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Femme et homme en statues de cire (sous-codes : Couple hétérosexuel / Scène de répudiation / Ombres chinoises)

femme et homme cire

Femme et homme en statues de cire

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 
 

Je revendique mon hétérophobie

et mon amour des couples femme-homme aimants !

Le couple hétéro et le couple homo sont catastrophiques : ils sont jumeaux historiques et de violence car ils ont tous deux sacralisé l’altérité sans laisser d’espace à la différence des sexes aimante. Pas un pour rattraper l’autre !

 

CIRE 1 noir et blanc

 

« Hétérosexualité » ne rime pas avec « Amour ». Je ne sais pas si on vous l’a déjà dit. En tout cas, moi, je vous le dis ! Et cela ne change rien en ma foi en l’Amour, que Celui-ci soit vécu dans un célibat consacré ou dans un couple femme-homme non-hétérosexuel : elle reste intacte. C’est justement parce que je crois en l’Amour vrai que je ne valide ni les couples hétéros ni les couples homos, ces pâles fac-similés de l’Amour qu’on a voulu mettre en scène à la télé en unissant artificiellement l’homme-objet et la femme-objet, deux statues de cire souriantes et perpétuellement en conflit, passant leur temps à se déchirer parce qu’elles cherchent en vain à se substituer l’une à l’autre.

 

CIRE 3 noir et blanc rouleau

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Haine de la famille », « Femme fellinienne géante et pantin », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Don Juan », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Corrida amoureuse », à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », et surtout à la partie « Parents divorcés » du code « Orphelins », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels, ainsi qu’au site CUCH (Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité : www.cuch.fr).

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Roméo, Juliette et tous les autres,

au fond de vos bouquins, dormez en paix !

 

CIRE 5 Barbie

 

Au fil des siècles, la littérature et les arts audiovisuels ont pris une telle place dans notre quotidien qu’ils ont réussi à nous faire croire que les couples-objets femme-homme étaient plus vrais que nature, et qu’ils avaient le pouvoir de se substituer aux couples réels non-photographiques. Grossière idolâtrie !

 

Le couple hétérosexuel est un binôme qui intègre la différence des sexes, mais, contrairement aux couples femme-homme aimants, sans désir : il a pour particularités d’être prioritairement fictionnel, et d’être en voie de bisexualisation, voire d’homosexualisation (d’ailleurs, les hommes-objets et les femmes-objets actuels, présentés comme de « parfaits hétéros », font tour à tour leur surprenant coming out : fans féminines de Ricky Martin, Zachary Quinto, Tiziano Ferro, George Michael, vous n’avez plus qu’à vous rhabiller !). En général, les deux membres de ce couple hétérosexuel ne s’entendent pas, se chamaillent (et font l’amour pour recoller les morceaux : réconciliation sur l’oreiller bien connue), vivent dans le fantasme de fusion (qui concrètement aboutit à une brève passion et à une rupture/à la mort), cherchent à copier l’homme-objet et la femme-objet de leurs écrans de télé, autrement dit « les hétéros » et « les homos ».

 

Je vous encourage fortement à compléter la réflexion sur ce trompe-l’œil qu’est « l’hétérosexualité » en lisant l’autre code du Dictionnaire des Codes homosexuels fortement imbriqué avec celui-ci : « L’homosexuel = L’hétérosexuel ». Il vous explique que l’hétérosexualité est un concept très récent qui était, à sa création (1870), synonyme de « bisexualité » (et non de relation de fidélité exclusive et aimante femme-homme), et qui est apparu pile à l’époque où précisément le mythe du « self-made man sans Dieu » et de l’Homme-objet naissaient grâce aux progrès scientifiques et audiovisuels humains.

 

En effet, avant d’emprunter le chemin du couple homosexuel, qui est une copie exacte du couple hétérosexuel, la grande majorité des personnes homosexuelles a été fortement influencée par le couple hétérosexuel formé par Ken et Barbie. Elles ont intégré dans leur cœur une vision complètement cucul et violente, fusionnelle et conflictuelle, rose et noire, du couple femme-homme et de l’Amour. Celle que leur ont donnée les films pornos, les magazines, les comédies romantiques/dramatiques, les romans à l’eau de rose, la peinture, et parfois leurs parents désunis (je traite plus largement du lien entre divorce et homosexualité dans le code « Orphelins » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Généralement, quand on les interroge sur les couples intégrant la différence des sexes, on se rend vite compte que les personnes homosexuelles sont d’une naïveté incroyable : elles ont vraiment pris les couples médiatiques pour des réalités (à imiter dans le rejet ou l’adulation).

 

CIRE Jenifer

 

Tous les ménages que nous connaissons qui se disputent, mais qui paradoxalement vivent encore dans le mythe fusionnel/fiévreux du prince charmant et de la princesse charmante (utopie passionnelle qui envisage la structure du « Couple » comme une plénitude absolue et facile, comme un duo qui se nourrira exclusivement du feu des sentiments amoureux), ou au contraire dans la haine de ce mythe, sont dignes d’être appelés « homosexuels » (s’ils sont formés de deux personnes de même sexe) ou « hétérosexuels » (s’ils se composent de deux personnes de sexes différents).

 

La famille « hétérosexuelle » type se compose de « Monsieur Papa » d’un côté, de « Madame Maman » de l’autre, bien séparés ou carrément trop collés (… et de « Monsieur Bébé » entre les deux… parce qu’il faut bien…) : c’est la famille artificielle des pubs. Dans les médias, « les hétéros » sont souvent représentés par deux poupées Barbie et Ken emballées sous cellophane et juxtaposées l’une à l’autre, par les figurines de mariés sur les pièces montées de mariage, par des ombres chinoises en conflit, par des siamois partageant un même buste, par un homme d’affaires en vadrouille et une femme au foyer esseulée et malheureuse, par les couples déchirés des comédies sentimentales, par les acteurs froids et fusionnels des films pornos, ou bien par une photo déchirée d’une actrice et d’un acteur sur les couvertures de journaux à scandale. Ils se nomment Chouchou et Loulou, les Bidochons, Marie-Chantal et Charles-Édouard, George et Margaret dans leur chambre à coucher, Brandon et Samantha (sur la Ferrari rouge), les « bobos » anti-sociaux, etc.

 

CIRE 6 Pierre et Gilles

Photo de Pierre et Gilles


 

La distinction que j’établis entre couple hétérosexuel (composé de deux êtres-objets vivant l’un à côté de l’autre, mais sans âme) et couple femme-homme désirant avait déjà été faite par Plutarque au Ier siècle après J.-C. : dans Dialogue sur l’Amour, il parle d’un côté de « l’union intégrale » des « époux qui s’aiment », et de l’autre « des relations des gens qui vivent côte à côte sans avoir entre eux ce lien profond ». Ceux qui à l’heure actuelle associent « les hétérosexuels » à tous les couples femme-homme, ou pire, à tous les pères et mères de la Terre, prennent les choses à l’envers en faisant passer l’image médiatique avant la Réalité : ce n’est pas le couple femme-homme (et encore moins la famille) qui fait le couple hétérosexuel, mais le désir de copier le « couple hétérosexuel » imagé qui transforme certains individus en caricatures d’« hétérosexuels » ; c’est une application scolaire et rigide de la différence des sexes, une sacralisation démesurée de celle-ci. Le couple femme-homme qui s’aime d’un amour vrai ne mérite même pas de s’appeler « hétérosexuel » puisqu’il n’est ni statique ni violent, et qu’il ne fait pas du paraître sa priorité désirante. Une seule orthographe pourrait convenir aux hétérosexuels : les « éthers au sexuel ».

 

Le couple homosexuel est une copie conforme inversée du couple hétérosexuel, et une pâle imitation du couple femme-homme uni par l’amour. Par exemple, dans le film « Dimanche matin » (2001) de Robert Farrar, nous retrouvons bien cette transposition du couple hétérosexuel au couple homosexuel, avec la « tantouze » menée par le bout du nez par son « mari » ultra-macho. C’est intrigant comme dans l’inconscient collectif, l’union homosexuelle est spontanément associée aux couples femme-homme en conflit (donc hétérosexuel) et jamais aux couples femme-homme unis et non-hétérosexuels. On peut observer que dès que deux amis du même sexe se querellent en public, tout de suite s’abat sur eux le soupçon d’homosexualité. Se chamailler entre semblables sexués, cela « fait homosexuel » ou « vieux couple hétéro ». Ceci est tout à fait significatif de la nature du désir homosexuel qui encourage à l’identification aux deux membres du couple hétérosexuel, à savoir l’homme-objet et la femme-objet, tous deux haineux et simulant une entente de façade qui cache une guerre impitoyable.

 
 

Les contre-coups de l’absence de séparation des sexes ou de l’excès de séparation entre les sexes

 

Il est probable que le viol que les personnes homosexuelles ont cru subir/ont vraiment subi est celui de la séparation excessive entre les sexes, mais aussi celui de l’absence de séparation. « Paradoxe ou incohérence : au moment même où la différence des sexes ne parvient plus à structurer la sexualité et les rapports entre les corps, elle prend valeur constituante dans le corps politique où le genre sexuel devient un critère déterminant. […] On s’étonnera de voir nos socialistes faire de la différence des sexes un critère là où elle n’a rien à en faire (parité, conquête et exercice du pouvoir) et vouloir l’effacer là où elle est structurante (sphère privée, famille). Visant à réduire les discriminations, on désexualise les institutions (mariage, procréation), et à l’inverse on sexualise le langage (féminisation des noms de fonction, transmission du patronyme). » (Michel Schneider, La Confusion des sexes (2007), pp. 23-24)

 

CIRE PINK

 

Socialement, l’effacement progressif des espaces féminins et masculins va crescendo. La parité et la mixité sont des valeurs de plus en plus imposées – et donc menacées – dans nos civilisations, et le trouble pour celui qui essaie de se construire une identité sexuée et d’apprivoiser son corps de femme ou d’homme s’accentue. La définition sexuelle semble être laissée non plus à la Nature, à l’extérieur, à la société, à la famille, aux parents, mais à l’appréciation personnelle de l’individu qui risque, du coup, de ne plus savoir qui il est. De l’excès du partage des sexes connu dans les siècles antérieurs, nous sommes passés à un autre, tout aussi handicapant pour la réalisation de la rencontre entre femmes et hommes : le retrait de la démarcation. Il est handicapant dans la mesure où la séparation temporaire, loin d’impliquer nécessairement la rupture, peut dans le meilleur des cas signifier « reconnaissance », « condition préalable à la relation », « espace d’échanges », « préparation de la rencontre ». Une société qui laisse ses membres se regrouper et se séparer selon les âges, les sexes, les religions, les cultures, les pays, les passions communes, les affinités, les convictions politiques, les liens familiaux, etc., est une collectivité humaine qui respire la démocratie. L’encouragement à la distinction entre les sexes n’a rien de militaire ni de « fasciste » : c’est l’empêcher à tout prix (sous couvert d’« égalité de droits » ou « des sexes » par exemple) qui devient totalitaire.

 

Les personnes homosexuelles, par ce qu’elles sont et désirent, expriment ce malaise social de l’indifférenciation des sexes. La plupart du temps, elles le justifient : certaines n’acceptent pas la distinction filles/garçons faite dans les écoles, les hôpitaux, au seuil des toilettes et des vestiaires, chez le coiffeur, dans les dictionnaires, etc., parce que pour elles, elle équivaut à la séparation totale entre les sexes, et plus fondamentalement à la remise en cause de leur désir d’être tous les sexes. Mais de temps en temps, inconsciemment, elles regrettent que l’effacement de cette frontière empêche les femmes et les hommes de se rencontrer.

 

Le désir homosexuel est l’indicateur de la blessure que la femme et l’homme s’infligent dans leur couple par l’image médiatique d’abord, et parfois dans la réalité concrète. C’est pourquoi mon insistance sur les liens entre désir homosexuel et viols sociaux. L’homme est actuellement de plus en plus condamné à porter l’étiquette du « beauf bourrin » et ennuyeux ou du parfait prince charmant qu’il n’est pas. La femme, quant à elle, est réduite à l’image de tigresse « salope » ou de femme au foyer, blonde et soumise. L’un comme l’autre se réifient à l’image… si bien qu’au final, certaines femmes et certains hommes réels ne veulent plus se côtoyer simplement, et prétendent parfois s’autosuffire dans l’affirmation d’une homosexualité ou d’un isolement fier de lui-même. Beaucoup de femmes et d’hommes actuels s’enlisent dans le débat sexiste, ou esthétisent leur angoisse par rapport à la disparition des membres du sexe « opposé » en questionnement disco (cf. les chansons « Où sont les femmes ? » de Patrick Juvet, « Où sont passés les Hommes ? » du groupe L5, « Toc, Toc, Toc » de Zazie, « Les Brunes comptent pas pour des prunes » de Lio, etc.) n’indiquant pas un renoncement aux mythes télévisuels de l’hypervirilité ou de l’hyperféminité, mais au contraire une réinstauration de ceux-ci. On le voit rien qu’aux reproches que formulent certaines femmes médiatiques aux hommes : elles s’adressent davantage à des Monsieur Muscle plantés passivement devant leur petit écran, ou posant sur leur Harley comme des objets, qu’à des hommes de chair et de sang. « Los chicos son de molde y nosotros de corazón. » (Beyoncé défendant les « femmes », dans sa chanson « Si Yo Fuera Un Chico » ; traduction personnelle : « Les hommes sont de pierre alors que nous, nous sommes sentimentales. »)

 

Certaines personnes homosexuelles illustrent en image que c’est en partie l’abandon des femmes par les hommes, ou l’abandon des hommes par les femmes, qui ont fait d’elles « des homos » (cf. les films « W » (1998) de Luc Freit, « Que faisaient les femmes pendant que l’homme marchait sur la lune ? » (2000) de Chris Vander Stappen, « Beignets de tomates vertes » (1991) de Jon Avnet, « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, etc.). Il est indéniable, même si nous ne pouvons pas en faire une règle, qu’il y a énormément d’enfants de parents divorcés parmi les personnes homosexuelles, ou bien de jeunes adultes dont les géniteurs restent ensemble par convenance ou pour l’image. Il n’est pas très étonnant non plus que les militants gay les plus intransigeants sur la pureté homosexuelle soient aussi ceux qui ont un passé hétérosexuel particulièrement lourd. Ce conflit (fantasmé) entre leurs parents peut se traduire par une intériorisation identificatoire, une affirmation officielle d’une identité homosexuelle factice qui est à l’image du clash entre leur père et leur mère. Le « Je souffre de votre (possible) désunion/du viol que vous vous infligez » se mute en « Papa et maman, je suis homo… et je garderai secret votre (désir de) divorce ».

 
 

La validation, et parfois la construction homosexuelle, du couple hétérosexuel

 

Par leur façon de parler du couple « hétéro », nous comprenons tout de suite que beaucoup de personnes homosexuelles confondent la famille composée de la femme et de l’homme réels, avec la famille décrite par les prospectus : par exemple certaines parlent de la première comme d’une « idéologie lourde et coûteuse » (cf. l’article « Hétérosexisme » de Louis-Georges Tin dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 209), donc d’une propagande publicitaire et politique, alors que jamais le couple femme-homme réel n’a eu besoin d’argent, ni de la télévision, pour éprouver la joie et le besoin ludique de se rencontrer : il s’est formé spontanément, gratuitement, volontairement, même s’il a bénéficié par la suite de l’appui des structures sociales pour célébrer son union. L’attachement des personnes homosexuelles au mythe du prince charmant et de la princesse blonde, qu’elles attribuent bizarrement à tout individu qui s’accouple avec une personne du sexe « opposé », leur apparaît évidemment intolérable puisqu’elles le choisissent comme modèle de référence ou anti-modèle, et qu’elles ont pour la plupart du temps contribué à le rendre iconographiquement réel, par leur création d’une image violente du couple femme-homme. Car qui transforme la femme et l’homme en statues de cire à la fois stoïques et en conflit, sinon une majorité d’entre elles ? Elles prouvent souvent à l’image qu’elles confondent le couple réel avec leurs effigies parce qu’elles le regardent précisément comme un objet destructeur, tout-puissant, et enviable. Le motif de la femme fellinienne géante et du pantin masculin, de la blonde vénéneuse qui manipule le mâle avec un rire sardonique, ou bien de l’amant amoureux de sa figurine qui se refuse sans arrêt à lui, reviennent fréquemment dans les œuvres homosexuelles.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles empêchent la rencontre entre la femme et l’homme en la diabolisant ou en la romançant sur les écrans. Dans certains films homo-érotiques, il n’est pas anodin que ce soit le personnage homosexuel qui, on ne sait jamais vraiment pourquoi (peut-être s’interpose-t-il pour leur éviter une guerre dramatique élaborée par ses propres fantasmes ?), sépare la femme et l’homme. Le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion en fournit un parfait exemple. Les représentations stylisées du combat entre le camp des filles et celui des garçons – notamment dans les comédies musicales et les jeux télévisés – excitent souvent beaucoup les personnes homosexuelles. Elles mettent fréquemment en scène l’impossibilité de l’union femme/homme, souvent par le traitement tragi-comique, à travers une scène de répudiation entre une femme hautaine et un homme désespéré l’implorant à genou, ou bien des disputes cataclysmiques jouées par des stéréotypes agressifs de chacun des deux sexes.

 

CIRE Dujardin

 

Cette vision diabolisée ou mièvre de l’union femme-homme implique aussi l’illusion de la compréhension parfaite entre les femmes et les hommes réels. Beaucoup de personnes homosexuelles divinisent le couple hétérosexuel, y compris aux dépens du mariage et du couple femme-homme réel non-hétérosexuel. Elles croient à la fois que tous les humains sont condamnés à ne jamais être heureux en amour, et paradoxalement, qu’ils goûtent tous au bonheur magique et « normal » dont elles seules seraient privées. Par exemple, certaines pensent naïvement que « les enfants hétéros n’auront jamais aucun problème dans leur vie » (Denis, un trentenaire homosexuel interviewé dans l’émission Bas les masques (1992) de Mireille Dumas). Comme elles attribuent à ceux qu’elles appellent parfois « les heureux » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 128) une vie selon les stéréotypes de la publicité, elles assurent que l’existence des autres est peu enviable, mais cependant plus harmonieuse que la leur. « Je pensais jalousement à ces hommes anonymes qui à cette heure s’amusaient, grossièrement peut-être, mais qui étaient supérieurs à moi par leur connaissance du plaisir, dont j’avais seulement le désir… » (cf. le poème « El Placer » de Luis Cernuda)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles idéalisent le couple femme-homme non-hétérosexuel parce qu’elles le jalousent secrètement, lui et le couple hétérosexuel. La jalousie semble être l’un des moteurs principaux du désir homosexuel. Certaines personnes homosexuelles la justifient en la projetant en haine « hétérophobe » sur ceux qui ne seraient que des « homophobes envieux » (Gregory Woods, Historia De La Literatura Gay (1998), p. 294) faisant une allergie inexpliquée à « leur bonheur d’homosexuels ». En définitive, elles envisagent que le bonheur puisse être gênant, non pas parce qu’il le serait réellement, mais parce qu’elles-mêmes en font une expérience paradoxale. La félicité des autres a souvent quelque chose d’écœurant quand on ne la vit pas exactement soi-même. S’il y a une haine de leur part pour le couple femme-homme qu’elles qualifient de « tyrannique », c’est parce qu’effectivement il est matraqué en tant que « modèle hétéro » idyllique dans les médias, mais aussi parce que la supériorité du couple femme-homme désirant (donc non-hétérosexuel) réveille leur orgueil mal placé et les renvoie de fait aux déficiences des structures conjugales homosexuelles (et hétérosexuelles !). En effet, que signifie l’expression « omniprésent schéma oppressif de la famille traditionnelle » ou « famille hétérosexuelle standard et idéale » dans un pays comme la France où un tiers des couples ne sont pas mariés, où plus de la moitié des enfants naissent hors mariage ? La modèle conjugal imposé n’est-il pas plutôt, en 2008, la famille éclatée et recomposée ? Le mépris affiché des couples intégrant la différence des sexes exprime chez les personnes homosexuelles leur quête désespérée d’approbation et la volonté de se substituer à ces couples dans l’inversion mimétique homosexuelle.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) Où sont les membres de l’autre sexe ? :

Très souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, c’est l’absence des membres de l’autre sexe qui a impulsé l’homosexualité du personnage gay ou lesbien. « Les femmes sont parties. On va pouvoir bouger. » (Bernard, le héros homosexuel draguant son voisin Didier, fragilisé parce qu’il apprend que sa copine a un amant, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Tous ces hommes, que sont-ils devenus ? » (Madeleine dans la comédie musicale Ball Im Berlin, Bal au Savoy (1932) de Paul Abraham) ; « Si tu continues à les laisser filer les uns après les autres, les filles seront plus rapides. » (Maurice s’adressant à sa fille lesbienne Delphine, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc. C’est pourquoi ce dernier pose la question top Disco « Où sont les femmes (ou les hommes, dans le cas lesbien) ? » : cf. le film « Que font ces dames… quand leurs maris bossent ? » (1971) d’Ernst Hofbauer, la pièce Où va le cœur des filles quand ils sont partis ? (2008) d’Annelise Uhlrich, la chanson « Où sont les femmes ? » de Patrick Juvet, le film « Va voir maman papa travaille » (1977) de François Leterrier, le film « ¡ Cariño, He Enviado Los Hombres A La Luna ! » (1998) de Marta Balletbo-Coll, le film « Que faisaient les femmes pendant que l’homme marchait sur la lune ? » (2000) de Chris Vander Stappen, le film « Where The Boys Are » (2010) de Bertrand Bonello, etc.

 

Par exemple, dans la mise en scène d’Esteban Morilla (2008) de la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (1938) de Witold Gombrowicz, on entend la chanson de Patrick Juvet « Où sont les femmes ? ». Dans le film « W » (1998) de Luc Freit, ce sont les parties de flipper de l’héroïne qui font que son petit ami va s’homosexualiser avec le serveur transsexuel dans les toilettes du bar. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah, l’une des héroïnes lesbiennes, fait croire que sa mère est absente et partie en ONG en Afrique. Dans la comédie musicale Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse, quatre femmes célibataires racontent leurs déboires sentimentaux avec des hommes qu’on ne voit jamais, qui sont comparés à des « ombres ». Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire et Joséphine sont toutes les deux abandonnées d’un seul être invisible : « On est amoureuses du même homme et nous allons trouvé une solution. » ; elles finissent par le laisser tomber, et par se tourner amoureusement l’une vers l’autre, faute de mieux. Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Nina finit lesbienne après être sortie avec des hommes volages (Marc) et indécis (Baptiste). Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno devient homo parce que sa copine le délaisse. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, ce sont les absences répétées de son mari Heck (il rentre bourré d’une soirée entre copains, il se défile au moment de coucher avec sa femme et reporte le « coup ») qui conduisent Rachel, l’héroïne lesbienne, à se rapprocher de Luce. Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Catherine arrive à séduire Fanny parce que celle-ci se sent délaissée par son mari. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Henri, le bûcheron marié, a viré sa cuti quand sa femme est partie. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Bettina, la femme de Marc, dort quand ce dernier arrive du travail, raccroche au téléphone, s’absente, livre finalement son mari à l’homosexualité par son indifférence. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Marie et Aysla, chacune mariée, finissent par sortir ensemble car elles sont abandonnées par leurs maris respectifs, et/ou les abandonnent : Bernd, le mari de Marie, trompe sa femme avec une collègue de travail, et Marie les surprend ; quant à Aysla, elle doit supporter les absences et les voyages de son mari Dom : « Dom va être très souvent en déplacement. Alors il va falloir qu’on s’occupe d’Aysla. » conseille même Bernd à Marie. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona se laisse aller au lesbianisme parce qu’elle est délaissée par son mari, Harvey, un homme au chômage qui se laisse entretenir par elle, et qui la trompe en cachette.

 

Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M a manqué de référentes féminines pour s’identifier en tant que femme : « J’avais cinq ans quand ma mère est morte. Il n’y avait pas de femmes dans mon entourage. » Plus tard, le père d’Adineh arrive à la même conclusion que sa fille : « Si Adineh avait été élevée par sa mère [décédée quand elle avait 5 ans], ça ne serait jamais arrivé. »
 

De plus en plus ouvertement, les princes charmants renoncent à leur titre et à conquérir leur princesse (cf. les chansons « J’suis pas ton prince charmant » de Keen-V, « Manque de personnalité » de Doriand, « Fais-moi un chèque » de Jena Kanelle) ; et la princesse jette ses colliers (cf. les chansons « My Love Don’t Cost A Thing » de Jennifer Lopez, « J’envoie valser » de Zazie, etc.). Ceci est fait dans la désinvolture la plus totale… mais si, à de rares moments, une lueur de regret s’éclaire timidement : « Qu’est-ce que je vais faire maintenant qu’elle est partie ? » (le mari abandonné par sa femme qui s’est découverte lesbienne, et bien démuni, dans la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora); « Je ne suis pas le Superman viril que tu attendais !! » (Gabriele, le héros homo, violentant son amie Antonietta qui souhaitait « se faire sauter sur la terrasse » de l’immeuble, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; etc.

 
 

b) Le couple hétérosexuel est une union-objet de deux individus de sexe différent, mais sans désir l’un pour l’autre, voire même en conflit :

Film "Cabaret" de Bob Fosse

Film « Cabaret » de Bob Fosse


 

En général, dans les créations homosexuelles, le couple femme-homme est réifié en statues de cire ou en ombres chinoises se battant en duel. C’est le cas dans le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache (avec les statues d’hommes et de femmes nus de la boîte gay L’Apocalypse), le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder (avec les mannequins de l’atelier de Petra), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec le couple femme-homme Janet/Brad statufié par le Dr Frank-N-Furter), la chanson « Derrière les fenêtres » de Mylène Farmer (« Homme et femme de pierre, au destin sans gloire »), le vidéo-clip de la chanson « Nothing Compares 2 U » de Sinnead O’Connor, le vidéo-clip de la chanson « Parler tout bas » d’Alizée, le film « Topaz » (« L’Étau », 1969) d’Alfred Hitchcock (avec les statuettes du berger et de la bergère brisées), le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec l’image du couple de grands-parents, momifiés sur leur chaise longue dans un jardin), la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier, la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez (dans l’appartement de Vivi, le héros homo, il y a deux statues d’un homme et femme qui ressemblent à un berger et une bergère de pastorale), la pièce Ma première fois (2012) de Ken Davenport, la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall, la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec le couple Jean-Paul/Catherine), le vidéo-clip de la chanson « Sounds Of A Melody » d’Alphaville, etc. Par exemple, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, matte sur la plage un couple hétéro (formé en réalité par Léonard et sa copine blonde, allongés sur le sable). Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Vita Sackville-West, lesbienne, contracte un mariage de convenance avec sir Harold Nicolson. Ils sont tellement distants que lorsqu’ils s’embrassent le matin au réveil dans le lit commun, ils se traitent de « voisins » : « Bonjour voisin. » (Vita) « Bonjour voisine. » (Harold).

 

Pour ce qui est des ombres chinoises femme-homme en guerre, on a par exemple le film « Sancharram » (2004) de Licy J. Pullappally, le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, le film « Rear Window » (« Fenêtre sur cour », 1954) d’Alfred Hitchcock, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta, la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton (avec Jenny et Joe à la fin), le film « La Chair et le Sang » (1985) de Paul Verhoeven, le film « Chacun cherche son chat » (1995) de Cédric Klapisch, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, la performance Golgotha (2009) de Steven Cohen, la comédie musicale Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphane Druet (avec un couple femme-homme en ombres chinoises, dans lesquelles la silhouette masculine tend un sexe dru en forme de matraque), le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch (avec Michel, le héros gay et un de ses amants en ombres chinoises derrière un rideau imitation panthère, en plein feu de l’action), etc. Par exemple, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Mathilde et son meilleur ami homo Guillaume méprisent le couple marié formé par Michael (secrètement homo) et sa femme : ce dernier est réduit au binôme Bière/Chipsters. Dans l’épisode 363 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 25 décembre 2018, André Delcourt, le père de Chloé l’héroïne, fait son coming out, après un « mensonge » et une disparition de plus de 35 ans, pendant lesquels il a abandonné femme (Marianne) et enfants (Anna et Chloé). En parlant de sa vie d’homme marié à Marianne, il conclut non pas à la « farce » (comme celle-ci voudrait bien le croire) mais au couple d’ombres chinoises : « Notre vie était un théâtre d’ombres. »

 

Le couple hétérosexuel est le couple de poupées Barbie sous cellophane, des figurines moisissant sur une armoire et respirant la poussière : « Je ne suis pas curieux des meubles dans lesquels vous vivez. » (Denis à son amant Luther, marié à Alice et vivant son homosexualité en cachette de sa femme, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Petra marqua une nouvelle pause, comme pour se souvenir des boîtes de nuit bourrées de garçons maquillés et de filles attendant de se faire draguer. » (Louise Welsh, The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012), p. 82) ; « J’ai eu peur qu’on l’ait empaillée. » (Citron en parlant de sa compagne Pearl, dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) ; « J’ai l’impression que je ne suis qu’une pièce rapportée. » (Monsieur de Rênal, le mari efféminé de Louise, dans la comédie musicale Le Rouge et le Noir (2016) d’Alexandre Bonstein) ; etc. Dès qu’un personnage s’hétérosexualise, il est vue comme une statue par les personnes homos. Par exemple, dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura, décrivant Sylvia son « ex » hétérosexualisée, la durcit : « Je vis soudain ce qui, chez elle, avait changé : son visage […] s’était fait plus dur, plus féminin. » (p. 164) Le mari hétérosexuel et sa femme hétérosexuelle se regardent toujours en chiens de faïence : « Mon mari est un sphinx. » (Simone, l’hétérosexuelle de la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) Les parents sont d’ailleurs rangés au rayon « vieilleries » : « Retourne chez toi, ma mère, va dans ton Musée de Cire épousseter les saphirs ! » (Lou à sa mère Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je suis tellement loin de lui. Mais j’peux pas le quitter. » (Charlotte, l’héroïne bisexuelle ne se sentant pas de quitter Michel pour Mélodie, dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell) ; « On t’a appris qu’Ève était en Mac et Adam en PC ? » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; « Et c’est comme ça qu’on se met en ménage. Tout ignorant de l’autre. Comme des martiens. » (idem) ; « Je connais plein d’hétérosexuels qui n’aiment pas la leur. » (Caroline par rapport aux maris qui n’aiment pas leur femme, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; « Je connais plein de femmes hétérosexuelles qui n’aiment pas leur mari. » (Raymond, idem) ; « Alors vous deux, ça y est ? C’est fait ? Vous avez fusionné ? » (Mireille s’adressant à Caroline et à Raymond, idem) ; etc. Dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, les couples femme-homme ou parfois les couples homos sont figés en portraits peints avant d’exister dans la réalité, comme des prémonitions : c’est l’image statique qui fabrique et prédit le couple, et non la Nature ou la liberté. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel, regarde ses deux parents dormir sur le canapé-lit comme des objets de musée méprisables… puis avec plus d’envie le couple Élisabeth et Jean nus. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, le couple marié formé de l’homosexuel refoulé Georges et de sa femme Christelle est typiquement hétérosexuel. Il se caractérise par deux poupées très bisexuelles et séparées par un mur : « Nous sommes murés tous les deux dans l’incapacité de communiquer. » Dans le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion, Isabelle, l’héroïne bisexuelle qui va former un mariage désastreux avec un homme qu’elle n’aime pas, s’arrête dans une église face à deux stèles funéraires d’un roi et d’une reine côte à côte qui la pétrifient (elles sont jugées « morbides ») et la dégoûtent du mariage : « Je crois que je ne suis pas faite pour le mariage. » Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la femme de Nicolas le héros homosexuel, est contrainte d’assister au mariage d’inconnus, Laurence et Martin, qu’elle cherche à détruire de son regard critique assassin : elle ne supporte pas « le mariage de ces guignols ». Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel et Léo vont au cinéma ensemble voir un film où un robot monstrueux tient dans sa main un marié et une mariée qu’il écrabouille. Dans la chanson « Soyez pédé » de GiedRé, il est question du « couple borné et statique » hétérosexuel : « Pour freiner le flot des mariages bâclés, il n’est qu’un remède : soyez pédé ! » Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, découvre une photo encadrée de ses parents planquée dans la remise familiale par son père, et respirant la poussière.

 

Par exemple, dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Evelyne suit des stages féministes sur la sexualité, et se voit conseiller par sa collègue Missy, qui lui vante les bienfaits du divorce, de s’envelopper comme par hasard dans du papier cellophane : « Tu te rappelles qu’ils nous ont conseillé de nous envelopper dans de la cellophane pour les supporter, ces séances sur le mariage ? » L’espace d’un instant, dans une drôle de rêverie, elle s’imagine concrètement la scène.
 

Film "Victor Victoria" de Blake Edwards

Film « Victor Victoria » de Blake Edwards


 

La particularité du couple hétérosexuel, c’est qu’il est sans désir, comme nous le voyons avec la description du couple Lucile/Xavier Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre (« Lucile et moi avions oublié le désir. », p. 123) ou bien encore dans la bouche des personnages du roman Trainspotting (1993) d’Irwin Welsh : « On est hétéros par défaut. » « Nous allons plutôt bien ensemble. S’aimer… c’est autre chose. […] Parfois, nous restons tout simplement assis, comme ça, sans rien nous dire. » (Franz, le héros homosexuel parlant de son ancienne relation avec Ana, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) Quand ils sont en couple, ils passent leur temps à s’engueuler, se tromper, et à former un mariage catastrophique : cf. le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer (Lena est battue et menacée par son mari Ralph – homosexuel refoulé -, le père de Johnny est un gros beauf à femmes, Roméo le héros gay joue à l’hétéro avec une fille qu’il n’aime pas), le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron (Mr Carter et sa copine Lucilla), la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz (le père de Chris, le héros homo, s’est fait larguer par sa femme et a une copine, Sultana, qui a la moitié de son âge), etc. « Mes parents ne font pas l’amour. Ils font juste des enfants. » (Jean-Henri dont les parents se disputent et cassent des assiettes, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis)

 

Le couple hétéro est l’androgyne. « Je suis Sultana, la moitié de votre père. » (Sultana, la copine du père de Chris, le héros homosexuel, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Mes dieux chéris adorés, faites que jamais nous ne nous séparions, lui de moi et moi de lui. » (la naïade abusive fusionnant avec Hermaphrodite, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Bal du Comte d’Orgel (1924) de Raymond Radiguet, le Comte Anne d’Orgel et sa femme Mahaut forment un couple androgynique ( = deux moitiés d’homme) au sein duquel il y a une inversion des sexes : on nous dit qu’Anne a « une voix efféminée » et que la voix de Mahaut au contraire « apparaît rauque et masculine aux naïfs ». (p. 25) Dans le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, la vision du couple femme/homme est androgynique (il est question de « moitiés »), donc hétérosexuelle. Dans le film « Une Femme sans tête » (20) de Lucrecia Martel, Marcos et Véro figurent le couple hétéro coupé en deux au mariage par un trait blanc.

 

Dans le couple hétérosexuel, la rupture précède ou succède de/à la fusion : « Quand on est mariés, on est collés, comme avec de la glue. » (Mundu dans le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta) ; « Ils étaient incapables de se toucher sans penser que l’un voulait faire de mal à l’autre. » (Carmen en parlant de ses parents – le père au bistrot et la mère tricotant sur son fauteuil devant la télé, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « Quand j’étais petit, mes parents faisaient l’amour devant moi. J’ai même dormi nu sur ma mère. Alors avec ça, dans la vie, t’es mal barré. Je devais être prédisposé. Je regardais même mon père se déshabiller. » (Jacques Nolot, le héros homo du film « La Chatte à deux têtes », 2002) ; « Vous étiez vraiment les deux pôles opposés d’un aimant. » (Jasmine s’adressant à sa mère en parlant de ses parents, dans la pièce Frères du Bled (2010) de Christophe Botti) ; « Ils [les parents de Stephen] étaient indivisibles, ne formaient qu’une chair, qu’un esprit, malgré tout ce qui avait pu se glisser entre eux pour essayer de rompre cette unité : c’était pourquoi leur enfant devait se lever et les aider si elle le pouvait, car n’était-elle pas le fruit de leur unité ? » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 114) ; « Stephen vit un homme et une femme qui se tenaient enlacés comme si aucun d’eux ne pouvaient se résoudre à s’arracher des bras de l’autre et, comme ils étreignaient et s’embrassaient, ils vacillèrent, ivres d’amour. Alors, comme il arrive parfois dans les moments de grande angoisse, Stephen ne put se rappeler que le côté grotesque. Elle ne put que se rappeler une servante aux seins replets dans les bras d’un valet de pied grossièrement amoureux, et elle se mit à rire, à rire comme une démente… » (idem, p. 257) ; « Je les regarde, les parents. Tous deux sont assis mollement, leur tête penchée, chacune de son côté, comme juste pendant d’une affliction bicéphale, corps tristes résignés dans une posture de compromis foireux entre bonne conscience bêtasse et assoupie culpabilité. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, pp. 86-87) ; « Les deux êtres se laissent aller à un dernier long, langoureux et savoureux baiser. Ils profitent de chaque instant passé l’un contre l’autre. Ils savent qu’il faudra attendre longtemps avant de revivre un tel moment. L’ombre des amoureux enlacés vacille sur le mur. Les bougies n’éclairent que très peu l’atelier en cette douce nuit d’été. » (cf. la description de la fille du potier Ditubades et du guerrier, immortalisés au moment de leur adieu par une sculpture, dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, p. 274) Par exemple, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Sandrine est malheureuse en couple avec Rodolphe, son petit copain qui veut coucher trop tôt avec elle. Dans la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks, le couple hétéro Freddie et Elisabeth joue au yoyo (avec une chanson intitulée « Stop on touche »), en étant tout à la fois trop distant et trop fusionnel entre eux. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Adèle en vient à l’homosexualité parce que la pression sociale et amicale la pousse dans les bras (et le lit) des garçons beaucoup trop tyranniquement et fusionnellement, à un âge où elle n’est pas prête pour vivre la fusion des corps.

 

Le couple hétéro est par essence fusionnel et incestuel : « Écoutez, Rodrigo, habituez-vous à marcher tout seul ! J’en ai assez de vous avoir accroché à mes jupons ! » (la Reine parlant à son mari Rodrigo le Jésuite dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Il était arrivé déjà le même doute pour les corps de son père, il est possible que les deux cadavres qui cohabitent dans cette tombe minuscule ne se soient jamais rencontrés de leur vie. » (le narrateur homosexuel, concernant les parents de Pietro son amant, morts calcinés, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 14) ; « Tu es comme ma mère. » (l’homme s’adressant à sa femme dans la pièce Couple ouvert à deux battants (2010) de Dario Fo et Franca Rame) ; « Mes dieux chéris adorés, faites que jamais nous ne nous séparions, lui de moi et moi de lui ! » (la naïade violeuse fusionnant avec le bel Hermaphrodite, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; etc.

 

Eau de toilette de Thierry Mugler

Eau de toilette de Thierry Mugler


 

Chronique d’une mort conjugale annoncée par Proust… : « Les deux sexes mourront chacun de son côté. » (Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, 1921) Par exemple, dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, les parents de Paulo se lavant dans la salle de bain se disent des horreurs tout en se regardant chacun droit dans la glace, dans un immobilisme qui laisserait presque croire à la banalité d’un quotidien amoureux éternel. Dans le film « Maurice » (1987) de James Ivory, le couple hétérosexuel est représenté par deux personnages vivant en concubinage côte à côte, mais ne se parlant pas. Le couple hétéro est formé de deux individualités séparées dans un même lit de chambre à coucher, à l’image des parents de Julien dans le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron. Dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, le « théâtre hétéro » est présenté comme minable et rasoir par rapport au théâtre homo. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Russell, l’un des héros homosexuels, est filmé en train d’écouter des discussions barbantes de mecs hétéros beaufs écœurantes et misogynes. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Rita et Massimo, les parents de Davide le héros homo, sont l’archétype du couple hétéro qui ne communiquent pas à table. Dans la pièce Veuve la mariée ! (2011) de David Sauvage, Roger a divorcé 5 fois et se met « à regretter d’être hétéro ». Dans la pièce The Importance Of Being Earnest (L’Importance d’être Constant, 1895) d’Oscar Wilde, Cecily explique à Algernon (qui se fait passer pour Constant, le frère de Jack) les relations qu’elle a construites de toutes pièces avec un Constant imaginaire. Elle s’envoyait des lettres, s’offrait des cadeaux de sa part, se fiance avec lui, rompt ses fiançailles, puis se fiance de nouveau… Bref, l’amour qu’elle s’est imaginée vivre avec Constant est tout sauf réel ! Au tout début du roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Jane, l’héroïne lesbienne, observe dans la rue un couple hétérosexuel, en décrivant un homme censé effectuer « sa corvée d’amour » (p. 13) auprès de sa compagne.

 

Film "Tick Tock Lullaby" de Lisa Gornick

Film « Tick Tock Lullaby » de Lisa Gornick


 

« Les femmes d’un côté. Les hommes de l’autre. On dirait que la mixité dans les écoles depuis la maternelle a entraîné non pas le rapprochement des sexes, mais au contraire une certaine ségrégation. Normal ! Le petit garçon ou la fille d’au-delà de la clôture attise plus la curiosité et la convoitise que le petit garçon et la petite fille réunis en liberté dans le même enclos. » (Françoise Dorin, Les Julottes (2001), p. 46) ; « Esti et Dovid sont ensemble sans l’être vraiment, ils regardent devant eux, plus qu’ils ne se regardent, comme s’ils craignaient de s’apercevoir à tout moment qu’ils sont étrangers l’un à l’autre, et de partir chacun de son côté. Mais non. Ils sont ensemble et quand Esti s’avance, Dovid la suit. En les observant, Ronit pense aux gens qui restent mariés même si l’un des partenaires change de sexe, ou perd l’une ou l’autre partie essentielle de son corps, ou l’esprit. C’est un peu condescendant, elle le sait, mais cette idée lui trotte dans la tête » (Ronit, l’héroïne lesbienne, parlant de son amante cachée Esti, une femme mariée à Dovid et vivant la vie terne d’une hétérosexuelle de base, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 298) ; « Tu te plains tout le temps qu’on s’ennuie. » (Bernd s’adressant à sa femme Marie, lesbienne, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; « Les couples hétéros n’ont pas le monopole de la longévité. » (Antoine, le héros homosexuel infidèle à son copain Adar avec qui il continue pourtant de vivre et avec qui il achète une maison, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin) ; « J’espère finir comme les parents, avec quarante ans d’amour malheureux. » (idem) ; etc.

 

CIRE 4 noir et blanc

 

Pour beaucoup de héros homosexuels, l’union de l’homme et de la femme est mercantile, hygiénique, violente et égoïste : « Après ils jetteront le papier toilettes souillé de leur sperme dans la cuvette, ils tireront la chasse et ils iront s’allonger tranquillement à côté de leur femme pour dormir et péter dans les draps. Bande de cons. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 43) ; « Si j’étais comme les gens avec qui j’ai grandi, je regarderais le catch en buvant des bières en canette. J’amènerais ma copine sur un parking pour lui tripoter les seins. J’aime être différent. Parce que je vaux mieux. » (Paul, l’un des héros homosexuels du film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « J’imagine que tu dois souvent avoir envie de tuer Tielo. » (Jane l’héroïne lesbienne s’adressant à Ute, la femme mariée à Tielo son mari, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 33) ; etc. Par exemple, dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand a vu le film « Amour » de Michael Haneke racontant l’histoire d’un papy qui tue sa femme, âgée, « par amour ». Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon désigne « Brenda et Brandon » comme l’archétype du couple de colons nord-américains esclavagistes hétérosexuels. Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Cindy, la « fille à pédé » dont Tom, le héros homo, se sert comme couverture hétérosexuelle, est qualifiée par la mamie de ce dernier de « traînée qui pose dans les magazines avec mon petit-fils », de « Miss Camping ». Leur couple postiche ne fait pas longtemps illusion car son artifice est de notoriété publique : « Que dites-vous aux journalistes qui disent que votre couple c’est bidon ? » (Graziella, la présentatrice de l’émission Star chez eux s’adressant à Tom et Cindy). Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Kena tombe dans l’homosexualité car elle est témoin des ruptures et des consommations entre hommes et femmes dans son entourage (ses parents sont divorcés, son pote Blacksta couche sans amour avec Nduta, son père volage qui a un enfant avec une autre femme, etc.), commises en toute impunité dans la société kényane.

 

L’image du mariage femme-homme dans les créations homosexuelles est souvent désastreuse : cf. le film « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen, le film « In And Out » (2001) de Franz Oz, le film « Loin du paradis » (2002) de Todd Haynes, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « 5 X 2 » (2004) de François Ozon, le film « Boat Trip » (2003) de Mort Nathan, le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, le film « L’Arbre et la forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (d’ailleurs, plus l’homosexualité refoulée des personnages s’expriment au sein de leur union, plus le couple s’hétérosexualise et devient infidèle), etc. Dans beaucoup de cas, le mariage (ou simplement l’union entre l’homme et la femme) est clairement associé au viol et à l’ennui : « Bon, d’accord, ton mari t’a violée. » (Zulma à sa fille Alba qui se découvrira lesbienne, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « Il la violera tous les soirs pendant 7 ans dans sa cave. » (Rodolphe Sand décrivant la Rosetta des frères Dardenne qui rencontre l’homme de sa vie, dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; etc.

 

Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, dresse un tableau catastrophique de la famille de sa sœur Lili : celle-ci est hystérique, son mari est un beauf alcoolique, leur fils est trisomique et leur fille est une graine de prostituée. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le héros homosexuel, compte se marier avec une femme, Sophie à qui il cache son passé homosexuel. Le mariage est vraiment montré comme le refuge du mensonge. D’ailleurs, Vincent engueule Sophie, la bat de temps en temps. Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Rosa la prostituée et son client Jules, avant de passer au lit dans une scène SM, simule le joli petit couple à table qui va manger du canard à l’orange. Plus tard, Rosa rejette l’amour sincère que lui propose son bel amant Julien : « J’ai pas mérité ton mépris, Rosa. »

 

Les couples en conflit, formés de la femme-objet et de l’homme-objet, sont légion, surtout dans l’univers musical homo-érotique des années 1980-90 : cf. le vidéo-clip de la chanson « Je t’aime Mélancolie » de Mylène Farmer (avec le combat de boxe), le vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer (avec la scène de tauromachie), le vidéo-clip de la chanson « The Power Of Goodbye » de Madonna (avec le combat d’échecs), la chanson « America » du film « West-Side Story » (1961) de Robert Wise (avec la joute chorégraphique et vocale entre hommes et femmes), la chanson « Embrasse-moi idiot » de Bill Baxter, la chanson « Boys And Girls » du groupe Charlie Makes The Cook, la chanson « À cause des garçons » du groupe À cause des garçons, les chansons « Fallait pas commencer » et « Les Brunes comptent pas pour des prunes » de Lio, le « Medley Match » du concert des Enfoirés 2008, etc. Par exemple, dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca, homosexuel, imite les mannequins des défilés femmes puis des défilés hommes.

 

Vidéo-clip de la chanson "Adélaïde" d'Arnold Turboust

Vidéo-clip de la chanson « Adélaïde » d’Arnold Turboust


 

On nous montre en général toujours la même scène kitsch de répudiation du Don Juan opérée par la femme hautaine se refusant à lui ; une sorte d’amour courtois médiéval inversé : cf. la chanson « Adelaïde » d’Arnold Turboust (avec l’odieuse Mademoiselle Adelaïde rejetant son mendiant d’amour), la chanson « C’est trop tard » d’Alizée, la chanson « Je te dis non » d’Élodie Frégé, la chanson « Ego Trip » de Stella Spotlight et Zéro Janvier dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec la demande en mariage ratée), la chanson « Le Jour J » de Zazie et Philippe Paradis, le film « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman (avec la pièce de théâtre entre Mino et sa sœur Karin), la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès (dans laquelle Leslie – jouant la princesse condescendante – repousse Anna – le chevalier servant – d’un « non » catégorique), le vidéo-clip (réalisé par Pierre et Gilles en 1990) de la chanson « A Lover Spurned » de Marc Almond (avec la femme acariâtre refusant le pardon imploré par l’amant à genoux), la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz (avec la princesse insaisissable, qui se dérobe à son amoureux éconduit), le film « Loulou » (1928) de Georg Wilhem Pabst, la pièce La Reina Del Silencio (1911) de Ramón Gy de Silva, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb (avec Texor, rejeté dans sa jeunesse par la seule femme qu’il a aimée), etc.

 

 

Par exemple, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, parce que lors d’une représentation Sibylle a déçu Dorian, ce dernier considère l’actrice Sybil Vayne avec qui il sort comme une traîtresse, et il finit par la jeter : « Tu as tué mon amour. Tu me laisses indifférent. Tu as tout gâché. Tu es vaine et stupide. » Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Chloé n’est pas venue au rendez-vous amoureux qu’elle avait donné à Martin. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Séverine fout un vent à Yassine qui croyait à leur flirt. Dans le one-woman-show Chatons violents (2015) d’Océane Rose-Marie, Jérôme, le pote hétéro d’Océane, se prend trois râteaux en boîte en accostant des femmes, dont une Samantha, Marseille hyper vache avec lui. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse, l’héroïne lesbienne, envoie ballader son amant Richard ; et sa compagne Carol fait de même, de son côté, avec son mari Harge.

 

« Je t’aime… mais c’est trop tard. » (Léa s’adressant à Chéri dans le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears) ; « J’ai pris des airs de comtesse qui se moque. » (cf. la chanson « La Pudeur » d’Oshen) ; « Elles ne font rien d’autre que les femmes ordinaires : exploiter le désir des hommes. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 219) ; « Un baiser s’il vous plaît un seul et le dernier ! Ô belle Tristana je vous en prie, cédez-moi un peu de vos lèvres ! Savez-vous donc que je vous aime ?’ Voilà enfin que Tristana le comprenait. Aussi s’approcha-t-elle de l’infortuné Nippon, berça contre son ventre son visage dans ses mains, et tout en consolant ses pleurs elle chantonna des comptines, afin d’apaiser ses yeux clos boursouflés de rougeurs. Puis, émue par le chagrin du gentil samouraï, elle murmura à l’oreille ces mots que sa gorge étranglée chuchotait avec peine. ‘Laissez-moi mon enfant vous offrir ce baiser… Pour qu’encore et toujours vous ayez foi en vos chimères…’ Mais le Nippon ne bougeait plus. Il semblait déjà mort. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami romancier homosexuel en 2003, p. 40) ; « Cette femme était de celles qui aiment à dire non. » (Roger dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 46) ; « Je ne suis pas de celles qu’on prend avant de passer par l’autel. Il m’a séduite, mais jamais il ne posera ses lèvres sur les miennes. » (Madeleine en parlant d’Heinrich, l’homme avec qui elle a couché, dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 65) ; « Scott, je ne pensais pas t’appeler, seulement…’ J’ai fait une pause, histoire de ménager un effet dramatique. Je suis comme ça. Je l’admets. J’ai fait une pause, pour le laisser imaginer que j’allais lui dire ‘Je t’aime’ ou ‘Reviens’. Et qu’il se sente complètement nul, mesquin et pitoyable. Puis j’ai enchaîné : ‘Je viens d’apprendre la mort de mon père.» (Ronit, l’héroïne bisexuelle à Scott, son amant de passage, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 46) ; « Are you strong enough to be my man ? » (cf. la chanson « Strong Enough » de Sheryl Crow) ; etc.

 

Dans le film « Farinelli » (1994) de Gérard Corbiau, le castrat Farinelli essuie un refus de Marie-France Pisier quand il la demande en mariage. Il rompt son verre en disant : « J’ai eu l’audace de croire que je pouvais être un homme… » Dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, le protagoniste Garnet Montrose « se fait jeter » par la veuve Nance à qui il envoie en vain pléthore de lettres. Dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, le Jésuite implore la Reine de revenir à lui : « Tout peut recommencer comme au temps où nous étions heureux ! Je t’en supplie, Pépita ! » ; mais celle-ci lui répond avec agacement : « Non, non et non ! » Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, Mechita refuse de donner sa main au vieux Largui qui lui déclame pourtant de jolis mots d’amour (« Doña Mechita, maintenant que nous sommes seuls, il faut que je vous dise la vérité : je vous aime !) ; il se fait renvoyer sur les roses par elle (« Taisez-vous, Largui, et continuez à ramasser les champignons ! Et n’allez pas me prendre les vénéneux ! »). Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, c’est quand le Don Juan Álvaro déclare sa flamme à Yolanda que celle-ci le jette comme un malpropre (« C’est trop tard ! ») et lui dit qu’elle est incapable d’aimer un seul homme : elle révèlera plus tard sa bisexualité.

 
 

c) Le couple homosexuel est une union-objet, et un pastiche de l’union réifiante hétérosexuelle :

CIRE 11 fer à repasser

 

Pas un pour rattraper l’autre… : le couple homosexuel, tout comme le couple hétérosexuel, manque de désir, ne s’aime pas vraiment, se révèle aussi fragile et normatif. « Tu vois, ce sont des couples. Des couples normaux. » (le docteur Bosmans présentant ironiquement un lieu de baise, de fornication et de prostitution bisexuels à Henri, le héros homo du film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « Tu es là, je suis là, et nous sommes deux étrangers. » (cf. la chanson « Ne s’aimer que la nuit » d’Emmanuel Moire) ; etc.

 

Les personnages homosexuels et hétérosexuels sont des jumeaux de désir (réifiant)… ou plutôt d’absence de désir ! Pensons aux figurines de gâteau de mariés (représentant d’abord les hétérosexuels, puis remplacées par les homosexuels) dans le générique de début du film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick. Par exemple, dans le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe, le duo d’amis (très hétéros) de la série nord-américaine Deux flics à Miami est transposé en couple gay sur le duo de flics chargé de suivre discrètement Arthur et Émilie : « C’est fini, les couvertures ringardes : vous êtes un couple gay à Miami. » leur dit leur chef. Dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer, les couples hétéro Lena/Révérend Ralph (homosexuel refoulé et homophobe) et le couple homo Johnny/Roméo sont mis sur le même plan. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, le couple homo Franz/Léopold est formé de deux hétéros : Franz a une copine Ana et Léopold est resté 7 ans avec Véra. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Frédérique la lesbienne et Romuald le gay font l’amour ensemble alors qu’ils sont chacun respectivement en couple homo. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, le couple homo William/Georges et le couple hétéro impossible Adèle/Pierre sont à l’image l’un l’autre. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, à la fin du film, on nous fait croire que Peter et Howard se préparent à leur propre mariage à l’église avant qu’on nous montre le mariage de la mère d’Howard avec son nouveau mari. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, les groupes de garçons et de filles hétéros se travestissent en soirées, et inversent (ponctuellement ?) leur sexuation. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, le couple lesbien Rachel/Luce et le couple hétéro Tessa/Ned (les parents de Rachel) s’embrassent simultanément au milieu de l’embouteillage. Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, c’est la dictature sociale et la sommation d’être en couple qui poussent le jeune protagoniste Sieger à s’homosexualiser en réaction. Le grand frère de Sieger, Eddy, lui met la pression : « Tu vas te maquer ? » Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, le duo Thérèse-Carol finit en petit couple bourgeois cheminée-salon-piano à Noël, comme dans les cartes postales de couple hétéro installé.

 

B.D. de la P'tite Blan

B.D. de la P’tite Blan


 

Dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie, le couple homo se comporte « comme dans un vrai couple hétérosexuel ». Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dit qu’avec son compagnon Claudio, ils veulent un enfant de manière hétéro. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Vivi (diminutif de Victor) et Norbert vivent une vie rangée très hétéro. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homosexuel, reproche à Jean de former avec son compagnon Juan un couple aussi conformiste qu’un couple hétéro. Dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, le couple hétéro Pascal/Stéphanie et le couple homo Sébastien le gay/Dadou la lesbienne sont mis en parallèle. Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Stéphane l’homosexuel et Florence la lesbienne pensent faire un enfant ensemble : le couple hétérosexuel est remplacé par son fac-similé homosexuel. Dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, le couple homosexuel est décrit comme un couple-objet, au même titre que le couple hétérosexuel : « Patreese s’est mis à genoux, a plaqué le nez contre le renflement du caleçon de Ben et m’a attrapé par l’entrejambe de mon pantalon pour m’attirer à lui. En l’espace de quelques secondes, il nous avait tous les deux en main et pressait nos queues l’une contre l’autre tel un enfant content que ses deux poupées Barbie fassent plus amples connaissance. » (p. 149) Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dit qu’avec son compagnon Claudio, ils veulent un enfant « de manière hétéro ». Ils collaborent pour cette raison avec un couple super beauf et gay friendly, Serge et Nadia (la mère-porteuse) : « Un enfant, qu’il soit élevé par deux pédés du cul ou par un père et une mère, l’important c’est qu’il ait de l’amour. » Les deux couples, hétéros comme gays, considèrent l’enfant comme un objet. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Annella, la mère de Elio, lit à son fils de 17 ans le conte du XVIe siècle d’un prince qui avoue son amour interdit à une princesse… ce qui poussera Elio à oser déclarer sa flamme à Oliver tout de suite après.

 

Dans la bien-nommée pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les deux « pères » de Gatal, en couple homo, tiennent un discours nataliste, familialiste, pro-vie, productiviste, déshumanisé, matérialiste, étiqueté « hétéro », focalisé sur la réussite sociale, la descendance biologique et le paraître. Ils se comportent en véritables despotes avec leur fils unique : ils téléguident sa vie à sa place pour qu’il ne soit plus célibataire et qu’il procrée avec un homme : « Ça ne peut plus durer. Ça rime à quoi ?? » Ils sont la caricature de l’obsession sociale pour le couple (sans amour) et pour l’enfant (sans amour) : « Ta semence est épaisse et riche. » (le père 2 s’adressant à Gatal) D’ailleurs, le seul couple d’« amour » qui va se former dans la pièce va être rendu impossible, d’abord à cause des pressions alentours, mais aussi parce que ceux-là même qui essaieront de le former sont anti-couples : Gatal et son fiancé voulaient rester célibataires toute leur vie, et dénoncent le fait que leur société « considère le couple comme une unité indivisible » ; ils finissent par composer un couple très proche du cliché du couple femme-homme hétéro musulman (à un moment, l’un d’eux porte un costard, et son « fiancé » une burka féminine sur le visage).
 

Je vous renvoie au film « Je Tu Il Elle » (1974) de Chantal Akerman, au film « Pon Un Hombre En Tu Vida » (1999) d’Eva Lesmes, l’autoportrait Les Mariés (1992) de Pierre et Gilles, la photo déchirée du couple homo dans le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, les figurines des mariées lesbiennes sur le gâteau de mariage dans le film « Ma mère préfère les femmes » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, la photo coupée en deux du couple Wendy et Mia – homme transsexuel M to F – dans la série Hit & Miss (2012) d’Hettie McDonald, la photo de mariage de Mariela et Miguel – le mari homo – exposée dans le salon le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec le parallélisme voulu entre le couple hétéro de vieux retraités Junn/Alan découvrant l’amour sur le tard, et le couple Kai/Richard vivant un amour secret), etc.

 

 

Le couple hétérosexuel est en réalité bisexuel. « Mais à chaque fois j’arrivais à brouiller les pistes, en sortant avec une fille. Avec une copine, on a le droit d’avoir un copain. Sans copine, on est pédé. » (Bryan, l’un des héros homosexuels du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 160) ; « Pierre Palmade ? Hétéro ! Il s’est marié avec Véronique Sanson. » (Rodolphe Sand montrant la photo du comédien Pierre Palmade pour son jeu « Gay ou pas gay ? », dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; etc. Par exemple, dans le film « Bye Bye Blondie » (2011) de Virginie Despentes, Frances est mariée à Claude Muir, un romancier, mais cela ne l’empêche pas d’aimer les filles, et son mari les garçons (puisqu’il est homo !) : en public, ils s’affichent comme un couple hétéro parfait et uni, alors que dans le privé, chacun vit son homosexualité. Dans le film « The Artist » (2011) de Michel Hazanavicius, pendant la scène de dancing incluse dans le tournage du film « A German Affair », le héros George Peppy (Jean Dujardin) passe, accidentellement et par effet comique, de la danse en couple femme-homme à la danse en couple homme-homme. Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, le célèbre romancier homosexuel Philippe de Monceys joue, devant la press people, à être en couple avec l’actrice Sophie Marceau, pour sauver les apparences. Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, on observe que, dans les binômes de danseurs en couple femme-homme, les hommes sont très efféminés. Dans le film « The Morning After » (2011) de Bruno Collins, pendant que Harry, le héros, embrasse sa copine, il se voit embrasser Thom. Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, Laurent et sa femme Vanessa se sont rencontrés dans un bar gay. Dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, le couple Catherine/Jean-Paul est toujours en conflit… et Jean-Paul se révèle homosexuel pratiquant. Cette union est particulièrement hétérosexuelle puisqu’elle choisit comme modèle relationnel le schéma dominant/dominé (Jean-Paul considère Catherine comme une chienne qu’il commande comme un maître), elle s’appuie sur la fusion (les deux amants reçoivent en cadeau de mariage plusieurs pyjamas où on rentre à deux dedans), elle copie les grands couples mythiques (César/Cléopâtre, Bonnie & Clyde, Rose et Jack dans « Titanic », Mulder et Scully dans X-Files, Jane et Tarzan, Adam et Ève…). Dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier, le faux couple composé de Kim la lesbienne et de César l’hétéro, photographiés de tous côtés comme des criminels à l’aéroport thaïlandais (à l’écran, on a tous les profils et visages de face), est venu acheter une petite fille pour que celle-ci soit donnée au couple lesbien de Kim. Ils ont tout du couple homo-hétéro qui sacralise tellement l’altérité qu’il en devient froid et hétérosexuel (César appelle même sa pseudo femme « l’Autre »). Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, le couple hétéro est en réalité un couple artificiel constitué de deux homos : Ralph (gay et présenté comme un « homme faible » : « C’est comme si Ralph essayait de compenser par l’esprit de vengeance ce qui lui manque en virilité. », p. 238) et Angela (lesbienne).

 

Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, les hétéros et les homos se donnent la main pour défendre les droits LGBT et collaborent ensemble (« On écrit l’Histoire. Gays et hétéros ensemble ! » déclare Dai, le père de famille hétéro)… et à la fin, on comprend pourquoi : pendant une scène de la vie quotidienne où le couple hétéro Cliff/Hevina tartine des sandwichs, ils se font un coming out croisé (Cliff se sent gay « depuis que les gays sont arrivés » dans leur village gallois ; et Hevina dit qu’elle est lesbienne « depuis 1968 ») ; la femme d’Allan, sous l’effet de l’alcool, devient lesbienne et embrasse Stephany, la lesbienne déclarée, sur la bouche ; le couple hétéro Sian/Martin, si gay friendly, défile à la Gay Pride.

 

Le point commun entre les couples hétéros et homos semble être l’obsession pour le plaisir génital sentimentalisé : « Cela va peut-être te surprendre, mais je partage l’avis de ta mère qui dit que pour beaucoup de gays la vie se résume à la recherche du sexe. Cependant, je ne crois pas que la vie d’un jeune hétérosexuel se résume à autre chose… Au Canada, comme ici en Floride, tous les garçons de ma classe ne pensent qu’à coucher. Et l’explosion du nombre de divorces montre que les hétérosexuels ont (aussi) un problème avec la notion d’engagement… » (Chris s’adressant à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 119) ; « Mourad [l’un des héros homosexuels], seul dans sa chambre côté rue, était affolé à l’idée que Ludivine et Hugues n’étaient plus là pour faire tampon entre lui et Jason [l’amant de Mourad]. Il allait devenir de plus en plus difficile de se contenir. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 244) ; etc.

 

Dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, la ville de Stepford a pour particularité d’afficher une perfection d’apparat de la différence des sexes (puis de l’homosexualité), masquant un lourd secret machiste et homophobe : les femmes sont toutes des poupées gonflables très sages, impeccablement pomponnées et bonnes ménagères, qui ont été transformées en épouses soumises à leur mari à cause d’implants chirurgicaux qu’on leur a mis dans la tête à travers un programme mené par le maire de la ville. Cette manigance réifiante marche aussi bien chez les couples hétéros du film que chez les couples homos : en effet, Roger, le héros gay (grand ami des deux héroïnes, Joanna et Debbie), disparaît mystérieusement, puis quelques jours après, réapparaît sur l’estrade d’une tribune politique de la ville, guindé : il présente son compagnon comme « son partenaire dans la vie et en Dieu », et entame un couplet patriotique glacial. Les deux femmes qui assistent à la scène, se rendent compte qu’il n’a plus rien à voir avec le gars amusant et frivole qu’elles connaissaient. Dans ce film, les hommes et les femmes se détestent ; maris et épouses sont en guerre pour le pouvoir au sein du couple ; les couples homos les imitent également (le couple Roger-Jerry est en instance et consulte un sexologue). Avant comme après l’opération chirurgicale robotisante, l’hétérosexualité tout comme l’homosexualité sont des couples-objet masquant les apparences et occultant/créant leurs conflits. Et pourtant, ce film se veut pro-gay et donnant une image positive des couples homos !

 

Finalement, le couple homo et le couple hétéro se rejoignent dans la médiocrité, l’uniformité, et la brutalité (des pulsions). « Le couple chez les homos, ça se passe exactement pareil. » (une réplique du film « Une petite zone de turbulence » (2009) d’Alfred Lot) ; « Vous et elle avez décidé de faire un ménage… Autant que j’en puisse juger, c’est aussi mauvais que le mariage ! » (Brockett à propos du couple lesbien Stephen/Mary, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 451). Par exemple, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, il est question, dans la communauté homosexuelle, des « pacsés hétéros similaires ».

 

Dans tous les couples hétérosexuels ou homosexuels, il s’agit de vivre avant tout un « célibat à deux » (cf. une expression tirée du film « Ce soir, je dors chez toi » (2007) d’Olivier Baroux). Les deux partenaires du couple vont butiner chacun dans leur coin. Dans la pièce Les Deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, Damien (assis sur le canapé, lisant Têtu) et Charlotte (plongée de son côté dans sa revue Modes et Travaux) composent un bon exemple du couple hétérosexuel, voire bisexuel : la communication est impossible entre eux. La pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch s’ouvre sur une scène très hétérosexuelle : un mari et sa femme lisent chacun leur revue sur le sofa (Jean-Luc son journal ; Hélène son Femme actuelle)… et comme par hasard, l’homme-objet marié s’apprête à faire son coming out ! Dans le film « Einaym Pkuhot » (« Tu n’aimeras point », 2009) d’Haim Tabakman, le couple homosexuel est montré à l’image d’un mariage hétérosexuel forcé. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, le couple homosexuel est une parodie de couple hétéro : Sven est bourru, alcoolique et amateur de pizzas, Göran est plus féminin et fleur bleue. Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, la dispute du couple hétéro Harper/Joe répond simultanément à celle du couple homo Louis/Prior. Le duo de flics du film « Partners » (1982) de James Burrows est composé d’un macho homophobe et d’un sissy refoulé. Dans le film « Dimanche matin » (2001) de Robert Farrar, le couple homo est une parodie du couple hétérosexuel poussée à l’extrême : l’un est le « mari » macho, l’autre joue la « femme » soumise. Dans la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks, le Dr Frankenstein Junior et Frankenstein joue au couple hétéro. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo reproche à Jean d’être dans son couple avec Juan aussi conformiste qu’un couple hétéro. Dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, Raulito la passive et Cachafaz qui veut jouer le « mâle », est une caricature du couple hétéro.

 

« Polly ferait mieux de devenir hétéro et coucher avec un boxeur italien qui la mettrait sur le trottoir et la tabasserait de temps en temps, chuis sûr que là, et là seulement, elle prendrait son pied ! » (Simon, l’un des héros homos, faisant un bilan négatif de la vie de couple lesbienne de sa meilleure amie Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 46) ; « Pierre qui fait les courses, me gâte : je suis devenu extrêmement capricieux, je ne le laisse jamais sortir, il passe la journée à faire le ménage et à me faire la cuisine avec beaucoup de laurier. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 63) ; « Faire un enfant, ça fait plus hétéro avec l’actrice. » (Benjamin s’adressant cyniquement à son amant Pierre qui veut faire appel à une mère porteuse pour obtenir un enfant, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; etc.

 
 

Comme le montrent les propos de Molina dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, le personnage homosexuel a intériorisé la conception machiste et déséquilibrée du couple femme-homme télévisuel, qu’il transfèrera ensuite sur sa propre relation de couple homosexuel :

Valentín « Tu n’as pas à te… soumettre.

Molina – Mais si un homme… est un mari, c’est lui qui doit commander pour qu’il se sente bien. C’est naturel, c’est lui… l’homme de la maison.

Valentín – Non, l’homme et la femme de la maison doivent être à égalité. Sinon, c’est une exploitation.

Molina – Alors ça n’a pas de charme. Bon, ça c’est très intime, mais puisque tu veux savoir… Le charme c’est que, quand un homme t’embrasse… tu as un peu peur de lui.

Valentín – Non, ça, c’est très mal. Qui t’as mis cette idée en tête ? C’est très mal, ça.

Molina – Mais je le sens ainsi.

Valentín – Tu ne le sens pas ainsi, on t’a monté le bourrichon en te farcissant la tête avec ces stupidités. Pour être femme, il ne faut pas être… je ne sais pas, moi… martyre. »

(Manuel Puig, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976), p. 230)

 
 

Avant d’être reporté forcément sur un couple, c’est d’abord à lui-même que le personnage homosexuel s’inflige sa vision désenchantée et brutale de l’amour femme-homme : « Et bien moi, depuis l’adolescence, c’est la guerre entre les deux. Dès que le mec en moi s’affirme, la femme prend le dessus et le mec n’ose plus s’exprimer. Au quotidien, c’est terrible. […] Je dois contrôler ma part masculine et féminine, empêcher la femme en moi d’opprimer l’homme. Peut-être que ça améliorera mes relations avec les femmes… […] Franchement, il est temps que le mec en moi, il triomphe. Ça doit être mon côté majorette qui résiste. » (Jarry dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Où sont les membres de l’autre sexe ? :

On constate que dans les sociétés où les sexes sont trop les uns sur les autres, ou bien à l’extrême inverse, dans lesquelles les membres de l’autre sexe sont en déficit, les relations homosexuelles se multiplient. Par exemple, ce fut le cas dans l’Argentine de la fin du XIXe siècle, pendant l’âge d’or du tango, quand, faute de femmes, les hommes dansaient et sortaient ensemble : Buenos Aires était démographiquement une ville d’immigration principalement masculine. Mais on pourrait parler plus largement de toutes les homosexualités de circonstance pendant les guerres, dans les tranchées, dans les « sociétés sans femmes » ou « sans hommes », dans les pensionnats, les navires, les casernes, les prisons (j’aborde plus longuement ce sujet dans le chapitre « Homosexualité de circonstance » du code « Entre-deux-guerres » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « La séparation des sexes dans les écoles peut fournir des encouragements aux relations homosexuelles. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48)

 

Même si la plainte sociale de la non-rencontre des sexes se fait de moins en moins entendre, elle ne cesse pas d’exister, et de s’exprimer sous forme d’estampes et de phrases spontanément prononcées par les innocents : « Elle est triste parce que les garçons sont partis. » (un enfant dans le film documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean) ; « Les hommes sont frénétiques et les femmes sont tristes. » (Louise Bourgeois dans le film documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cajori et Amei Wallach) ; « On était devenus deux étrangers. » (James, amer par rapport à Veronica, sa compagne qui avait accepté de porter l’enfant d’un couple gay, dans le documentaire « Deux hommes et un couffin » de l’émission 13h15 le dimanche diffusé sur la chaîne France 2 le dimanche 26 juillet 2015) ; etc.
 

La plupart du temps malheureusement, l’appel au secours se fige en chanson disco seventies à la Patrick Juvet « Où sont les femmes ? » : « Où sont les femmes ? » (Pierre riant nerveusement en tombant sur cette chanson pour composer sa playlist de « mariage » avec Bertrand, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2)

 
 

b) Le couple hétérosexuel est une union-objet de deux individus de sexe différent, mais sans désir l’un pour l’autre, voire même en conflit :

Tout me porte à croire que les premiers couples hétéros soient arrivés avec l’amour courtois, à l’époque féodale qui a valorisé le mariage du libre consentement (consacré par la suite surtout à la Révolution française), autrement dit le mariage-contrat (et le divorce qui va avec) basé non plus sur l’engagement indissoluble mais sur les sentiments, l’amour fusionnel ET platonique du XVIIe siècle (exemples : Tristan et Iseult, Roméo et Juliette). « C’est pas parce que t’es dans le même lit que tu fais l’amour. » (Xavier, homosexuel, parlant de sa femme avec qui il ne fait plus l’amour, dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne)

 

L’hétérosexualité, avatar de l’amour romantique souffrant, est une conception à la fois idolâtre et irrespectueuse de la différence des sexes, car elle se choisit la désincarnation platonicienne et le choix individuel comme principaux critères d’expérience et de discernement de l’Amour, le Couple (éphémère) comme unique manière de vivre l’Amour. Comme le dit très justement Sébastien Carpentier lors de la conférence pour la sortie de son essai Délinquance juvénile et discrimination sexuelle en janvier 2012 au Centre LGBT de Paris, « ce n’est pas l’altérité [des sexes] en soi qui crée cette violence. C’est le fait de vouloir la sacraliser. »

 

Dans son essai Le Premier Sexe (2006), Éric Zemmour décrit très bien l’androgynie chez les couples hétéros (il y dénonce la « couplisation » (p. 101) de la société) : « Aujourd’hui, […] il n’y a plus d’individu, homme ou femme, il n’y a plus que des couples. » (p. 37) ; « On peut les voir, dans les rues de Paris et d’ailleurs, main dans la main, vêtus du même uniforme, pantalon large et informe, baskets, chemise ample et pull-over moulant, les cheveux mi-longs. Un même corps de garçonnet androgyne pour deux. Ils sont l’incarnation de la vieille métaphore de Platon sur le corps coupé en deux que l’amour ressouderait miraculeusement. Ils sont plus que frères et sœurs, ils sont jumeaux. Depuis le plus jeune âge, ils sont en couple. Ils ne conçoivent pas la vie, le désir, la rencontre, autrement que dans un cadre immédiatement installé. Parfois, les éléments du couple changent, mais c’est chaque fois une déchirure. Mais peu importe, ce ne sont pas les individus qui comptent, c’est le couple. » (p. 57) ; etc.

 

Par exemple, dans son documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011), Patricia Mortagne a épinglé sur pinces à linge les moitiés de visage de ses parents (père + mère biologiques), qui maintenant ne s’aiment plus d’amour puisque son père couche avec des hommes.

 

L’hétérosexualité est donc une vision païenne et déchristiannisée de l’Amour (même si elle peut apparaître, par certains côtés, très spirituelle et vaguement catholique, comme le pense à tort un Éric Zemmour, par exemple ; Saint Paul a bien montré que le couple femme-homme n’était pas l’unique horizon d’Amour vrai humain puisqu’il y a aussi les eunuques pour le Seigneur, le célibat consacré). Le « mariage d’amour (asexué) », ça a 130 ans. C’est tout récent.

 

Dans son essai L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008), Louis-Georges Tin souligne à raison « l’absence de réflexion sur l’hétérosexualité » (p. 6), la naturalisation spiritualisée forcée du Couple… mais il fait l’erreur d’associer cette violation, cet artifice, à tous les couples femme-homme (« La pratique hétérosexuelle est universelle. », p. 9) et à la soi-disant « méchante Église catholique ». Il n’a pas compris que l’Église s’est elle-même opposée à l’hétérosexualité, dès le Moyen-Âge. Au départ, pourtant, il partait bien (« Les hommes d’Église réprouvaient non seulement l’adultère, inhérent à la logique courtoise, mais plus généralement cette promotion nouvelle de l’amour, de la femme et du couple. », p. 80), mais ensuite, il réduit les oppositions de Celle-ci à une peur de la sexualité (« Les hommes d’Église s’opposent à la culture hétérosexuelle surtout parce qu’elle est sexuelle. » p. 194) alors qu’à mon avis, elles sont motivées par des raisons plus nobles et positives : Elle s’oppose à la culture hétérosexuelle parce qu’elle est irréelle et peu aimante.

 

CIRE 13 musée statues

 

Par définition, le couple hétérosexuel est le couple de poupées Barbie sous cellophane, statufié par la médecine légale, la photographie, la peinture, le cinéma. « C’est le XIXe siècle bourgeois qui a voulu figer les choses pour enfermer les gens dans des petites cases. » (cf. des propos tenus lors de l’émission Les Enfants d’Abraham sur l’homoparentalité, spéciale « Adoption homosexuelle : Pour ou contre ? », le 1er décembre 2009, sur la chaîne Direct 8)

 

L’idéologie de l’hétérosexualité impose une conception binaire et clinique des relations femme/homme, les montrant implicitement sous la forme du rapport de forces contraires ou d’ombres chinoises, où l’un des deux est perdant et l’autre gagnant. « Soirée à la Comédie-Française. […] Je nous revois, ma mère, ma sœur et moi, penchés sur un des médaillons : il représente, en ombre chinoise, le profil de Charlotte. Nous relevons la tête. De l’autre côté de la table, mon père et Betty examinent la page d’un manuscrit. Ils relèvent la tête. Mon père et ma mère s’aperçoivent l’un l’autre, ils s’aperçoivent au même instant. J’aperçois mon père et Betty. Mon père m’aperçoit. Moins d’un mètre nous sépare. Il suffirait de contourner la table. La famille est là, réunie. Réunie ? Mon père détourne la tête et feint de ne nous avoir pas vus. Ma mère fait de même et nous entraîne dans la foule. » (Dominique Fernandez, Ramon (2008), p. 41) C’est cela, le manichéisme contemporain. « Aujourd’hui, l’un des caractères les plus évidents de la masculinité est l’hétérosexualité. […] L’identité masculine est associée au fait de posséder, prendre, pénétrer, dominer et s’affirmer, si nécessaire, par la force. L’identité féminine, au fait d’être possédée, docile, passive, soumise. ‘Normalité’ et identité sexuelles sont inscrites dans le contexte de la femme par l’homme. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), p. 149) ; « À l’intérieur de l’armoire, les vêtements tombaient l’un après l’autre des cintres. Au fond, accrochées ainsi que des marionnettes, deux poupées, de taille humaine, étaient enlacées comme pour danser le tango. Ernestito voulait désespérément comprendre à qui elles ressemblaient. L’homme tournait, la femme pivotait. Lui, il ressemblait au plus grand chanteur de tango. Elle, elle ressemblait aux plus grandes chanteuse de tango : Olinda, Tita, la Negra Bozan, Tania. Elles se succédaient : la lumière capricieuse donnait à chaque tour une nouvelle identité à la poupée femelle. En revanche, lui, il se définissait comme le seul, l’unique Carlitos Gardel, la voix du tango. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 263) ; « Être un homme ou une femme était avant tout un rang, une place dans la société, un rôle culturel, et non un être biologiquement opposé à l’autre. […] À la fin du XVIIIe siècle, des penseurs d’horizons différents insistent sur la distinction radicale entre les sexes, qu’ils fondent sur les nouvelles découvertes biologiques. De la différence de degré, on passe à la différence de nature. […] Non seulement les sexes sont différents, mais ils le sont dans chacun des aspects du corps et de l’âme, donc physiquement et moralement. C’est le triomphe du dimorphisme radical. À l’inverse du modèle précédent, c’est le corps maintenant qui apparaît comme le réel et ses significations comme des épiphénomènes. La biologie devient le fondement épistémologique des prescriptions sociales. L’utérus et les ovaires qui définissent la femme consacrent sa fonction maternelle et font d’elle une créature en tout point opposée à son compagnon. L’hétérogénéité des sexes commande des destins et des droits différents. Hommes et femmes évoluent dans deux mondes distincts et ne se rencontrent guère… sinon le temps de la reproduction. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), pp. 20-21)

 

L’hétérosexualisation des rapports amoureux est bien décrite par Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner dans l’essai Le Nouveau désordre amoureux (1977) : « On traite le corps masculin et le corps féminin en contraires irréductibles, et l’on trace entre eux […] les voies de la coexistence. On s’efforce, dans un mélange de libéralisme moral et de sexologie, de dialectiser l’opposition. » (p. 99)

 

CIRE 14 lit couple opposé

 

Les hétéros sont parfaitement bien définis par Marcel Proust. Ce dernier parle de « la métaphore des boîtes ou des vases clos » fonctionnant comme un système où « les deux sexes sont à la fois présents et séparés » dans le même individu ou au sein d’un couple, « contigus, mais cloisonnés et non communicants », exactement comme dans le règne végétal (Gilles Deleuze citant Marcel Proust dans son essai Proust et les signes (1964), dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 607).

 

« Pour nous, les enfants, il y avait entre nos parents comme une cloison étanche. Pour moi, de onze à quinze ans, il y eut deux mondes sans communication possible. Le monde de la mère et le monde du père. Incompatibilité renforcée par la division politique : le monde de la mère gaulliste et le monde du père collabo. Mais la division politique restait secondaire par rapport à la coupure morale décidée par notre mère, veto originel et d’autant plus fort, d’autant plus paralysant qu’il n’était pas exprimé. Affreuse oppression du non-dit. (Dominique Fernandez, Ramon (2008), p. 36)
 

Un des couples hétérosexuels les plus connus de la Planète est celui d’Eva Braun et Hitler, né d’un mariage de convenance fait à la va-vite, pour sauver les apparences. Il suit d’ailleurs une logique tout à fait androgynique, comme le montrent certains films : « Sans Eva, je ne suis qu’une moitié d’homme, une moitié de pomme. » (Hitler dans le film « Mon Führer : La vraie histoire d’Adolf Hitler » (2007) de Dani Levy)

 

Et le pire, c’est que beaucoup de personnes bisexuelles et homosexuelles ont cru que ces couples hétérosexuels étaient tous les couples femme-homme de la Terre ! « L’autre jour au Petit-Palais pour voir l’exposition de Sumer, d’Assur et de Babylone. Deux personnages inoubliables, statues peintes, homme et femme. Lui a la barbe et les cheveux annelés ; tous deux avec des yeux grands comme des assiettes à soupe et peints en bleu-gris. Que regardent-ils ? Un dieu ? » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp.23-24) Certaines appuient littéralement sur le bouton « pause » de leur télécommande pour se persuader que tous les couples femme-homme sont restés aussi figés (depuis la nuit des temps !) que le couple hétérosexuel : pensons au titre choisi par Hervé Caffin et Maria Ducceschi pour leur one-man-show Hétéropause (2007). Comme on peut le constater dans le documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean, la population interlope confond le monde des couples homme-femme aimants et le monde de la poupée, puisque pour aborder les questions de l’identité sexuée, le reportage démarre précisément dans les rayons jouets d’un supermarché.

 

La confusion entre la famille médiatique et la famille réelle est souvent faite par les membres de la communauté homosexuelle : « Nous avons tous une définition de ce qu’est une famille traditionnelle, ces familles parfaites de sitcoms, un papa et une maman ensemble avec les enfants. » (Joseph Hagan dans la revue Têtu, juin 2002) D’où la remarque de Tristan Bernard par rapport aux couples femme-homme en général : « Ils croient qu’ils sont heureux parce qu’ils sont immobiles. » (Tristan Bernard cité dans le magazine Première, avril 2004) La famille réelle est alors transformée à tort en « mythe de la famille naturelle » (cf. l’article « France » de Pierre Albertini, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 186). Quand cette confusion est à juste titre remise en cause par des intellectuels et sociologues, certaines personnes homosexuelles jugent leur discours sur la famille réelle « trop idéaliste », en se valant de la comparaison par défaut avec leur « réel à elles », en général catastrophiste et misérabiliste : « Là, vous donnez une image très idéalisée du couple hétérosexuel ! Vous savez que beaucoup d’enfants dans les couples hétérosexuels ne sont pas des enfants de l’amour et n’ont pas été désirés ! » (Uli Streib-brzić face au psychanalyste Jean-Pierre Winter, dans l’émission De quoi j’me mêle ! (2004) de David Leconte)

 

Selon beaucoup de personnes homosexuelles, il ne fait aucun doute que les couples femme-homme vit un bonheur parfait, parce qu’elles confondent le couple hétérosexuel, par essence médiatique/scientifique, avec le couple femme-homme, vivant quant à lui un bonheur plus réel et exigeant, d’une autre perfection que celle qu’elles leur attribuent : une relation idéale dans ses petites imperfections.

 

Elles adoptent une vision blessée et salie de la relation entre la femme et l’homme, que ce soit parce qu’elles ont vu un viol de loin (à la télé, aux infos, verbalement), ou parce que leurs parents se sont déchirés devant elles, ou qu’elles ont mal vécu des histoires d’amour d’adolescence avec les membres de l’autre sexe : « J’ai toujours craint que mon père frappe ma mère, pourtant je ne l’ai jamais vu se comporter violemment avec elle. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 38) ; « Le couple, c’est toujours un rapport SM. » (François Ozon, entretien avec Didier Roth-Bettoni, dans la revue Illico, 16 mars 2000) ; « Ma mère était assez violente, peut-être plus que mon père, en réalité, et dans la seule confrontation qui, à ma connaissance, les opposa physiquement, ce fut elle qui le blessa, en lançant sur lui le bras du mixeur électrique qu’elle était en train d’utiliser pour préparer une soupe : le choc fut tel qu’il en eut deux côtes fêlées. Elle est assez fière de ce fait d’armes, d’ailleurs, puisqu’elle me l’a raconté comme on raconte un exploit sportif. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 81) ; « On se mariait en toute innocence. En toute bêtise. […] J’avais une partie de mon désir qui avait été tué. » » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, interviewée dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « La jeunesse du futur poète [Oscar Wilde] s’écoule, non pas dans le calme, mais dans les échos et les remous d’un scandale qui désagrège sa famille : la maîtresse de son père fait du chantage, intente un procès aux Wilde en prétendant avoir été endormie au chloroforme puis violée par sir William. Les amis de collège d’Oscar, qui suivent le procès dans les journaux, ne lui épargnent aucun détail… ‘Voilà donc où conduit ce grossier amour des hommes pour les femmes, à cette boue !’ écrira-t-il plus tard, en parlant de cette lamentable affaire. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 170) ; « Bien à l’âge de neuf ans, j’ai été abusée sexuellement par un adolescent et sa sœur. J’ai alors expérimenté une activité hétérosexuelle et homosexuelle affreuse à un très jeune âge et en même temps, j’étais élevée par la télévision – j’avais la permission de regarder des films réservés aux adultes, des films d’horreur, des films à contenu sexuel, donc mon éducation à l’amour et au sexe s’est faite par l’abus et en gros par la négligence parentale, puisqu’ils nous autorisaient à regarder ces choses. » (Shelley Lubben, ex-actrice porno) ; etc.

 

Par exemple, dans l’émission Mots croisés d’Yves Calvi (sur le thème « Homos, mariés et parents ? », diffusée sur la chaîne France 2, le 17 septembre 2012), il n’est pas anodin que la journaliste lesbienne Caroline Fourest qualifie de « parfaitement hétérosexuelles » les « mères qui congèlent leurs embryons ». Elle a essentialisé son fantasme hétérosexuel – très médiatique – en perfection vivante qu’elle veut abattre.

 

Dans le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau, une guerre ouverte est menée contre « tous les gens qui se reproduisent ». Les mères sont considérées par les interviewés comme des « victimes consentantes », les pères comme des inconnus ou des tyrans, les ventres arrondis sont hués. Et sur une banderole est écrit : « La famille ne sera plus jamais notre horizon et notre tombe. » Comme ça, c’est réglé !

 

Certaines personnes homosexuelles se mettent même dans la peau de la scène de répudiation entre le valet et sa promise cruelle, scène qu’elles incarneraient à elles seules ! « Quelque part, t’es une reine et t’es répudiée. » (Manuela, un homme transsexuel M to F parlant de la non-acceptation sociale de sa nouvelle « identité », dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan) Le mime de la vierge effarouchée capricieuse, toute-puissante, et castratrice, est d’ailleurs très apprécié des hommes travestis ou transsexuels. Par exemple, lors du spectacle « Rouge et noir » de So Show ! à la Soirée « Années 80 » au Réservoir à Paris (le 3 mars 2010), une comédienne genre Jeanne Mas veut se faire désirer du public en se refusant à lui : « Suppliez-moi ! Suppliez-moi ! » Elle est source de fantasme identificatoire. Une identification au viol cinématographique femme-homme, qui peut traduire chez l’individu qui se l’impose l’expérience d’un viol de la différence des sexes réellement vécu dans l’enfance. En effet, certains hommes, avant de se dire « exclusivement homos », se sont parfois pris des vents par des femmes (et dans le cas des femmes, elles sont tombées sur des gars qui ne les ont pas respectées), ou bien ont été effrayés de violenter des filles. « Pendant cette période de formation à l’école sociale, j’ai aussi été très amoureux d’une fille : Pascale. Un jour je lui ai révélé mon attirance pour elle mais elle m’a répondu que ce n’était pas réciproque. J’avais donc pour la première fois eu des sentiments pour une fille ! » (un ami homosexuel de 52 ans, dans un mail datant du 19 octobre 2013) ; « Au primaire je draguais beaucoup, et arrive mon premier baiser à la plage avec une fille. Pour moi, j’étais l’homme et j’ai été effrayé de cette fille qui m’a littéralement sauté dessus dans sa façon d’embrasser. J’ai de suite été effrayé comme si elle m’aspirait, m’étouffait, me violentait dans mon intégrité d’homme. Ensuite, au collège, je tombe amoureux d’une fille avec lequel je suis sorti. Mais à cause du regard des autres, ils m’ont lancé un pari pour casser. C’est ce que j’ai fait et je l’ai regretté, même si j’ai eu toujours l’impression que l’embrasser faisait bizarre, Pas désagréable ni agréable. J’ai redoublé 3 fois, et j’ai eu très peu de petites copines, par peur de ne pas être un homme à la hauteur, d’être nul et d’être rejeté, abandonné, sans aucun goût pour tout. Au lycée, je suis sorti avec une fille. Je la trouvais magnifique. Nous avons fait des préliminaires mais je n’ai pas couché avec elle. Puis elle me largue sans un mot. Surtout qu’elle était dans ma classe. J’ai eu de la rage envers elle et dépression de 2 ans sans presque plus manger. Je suis comme invisible auprès des femmes, j’ai même eu la preuve encore aujourd’hui ou elles ne remarquent pas ma présence et l’une me l’a dit comme invisible. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; etc.

 
 

La simulation théâtrale du rejet du viol/de l’amour ressemble à un appel au viol, comme on peut le voir dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, avec le dialogue entre la cougar Véronique, et le jeune homme de 18 ans (p. 223) :

« – Je vous veux, dit le garçon, laconique.

Non ! répond Véronique.

Il prit sa main et lui fit tâter son érection.

Non, non, poursuivait Véronique. Vous ne pouvez pas me violer. Vous me devez le respect. Je suis une femme âgée.

Mais ses gestes de femme en chaleur contredisaient ses protestations. Véronique, comme possédée, se retrouva par terre, les jambes écartées, les bras ouverts en croix, disant :

Non, je ne l’ai pas mérité, je suis une sainte, une femme vouée à son mari, à son métier… pourquoi voulez-vous me souiller ? »

 
 

Encore une fois, on constate que fusion violente et rupture marchent main dans la main sur les chemins de la passion.

 

Pour Copi, par exemple, le mariage est équivalent à la prostitution, au viol. « Cette cérémonie [de la prostitution entre jeunes Indiennes et des marins] qui perpétue le viol possède un atout : elle exclut le mariage. Le couple argentin, dès le mariage, ne se parle plus. » (Copi à Paris en août 1984, cité dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 90)

 

La « philosophe » nord-américaine Judith Butler, l’une des conceptrices de la Gender Theory, dans sa paranoïa, voit le mariage comme un régime de contrôle démographique, un nationalisme. Elle est suivie intellectuellement par les militants homosexuels pro-gay (et pro-mariage gay maintenant ! quel paradoxe…) du monde entier. C’est la raison pour laquelle un certain Joseph Ratzinger (l’actuel Pape Benoît XVI) dit qu’il est difficile de soutenir le militantisme féministe ou homosexuel puisqu’il repose à la base sur une conception conflictuelle du couple femme-homme. « Ce processus conduit à une rivalité entre les sexes, dans laquelle l’identité et le rôle de l’un se réalisent aux dépens de l’autre. […] Toute perspective qui entend être celle d’une lutte des sexes n’est qu’un leurre et qu’un piège. » (Joseph Ratzinger, « Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le Monde » (2004), cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 487 et p. 495)

 

Sur le journal Le Monde, Sylviane Agacinski écrit dans son article « L’homoparentalité en question » du 21 juin 2007, des propos très justes concernant l’utilisation fallacieuse par certains militants homosexuels du mythe de l’hétérosexualité pour faire passer en douce des lois spécifiques aux personnes homos : « La revendication du ‘mariage homosexuel’ ou de l’‘homoparentalité’ n’a pu se formuler qu’à partir de la construction ou de la fiction de sujets de droit qui n’ont jamais existé : les hétérosexuels. C’est en posant comme une donnée réelle cette classe illusoire de sujets que la question de l’égalité des droits entre homosexuels et hétérosexuels a pu se poser. Il s’agit cependant d’une fiction, car ce n’est pas la sexualité des individus qui a jamais fondé le mariage ni la parenté, mais d’abord le sexe, c’est-à-dire la distinction anthropologique des hommes et des femmes. »

 

Tant que les défenseurs de la famille, même non-homosexuels, pointeront l’hétérosexualité comme idéal d’amour ou d’identité à imiter (comme c’est le cas d’un psychanalyste comme Tony Anatrella, par exemple : « L’homosexualité est le résultat d’un complexe psychologique et d’un inachèvement de la sexualité qui ne s’achemine pas vers l’hétérosexualité. » dans l’essai Le Règne de Narcisse (2005), p. 76), on tournera en rond, et les débats s’embourberont sur le terrain de la gémellité conflictuelle des désirs homos et hétéros.

 
 

c) Le couple homosexuel est une union-objet, et un pastiche de l’union réifiante hétérosexuelle :

Comme le répètent à tue-tête les pro-gay (mais ils ne mesurent pas la vérité de leur intuition), le couple hétérosexuel et le couple hétérosexuel sont à mettre exactement sur le même plan (historiquement et symboliquement). Dans le docu-fiction « Elena » (2010) de Nicole Conn, des interviews de couples homos ou présentés comme « hétéros » sont intercalées, pour prouver l’authenticité et la gémellité entre les couples sans différence des sexes et les couples avec.

 

Le couple homo mime le couple hétéro : « C’est le prince charmant qui chausse Cendrillon. » (Bernard se faisant mettre ses chaussettes par Jacques dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « L’homosexualité correspond forcément à un stade ‘avancé’ du désir mimétique mais à ce même stade peut correspondre une hétérosexualité dans laquelle les partenaires des deux sexes jouent, l’un pour l’autre, le rôle de modèle et de rival aussi bien que d’objet. » (René Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), p. 471)

 

L’homosexualité pratiquée n’est qu’une hétérosexualité forcée (pléonasme…). Par exemple, à propos des films d’Alain Robbe-Grillet, Roland Barthes dit que lorsqu’on voit deux femmes dans un rapport sexuel, « ce n’est toujours pas de l’homosexualité mais de l’hétérosexualité redoublée ». (Anne Delabre et Didier Roth-Bettoni, Le Cinéma français et l’homosexualité (2008), p. 195).

 

Documentaire "We Were Here" de David Weissman

Documentaire « We Were Here » de David Weissman


 

Je me répète. « Pas un pour rattraper l’autre… » Le couple homosexuel est formé de deux individualités vivant côte à côte sans dialoguer (exactement comme le couple hétérosexuel), comme on peut le constater clairement au fil du documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre.

 

CIRE Dean

James Dean


 

Le couple hétérosexuel est en réalité bisexuel. La femme qui collectionne les maris est celle qui s’oriente à la fois vers l’hétérosexualité et vers la bisexualité ; le mari qui maltraite sa femme a de toute manière un problème avec sa sexualité : « Que ce soit un homo honteux ou pas, finalement, peu m’importe… C’est d’abord et avant tout un homme violent qui cherche à humilier autrui, à l’écraser, à l’utiliser comme un objet au service de son plaisir. J’imagine que c’est ainsi qu’il traite son épouse… » (Brahim Naït-Balk parlant d’un de ses violeurs homosexuels refoulés, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 114)

 

D’ailleurs, il est fréquent que le couple hétérosexuel serve de façade aux couples libertins ou à des unions où l’un (au moins) des deux partenaires est homosexuel pratiquant (régulier ou occasionnel). En Espagne par exemple, la press people (« Revistas del Corazón ») regorge de couples-paravents ou postiches, composés d’une fille à pédé et d’un acteur homo planqué : Alaska et Marco, Rocío Jurado et Ortega Cano, Rafa et Natalia, etc. En France, ce fut le cas de Mila Paréli et Jean Marais.

 

L’hétérosexualité et l’homosexualité se ressemblent davantage dans la nullité et la violence que dans la réussite. Il existe une « égalité sentimentale entre homosexuels et hétérosexuels ». (Actes de la Recherche en sciences sociales, n°113, juin 1996, cité dans l’essai L’Infidélité : La relation homosexuelle en question (2009) de Christophe Aveline, p. 10) ; « On constate une modification chez les couples hétérosexuels qui entraîne une césure entre sexualité et reproduction. Si bien que le couple hétérosexuel nouvelle version se rapproche du couple homosexuel. In fine, les homosexuels se rapprochent du modèle de vie hétérosexuel et les hétérosexuels du couple gay. » (p. 34) ; « Un couple [homosexuel], en fait, peut être mis en parallèle, dans la banalité de son fonctionnement quotidien, avec n’importe quel couple hétérosexuel. » (Didier Roth-Bettoni par rapport au couple Orton/Kenneth, dans l’essai L’Homosexualité au Cinéma (2007), p. 544) ; « C’était la conclusion banale de l’aventure, calquée horriblement sur celles des hétérosexuels… » (Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, racontant la succession de ses échecs sentimentaux avec les hommes, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 97)

 

Les couples homos, tout comme les couples hétéros, viennent du monde des objets : « Je ne suis pas curieux des meubles dans lesquels vous vivez. » (Daniel, le héros homosexuel, par rapport au couple Luther/Alice – Luther étant son amant secret – dans le docu-fiction « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Le couple pédé chic est une caricature. » (cf. l’article « Le Visionnaire » de Fabienne Pascaud, dans le journal Télérama du 6 avril 2005, p. 68) ; etc.

 

Dans l’exposition « Des Jouets et des Hommes » (2011) au Grand Palais de Paris, les « installations » audiovisuelles de Pierrick Sorin illustrent parfaitement l’ambiguïté homosexuelle des poupées hétéros : on voit deux hommes à l’écran, un en peignoir rose, et l’autre barbu, à côté d’une poupée Barbie et d’une poupée Ken (comme s’ils étaient leurs clones, leurs nouvelles mutations) ; et on entend une voix dire, à propos de l’homme en peignoir : « En fait, c’est ma mère. Elle a toujours une fausse barbe depuis que mon père est parti. »

 

CIRE 14 berceau

 

L’homosexualité et l’hétérosexualité, en tant que concepts essentialistes contemporains de la sexualité, sont le fruit de cette peur idolâtre de l’engagement conjugal femme/homme, de cette quête fiévreuse de la destruction du célibat et de l’unicité de tout être humain, et de la sacralisation schizophrénique du « Couple » (cinématographique, scientifique, objet, violent…). « Tu as fait de moi ce que tu as voulu. Je suis devenu une femme arabe soumise pour toi. […] C’est vrai, je l’avoue, j’ai aimé faire tout cela. Laver tes vêtements sales, te nourrir, m’occuper de ton corps. » (Abdellah Taïa s’adressant à son ex-amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 115) ; « J’ai beaucoup de mal pour aller dans des milieux exclusivement féminins, parce qu’il y a une espèce de brutalité dans laquelle je ne me reconnais pas. […] Ce que je ressens dans ces milieux-là parfois, c’est qu’on reproduit, tu as des femmes qui reproduisent des comportements masculins que j’exècre totalement, dans la manière de draguer principalement, c’est ça. Je trouve que c’est vulgaire, pour moi ça casse l’image de l’amour que j’ai pour les femmes. […] Ce qui me gêne c’est la contradiction, pour moi, entre une revendication de l’amour des femmes et cette vulgarité, qui pour moi n’est qu’une reproduction de ce qui se passe chez les hétéros. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, interviewée dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, pp. 58-59) ; « Je repérai très rapidement l’existence de cinémas pornos. Les films projetés étaient destinés aux hétérosexuels. En 1984, il n’était pas envisageable qu’un cinéma gay ait pignon sur rue. Mais c’était l’occasion de voir des corps d’hommes nus et excités. L’abstinence maintenue à force de suractivité et de prières depuis le lycée vola en éclats : j’achetai un billet pour une séance. Les toilettes du cinéma étaient couvertes d’inscriptions identiques à celles des carrelettes des toilettes de la gare d’Albertville. Elles servaient de boîte aux lettres, de lieu de rendez-vous et les cabinets permettaient aux couples formés de passer à l’acte. J’y eus ma première véritable expérience sexuelle. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 47) ; « Bruno m’a donné une des bagues, l’autre à Fabien, ‘Vous deux ferez les femmes, et moi et Stéphane on fera les hommes’. » (Eddy Bellegueule mimant avec ses cousins les couples hétéros du porno, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 152) ; etc.

 

C’est la raison pour laquelle les personnes hétérosexuelles (et non les couples femme-homme aimants qui vivent vraiment du mariage) sont largement favorables actuellement pour le « mariage homosexuel » et la « reconnaissance des couples homosexuels ». Les couples hétéros sont les paravents de la violence des couples homos, et inversement.

 

CIRE s'engagent

 

Dans l’essai L’Homosexualité au cinéma (2007), Didier Roth-Bettoni dénonce à juste titre « l’obsession du couple » (p. 368) dans notre société, même s’il omet de dire qu’elle est le dénominateur entre les couples hétérosexuels et les couples homos, et non une caractéristique spécifiquement hétérosexuelle.

 

Même le couple lesbien est à l’origine un fantasme machiste hétérosexuel (qu’on voit dans beaucoup de films pornos hétéros), avant d’avoir été imité et pris au sérieux par des couples de femmes réels.

 
 

HIT PARADE DES SLOGANS NAZES ET 100% HÉTÉROSEXUELS DE LA MANIF POUR TOUS

Et je finis ce code sur les couples hétéros par quelques exemples de slogans de la Manif Pour Tous (hiver 2012-2013), qui loin de rendre hommage à la différence des sexes couronnée par l’Amour et aux couples femme-homme aimants, ont été typiquement hétérosexuels (et donc pro-gay sans le savoir) puisqu’ils ont défendu la différence des sexes en SOI, la filiation en SOI, mais pas l’alliance d’amour entre l’homme et la femme.

 

CIRE SLOGAN HÉTÉRO 2

(Il ne s’agit pas de leur mentir systématiquement, mais de banaliser l’amour entre le père et la mère biologique)

CIRE slogan hétéro 3

(Complémentaires, oui ; égaux, non)

(Ah bon ? Et que fait-on des mauvais pères et des mauvaises mères, ou des couples femme-homme qui se déchirent?)

(Ah bon ? Et que fait-on des mauvais pères et des mauvaises mères, ou des couples femme-homme qui se déchirent?)

(Et alors? Pourquoi ne pas l'ouvrir à d'autres formes de couples?)

(Et alors? Pourquoi ne pas l’ouvrir à d’autres formes de couples?)

(Le pire des pires...)

(Le pire des pires…)

(Ouais. Dites ça aux couples femme-homme stériles, qui ont vécu des fausses couches ou qui ont des enfants par FIV, GPA, PMA et par adoption. Ils seront ravis!)

(Ouais. Dites ça aux couples femme-homme stériles, qui ont vécu des fausses couches ou qui ont des enfants par FIV, GPA, PMA et par adoption. Ils seront ravis!)

(Ça dépend laquelle. Il n'y a pas à glorifier toutes les différences)

(Ça dépend laquelle. Il n’y a pas à glorifier toutes les différences)

(... pour les enfants battus, maltraités et orphelins, peut-être?)

(… pour les enfants battus, maltraités et orphelins, peut-être?)

(Et alors? C'est pas un gage de réussite et d'amour dans une famille...)

(Et alors? C’est pas un gage de réussite et d’amour dans une famille…)


 
 

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Code n°105 – L’homosexuel = L’hétérosexuel

L'homosexuel = L'

L’homosexuel = L’hétérosexuel

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

QUAND L’HÉTÉRO SE RÉVÈLE ÊTRE UNE GRANDE TAPETTE : L’homosexuel et l’hétérosexuel, des créatures mythiques, des jumeaux de violence

 

« Hétérosexualité »… quel horrible mot ! Si on en connaissait l’origine et le détournement actuel, si on savait qu’il signifie BISEXUEL, on ne l’emploierait pas autant dans nos conversations, y compris pour faire plaisir à la communauté homosexuelle. Qu’il est difficile de déshabituer les gens à employer le terme « hétérosexuel » en tant qu’espèce humaine naturelle ou en tant qu’amour idéal !

 

Même moi qui ne l’aime pas, je suis obligé de l’utiliser pour me mettre au niveau de Monsieur Tout-le-monde (bien bas, il faut le dire, tellement nos responsables parentaux, politiques, médiatiques, pédagogiques, nous maintiennent en enfance sur les questions de sexualité), pour me faire comprendre un minimum quand je parle d’homosexualité, même si ça me demande un effort considérable et que je prends soin de le mettre systématiquement « entre guillemets » et de dire « les personnes soi-disant hétéros »… parce que je n’ai pas le temps de rentrer d’emblée dans les détails de mon « explication qui soi-disant saoule/embrouille tout le monde ». Pourtant, mon combat pour redonner à l’adjectif « hétérosexuel » son sens originel plénier, c’est un petit « mal » pour un gros bien. Car nous ne nous rendons pas compte que, dès que le mot « hétérosexualité » apparaît innocemment dans les discussions au sujet de l’homosexualité et de la sexualité en général, les débats tout d’un coup se crispent et s’électrisent sans qu’on comprenne pourquoi, quand nous défendions en toute bonne foi les valeurs de la famille… alors qu’ils s’apaisent aussitôt que l’hétérosexualité ne devient plus le référent moral. Sans rire. C’est fascinant de constater cela.

 

Jamais vous ne m’entendrez dire du bien du couple hétérosexuel ou DU bien de l’hétérosexualité ! Jamais. Du couple femme-homme aimant, oui. Mais pas du couple hétérosexuel ! Qu’on se mette bien cela dans la tête : le couple hétérosexuel est un couple qui intègre la différence des sexes mais sans désir : il est en voie de bisexualisation, voire d’homosexualisation ; ses membres ne s’entendent pas, vivent dans le fantasme de fusion (qui concrètement aboutit à une rupture), cherchent à copier l’homme-objet et la femme-objet de nos écrans de télé, autrement dit les « hétéros » (et les « homos », ces stades avancés/évolués de l’hétérosexualité). Rien d’étonnant d’ailleurs que les chanteurs et les acteurs qui incarnent le mieux l’idéal masculin hétérosexuel fassent leur coming out en masse (Ricky Martin, George Michael, James Dean, Rex Gildo, Rock Hudson, Marlon Brando, Emmanuel Moire, Zachary Quinto, etc.) ! (N.B. : j’y reviens plus largement dans le code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels…). Le désir hétérosexuel et le désir homosexuel sont jumeaux : il est temps que notre société comprenne cela, pour n’idéaliser ni l’un ni l’autre, ni l’un par rapport à l’autre !

 

Film "Folle d'elle" de Jérôme Cornuau

Film « Folle d’elle » de Jérôme Cornuau


 

Qui aujourd’hui ose intellectuellement associer, en dehors de la caricature ou de la blague, l’homosexuel fictionnel à l’hétérosexuel fictionnel, ou bien l’homme hétérosexuel bien masculin à la grande tapette ?, alors que pourtant, on ne fait que nous montrer à la télé, au cinéma, et au théâtre, que leur opposition binaire est absurde, et qu’ils ne forment qu’une seule et même créature : l’Amoureux universel asexué, ou bien l’Allégorie du Machisme ! J’ai déjà écrit dans mon livre Homosexualité intime que l’homosexualité était un concentré de « machisme peinturluré de rose », mais je vais m’expliquer davantage ici. Très peu de monde connaît la genèse du terme « hétérosexualité », et surtout sa gémellité insoupçonnée avec « l’homosexualité ». On ignore souvent, comme l’a expliqué Jonathan Katz dans son essai très éclairant L’Invention de l’hétérosexualité, qu’historiquement, le récent adjectif « hétérosexuel », créé un an après celui d’« homosexuel » en 1869 (preuve que ce dernier lui a servi de patron), était en réalité synonyme d’« homosexuel », et concernait précisément les personnes qui ne souhaitaient pas aimer fidèlement une seule personne de l’autre sexe, mais plutôt n’importe qui, quel que soit son sexe (et son nombre !), en prônant une sexualité libertaire en deçà des institutions d’Église et d’État. Il est donc important, pour comprendre vraiment le désir homosexuel, de faire prendre conscience à notre société que d’une part l’homosexualité et l’hétérosexualité sont jumelles (même si on les a opposées au XXe siècle – cf. Krafft-Ebing – pour imposer un binarisme manichéen dangereux entre elles deux, et présenter l’hétérosexualité comme l’idéal absolu d’amour, ce qu’elle n’est pas et ne doit surtout pas être !), et d’autre part (et ça, c’est beaucoup moins connu/compris, mais cependant capital) que les couples femme-homme aimants ne sont pas « hétérosexuels ». « Les hétérosexuels » n’existent pas ; et les hommes et les femmes qui cherchent à les incarner sont en général violents et en conflit une fois qu’ils se mettent en couple. L’hétérosexualité prend modèle sur l’homme-objet et la femme-objet, adopte une conception irréaliste, violente et fusionnelle, du couple : elle est un détournement de l’amour vrai. Les couples femme-homme aimants, au contraire, durent, restent ensemble, et ne prennent pas modèle sur les contes de fée ou le cinéma : ils sont bien mieux que les contes de fée, puisqu’ils sont réels et libres !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Amoureux », « Haine de la famille », « Bergère », « Don Juan », « Carmen », « Frankenstein », « Femme-Araignée », « Femme fellinienne géante et pantin », « Super-héros », et « Femme et homme en statues de cire », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels, ainsi qu’à la lecture indispensable du site des CUCH (Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité).

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Genèse gémellaire des termes

« homosexuel » et « hétérosexuel »

 

Comme le reconnaissent maintenant de plus en plus d’historiens de la sexualité, autant le désir homosexuel a de tout temps et de lieu existé (et donc les personnes homosexuelles aussi, les actes homosexuels aussi), autant l’hétérosexualité, l’homosexualité, « les » hétérosexuels, « les » homosexuels, en tant que concepts, mots, et réalités, sont très récents. Il était déjà anachronique d’en parler quand on se référait à des personnes ayant vécu à des époques antérieures au XIXe siècle, mais il n’est maintenant pas du tout anthropologique de les employer pour parler d’être humains. Personne ne peut être réduit à ses sentiments, à ses désirs sexuels ni à sa pratique génitale.

 

« L’homosexuel » n’existe pas en tant qu’Homme, contrairement aux êtres humains qui désirent s’y identifier. Les personnes homosexuelles sont des réalités hybrides, des actualisations partielles et humanisées d’une étiquette. En effet, « l’homosexuel » allégorise une créature mythique inventée à la fin du XIXe siècle par des scientifiques pro-gay (Kertbeny, Ulrichs, Hirschfeld, etc.) qui désiraient offrir un statut médico-légal au désir entre semblables sexués et avancer que ce dernier n’était ni « contre-nature » ni « anormal », afin de concurrencer l’espèce « hétérosexuelle » créée un an plus tard, en 1870, et répertoriée pour la première fois par l’Oxford English Dictionnary. Comme l’a largement illustré Michel Foucault dans La Volonté de savoir (1976), la naissance de l’hétérosexualité comme de l’homosexualité marque la place grandissante qu’ont occupée dans le monde la médecine légale, la psychologie, la psychiatrie, la sociologie, la littérature sentimentale et le cinéma, entre 1830 et les années 2000. Au fond, elle est la conséquence d’une idéologie très fortement marquée par la pensée des Lumières, qui proclamait l’Homme-sans-Dieu comme unique maître de sa propre existence, qui érigeait sur un piédestal les sentiments et les sciences au service de la construction de ce qui allait devenir l’individualisme mécaniste moderne. L’homosexuel et l’hétérosexuel du XIXe siècle sont des personnages sentimentaux et sensibles mais sans désir, qui ont un passé bien précis, une histoire pré-définie, un caractère privé de mystère et de joie, une morphologie glacée, une anatomie pouvant être disséquée par la science. Bref, ils ont tout des statues animées des films pornographiques ou des mannequins des manuels scolaires de biologie. Leur cœur possède la froideur de la pierre et des images. Par conséquent, ils s’éloignent fortement des êtres humains réels qui, eux, sont vivants, surprenants, et en constante évolution. C’est sûrement ce qui fait dire à Xavier Thévenot qu’il ne peut y avoir que des « pseudo-hétérosexualités » et des « pseudo-homosexualités » (Xavier Thévenot, Homosexualités masculines et morale chrétienne (1985), p. 43).

 

Ce que le grand public ignore souvent, c’est qu’à l’origine, d’un point de vue purement historique, les termes « homosexualité » et « hétérosexualité » se rapportaient au même désir – le désir bisexuel – avant d’avoir été mis tous deux en opposition par une absurde confusion (ou une volonté) scientifico-sentimentaliste. Plutôt que de désigner une norme sexuelle universelle, le mot « hétérosexualité » venait initialement défendre une sexualité non-normative et dissidente, une bisexualité naturelle, un « troisième sexe » posé comme « normal ». Jonathan Katz, dans son essai L’Invention de l’hétérosexualité (2001), nous montre qu’au départ, l’hétérosexualité était classée au rang des perversions au même titre que l’homosexualité : « En dépit de ce qui nous a été dit, l’hétérosexualité n’était pas synonyme de relation à visée reproductrice. Elle n’était pas, non plus, assimilable à la différence sexuelle et à la distinction de genre, pas plus qu’elle n’étaye l’équivalent de l’érotisme entre hommes et femmes. » (p. 19) On retrouve l’idée de construction historique de « l’hétérosexualité » dans Straight Is The Gate (1995) de Carolyn Dinshaw, ou bien dans l’essai L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008) de Louis-Georges Tin (… même si, en ce qui concerne ce dernier, je crois que Tin n’a pas dû tout entendre de ce qu’a expliqué Katz !). L’hétérosexualité pouvait aussi bien qualifier une attirance pour les deux sexes qu’une pratique érotique (masturbation, sodomie, bestialité, adultère, etc.) excluant la procréation, le mariage, et la famille. Le terme « hétérosexuel » a été créé sous l’impulsion d’hommes et de femmes libertaires de la Nouvelle-Angleterre du XVIIe et du XVIIIe siècles, partisans de l’« amour vrai et libre », soucieux de justifier scientifiquement un érotisme en deçà du rapport sexuel et extérieur à toute institution d’État ou d’Église. « L’hétérosexuel » ne rentrait pas dans le cadre de la sexualité dite « normale » étant donné qu’il était jugé coupable d’ambiguïté. « On attribuait à ces hétérosexuels une disposition mentale appelée ‘hermaphrodisme psychique’. Les hétérosexuels éprouvaient une prétendue attirance érotique masculine pour les femmes et féminine pour les hommes. Ils ressentaient périodiquement du désir pour les deux sexes. » (idem, pp. 26-27) Que ce soit les mots « hétérosexuel » (synonyme à l’époque de ce qu’on appelle aujourd’hui « un bisexuel », et qui était en 1892 un homme attiré par les deux sexes) ou « homosexuel » (personne qui devient après 1892 un individu attiré exclusivement par les individus de même sexe que lui), ils étaient tous les deux les expressions d’une absence de désir de se tourner exclusivement vers les membres du sexe opposé … donc bien loin de ce que nous assignons actuellement, surtout au premier ! Par la suite, le théoricien Krafft-Ebing a interprété le terme « hétérosexuel » à travers la grille de la différence sexuelle des partenaires. Il en détourna le sens initial pour le rendre synonyme de « sexualité normale/normative entre un homme et une femme » et l’opposer à « homosexuel », même si paradoxalement, dans sa Psychopathia Sexualis (1886), le « Manifeste de l’hétérosexualité » pourrait-on dire, le terme « hétérosexuel » continua de signifier « instinct sexuel contraire », « hermaphrodisme psychique », « homosexualité » et « fétichisme ».

 

Film "Victor Victoria" de Blake Edwards

Film « Victor Victoria » de Blake Edwards


 

La défense de la normativité de l’hétérosexualité pour ensuite prouver celle de l’anormalité/normalité de l’homosexualité ne vient pas, comme nous le pensons couramment aujourd’hui, « des hétéros », mais en réalité de personnes défendant la normativité de leur désir ambigu pour les deux sexes ou pour un sexe semblable au leur sans en passer par la reconnaissance sociale, la procréation et le mariage. « Ceux qui prêchent la propagation de l’espèce portent la plus grande responsabilité [de la recrudescence de l’homosexualité dans la société allemande nazie] du fait que, dans la petite bourgeoisie et dans toutes les classes des travailleurs, pour un long temps, la femme a seulement été une porteuse d’enfants, dont la seule tâche était de créer de la nouvelle ‘chair à canon dans l’intérêt exclusif de l’industrie et du capitalisme’ » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 181) En définitive, l’invention de l’hétérosexualité, comme de l’homosexualité, est ce qu’on désignerait de nos jours purement bisexuelle, libertaire, homosexuelle et homophobe.

 

« L’homosexuel » comme « l’hétérosexuel », ces deux créatures scientifiques ne renvoyant pas à des êtres humains réels, sont des jumeaux, historiquement mais aussi symboliquement parlant, puisqu’ils traduisent une conception androgynique du couple amoureux : le couple « hétérosexuel » (tout comme son jumeau « homosexuel ») se veut formé de deux moitiés séparées l’une de l’autre, et censées, selon la mythologie scientifique ou sentimentaliste, se compléter parfaitement dans la fusion. C’est pourquoi Karin Bernfeld a tout à fait raison d’écrire que « l’hétérosexualité est la plus grande utopie de l’humanité » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 318).

 

Dans la réalité concrète, plus les couples cherchent à copier cette union mythique hétérosexuelle, plus ils rentrent en conflit et évacuent le Désir en leur sein. D’ailleurs, il n’est pas anodin de constater dans le langage courant qu’un homme qui devient brutal avec sa femme et ses enfants, beauf, macho, ou bien superficiel et « bourgeois coincé », sera rapidement qualifié « d’hétéro de base », contrairement à un homme plus aimant et moins statique dans son mode de vie. De même, une femme blonde, girly, superficielle, célibattante ou mère au foyer bourgeoise, sera aussi qualifiée d’« hétérote de base », contrairement à une femme libre, fidèle à son mari et à ses enfants tout en restant elle-même, éloignée de la femme-objet des magazines. C’est dire si l’hétérosexualité est davantage liée au phénomène de l’Homme-objet métrosexuel qu’à la réalité de la nature masculine et de la nature féminine humaines, et donc des couples femme-homme aimants.

 

J’insiste donc pour dire que « les hétérosexuels » et « les homosexuels » ne s’opposent pas, mais au contraire figurent un seul et même personnage-désir : l’androgyne. Certaines personnes homosexuelles le laissent entendre inconsciemment quand elles désignent à juste titre les personnes hétérosexuelles comme leurs jumeaux désirants : « La plupart des hommes avec qui je couche, ce ne sont que des hétéros, parce que les hétéros adorent les garçons. Mais c’est beaucoup plus discret. » (un témoin homosexuel interviewé dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 188) Les sujets qui ressemblent le plus à l’image des machos télévisuels sont bien souvent les personnes homosexuelles elles-mêmes, gay comme lesbiennes. James Baldwin se penche à juste titre sur les ambiguïtés du machisme : « Les machos – comme les camionneurs, les flics, les joueurs de football – sont beaucoup plus complexes qu’ils ne veulent le reconnaître. Ils ont des besoins qui sont pour eux carrément inexprimables. Ils n’osent pas se regarder dans le miroir. C’est pourquoi ils ont besoin des pédés. Ils ont inventés les pédés afin d’accomplir un fantasme sexuel sur le corps d’un autre homme sans en assumer la responsabilité. » (James Baldwin, « Go The Way Your Blood Beats : An Interview… » de Richard Goldstein, Village Voice, 26 juin 1984, pp. 13-16) Ceux qui, dans leurs discours, transforment « les hétérosexuels » et « les homosexuels » en individus opposés et réels, et qui accordent à l’homosexualité et à l’hétérosexualité un statut de vérités ontologiques, adoptent sans le vouloir une conception androgynique de l’Homme. C’est pourquoi nous avons toutes les raisons de penser que beaucoup de personnes, en s’affirmant « homosexuelles », sont plus proches « des hétéros » que bon nombre de personnes dites « hétéros » (il n’est d’ailleurs pas rare de rencontrer sur les chat Internet un nombre important d’hommes gays qui se font passer pour des hétéros : l’hétérosexualité n’est que le masque lâche d’une homosexualité qui n’ose pas s’affirmer en tant que désir réel).

 

En effet, le grand drame d’une majorité de personnes homosexuelles actuelles, c’est qu’à leur insu, de plus en plus d’individus pas (encore) homos acceptent de se définir comme « hétéros », soit pour leur faire démagogiquement plaisir (et se défendre de manière un peu trop précipitée et suspecte de ne pas être homosexuel/homophobe, pour ne pas l’être un peu, occasionnellement), soit pour adopter une conception androgynique et violente du couple femme-homme à travers l’imitation des beaux acteurs de leurs films, ou la brutalité des « femmes-lionnes » et des « machos » affichés dans les magazines. En acceptant de s’étiqueter « hétéros » alors qu’ils ne le sont pas fondamentalement, ils cautionnent les utopies de la communauté homosexuelle (l’existence de l’identité homosexuelle éternelle, de la force des amours homosexuelles, etc.) pour donner une consistance aux leurs (le mythe de la princesse et du prince charmants, la sexualité sans risque et sans déception, l’osmose parfaite entre les deux partenaires du couple, les « coups de foudre », etc.), et construisent par leur démission la confusion identitaire de beaucoup de personnes homosexuelles et la fragilité de leur propre foyer. Les personnes non-homosexuelles gay friendly font beaucoup de mal par leur relativisme d’indifférence. C’est la raison pour laquelle il me semble important de toujours distinguer dans notre discours le couple femme-homme aimant non-hétérosexuel et le couple hétérosexuel. Quelqu’un de véritablement aimant cesse instantanément d’être un homosexuel, un hétérosexuel, ou un bisexuel. Il est simplement humain. Je ne connais aucun couple femme-homme aimant « standard », ennuyeux, classique, triste.

 

En conclusion, je vous encourage fortement à poursuivre la réflexion sur ce trompe-l’œil qu’est « l’hétérosexualité » en lisant les trois autres codes du Dictionnaire des Codes homosexuels fortement imbriqués avec celui-ci : « Femme et homme en statues de cire », « Haine de la famille » et « Don Juan ». Car je crois que mon discours sur l’hétérosexualité dépasse même en importance celui que je développe sur le lien de coïncidence entre désir homosexuel et viol. En effet, à chaque fois qu’on est amené à décrire le désir homosexuel, ceux qui ne veulent pas ouvrir les yeux sur les souffrances qu’il révèle entonnent toujours la même chanson : « Oui, mais ce que tu dis sur l’homosexualité, c’est pas propre à l’homosexualité. Chez les hétéros, c’est pareil ! » ou « C’est pas mieux chez les hétéros ! ». Et le pire, c’est que c’est vrai que ce n’est pas mieux chez les personnes hétéros ! Ce qu’on oublie de rajouter à ce constat sur l’hétérosexualité – constat dont on ignore toute la justesse –, c’est qu’il y a mieux que le couple hétéro : le couple femme-homme aimant, qui, lui, n’est pas « hétéro ». Une fois qu’on n’emploie plus le mot « hétéro » dans les discussions sur l’homosexualité, on constate alors avec étonnement que les débats se pacifient, gagnent en légèreté et en clarté sur l’analyse du désir homosexuel, justement parce qu’on sort enfin de la comparaison dénégatrice, de ce binarisme réifiant, manichéen et pseudo anthropologique stipulant que l’Humanité se partagerait en deux espèces : « les homos » d’un côté, « les hétéros » de l’autre. C’est faux et archi-faux. Les deux seules divisions de vie qui distinguent les êtres humains, ce sont la différence des sexes, et la différence entre Créateur et créature : pas la différence des orientations sexuelles.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) L’homosexuel est une créature :

Film "Go Go Reject" de Michael J. Saul

Film « Go Go Reject » de Michael J. Saul


 

Très souvent, la fantasmagorie homo-érotique nous désigne les héros et les héroïnes homosexuels comme des poupées, des statues, des êtres bioniques, des êtres de fiction. Je vous encourage à consulter les codes « Super-héros », « Poupées », « Frankenstein », « Femme fellinienne géante et pantin », « Don Juan », « Bergère », et « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels, pour avoir un panorama plus complet sur ce phénomène. Par exemple, dans la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, les homos sont définis à juste titre par Hervé comme des « créatures ». Dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, les hommes posant pour les revues de la presse gay s’interpellent mais sont enfermés chacun dans leur « bocal » ou leur « casier », si on peut dire… Dans le film « Codependent Lesbian Space Alien Seeks Same » (« Extraterrestre lesbienne codépendante cherche de même », 2011) de Madeleine Olnek, trois femmes extraterrestres lesbiennes venues de la planète Zots tentent de convertir la Terre de la vacuité de ses idéaux romantiques hétérosexuels. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo qui ne s’était jamais posé la question de remettre en cause son homosexualité, avoue qu’il a une « vie bien cadrée » dans son quotidien homosexuel. Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), en jouant avec l’homophobie avec les homosapiens, Fabien, le héros homosexuel, dit que les homos sont plus originels au genre humain que les hétéros : « Vous avez déjà entendu parler des hétérosapiens ? Non. Nous sommes donc à l’origine de l’Humanité, nous les homosapiens. » Dans le film « Le Journal de Bridget Jones » (2001) de Sharon Maguire, Bridget présente son meilleur ami Tom comme « 100 % gay ».

 

D’ailleurs, il est étonnant de voir que, dans certains discours médiatiques – réducteurs mais assurés –, on entérine arbitrairement l’homosexualité sous forme d’êtres historiques éternels (anhistoriques devrait-on dire !) ayant existé apparemment « depuis la nuit des temps ». « Dai, vos gays sont arrivés. » (Gwen s’adressant à Dai, le père de famille hétérosexuel, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) On inscrit « les » homosexuels dans l’éternité des objets, dans un continuum transhistorique flou, comme s’ils formaient une espèce anthropologique indiscutable : « Ces hommes et ces femmes ont toujours existé. » (cf. la chanson « Un homme ou une femme » d’Axelle Red, traitant de l’homosexualité) Ben voyons ! Mais bien sûr ! C’est évident ! « Tu es un homme triste et pathétique. Tu es homosexuel et tu ne veux pas l’être. Mais tu ne peux rien y faire. Toutes les prières du monde, toutes les analyses n’y changeront rien. Tu sauras peut-être un jour ce qu’est une vie d’hétérosexuel, si tu le veux vraiment, si tu y mets la même volonté que celle de détruire. Mais tu resteras toujours un homo. Toujours Michael. Toujours. Jusqu’à ta mort. » (Harold, l’un des héros homos s’adressant à son coloc Michael, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande », (1970) de William Friedkin) ; « Couchons-nous et demain, lesbiennes et pédales seront le genre humain. » (Cf. la reprise parodique de l’Internationale, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc.

 

L’homosexualité a tellement de mal à se concrétiser que le coming out apparaît comme un chemin sans fin : « On passe notre vie à faire notre coming out. » (Richard et son amant Kai, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou)
 
 

b) L’hétérosexuel est aussi une créature :

l'acteur bisexuel James Dean

l’acteur bisexuel James Dean


 

Le même sort réifiant est réservé aux hétérosexuels (je vous renvoie au code « Femme et homme en statues de cire » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ils ne sont pas plus vivants que nos mannequins de sciences naturelles, nos modèles de magazines, nos chanteurs (cf. la chanson « Estereosexual » du groupe Mecano). Ils sont parfois surnommés « l’homme d’à côté » ou « la femme d’à côté » (cf. le documentaire d’utilité publique « Pin Up Obsession » (2004) d’Olivier Megaton, le film « La Femme d’à côté » (1981) de François Truffaut, la série Twilight Zone : La Quatrième Dimension (1959 à 1964) de Rod Serling, etc.) : cela nous montre bien que les hétéros se situent dans une autre dimension que notre monde physique concret.

 

Dans les créations traitant d’homosexualité, les hétéros sont souvent transformés en archétypes caricaturaux de la masculinité et de la féminité, famille plastifiée, en animaux exposés sous vitrine, en couple distant et inanimé comme dans un Muséum d’Histoire Naturelle (le Musée de l’Homme, en quelque sorte) : cf. le film « Les Majorettes de l’Espace » (1996) de David Fourier, la chanson « Au commencement » d’Étienne Daho, la chanson « Derrière les fenêtres » de Mylène Farmer, etc. Par exemple, dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Bernard, le héros homosexuel, compare une statue de cire à une goudou. Dans le poème « Howl » (1956), on voit clairement qu’Allen Ginsberg associe l’hétérosexualité à un monde politico-médiatique déshumanisé puisqu’il parle de « la mégère borgne du dollar hétérosexuel ». Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, un jeu de mots est fait entre l’adjectif « efféminé » et la périphrase « effet minet ». Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil et Valmont sont filmés nus, inanimés, comme un Adam et une Ève originels.

 

Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, tous les personnages sont à la fois homos et hétéros : la grand-mère de Tom (le héros homosexuel) est un garçon manqué et se comporte comme « un vrai bonhomme ». La maman de Tom envoie balader son mari. Cindy, le prototype de la godiche hétérosexuelle (qui sert de couverture à Tom), a joué pour les besoins de l’émission de télé-réalité voyeuriste Secret Story le rôle d’une lesbienne portant le secret suivant : « Je suis sortie avec une ancienne lesbienne bodybuildée et j’ai quatre orteils. » Graziella, l’agent de Tom (qu’elle sait homosexuel planqué), veut le forcer à sauver les apparences et à jouer l’hétéro pour ne pas perdre l’audimat ni le public hétéro de Tom : « Toi, tu n’oublies pas de penser hétéro, ok ?? » Et Tom rentre évidemment dans le jeu pour sauver sa carrière de chanteur à minettes qui perdrait tout son public s’il ne s’affichait pas hétérosexuel. Cette comédie de l’hétérosexualité pour permettre la pratique (cachée) de l’homosexualité est vite dénoncé par Louis, l’autre personnage homo de la pièce, le beau jardinier musclé qui deviendra le futur amant de Tom : « Pourquoi tu veux faire croire que t’es hétéro ? » lui demande-t-il. « Parce que j’ai peur. » lui répond Tom. L’hétérosexualité est la planque justificatrice de l’homosexualité. Elle est toujours le signe d’une peur.
 

L’hétérosexualité est associée à juste titre à la vulgarité (télévisuelle, scientifique, senti-menthe-à-l’eau)… on pourrait même l’appeler « beaufitude » ou « normalité ». « Vous, les pédés, ferez le poids face à ces hommes normaux. » (Rocco en parlant des Serbes hétéros, qu’il qualifie régulièrement de « normaux », dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) L’hétéro a un problème avec sa sexualité : s’il n’est pas encore homo, il est au moins déjà misogyne et a du mal avec sa gestion de la différence des sexes : « Pas un seul instant je n’aurai pensé [à dire mon homosexualité] à Ti Éloi. Ce macho irréfléchi aurait été l’ennemi déclaré de ma sexualité hors normes, pendant que, paradoxalement, son homophobie affichée rimait avec sa misogynie. » (Ednar parlant de son « diable de frère » qui a abandonné femme et enfants pour s’expatrier en Malaisie, dans le roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 34)

 

Par exemple, dans le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, les personnes attirées par les membres du sexe prétendument « opposé » sont qualifiées de « reproducteurs ». La famille est envisagée comme un idéal figé, statique : « Nos familles ne sont que des herbiers. » (le juge Xavier Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 57) ; « Ça doit être ça l’idéal. » (idem, p. 109) Dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, les membres de la famille, allongés et endormis, sont passés au crible de la lampe-torche tenue par les deux amants homosexuels faisant des commentaires désobligeants à propos de chacun d’eux, à voix basse : les proches parents sont étudiés comme des dossiers, comme des « cas sociaux » ou « cliniques ». Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, toutes les femmes dites « hétérosexuelles » sont définies à raison comme « une masse de femmes-robots au cerveau délavé ». La pièce Coming out (2007) de Patrick Hernandez nous donne l’occasion de voir que les hétéros ne sont que des Hommes-objets : ils veulent entrer dans le show-biz coûte que coûte. Dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la voix narrative lesbienne décrit le jeu séducteur des hétéros (tellement hétéros qu’ils sont homos !) abusant de leur pouvoir sur les homos, le louvoiement ambigu et insupportable de « ces hétérosexuelles pas très claires qui font leur crâneuse, histoire d’alimenter leurs rêves d’un soupçon d’interdit » (pp. 13-14).

 

En gros, l’hétérosexuel vit une existence morne et sans désir. « T’es effrayant comme mammifère, toi ! » (Guen , le héros homosexuel, méprisant la « sale race » qu’incarnerait Stan l’hétéro, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) Par exemple, dans la pièce Veuve la mariée ! (2011) de David Sauvage, Roger a divorcé 5 fois et se met « à regretter d’être hétéro ». Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, tous les personnages masculins sont soit impuissants quand ils sont hétéros, soit homos. « Cette Rachel, elle n’est pas seulement hétérosexuelle. On dirait la Barbie hétérosexuelle ! » (Eddie, lesbienne, s’adressant à sa pote lesbienne Luce, à propos de Rachel, la femme mariée hétérosexuelle, qu’elles ont vue au supermarché avec son mari et qui va virer sa cuti pour Luce à la fin, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker)

 

Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en psychothérapie Benjamin/Arnaud et essaie de les aider à s’assumer en tant que couple homo. L’hétéro, c’est le malade, le mal à éradiquer. « Vous aviez raison. Je suis pas hétéro. Je suis bipolaire, c’est tout. » (Arnaud)
 
 

c) L’homosexuel et l’hétérosexuel sont une seule et même créature :

Deux princes de Walt Disney

Deux princes de Walt Disney


 

L’hétérosexuel et l’homosexuel sont finalement une seule et même créature du paraître, qui glorifie la pulsion sexuelle au détriment de la sexuation femme-homme aimante. « Les hétérosexuels sont plus gays que les gays. » (London s’adressant au héros homo Smith, dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Homosexuel donne hétérosexuel. Hétérosexuel, c’est le contraire pratique d’homosexualité, l’hétérosexualité qui montre bien la folie de ce monde ! » (le père de Claire l’héoïne lesbienne, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « Pendant un apéro au Boobs’bourg, en attendant les autres, Cody m’avoue qu’à New York il met des petites annonces sur craiglist.org en se faisant passer pour une fille : ‘Comme ça, quand les hommes ils veulent ma chatte, je dis à eux je suis un pédé mais je peux te sucer bien ta bite à fond et avaler ton jus. Ça marche, quoi, les hommes ils ont envie d’une fille parce qu’ils pensent que c’est la seule chose qui les fait bander mais un jour où ils sont en manque ils goûtent à la bouche ou le cul d’un pédé et d’un coup ils se rendent compte que ce qui les fait bander c’est le sexe, et pas une fille, quoi. Je suis comme une sorte de terroriste queer comme j’oblige les hommes hétéros de se rendre compte que tout le monde est pédé, quoi, parce que tout le monde bande pour n’importe qui.’ » (Cody, le héros homosexuel efféminé et nord-américain dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 98-99) ; « De fait, on est différents. Mais c’est pas pour ça qu’on doit pas avoir les mêmes droits. On est un couple, Serge et moi. On a des sentiments qui sont exactement les mêmes que deux hétéros. » (Victor, le héros homosexuel Dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; etc.

 

Par exemple, dans le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair, les espèces hétérosexuelles et homosexuelles ont comme par hasard droit à un seul et unique acte de naissance, puisqu’on nous parle de la nouvelle espèce homosexuelle apparue chez les canards, le « Canardus Vulgaris Heterosexualitus ». Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Simon, le héros homo, imagine chacun de ses amis hétéros, révéler à leurs parents leur hétérosexualité, et déclencher un psychodrame, donc mentalement met en scène des coming out inversés. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, la méthode assimil qu’Howard, le héros homosexuel, écoute pour redevenir hétérosexuel, l’encourage paradoxalement à devenir homosexuel, et finit même par s’homosexualiser : « Soyez un homme ! Faites n’importe quoi mais ne dansez pas !!! Arrêtez de tortiller des fesses, espèce de grande folle !!! » Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), en jouant avec l’homophobie avec les homosapiens, Fabien, le héros homosexuel, dit que les homos sont plus originels au genre humain que les hétéros : « Vous avez déjà entendu parler des hétérosapiens ? Non. Nous sommes donc à l’origine de l’Humanité, nous les homosapiens. »

 

Dans les fictions homo-érotiques, nombreux sont les personnages « hétéros… très homos » : cf. la pièce Penetrator (2009) de Anthony Neilson (avec le personnage de Max), la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (avec le personnage de Jean-Luc), le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec le personnage qui affiche d’autant plus rigidement son hétérosexualité qu’elle se ressent lesbienne sans l’assumer), le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi (avec le chauffeur de taxi bisexuel), le one-man-show Coming out d’un homme marié (2007) d’Hervé Caffin et Maria Ducceschi, le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, la chanson « Désolé » de Sexion d’homos (parodie de la chanson de Section d’Assaut), la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays, le film « No Soy Como Tú » (2012) de Fernando Figueiras (avec le personnage d’Ugo), le film « Les Amants passagers » (2013) de Pedro Almodóvar (avec le pilote d’avion hétéro qui devient homo), le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi (avec Fabio, l’homosexuel au look super hétéro), le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz (avec Polly qui passe d’hétéro à homo), le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret (avec le personnage de Zoé), le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann (avec Aysla, la femme lesbienne qui se marie avec un homme, et Marie, sa compagne secrète, également mariée et mère de famille), le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini (avec Carole, d’abord hétérosexuelle avant de s’afficher lesbienne), etc. « Mon prof d’éducation physique… Moi, il m’a tout appris. C’est lui qui disait : ‘Un hétéro, c’est un homo qui s’ignore tant qu’il n’a pas goûté au fruit défendu.’. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015). Par exemple, dans la pièce Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Henri, l’hétéro se met dans la peau d’un homo pour récupérer un héritage, mais reste très coureur de jupons). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Nicolas est homosexuel… mais marié à Géraldine, pour les convenances. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, travaille comme assistant-télé de Stéphane Plaza, présentateur d’une émission sur M6 qu’il présente comme un « hétéro très homo ». Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann, le héros homosexuel, et Julien, le héros bisexuel, maintiennent une relation amoureuse. Mais Yoann tolère d’être un à-côté, et que Julien préfère les femmes : « Oh il aime trop les nanas. » Dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Guillaume et Michael sont deux hommes mariés qui sortent ensemble. Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, les hétéros se transforment peu à peu en hommes sensibles : « Je vois que tu es devenu sensible… » leur signale ironiquement leur entourage. Par exemple, Citron, l’hétéro, de par son travail, se retrouve à assurer la sécurité de la Gay Pride. Il se rapproche beaucoup de son ami gay Radmilo : « Toi et moi, finalement, on se ressemble assez. Peu importe qu’on soit gay ou… » Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, le groupe commando anti-mariage-gay et scandant des slogans hétérosexistes (« Attention = HÉTÉROSEXUALITÉ EN DANGER ! » ; « Nous devons sanctuariser la famille hétérosexuelle ! ») sont précisément homosexuels, soit assumés comme tels, soit refoulés. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, pour la mettre dans son lit et dans sa vie, Emma qualifie sa future amante Adèle comme l’archétype de « l’hétéro qui serait plutôt curieuse [de l’homosexualité] », de l’extérieur. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, les héros hétérosexuels ont tous eu leur phase homo, et les héros homos banalisent leur désir homosexuel en le mettant sur le compte de la mode ou de la culture de leur adolescence : « C’était une bonne époque pour être homo. Le style androgyne était à la mode ; même les garçons hétéros portaient du maquillage et des bijoux, et se teignaient les cheveux. Je crois qu’une partie de Tielo aurait bien voulu être gay. Jusque-là, on avait tout fait ensemble, mais il avait toujours été le plus dévergondé de nous deux. […] Il s’est laissé draguer par des mecs une ou deux fois. » (Petra parlant des années 1980 et s’adressant à son amante Jane, p. 81) ; « Elles [Jane, la narratrice lesbienne en couple avec Petra, et Ute, la femme hétéro mariée avec Tielo] avaient échangé un baiser une fois alors qu’elles étaient ivres pendant un réveillon de la Saint-Sylvestre, leurs langues se touchant jusqu’à ce que l’une d’elles – Jane ne se rappelait pas laquelle – se dérobe. » (p. 32) Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, sort avec un homme mexicain marié, Palomino Cañedo. Dans l’épisode 85 « La Femme aux gardénias » (2017) de la série Joséphine Ange-gardien, Albertine, l’héroïne lesbienne, a une liaison avec Lena, une chanteuse noire de jazz, alors qu’elle s’apprête à se marier avec Henri, pour faire un mariage de façade : l’hétérosexualité n’est que le miroir de l’homosexualité. « J’épouse Henri pour qu’on soit libres de vivre comme on l’entend. » (Albertine s’adressant à Lena). Dans l’épisode 5 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Otis le héros hétéro va voir « Hedwig and the Angry Inch » et offre une place à Éric son meilleur ami gay pour son anniversaire : ils s’y rendent tous les deux travestis en femmes. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Cyril, un des personnages hétéros, est présenté comme « un hétéro cool »… et d’ailleurs, on le voit se travestir en femme en porte-jarretelle dans la boîte gay Chez Eva.

 

Pour le héros gay qui se prend pour une fille, il ne lui semble pas rejoindre l’homosexualité quand il tombe amoureux d’un homme, mais bien l’hétérosexualité… alors qu’il pose quand même des actes homos concrets : « Je suis pas homo parce que je suis une fille attirée par un garçon. C’est on ne peut plus hétéro… » (Guillaume, le héros bisexuel du film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; « Rupaul’s Drag Race : une émission de drag-queens que j’aime beaucoup. » (l’humoriste « hétéro » Arnaud Demanche se mettant dans la peau d’un internaute, dans son one-man-show Blanc et hétéro, 2019) ; etc.

 

Les hétéros et les homos sont tous les deux des êtres sous cellophane, des créatures du paraître, comme l’illustre le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, et tant d’œuvres sur le « devenir objet ». « Vous êtes tous pareils, il n’y a que le visuel qui compte. Tous sans exception. » (Shawna s’adressant à Michael, le héros homosexuel du roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 48) ; « Vous n’êtes qu’une bite avec une paire de mocassins. » (Martine mettant sur le même plan les homos et les hétéros, dans la pièce Les Amazones, 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret) ; « Les hétérosexuelles ont toujours un métro de retard quand il s’agit de reconnaître leur attirance pour d’autres femmes. » (Oshen, la comédienne Océane Rose-Marie, lors de son concert à L’Européen de Paris, le 6 juin 2011) ; « À chaque fois j’arrivais à brouiller les pistes, en sortant avec une fille. Avec une copine, on a le droit d’avoir un copain. Sans copine, on est pédé. » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 160) ; « J’suis hétéro. J’ai dérapé. J’allais pas bien. Il était là. » (Didier par rapport à Bernard son « amant d’un soir », dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « D’après la spécialiste, les femmes hétéros veulent coucher avec d’autres femmes, pour vivre leur toute nouvelle fluidité sexuelle. C’était Les Lesbiennes pour les nuls» (Tori dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn) ; « Les rockeurs, les chanteurs de charme en étaient quasiment tous. » (Gérard dans la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « Et puis ils sont mariés. Ils ont tous les jetons. » (Jean parlant de tous ses « plans cul »/clients homos de la gare) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, l’avocat Roy Cohn refuse de se définir « homo » et dit de lui-même en parlant à la troisième personne : « Roy Cohn est un hétérosexuel qui s’amuse avec les garçons. » Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdelatif Kechiche, Emma définit extérieurement Adèle comme l’archétype de « l’hétéro qui serait plutôt curieuse [de l’homosexualité] ». Dans la pièce Three Little Affairs (2010) de Cathy Celesia, Rachel, avant de révéler son amour lesbien à Ninette, se déclare avec assurance « 100% hétérosexuelle », pour s’assurer une couverture normative. Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Ernst se fait sucer dans le train par un « bon père de famille ». Dans le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi, Alfonso couche avec Joaquín, mais cache son homosexualité. Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria qui se présente comme « hétéro » joue le rôle d’Helena, lesbienne, et ce rôle déteint sur sa vie avec son assistante Valentine, et la perturbe énormément.

 

On trouve aussi des personnages « homos… très hétéros », passant d’une pratique amoureuse/sexuelle à l’autre afin de vraiment se rendre invisibles : « Vous êtes très crédible en hétérosexuel. » (Isabelle complimentant Pierre, le héros homosexuel de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Je fais l’hétéro. Je le fais bien. » (Jefferey Jordan, homosexuel, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « J’pensais que tous les chorégraphes étaient gays. Ils étaient auto-reverse. » (cf. une réplique de la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau) ; « J’assume parfaitement mon hétérosexualité. J’ai des relations sexuelles avec Benjamin, une fois de temps en temps. Comme tout le monde. » (Arnaud, le héros homo qui ne s’assume pas en couple homo et qui peu à peu va se définir comme « un hétéro curieux », dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « C’est pas drôle d’être homo. Y’en a marre, je deviens hétéro. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Alors, Trompette en l’air, on s’est réveillé hétéro ? » (Adam homo s’adressant à son futur amant Éric, l’homo efféminé identifié de leur lycée, dans l’épisode 6 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo sur le point de se marier avec son compagnon, découvre qu’il aime coucher avec les femmes. Dans le film « Camping 2 » (2010) de Fabien Onteniente, le très efféminé Patrick déclare qu’il a déjà fait le sosie d’Elvis Presley. Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Konrad, l’homosexuel, adopte un look de motard hétéro : il exerce d’ailleurs le métier de garagiste. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Édouard parfait son apparence « hétéro » pour mieux rassurer tout le monde… mais il est homo. Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, avoue qu’il a eu « une adolescence hétéro ». Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Schmidt, en parlant de son collègue Jenko, dit qu’« il se prend pour Harvey Milk », pour assurer une couverture à leur mission d’espionnage dans la bibliothèque du campus où ils doivent enquêter. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Henri se fait passer pour un hétéro pour mieux draguer en douce le jeune Franck. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, tous les personnages homos sont (et se comportent comme des) hétéros. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc et Engel sont deux amants virils, masculins. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le héros homosexuel, se force à se marier avec Sophie. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, tous les personnages homosexuels, pourtant en couple fidèle, revendiquent parfois à la surprise générale une hétérosexualité ou posent un geste hétérosexuel entre eux. « Alors, on n’est pas si différents des hétéros, finalement ? » (Jurgen et Jane, p. 112) Par exemple, Jurgen (gay) et Jane (lesbienne) ne sont pas insensibles l’un à l’autre (« Cette fois-ci, ses sourcils levés donnèrent à Jurgen un air malicieux et Jane vit qu’il était beau, d’une beauté que Hollywood qualifie en général de dangereuse. », p. 112), même si le premier assumera ce trouble mutuel et pas la seconde. Jurgen, profite du fait que Jane soit bientôt maman et la seule personne homosexuelle du dîner mondain auquel ils participent, pour avoir à son encontre un surprenant geste déplacé : « Il glissa la main sous la table. Jane lui prit la main et la repose sur la table en se disant qu’il était dommage que la première personne qu’elle trouvait sympathique depuis son arrivée à Berlin ait été un tel connard. » (p. 114) Dans le film « Entre amis » (2015) d’Olivier Baroux, Astrid, la femme amriée, avoue à son mari Philippe qu’elle a « couché avec Jean Franco ». Philippe s’en étonne : « Je croyais qu’il était PD. » « Moi aussi. » avoue Astrid. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum simule d’avoir une femme et d’être hétérosexuel. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Oren, israëlien, est marié à une femme et avec un enfant, et vit une double vie avec un amant, Tomas, à Berlin. Tomas couche avec Anat pour recoucher symboliquement avec Orien. Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, le couple « marié » Dominique et Marcel sont bien hétéros chacun de leur côté (ils partagent la même femme, Mireille !)

 

L’homosexuel, comme l’hétérosexuel, sont des hommes (ou des femmes) mythiques formatés, normés, agressifs. Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, décrit M. Pujol, homosexuel, comme un homme aussi violent qu’une brute hétérosexuelle : « C’était le plus agressivement normal des hommes. » (p. 499) Le portrait de « l’hétérosexuel » Ralph Crossby, bizarrement très efféminé et précieux, dégage la même ambiguïté homosexuelle de l’hétérosexualité de l’homme-objet : « Ralph Crossby se tenait sur le seuil de la porte ouverte. Stephen remarqua qu’il était vêtu d’un complet immaculé de tweed gris qui avait une apparence trop neuve. Mais tout en lui semblait agressivement neuf, ses cheveux mêmes avaient un air de nouveauté, de maigres cheveux bruns qui luisaient comme si on les avait cirés. ‘Je me demande s’il les fait polir en même temps que ses chaussures’, pensa Stephen en l’observant avec intérêt. C’était l’un de ces hommes indéterminés qui ne sont ni grands ni petits, ni gros ni maigres, ni jeunes ni vieux, ni de sa bonne mine, ni précisément laids. Ainsi qu’aurait répondu sa femme si on le lui avait demandé, c’était tout juste ‘un homme’, ce qui le décrivait exactement, car ses seuls traits distinctifs étaient sa nouveauté et son expression hargneuse… sa bouche était intensément hargneuse. Lorsqu’il parlait, sa voix haut perchée avait un ton irrité. » (idem, p. 175)

 

Certaines créations pro-gays fonctionnent sur l’inversion entre hétérosexualité et homosexualité, pour prouver qu’elles sont semblables et interchangeables. « Est-ce que tout le monde est gay ? Est-ce que je suis dans la Quatrième Dimension ??? […] Il me faut un hétérosexuel de toute urgence ! » (Emily, la femme mariée dépassée le jour de son mariage par le coming out de son presque-futur-mari, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Un enfant, qu’il soit élevé par deux pédés du cul ou par un père et une mère, l’important, c’est qu’il ait de l’amour. » (Nadia, la mère porteuse hétéro dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand) ; etc. Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny, l’un des héros homosexuels, dans son synopsis cinématographique, veut créer « un univers où tout est inversé, un monde gay où les hétéros sont une minorité ». Dans le film « Were The World Mine » (2010) de Tom Gustafson, le but affiché des protagonistes homosexuels est « de rendre gays tous les hétéros ».  Dans le film « 30° couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue, les hommes mariés se travestissent tous en femme. Dans le film « Le Roi de l’évasion » (2009) d’Alain Guiraudie, Armand, homo de 43 ans, vire sa cuti avec la jeune Curly, avant de revenir finalement aux hommes (plus âgés) ; et tous les hommes mariés du film sont présentés comme bisexuels, voire homos. Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Lennon, le gros « hétéro » beauf, fait peu à peu son coming out et tombe amoureux fou de Martin sur qui pesait pourtant une forte présomption d’homosexualité et qui à la fin se révèle hétéro.

 

Fréquemment, les homos s’hétérosexualisent, les hétéros s’homosexualisent : « Maintenant, c’est de la merde, Paris ressemble à un musée pour vieux cons fachos, avec des gays (il prononce ‘géïzes’) qui tètent du petit lait électronique avec des airs ingénus et qui se branlent devant Xtube. Des petits moutons. On a transformé une armée de pédés rebelles qui dérangeaient le modèle hétéro en gays, c’est-à-dire en tarlouzes de droite incapables de réfléchir plus loin que le bout de leur bite. » (Simon le gay, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 23-24) ; « On les connaît, les hétéros… » (François, homo, ironisant avec Kévin son pote homo, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jean, à l’hôpital, le jour de la naissance de son fils, panique et commence à faire une déclaration d’amour homosexuel à son beau-frère homosexuel Antoine, en essayant de l’embrasser sur la bouche, alors qu’il est pourtant hétérosexuel : « Je t’aime ! » Il a peur d’assumer sa paternité nouvelle.

 

Dans le discours des héros des fictions homo-érotiques, cette fusion entre « l’hétérosexuel » et « l’homosexuel » repose en général sur un fond sentimentaliste, spiritualiste, techniciste, artistique, mercantile, libertin, et traduit une indifférence et une violence : « Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas ; mais homo, bi, hétéro c’est pareil, on ne mange pas dans les assiettes cassées. » (le chauffeur taxi dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 120) ; « Tu sais, cariño, un jour, tu vas tomber amoureux. Si c’est un garçon, t’es homo. Si c’est une fille, t’es hétéro. […] Je me suis tapée toutes les filles de ma promo. Ça n’a pas fait de moi une lesbienne ! » (un des tantes de Guillaume, le héros bisexuel, en flagrant délit de déni de responsabilité, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; etc. Elle est au fond un outing homophobe s’abattant sur la différence des sexes. Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Alan est présenté comme un hétéro très homo : « Si c’est celui que je connais, il est aussi hétéro que moi. » lance Larry, l’un des héros homos. L’homosexualité est une projection identitaire et amoureuse complètement irréaliste à la base, mais que certains héros homosexuels imposent à leurs partenaires non-homosexuels en passant préalablement par la case « inversion des sexes » puis « hétérosexualité ». Par exemple, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Engel traite tout le temps son futur amant (hétéro à la base) de « gonzesse » pour le dévaloriser et le faire basculer dans l’homosexualité. C’est aussi une projection médiatico-gay-friendly qui ne repose en réalité que sur la rumeur. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, c’est de Cameron Drake, l’acteur l’hétéro recevant un Oscar pour son rôle de gay dans un film intitulé « Servir et protéger », qu’est venue l’homosexualité de son ancien prof de lettres Howard Brackett. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, « un hétéro et un homo se découvrent amoureux. Sans clichés, ni préjugés, il franchiront toutes les étapes avec beaucoup d’humour ». Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, soi-disant « hétéro », a des goûts musicaux très gays (cf. « Take on me » de A-ha), lave son linge avec la lessive OMO, et suscite des sentiments chez Rémi. Rémi lui-même ne se dit pas « homo » et continue de dire que c’était une affaire de « personnes ».

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La personne homosexuelle est une réalité fantasmée, non une espèce réelle et une identité profonde :

 

 

Je vous renvoie à tous les mannequins bodybuildés des revues mensuelles de la presse gay mondiale, aux clichés de Victor Banda et Francesco d’Macho (deux mannequins qui se sont prêtés au jeu du photographe Joan Crisol en se transformant en poupées Ken homosexuelles sous emballage cartonné pour le shooting photos Gayperman : Wonna Play With Me ? montré dans la revue Zero n°93 de décembre 2006/janvier 2007), ainsi qu’aux deux poupées Barbie figurant le couple lesbien sur les affiches de l’association homosexuelle basque Gehitu.

 

La naissance de l’homosexuel en tant que nomenclature identitaire et amoureuse a une date précise : 1869. « C’est un Hongrois, le docteur Benkert, qui, en 1869, crée le terme d’homosexualité et demande au ministre de la Justice l’abolition de la vieille loi prussienne contre celle-ci. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), p. 155) ; « Tout compte fait, le discours médical du XIXe siècle a transformé les comportements sexuels en identités sexuelles. » (idem, p. 156) ; « Le terme homosexualité a été forgé dans l’Europe contemporaine puisqu’il apparaît sous la plume d’un psychiatre hongrois en 1869 (‘hétérosexuel’ apparaîtra peu après.). » (Daniel Borillo et Dominique Colas, L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005), p. 10) C’est la raison pour laquelle, de manière très inconsciente, beaucoup de personnes décrivent « l’homosexuel » comme une caricature (et heureusement ! Personne ne peut se réduire à ses désirs et tendances sexuelles) et en même temps comme une race : « Je ne reproche aux hétéros que le fait qu’ils nous reprochent quelque chose. Je ne reproche qu’une certaine forme de racisme. » (Pierre Démeron au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969). Par exemple, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dit que « l’homosexuel » est « une caricature vivante » (p. 102). Selon Marcel Proust, la catégorie des hommes invertis formait une « race », oui ! vous avez bien lu, une race « sur qui pèse une malédiction et qui doit vivre dans le mensonge et la parjure ».

 

Et comme aujourd’hui, dans notre société actuelle, on tend à effacer cet acte de naissance d’où a émergé la bipolarité « les homos/les hétéros », en prétextant que la communauté homosexuelle est forcément « communautariste » (ce qui n’est pas systématique), qu’elle ne doit pas réfléchir sur la réalité et les spécificités de son unique socle – le désir homosexuel –, ni rentrer dans la logique marchande de compartimentation identitariste cloisonnante (« les » hétéros par-ci, « les » homos par-là, et tous leurs sous-genres : bis, transgenres, transsexuels, bears, fem, butch, minets, etc. etc.), certains individus gays s’inquiètent à juste raison de la disparition du particularisme désirant homosexuel : « Assistons-nous à la mort de l’homosexualité ? La créature médicale créée au XIXe siècle, avec sa sub-culture et ses prétentions d’identité spécifique, semble sombrer. » (Néstor Perlongher, « Avatares De Los Muchachos De La Noche », dans l’essai Prosa Plebeya (1997), p. 56)

 

En réalité, je crois que « l’homosexuel » est un personnage que croient revêtir les personnes homosexuelles pratiquantes, et qui n’est autre que l’homme invisible nommé « l’androgyne », cet être mythique qui signe la déni de la réalité de la différence des sexes en soi et chez les autres humains. « Pendant quelques années, je me suis sentie un peu en marge. Ni homme, ni femme, la figure de l’androgyne me fascinait mais je ne voyais pas comment concilier ma soi-disant virilité avec ce qui faisait de moi une femme, d’autant que j’étais censée être hétérosexuelle. Un jour, je me suis découverte lesbienne, et rétrospectivement je crois que l’union s’est faite en moi. » (cf. l’article « De la virilité des lesbiennes » posté par un dénommé « Septembre » dans www.yagg.com le 16 janvier 2010) ; « Hétérosexuels et homosexuels sont des mots barbares, des qualificatifs dont se parent et s’accablent des hommes mutilés qu’on apprend ou qui s’apprennent à réprimer des envies parfaitement naturelles. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; etc. Il est d’ailleurs décrit comme un être mythique, un messager divin voire Dieu : « Pendant le dîner, nous avons appris que l’esthéticienne avait été hétérosexuelle avant d’être touchée par la grâce. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 156) Par exemple, dans le documentaire « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti, Rita, une mère d’une personne homosexuelle parle, de manière fort juste, d’« un fantasme appelé ‘l’homosexuel’ ».

 
 

b) La personne hétérosexuelle est une réalité fantasmée, non une espèce réelle et une identité profonde :

HÉTÉRO Mamie

 

L’hétérosexualité est pensée comme une nature, une espèce existante : « Quoi qu’il en coûte, quelles que soient les conséquences je dis qu’il est indispensable de vivre son homosexualité comme les hétéros vivent leur hétérosexualité : naturellement. » (Antoine, homosexuel, dans le journal La Dépêche datée du 21 octobre 2015)
 

La créature hétérosexuelle est de plus en plus considérée comme préhistorique, voire même éternelle et ontologique : « Nous dont les enfances ont été et continuent d’être bafouées par l’hétérosexisme dominant ! » (Jacques Fortin, Homosexualités, l’adieu aux normes (2000), p. 7) La communauté homosexuelle n’est pas étrangère à cette croyance, étant donné que c’est elle-même qui l’a construite. Par exemple, Gustav Jäger (1832-1917) distinguait homosexuels actifs et passifs. Le passif est le féminin, l’actif masculin et même hyper-viril et comme tel, il est même plus masculin que l’homme « normal », c’est-à-dire hétérosexuel. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 169) Certaines personnes homosexuelles font de l’hétérosexualité une essence évidente, une nature humaine spontanée, qui va se soi : « Les hétéros n’ont pas besoin de se dire ! (idem, p. 41) Elles font barrage à la réflexion sur l’hétérosexualité. Selon elles, l’hétérosexualité, « ça ne se discute, ça ne s’avoue pas, cela va sans dire. » (idem, p. 42) Affaire classée, dit-on. Même des grands théologiens moralistes catholiques, tels que Tony Anatrella, tombent dans le panneau de confondre la différence des sexes avec l’hétérosexualité : « L’homosexualité est le résultat d’un complexe psychologique et d’un inachèvement de la sexualité qui ne s’achemine pas vers l’hétérosexualité. » (Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse (2005), p. 76) Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, l’homme réel est sérieusement confondu avec l’homme-objet.

 

Calendrier "Les Dieux du Stade"

Calendrier « Les Dieux du Stade »


 

Or l’hétérosexualité n’est pas du tout une réalité lointaine et tangible. Elle est au contraire très récente, presque aussi récente que l’homosexualité, puisqu’elle est née un an après elle, en 1870 ; et qu’en plus, même dans le langage courant, elle arrive bien après le terme « homosexuel », comme le souligne Élisabeth Badinter dans son essai X Y de l’identité masculine (1992) : « Le mot ‘hétérosexualité’ n’est utilisé qu’à partir des années 1890. » (p. 238). L’hétérosexualité, temporairement et symboliquement, découle de l’homosexualité. « L’hétérosexualité elle-même n’est historiquement qu’une conséquence, un vague avatar de cet érotisme de soi. » (François Cusset, Queer Critics (2002), p. 21) Cela est si révélateur de ce qu’est véritablement l’hétérosexualité : un désir homosexuel pas encore déployé/assumé. Selon Harvey Fierstein, ce qui effraie le plus de si nombreux hommes hétérosexuels dans l’homosexualité, c’est la peur « qu’ils puissent aimer ça ». (Harvey Fierstein cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 190) Mettre l’hétérosexualité du côté de la compulsivité, des désirs superficiels et égocentrés, c’est tout à fait juste. Dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, il est question justement d’« hétérosexualité compulsive » (« c’est-à-dire d’une hétérosexualité qui répond moins aux besoins profonds de l’individu qu’à sa peur d’être homosexuel », p. 186) : des hommes ou des femmes à l’orientation sexuelle imprécise et tourmentée, cherchent à se prouver qu’ils peuvent plaire aux filles (ou aux garçons, dans le cas des femmes lesbiennes refoulées) parce qu’au fond, ils n’en sont pas si sûrs…

 

Série "Les Bleus : Premiers pas dans la police"

Série « Les Bleus : Premiers pas dans la police »


 

Les hétéros sont des créatures venues de la médecine légale et du cinéma. En aucun cas ils sont réductibles à l’Humanité dans sa grande majorité. Nous ne vivons pas dans un monde hétéro. Penser cela est un non-sens historique et victimisant. « Aujourd’hui comme hier, l’humanité se partage en hommes et femmes et non, comme voudraient le faire croire ceux-ci, entre homosexuels et hétérosexuels (les derniers étant d’ailleurs, voudrait-on nous persuader, que des homosexuels qui s’ignorent ou se contiennent). On n’est pas humain sans être homme ou femme. » (Michel Schneider, La Confusion des sexes (2007), p. 124) ; « C’est le XIXe siècle bourgeois qui a voulu figer les choses pour enfermer les gens dans des petites cases. » (cf. l’émission « Les Enfants d’Abraham » sur l’homoparentalité, spéciale « Adoption homosexuelle : Pour ou contre ? », sur la chaîne Direct 8, mardi 1er décembre 2009) ; « On ne semble pas remarquer que la revendication du ‘mariage homosexuel’ ou de ‘l’homoparentalité’ n’a pu se formuler qu’à partir de la construction ou de la fiction de sujets de droits qui n’ont jamais existé : les ‘hétérosexuels’. C’est en posant comme une donnée réelle cette classe illusoire de sujets que la question de l’égalité des droits entre ‘homosexuels et hétérosexuels’ a pu se poser. Il s’agit cependant d’une fiction, car ce n’est pas la sexualité des individus qui a jamais fondé le mariage, ni la parenté, mais d’abord le sexe, c’est-à-dire la distinction anthropologique des hommes et des femmes. » (Sylviane Agacinski dans le journal Le Monde, le 22 juin 2007) ; etc.

 

Le monde hétéro est celui de la technique, des médias, des arts. Parfois, « les hétéros » sont même montrés nus sous vitrines, animalisés (et non sans raison ! : plus on réifie les êtres humains, plus on les bestialise !) : cf. l’essai au titre ironique Nos Amis les hétéros (2004) de François Reynaert, le film documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean (montrant bien que l’hétérosexualité est le monde de la poupée), etc. Dans la réalité concrète, la personne la plus hétérosexuelle qui soit, c’est le prostitué masculin ou la prostituée, c’est-à-dire quelqu’un habité par un désir machiste, et se soumettant à celui-ci en participant à sa mise en pratique. Les prostitué(e)s sont les actualisations extrêmes et partielles d’un personnage androgyne qui n’a jamais réussi à s’incarner pleinement : « Cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand-chose, de toute façon je ne l’ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas. » (Virginie Despentes, King Kong Théorie (2006), p. 13) L’hétéro est plus proche du super-héros des dessins animés et des bandes dessinées que du réel. Par exemple, dans leur essai Le Cinéma français et l’homosexualité (2008), Anne Delabre et Didier Roth-Bettoni se sont d’ailleurs amusés à créer un joli néologisme entre le terme « hétéros » et « super-héros » : ils parlent des « beaux (hét)héros » (p. 48). Le philosophe Gilles Deleuze écrit bien que « nous sommes hétérosexuels statistiquement et molairement » et non humainement (Gilles Deleuze cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 91).

 

Certains chercheurs nous parlent de l’homosexualité (Mary McIntosh, Jeffrey Weeks, John D’Emilio, Gayle Rubin, etc.) et de l’hétérosexualité (Hansen, Jonathan Katz, etc.) comme des constructions relativement modernes et récentes de la pensée contemporaine sur la sexualité. Sur l’hétérosexualité en tant qu’invention (scientifique et médiatique), je vous conseille fortement la lecture de l’article « The Invention Of Heterosexuality » de Jonathan Ned Katz publié dans la revue Socialist Review (1990) ; ainsi que de l’essai Anticlimax : Women’s Press (1990) de Sheila Jeffrey. Virginie Despentes, dans son essai King Kong Théorie (2006), dénonce à juste titre « la distinction des genres telle qu’imposée politiquement autour de la fin du XIXe siècle, l’obligation du binaire » (p. 112) (… même si elle remplace malheureusement le terme « sexe » par celui de « genre »). Comme le démontre la biopic « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée (avec le héros hétérosexuel Ron, qui se fait rejeter de chez lui par ses voisins et taguer sur sa maison « DANGER, SANG DE PÉDÉ ! » simplement parce qu’il a le Sida), l’apparition du virus HIV a funestement contribué à donner une consistance à l’hétérosexualité, et à justifier l’alignement entre l’hétérosexualité et l’homosexualité.

 

Dans son essai La Pensée Straight (2001), Monique Wittig dénonce « l’aspect fondateur de l’hétérosexualité et prétend que celle-ci n’est ni naturelle, ni un donné : l’hétérosexualité est un régime politique. » Cette philosophe lesbienne donne apparemment une très bonne définition de l’hétérosexualité : « Quand je pose le terme hétérosexualité, je me trouve en face d’un objet non existant, un fétiche, une forme idéologique massive qu’on ne peut pas saisir dans sa réalité, sauf dans ses effets, et dont l’existence réside dans l’esprit des gens d’une façon qui affecte leur vie toute entière, la façon dont ils agissent, leur manière de bouger, leur mode de penser. Donc j’ai affaire à un objet à la fois réel et imaginaire. » (Monique Wittig, « À propos du contrat social », dans l’essai Les Études gays et lesbiennes (1998) de Didier Éribon, p. 61) Cet « objet à la fois réel et imaginaire » dont elle parle, je lui donne pour ma part le nom de « réalité fantasmée ». Ceci étant dit, là où je ne suis plus d’accord avec Wittig, c’est que juste après avoir décrit la superficialité semi-incarnée de l’hétérosexualité, elle confond cette réalité mythique avec la réalité positive du couple femme-homme non-hétérosexuel, puisqu’elle soutient que « vivre en société, c’est vivre en hétérosexualité ». Elle ne mène pas son intuition jusqu’au bout. Dommage.

 

Le terrain de la réflexion sur le concept d’« hétérosexualité » est quasiment vierge. C’est hallucinant de voir l’aveuglement général dans ce domaine. Ceux qui ne se sentent pas homos se croient maintenant obligés d’assurer qu’ils sont « hétéros » ; et ceux qui se sentent homos ne veulent surtout pas être étiquetés « hétéros » mais tiennent absolument à ce que le reste de la Planète le fasse. Personne ne va remettre en cause cette foutue « hétérosexualité » (et surtout cette foutue bipolarité « hétéros/homos »), présentée comme naturelle, universelle, et éternelle, alors qu’elle est tout sauf cela. Elle est manichéenne en ses fondements. Dans son essai L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008), Louis-Georges Tin souligne à raison « l’absence de réflexion sur l’hétérosexualité » (p. 6), la naturalisation forcée du Couple (naturalisation qui gomme la liberté qu’il a eu de se former)… mais il fait l’erreur d’associer cette violation de l’amour, cet artifice, à tous les couples femme-homme : « La pratique hétérosexuelle est universelle. » (p. 9)

 

Il n’y a que l’Église catholique qui a vraiment ouvert les yeux sur la supercherie de l’hétérosexualité. Dès le Moyen-Âge (à mon sens le véritable terreau idéologique de l’hétérosexualité), Elle s’était déjà opposée à l’hétérosexualité : « Les hommes d’Église réprouvaient non seulement l’adultère, inhérent à la logique courtoise, mais plus généralement cette promotion nouvelle de l’amour, de la femme et du couple. » (Louis-Georges Tin, L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008), p. 80) Mais Louis-Georges Tin réduit ces oppositions à une peur superstitieuse, chez les ecclésiastiques, de la sexualité (« Les hommes d’Église s’opposent à la culture hétérosexuelle surtout parce qu’elle est sexuelle. », p. 194) alors qu’à mon avis, la méfiance de l’Église est plus noble et positive que cela : avant tout le monde, Elle s’oppose à la culture hétérosexuelle parce qu’Elle a senti qu’elle était irréelle, réifiante, bisexuelle, individualiste, peu responsabilisante et peu aimante.

 

L’Église Catholique est finalement la seule institution humaine à avoir compris la gémellité de violence de l’homosexualité et de l’hétérosexualité, et à s’être opposée à l’hétérosexualité. Par exemple, en Suisse, après le Concile Vatican II (1962-1965), en 1975, es prêtres catholiques romains et les conseillers synodaux suisses dénoncent l’hétérosexualité : ils mettent exactement sur le même plan les « couples » homos et les « couples hétéros ». « À leurs yeux, et dans les années septantes en Suisse, l’hétérosexualité est une perversion, parce que c’est un homme et une femme qui ne veulent pas avoir d’enfant. » (Thierry Delessert dans l’émission radio L’Invité de la Rédaction, spéciale « Thierry Delessert, spécialiste de l’histoire de l’homosexualité en Suisse », sur RTS, le 29 août 2016) La preuve que le Concile Vatican II était vraiment inspiré.
 
 

c) La personne hétérosexuelle se rapproche de la bisexualité et de l’homosexualité plus que de la relation d’amour entre une femme et un homme ; La personne homosexuelle se rapproche de la bisexualité et de l’hétérosexualité plus que de la relation d’amour entre une femme et un homme

HÉTÉRO violet

 

À la base (et au fond), l’hétérosexualité est un écran que s’est créé la personne bisexuelle pour ne pas assumer sa fragilité et son homosexualité : « Je devais ne plus me comporter comme je le faisais et l’avais toujours fait jusque-là. Surveiller mes gestes quand je parlais, apprendre à rendre ma voix plus grave, me consacrer à des activités exclusivement masculines. Jouer au football plus souvent, ne plus regarder les mêmes programmes de télévision, ne plus écouter les mêmes disques. Tous les matins en me préparant dans la salle de bains je me répétais cette phrase sans discontinuer tant de fois qu’elle finissait par perdre son sens, n’être plus qu’une succession de syllabes, de sons. Je m’arrêtais et je reprenais ‘Aujourd’hui je serai un dur’. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 166) ; « Si Dieu voulait transformer un homo en hétéro, Il aurait le pouvoir de le faire, j’en suis certain. » (Alexander, homosexuel, dans le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein », « Tu ne seras pas gay » (2015) de Marco Giacopuzzi) ; « Tous homos ! Oui, ils ont des femmes et des enfants mais ils te disent sans scrupules que tu leur plais et qu’ils ont envie de toi. » (Sophie, homme transsexuel M to F, se plaignant des hommes mariés louant ses services, cité dans la biographie du Père Jean-Philippe, Que celui qui n’a jamais péché… (2012), p. 306) ; « RuPaul est une sorte de gourou, de Dalaï Lama pour la communauté homo. Mais il y a beaucoup d’hétéros qui regardent aussi. » (Rich Juzwiak, homosexuel, parlant de l’émission de télé-réalité transsexuel aux USA Rupaul’s Drag Race, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; « J’enlevais mon masque d’hétéro pour mettre mon masque d’homo, et inversement. » (Dan Savage parlant de la difficulté de faire son coming out, idem) ; etc.

 
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Ne perdons pas de vue que l’hétérosexualité est un prolongement de l’homosexualité. David Halperin a tout à fait raison de rappeler que le terme d’homosexualité « ne s’inscrit pas, au départ, dans un système binaire de classification sexuelle comme pôle opposé de ‘hétérosexualité » (cf. l’article « Homosexualité » de David Halperin, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 256) L’hétérosexualité, initialement n’est pas l’opposé de l’homosexualité, mais uniquement son revers gémellaire, sa face B (comme Bisexuel). « Freud tient à souligner qu’entre un homosexuel et un hétérosexuel il y a une ‘parenté psychologique’. » (Xavier Thévenot, Homosexualités masculines et morale chrétienne (1985), p. 157) ; « Freud l’avait dit avant moi. Il y a en nous tous ET un homosexuel ET un hétérosexuel. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « L’homosexualité, je le répète, est souvent l’‘érotisation’ d’une rivalité mimétique. Le désir portant sur l’objet de cette rivalité, objet qui n’est même pas nécessairement sexuel, se déplace vers le rival lui-même. Le rival n’étant pas nécessairement du même sexe – puisque l’objet n’est pas nécessairement sexuel – cette érotisation de la rivalité peut se produire comme hétérosexualité. À mon avis, il n’y a donc aucune différence structurelle entre le type d’homosexualité et le type d’hétérosexualité dont nous parlons en ce moment. » (René Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), p. 482) ; etc. C’est pourquoi on ne peut absolument pas être d’accord avec Alberto Mira quand il écrit que « l’expérience homosexuelle n’est pas symétrique à l’expérience hétérosexuelle » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 246 et p. 329). L’homosexualité ne se dissocie que de l’amour femme-homme aimant ; mais elle reste la source de son clone surnommé « hétérosexualité ».

 

Ce n’est pas un hasard si l’homme hétérosexuel est parfois présenté comme une espèce en voie de disparition. « On pense le mettre au zoo. » (Denis en parlant en boutade de son ami « hétéro », dans le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre) Avec la Queer & Gender Theory (qui ne veut plus qu’on se définisse en tant qu’« homo », « hétéro », « bis », « trans », mais en tant qu’« individu en perpétuelle auto-construction » et en tant qu’« amoureux »), avec de surcroît la tendance de l’hétérosexualité à se muter chroniquement en bisexualité ou en homosexualité selon les époques, on a maintes fois l’occasion de découvrir que l’hétérosexualité est une réalité temporaire, magique, de transition, une bisexualité qui veut se vivre sans se dire. « Pas plus qu’il n’y a des gens purement hétérosexuels, il n’y a de purs homosexuels. Les expressions ‘homosexuel’ et ‘hétérosexuel’ ne sont que des mots, des têtes de chapitres au-dessous desquelles chacun peut écrire ce qui lui plaît. Elles n’ont pas un sens fixe. » (Georg Groddeck, Le Livre de ça (1923), cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 380)

 

HÉTÉRO Mécary

 

L’homosexuel et l’hétérosexuel forment les deux moitiés d’un Tout androgynique, orgueilleux et machiste, que certaines personnes homosexuelles/bisexuelles ressentent en elles et cherchent à rendre réels : « Profondément, je ne me sens pas homosexuel. Plutôt un homosexuel complètement hétérosexuel. Je rêve de conquérir la partie manquante de moi-même. » (Hervé Guibert, romancier français homosexuel, cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 482) ; « Hétérosexuels et homosexuels sont des mots barbares, des qualificatifs dont se parent et s’accablent des hommes mutilés qu’on apprend ou qui s’apprennent à réprimer des envies parfaitement naturelles. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Pour traduire la nouvelle société, où les homosexuels […] incarnent l’humanité future, un nouveau monde s’impose : ce sera gay. À relier à ‘macho’. Les deux faces d’une même médaille. À gay le bien, à macho le mal. À gay l’homme féminisé porté aux nues, à macho l’homme bêtement viril, dénigré, méprisé. Ostracisé. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 27) ; « J’ai beaucoup de mal pour aller dans des milieux exclusivement féminins, parce qu’il y a une espèce de brutalité dans laquelle je ne me reconnais pas. […] Ce que je ressens dans ces milieux-là parfois, c’est qu’on reproduit, tu as des femmes qui reproduisent des comportements masculins que j’exècre totalement, dans la manière de draguer principalement, c’est ça. Je trouve que c’est vulgaire, pour moi ça casse l’image de l’amour que j’ai pour les femmes. […] Ce qui me gêne c’est la contradiction, pour moi, entre une revendication de l’amour des femmes et cette vulgarité, qui pour moi n’est qu’une reproduction de ce qui se passe chez les hétéros. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, pp. 58-59) ; « Si véritablement je n’étais pas leur star, à coup sûr, je devins par la suite une célébrité parmi eux. Ma féminité les rendait impulsifs les uns les autres. Ils m’aimaient, me parlaient avec douceur en me caressant la nuque ou le dos, comme il était permis ici pour démontrer une certaine affection. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de ses camarades de classe mâles, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 58) ; etc.

 

Musical "Monsieur!" d'Olivier Schmidt

Musical « Monsieur! » d’Olivier Schmidt


 

Par exemple, dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), Paula Dumont sous-entend qu’être élevée comme une hétérosexuelle, c’est être élevée comme une future homosexuelle : « J’ai été élevée comme une future hétérosexuelle, j’ai intériorisée, de surcroît, une bonne dose d’homophobie et j’ai vécu dans la chasteté la plus totale pendant toute ma jeunesse. Tout cela ne peut pas être sans conséquence. » (p. 111) Dans son one-man-show Virtuose (2017), l’humoriste Kallagan suspecte un de ses spectateurs du Point Virgule d’homosexualité en le traitant d’« hétéro ».

 

On observe l’androgynie psychique entre l’hétérosexuel et l’homosexuel à travers certains choix cinématographiques. Par exemple, dans le film « L’Animal » (1977) de Claude Zidi, Belmondo joue un double rôle de cascadeur viril et de star efféminée : les deux personnages sont des sosies. Dans le film « Before Night Fall » (« Avant la nuit », 2000) de Julian Schnabel, les personnages du travesti Bonbon et du lieutenant Victor sont interprétés par le même acteur : Johnny Depp. Le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, pourtant typiquement hétérosexuel, est bourré de codes homosexuels et il s’adresse pourtant à un public très hétéro. Cela veut bien dire ce que ça veut dire : l’hétérosexuel et l’homosexuel sont une seule et même créature, qu’on appellera différemment selon les cultures et les siècles, mais qui globalement est l’androgyne, l’Homme-objet, l’hermaphrodite, le bisexuel.

 

HÉTÉRO Strasbourg

 

Rien d’étonnant qu’un des supers-héros les plus ultra-virils qui existent, Batman, soit homosexuel, et que toutes les personnes humaines qui cherchent à imiter l’hyper-sexualité de l’homme-objet ou de la femme-objet se disent homosexuelles/bisexuelles (exemple : les individus butch, bears, daddies, et dragking). Les filles sur-féminines, « plus que femmes », ne sont pas les demoiselles banales que l’on croise habituellement dans la rue, mais bien des hommes travestis, trans, dragqueens, homosexuels, ou des actrices et des prostituées bisexuelles. « L’homosexualité est intimement liée au caractère hétérosexuel (au sens que celui-ci combine les deux sexes). » (Melanie Klein citée dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 419) ; « L’homosexuel tel qu’on le représente (et même tel qu’il se représente lui-même) est toujours une projection de l’imaginaire hétérosexuel. » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 22) Sur Facebook, j’avais lu sur un mur d’un ami homo, le 20 avril 2011, que « la follasse c’est le beauf version gay ». C’est excellent, car c’est tout à fait ça.

 

le chanteur Ricky Martin

le chanteur Ricky Martin


 

La confluence entre hétérosexualité (dans le sens de masculinité et de féminité trop forcées pour être vraies et fidèles à la différence des sexes) et homosexualité est incarnée par beaucoup plus de personnes réelles qu’on ne croit, même si ça ne manque pas de nous surprendre à chaque fois tellement les personnes qui jouent les hétéros masquent leurs penchants homos par la violence ou par leur union forcée avec une personne du sexe complémentaire. « Combien d’hétérosexuels ont fait des expériences homosexuelles dans leur vie ! Ça prouve que c’est une expression tout à fait naturelle de la sexualité. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Bien sûr, c’était un combat. Surtout pour les gays, les lesbiennes et les transsexuels. Mais cette époque post-hippie était encore marquée par la Révolution sexuelle, et tout le monde couchait avec tout le monde. On ne se posait pas la question de savoir si c’était avec un homme ou avec une femme. Quand on était attiré par quelqu’un, on y allait directement. Je sais par expérience que beaucoup d’hétérosexuels vivaient dans cet état d’esprit. Il ne fait pas l’oublier. Pour eux, ça n’avait rien à voir avec l’homosexualité. » (Romy Haag parlant des années 1970, interviewé(e) dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Par exemple, Aaron McKinney et Russell Henderson, les assassins prétendument « hétéros » de Matthew Sheppard en 1998 aux États-Unis, étaient en réalité des amants de celui-ci.

 

On retrouve la reproduction du schéma hétérosexuel chez les personnes homosexuelles (la tapette/le moustachu ou l’actif/le passif du côté des hommes gays ; la fem/la butch du côté des femmes lesbiennes). Daniel Welzer-Lang a parfaitement bien résumé l’équation de l’hétérosexualité (celle-ci s’appliquant exactement aux couples homosexuels) : « masculin = actif = violeur = pénétrer = appropriant = dominant ; féminin = passive = violée = dominée = trou = appropriée » (Daniel Welzer-Lang, Le Viol au masculin (1988), p. 196)

 

HÉTÉRO solidaires

Manif pro-mariage-gay en France, Paris hiver 2012-2013


 

Dans la réalité, il n’est pas anodin que les cinémas pornos hétérosexuels accueillent une clientèle à majorité homosexuelle et qu’ils aient été depuis très longtemps des lieux de drague gay. Par ailleurs, regardons l’hétérosexualisation spontanée du PaCS français : sur plus de 100 000 couples pacsés en 2007, on dénombre seulement 7% de couples homosexuels. En 1999, année d’instauration du Pacte Civil, ils étaient 42%. Et je ne parle même pas de l’homosexualisation actuelle du mariage femme-homme, avec le « mariage gay »…

 

l'acteur Rock Hudson

l’acteur Rock Hudson


 

Nombreuses sont les personnalités « hétéros… très homos ». Plus un homme s’hétérosexualise en copiant l’homme-objet masculin (dans les salles de sport, en posant pour la presse gay, en travaillant en tant que chanteur ou acteur de charme), plus il s’homosexualise. C’est un constat paradoxal qu’on a l’occasion de vérifier presque systématiquement. « L’un de mes cousins m’a demandé pourquoi je ne les rejoignais pas. J’ai répondu assez fort pour être entendu de tous que je ne me livrais pas à ce type d’exercice, une fois de plus, comme avec le film que Bruno avait amené, que je trouvais ça ‘gerbant’, et qu’à les regarder, tous autant qu’ils étaient, avec leurs corps dénudés, je me disais que leur comportement était vraiment un comportement de pédés. En vérité, ces morceaux de chair me donnaient des vertiges. J’utilisais les mots ‘pédé’, ‘tantouze’, ‘pédale’ pour les mettre à distance de moi-même. Les dire aux autres pour qu’ils cessent d’envahir tout l’espace de mon corps. Je suis resté assis dans l’herbe et j’ai condamné leur comportement. Jouer aux homosexuels était une façon pour eux de montrer qu’ils ne l’étaient pas. Il fallait n’être pas pédé pour pouvoir jouer à l’être le temps d’une soirée sans prendre le risque de l’injure. » (Eddy Bellegueule parlant de ses cousins hétéros le forçant à regarder et à imiter les films pornos hétéros, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 148-149) La majorité des icônes masculines ou féminines que la communauté homosexuelle se choisit comme modèles d’identification, la majorité des acteurs à la base « hétéros » mais qui ont interprété des rôles d’homosexuels dans les films, la majorité des femmes soi-disant « hétérotes » qui sont « filles à pédés » ou qui défendent les « droits des homos », pratiquent très souvent la bisexualité ou font leur coming out à la surprise générale : je pense à Joséphine Baker, Maïk Darah, Stéphane Rideau, Zachary Quinto, Ricky Martin, Marlon Brando, James Dean, etc. « Je me rappelle. J’adorais Elvis Presley. Mais c’était surtout parce que je le trouvais sexy. Elvis était un personnage artificiel, très maquillé. Et je le trouvais super sexy. Aujourd’hui encore, je suis convaincu qu’il avait une sensibilité gay. Mais comme il était tenu par son manager, il n’a jamais pu l’exprimer, surtout à cette époque. » (Rosa von Prauheim interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte)

 

Par exemple, dans le documentaire « Brüno » (2009) de Larry Charles, Dave, à la base désigné comme « hétéro », se fait traiter de « pédale », et se révèle en réalité homosexuel. On peut citer également la liaison supposée entre le prof d’art dramatique et l’un des élèves les plus machos du lycée militaire, racontée dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias. Dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, décrit l’ambiguïté des hommes apparemment très « hétéros » avec qui il a couché : « Une nouvelle surprise m’attendait : mon gitan ‘grand et beau’, une fois la lumière éteinte, s’avéra une triste ‘lopette’, plus efféminé qu’il n’est permis de l’être. Poussant des cris de paon, il provoqua presque un scandale dans l’hôtel. […] Pendant de longs jours, la vision ignoble de ce garçon, que je croyais viril, les images de cet homme singeant la femme en présence d’un autre homme tout aussi efféminé, tout cela endormait en moi toute velléité de recommencer. » (pp. 109-110)

 

Ça marche aussi dans l’autre sens. Nombreuses sont les personnes « homos… très hétéros », c’est-à-dire les personnes homos s’hétérosexualisent qui rentrent dans un jeu de virilité cinématographique : « J’ai été traité de fille très jeune (6/8 ans) par un beau-frère assez tyrannique, avec le recul je m’aperçois que je ne m’en suis jamais vraiment remis… tout du moins ma construction en tant qu’homme a été très compliqué, j’ai toujours eu du mal à me sentir viril (pour résumer)… et avec du recul, je me rend compte que j’ai passé mon enfance à essayé de copier les mimique des gars que j’admirais (le profil hétéro, chef de bande, bagarreur, sportif, drôle avec du succès avec les filles) même si je ne suis pas devenu comme eux, j’essayai du moins de me faire accepter par eux, je voulais en fait être eux (en lisant les premières pages de Confession d’un Masque de Mishima j’ai vu que c’était le cas de certains homo)… malgré tout cela je ne me sentais jamais légitime dans ma virilité, toujours mal dans ma peau, et un peu escroc sur les bords… » (un ami homo de 23 ans, m’écrivant en novembre 2011)

 

Elles se mettent dans la peau du rôle de « l’hétérosexuel » pour masquer (la violence de) leur homosexualité (pratiquée) : « Et le jeune homme reste sur ses gardes, soupçonne qu’on le soupçonne, feint de feindre pour mieux dissimuler ; achète des livres traitant de l’amour hétérosexuel, prend des précautions avec ses amis, évite de confier son numéro de téléphone et ne reste pas indifférent au cours des entretiens où l’on démolit les pédérastes. Dans l’obligation personnelle d’avoir recours aux subterfuges, il sombre en général dans la dissimulation. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 12) ; « Je suis hétéro et homo… hétéromo ! Les animateurs c’est comme les anges, ça n’a pas de sexe ! » (l’animateur homosexuel Olivier Minne, au micro de RMC en août 2014) ; etc.

 

Article sur le film "Humpday" (deux amis hétéros tournent un porno gay ensemble)

Article sur le film « Humpday » (deux amis hétéros tournent un porno gay ensemble)


 

Les désirs homosexuels et hétérosexuels se font miroir : « Je n’avais pas pensé une seule seconde qu’un pédé puisse ressembler à ce point à un hétéro. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 72) ; « Jimmie était à la fois dans l’érotisme homosexuel et hétérosexuel. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 428) ; « Les hétéros conciliants sont partout et plutôt là où on ne les attend pas. Oui, la vie est inimaginable. […] Que ces bons garçons en veuillent parfois à nos sous n’explique pas comment ils font pour tenir une si belle forme devant nous ou qui voudra. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 174) ; « J’ai des rapports très sains avec les hétérosexuels de mon entourage. Il arrive même que certains changent d’avis en fin de soirée. » (Pascal Sevran dans l’émission Politiquement Show de Patrick Buisson traitant du « communautarisme gay » sur la chaîne LCI en 2003) ; « Pourquoi donc le jeune Adrien Baillon, le plus masculin des homos de Montmartre, viril au lit et casse-cou dans les rues, sodomite actif et criminel aguerri, railleur des tantes et frère de pogne de Mignon, répond-il de toujours au sobriquet de reine de ‘Notre-Dame-des-Fleurs’ ? » (François Cusset, Queer Critics (2002), p. 183) ; « J’étais comme eux, absolument comme eux. On faisait la nouiba : chacun se donnait à l’autre. On baissait nos pantalons et on faisait l’amour en groupe. J’étais moi-même avec eux. Moi-même et différent. Je les adorais, oui, oui. Je restais avec eux même quand ils m’insultaient, me traitaient d’efféminé, de zamel, de pédé passif. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 13)

 

Pas un pour rattraper l’autre… : l’homme hétérosexuel et l’homme homosexuel ont tous les deux un problème avec leur sexualité, une difficulté à aimer et à s’engager durablement en amour. En somme, ils sont les manifestations « vivantes » d’un manque de désir. « Les homosexuels ne sont pas meilleurs que les hétérosexuels. » (le cinéaste allemand Rosa von Praunheim à Alice A. Kuzniar, dans la revue The Queer German Cinema) Le désir hétérosexuel n’est pas plus unifiant et probant que le désir homosexuel : « Finalement, je n’étais pas plus à l’aise dans l’homosexualité que dans l’hétérosexualité. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 251) ; « Je ne crois pas à l’homosexualité épanouie… Je n’ai pas d’admiration pour ceux qui vivent ça bien. J’ai toujours vécu mon homosexualité comme quelque chose de malheureux. Mais c’est une affaire de goût personnel. J’aurais eu ce même goût du malheur si j’avais été hétérosexuel. » (Patrice Chéreau lors d’une rencontre avec les étudiants de G.A.G.E. en 1992, cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 127)

 

Le silence sur la véritable nature de l’hétérosexualité (= son potentiel caché d’homosexualité) arrange beaucoup de monde : ET les personnes hétérosexuelles (qui désirent continuer à pratiquer l’homosexualité en toute discrétion, tout en gardant une image propre sur elles), ET les personnes homosexuelles (qui souhaitent voir perdurer leurs rêves d’amour avec les objets de leurs fantasmes – les êtres humains ressemblant de près ou de loin aux hétéros des magazines –, qui ne veulent surtout pas apprendre qu’elles sont tout aussi violentes dans leur sexualité et leurs amours que les individus hétérosexuels qu’elles vomissent/idéalisent, ni découvrir que leur homosexualité n’est pas éternelle, qu’elle est aussi inconsistante que l’hétérosexualité, et qu’elle s’oriente fantasmatiquement/et parfois concrètement vers la différence des sexes, considérée comme le diable en personne). Dans le cœur de beaucoup de personnes homosexuelles subsiste le secret espoir de convertir un individu non-homosexuel et non-hétérosexuel en « hétérosexuel », et donc en « homosexuel en devenir ». Ce n’est pas anodin si elles disent souvent en boutade que « les hétéros sont des homos qui s’ignorent, des homos refoulés » ; car en effet, elles tapent en plein dans le mille !

 

Comme les désirs hétérosexuel et homosexuel ont du mal à s’incarner en espèces humaines réelles, beaucoup de personnes qui les ont confondus avec la sexuation femme-homme, se mettent à remettre en cause la différence des sexes, dans un langage très queer. « Je ne pensais pas devoir décrire mon protagoniste en tant qu’homosexuel ou hétérosexuel. Pour moi, il est queer. Dominik n’a pas besoin de se décrire. » (Jan Komasa, le réalisateur du film « Sala Samobójców » (« Suicide Room », 2011), dans la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, le 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris)

 

Par exemple, dans son essai Testo Junkie (2008), Beatriz Preciado entend « déconstruire les différences de genres et de sexes », car selon elle, « il n’y a ni hommes ni femmes, de même qu’il n’y a ni hétérosexualité ni homosexualité ».

 

Lors de son interview à la radio Europe 1 diffusée le 24 mars 2013 pour la sortie de son film « Los Amantes Pasajeros » (« Les Amants passagers », 2013), Pedro Almodóvar dit, en référence au turn-over d’orientation sexuelle du pilote d’avion hétéro, que la conversion des hétéros en homos n’est pas une fantaisie de sa part mais une réalité culturelle qui s’observe déjà dans toute la société espagnole.

 

Ce que les penseurs pro et anti hétérosexualité ou pro et anti homosexualité s’affairent à court-circuiter par leur concret rhétorique partisan, au final, c’est la reconnaissance de l’existence du désir homosexuel en tant que haine de soi qui ne suffira jamais à fonder une espèce. Et c’est aussi leurs pratiques sexuelles violentes qui oscillent de l’hétérosexualité à l’homosexualité, et inversement, et qu’ils ne veulent surtout pas voir nommées.

 
 

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Tous unis contre l’hétérosexualité et l’homophobie !

Pour les combats à venir par rapport à la Loi Taubira, nous ne serons socialement crédibles et percutants que si nous montrons que nous luttons fermement contre les deux choses que nos détracteurs nous attribuent pour ne pas nous écouter : l’hétérosexualité et l’homophobie. Nous devons urgemment expliquer ce qu’elles sont, et dire ouvertement pourquoi elles sont une atteinte à l’Amour, aux personnes, à la famille et au Réel. Pour l’instant, aucun opposant au « mariage pour tous » n’a eu le courage d’afficher qu’il n’était pas hétéro et qu’il était révulsé par l’hétérosexualité. Il est temps que ça cesse, et que nous assumions de combattre cette parodie d’amour qu’est l’hétérosexualité, pour mieux défendre les couples femme-homme aimants. Lors des Manifs Pour Tous, notre slogan gagnant aurait dû être : « Tous unis contre l’hétérosexualité et l’homophobie ! » Toute l’incompréhension dans les débats réside dans cette justification implicite de tous de l’hétérosexualité (ce concept que même l’Église catholique ne défend jamais).

 

Lutter contre le Gender : Mais quelle semi-ânerie !

Le Gender est devenu l’ennemi commun facile des anti-Loi Taubira. Or il n’y a pas à lutter contre. Il y a à l’identifier, à savoir qu’il existe, et à reconnaître qu’il s’est choisi les bons ennemis à détruire : l’hétérosexualité en premier lieu, l’homophobie en second. Son seul problème, c’est qu’il attaque ensuite la sexuation humaine et qu’il présente une vision conflictuelle de la différence des sexes ; autrement dit, c’est sa confusion entre l’hétérosexualité et les couples femme-homme aimants. Mais mis à part cet amalgame qui fout tout en l’air, les motivations premières du Gender sont presque justes ! Donc ne tirons pas sur le Gender, ne le diabolisons pas ! Les pro-Gender font de même : ils sont aussi CONTRE le Gender !

 

Homosexualité : étape pas si exceptionnelle de la masculinité

Je crois que le désir homosexuel, étant particulièrement pulsionnel, sied naturellement non pas aux homosexuels (espèce qui n’existe pas) mais aux hommes et à la nature masculine, davantage titillés par les pulsions que les femmes. D’où ma conclusion : l’homosexualité est une étape masculine absolument pas bizarre, pas exceptionnelle, pas révélatrice d’une identité homo éternelle, fondamentale, durable et isolée.

 

Ne parlons pas du « Gender ». Ça ne sert à rien. Osons juste parler d’amour incarné !

Je sais que maintenant le « Gender » est la nouvelle bête à abattre après le « mariage pour tous ». Mais quand même : personne ne nous interdit d’être subtils et intelligents après notre « défaite ».

Un conseil. Rien ne sert de s’opposer à la « Théorie du Genre » en l’appelant ainsi. Rien ne sert de s’afficher anti-Gender, d’annoncer ses désastres ou les lobbys qui le promeuvent, de jeter le « Genre » à la vindicte populaire. Car ceux qui croient au Gender, qui le pratiquent et le défendent, n’ont même pas conscience qu’il s’appelle ainsi. Pour eux, c’est l’Amour avec un grand A. Le Gender, c’est l’ « être amoureux ». Ils aiment cette idéologie à partir du moment où elle ne porte pas de nom officiel, où elle ne peut pas être définie. Donc arrêtons de dire qu’il faut combattre les dangers du Gender. Ça ne sert à rien!

Tant que nous ne leur parlerons pas explicitement d’AMOUR (corporel, biologique, incarné, concret, divin), tant que nous ne les rejoindrons pas dans leur discours affectif et émotionnel des « sentiments », tant que nous resterons centrés sur le mot « Gender », nous ne ferons pas avancer les mentalités. Les gens n’ont soif que d’une chose : un discours sur l’AMOUR et sur les IDENTITÉS INATTENDUES !

 

Le grand ennemi des pro-mariage-pour-tous, c’est la différence des sexes

Quand je discute avec les pro-mariage-pour-tous, je constate qu’ils ont quitté le Réel à un détail tout simple : ils ne reconnaissent pas la différence des sexes comme une réalité humaine, et qui plus est, une réalité positive et aimante. Pour eux, dire que dans le monde, il y a des hommes et des femmes, non seulement c’est bête tellement c’est évident, mais ça ne fait pas sens, c’est de la fiction et de l’idéologie. Et à leurs oreilles, l’expression « différence des sexes » résonne comme le mal absolu. C’est le signe qu’ils se trouvent face à un ennemi homophobe. Parce que pour eux, la différence des sexes n’est pas une réalité corporelle que chaque être humain porte sur lui par sa sexuation, n’est pas une réalité psychique et psychologique, n’est pas une réalité d’amour, n’est pas une réalité sociale. Ils la voient comme une nouvelle théorie abstraite faite pour les embêter et les soumettre, comme une invention patriarcale bourgeoise, comme une théorie homophobe, comme un clivage de domination de l’homme sur la femme, comme un destin anatomique, comme un conditionnement culturel ou, beaucoup plus « positivement », comme des rôles non-prédéfinis, comme un champ d’exploration et d’auto-détermination artistique, scientifique, techniciste, amoureuse, cinématographique. En les écoutant et en essayant de discuter avec eux sur la différence des sexes, je vois bien que nous n’évoquons pas la même chose, que nous ne sommes pas sur le même registre, même si nous employons a priori la même expression. Moi, je parle de la réalité biologique, concrète et souvent aimante, de la différence des sexes ; et eux me parlent des images – en générale stéréotypées et violentes – de la différence des sexes. Je parle de Réel ; eux me parlent de « regards », d’intentions, de médias, de « rôles », de « clichés » (à déconstruire). Ils sont enfermés dans un cinéma, emprisonnés dans leur monde télévisuel et internétique. Ils nient la réalité de la différence des sexes parce qu’ils voient bien qu’elle n’est ni complètement biologique, ni complètement culturelle. Elle est l’alliance des deux, un cadre d’amour idéal que si le biologique et le culturel s’acceptent mutuellement. Au final, ils lui reprochent de ne pas être une réalité totalitaire, mais d’être seulement un trésor fragile, une promesse d’Amour.