Milieu homosexuel infernal
NOTICE EXPLICATIVE :
« Si seulement nous pouvions ne pas nous haïr autant… C’est ça notre drame. » Cette réplique de Michael, l’un des héros gays du film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1972) de William Friedkin, concernant ses jumeaux d’orientation sexuelle, nous plante bien le décor de la communauté homosexuelle réelle, et surtout la raison pour laquelle la grande majorité des communautaires homos n’arrive pas à faire l’unité (n’y croit même plus ! pour beaucoup, le « milieu homo » et la « communauté homosexuelle » n’existent pas et sont des concepts intellectuels méprisables !)… au point de se faire la guerre entre eux et de se faire vivre un véritable enfer : LA HAINE DE SOI, qui, si elle n’est pas identifiée comme intrinsèque au désir homosexuel, ni réglée, se mute en haine des autres.
Remarque très importante avant de commencer l’étude de ce chapitre. Ce code n’a pas pour but d’homosexualiser le malheur, ni de diaboliser le « milieu homosexuel » ou encore moins les personnes homosexuelles (elles le font déjà bien assez elles-mêmes !), ni de dire que les individus homosexuels ont le monopole du malheur et de la souffrance. Il existe bien des lieux et des rituels de drague « hétéros » glauques (Ce qu’on oublie de rajouter en général à ce juste parallélisme, c’est que les couples femme-homme qui rentrent dans ces cercles libertins sont justement en voie de bisexualisation et d’homosexualisation avancées…). Quoi qu’il en soit, le malheur humain, même émanant d’une minorité sexuelle où il est particulièrement (mais non-exclusivement) marqué, est toujours universalisable, et signe d’un viol social plus global dans les couples femme-homme qui ne s’aiment pas assez, donc hétérosexuels. Il va s’agir, dans ce code, d’étudier la signification du symbolisme folklorique des Enfers employé et même créé majoritairement par les personnes homosexuelles.
Allez, descendons maintenant dans les limbes iconographiques des enfers interlopes, dans la fournaise homosexuelle, ni si horrible que les communautaires non-assumés le disent, ni si banale que les communautaires « assumés » le prétendent.
Je signale pour finir qu’il est fortement conseiller de lire les sept autres codes de mon Dictionnaire des Codes homosexuels, en complément : les codes traitant plus particulièrement de l’individu homosexuel et de son couple – « Se prendre pour le diable », « Focalisation sur le péché », et « Amant diabolique » – et les codes traitant de la métamorphose de la communauté homosexuelle en dictature – « Homosexuels psychorigides », « Adeptes des pratiques SM », « Défense du tyran » et « Hitler gay »).
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homosexuel homophobe », « Amant triste », « Cour des miracles homosexuelle », « Méchant pauvre », « Hitler gay », « Petits morveux », « Drogues », « Violeur homosexuel », « Homosexualité noire et glorieuse », « Patrons de l’audiovisuel », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Focalisation sur le péché », « Se prendre pour le diable », « Appel déguisé », « Défense du tyran », « Entre-deux-guerres », « Manège », « Adeptes des pratiques SM », « Amant diabolique », « Humour-poignard », « Aube », « Faux révolutionnaires », « Amant triste » et à la partie « Dictateur gay » du code « Homosexuels psychorigides », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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1 – PETIT « CONDENSÉ »
La dramatique extériorisation de l’homophobie sur « les hétéros »
Il ne suffit pas de traîner très longtemps dans les lieux – virtuels ou réels – d’homosociabilité pour découvrir assez vite que les personnes homosexuelles sont leurs pires ennemis, et que la « révolution homosexuelle » n’est qu’un joli concept romantique sorti des cerveaux des universitaires queer. La plupart d’entre elles n’aiment pas le collectif : c’est dommage, mais c’est souvent un fait. Les réunir autour de lieux-symboles, d’événements fédérateurs, de personnages emblématiques, de bars, d’associations, de sites Internet, a souvent relevé du tour de force ! La majorité des militants associatifs vous le confirmeront, surtout les soirs ingrats de Gay Pride où, exténués, ils se forcent à sourire en disant que « Ça a été une fois de plus un succès » alors que la joie est loin d’être dans tous les cœurs. La communauté homosexuelle constitue une famille turbulente dont la cohésion est bien plus une utopie sucrée marketing qu’une réalité. Si les personnes homosexuelles se retrouvent dans le « milieu », ce n’est pas vraiment par choix ni par engagement : elles viennent surtout consommer, trouver chaussure à leur pied, ou bien dans une logique d’adversité plus que d’unité. Même pour l’habitué des établissements gay friendly, l’entourage d’orientation sexuelle ne constituera jamais vraiment une seconde famille.
La communauté homosexuelle fait tout un pataquès autour des attaques homophobes qu’elle subirait pour ne pas regarder les paradoxes du désir homosexuel en face. Notamment, certains individus n’arrêtent pas de parler du ravage des suicides au sein du « milieu ». Pour les quelques cas de tentatives de suicide de personnes homosexuelles connus, ils sont tous généralement autant explicables par des phénomènes sociaux exogènes (hostilité de l’environnement familial, pression sociale, échec scolaire, etc.) que par des facteurs endogènes (déceptions amoureuses homosexuelles, drames issus du « milieu » homosexuel, comportements aberrants des personnes homosexuelles entre elles, médiocrité de l’accompagnement amical gay, manque de sens trouvé dans un certain mode de vie homosexuel, dégoût de soi et du monde, état dépressif, consommation de substances psychoactives ou d’alcool, angoisses dues à une infection par le VIH, difficile transition vers le troisième âge, etc.). Qui oblige les personnes homosexuelles à se cloîtrer dans la clandestinité ? Bien avant que ce soit « la société » qui les y ait contraints, c’est un mode de vie qu’elles ont elles-mêmes choisi. Qui pratiquent les sinistres outing ? Sûrement pas prioritairement « les hétéros homophobes ». Ceux qui outent les personnes homosexuelles sont les individus qui côtoient leurs bars, leurs réseaux Internet, leurs cercles amicaux ou amoureux, donc des personnes homosexuelles aussi. Qui critique le plus la visibilité homosexuelle à la télévision ou à la Gay Pride ? Qui empêche la communauté homosexuelle de se faire une place confortable dans la société et d’être forte ? Ses propres membres. « Comment y aurait-il un pouvoir gay ? Ils se détestent tous ! » ironise Frédéric Mitterrand (interviewé dans l’article « Y a-t-il une culture gay ? » sur la revue TÉLÉRAMA, n°2893, le 22 juin 2005, p. 18). Ceux qui défendent la cause homosexuelle dans les media s’étonnent que les seules lettres d’insultes qu’ils reçoivent proviennent presque exclusivement de leurs frères communautaires : « Je ne pensais pas qu’il y avait autant d’intolérance chez les homos. Ils se plaignent à longueur de journée de ne pas avoir tel ou tel droit et ils ne sont même pas unis entre eux. […] Les seuls papiers méchants que j’ai eus dans la presse, c’était dans la presse gay. Quand je suis sorti de La Ferme, j’ai eu 10000 lettres de fans, et six lettres d’insultes qui venaient toutes de gays. » (Vincent McDoom dans le magazine Egéries, n°1, décembre 2004/janvier 2005, pp. 52-55)
Actuellement, les gens ne voient dans la figure de la personne homophobe que l’individu gay frustré, honteux, « follophobe », tristounet, frigide. Ils oublient d’inclure dans le portrait toutes les personnes homosexuelles « assumées », extraverties, tout sourire. Par exemple, certains sujets homosexuels se plaisent à imaginer qu’« il n’y a pas plus lesbophobe qu’une lesbienne qui s’ignore » (Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004), p. 15). Qu’ils se détrompent ! Il y a tout aussi lesbophobe qu’une femme lesbienne refoulée : une femme lesbienne qui croit se connaître par cœur et qui, du fait de s’étiqueter éternellement lesbienne, refuse de reconnaître qu’elle puisse un jour devenir lesbophobe. On observe à bien des occasions des personnes homosexuelles, jouant en temps normal les grandes tapettes ou les militants de la première heure, se métamorphoser sans crier gare en brutes épaisses détestant leur communauté d’adoption. Bien des personnes homosexuelles, en disant qu’elles s’assument à 100% en tant qu’« homos », rejoignent dans l’extrême les personnes homophobes qui nient en bloc leur homosexualité, puisqu’elles aussi essentialisent le désir homosexuel, se caricaturent, se figent en objet, et donc refoulent qui elles sont profondément. S’il arrive exceptionnellement que certaines personnes homosexuelles reconnaissent que leur désir homosexuel est en partie homophobe, c’est pour mieux se donner l’illusion que depuis leur merveilleuse conversion à la « cause gay », elles s’assument pleinement en tant qu’homosexuelles et que la triste page de leur passé homophobe est déjà bel et bien tournée. S’avouer « ex-homophobe », cela revient pour elles à combattre l’homophobie et à montrer patte blanche. Mais derrière la personne homosexuelle et agressivement fière de l’être se cache souvent une personne (ex)homophobe convaincue, qui affirme haut et fort que l’homosexualité est quelque chose de monstrueux ou de génial : cela dépend des époques, du sens du vent, et des caprices de son désir homosexuel.
L’homophobie institutionnalisée en « communauté homosexuelle »
Le plus souvent, le despotisme homosexuel, avant de s’actualiser systématiquement à l’échelle d’une nation ou de la Planète, s’exerce d’abord au sein d’une communauté humaine réduite, autrement dit la communauté homosexuelle. Et, comme l’affirme à juste raison Frédéric Martel dans son splendide essai Le Rose et le Noir (1996), « la dictature de la majorité n’est pas plus enviable que la dictature des minorités. » (p. 713) Presque la totalité des personnes homosexuelles vous l’assurera : il se vit une forte exclusion dans ce que nous appelons, faute de mieux, le « milieu homosexuel ». En son sein, les moyens mis en place pour créer de vrais espaces d’expression sont apparemment suffisants mais concrètement inefficaces, sûrement par manque de volonté chez ses membres de se rencontrer sans se consommer. Dans les associations, la prise de parole se destine davantage aux « actions » militantes et à l’idéologie de la conquête ou de l’émotionnel qu’aux individus qui s’y trouvent. À l’intérieur des bars, des boîtes et sur les chat Internet, le dialogue y est également très limité et sclérosé par la drague. Par ailleurs, il existe un décalage vertigineux entre ce que nous pouvons voir sur les chaînes de télévision ou les magazines proposés à la clientèle homosexuelle – dignes de la plus mauvaise presse féminine –, et les aspirations profondes des personnes homosexuelles. Sous prétexte de respecter la liberté et l’intimité de chacun, la majorité des porte-parole de la communauté homosexuelle se défilent, et leur pensée n’attire pas les foules. L’unique réponse que l’ensemble des journalistes de la presse gay apportent aux questions existentielles de leurs camarades communautaires est l’affichage fier de leur propre démission, le renvoi à la responsabilité individuelle, l’exposition muette des plaintes dans la rubrique « Courrier des lecteurs » favorisant le narcissisme dans l’écoute du témoignage « je » larmoyant ou bien la révolte défaitiste.
Les réalisateurs gays essaient parfois d’atténuer à l’écran la cruauté du cérémonial de la drague homosexuelle en montrant des beaux gosses repentants et gentils avec leur amant moins beau ou moins jeune qu’eux. Mais rien n’y fait. Les individus homosexuels sont souvent extrêmement sectaires entre eux, envers les « folles », les personnes travesties, transsexuelles, lesbiennes, âgées, jeunes, séropositives (les « plombés » comme on les appelle parfois), et surtout les sujets homosexuels étiquetés « homophobes », autrement dit les personnes bisexuelles, celles qui viennent leur révéler que l’homosexualité est prioritairement une réalité mythique, non-figée. Quelques rares films osent tout de même montrer l’envers du décor (le court-métrage « Fast Forward », « D’un trait » (2004), d’Alexis van Stratum est à ce titre exemplaire). Malheureusement, ils sont en général récupérés dans le but de cultiver chez les personnes homosexuelles qui se disent « hors-milieu » le mythe du prince charmant homosexuel ou de leur supposée différence radicale avec le commun des habitants « du milieu ». Yves Navarre avait raison de dire que les personnes homosexuelles sont « bien plus racistes avec elles qu’on ne l’est avec elles ». Trop occupées à fuir leurs propres problèmes personnels dans un pathétisme mou, des délires forcés, un désir de se démarquer des autres, et un consumérisme égoïste, elles ne s’aident pas souvent entre elles. Elles n’ont qu’une envie : s’éloigner les unes des autres. « J’ai pour amis des folles comme moi, des amis pour passer un moment, pour rigoler un peu. Mais dès que nous devenons dramatiques… nous nous fuyons. Chacune se voit reflétée dans l’autre, et est épouvantée. Nous nous déprimons comme des chiennes, tu peux pas savoir. » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig, p. 205) Il est difficile de rencontrer dans la communauté homosexuelle une seule personne homosexuelle qui se sente vraiment à sa place, même parmi les habitués des bars et des associations.
La majorité des individus homosexuels ne sont pas dupes. Ils expérimentent, dès qu’ils arrivent dans la communauté gay, un profond décalage entre leurs idéaux d’amour et les réalités relationnelles décevantes qu’ils y vivent, quand bien même ils savent pertinemment que les modes de vie homosexuels observables dans les bars et sur les réseaux virtuels ne sont pas généralisables à l’ensemble du « milieu » (terme hypocritement flou, désignant stricto sensu les établissements gay friendly spécialisés, mais qui pourrait tout à fait s’étendre d’une part à n’importe quel endroit public improvisé – et, surtout grâce à Internet, à tout lieu de vie où l’Homme désire se mythifier –, et d’autre part à toute personne croyant en la vérité du désir homosexuel : le « milieu homosexuel », c’est le désir homosexuel ; c’est le couple homosexuel). La plupart du temps, ils tombent de très haut. C’est pourquoi, pour figurer la communauté homosexuelle, certains artistes mettent en scène un enfer folklorique, bien après avoir cherché désespérément un éden gay dans une contrée lointaine et littéraire (cf. je vous renvoie évidemment au code « Milieu homosexuel paradisiaque » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).
En réalité, le « milieu homosexuel » n’est ni aussi terrible qu’ils le disent – il y a bien des boîtes glauques pour personnes hétérosexuelles également – ni aussi banal. Bon nombre de personnes homosexuelles nous mettent en garde contre l’expérience d’Internet et des nuits dans les établissements gay et lesbiens : « Il y a une vraie violence à ouvrir la porte de ces lieux. » (Nina Bouraoui, l’écrivaine lesbienne, dans l’émission Culture et Dépendances, sur la chaîne France 3, le 9 juin 2004) Elles vivent douloureusement le formatage qu’elles s’imposent par la culture marchande homosexuelle. Mais l’impression d’enfer est chez elles souvent teintée d’amnésie, comme le montrent les propos d’Hervé Guibert dans son autobiographie Le Mausolée des amants (2001) : « Le sauna de la Kleiststrasse hier soir : une expérience du dégoût. Dégoût pour les corps, dégoût pour le lieu, dégoût pour les pratiques […]. (L’aisance, l’indifférence de T. dans tous ces endroits). » (p. 91)
Si le « ghetto gay » est tel qu’il est actuellement, ce n’est pas uniquement à cause d’un groupuscule réduit de personnes homosexuelles. Le malheur d’une minorité est toujours universalisable, et les sociétés hétérosexuelles (et surtout humaines !) auront très certainement à répondre de la construction d’infrastructures déshumanisantes dans lesquelles certains individus ont accepté de s’enfermer et de se détruire en cadenassant leur révolte intérieure : « Les terreurs que connaissent les homosexuels dans cette société ne seraient pas aussi grandes si la société elle-même ne devait pas affronter toutes ces terreurs qu’elle ne veut pas admettre. » disait James Baldwin dans une interview (au journal Village Voice en 1984).
2 – GRAND DÉTAILLÉ
FICTION
a) Les Enfers marais-cageux :
Film « The Game Of Juan’s Life » de Joselito Altarejos
Très souvent dans les œuvres de fiction homo-érotiques, les héros homos décrivent le « milieu homosexuel » comme un enfer : cf. le film « J’ai rêvé sous l’eau » (2012) d’Hormoz, le roman Méphistophéla (1890) de Catulle Mendès, le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat, le film « Back Room » (1999) de Guillem Morales, le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le roman Todos Los Parques No Son Un Paraíso (1978) d’Antonio Roig, le film « Madagascar Skin » (1995) de Chris Newby, le roman Riches, cruels et fardés (2002) de Hervé Claude, la pièce La Descente d’Orphée (1957) de Tennessee Williams, la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (le réalisateur avoua lui-même qu’il a cherché, à travers son film, à figurer une descente dans l’enfer de l’inhumain), le roman Les Caves du Vatican (1914) d’André Gide, la chanson « Hellbent For Leather » du groupe Juda’s Priest, le film « Lucifer Rising » (1974) de Kenneth Anger, la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare, le film « Le Rôti de satan » (1976) de Rainer Werner Fassbinder, le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le roman La Descente aux enfers (1963) de Marcel Jouhandeau, le film « Twist » (2004) de Jacob Tierney et Adrienne Stern, le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec la célébration du dieu Mercure), le roman Poupée Bella (2004) de Nina Bouraoui, le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti, le film « Hell’s Highway » (1932) de Rowland Brown, le film « L’Enfer d’Ethan » (2004) de Quentin Lee, le film « Descentes aux enfers » (1986) de Francis Girod, le film « Irréversible » (2001) de Gaspar Noé, le recueil de poèmes Une Saison en enfer (1873) d’Arthur Rimbaud, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier (avec le train-fantôme nommé « L’Enfer »), le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, le film « Café du diable » (2011) de Maria Beatty, la pièce Dans la solitude des champs de coton (1987) Bernard-Marie Koltès, la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou, le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès (dépeignant les bas-fonds des saunas gays), le film « Adults Only » (2013) de Michael J. Saul (dans les méandres d’une backroom gay), la chanson « Nous les amoureux » de Jean-Claude Pascal, le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, etc. « Partir à la recherche de Greta a été comme entrer dans un des cercles de l’Enfer. » (Jane, l’héroïne lesbienne en quête de Greta la prostituée, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 177)
Par exemple, dans le vidéo-clip de la chanson « Jesus Is Gay » de Gaël, le héros homo va « s’encanailler » dans une boîte appelée Au Diable. Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Donato se perd dans la boîte gay teintée d’un filtre rouge. Dans le one-man-show Gérard, comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, Éric et Michael tiennent un bar dans le Centre Ville, le Gaytapens. Dans son one-man-show Hétéro-Kit (2011), Yann Mercanton décrit la fréquentation du sauna comme la descente d’Orphée aux enfers. Dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura et sa copine vont voir au théâtre la pièce L’Épopée de Gilgamesh racontant l’histoire d’un homme qui va chercher son ami aux Enfers. Dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, la voix-off est celle d’un diable doucereux invisible qui téléguide avec amusement les quatre personnages en les acheminant vers une descente progressive dans l’enfer du sauna gay. Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Jacques et Yves Saint-Laurent se rendent ensemble dans les bacchanales homos, sur fond de filtre rouge. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, pendant le jeu télévisé Questions pour un champion qu’Adèle, l’héroïne lesbienne, regarde avec ses parents, Julien Lepers pose la question suivante : « Quel est le nom de la femme d’Orphée qui descend aux enfers ? » (réponse : Eurydice). Plus tard, Adèle apprend à connaître le milieu lesbien parisien, montré comme un milieu hostile, moqueur, narquois, grippe-fesses, puéril, cancanier. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, on aperçoit des mugs en forme de clowns blancs grimaçants et diaboliques au comptoir du bar-club gay Le Stud. Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, Caroline décrit le « milieu homo » comme une « caste de dépravés ».
Pour renforcer cette idée que le « milieu homosexuel » est infernal, il est fait parfois référence dans les fictions au Styx, le mythologique fleuve infernal : cf. les films « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Styx » (2004) de Falk Ulbrich, les chansons « On est tous des imbéciles » et « L’Instant X » de Mylène Farmer, le film « Parking » (1985) de Jacques Demy, etc.
Beaucoup de personnages homosexuels affirment rentrer dans le « milieu » comme ils pénètrent dans la géhenne, le néant : « L’Enfer, c’est l’autre boîte de nuit à Montparnasse. » (l’héroïne lesbienne dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) ; « Si vous aimez le show, vous brûlerez en enfer avec nous. » (la voix-off du spectacle musical Adam et Steeve, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Je me croyais délivré de l’enfer de la famille et le voici reconstruit sur les terrains de mes vices ! » (Pédé, le héros homosexuel de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Mercredi matin, c’était comme le jour du Jugement dernier. On avait tous peur. Le Paradis. L’Enfer. Pas de purgatoire. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 40) ; « À nous le Marais et ses marécages ! » (Stéphanie dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau) ; « Ce n’était pour aucun des deux jumeaux Hypnos ni Thanatos que j’étais descendu dans cet Enfer. » (le protagoniste parlant de ses ballades le long des « quais obscurs et des parkings déserts », dans la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 107) ; « Qui peut dire dans cet enfer ce qu’on attend de nous ? » (cf. la chanson « À quoi je sers ? » de Mylène Farmer) ; « Je me trouve en ce moment dans l’enfer des folles, deux étages en dessous de la place de l’Opéra. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 126) ; « Cette soirée est un enfer. » (Didier, le héros homo à l’intérieur d’une boîte gay, dans la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé) ; « Il [Emmanuel] me disait avoir connu par eux [les homosexuels] l’enfer brûlant du mépris porté sur soi. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 172) ; « Y’a des party, poum poum, dans les clubs en bas, des gigolos pressés qui se lèchent les bras, des enfants fous qui jouent mais ne pardonnent pas, des femmes enlacées qui se parlent tout bas. Mais y’a des gens qui sont stricts, des chats noirs qui miaulent, des crocodiles en bas. Mais y’a des gens qui sont stricts, des perroquets qui volent, des pingouins en papier mâché. » (cf. la chanson « Des gens stricts » du groupe Animo) ; « J’ai traîné dans les boîtes jusqu’au petit matin, et à chaque fois je suis rentré ivre mort, défoncé jusqu’à la moelle, couvert de coups de martinet, inondé d’urine jusqu’aux chaussettes, mais seul, toujours seul, doctoresse ! » (L. dans la pièce Le Frigo (1983), p. 24) ; « Je n’avais été en tout et pour tout, dans ma vie, que trois fois dans un sauna masculin, et j’en étais ressorti très déprimé. » (Éric, le narrateur homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 92) ; « Sur les marches qui mènent aux chiottes de la gare du Nord, je rencontre H. Il a un air triste, sa tête retenue sur ses deux mains emballées dans deux gros gants de ski, assis sur les marches. Je passe deux fois devant lui. Une première fois en allant aux pissotières. De l’ouverture à la fermeture de la gare, il y a des hommes, de tous âges, de toutes origines qui se branlent lamentablement, debout, dans l’odeur de pisse et de foutre, en matant en coin les bites des autres. On dirait des puceaux, aussi fébriles que surexcités. Venir ici me désespère autant que ça me réjouit. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 59) ; « Onze mille vierges sous acide lysergique consolent des malabars tendus et mélancoliques. Fille de joie me fixe de ses yeux verts. Des claques ??? Jusqu’à l’Hôtel de l’Enfer. » (cf. la chanson « Onze mille vierges » d’Étienne Daho) ; « Je marche dans Babel et dans ses dédales. » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; « Depuis trois mois, c’est l’enfer. Herbert est violent, armé, totalement imprévisible. » (Fabien à propos de son attitude avec son amant Herbert, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « Tu devrais rentrer chez toi. C’est pas un endroit pour toi. » (Serge rencontrant pour la première fois son jeune amant Victor dans un parc parisien plein de prédateurs, dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; « Chaque jour vers l’enfer nous descendons d’un pas, sans horreur, à travers des ténèbres qui puent. Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange le sein martyrisé d’une antique catin, nous volons au passage un plaisir clandestin. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire) ; « Une fois que tu seras là-dedans, tu verras à quel point c’est triste et moche. » (un client homo plus âgé du club The Boys s’adressant à Nathan, le héros homosexuel qu’il va entraîner dans un guet-apens pour le tuer, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier) ; etc.
Par exemple, le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre dépeint les bas-fonds d’une maison close homosexuelle où l’ambiance est très malsaine : les backroom sont peintes avec un fond rouge, on entend des ricanements, on y voit des prostitués claquemurés dans leur cellule et entourés d’une drôle de cour des miracles monstrueuse. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, on nous montre l’ambiance détestable de la fête hétéro-gay de l’appartement du couple Ted/Roberto, où George est contraint de s’héberger. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo qui ne s’était jamais posé la question de remettre en cause son homosexualité, avoue qu’il a une « vie bien cadrée » dans son quotidien homosexuel. Dans l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), Kelly, l’héroïne lesbienne, se rend dans une boîte appelée « Quajmire » qui est l’antre des enfers.
Javier de la Torre dans sa prison dorée, rouge et plumée
Même s’il vit une expérience qu’il décrit comme un enfer, le héros homosexuel s’auto-persuade que cette impression est agréable, voire paradisiaque (il « l’a voulu », se dit-il) : « Les autres penseront que vous connaissez l’enfer. Mais ils ne sauront jamais que l’enfer est doux. » (le narrateur homosexuel du roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 70) ; « Pour nous, ça avait la couleur de l’amour – mais j’avoue que si j’avais été hétéro, ça aurait largement ressemblé à la fin de toute intelligence et à la couleur de l’enfer. » (Doumi décrivant les années 1980, dans le roman La Meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, pp. 35-36) ; « Il avait eu l’impression de marcher au milieu de colonnes et de soldats d’un temps ancestral, vers une arène. C’était violent, ça faisait mal, mais il y avait déjà le plaisir de penser que ce serait peut-être bon ensuite, un peu plus loin. » (Doumi au Palace, op. cit., p. 36) ; « Toi et moi on sait repérer les mecs bien. Pas comme toutes ces folles qui cherchent à baiser. » (Romain, le compagnon d’Alexis, s’adressant à Laurent qui sort en secret avec Alexis, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin) ; etc.
En général, son déni le met dans un état d’amnésique ou de zombie, qui ne lui fait plus distinguer le Réel du fantasme : « Il entrait dans un monde improbable, à mi-chemin entre fantasme et réalité. » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 29) ; « Je suis un garçon sensible et réfléchi. En grandissant, je ne me suis jamais affranchi de ces nuits de veille au douloureux vague à l’âme. J’ai compris bien trop tard que j’étais une femme. Je me suis fait belle, belle, belle, pour aller les voir. Je remercie toute l’équipe de la Gare Saint-Lazare. » (cf. la chanson « Coming Out » d’Alexis HK)
Très souvent, la fête homosexuelle annonce une catastrophe ou une descente aux Enfers surprenante (cf. je vous renvoie au code « Humour-poignard » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, la bande de morts-vivants hantant la maison de Marc et Emma a péri dans une boîte gay qui a brûlé dans les années 1970. Dans la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983) de Copi, le meurtre du barman a lieu un soir d’orgie, lors d’un « bal macabre » (p. 83) dans une backroom d’une boîte homo de Pigalle. Dans le roman La Vie est un tango (1979), toujours de Copi, le carnaval est précisément le moment du viol : « Je vois que, tandis que le pauvre Silberman est assassiné dans les rotatives, à l’étage de la direction on ne pense qu’au carnaval. » (pp. 75-76) ; « Silvano fut réveillé en sursaut par le bruit des pétards et le vacarme dans la rue. […] Il se dirigea vers son bureau pour chercher un revolver […]. Des gamins déguisés arrivaient de la rue avec des serpentins et des tambours. […] L’intrusion des enfants ne prédisait rien de bon. (idem, pp. 170-171) ; « Serais-je en enfer, se demanda-t-il. À bien y penser il était bien possible qu’il fût mort depuis plusieurs jours. […] Les enfants de la rue, depuis que le carnaval avait commencé, ressemblaient de plus en plus à des démons. (idem, p. 174) ; « Il se dit : cette année, le carnaval devient sérieux. » (idem, p. 175)
Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, le sauna Continental-Opéra est le théâtre d’une explosion dramatique des chaudières en plein bal masqué : « C’est mardi, mais c’est mardi gras. Aujourd’hui, les folles du Continental sont permises de se travestir, elles vont et viennent sans arrêt des galeries Lafayette qui se trouvent tout près, ce soir il y a un grand bal autour de la piscine. » Même scénario dans la pièce La Tour de la Défense (1981) : « Au deuxième et dernier acte de La Tour de la Défense de Copi, un hélicoptère s’écrase sur la tour voisine, et déclenche un incendie généralisé. Le carnaval se termine dans les flammes. » (cf. l’article « Copi de bonne fois » de René Solis, dans le journal Libération du 4 avril 2005) Dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, l’enfer gay derrière le carnaval, le viol le soir de fête homosexuelle, est bien décrit par l’un des héros gay, Bjorn : « Ma vie. Quand je suis parti de la rue, avec Jan, j’ai pensé que je n’y retournerais plus jamais. Je sais maintenant que certains endroits sont encore pires. Comme celui où je me trouve en ce moment avec des gens qui organisent l’enfer, qui en vivent. Gays ou pas. Prostitution, violence, hôtels et drogue sans doute. Cette nuit dans la pénombre, j’ai compris que d’autres ici faisaient le métier de tout diriger à leur profit. Que derrière la Gay Pride de Sydney il y avait un trafic d’ecstasy, de médicaments, de produits dérivés. Il y avait du marketing et du sex-business. Avec beaucoup de dollars à la clé. […] Je sais maintenant que Jan est mêlé à tout ça et qu’ils sont en train de s’entre-tuer à quelques semaines seulement de la grande parade sur Oxford Street, du défilé du ‘Mardi gras’. » (pp. 167-168) Dans le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, la bande de joyeux drilles homos surexcités est en réalité composée de clients homosexuels qui ont tous péri dans l’incendie d’une boîte gay disco dans les années 1970.
b) Le panier de crabes aux pinces roses :
Les héros homosexuels des fictions emploient la fantasmagorie de l’enfer pour parler de leurs relations amicales et amoureuses homosexuelles parce que, visiblement, celles-ci sont compliquées et douloureuses : cf. le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, la poésie « Oda A Walt Whitman » (1940) de Federico García Lorca, le film « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve, le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef von Sternberg, le roman El Giocondo (1970) de Francisco Umbral, le roman Las Locas De Postín (1919) d’Álvaro Retana (avec le cercle de langues de vipères homosexuelles), le film « Our Betters » (1933) de George Cukor (avec les personnages sophistiqués très gossip girls), etc.
À les entendre, le « milieu homosexuel » est un véritable panier de crabes ! : « Je te parle de ma communauté qui me déçoit. » (Océane Rose-Marie dans son one-woman-show Chaton violents, 2015) ; « Ce milieu gay c’est tellement pourri. Tellement de convoitises. » (Laurent Spielvogel imitant le gay quarantenaire du sud, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Il n’y a pas de paradis homosexuel, ou bien, s’il y en a un, attendez-vous à y trouver quelques lois sauvages ! » (Éric dans le roman Le Loup (1972) de Marie-Claire Blais) ; « Je payais en toute hâte, empochai mon ticket et me jetai sur les portes du théâtre sans regarder vers la queue où, j’en étais convaincu, une dizaine d’homosexuels – dont un prêtre –, plus méchants les uns que les autres, riaient de ma déconvenue. » (le narrateur homo à l’opéra, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 35) ; « La plupart déambulaient par bandes, comme autant de sectes à l’intérieur de la secte. […] Il régnait dans ce lieu une certaine agressivité de chacun envers tous les autres, à l’exception de ceux qui s’inséraient exactement dans votre archétype. » (le narrateur homo décrivant une boîte gay, dans le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, pp. 56-57) ; « Je ne vois que des méchantes, le nez en l’air, méprisantes. » (un homo parlant des « clones » du Marais, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Les bars gays sont des prisons aussi. » (un des personnages homosexuels de la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Devant la porte des chiottes, j’écarte une bande de jeunes androgynes pour passer, l’un d’eux dit ‘Mais c’est pas possible, ils ont ouvert les portes du zoo de Vincennes pour laisser s’échapper ces monstres ?’ Ses copines rient. » (Mike, le héros homo du roman Des chiens (2012) de Mike Nietomertz, p. 102) ; « Ô, mon Dieu, que quelqu’un vienne à mon secours, s’il vous plaît ! Les travelos me trucident ! » (Lou, l’héroïne lesbienne de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, p. 323) ; « Est-ce que tu sors avec une bande de tantes ? J’aurais pu deviner que ça allait arriver. Tes fantasmes paranoïaques d’arrestation et d’accident ont été le premier symptôme. » (Myrma Minkoff s’adressant à son ami gay Ignatius dans le roman La Conjuration des Imbéciles (1981) de John Kennedy Toole, p. 414) ; « Vous, les travestis troupières, vous venez nous faire la guerre à nous, pédés pacifistes, nous traitant de jeunes filles tristes quand tout ce que nous cherchons, c’est simplement un garçon (si c’est possible un artiste) idéaliste, simple et bon qui reste garder la maison quand nous faisons secrétaires ! Vous voulez nous effrayer, affublées de vos perruques, habillées comme des perruches. […] Les jardins du Sacré-Cœur sont bien gardés par les flics ! Vous ne me faites pas peur ! » (Pédé, le héros homo s’adressant aux travestis, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Les rendez-vous entre gays sur internet, c’est toujours un peu craignos. » (Katya s’adressant à Anton, son ami homosexuel, dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; etc.
Par exemple, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Matthieu décrit les foudres de venin qui s’abattent sur lui, de la part de son entourage homo formé de « langues de pute », suite à sa rupture amoureuse avec Jonathan : « Ou quand l’Empire contre-attaque… » Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, Jonathan, l’un des héros homos, avoue que le « public le plus difficile » qu’il a rencontré, après le « milieu homo », c’est « celui des cabarets ». Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius, le vampire homosexuel dit qu’il voit autour de lui « des bandes de gamins qui ne l’aiment pas ». Dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ! (2012), Samuel Laroque dit qu’il est un concentré de bêtise et de superficialité : « Le Marais, c’est un peu comme une grande ferme où y’a de la dinde en batterie. » Les « Maraisiennes » sont présentées comme des clients obsessionnels des salles de sport, des acheteurs de sac à main, des consommateurs de Smart-phone, des gens déprimants (« Bonsoir mes amis dépressifs ! » s’exclame la parodie de Mylène Farmer face à son public gay), etc. Pire que cela ! Les habitants du « milieu », en plus d’être cons, seraient méchants, un repère de violeurs (Laroque dit sa trouille d’être piégé par le GHB, la « drogue du violeur », en boîtes homos) : « Je n’y vais plus. J’en ai marre des boîtes. » (idem) ; « Les homos, c’est pas de la tarte non plus. Y’a pas plus intolérant qu’un homo dans le milieu. » (idem) ; « Bon vous savez quoi ? Être homo, c’est pas toujours gai. » (idem)
Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel raconte comment lui et ses amis homos se parlent mal, même si au départ ça semble être un code culturel : « On a beaucoup d’ironie sur nous-mêmes. » ; « Qu’est-ce que tu fous, connasse ? » ; « T’as dormi où, p’tite salope ? » ; etc.
Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, les héros homosexuels, militants d’Act-Up, ne peuvent pas se supporter. Ils détestent « les folles de la Gay Pride » sous prétexte que ce seraient elles « qui les détestent ». Et entre eux, c’est la militance plus que l’amitié qui les unis. D’ailleurs, quand Thibault, le leader du mouvement, va à l’hôpital rendre visite à son pote Sean, cloué au lit par le VIH, il lui demande : « On s’aime pas beaucoup mais on est quand même des amis, non ? », avant que Sean ne lui réponde par la négative, dans un silence interrompu par une demande encore plus glaçante : « Je préfèrerais que tu t’en ailles. » Le portrait pourtant idyllique que nous montre ce docu-fiction sur Act-Up ne fait, à son insu, que comme la désigner comme un nid de vipères, où les coups bas, la colère, la sale ambiance, les trahisons, et les fausses amitiés, prédominent.
Dans son roman très autobiographique Le Bal des folles (1977), Copi décrit « cette hystérie propre aux groupes de travestis », en ne s’excluant pas du lot : « On se gifle pour un mouchoir, on se casse la gueule pour un client (ne vont-ils pas jusqu’à tuer ?). Elles ont toutes des couteaux au cran d’arrêt dans leurs sacs. » (p. 34) Dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, on nous montre les coups bas et la cruauté mesquine entre travestis, qui se piquent les perruques, s’insultent de plein de noms d’oiseaux, juste avant leur show (une vraie parodie sérieuse d’un concours de reines de beauté qui tourne au drame et à la concurrence adolescente !). Dans le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, le groupe d’amies lesbiennes de Rachel, l’héroïne lesbienne, est représenté sous la forme d’un jury impitoyable… surtout quand elle ose leur présenter sa nouvelle conquête. Dans le film « Orange et Pamplemousse » (1997) de Martial Fougeron est filmée la discrimination dans le « milieu » et les déceptions des recherches « réseaux » par téléphone ou Internet. Dans la pièce Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, Eugène dresse le portrait de « ce monde homosexuel où, dit-il, il n’a jamais connu la plénitude ». Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, le « milieu homosexuel » est qualifié de « marché ».
Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, le groupe de potes gays qui se retrouve ensemble le temps d’une sauterie passe son temps à se tirer dans les pattes : par exemple, Alan est follophobe par rapport à Emory le gay efféminé (« Je n’aime pas sa façon de parler, ça me tape sur les nerfs. » Il finit par le frapper de « Pédale ! ») ; Emory méprise l’inculture de Tex, le beau gosse gigolo décervelé (« Elle est cruche et n’y connaît rien à l’art ! ») et chope des maladies vénériennes presque à chaque fois qu’il se rend épisodiquement dans les saunas (« Vous avez plus de chance que moi. Quand je ne me fais pas arrêter, mon client a une maladie vénérienne. ») ; Michael rumine son complexe physique de ne pas être un top model ajusté aux canons de beauté de la communauté LGBT (« Les pédés sont pires que les femmes. À 30 ans, ils pensent que c’est fini. Il n’y a pas que la beauté ! ») ; quant à Michael, le maître de cérémonie de cette soirée machiavélique, il maltraite tous ses invités par un jeu qui leur révèlera la vacuité de leurs histoires d’amour homo.
Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Nicolas, Rudolf et Gabriel sont à la fois des potes gays inséparables et de véritables ennemis : ils se piquent leurs amants entre eux, s’empoisonnent la vie, se suivent et se fuient en Autriche. « On n’a plus vingt ans. Moi, j’ai changé. Pas vous ! C’est pas Paris que je fuis : c’est vous ! » dira Rudolf dans un coup de colère.
Les personnages homosexuels sont souvent extrêmement sectaires entre eux, envers les « folles », les personnes travesties, transsexuelles, lesbiennes, âgées, jeunes, séropositives, et surtout les individus homosexuels étiquetés « homophobes », autrement dit les « bisexuels », ceux qui viennent leur révéler que l’homosexualité est prioritairement une réalité mythique, non-figée : « Ennemi public n°1 : les bis. » (la comédienne lesbienne Chriss Lag dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3ème Festigay du Théâtre Côté Cour de Paris, en avril 2009) ; « Nés condamnés, nous nous condamnons tous. Isolés, nous nous isolons. » (le héros homosexuel du roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 121) ; « Quand ils sont jeunes, ils n’ont rien à raconter. Tu dois t’emmerder. » (un « ami » s’adressant à Matthieu à propos du jeune amant de ce dernier, Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Ouais, évidemment, les vieux ça me dégoûte. » (Mike, le narrateur homosexuel, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 38) ; « J’en veux beaucoup aux jeunes de votre génération d’être plus beaux que nous. » (Jacques s’adressant à son amant Arthur, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; « Qui est l’ancêtre ? » (un jeune homo du dortoir, qui rappelle méchamment à Zach qu’il est « trop vieux » parce qu’il a 35 ans, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Maintenant, c’est de la merde, Paris ressemble à un musée pour vieux cons fachos, avec des gays (il prononce ‘géïzes’) qui tètent du petit lait électronique avec des airs ingénus et qui se branlent devant Xtube. Des petits moutons. On a transformé une armée de pédés rebelles qui dérangeaient le modèle hétéro en gays, c’est-à-dire en tarlouzes de droite incapables de réfléchir plus loin que le bout de leur bite. » (Simon le héros homosexuel, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 23-24) ; « J’ai autre chose à faire que de traîner avec des gamins. » (Jonathan, homosexuel, ne voulant pas collaborer au départ avec les jeunes militants LGBT, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; etc. Par exemple, dans le film « L.A. Zombie » (2010) de Bruce LaBruce, on ne voit que des crimes homophobes opérés entre homos. Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz (p. 30), les héros homosexuels présentent même la communauté homosexuelle comme une « fausse démocratie » (p. 30). Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, toute une série de meurtres est effectuée par un psychopathe… qui se révèle homosexuel). Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, tente de draguer le jeune barman du resto qu’il fréquente. Mais lorsque ce dernier s’en rend compte, il le lourde comme une vieille merde. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, une série de meurtre entache un lieu de drague homo… et on découvre que ce sont les « vacanciers » homosexuels eux-mêmes qui s’entretuent, s’épient jalousement, et se couvrent pour garder un espoir de coucher ensemble. L’inspecteur chargé de l’enquête s’étonne de l’insensibilité et du manque de fraternité entre les homos : « C’est un petit monde. Vous devez tous vous connaître, non ? […] Que l’un des vôtres se soient fait assassiner, ça ne vous émeut pas plus que ça ??? Vous avez une drôle de façon de vous aimez… » dira-t-il à Franck.
Dans le « milieu homosexuel » semble régner la « démocratie de l’indifférence mutuelle » : « Ici, personne ne te demande de compte. » (une réplique du téléfilm « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve) Les homosexuels ont du mal à se mélanger entre eux, comme c’est le cas des lesbiennes fictionnelles avec les homos : « Elles venaient moins pour draguer que les gars et avaient plutôt tendance à rester entre elles, en petits couples propres qui savent bien se tenir. Quelques-unes, plus âgées, se mêlaient aux groupes d’hommes, fraternisaient volontiers et payaient des tournées accueillies avec force cris de joie, mais elles étaient plutôt rares. » (Jean-Marc décrivant les lesbiennes du bar Macho Person, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 171) ; « En tout cas ils [les homos] ne sont jamais venus voir mes pièces. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 16) Dans le roman La Conjuration des imbéciles (1981) de John Kennedy Toole, dès qu’Ignatius essaie de fédérer les homos pour créer pour eux un parti politique, il se fait lyncher. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, lorsque Jacques apprend que son amant Arthur compte se rendre à une réunion publique d’Act-Up, il prend peur : « Je ne veux pas qu’on lui fasse du mal. » (Jacques) « Que veux-tu qu’ils lui fassent du mal à Act-Up ? » s’étonne son pote Mathieu.
L’orientation sexuelle et la pulsions étant les dénominateurs communs de la communauté homosexuelle, il est logique que les rapports relationnels qui s’instaurent entre les communautaires soient majoritairement de consommation, intéressés et violents : « Tu dois comprendre que le sexe est très important pour une lesbienne. » (Peyton à sa copine Elena, dans le film « Elena » (2011) de Nicole Conn). C’est généralement déprimant pour le héros homosexuel de voir que, dès que lui et ses frères d’orientation sexuelle s’adonnent factuellement à leur désir homosexuel, ils se renvoient un pathétique reflet d’obsédés sexuels. « Les pédés sur le net ne pensent qu’au cul. » (l’un des héros homos de la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez) Ce n’est pas ce qu’ils seraient dans un autre cadre amoureux et communautaire, certainement. Et c’est bien cela qui les attristent le plus : d’être complices de leur propre damnation.
Parfois, le « milieu homosexuel » sera le bouc-émissaire diabolisé du héros homosexuel, le lieu où il déversera sa culpabilité inavouée de mal agir amoureusement, son homophobie intériorisée/son homosexualité : « Le milieu, c’est pas mon style ! » (Benoît dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « Privés de toute dignité sociale, de toute charte sociale établie pour la conduite de l’homme, de la camaraderie qui, par droit divin, devrait être le propre de toute créature qui vit et respire, rejetés de tous, en proie dès leur plus tendre enfance à une incessante persécution, ils étaient maintenant plus avilis encore que ne le croyaient leurs ennemis, et plus désespérés que toute la lie de la création. Car, puisque tout ce qui, à nombre d’entre eux, avait semblé beau, une émotion belle, désintéressée, et noble parfois, avait été couvert de honte, traité d’impureté et de vilenie, ils s’étaient graduellement abaissés au niveau auquel le monde plaçait leurs émotions. Et regardant avec horreur ces hommes saturés de boisson, intoxiqués de drogue, comme s’ils l’étaient en trop grand nombre, Stephen sentit que quelque chose de terrifiant planait dans cette malheureuse salle de chez Alec, terrifiant parce que s’il y avait un Dieu, sa colère devait s’élever contre une telle injustice. Leur lot était plus pitoyable encore que le sien et l’humanité avait sûrement à en répondre. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 564)
Je vous renvoie avec insistance sur les chapitres « Dictateur gay » et « Armée gay » du code « Homosexuels psychorigides » du Dictionnaire des Codes homosexuels, et notamment sur le lobby LGBT qui veut bisexualiser/asexualiser/sentimentaliser la Planète.
c) L’arc-en-ciel, spectre de la lumière noire :
Pièce « Under A Rainbow Flag » de Leo Schwartz
Vous n’êtes pas sans ignorer que l’arc-en-ciel à 6 couleurs est devenu le symbole de la communauté homosexuelle. Et comme pour illustrer que, à l’instar du fameux adage, « l’enfer est pavé de bonnes intentions », la couleur noire se mêle souvent à l’arc-en-ciel dans les créations homosexuelles, tel un spectre de la lumière blanche inversé : cf. l’essai La Prochaine fois, le feu (1963) de James Baldwin (avec la citation ouvrant le livre : « Dieu donna à Noé le signe d’un arc-en-ciel : il est fini le temps de l’eau, s’approche celui du feu… »), le film « Osama » (2003) de Sedigh Barmak (dans ce film, le changement de sexe se fait en passant sous l’arc-en-ciel), le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell (avec les bonbons multicolores apportés par le militaire noir, au milieu des ruines), le film « Vivir De Negro » (« Vivre dans le noir », 2010) d’Alejo Flah, la chanson « Lisa » de Jeanne Mas (« Je lui dirai des mots sensuels, passion nouée d’un arc-en-ciel, le provoquer par mes erreurs, le suffoquer de ma douceur. »), le roman Les Couleurs de la nuit (2010) de Stéphane Lambert, le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin (Hall décrit son téléphone noir et l’arc-en-ciel qui en surgit), etc.
Il arrive que certains personnages homosexuels présentent le « milieu homosexuel » comme un arc-en-ciel annonciateur/signe d’orage infernal : « J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides / Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux / D’hommes ! Des arc-en-ciel tendus comme des brides / Sous l’horizon des mers, à des glauques troupeaux ! / J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses / Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan ! / Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces/Et les lointains vers les gouffres cataractant ! » (Arthur Rimbaud, « Le Bateau ivre » (1869-1872), p. 87) ; « Hier soir j’étais sorti de mon œuf… Je crois bien que c’était un œuf, alors ils m’ont dit : tu iras à la guerre ! […] Moi, la guerre, je n’en connaissais rien. Je ne savais même pas où ça se passait ! […] Alors je me suis mis à voler. J’y prends un plaisir fou […] moi je planais comme un dingue. […] Mais cette vie-là ça m’a fatigué vite. Je commence à m’arrêter de plus en plus souvent, dès que je vois une branche de libre. Et j’y trouve des gens qui me ressemblent, des camarades qui ont des muscles meurtris à force de voyager. Et je reste avec eux, piailler, sautiller, changer de branche quand le temps nous le concède. Alors il pleut souvent. Nos plumes deviennent grises. Alors, peu à peu, je viens chez vous. » (Copi, La Journée d’une rêveuse, 1968) ; « Je ne l’ai pas reconnu parce qu’il avait enfilé un tee-shirt noir orné d’un arc-en-ciel. » (Ashe, l’un des personnages homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 17) ; « Il y a un arc-en-ciel dans chaque nuage. » (le prof de bio Monsieur Hendricks, dans l’épisode 8 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc.
Par exemple, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, la société sans différence des sexes, où les rapports humains sont entièrement homosexualisés, est un univers insupportable, sans goût, où tout est blanc ou noir (la tonalité duelle de couleurs est parfois cassée par des éclats multicolores de peinture), où la machine a pris le pas sur l’humain : tous les personnages sont des robots s’exploitant les uns les autres. Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, c’est au moment où Suki et Kanojo descendent toutes les deux dans la cave de la maison de Juna, et que la première se presse contre la seconde (« J’ai peur du noir!!! ») que précisément Kanojo conseille à Suki de « penser à un troupeau de licornes qui descend d’un arc-en-ciel ». Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa), Phil, le héros homo raconte le vide existentiel qu’il expérimente du fait de ne pas connaître son père biologique. Il lui donne les couleurs de l’arc-en-ciel : « Et aujourd’hui ? C’est normal de ne rien savoir sur notre père, le mystérieux numéro 3 de la liste. Pour moi, ça restait un vide étrange. Un trou noir. Comme si le vide en moi prenait des couleurs. »
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) Les Enfers marais-cageux :
Aussi étonnant que cela puisse paraître, beaucoup de personnes homosexuelles réelles reprennent à leur compte la menace que d’autres personnes homosexuelles refoulées avant elles avaient prononcé avant elles. Par exemple, dans le docu-fiction Le Projet Laramie (2012) de Moisés Kaufman, le révérend Phelps, pasteur protestant évangélique, soutient que « les homos vont tous finir en enfer ».
Même s’il s’agit bien évidemment d’un langage métaphorique (difficile de se représenter l’enfer, c’est-à-dire l’absence de Bien), il n’est pas rare que le « milieu homosexuel » soit décrit par les personnes homosexuelles – y compris celles qui se définissent « athées » – comme un enfer : « J’ai vu l’enfer en direct. » (Thomas, homosexuel, parlant de ses expériences homosexuelles, dans le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein », « Tu ne seras pas gay » (2015) de Marco Giacopuzzi) ; « L’enfer ne nous fait pas peur, le paradis non plus. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 102) ; « Après ça [une aventure génitale avec le beau-frère], je dégringole assez rapidement. Il a réveillé quelque chose en moi. Je commence à me promener dans les parcs la nuit. Ma descente aux enfers, elle commence là. Mon estime de moi tombe à zéro. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 250) ; « J’ai beaucoup de mal pour aller dans des milieux exclusivement féminins, parce qu’il y a une espèce de brutalité dans laquelle je ne me reconnais pas. […] Ce que je ressens dans ces milieux-là parfois, c’est qu’on reproduit, tu as des femmes qui reproduisent des comportements masculins que j’exècre totalement, dans la manière de draguer principalement, c’est ça. Je trouve que c’est vulgaire, pour moi ça casse l’image de l’amour que j’ai pour les femmes. […] Ce qui me gêne c’est la contradiction, pour moi, entre une revendication de l’amour des femmes et cette vulgarité, qui pour moi n’est qu’une reproduction de ce qui se passe chez les hétéros. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, dans l’essai Se dire lesbienne (2010) de Natacha Chetcuti, pp. 58-59) ; « On est confronté dans ces lieux de drague, hélas, à de multiples formes de violence. On y croise des gens bizarres ou des demi-fous et il faut être sur ses gardes. Et surtout on s’expose à être l’objet d’agressions physiques par des voyous ou bien à des fréquents contrôles d’identité par la police, qui y pratique un véritable harcèlement. Cela a-t-il changé ? J’en doute. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 219) ; « Le sauna de la Kleiststrasse hier soir : une expérience du dégoût. Dégoût pour les corps, dégoût pour le lieu, dégoût pour les pratiques (l’homme qui se promène avec un cockring, l’écran vidéo qui projette un fist-fucking, un autre homme allongé sur une natte qui ronfle comme si c’était le plaisir qui le faisait râler). Ma serviette ne cesse de tomber de ma taille, T. va chier et je l’attends longtemps à la porte, j’ouvre la porte et j’aperçois ses pieds nus qui dépassent de l’autre porte. Il me dit d’aller dans la salle du hammam qui est un dédale carrelé blanc devenu totalement opaque par la vapeur. Je me cogne à quelques corps, et j’ai soudain peur de ne plus pouvoir sortir, je tends mes mains en avant. (L’aisance, l’indifférence de T. dans tous ces endroits.) » (Hervé Guibert, Le Mausolée des amants (2001), p. 91) ; « Ce contexte dénué de tout raffinement […] C’est là que je compris que cette recherche d’extrême était vaine. » (Gaël-Laurent décrivant un sex-club, dans son autobiographie Recto/Verso (2007), p. 191) ; « Je n’ai connu que des enfers rougeoyants, des êtres torturés par les flammes de la rage, embrasés d’envie, avides, dévorateurs. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 180) ; « La dictature de l’apparence, […] inévitable chez les pédés ? » (Anne Delabre, Didier Roth-Bettoni, Le Cinéma français et l’homosexualité (2008), p. 97) ; « Je suis passé par bien des angoisses, bien des enfers. J’ai connu la peur et la terrible solitude, les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants, la prison de la dépression et de la Maison de la Santé. » (Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton) ; « Dans un tract politique nazi du 16 septembre 1919, on pouvait lire ce slogan : ‘L’Allemagne est en train de devenir une ‘maison chaude’ pour les fantasmes et l’excitation sexuelle.’Cette formule correspondait à une réalité certaine. Des touristes du monde entier venaient à Berlin, parce qu’elle était surnommé ‘Sin City’… On pouvait même trouver des filles de 10-11 ans portant des habits de bébés qui se promenaient de minuit à l’aube en concurrence avec des blondes luxuriantes, nues dans leurs manteaux de fourrures. Ou avec des garçons habillés en poupées, poudrés, les yeux faits, et du rouge aux lèvres. Pas moins de deux mille prostitués mâles sillonnaient les rues de Berlin, tous listés par la police. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 31) ; « Le Stonewall était un endroit sale et sordide. C’était comme une décharge. Mais c’était chez nous. » (Jim Fouratt, client homosexuel régulier décrivant l’établissement gay du Stonewall Inn de New York, dans le documentaire « Lesbiennes, gays et trans : une histoire de combats » (2019) de Benoît Masocco) ; etc.
Certains intellectuels homosexuels nous mettent en garde contre le formatage imposé par la culture marchande homosexuelle, et notamment Internet. « Vivre dans un monde où tout le monde est pareil, c’est un enfer ! » (Jean-Paul Montanari parlant du Marais, dans le documentaire « Bleu, Blanc, Rose » (2002) d’Yves Jeuland) Je vous renvoie au documentaire « Gay et pas froid aux yeux » (1997) de Rosa von Praunheim. Un peu avant sa mort, Jean Genet projette d’écrire un livre sur l’homosexualité intitulé L’Enfer. Dans l’émission Culture et dépendances, diffusée sur la chaîne France 3 le 9 juin 2004, l’écrivaine lesbienne Nina Bouraoui décrit son roman Poupée Bella (2004) comme « une descente dans l’enfer des filles».
Dans le docu-fiction « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, lors de la séquence du concert SM, les coïts ressemblent à des scènes de torture. Le réalisateur en personne, quand il a été interviewé au Forum des Images de Paris au 17e Festival Chéries-Chéris 2011, nous a déclaré textuellement n’avoir ajouté aucune mise en scène à ces images des bas-fonds de New York : il a filmé tel quel ce qu’il définit comme une « reconstitution des enfers » (des hommes avec des masques de diable ou des têtes de morts, cris et actes de tortures sado-maso). Il a avoué également que parmi tous les figurants du film, il ne restait plus que trois survivants…
En général, l’une des premières étapes qu’une personne homosexuelle doit passer quand elle rentre dans le « milieu », c’est l’abandon de ses idéaux profonds (et parfois même de la foi) pour ne penser qu’à son petit « bien-être » : « Mes amis m’ont aidé à briser mes contradictions et à rejeter l’idée de Dieu. Je me rappelle d’une phrase prononcée par l’un d’entre eux, qui m’a encouragé à vivre pleinement. » (José Pascual cité dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 144) ; « J’ai d’abord erré dans ces lieux sombres, ma serviette à la main, je suis passé devant les cabines et j’ai vu des hommes allongés, offerts comme sur un étal de marché. Chacun pouvait choisir le garçon qui lui plaisait. Parfois, bien que la cabine fût plongée dans le noir, je distinguais plusieurs corps agglutinés. À priori, j’aurais dit que mon rêve se réalisait sous mes yeux, mais en fait j’ai très mal vécu cette première incursion dans l’univers homosexuel. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 44) ; « Ses pulsions et ses désirs aplanis, il vécut totalement hors du circuit qui avait tant abîmé sa vie auparavant. » (Prologue à l’essai d’Henry Creyx, Propos décousus, propos à coudre et propos à découdre d’un chrétien homosexuel (2005), p. 9) ; etc. En fin de compte, on nous demande de lâcher notre paradis (notre virginité, notre liberté, notre joie, notre innocence).
Même s’il vit une expérience qu’il décrit comme un enfer, l’individu homosexuel s’auto-persuade souvent que cette impression est agréable, voire paradisiaque (il « l’a voulu », se dit-il). La nullité, ce n’est pas toujours révoltant. En général, son déni le met dans un état d’amnésique ou de zombie, qui ne lui fait plus distinguer le Réel du fantasme : « On ne respirait pas, il s’y vivait une fantaisie sexuelle presque irréelle. Une ambiance onirique que je compare avec l’atmosphère de certaines séquences de « Huit et demi » de Fellini. » (Fernando Maldonado évoquant le cinéma Carretas de Madrid, dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 139)
Dans son excellent essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), le philosophe Philippe Muray évoque l’existence des « sectes homosexuelles » (p. 51), où ceux qui s’y enferment s’auto-persuadent qu’ils sont tous à l’extérieur. « L’enfer se hait lui-même. » disait Bernanos.
Il est à noter aussi que beaucoup de personnes homos trouvent leur compte dans la diabolisation du « milieu homo ». Elles l’entretiennent allègrement toutes seules… même si elles auront tendance à dire ensuite qu’elle vient uniquement des « méchants hétéros homophobes » ! Moi, par exemple, j’ai plus de plaisir à me dire « du milieu », à me balader dans le Marais, et à m’intéresser à la culture homosexuelle qu’elles ! Leur transformation du « milieu homosexuel » en enfer (qu’il ne serait jamais si on le voulait vraiment !) est un moyen pour elles de se victimiser sans se remettre en question, de se placer en outsider irresponsables, pour continuer à agir exactement comme elles agiraient à l’intérieur, mais sans assumer leurs actes concrets de débauche. Quand elles agissent mal ou font de mauvaises rencontres amoureuses, elles mettent cela sur le compte de la « superficialité d’Internet ou de Facebook ou des chats », sur la soi-disant « tendance des gays à mettre le sexe bien avant les sentiments »… alors que dans les faits, ce sont justement la sincérité et les sentiments qui sont moteurs de libertinage ! et ce sont elles qui, en actes, rentrent complètement dans le jeu de l’amour consommateur ! Oui, la supposée « superficialité » d’Internet, des saunas, de Facebook, des boîtes gay, a très très bon dos !
b) Le panier de crabes aux pinces roses :
Pourquoi les individus homosexuels emploient-ils une image si diabolisée et si catastrophique de leur propre maison… alors même qu’à d’autres moments, ils s’obstineront à en dresser un portrait totalement idyllique ? Certainement parce qu’ils ne se sentent pas à leur place, ni aimés, ni comblés par leurs relations amicales et amoureuses homosexuelles qui, visiblement, sont compliquées et douloureuses. « Après les petites annonces et les saunas, j’ai fini par m’aventurer dans le quartier gay de Paris, le Marais, toujours dans l’espoir de LA rencontre. J’ai vite déchanté. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 48) ; « Le monde gay m’effraie : trop stéréotypé ? Trop âgé ? Trop fermé ? Comment l’appréhender ? Mes débuts, c’est sur le net que je les ai faits. Mes premières erreurs aussi. Caché derrière un pseudonyme, on se croit tout permis, on s’invente des envies, une vie, et on oublie la sienne. On est happé par cette apparente convivialité, à mille lieues de la réalité, mais, malgré tout, on s’y plaît, on s’y réfugie, on y jouit et on s’y confie. C’était plus fort que moi, je ne vivais plus que pour ça. J’ai tout pris au pied de la lettre, et je me suis retrouvé à Paris pour y rencontrer un mec que je ne connaissais pas. Après plusieurs mois d’amour virtuel, je voulais que ça continue dans la vie réelle. Ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte de ma stupidité et du fait que cette histoire ne pourrait jamais marcher. D’ailleurs, c’est ce qui s’est passé. J’y ai trop cru, alors que l’homme n’en voulait que pour mon cul. Il a négligé mon innocence au profit de sa complaisance. Après un début passionnel, la chute a été rude. Le retour à la réalité, brutal et cinglant. Maintenant, j’ai compris. J’essaie d’oublier. Je suis entre deux âges et je ne sais pas trop sur quel pied danser. Je sors de plus en plus dans le milieu gay (boîtes, bars, vernissage) : je préfère aller directement sur le terrain, je suis curieux et j’aime explorer ce monde d’adultes, mais jamais je n’ose aborder, sans doute par peur du rejet ou d’être jugé. Même si l’envie d’un homme se fait de plus en plus pressante, je préfère me préserver, aussi bien physiquement que psychologiquement. » (Cédric, un jeune homosexuel grenoblois de 18 ans, dans la revue Têtu, 2002) ; « La solidarité y est fréquente ; encore plus l’égoïsme, la jalousie, l’hostilité, la trahison. » (Roger Peyrefitte parlant du « milieu homosexuel » et cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 253) ; « Quiconque a passé une nuit dans un bain gay sait qu’il s’agit (ou s’agissait) de l’un des environnements les plus cruellement rigides, hiérarchisés et compétitifs qui se puissent imaginer. Vos allures, vos muscles, votre système pileux, la taille de votre queue et la forme de votre cul déterminaient exactement la façon dont vous alliez trouver le bonheur durant ces quelques heures, et le rejet, généralement accompagné de deux ou trois mots tout au plus, pouvait être cinglant, sans aucune de ces civilités hypocrites avec lesquelles nous évitons les indésirables dans le monde extérieur. » (Léo Barsani, cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, pp. 269-270) ; « Il y a toujours du chantage entre nous. C’est très très répandu. Ça se passe par des lettres ou des téléphones. Y’a mon premier ami que j’ai perdu de cette manière, d’ailleurs. Il s’est suicidé. À cause d’un chantage, oui. » (Frank, témoin homosexuel suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc.
À les entendre, le « milieu homosexuel » est un véritable panier de crabes ! « La dictature de la majorité n’est pas plus enviable que la dictature des minorités. » (Frédéric Martel, Le Rose et le Noir (1996), p. 713) ; « Je me butais à dire que j’étais rejeté par ce même milieu, tout en le fréquentant assidument. Je savais que je me contredisais. Pire, j’avais tendance à me positionner en victime vis-à-vis à d’eux. […] On se haïssait. On se scrutait en chiens de faïence. Ainsi allaient nos humeurs. […] Des liens de rivalité et de dépendance, des uns par rapport aux autres, s’installèrent par la suite. Nous étions en fait des assoiffés du renouveau et du sexe, même si nos mœurs nous obligeaient à une pseudo convivialité. » (Berthrand Nguyen Matoko, racontant ses soirées « délire » déguisées avec ses potes homos, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 141) ; etc. Et personnellement, sans vouloir noircir excessivement le tableau (puisque je suis un fervent défenseur de la culture et de la communauté homosexuelles ; et que la croyance en la « communauté homo » m’a servi de bon prétexte pour faire de très belles rencontres amicales… et ce n’est pas fini !), je ne démentirai pas cette mauvaise réputation.
Quand je repense par exemple à la sale ambiance (faussement « déconne ») que j’ai vécue pendant 2 années dans l’équipe de chroniqueurs de l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle, de la maltraitance verbale (en plus de la bêtise et de l’intolérance aux pensées différentes) qu’on m’a fait subir, j’ai à la fois envie de sourire et de gerber. Pauvres auditeurs (si jamais il y en a…) !
Force est de reconnaître que les personnes homosexuelles sont souvent extrêmement sectaires entre elles, envers les « folles », les personnes travesties, transsexuelles, lesbiennes, âgées, jeunes, séropositives, et surtout les individus homosexuels étiquetés « homophobes », autrement dit les « bisexuels », ceux qui viennent leur révéler que l’homosexualité est prioritairement une réalité mythique, non-figée : « J’avais eu à faire avec assez de pédés égocentriques, paranoïaques et destructeurs. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 275) ; « Je me suis mis à marcher derrière Bruno comme quand on suit aveuglément l’amour, pour trouver au comptoir un centimètre carré disponible. Lumières paralysantes, la musique hurlait pour couvrir la rumeur générale qui s’amplifiait alors que, les bières se vidaient. Hommes enlacés, bouche à bouche, sexe à sexe, ils se déchaînaient pour un soir en libérant toutes leurs pulsions, le temps de vivre leurs désirs. Les plus âgés, relativement plus calmes, ‘des aventuriers de l’âge perdu’, comme les appelait Bruno, qualification qui me déplaisait fortement, lorgnaient sans doute vers le passé déchu qui s’écoulait à la vitesse des perfusions. Tandis que je m’insurgeais contre cette discrimination, Bruno m’expliquera plus tard que, attirance physique oblige, le fossé des générations dans le milieu a plus qu’un sens, il a un corps. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 133) ; « En ce qui concerne les discriminations, malheureusement il en existe au sein même du Mouvement homosexuel, tout du moins dans le secteur des hommes, qui est celui que je connais le mieux. Il existe une grave discrimination sur l’âge. […] Une autre discrimination existe en raison de l’apparence physique. » (Armand de Fluvià, cité dans l’ouvrage collectif Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 84) ; « Les coulisses de ces Barnum du vice ne sont pas des paradis. C’est plutôt à l’enfer que ressemble Sodome et, entre les entrées et les sorties des vedettes, éclatent des drames compliqués et grinçants. On se bat – en femmes, naturellement : on déchire la robe neuve de son ennemie intime, quand on ne la coupe pas au rasoir. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 37) ; « Nous autres, les goudous à cent pour cent, c’est à ça qu’on est bonnes, elles viennent se faire baisouiller un moment, et tout à coup, elles reprennent leurs esprits et elles nous proposent d’être leurs amies ! […] Ces femmes nous méprisent. Elles se servent de nous quand elles sont en manque et le premier argument leur suffit pour tirer l’échelle quand elles ont eu ce qu’elles voulaient. » (Paula Dumont parlant des femmes hétérosexuelles infiltrant leur « milieu », dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 123) ; « Tout à coup, sans transition, Michel Foucault se mit à rire : ‘Elle est complètement folle !’ Un frisson me parcourut l’échine : mes oreilles venaient d’entendre pour la première fois ce elle qui était un féminin de la langue secrète de l’Enfer et ce folle, terme usité dans cette société infernale dont Foucault nous laissait entendre qu’il était un initié. » (Paul Veyne, Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014), pp. 63-64) ; etc.
Par exemple, le documentaire « The Gift » (2005) de Louise Hogarth fait état d’un rejet massif des personnes homosexuelles sidéennes au sein du « milieu homosexuel ». Le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont nous montre la descente aux enfers de Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, qui se met en étau entre le monde totalitaire de la danse classique et le monde non moins totalitaire de la transition de sexe. De son vivant, le photographe nord-américain « Mapplethorpe a souffert de ne pas trouver chez les gays eux-mêmes un accueil plus chaleureux. » (Lionel Povert, Dictionnaire gay (1994), p. 322) À titre d’exemple, le traitement lamentable réservé à l’association française Arcadie (créée en 1954 et dissoute en 1982), pourtant pionnière en France des droits de la communauté homosexuelle actuelle, montre combien grande est l’intolérance et l’ingratitude dans le « milieu homosexuel » (cf. le dossier « En terre d’Arcadie », entretien avec André Baudry de Christian Gendron, dans la revue Triangul’Ère 6 de Christophe Gendron, décembre 2006, pp. 112-145).
Parfois, dans un élan nostalgique, certains individus homosexuels idéalisent les premiers temps de la communauté homosexuelle pour mieux se lamenter sur l’inhumanité du « ghetto gay » marchand actuel. Or des vétérans comme Denis Daniel nous dressent un portrait peu reluisant du « milieu homosexuel d’antan », où la consommation mutuelle entre amants était instituée autrement, mais tout aussi présente : « ‘ – Salut ! C’était pas mal, sais-tu ! Et tu la boucles, compris ?’ Pas de doute, en ce temps-là, dans le milieu on savait vivre !!! » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 71)
En voulant fuir à tout prix les règles et les interdits sociaux au nom de leur liberté de conscience, la plupart des personnes homosexuelles adoptent un code moral privé tout aussi rigide, voire plus rigide que les règles de vie édictées par la société « hétéro » rejetée. « Une permissivité trop grande amène le sujet à renforcer les interdits internes devant l’absence d’interdits externes. » (Xavier Thévenot, Homosexualités masculines et morale chrétienne (1985), p. 175) ; « Pauvres femmes, pauvres goudous, chacune dans votre loin, au mieux avec votre chère et tendre, au pire seule et désespérée, ce n’est pas demain la veille que vous comprendrez que la sororité est vitale pour les goudous encore plus que pour les hétérottes. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 221) ; « Le monde gay n’est pas parfait, ni saint, de la même manière que le monde hétérosexuel n’est ni parfait ni saint. […] Il y a beaucoup de poubelle, dedans comme dehors… » (cf. l’article « Doce Días De Febrero » de José Mantero, dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, pp. 192-194)
L’orientation sexuelle et la pulsions étant les dénominateurs communs de la communauté homosexuelle, il est logique que les rapports relationnels qui s’instaurent entre les communautaires soient majoritairement de consommation, intéressés, compulsifs et violents : « Comment le caractère particulièrement ségrégatif d’une telle communauté, fondée sur la seule particularité de sa jouissance sexuelle, ne saute-t-il pas immédiatement aux yeux des démocrates ? » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 111) C’est généralement déprimant pour l’individu homosexuel de voir que, dès que lui et ses frères d’orientation sexuelle s’adonnent factuellement à leur désir homosexuel, ils se renvoient un pathétique reflet d’obsédés sexuels. « Le grand plaisir du débauché, c’est d’entraîner à la débauche. » (André Gide à Oscar Wilde, au lendemain d’une promenade dans les quartiers « spéciaux » d’Alger) Ce n’est pas ce qu’ils seraient dans un autre cadre amoureux et communautaire, certainement. Et c’est bien cela qui les attristent le plus : d’être complices de leur propre damnation.
Un jour, en 2003, Bernard, un ami angevin, m’avait confié par mail l’enfer qu’il vivait dans sa vie homosexuelle, plus terrible encore que l’enfer folklorique des dessins animés, parce qu’il était « librement » consenti : « C’est dur pour moi : je suis un affectif et la solitude me pèse… et puis les années sont là malgré tout. En 2 ans, je n’ai jamais réussi à construire une relation d’amour. Que de tentatives, d’espoir vains, d’illusions et de désillusions ! et ce soir je vais rentrer seul… En fait, je n’aime pas aller au Cargo [ancien bar LGBT d’Angers]. L’ambiance festive me plait et parler ‘homo’ m’est utile, mais le côté pathétique des homos me déprime. Je me sens totalement en décalage, perdu dans tout ça, noyé dans cette souffrance sous-jacente. J’ai juste envie de bonheur, de rire, de plaisir partagé, de douceur. Je connais trop la solitude, et même quand j’étais en couple je vivais seul. Parfois c’était pire qu’aujourd’hui. »
Les communautaires homosexuels ne se contentent pas de fermer les portes de l’enfer de leurs pratiques sexuelles : ils veulent l’étendre au reste du monde, en cherchant (pour les plus extrémistes) à homosexualiser la Planète entière, et à bisexualiser/asexualiser tous les êtres humains (pour les encore plus extrémistes et les plus bobos d’entre eux). Je vous renvoie avec insistance sur les chapitres « Dictateur gay » et « Armée gay » du code « Homosexuels psychorigides » du Dictionnaire des Codes homosexuels, et notamment sur le lobby LGBT.
Entre elles, même les personnalités homosexuelles médiatiques et « assumées », peuvent s’écharper comme jamais. C’est ce qui s’est passé lors de l’émission On n’est pas couchés de Laurent Ruquier diffusée le 20 octobre 2018 sur la chaîne France 2, pendant laquelle Muriel Robin, Marc-Olivier Fogiel et Laurent Ruquier (je ne compte même pas Christine Angot) se sont ligués contre le jeune chroniqueur homo Charles Consigny, à propos d’un désaccord sur la GPA (Gestation Pour Autrui). La scène est d’une violence homophobe gay friendly difficilement soutenable.
c) L’arc-en-ciel, spectre de la lumière noire :
Le noir de l’arc-en-ciel homosexuel est à lui seul allégorisé par l’actrice-chanteuse nord-américaine Judy Garland, qui a incarné la petite Dorothée du film gay friendly « Le Magicien d’Oz » (1939) de Victor Fleming, dans lequel elle chanta le fameux « Over The Rainbow » : celle qui a donné naissance au mouvement gay contemporain (on dit que sa mort, le 27 juin 1969, à Manhattan, a été à l’origine des révoltes de Stonewall), et qui lui a donné son symbole, l’arc-en-ciel, a eu une vie particulièrement noire et tourmentée (divorce, déprime, suicide…).
Pour la Gay Pride parisienne de 2018, place du Châtelet, un immense écriteau « Rainbow is the new black » (traduction officielle : « L’arc-en-ciel est la nouvelle coolitude »)… clin d’oeil aussi à la série nord-américaine Orange is the new black
Le Rainbow Flag homosexuel, devenu depuis les années 1980, le symbole de la communauté homosexuelle, et censé défendre la joie et la beauté de la diversité, est plutôt un spectre de la lumière noire, puisque la diversité en question ressemble à une uniformité bien terne et sombre : « Je pense que derrière tout ce carnaval se cache une grande violence. » (Madeleine dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 266) ; « Contre les préjugés, ceux des autres mais aussi les nôtres, brandissons notre arc-en-ciel et combattons l’obscurantisme dans la salle obscure ! » (Antoine Quet dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 9) ; « L’arc-en-ciel, éternelle déclaration d’amour de l’infini à notre terre de violence. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, 17 janvier 1981, p. 15) ; « La plupart du temps, je dessinais des représentations de l’Enfer que je rapportais à la maison pour que ma mère les admire. J’avais développé une technique formidable pour dessiner l’Enfer : coloriez une feuille de papier en faisant des blocs de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, puis prenez un pastel noir et recouvrez les couleurs. Ensuite, prenez une épingle et faites des dessins sur le papier. Les couleurs apparaissent là où le noir a été gratté. Spectaculaire et efficace. Surtout pour les âmes perdues. » (Jeanette Winterson, lesbienne, dans son autobiographie Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?, 2011, p. 71) ; etc. Le noir est la couleur du caméléon multicolore homosexuel, comme l’illustrent les propos de Frédéric Sanchez : « Le costume noir, c’est mon uniforme, j’aime le côté strict. Le besoin d’être neutre, de pouvoir passer d’un milieu à un autre. » (cf. l’article « Frédéric Sanchez, illustrateur sonore », sur le site www.e-llico.com, consulté en juin 2005). Le choix du Rainbow Flag m’apparaît particulièrement judicieux et signifiant dans la mesure où l’arc-en-ciel a toujours été annonciateur/signe d’orage… tout comme la communauté homosexuelle. Je vous renvoie notamment au fond ténébriste que prennent certaines affiches, pourtant très pro-gay, d’Élisabeth Ohlson Wallin, au choix du titre de l’excellent essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel.
L’arc-en-ciel homosexuel broie du noir et cache souvent des pratiques et des réalités dramatiques. Par exemple, en France, le collectif associatif Arc-en-ciel s’occupe des rebus de la société, des personnes seules ou qui sont séropositives : l’arc-en-ciel est ici un cache-misère. Personne, en entendant le nom de cette association, ne peut deviner à quoi elle est destinée. Par ailleurs, dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt, l’arc-en-ciel gay en papier mâché s’enflamme et se laisse peu à peu noircir par la cendre. Tout un symbole !
Documentaire « Homo et alors?!? » de Peter Gerardt
Le Rainbow gay justifie des pratiques mercantiles autour de l’amour (prostitution, drague, tourisme sexuel, etc.) et de la filiation (Gender, PMA, GPA, « mariage gay », etc.) qui sont inadmissibles : « Je suis né dans une famille black, blanc et rainbow. » (Patrick Blosch, témoignant de son homosexualité et du « faire famille homoparentale » à travers l’adoption d’enfants, lors du débat public « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s », le samedi 10 octobre 2009, à la Salle des Fêtes de la Mairie du XIème arrondissement de Paris).
Tweet du 10 juin 2020
Clichés télébristes pro-LGBT d’Élisabeth Ohlson Wallin
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