de flipper de l’héroïne qui font que son petit ami va s’homosexualiser avec le serveur transsexuel dans les toilettes du bar. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah, l’une des héroïnes lesbiennes, fait croire que sa mère est absente et partie en ONG en Afrique. Dans la comédie musicale Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse, quatre femmes célibataires racontent leurs déboires sentimentaux avec des hommes qu’on ne voit jamais, qui sont comparés à des « ombres ». Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire et Joséphine sont toutes les deux abandonnées d’un seul être invisible : « On est amoureuses du même homme et nous allons trouvé une solution. » ; elles finissent par le laisser tomber, et par se tourner amoureusement l’une vers l’autre, faute de mieux. Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Nina finit lesbienne après être sortie avec des hommes volages (Marc) et indécis (Baptiste). Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno devient homo parce que sa copine le délaisse. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, ce sont les absences répétées de son mari Heck (il rentre bourré d’une soirée entre copains, il se défile au moment de coucher avec sa femme et reporte le « coup ») qui conduisent Rachel, l’héroïne lesbienne, à se rapprocher de Luce. Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Catherine arrive à séduire Fanny parce que celle-ci se sent délaissée par son mari. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Henri, le bûcheron marié, a viré sa cuti quand sa femme est partie. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Bettina, la femme de Marc, dort quand ce dernier arrive du travail, raccroche au téléphone, s’absente, livre finalement son mari à l’homosexualité par son indifférence. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Marie et Aysla, chacune mariée, finissent par sortir ensemble car elles sont abandonnées par leurs maris respectifs, et/ou les abandonnent : Bernd, le mari de Marie, trompe sa femme avec une collègue de travail, et Marie les surprend ; quant à Aysla, elle doit supporter les absences et les voyages de son mari Dom : « Dom va être très souvent en déplacement. Alors il va falloir qu’on s’occupe d’Aysla. » conseille même Bernd à Marie. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona se laisse aller au lesbianisme parce qu’elle est délaissée par son mari, Harvey, un homme au chômage qui se laisse entretenir par elle, et qui la trompe en cachette.

 

Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M a manqué de référentes féminines pour s’identifier en tant que femme : « J’avais cinq ans quand ma mère est morte. Il n’y avait pas de femmes dans mon entourage. » Plus tard, le père d’Adineh arrive à la même conclusion que sa fille : « Si Adineh avait été élevée par sa mère [décédée quand elle avait 5 ans], ça ne serait jamais arrivé. »
 

De plus en plus ouvertement, les princes charmants renoncent à leur titre et à conquérir leur princesse (cf. les chansons « J’suis pas ton prince charmant » de Keen-V, « Manque de personnalité » de Doriand, « Fais-moi un chèque » de Jena Kanelle) ; et la princesse jette ses colliers (cf. les chansons « My Love Don’t Cost A Thing » de Jennifer Lopez, « J’envoie valser » de Zazie, etc.). Ceci est fait dans la désinvolture la plus totale… mais si, à de rares moments, une lueur de regret s’éclaire timidement : « Qu’est-ce que je vais faire maintenant qu’elle est partie ? » (le mari abandonné par sa femme qui s’est découverte lesbienne, et bien démuni, dans la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora); « Je ne suis pas le Superman viril que tu attendais !! » (Gabriele, le héros homo, violentant son amie Antonietta qui souhaitait « se faire sauter sur la terrasse » de l’immeuble, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; etc.

 
 

b) Le couple hétérosexuel est une union-objet de deux individus de sexe différent, mais sans désir l’un pour l’autre, voire même en conflit :

Film "Cabaret" de Bob Fosse

Film « Cabaret » de Bob Fosse


 

En général, dans les créations homosexuelles, le couple femme-homme est réifié en statues de cire ou en ombres chinoises se battant en duel. C’est le cas dans le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache (avec les statues d’hommes et de femmes nus de la boîte gay L’Apocalypse), le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder (avec les mannequins de l’atelier de Petra), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec le couple femme-homme Janet/Brad statufié par le Dr Frank-N-Furter), la chanson « Derrière les fenêtres » de Mylène Farmer (« Homme et femme de pierre, au destin sans gloire »), le vidéo-clip de la chanson « Nothing Compares 2 U » de Sinnead O’Connor, le vidéo-clip de la chanson « Parler tout bas » d’Alizée, le film « Topaz » (« L’Étau », 1969) d’Alfred Hitchcock (avec les statuettes du berger et de la bergère brisées), le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec l’image du couple de grands-parents, momifiés sur leur chaise longue dans un jardin), la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier, la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez (dans l’appartement de Vivi, le héros homo, il y a deux statues d’un homme et femme qui ressemblent à un berger et une bergère de pastorale), la pièce Ma première fois (2012) de Ken Davenport, la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall, la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec le couple Jean-Paul/Catherine), le vidéo-clip de la chanson « Sounds Of A Melody » d’Alphaville, etc. Par exemple, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, matte sur la plage un couple hétéro (formé en réalité par Léonard et sa copine blonde, allongés sur le sable). Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Vita Sackville-West, lesbienne, contracte un mariage de convenance avec sir Harold Nicolson. Ils sont tellement distants que lorsqu’ils s’embrassent le matin au réveil dans le lit commun, ils se traitent de « voisins » : « Bonjour voisin. » (Vita) « Bonjour voisine. » (Harold).

 

Pour ce qui est des ombres chinoises femme-homme en guerre, on a par exemple le film « Sancharram » (2004) de Licy J. Pullappally, le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, le film « Rear Window » (« Fenêtre sur cour », 1954) d’Alfred Hitchcock, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta, la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton (avec Jenny et Joe à la fin), le film « La Chair et le Sang » (1985) de Paul Verhoeven, le film « Chacun cherche son chat » (1995) de Cédric Klapisch, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, la performance Golgotha (2009) de Steven Cohen, la comédie musicale Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphane Druet (avec un couple femme-homme en ombres chinoises, dans lesquelles la silhouette masculine tend un sexe dru en forme de matraque), le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch (avec Michel, le héros gay et un de ses amants en ombres chinoises derrière un rideau imitation panthère, en plein feu de l’action), etc. Par exemple, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Mathilde et son meilleur ami homo Guillaume méprisent le couple marié formé par Michael (secrètement homo) et sa femme : ce dernier est réduit au binôme Bière/Chipsters. Dans l’épisode 363 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 25 décembre 2018, André Delcourt, le père de Chloé l’héroïne, fait son coming out, après un « mensonge » et une disparition de plus de 35 ans, pendant lesquels il a abandonné femme (Marianne) et enfants (Anna et Chloé). En parlant de sa vie d’homme marié à Marianne, il conclut non pas à la « farce » (comme celle-ci voudrait bien le croire) mais au couple d’ombres chinoises : « Notre vie était un théâtre d’ombres. »

 

Le couple hétérosexuel est le couple de poupées Barbie sous cellophane, des figurines moisissant sur une armoire et respirant la poussière : « Je ne suis pas curieux des meubles dans lesquels vous vivez. » (Denis à son amant Luther, marié à Alice et vivant son homosexualité en cachette de sa femme, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Petra marqua une nouvelle pause, comme pour se souvenir des boîtes de nuit bourrées de garçons maquillés et de filles attendant de se faire draguer. » (Louise Welsh, The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012), p. 82) ; « J’ai eu peur qu’on l’ait empaillée. » (Citron en parlant de sa compagne Pearl, dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) ; « J’ai l’impression que je ne suis qu’une pièce rapportée. » (Monsieur de Rênal, le mari efféminé de Louise, dans la comédie musicale Le Rouge et le Noir (2016) d’Alexandre Bonstein) ; etc. Dès qu’un personnage s’hétérosexualise, il est vue comme une statue par les personnes homos. Par exemple, dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura, décrivant Sylvia son « ex » hétérosexualisée, la durcit : « Je vis soudain ce qui, chez elle, avait changé : son visage […] s’était fait plus dur, plus féminin. » (p. 164) Le mari hétérosexuel et sa femme hétérosexuelle se regardent toujours en chiens de faïence : « Mon mari est un sphinx. » (Simone, l’hétérosexuelle de la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) Les parents sont d’ailleurs rangés au rayon « vieilleries » : « Retourne chez toi, ma mère, va dans ton Musée de Cire épousseter les saphirs ! » (Lou à sa mère Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je suis tellement loin de lui. Mais j’peux pas le quitter. » (Charlotte, l’héroïne bisexuelle ne se sentant pas de quitter Michel pour Mélodie, dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell) ; « On t’a appris qu’Ève était en Mac et Adam en PC ? » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; « Et c’est comme ça qu’on se met en ménage. Tout ignorant de l’autre. Comme des martiens. » (idem) ; « Je connais plein d’hétérosexuels qui n’aiment pas la leur. » (Caroline par rapport aux maris qui n’aiment pas leur femme, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; « Je connais plein de femmes hétérosexuelles qui n’aiment pas leur mari. » (Raymond, idem) ; « Alors vous deux, ça y est ? C’est fait ? Vous avez fusionné ? » (Mireille s’adressant à Caroline et à Raymond, idem) ; etc. Dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, les couples femme-homme ou parfois les couples homos sont figés en portraits peints avant d’exister dans la réalité, comme des prémonitions : c’est l’image statique qui fabrique et prédit le couple, et non la Nature ou la liberté. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel, regarde ses deux parents dormir sur le canapé-lit comme des objets de musée méprisables… puis avec plus d’envie le couple Élisabeth et Jean nus. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, le couple marié formé de l’homosexuel refoulé Georges et de sa femme Christelle est typiquement hétérosexuel. Il se caractérise par deux poupées très bisexuelles et séparées par un mur : « Nous sommes murés tous les deux dans l’incapacité de communiquer. » Dans le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion, Isabelle, l’héroïne bisexuelle qui va former un mariage désastreux avec un homme qu’elle n’aime pas, s’arrête dans une église face à deux stèles funéraires d’un roi et d’une reine côte à côte qui la pétrifient (elles sont jugées « morbides ») et la dégoûtent du mariage : « Je crois que je ne suis pas faite pour le mariage. » Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la femme de Nicolas le héros homosexuel, est contrainte d’assister au mariage d’inconnus, Laurence et Martin, qu’elle cherche à détruire de son regard critique assassin : elle ne supporte pas « le mariage de ces guignols ». Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel et Léo vont au cinéma ensemble voir un film où un robot monstrueux tient dans sa main un marié et une mariée qu’il écrabouille. Dans la chanson « Soyez pédé » de GiedRé, il est question du « couple borné et statique » hétérosexuel : « Pour freiner le flot des mariages bâclés, il n’est qu’un remède : soyez pédé ! » Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, découvre une photo encadrée de ses parents planquée dans la remise familiale par son père, et respirant la poussière.

 

Par exemple, dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Evelyne suit des stages féministes sur la sexualité, et se voit conseiller par sa collègue Missy, qui lui vante les bienfaits du divorce, de s’envelopper comme par hasard dans du papier cellophane : « Tu te rappelles qu’ils nous ont conseillé de nous envelopper dans de la cellophane pour les supporter, ces séances sur le mariage ? » L’espace d’un instant, dans une drôle de rêverie, elle s’imagine concrètement la scène.
 

Film "Victor Victoria" de Blake Edwards

Film « Victor Victoria » de Blake Edwards


 

La particularité du couple hétérosexuel, c’est qu’il est sans désir, comme nous le voyons avec la description du couple Lucile/Xavier Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre (« Lucile et moi avions oublié le désir. », p. 123) ou bien encore dans la bouche des personnages du roman Trainspotting (1993) d’Irwin Welsh : « On est hétéros par défaut. » « Nous allons plutôt bien ensemble. S’aimer… c’est autre chose. […] Parfois, nous restons tout simplement assis, comme ça, sans rien nous dire. » (Franz, le héros homosexuel parlant de son ancienne relation avec Ana, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) Quand ils sont en couple, ils passent leur temps à s’engueuler, se tromper, et à former un mariage catastrophique : cf. le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer (Lena est battue et menacée par son mari Ralph – homosexuel refoulé -, le père de Johnny est un gros beauf à femmes, Roméo le héros gay joue à l’hétéro avec une fille qu’il n’aime pas), le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron (Mr Carter et sa copine Lucilla), la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz (le père de Chris, le héros homo, s’est fait larguer par sa femme et a une copine, Sultana, qui a la moitié de son âge), etc. « Mes parents ne font pas l’amour. Ils font juste des enfants. » (Jean-Henri dont les parents se disputent et cassent des assiettes, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis)

 

Le couple hétéro est l’androgyne. « Je suis Sultana, la moitié de votre père. » (Sultana, la copine du père de Chris, le héros homosexuel, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Mes dieux chéris adorés, faites que jamais nous ne nous séparions, lui de moi et moi de lui. » (la naïade abusive fusionnant avec Hermaphrodite, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Bal du Comte d’Orgel (1924) de Raymond Radiguet, le Comte Anne d’Orgel et sa femme Mahaut forment un couple androgynique ( = deux moitiés d’homme) au sein duquel il y a une inversion des sexes : on nous dit qu’Anne a « une voix efféminée » et que la voix de Mahaut au contraire « apparaît rauque et masculine aux naïfs ». (p. 25) Dans le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, la vision du couple femme/homme est androgynique (il est question de « moitiés »), donc hétérosexuelle. Dans le film « Une Femme sans tête » (20) de Lucrecia Martel, Marcos et Véro figurent le couple hétéro coupé en deux au mariage par un trait blanc.

 

Dans le couple hétérosexuel, la rupture précède ou succède de/à la fusion : « Quand on est mariés, on est collés, comme avec de la glue. » (Mundu dans le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta) ; « Ils étaient incapables de se toucher sans penser que l’un voulait faire de mal à l’autre. » (Carmen en parlant de ses parents – le père au bistrot et la mère tricotant sur son fauteuil devant la télé, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « Quand j’étais petit, mes parents faisaient l’amour devant moi. J’ai même dormi nu sur ma mère. Alors avec ça, dans la vie, t’es mal barré. Je devais être prédisposé. Je regardais même mon père se déshabiller. » (Jacques Nolot, le héros homo du film « La Chatte à deux têtes », 2002) ; « Vous étiez vraiment les deux pôles opposés d’un aimant. » (Jasmine s’adressant à sa mère en parlant de ses parents, dans la pièce Frères du Bled (2010) de Christophe Botti) ; « Ils [les parents de Stephen] étaient indivisibles, ne formaient qu’une chair, qu’un esprit, malgré tout ce qui avait pu se glisser entre eux pour essayer de rompre cette unité : c’était pourquoi leur enfant devait se lever et les aider si elle le pouvait, car n’était-elle pas le fruit de leur unité ? » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 114) ; « Stephen vit un homme et une femme qui se tenaient enlacés comme si aucun d’eux ne pouvaient se résoudre à s’arracher des bras de l’autre et, comme ils étreignaient et s’embrassaient, ils vacillèrent, ivres d’amour. Alors, comme il arrive parfois dans les moments de grande angoisse, Stephen ne put se rappeler que le côté grotesque. Elle ne put que se rappeler une servante aux seins replets dans les bras d’un valet de pied grossièrement amoureux, et elle se mit à rire, à rire comme une démente… » (idem, p. 257) ; « Je les regarde, les parents. Tous deux sont assis mollement, leur tête penchée, chacune de son côté, comme juste pendant d’une affliction bicéphale, corps tristes résignés dans une posture de compromis foireux entre bonne conscience bêtasse et assoupie culpabilité. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, pp. 86-87) ; « Les deux êtres se laissent aller à un dernier long, langoureux et savoureux baiser. Ils profitent de chaque instant passé l’un contre l’autre. Ils savent qu’il faudra attendre longtemps avant de revivre un tel moment. L’ombre des amoureux enlacés vacille sur le mur. Les bougies n’éclairent que très peu l’atelier en cette douce nuit d’été. » (cf. la description de la fille du potier Ditubades et du guerrier, immortalisés au moment de leur adieu par une sculpture, dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, p. 274) Par exemple, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Sandrine est malheureuse en couple avec Rodolphe, son petit copain qui veut coucher trop tôt avec elle. Dans la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks, le couple hétéro Freddie et Elisabeth joue au yoyo (avec une chanson intitulée « Stop on touche »), en étant tout à la fois trop distant et trop fusionnel entre eux. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Adèle en vient à l’homosexualité parce que la pression sociale et amicale la pousse dans les bras (et le lit) des garçons beaucoup trop tyranniquement et fusionnellement, à un âge où elle n’est pas prête pour vivre la fusion des corps.

 

Le couple hétéro est par essence fusionnel et incestuel : « Écoutez, Rodrigo, habituez-vous à marcher tout seul ! J’en ai assez de vous avoir accroché à mes jupons ! » (la Reine parlant à son mari Rodrigo le Jésuite dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Il était arrivé déjà le même doute pour les corps de son père, il est possible que les deux cadavres qui cohabitent dans cette tombe minuscule ne se soient jamais rencontrés de leur vie. » (le narrateur homosexuel, concernant les parents de Pietro son amant, morts calcinés, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 14) ; « Tu es comme ma mère. » (l’homme s’adressant à sa femme dans la pièce Couple ouvert à deux battants (2010) de Dario Fo et Franca Rame) ; « Mes dieux chéris adorés, faites que jamais nous ne nous séparions, lui de moi et moi de lui ! » (la naïade violeuse fusionnant avec le bel Hermaphrodite, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; etc.

 

Eau de toilette de Thierry Mugler

Eau de toilette de Thierry Mugler


 

Chronique d’une mort conjugale annoncée par Proust… : « Les deux sexes mourront chacun de son côté. » (Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, 1921) Par exemple, dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, les parents de Paulo se lavant dans la salle de bain se disent des horreurs tout en se regardant chacun droit dans la glace, dans un immobilisme qui laisserait presque croire à la banalité d’un quotidien amoureux éternel. Dans le film « Maurice » (1987) de James Ivory, le couple hétérosexuel est représenté par deux personnages vivant en concubinage côte à côte, mais ne se parlant pas. Le couple hétéro est formé de deux individualités séparées dans un même lit de chambre à coucher, à l’image des parents de Julien dans le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron. Dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, le « théâtre hétéro » est présenté comme minable et rasoir par rapport au théâtre homo. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Russell, l’un des héros homosexuels, est filmé en train d’écouter des discussions barbantes de mecs hétéros beaufs écœurantes et misogynes. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Rita et Massimo, les parents de Davide le héros homo, sont l’archétype du couple hétéro qui ne communiquent pas à table. Dans la pièce Veuve la mariée ! (2011) de David Sauvage, Roger a divorcé 5 fois et se met « à regretter d’être hétéro ». Dans la pièce The Importance Of Being Earnest (L’Importance d’être Constant, 1895) d’Oscar Wilde, Cecily explique à Algernon (qui se fait passer pour Constant, le frère de Jack) les relations qu’elle a construites de toutes pièces avec un Constant imaginaire. Elle s’envoyait des lettres, s’offrait des cadeaux de sa part, se fiance avec lui, rompt ses fiançailles, puis se fiance de nouveau… Bref, l’amour qu’elle s’est imaginée vivre avec Constant est tout sauf réel ! Au tout début du roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Jane, l’héroïne lesbienne, observe dans la rue un couple hétérosexuel, en décrivant un homme censé effectuer « sa corvée d’amour » (p. 13) auprès de sa compagne.

 

Film "Tick Tock Lullaby" de Lisa Gornick

Film « Tick Tock Lullaby » de Lisa Gornick


 

« Les femmes d’un côté. Les hommes de l’autre. On dirait que la mixité dans les écoles depuis la maternelle a entraîné non pas le rapprochement des sexes, mais au contraire une certaine ségrégation. Normal ! Le petit garçon ou la fille d’au-delà de la clôture attise plus la curiosité et la convoitise que le petit garçon et la petite fille réunis en liberté dans le même enclos. » (Françoise Dorin, Les Julottes (2001), p. 46) ; « Esti et Dovid sont ensemble sans l’être vraiment, ils regardent devant eux, plus qu’ils ne se regardent, comme s’ils craignaient de s’apercevoir à tout moment qu’ils sont étrangers l’un à l’autre, et de partir chacun de son côté. Mais non. Ils sont ensemble et quand Esti s’avance, Dovid la suit. En les observant, Ronit pense aux gens qui restent mariés même si l’un des partenaires change de sexe, ou perd l’une ou l’autre partie essentielle de son corps, ou l’esprit. C’est un peu condescendant, elle le sait, mais cette idée lui trotte dans la tête » (Ronit, l’héroïne lesbienne, parlant de son amante cachée Esti, une femme mariée à Dovid et vivant la vie terne d’une hétérosexuelle de base, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 298) ; « Tu te plains tout le temps qu’on s’ennuie. » (Bernd s’adressant à sa femme Marie, lesbienne, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; « Les couples hétéros n’ont pas le monopole de la longévité. » (Antoine, le héros homosexuel infidèle à son copain Adar avec qui il continue pourtant de vivre et avec qui il achète une maison, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin) ; « J’espère finir comme les parents, avec quarante ans d’amour malheureux. » (idem) ; etc.

 

CIRE 4 noir et blanc

 

Pour beaucoup de héros homosexuels, l’union de l’homme et de la femme est mercantile, hygiénique, violente et égoïste : « Après ils jetteront le papier toilettes souillé de leur sperme dans la cuvette, ils tireront la chasse et ils iront s’allonger tranquillement à côté de leur femme pour dormir et péter dans les draps. Bande de cons. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 43) ; « Si j’étais comme les gens avec qui j’ai grandi, je regarderais le catch en buvant des bières en canette. J’amènerais ma copine sur un parking pour lui tripoter les seins. J’aime être différent. Parce que je vaux mieux. » (Paul, l’un des héros homosexuels du film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « J’imagine que tu dois souvent avoir envie de tuer Tielo. » (Jane l’héroïne lesbienne s’adressant à Ute, la femme mariée à Tielo son mari, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 33) ; etc. Par exemple, dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand a vu le film « Amour » de Michael Haneke racontant l’histoire d’un papy qui tue sa femme, âgée, « par amour ». Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon désigne « Brenda et Brandon » comme l’archétype du couple de colons nord-américains esclavagistes hétérosexuels. Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Cindy, la « fille à pédé » dont Tom, le héros homo, se sert comme couverture hétérosexuelle, est qualifiée par la mamie de ce dernier de « traînée qui pose dans les magazines avec mon petit-fils », de « Miss Camping ». Leur couple postiche ne fait pas longtemps illusion car son artifice est de notoriété publique : « Que dites-vous aux journalistes qui disent que votre couple c’est bidon ? » (Graziella, la présentatrice de l’émission Star chez eux s’adressant à Tom et Cindy). Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Kena tombe dans l’homosexualité car elle est témoin des ruptures et des consommations entre hommes et femmes dans son entourage (ses parents sont divorcés, son pote Blacksta couche sans amour avec Nduta, son père volage qui a un enfant avec une autre femme, etc.), commises en toute impunité dans la société kényane.

 

L’image du mariage femme-homme dans les créations homosexuelles est souvent désastreuse : cf. le film « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen, le film « In And Out » (2001) de Franz Oz, le film « Loin du paradis » (2002) de Todd Haynes, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « 5 X 2 » (2004) de François Ozon, le film « Boat Trip » (2003) de Mort Nathan, le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, le film « L’Arbre et la forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (d’ailleurs, plus l’homosexualité refoulée des personnages s’expriment au sein de leur union, plus le couple s’hétérosexualise et devient infidèle), etc. Dans beaucoup de cas, le mariage (ou simplement l’union entre l’homme et la femme) est clairement associé au viol et à l’ennui : « Bon, d’accord, ton mari t’a violée. » (Zulma à sa fille Alba qui se découvrira lesbienne, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « Il la violera tous les soirs pendant 7 ans dans sa cave. » (Rodolphe Sand décrivant la Rosetta des frères Dardenne qui rencontre l’homme de sa vie, dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; etc.

 

Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, dresse un tableau catastrophique de la famille de sa sœur Lili : celle-ci est hystérique, son mari est un beauf alcoolique, leur fils est trisomique et leur fille est une graine de prostituée. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le héros homosexuel, compte se marier avec une femme, Sophie à qui il cache son passé homosexuel. Le mariage est vraiment montré comme le refuge du mensonge. D’ailleurs, Vincent engueule Sophie, la bat de temps en temps. Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Rosa la prostituée et son client Jules, avant de passer au lit dans une scène SM, simule le joli petit couple à table qui va manger du canard à l’orange. Plus tard, Rosa rejette l’amour sincère que lui propose son bel amant Julien : « J’ai pas mérité ton mépris, Rosa. »

 

Les couples en conflit, formés de la femme-objet et de l’homme-objet, sont légion, surtout dans l’univers musical homo-érotique des années 1980-90 : cf. le vidéo-clip de la chanson « Je t’aime Mélancolie » de Mylène Farmer (avec le combat de boxe), le vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer (avec la scène de tauromachie), le vidéo-clip de la chanson « The Power Of Goodbye » de Madonna (avec le combat d’échecs), la chanson « America » du film « West-Side Story » (1961) de Robert Wise (avec la joute chorégraphique et vocale entre hommes et femmes), la chanson « Embrasse-moi idiot » de Bill Baxter, la chanson « Boys And Girls » du groupe Charlie Makes The Cook, la chanson « À cause des garçons » du groupe À cause des garçons, les chansons « Fallait pas commencer » et « Les Brunes comptent pas pour des prunes » de Lio, le « Medley Match » du concert des Enfoirés 2008, etc. Par exemple, dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca, homosexuel, imite les mannequins des défilés femmes puis des défilés hommes.

 

Vidéo-clip de la chanson "Adélaïde" d'Arnold Turboust

Vidéo-clip de la chanson « Adélaïde » d’Arnold Turboust


 

On nous montre en général toujours la même scène kitsch de répudiation du Don Juan opérée par la femme hautaine se refusant à lui ; une sorte d’amour courtois médiéval inversé : cf. la chanson « Adelaïde » d’Arnold Turboust (avec l’odieuse Mademoiselle Adelaïde rejetant son mendiant d’amour), la chanson « C’est trop tard » d’Alizée, la chanson « Je te dis non » d’Élodie Frégé, la chanson « Ego Trip » de Stella Spotlight et Zéro Janvier dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec la demande en mariage ratée), la chanson « Le Jour J » de Zazie et Philippe Paradis, le film « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman (avec la pièce de théâtre entre Mino et sa sœur Karin), la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès (dans laquelle Leslie – jouant la princesse condescendante – repousse Anna – le chevalier servant – d’un « non » catégorique), le vidéo-clip (réalisé par Pierre et Gilles en 1990) de la chanson « A Lover Spurned » de Marc Almond (avec la femme acariâtre refusant le pardon imploré par l’amant à genoux), la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz (avec la princesse insaisissable, qui se dérobe à son amoureux éconduit), le film « Loulou » (1928) de Georg Wilhem Pabst, la pièce La Reina Del Silencio (1911) de Ramón Gy de Silva, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb (avec Texor, rejeté dans sa jeunesse par la seule femme qu’il a aimée), etc.

 

 

Par exemple, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, parce que lors d’une représentation Sibylle a déçu Dorian, ce dernier considère l’actrice Sybil Vayne avec qui il sort comme une traîtresse, et il finit par la jeter : « Tu as tué mon amour. Tu me laisses indifférent. Tu as tout gâché. Tu es vaine et stupide. » Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Chloé n’est pas venue au rendez-vous amoureux qu’elle avait donné à Martin. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Séverine fout un vent à Yassine qui croyait à leur flirt. Dans le one-woman-show Chatons violents (2015) d’Océane Rose-Marie, Jérôme, le pote hétéro d’Océane, se prend trois râteaux en boîte en accostant des femmes, dont une Samantha, Marseille hyper vache avec lui. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse, l’héroïne lesbienne, envoie ballader son amant Richard ; et sa compagne Carol fait de même, de son côté, avec son mari Harge.

 

« Je t’aime… mais c’est trop tard. » (Léa s’adressant à Chéri dans le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears) ; « J’ai pris des airs de comtesse qui se moque. » (cf. la chanson « La Pudeur » d’Oshen) ; « Elles ne font rien d’autre que les femmes ordinaires : exploiter le désir des hommes. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 219) ; « Un baiser s’il vous plaît un seul et le dernier ! Ô belle Tristana je vous en prie, cédez-moi un peu de vos lèvres ! Savez-vous donc que je vous aime ?’ Voilà enfin que Tristana le comprenait. Aussi s’approcha-t-elle de l’infortuné Nippon, berça contre son ventre son visage dans ses mains, et tout en consolant ses pleurs elle chantonna des comptines, afin d’apaiser ses yeux clos boursouflés de rougeurs. Puis, émue par le chagrin du gentil samouraï, elle murmura à l’oreille ces mots que sa gorge étranglée chuchotait avec peine. ‘Laissez-moi mon enfant vous offrir ce baiser… Pour qu’encore et toujours vous ayez foi en vos chimères…’ Mais le Nippon ne bougeait plus. Il semblait déjà mort. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami romancier homosexuel en 2003, p. 40) ; « Cette femme était de celles qui aiment à dire non. » (Roger dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 46) ; « Je ne suis pas de celles qu’on prend avant de passer par l’autel. Il m’a séduite, mais jamais il ne posera ses lèvres sur les miennes. » (Madeleine en parlant d’Heinrich, l’homme avec qui elle a couché, dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 65) ; « Scott, je ne pensais pas t’appeler, seulement…’ J’ai fait une pause, histoire de ménager un effet dramatique. Je suis comme ça. Je l’admets. J’ai fait une pause, pour le laisser imaginer que j’allais lui dire ‘Je t’aime’ ou ‘Reviens’. Et qu’il se sente complètement nul, mesquin et pitoyable. Puis j’ai enchaîné : ‘Je viens d’apprendre la mort de mon père.» (Ronit, l’héroïne bisexuelle à Scott, son amant de passage, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 46) ; « Are you strong enough to be my man ? » (cf. la chanson « Strong Enough » de Sheryl Crow) ; etc.

 

Dans le film « Farinelli » (1994) de Gérard Corbiau, le castrat Farinelli essuie un refus de Marie-France Pisier quand il la demande en mariage. Il rompt son verre en disant : « J’ai eu l’audace de croire que je pouvais être un homme… » Dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, le protagoniste Garnet Montrose « se fait jeter » par la veuve Nance à qui il envoie en vain pléthore de lettres. Dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, le Jésuite implore la Reine de revenir à lui : « Tout peut recommencer comme au temps où nous étions heureux ! Je t’en supplie, Pépita ! » ; mais celle-ci lui répond avec agacement : « Non, non et non ! » Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, Mechita refuse de donner sa main au vieux Largui qui lui déclame pourtant de jolis mots d’amour (« Doña Mechita, maintenant que nous sommes seuls, il faut que je vous dise la vérité : je vous aime !) ; il se fait renvoyer sur les roses par elle (« Taisez-vous, Largui, et continuez à ramasser les champignons ! Et n’allez pas me prendre les vénéneux ! »). Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, c’est quand le Don Juan Álvaro déclare sa flamme à Yolanda que celle-ci le jette comme un malpropre (« C’est trop tard ! ») et lui dit qu’elle est incapable d’aimer un seul homme : elle révèlera plus tard sa bisexualité.

 
 

c) Le couple homosexuel est une union-objet, et un pastiche de l’union réifiante hétérosexuelle :

CIRE 11 fer à repasser

 

Pas un pour rattraper l’autre… : le couple homosexuel, tout comme le couple hétérosexuel, manque de désir, ne s’aime pas vraiment, se révèle aussi fragile et normatif. « Tu vois, ce sont des couples. Des couples normaux. » (le docteur Bosmans présentant ironiquement un lieu de baise, de fornication et de prostitution bisexuels à Henri, le héros homo du film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « Tu es là, je suis là, et nous sommes deux étrangers. » (cf. la chanson « Ne s’aimer que la nuit » d’Emmanuel Moire) ; etc.

 

Les personnages homosexuels et hétérosexuels sont des jumeaux de désir (réifiant)… ou plutôt d’absence de désir ! Pensons aux figurines de gâteau de mariés (représentant d’abord les hétérosexuels, puis remplacées par les homosexuels) dans le générique de début du film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick. Par exemple, dans le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe, le duo d’amis (très hétéros) de la série nord-américaine Deux flics à Miami est transposé en couple gay sur le duo de flics chargé de suivre discrètement Arthur et Émilie : « C’est fini, les couvertures ringardes : vous êtes un couple gay à Miami. » leur dit leur chef. Dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer, les couples hétéro Lena/Révérend Ralph (homosexuel refoulé et homophobe) et le couple homo Johnny/Roméo sont mis sur le même plan. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, le couple homo Franz/Léopold est formé de deux hétéros : Franz a une copine Ana et Léopold est resté 7 ans avec Véra. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Frédérique la lesbienne et Romuald le gay font l’amour ensemble alors qu’ils sont chacun respectivement en couple homo. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, le couple homo William/Georges et le couple hétéro impossible Adèle/Pierre sont à l’image l’un l’autre. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, à la fin du film, on nous fait croire que Peter et Howard se préparent à leur propre mariage à l’église avant qu’on nous montre le mariage de la mère d’Howard avec son nouveau mari. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, les groupes de garçons et de filles hétéros se travestissent en soirées, et inversent (ponctuellement ?) leur sexuation. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, le couple lesbien Rachel/Luce et le couple hétéro Tessa/Ned (les parents de Rachel) s’embrassent simultanément au milieu de l’embouteillage. Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, c’est la dictature sociale et la sommation d’être en couple qui poussent le jeune protagoniste Sieger à s’homosexualiser en réaction. Le grand frère de Sieger, Eddy, lui met la pression : « Tu vas te maquer ? » Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, le duo Thérèse-Carol finit en petit couple bourgeois cheminée-salon-piano à Noël, comme dans les cartes postales de couple hétéro installé.

 

B.D. de la P'tite Blan

B.D. de la P’tite Blan


 

Dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie, le couple homo se comporte « comme dans un vrai couple hétérosexuel ». Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dit qu’avec son compagnon Claudio, ils veulent un enfant de manière hétéro. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Vivi (diminutif de Victor) et Norbert vivent une vie rangée très hétéro. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homosexuel, reproche à Jean de former avec son compagnon Juan un couple aussi conformiste qu’un couple hétéro. Dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, le couple hétéro Pascal/Stéphanie et le couple homo Sébastien le gay/Dadou la lesbienne sont mis en parallèle. Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Stéphane l’homosexuel et Florence la lesbienne pensent faire un enfant ensemble : le couple hétérosexuel est remplacé par son fac-similé homosexuel. Dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, le couple homosexuel est décrit comme un couple-objet, au même titre que le couple hétérosexuel : « Patreese s’est mis à genoux, a plaqué le nez contre le renflement du caleçon de Ben et m’a attrapé par l’entrejambe de mon pantalon pour m’attirer à lui. En l’espace de quelques secondes, il nous avait tous les deux en main et pressait nos queues l’une contre l’autre tel un enfant content que ses deux poupées Barbie fassent plus amples connaissance. » (p. 149) Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dit qu’avec son compagnon Claudio, ils veulent un enfant « de manière hétéro ». Ils collaborent pour cette raison avec un couple super beauf et gay friendly, Serge et Nadia (la mère-porteuse) : « Un enfant, qu’il soit élevé par deux pédés du cul ou par un père et une mère, l’important c’est qu’il ait de l’amour. » Les deux couples, hétéros comme gays, considèrent l’enfant comme un objet. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Annella, la mère de Elio, lit à son fils de 17 ans le conte du XVIe siècle d’un prince qui avoue son amour interdit à une princesse… ce qui poussera Elio à oser déclarer sa flamme à Oliver tout de suite après.

 

Dans la bien-nommée pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les deux « pères » de Gatal, en couple homo, tiennent un discours nataliste, familialiste, pro-vie, productiviste, déshumanisé, matérialiste, étiqueté « hétéro », focalisé sur la réussite sociale, la descendance biologique et le paraître. Ils se comportent en véritables despotes avec leur fils unique : ils téléguident sa vie à sa place pour qu’il ne soit plus célibataire et qu’il procrée avec un homme : « Ça ne peut plus durer. Ça rime à quoi ?? » Ils sont la caricature de l’obsession sociale pour le couple (sans amour) et pour l’enfant (sans amour) : « Ta semence est épaisse et riche. » (le père 2 s’adressant à Gatal) D’ailleurs, le seul couple d’« amour » qui va se former dans la pièce va être rendu impossible, d’abord à cause des pressions alentours, mais aussi parce que ceux-là même qui essaieront de le former sont anti-couples : Gatal et son fiancé voulaient rester célibataires toute leur vie, et dénoncent le fait que leur société « considère le couple comme une unité indivisible » ; ils finissent par composer un couple très proche du cliché du couple femme-homme hétéro musulman (à un moment, l’un d’eux porte un costard, et son « fiancé » une burka féminine sur le visage).
 

Je vous renvoie au film « Je Tu Il Elle » (1974) de Chantal Akerman, au film « Pon Un Hombre En Tu Vida » (1999) d’Eva Lesmes, l’autoportrait Les Mariés (1992) de Pierre et Gilles, la photo déchirée du couple homo dans le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, les figurines des mariées lesbiennes sur le gâteau de mariage dans le film « Ma mère préfère les femmes » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, la photo coupée en deux du couple Wendy et Mia – homme transsexuel M to F – dans la série Hit & Miss (2012) d’Hettie McDonald, la photo de mariage de Mariela et Miguel – le mari homo – exposée dans le salon le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec le parallélisme voulu entre le couple hétéro de vieux retraités Junn/Alan découvrant l’amour sur le tard, et le couple Kai/Richard vivant un amour secret), etc.

 

 

Le couple hétérosexuel est en réalité bisexuel. « Mais à chaque fois j’arrivais à brouiller les pistes, en sortant avec une fille. Avec une copine, on a le droit d’avoir un copain. Sans copine, on est pédé. » (Bryan, l’un des héros homosexuels du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 160) ; « Pierre Palmade ? Hétéro ! Il s’est marié avec Véronique Sanson. » (Rodolphe Sand montrant la photo du comédien Pierre Palmade pour son jeu « Gay ou pas gay ? », dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; etc. Par exemple, dans le film « Bye Bye Blondie » (2011) de Virginie Despentes, Frances est mariée à Claude Muir, un romancier, mais cela ne l’empêche pas d’aimer les filles, et son mari les garçons (puisqu’il est homo !) : en public, ils s’affichent comme un couple hétéro parfait et uni, alors que dans le privé, chacun vit son homosexualité. Dans le film « The Artist » (2011) de Michel Hazanavicius, pendant la scène de dancing incluse dans le tournage du film « A German Affair », le héros George Peppy (Jean Dujardin) passe, accidentellement et par effet comique, de la danse en couple femme-homme à la danse en couple homme-homme. Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, le célèbre romancier homosexuel Philippe de Monceys joue, devant la press people, à être en couple avec l’actrice Sophie Marceau, pour sauver les apparences. Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, on observe que, dans les binômes de danseurs en couple femme-homme, les hommes sont très efféminés. Dans le film « The Morning After » (2011) de Bruno Collins, pendant que Harry, le héros, embrasse sa copine, il se voit embrasser Thom. Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, Laurent et sa femme Vanessa se sont rencontrés dans un bar gay. Dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, le couple Catherine/Jean-Paul est toujours en conflit… et Jean-Paul se révèle homosexuel pratiquant. Cette union est particulièrement hétérosexuelle puisqu’elle choisit comme modèle relationnel le schéma dominant/dominé (Jean-Paul considère Catherine comme une chienne qu’il commande comme un maître), elle s’appuie sur la fusion (les deux amants reçoivent en cadeau de mariage plusieurs pyjamas où on rentre à deux dedans), elle copie les grands couples mythiques (César/Cléopâtre, Bonnie & Clyde, Rose et Jack dans « Titanic », Mulder et Scully dans X-Files, Jane et Tarzan, Adam et Ève…). Dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier, le faux couple composé de Kim la lesbienne et de César l’hétéro, photographiés de tous côtés comme des criminels à l’aéroport thaïlandais (à l’écran, on a tous les profils et visages de face), est venu acheter une petite fille pour que celle-ci soit donnée au couple lesbien de Kim. Ils ont tout du couple homo-hétéro qui sacralise tellement l’altérité qu’il en devient froid et hétérosexuel (César appelle même sa pseudo femme « l’Autre »). Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, le couple hétéro est en réalité un couple artificiel constitué de deux homos : Ralph (gay et présenté comme un « homme faible » : « C’est comme si Ralph essayait de compenser par l’esprit de vengeance ce qui lui manque en virilité. », p. 238) et Angela (lesbienne).

 

Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, les hétéros et les homos se donnent la main pour défendre les droits LGBT et collaborent ensemble (« On écrit l’Histoire. Gays et hétéros ensemble ! » déclare Dai, le père de famille hétéro)… et à la fin, on comprend pourquoi : pendant une scène de la vie quotidienne où le couple hétéro Cliff/Hevina tartine des sandwichs, ils se font un coming out croisé (Cliff se sent gay « depuis que les gays sont arrivés » dans leur village gallois ; et Hevina dit qu’elle est lesbienne « depuis 1968 ») ; la femme d’Allan, sous l’effet de l’alcool, devient lesbienne et embrasse Stephany, la lesbienne déclarée, sur la bouche ; le couple hétéro Sian/Martin, si gay friendly, défile à la Gay Pride.

 

Le point commun entre les couples hétéros et homos semble être l’obsession pour le plaisir génital sentimentalisé : « Cela va peut-être te surprendre, mais je partage l’avis de ta mère qui dit que pour beaucoup de gays la vie se résume à la recherche du sexe. Cependant, je ne crois pas que la vie d’un jeune hétérosexuel se résume à autre chose… Au Canada, comme ici en Floride, tous les garçons de ma classe ne pensent qu’à coucher. Et l’explosion du nombre de divorces montre que les hétérosexuels ont (aussi) un problème avec la notion d’engagement… » (Chris s’adressant à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 119) ; « Mourad [l’un des héros homosexuels], seul dans sa chambre côté rue, était affolé à l’idée que Ludivine et Hugues n’étaient plus là pour faire tampon entre lui et Jason [l’amant de Mourad]. Il allait devenir de plus en plus difficile de se contenir. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 244) ; etc.

 

Dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, la ville de Stepford a pour particularité d’afficher une perfection d’apparat de la différence des sexes (puis de l’homosexualité), masquant un lourd secret machiste et homophobe : les femmes sont toutes des poupées gonflables très sages, impeccablement pomponnées et bonnes ménagères, qui ont été transformées en épouses soumises à leur mari à cause d’implants chirurgicaux qu’on leur a mis dans la tête à travers un programme mené par le maire de la ville. Cette manigance réifiante marche aussi bien chez les couples hétéros du film que chez les couples homos : en effet, Roger, le héros gay (grand ami des deux héroïnes, Joanna et Debbie), disparaît mystérieusement, puis quelques jours après, réapparaît sur l’estrade d’une tribune politique de la ville, guindé : il présente son compagnon comme « son partenaire dans la vie et en Dieu », et entame un couplet patriotique glacial. Les deux femmes qui assistent à la scène, se rendent compte qu’il n’a plus rien à voir avec le gars amusant et frivole qu’elles connaissaient. Dans ce film, les hommes et les femmes se détestent ; maris et épouses sont en guerre pour le pouvoir au sein du couple ; les couples homos les imitent également (le couple Roger-Jerry est en instance et consulte un sexologue). Avant comme après l’opération chirurgicale robotisante, l’hétérosexualité tout comme l’homosexualité sont des couples-objet masquant les apparences et occultant/créant leurs conflits. Et pourtant, ce film se veut pro-gay et donnant une image positive des couples homos !

 

Finalement, le couple homo et le couple hétéro se rejoignent dans la médiocrité, l’uniformité, et la brutalité (des pulsions). « Le couple chez les homos, ça se passe exactement pareil. » (une réplique du film « Une petite zone de turbulence » (2009) d’Alfred Lot) ; « Vous et elle avez décidé de faire un ménage… Autant que j’en puisse juger, c’est aussi mauvais que le mariage ! » (Brockett à propos du couple lesbien Stephen/Mary, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 451). Par exemple, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, il est question, dans la communauté homosexuelle, des « pacsés hétéros similaires ».

 

Dans tous les couples hétérosexuels ou homosexuels, il s’agit de vivre avant tout un « célibat à deux » (cf. une expression tirée du film « Ce soir, je dors chez toi » (2007) d’Olivier Baroux). Les deux partenaires du couple vont butiner chacun dans leur coin. Dans la pièce Les Deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, Damien (assis sur le canapé, lisant Têtu) et Charlotte (plongée de son côté dans sa revue Modes et Travaux) composent un bon exemple du couple hétérosexuel, voire bisexuel : la communication est impossible entre eux. La pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch s’ouvre sur une scène très hétérosexuelle : un mari et sa femme lisent chacun leur revue sur le sofa (Jean-Luc son journal ; Hélène son Femme actuelle)… et comme par hasard, l’homme-objet marié s’apprête à faire son coming out ! Dans le film « Einaym Pkuhot » (« Tu n’aimeras point », 2009) d’Haim Tabakman, le couple homosexuel est montré à l’image d’un mariage hétérosexuel forcé. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, le couple homosexuel est une parodie de couple hétéro : Sven est bourru, alcoolique et amateur de pizzas, Göran est plus féminin et fleur bleue. Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, la dispute du couple hétéro Harper/Joe répond simultanément à celle du couple homo Louis/Prior. Le duo de flics du film « Partners » (1982) de James Burrows est composé d’un macho homophobe et d’un sissy refoulé. Dans le film « Dimanche matin » (2001) de Robert Farrar, le couple homo est une parodie du couple hétérosexuel poussée à l’extrême : l’un est le « mari » macho, l’autre joue la « femme » soumise. Dans la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks, le Dr Frankenstein Junior et Frankenstein joue au couple hétéro. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo reproche à Jean d’être dans son couple avec Juan aussi conformiste qu’un couple hétéro. Dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, Raulito la passive et Cachafaz qui veut jouer le « mâle », est une caricature du couple hétéro.

 

« Polly ferait mieux de devenir hétéro et coucher avec un boxeur italien qui la mettrait sur le trottoir et la tabasserait de temps en temps, chuis sûr que là, et là seulement, elle prendrait son pied ! » (Simon, l’un des héros homos, faisant un bilan négatif de la vie de couple lesbienne de sa meilleure amie Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 46) ; « Pierre qui fait les courses, me gâte : je suis devenu extrêmement capricieux, je ne le laisse jamais sortir, il passe la journée à faire le ménage et à me faire la cuisine avec beaucoup de laurier. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 63) ; « Faire un enfant, ça fait plus hétéro avec l’actrice. » (Benjamin s’adressant cyniquement à son amant Pierre qui veut faire appel à une mère porteuse pour obtenir un enfant, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; etc.

 
 

Comme le montrent les propos de Molina dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, le personnage homosexuel a intériorisé la conception machiste et déséquilibrée du couple femme-homme télévisuel, qu’il transfèrera ensuite sur sa propre relation de couple homosexuel :

Valentín « Tu n’as pas à te… soumettre.

Molina – Mais si un homme… est un mari, c’est lui qui doit commander pour qu’il se sente bien. C’est naturel, c’est lui… l’homme de la maison.

Valentín – Non, l’homme et la femme de la maison doivent être à égalité. Sinon, c’est une exploitation.

Molina – Alors ça n’a pas de charme. Bon, ça c’est très intime, mais puisque tu veux savoir… Le charme c’est que, quand un homme t’embrasse… tu as un peu peur de lui.

Valentín – Non, ça, c’est très mal. Qui t’as mis cette idée en tête ? C’est très mal, ça.

Molina – Mais je le sens ainsi.

Valentín – Tu ne le sens pas ainsi, on t’a monté le bourrichon en te farcissant la tête avec ces stupidités. Pour être femme, il ne faut pas être… je ne sais pas, moi… martyre. »

(Manuel Puig, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976), p. 230)

 
 

Avant d’être reporté forcément sur un couple, c’est d’abord à lui-même que le personnage homosexuel s’inflige sa vision désenchantée et brutale de l’amour femme-homme : « Et bien moi, depuis l’adolescence, c’est la guerre entre les deux. Dès que le mec en moi s’affirme, la femme prend le dessus et le mec n’ose plus s’exprimer. Au quotidien, c’est terrible. […] Je dois contrôler ma part masculine et féminine, empêcher la femme en moi d’opprimer l’homme. Peut-être que ça améliorera mes relations avec les femmes… […] Franchement, il est temps que le mec en moi, il triomphe. Ça doit être mon côté majorette qui résiste. » (Jarry dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Où sont les membres de l’autre sexe ? :

On constate que dans les sociétés où les sexes sont trop les uns sur les autres, ou bien à l’extrême inverse, dans lesquelles les membres de l’autre sexe sont en déficit, les relations homosexuelles se multiplient. Par exemple, ce fut le cas dans l’Argentine de la fin du XIXe siècle, pendant l’âge d’or du tango, quand, faute de femmes, les hommes dansaient et sortaient ensemble : Buenos Aires était démographiquement une ville d’immigration principalement masculine. Mais on pourrait parler plus largement de toutes les homosexualités de circonstance pendant les guerres, dans les tranchées, dans les « sociétés sans femmes » ou « sans hommes », dans les pensionnats, les navires, les casernes, les prisons (j’aborde plus longuement ce sujet dans le chapitre « Homosexualité de circonstance » du code « Entre-deux-guerres » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « La séparation des sexes dans les écoles peut fournir des encouragements aux relations homosexuelles. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48)

 

Même si la plainte sociale de la non-rencontre des sexes se fait de moins en moins entendre, elle ne cesse pas d’exister, et de s’exprimer sous forme d’estampes et de phrases spontanément prononcées par les innocents : « Elle est triste parce que les garçons sont partis. » (un enfant dans le film documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean) ; « Les hommes sont frénétiques et les femmes sont tristes. » (Louise Bourgeois dans le film documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cajori et Amei Wallach) ; « On était devenus deux étrangers. » (James, amer par rapport à Veronica, sa compagne qui avait accepté de porter l’enfant d’un couple gay, dans le documentaire « Deux hommes et un couffin » de l’émission 13h15 le dimanche diffusé sur la chaîne France 2 le dimanche 26 juillet 2015) ; etc.
 

La plupart du temps malheureusement, l’appel au secours se fige en chanson disco seventies à la Patrick Juvet « Où sont les femmes ? » : « Où sont les femmes ? » (Pierre riant nerveusement en tombant sur cette chanson pour composer sa playlist de « mariage » avec Bertrand, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2)

 
 

b) Le couple hétérosexuel est une union-objet de deux individus de sexe différent, mais sans désir l’un pour l’autre, voire même en conflit :

Tout me porte à croire que les premiers couples hétéros soient arrivés avec l’amour courtois, à l’époque féodale qui a valorisé le mariage du libre consentement (consacré par la suite surtout à la Révolution française), autrement dit le mariage-contrat (et le divorce qui va avec) basé non plus sur l’engagement indissoluble mais sur les sentiments, l’amour fusionnel ET platonique du XVIIe siècle (exemples : Tristan et Iseult, Roméo et Juliette). « C’est pas parce que t’es dans le même lit que tu fais l’amour. » (Xavier, homosexuel, parlant de sa femme avec qui il ne fait plus l’amour, dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne)

 

L’hétérosexualité, avatar de l’amour romantique souffrant, est une conception à la fois idolâtre et irrespectueuse de la différence des sexes, car elle se choisit la désincarnation platonicienne et le choix individuel comme principaux critères d’expérience et de discernement de l’Amour, le Couple (éphémère) comme unique manière de vivre l’Amour. Comme le dit très justement Sébastien Carpentier lors de la conférence pour la sortie de son essai Délinquance juvénile et discrimination sexuelle en janvier 2012 au Centre LGBT de Paris, « ce n’est pas l’altérité [des sexes] en soi qui crée cette violence. C’est le fait de vouloir la sacraliser. »

 

Dans son essai Le Premier Sexe (2006), Éric Zemmour décrit très bien l’androgynie chez les couples hétéros (il y dénonce la « couplisation » (p. 101) de la société) : « Aujourd’hui, […] il n’y a plus d’individu, homme ou femme, il n’y a plus que des couples. » (p. 37) ; « On peut les voir, dans les rues de Paris et d’ailleurs, main dans la main, vêtus du même uniforme, pantalon large et informe, baskets, chemise ample et pull-over moulant, les cheveux mi-longs. Un même corps de garçonnet androgyne pour deux. Ils sont l’incarnation de la vieille métaphore de Platon sur le corps coupé en deux que l’amour ressouderait miraculeusement. Ils sont plus que frères et sœurs, ils sont jumeaux. Depuis le plus jeune âge, ils sont en couple. Ils ne conçoivent pas la vie, le désir, la rencontre, autrement que dans un cadre immédiatement installé. Parfois, les éléments du couple changent, mais c’est chaque fois une déchirure. Mais peu importe, ce ne sont pas les individus qui comptent, c’est le couple. » (p. 57) ; etc.

 

Par exemple, dans son documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011), Patricia Mortagne a épinglé sur pinces à linge les moitiés de visage de ses parents (père + mère biologiques), qui maintenant ne s’aiment plus d’amour puisque son père couche avec des hommes.

 

L’hétérosexualité est donc une vision païenne et déchristiannisée de l’Amour (même si elle peut apparaître, par certains côtés, très spirituelle et vaguement catholique, comme le pense à tort un Éric Zemmour, par exemple ; Saint Paul a bien montré que le couple femme-homme n’était pas l’unique horizon d’Amour vrai humain puisqu’il y a aussi les eunuques pour le Seigneur, le célibat consacré). Le « mariage d’amour (asexué) », ça a 130 ans. C’est tout récent.

 

Dans son essai L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008), Louis-Georges Tin souligne à raison « l’absence de réflexion sur l’hétérosexualité » (p. 6), la naturalisation spiritualisée forcée du Couple… mais il fait l’erreur d’associer cette violation, cet artifice, à tous les couples femme-homme (« La pratique hétérosexuelle est universelle. », p. 9) et à la soi-disant « méchante Église catholique ». Il n’a pas compris que l’Église s’est elle-même opposée à l’hétérosexualité, dès le Moyen-Âge. Au départ, pourtant, il partait bien (« Les hommes d’Église réprouvaient non seulement l’adultère, inhérent à la logique courtoise, mais plus généralement cette promotion nouvelle de l’amour, de la femme et du couple. », p. 80), mais ensuite, il réduit les oppositions de Celle-ci à une peur de la sexualité (« Les hommes d’Église s’opposent à la culture hétérosexuelle surtout parce qu’elle est sexuelle. » p. 194) alors qu’à mon avis, elles sont motivées par des raisons plus nobles et positives : Elle s’oppose à la culture hétérosexuelle parce qu’elle est irréelle et peu aimante.

 

CIRE 13 musée statues

 

Par définition, le couple hétérosexuel est le couple de poupées Barbie sous cellophane, statufié par la médecine légale, la photographie, la peinture, le cinéma. « C’est le XIXe siècle bourgeois qui a voulu figer les choses pour enfermer les gens dans des petites cases. » (cf. des propos tenus lors de l’émission Les Enfants d’Abraham sur l’homoparentalité, spéciale « Adoption homosexuelle : Pour ou contre ? », le 1er décembre 2009, sur la chaîne Direct 8)

 

L’idéologie de l’hétérosexualité impose une conception binaire et clinique des relations femme/homme, les montrant implicitement sous la forme du rapport de forces contraires ou d’ombres chinoises, où l’un des deux est perdant et l’autre gagnant. « Soirée à la Comédie-Française. […] Je nous revois, ma mère, ma sœur et moi, penchés sur un des médaillons : il représente, en ombre chinoise, le profil de Charlotte. Nous relevons la tête. De l’autre côté de la table, mon père et Betty examinent la page d’un manuscrit. Ils relèvent la tête. Mon père et ma mère s’aperçoivent l’un l’autre, ils s’aperçoivent au même instant. J’aperçois mon père et Betty. Mon père m’aperçoit. Moins d’un mètre nous sépare. Il suffirait de contourner la table. La famille est là, réunie. Réunie ? Mon père détourne la tête et feint de ne nous avoir pas vus. Ma mère fait de même et nous entraîne dans la foule. » (Dominique Fernandez, Ramon (2008), p. 41) C’est cela, le manichéisme contemporain. « Aujourd’hui, l’un des caractères les plus évidents de la masculinité est l’hétérosexualité. […] L’identité masculine est associée au fait de posséder, prendre, pénétrer, dominer et s’affirmer, si nécessaire, par la force. L’identité féminine, au fait d’être possédée, docile, passive, soumise. ‘Normalité’ et identité sexuelles sont inscrites dans le contexte de la femme par l’homme. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), p. 149) ; « À l’intérieur de l’armoire, les vêtements tombaient l’un après l’autre des cintres. Au fond, accrochées ainsi que des marionnettes, deux poupées, de taille humaine, étaient enlacées comme pour danser le tango. Ernestito voulait désespérément comprendre à qui elles ressemblaient. L’homme tournait, la femme pivotait. Lui, il ressemblait au plus grand chanteur de tango. Elle, elle ressemblait aux plus grandes chanteuse de tango : Olinda, Tita, la Negra Bozan, Tania. Elles se succédaient : la lumière capricieuse donnait à chaque tour une nouvelle identité à la poupée femelle. En revanche, lui, il se définissait comme le seul, l’unique Carlitos Gardel, la voix du tango. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 263) ; « Être un homme ou une femme était avant tout un rang, une place dans la société, un rôle culturel, et non un être biologiquement opposé à l’autre. […] À la fin du XVIIIe siècle, des penseurs d’horizons différents insistent sur la distinction radicale entre les sexes, qu’ils fondent sur les nouvelles découvertes biologiques. De la différence de degré, on passe à la différence de nature. […] Non seulement les sexes sont différents, mais ils le sont dans chacun des aspects du corps et de l’âme, donc physiquement et moralement. C’est le triomphe du dimorphisme radical. À l’inverse du modèle précédent, c’est le corps maintenant qui apparaît comme le réel et ses significations comme des épiphénomènes. La biologie devient le fondement épistémologique des prescriptions sociales. L’utérus et les ovaires qui définissent la femme consacrent sa fonction maternelle et font d’elle une créature en tout point opposée à son compagnon. L’hétérogénéité des sexes commande des destins et des droits différents. Hommes et femmes évoluent dans deux mondes distincts et ne se rencontrent guère… sinon le temps de la reproduction. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), pp. 20-21)

 

L’hétérosexualisation des rapports amoureux est bien décrite par Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner dans l’essai Le Nouveau désordre amoureux (1977) : « On traite le corps masculin et le corps féminin en contraires irréductibles, et l’on trace entre eux […] les voies de la coexistence. On s’efforce, dans un mélange de libéralisme moral et de sexologie, de dialectiser l’opposition. » (p. 99)

 

CIRE 14 lit couple opposé

 

Les hétéros sont parfaitement bien définis par Marcel Proust. Ce dernier parle de « la métaphore des boîtes ou des vases clos » fonctionnant comme un système où « les deux sexes sont à la fois présents et séparés » dans le même individu ou au sein d’un couple, « contigus, mais cloisonnés et non communicants », exactement comme dans le règne végétal (Gilles Deleuze citant Marcel Proust dans son essai Proust et les signes (1964), dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 607).

 

« Pour nous, les enfants, il y avait entre nos parents comme une cloison étanche. Pour moi, de onze à quinze ans, il y eut deux mondes sans communication possible. Le monde de la mère et le monde du père. Incompatibilité renforcée par la division politique : le monde de la mère gaulliste et le monde du père collabo. Mais la division politique restait secondaire par rapport à la coupure morale décidée par notre mère, veto originel et d’autant plus fort, d’autant plus paralysant qu’il n’était pas exprimé. Affreuse oppression du non-dit. (Dominique Fernandez, Ramon (2008), p. 36)
 

Un des couples hétérosexuels les plus connus de la Planète est celui d’Eva Braun et Hitler, né d’un mariage de convenance fait à la va-vite, pour sauver les apparences. Il suit d’ailleurs une logique tout à fait androgynique, comme le montrent certains films : « Sans Eva, je ne suis qu’une moitié d’homme, une moitié de pomme. » (Hitler dans le film « Mon Führer : La vraie histoire d’Adolf Hitler » (2007) de Dani Levy)

 

Et le pire, c’est que beaucoup de personnes bisexuelles et homosexuelles ont cru que ces couples hétérosexuels étaient tous les couples femme-homme de la Terre ! « L’autre jour au Petit-Palais pour voir l’exposition de Sumer, d’Assur et de Babylone. Deux personnages inoubliables, statues peintes, homme et femme. Lui a la barbe et les cheveux annelés ; tous deux avec des yeux grands comme des assiettes à soupe et peints en bleu-gris. Que regardent-ils ? Un dieu ? » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp.23-24) Certaines appuient littéralement sur le bouton « pause » de leur télécommande pour se persuader que tous les couples femme-homme sont restés aussi figés (depuis la nuit des temps !) que le couple hétérosexuel : pensons au titre choisi par Hervé Caffin et Maria Ducceschi pour leur one-man-show Hétéropause (2007). Comme on peut le constater dans le documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean, la population interlope confond le monde des couples homme-femme aimants et le monde de la poupée, puisque pour aborder les questions de l’identité sexuée, le reportage démarre précisément dans les rayons jouets d’un supermarché.

 

La confusion entre la famille médiatique et la famille réelle est souvent faite par les membres de la communauté homosexuelle : « Nous avons tous une définition de ce qu’est une famille traditionnelle, ces familles parfaites de sitcoms, un papa et une maman ensemble avec les enfants. » (Joseph Hagan dans la revue Têtu, juin 2002) D’où la remarque de Tristan Bernard par rapport aux couples femme-homme en général : « Ils croient qu’ils sont heureux parce qu’ils sont immobiles. » (Tristan Bernard cité dans le magazine Première, avril 2004) La famille réelle est alors transformée à tort en « mythe de la famille naturelle » (cf. l’article « France » de Pierre Albertini, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 186). Quand cette confusion est à juste titre remise en cause par des intellectuels et sociologues, certaines personnes homosexuelles jugent leur discours sur la famille réelle « trop idéaliste », en se valant de la comparaison par défaut avec leur « réel à elles », en général catastrophiste et misérabiliste : « Là, vous donnez une image très idéalisée du couple hétérosexuel ! Vous savez que beaucoup d’enfants dans les couples hétérosexuels ne sont pas des enfants de l’amour et n’ont pas été désirés ! » (Uli Streib-brzić face au psychanalyste Jean-Pierre Winter, dans l’émission De quoi j’me mêle ! (2004) de David Leconte)

 

Selon beaucoup de personnes homosexuelles, il ne fait aucun doute que les couples femme-homme vit un bonheur parfait, parce qu’elles confondent le couple hétérosexuel, par essence médiatique/scientifique, avec le couple femme-homme, vivant quant à lui un bonheur plus réel et exigeant, d’une autre perfection que celle qu’elles leur attribuent : une relation idéale dans ses petites imperfections.

 

Elles adoptent une vision blessée et salie de la relation entre la femme et l’homme, que ce soit parce qu’elles ont vu un viol de loin (à la télé, aux infos, verbalement), ou parce que leurs parents se sont déchirés devant elles, ou qu’elles ont mal vécu des histoires d’amour d’adolescence avec les membres de l’autre sexe : « J’ai toujours craint que mon père frappe ma mère, pourtant je ne l’ai jamais vu se comporter violemment avec elle. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 38) ; « Le couple, c’est toujours un rapport SM. » (François Ozon, entretien avec Didier Roth-Bettoni, dans la revue Illico, 16 mars 2000) ; « Ma mère était assez violente, peut-être plus que mon père, en réalité, et dans la seule confrontation qui, à ma connaissance, les opposa physiquement, ce fut elle qui le blessa, en lançant sur lui le bras du mixeur électrique qu’elle était en train d’utiliser pour préparer une soupe : le choc fut tel qu’il en eut deux côtes fêlées. Elle est assez fière de ce fait d’armes, d’ailleurs, puisqu’elle me l’a raconté comme on raconte un exploit sportif. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 81) ; « On se mariait en toute innocence. En toute bêtise. […] J’avais une partie de mon désir qui avait été tué. » » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, interviewée dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « La jeunesse du futur poète [Oscar Wilde] s’écoule, non pas dans le calme, mais dans les échos et les remous d’un scandale qui désagrège sa famille : la maîtresse de son père fait du chantage, intente un procès aux Wilde en prétendant avoir été endormie au chloroforme puis violée par sir William. Les amis de collège d’Oscar, qui suivent le procès dans les journaux, ne lui épargnent aucun détail… ‘Voilà donc où conduit ce grossier amour des hommes pour les femmes, à cette boue !’ écrira-t-il plus tard, en parlant de cette lamentable affaire. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 170) ; « Bien à l’âge de neuf ans, j’ai été abusée sexuellement par un adolescent et sa sœur. J’ai alors expérimenté une activité hétérosexuelle et homosexuelle affreuse à un très jeune âge et en même temps, j’étais élevée par la télévision – j’avais la permission de regarder des films réservés aux adultes, des films d’horreur, des films à contenu sexuel, donc mon éducation à l’amour et au sexe s’est faite par l’abus et en gros par la négligence parentale, puisqu’ils nous autorisaient à regarder ces choses. » (Shelley Lubben, ex-actrice porno) ; etc.

 

Par exemple, dans l’émission Mots croisés d’Yves Calvi (sur le thème « Homos, mariés et parents ? », diffusée sur la chaîne France 2, le 17 septembre 2012), il n’est pas anodin que la journaliste lesbienne Caroline Fourest qualifie de « parfaitement hétérosexuelles » les « mères qui congèlent leurs embryons ». Elle a essentialisé son fantasme hétérosexuel – très médiatique – en perfection vivante qu’elle veut abattre.

 

Dans le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau, une guerre ouverte est menée contre « tous les gens qui se reproduisent ». Les mères sont considérées par les interviewés comme des « victimes consentantes », les pères comme des inconnus ou des tyrans, les ventres arrondis sont hués. Et sur une banderole est écrit : « La famille ne sera plus jamais notre horizon et notre tombe. » Comme ça, c’est réglé !

 

Certaines personnes homosexuelles se mettent même dans la peau de la scène de répudiation entre le valet et sa promise cruelle, scène qu’elles incarneraient à elles seules ! « Quelque part, t’es une reine et t’es répudiée. » (Manuela, un homme transsexuel M to F parlant de la non-acceptation sociale de sa nouvelle « identité », dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan) Le mime de la vierge effarouchée capricieuse, toute-puissante, et castratrice, est d’ailleurs très apprécié des hommes travestis ou transsexuels. Par exemple, lors du spectacle « Rouge et noir » de So Show ! à la Soirée « Années 80 » au Réservoir à Paris (le 3 mars 2010), une comédienne genre Jeanne Mas veut se faire désirer du public en se refusant à lui : « Suppliez-moi ! Suppliez-moi ! » Elle est source de fantasme identificatoire. Une identification au viol cinématographique femme-homme, qui peut traduire chez l’individu qui se l’impose l’expérience d’un viol de la différence des sexes réellement vécu dans l’enfance. En effet, certains hommes, avant de se dire « exclusivement homos », se sont parfois pris des vents par des femmes (et dans le cas des femmes, elles sont tombées sur des gars qui ne les ont pas respectées), ou bien ont été effrayés de violenter des filles. « Pendant cette période de formation à l’école sociale, j’ai aussi été très amoureux d’une fille : Pascale. Un jour je lui ai révélé mon attirance pour elle mais elle m’a répondu que ce n’était pas réciproque. J’avais donc pour la première fois eu des sentiments pour une fille ! » (un ami homosexuel de 52 ans, dans un mail datant du 19 octobre 2013) ; « Au primaire je draguais beaucoup, et arrive mon premier baiser à la plage avec une fille. Pour moi, j’étais l’homme et j’ai été effrayé de cette fille qui m’a littéralement sauté dessus dans sa façon d’embrasser. J’ai de suite été effrayé comme si elle m’aspirait, m’étouffait, me violentait dans mon intégrité d’homme. Ensuite, au collège, je tombe amoureux d’une fille avec lequel je suis sorti. Mais à cause du regard des autres, ils m’ont lancé un pari pour casser. C’est ce que j’ai fait et je l’ai regretté, même si j’ai eu toujours l’impression que l’embrasser faisait bizarre, Pas désagréable ni agréable. J’ai redoublé 3 fois, et j’ai eu très peu de petites copines, par peur de ne pas être un homme à la hauteur, d’être nul et d’être rejeté, abandonné, sans aucun goût pour tout. Au lycée, je suis sorti avec une fille. Je la trouvais magnifique. Nous avons fait des préliminaires mais je n’ai pas couché avec elle. Puis elle me largue sans un mot. Surtout qu’elle était dans ma classe. J’ai eu de la rage envers elle et dépression de 2 ans sans presque plus manger. Je suis comme invisible auprès des femmes, j’ai même eu la preuve encore aujourd’hui ou elles ne remarquent pas ma présence et l’une me l’a dit comme invisible. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; etc.

 
 

La simulation théâtrale du rejet du viol/de l’amour ressemble à un appel au viol, comme on peut le voir dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, avec le dialogue entre la cougar Véronique, et le jeune homme de 18 ans (p. 223) :

« – Je vous veux, dit le garçon, laconique.

Non ! répond Véronique.

Il prit sa main et lui fit tâter son érection.

Non, non, poursuivait Véronique. Vous ne pouvez pas me violer. Vous me devez le respect. Je suis une femme âgée.

Mais ses gestes de femme en chaleur contredisaient ses protestations. Véronique, comme possédée, se retrouva par terre, les jambes écartées, les bras ouverts en croix, disant :

Non, je ne l’ai pas mérité, je suis une sainte, une femme vouée à son mari, à son métier… pourquoi voulez-vous me souiller ? »

 
 

Encore une fois, on constate que fusion violente et rupture marchent main dans la main sur les chemins de la passion.

 

Pour Copi, par exemple, le mariage est équivalent à la prostitution, au viol. « Cette cérémonie [de la prostitution entre jeunes Indiennes et des marins] qui perpétue le viol possède un atout : elle exclut le mariage. Le couple argentin, dès le mariage, ne se parle plus. » (Copi à Paris en août 1984, cité dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 90)

 

La « philosophe » nord-américaine Judith Butler, l’une des conceptrices de la Gender Theory, dans sa paranoïa, voit le mariage comme un régime de contrôle démographique, un nationalisme. Elle est suivie intellectuellement par les militants homosexuels pro-gay (et pro-mariage gay maintenant ! quel paradoxe…) du monde entier. C’est la raison pour laquelle un certain Joseph Ratzinger (l’actuel Pape Benoît XVI) dit qu’il est difficile de soutenir le militantisme féministe ou homosexuel puisqu’il repose à la base sur une conception conflictuelle du couple femme-homme. « Ce processus conduit à une rivalité entre les sexes, dans laquelle l’identité et le rôle de l’un se réalisent aux dépens de l’autre. […] Toute perspective qui entend être celle d’une lutte des sexes n’est qu’un leurre et qu’un piège. » (Joseph Ratzinger, « Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le Monde » (2004), cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 487 et p. 495)

 

Sur le journal Le Monde, Sylviane Agacinski écrit dans son article « L’homoparentalité en question » du 21 juin 2007, des propos très justes concernant l’utilisation fallacieuse par certains militants homosexuels du mythe de l’hétérosexualité pour faire passer en douce des lois spécifiques aux personnes homos : « La revendication du ‘mariage homosexuel’ ou de l’‘homoparentalité’ n’a pu se formuler qu’à partir de la construction ou de la fiction de sujets de droit qui n’ont jamais existé : les hétérosexuels. C’est en posant comme une donnée réelle cette classe illusoire de sujets que la question de l’égalité des droits entre homosexuels et hétérosexuels a pu se poser. Il s’agit cependant d’une fiction, car ce n’est pas la sexualité des individus qui a jamais fondé le mariage ni la parenté, mais d’abord le sexe, c’est-à-dire la distinction anthropologique des hommes et des femmes. »

 

Tant que les défenseurs de la famille, même non-homosexuels, pointeront l’hétérosexualité comme idéal d’amour ou d’identité à imiter (comme c’est le cas d’un psychanalyste comme Tony Anatrella, par exemple : « L’homosexualité est le résultat d’un complexe psychologique et d’un inachèvement de la sexualité qui ne s’achemine pas vers l’hétérosexualité. » dans l’essai Le Règne de Narcisse (2005), p. 76), on tournera en rond, et les débats s’embourberont sur le terrain de la gémellité conflictuelle des désirs homos et hétéros.

 
 

c) Le couple homosexuel est une union-objet, et un pastiche de l’union réifiante hétérosexuelle :

Comme le répètent à tue-tête les pro-gay (mais ils ne mesurent pas la vérité de leur intuition), le couple hétérosexuel et le couple hétérosexuel sont à mettre exactement sur le même plan (historiquement et symboliquement). Dans le docu-fiction « Elena » (2010) de Nicole Conn, des interviews de couples homos ou présentés comme « hétéros » sont intercalées, pour prouver l’authenticité et la gémellité entre les couples sans différence des sexes et les couples avec.

 

Le couple homo mime le couple hétéro : « C’est le prince charmant qui chausse Cendrillon. » (Bernard se faisant mettre ses chaussettes par Jacques dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « L’homosexualité correspond forcément à un stade ‘avancé’ du désir mimétique mais à ce même stade peut correspondre une hétérosexualité dans laquelle les partenaires des deux sexes jouent, l’un pour l’autre, le rôle de modèle et de rival aussi bien que d’objet. » (René Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), p. 471)

 

L’homosexualité pratiquée n’est qu’une hétérosexualité forcée (pléonasme…). Par exemple, à propos des films d’Alain Robbe-Grillet, Roland Barthes dit que lorsqu’on voit deux femmes dans un rapport sexuel, « ce n’est toujours pas de l’homosexualité mais de l’hétérosexualité redoublée ». (Anne Delabre et Didier Roth-Bettoni, Le Cinéma français et l’homosexualité (2008), p. 195).

 

Documentaire "We Were Here" de David Weissman

Documentaire « We Were Here » de David Weissman


 

Je me répète. « Pas un pour rattraper l’autre… » Le couple homosexuel est formé de deux individualités vivant côte à côte sans dialoguer (exactement comme le couple hétérosexuel), comme on peut le constater clairement au fil du documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre.

 

CIRE Dean

James Dean


 

Le couple hétérosexuel est en réalité bisexuel. La femme qui collectionne les maris est celle qui s’oriente à la fois vers l’hétérosexualité et vers la bisexualité ; le mari qui maltraite sa femme a de toute manière un problème avec sa sexualité : « Que ce soit un homo honteux ou pas, finalement, peu m’importe… C’est d’abord et avant tout un homme violent qui cherche à humilier autrui, à l’écraser, à l’utiliser comme un objet au service de son plaisir. J’imagine que c’est ainsi qu’il traite son épouse… » (Brahim Naït-Balk parlant d’un de ses violeurs homosexuels refoulés, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 114)

 

D’ailleurs, il est fréquent que le couple hétérosexuel serve de façade aux couples libertins ou à des unions où l’un (au moins) des deux partenaires est homosexuel pratiquant (régulier ou occasionnel). En Espagne par exemple, la press people (« Revistas del Corazón ») regorge de couples-paravents ou postiches, composés d’une fille à pédé et d’un acteur homo planqué : Alaska et Marco, Rocío Jurado et Ortega Cano, Rafa et Natalia, etc. En France, ce fut le cas de Mila Paréli et Jean Marais.

 

L’hétérosexualité et l’homosexualité se ressemblent davantage dans la nullité et la violence que dans la réussite. Il existe une « égalité sentimentale entre homosexuels et hétérosexuels ». (Actes de la Recherche en sciences sociales, n°113, juin 1996, cité dans l’essai L’Infidélité : La relation homosexuelle en question (2009) de Christophe Aveline, p. 10) ; « On constate une modification chez les couples hétérosexuels qui entraîne une césure entre sexualité et reproduction. Si bien que le couple hétérosexuel nouvelle version se rapproche du couple homosexuel. In fine, les homosexuels se rapprochent du modèle de vie hétérosexuel et les hétérosexuels du couple gay. » (p. 34) ; « Un couple [homosexuel], en fait, peut être mis en parallèle, dans la banalité de son fonctionnement quotidien, avec n’importe quel couple hétérosexuel. » (Didier Roth-Bettoni par rapport au couple Orton/Kenneth, dans l’essai L’Homosexualité au Cinéma (2007), p. 544) ; « C’était la conclusion banale de l’aventure, calquée horriblement sur celles des hétérosexuels… » (Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, racontant la succession de ses échecs sentimentaux avec les hommes, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 97)

 

Les couples homos, tout comme les couples hétéros, viennent du monde des objets : « Je ne suis pas curieux des meubles dans lesquels vous vivez. » (Daniel, le héros homosexuel, par rapport au couple Luther/Alice – Luther étant son amant secret – dans le docu-fiction « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Le couple pédé chic est une caricature. » (cf. l’article « Le Visionnaire » de Fabienne Pascaud, dans le journal Télérama du 6 avril 2005, p. 68) ; etc.

 

Dans l’exposition « Des Jouets et des Hommes » (2011) au Grand Palais de Paris, les « installations » audiovisuelles de Pierrick Sorin illustrent parfaitement l’ambiguïté homosexuelle des poupées hétéros : on voit deux hommes à l’écran, un en peignoir rose, et l’autre barbu, à côté d’une poupée Barbie et d’une poupée Ken (comme s’ils étaient leurs clones, leurs nouvelles mutations) ; et on entend une voix dire, à propos de l’homme en peignoir : « En fait, c’est ma mère. Elle a toujours une fausse barbe depuis que mon père est parti. »

 

CIRE 14 berceau

 

L’homosexualité et l’hétérosexualité, en tant que concepts essentialistes contemporains de la sexualité, sont le fruit de cette peur idolâtre de l’engagement conjugal femme/homme, de cette quête fiévreuse de la destruction du célibat et de l’unicité de tout être humain, et de la sacralisation schizophrénique du « Couple » (cinématographique, scientifique, objet, violent…). « Tu as fait de moi ce que tu as voulu. Je suis devenu une femme arabe soumise pour toi. […] C’est vrai, je l’avoue, j’ai aimé faire tout cela. Laver tes vêtements sales, te nourrir, m’occuper de ton corps. » (Abdellah Taïa s’adressant à son ex-amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 115) ; « J’ai beaucoup de mal pour aller dans des milieux exclusivement féminins, parce qu’il y a une espèce de brutalité dans laquelle je ne me reconnais pas. […] Ce que je ressens dans ces milieux-là parfois, c’est qu’on reproduit, tu as des femmes qui reproduisent des comportements masculins que j’exècre totalement, dans la manière de draguer principalement, c’est ça. Je trouve que c’est vulgaire, pour moi ça casse l’image de l’amour que j’ai pour les femmes. […] Ce qui me gêne c’est la contradiction, pour moi, entre une revendication de l’amour des femmes et cette vulgarité, qui pour moi n’est qu’une reproduction de ce qui se passe chez les hétéros. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, interviewée dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, pp. 58-59) ; « Je repérai très rapidement l’existence de cinémas pornos. Les films projetés étaient destinés aux hétérosexuels. En 1984, il n’était pas envisageable qu’un cinéma gay ait pignon sur rue. Mais c’était l’occasion de voir des corps d’hommes nus et excités. L’abstinence maintenue à force de suractivité et de prières depuis le lycée vola en éclats : j’achetai un billet pour une séance. Les toilettes du cinéma étaient couvertes d’inscriptions identiques à celles des carrelettes des toilettes de la gare d’Albertville. Elles servaient de boîte aux lettres, de lieu de rendez-vous et les cabinets permettaient aux couples formés de passer à l’acte. J’y eus ma première véritable expérience sexuelle. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 47) ; « Bruno m’a donné une des bagues, l’autre à Fabien, ‘Vous deux ferez les femmes, et moi et Stéphane on fera les hommes’. » (Eddy Bellegueule mimant avec ses cousins les couples hétéros du porno, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 152) ; etc.

 

C’est la raison pour laquelle les personnes hétérosexuelles (et non les couples femme-homme aimants qui vivent vraiment du mariage) sont largement favorables actuellement pour le « mariage homosexuel » et la « reconnaissance des couples homosexuels ». Les couples hétéros sont les paravents de la violence des couples homos, et inversement.

 

CIRE s'engagent

 

Dans l’essai L’Homosexualité au cinéma (2007), Didier Roth-Bettoni dénonce à juste titre « l’obsession du couple » (p. 368) dans notre société, même s’il omet de dire qu’elle est le dénominateur entre les couples hétérosexuels et les couples homos, et non une caractéristique spécifiquement hétérosexuelle.

 

Même le couple lesbien est à l’origine un fantasme machiste hétérosexuel (qu’on voit dans beaucoup de films pornos hétéros), avant d’avoir été imité et pris au sérieux par des couples de femmes réels.

 
 

HIT PARADE DES SLOGANS NAZES ET 100% HÉTÉROSEXUELS DE LA MANIF POUR TOUS

Et je finis ce code sur les couples hétéros par quelques exemples de slogans de la Manif Pour Tous (hiver 2012-2013), qui loin de rendre hommage à la différence des sexes couronnée par l’Amour et aux couples femme-homme aimants, ont été typiquement hétérosexuels (et donc pro-gay sans le savoir) puisqu’ils ont défendu la différence des sexes en SOI, la filiation en SOI, mais pas l’alliance d’amour entre l’homme et la femme.

 

CIRE SLOGAN HÉTÉRO 2

(Il ne s’agit pas de leur mentir systématiquement, mais de banaliser l’amour entre le père et la mère biologique)

CIRE slogan hétéro 3

(Complémentaires, oui ; égaux, non)

(Ah bon ? Et que fait-on des mauvais pères et des mauvaises mères, ou des couples femme-homme qui se déchirent?)

(Ah bon ? Et que fait-on des mauvais pères et des mauvaises mères, ou des couples femme-homme qui se déchirent?)

(Et alors? Pourquoi ne pas l'ouvrir à d'autres formes de couples?)

(Et alors? Pourquoi ne pas l’ouvrir à d’autres formes de couples?)

(Le pire des pires...)

(Le pire des pires…)

(Ouais. Dites ça aux couples femme-homme stériles, qui ont vécu des fausses couches ou qui ont des enfants par FIV, GPA, PMA et par adoption. Ils seront ravis!)

(Ouais. Dites ça aux couples femme-homme stériles, qui ont vécu des fausses couches ou qui ont des enfants par FIV, GPA, PMA et par adoption. Ils seront ravis!)

(Ça dépend laquelle. Il n'y a pas à glorifier toutes les différences)

(Ça dépend laquelle. Il n’y a pas à glorifier toutes les différences)

(... pour les enfants battus, maltraités et orphelins, peut-être?)

(… pour les enfants battus, maltraités et orphelins, peut-être?)

(Et alors? C'est pas un gage de réussite et d'amour dans une famille...)

(Et alors? C’est pas un gage de réussite et d’amour dans une famille…)


 
 

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