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Erwann Binet : l’entêtement orgueilleux et populiste appelé « engagement »

En lisant les propos du député PS de l’Isère Erwann Binet dans le Journal du Dimanche du 3 novembre 2012, j’écarquille les yeux. Déjà, quand nous étions réunis tous les deux sur le même plateau-télé de la chaîne KTO il y a un mois de cela, ce père de famille de 39 ans m’avait sidéré par son refus d’écouter les arguments construits de ses détracteurs, par son déni de réalité, et par son mépris de ceux qui tentaient de le ramener à la réalité, aux personnes dont il se disait défenseur, aux situations humaines concrètes que son discours « anti-discriminations » niait. Mais là, j’avoue qu’il a atteint des sommets dans la lâcheté et le goût de l’image.

 

 

Il va falloir expliquer à ce rapporteur officiel du projet de loi du « mariage pour tous ceux qui le désirent » que l’engagement humble au service de l’État, cela implique d’être persévérant, certes, mais pas rigide, y compris quand on s’annonce sous les auspices de la « solidarité ». Socialiste ou pas, un homme politique démocratique digne de ce nom doit accepter parfois de se contredire, de sortir de l’image, de ne pas être toujours populaire, de tenir tête aux chantages affectifs qui risquent de nous faire oublier le bien commun, et de ne pas s’entêter dans un projet de loi qui ne fait pas l’unanimité, y compris dans les rangs de gauche. Un programme électoral n’est pas une table de la Loi, un diktat, une promesse rigide qui s’impose à nous et au reste du monde. Il n’est pas un jurement sur l’honneur dans lequel on joue notre personne : c’est une ligne d’horizon qui peut être affinée, voire même qu’on doit contourner si les actes qu’elle nous fera poser seront incertains, peu réalistes, inhumains, indifférents aux plus fragiles (les enfants et les personnes homosexuelles, entre autres) et à l’ensemble de la société. Car il faut bien percevoir une chose dans les mots de Monsieur Binet : le député PS ne s’intéresse ni aux enfants en tant que PERSONNES, ni aux sujets homosexuels en tant que tels non plus. Il ne les aime que sous forme de « droits LGBT », de « preuves de progrès », de « certificats de valeurs éducatives et d’amour », de « rôles sociaux », de « signes latents que le gouvernement tient ses promesses électorales », d’« arguments politiques », de « labels Solidarité et Émotivité », bref, de « preuves d’engagement ». Le Peuple réel et souverain, concrètement, il n’en a rien à cirer. D’ailleurs, sur les plateaux-télé et dans les articles de journaux dans lesquels il est interviewé, Erwann Binet ne nous parle pas des enfants ni des personnes homosexuelles : il reste dans l’émotionnel, la bonne intention, la victimisation et l’agressivité policée. Son but est de défendre son idée de « progrès » et d’« engagement », tout en méprisant les générations (ceux qui ne pensent pas comme lui, il laisse poliment entendre que ce sont des vieux cons : « La société bouge, les Français évoluent avec elle. Le clivage est surtout générationnel. »). Cela s’appelle diviser pour mieux régner (« Même les catholiques sont très partagés. » embraye-t-il).

 

Erwann Binet parle au nom d’un « tous » indéterminé, au nom d’un Peuple français qu’il n’écoute pas (car s’il l’écoutait vraiment, il tiendrait compte de sa diversité, il entendrait sa contestation croissante du projet de loi sur le mariage pour tous) : « Une majorité de Français est favorable au mariage et à l’adoption pour les couples de même sexe. » ; « Le texte qui est proposé aujourd’hui à l’Assemblée nationale et au Sénat est attendu par une majorité de Français. » Il reprend les bonnes vieilles méthodes traditionnelles du dictateur ou du censeur : il fait semblant d’écouter pour ensuite n’en faire qu’à sa tête, il se prend pour le Peuple (en toute bonne foi, générosité et « désintérêt » affiché, en plus !) et essaie de faire croire que tout le monde pense comme lui, pour finalement imposer son propre point de vue, un point de vue individualiste et particulariste que seule sa petite cour gay friendly – très bisexuelle et désenchantée de l’Amour et du mariage – applaudit : « C’est un texte qui a une dimension très personnel, intime même. » (Égocentrique et intentionnellement universelle, je dirais même…). Au lieu d’asséner franchement ses ordres, il les applique en douce, avec le sourire socialiste du « Cause toujours, tu m’intéresses ». En deux mots : Redoutable et despotique.

Au fond, sa seule motivation pour faire appliquer la loi du « mariage pour tous » obéit à un poncif intime qu’il impose à toute la France : celui de ne jamais se contredire et trahir ses promesses. Le poncif du paraître, en quelque sorte. « Il faut respecter les engagements pris devant les électeurs. » conclut Erwann Binet. Il ne développe pas pourquoi il faudrait absolument respecter les engagements, car en réalité, mis à part pour des questions d’image et d’égo personnel, il serait bien en peine de répondre. Et j’aurais envie de lui dire : Qu’est-ce qui, mis à part l’orgueil mal-placé et la soif de pouvoir, vous fait dire que tous les engagements humains doivent être tenus, et seraient irréprochables et justes en soi ? L’entêtement, appelé démagogiquement « engagement », n’a jamais été un dieu, un fétiche sacré qu’on brandit pour blanchir et innocenter toutes nos actions et pensées. Les êtres humains, on le voit bien au cours de l’Histoire, ne sont entêtés pour des belles causes, mais parfois aussi pour des Eldorado d’une violence inouïe, pour des chimères bien destructrices. Le jusque-boutisme de principe n’a jamais été une réussite et un gage de justice. Il n’y a pas de dictature humaine qui ne se soit pas avancée et imposée sous la bannière du « progrès », du « changement », de la « promesse », de l’« engagement » et de la « liberté ».

 

 

Amis gouvernants socialistes, vous est-il possible, de sortir des mots-slogans et des bonnes intentions pour appliquer l’Amour en conformité avec les réalités singulières des personnes ?

 

Polémique Guillebon/Van Gaver et Ariño sur NDF

Polémique Jacques de Guillebon/Falk Van Gaver avec Philippe Ariño sur « Nouvelles de France » en octobre 2012 (3 échanges)

 

Premier article de Fal Van Gaver et Jacques de Guillebon : « Voie sans issue »

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Réponse de Philippe Ariño : « Sortir de l’impasse grâce à la Croix »

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Second article de Fal Van Gaver et Jacques de Guillebon, en « réponse » à Philippe : « Le Bûcher des homophobes »

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Je suis une folle de Dieu !

(Questions initialement suggérées par une journaliste de l’1visible)

 

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Photo : Louvre, Paris, novembre 2012, par Jean-Baptiste Bonavia

 

 Philippe Ariño, vous vous dites ouvertement homosexuel et pourtant catho. Ça semble paradoxal, non ?

C’est sûr. Et ça serait en effet une parfaite hypocrisie si je n’étais pas continent (= abstinent pour Jésus), car la pratique homosexuelle et la fidélité concrète à l’Église-Institution catho, sans être opposées, me semblent déchirantes et inconciliables. On ne peut pas, en amour, servir deux maîtres. La continence, je le remarque dans ma vie et dans celle de mes amis homos cathos, est le seul choix de vie – quand le mariage femme-homme ou le célibat consacré ne sont pas envisageables – qui permet une totale réconciliation entre notre dimension homosexuelle et notre pratique religieuse. Beaucoup de cathos homos essaient de faire croire que le compromis entre l’homosexualité actualisée sous forme de couple (même dit « chaste », « hors milieu », « homophile » et « homo-sensible ») et la pleine fidélité à la foi ecclésiale serait idéal d’être « (à peu près) possible »… mais concrètement, ils sont en rupture avec la communauté homosexuelle et/ou en rupture avec l’Église-Institution. Et c’est logique : une fois que le désir homosexuel est pratiqué ou perçu comme fondamental, il n’est plus seulement expliqué mais justifié, et je remarque qu’il n’est alors pas identifié ni assumé. Il est vécu comme une honte. Je vérifie également que dès qu’une personne catholique décide de croire à l’amour homosexuel, même bien avant de franchir le cap de la composition d’un couple, elle prend progressivement ses distances avec l’Église-Institution. C’est quasi systématique. C’est donc qu’il y a bien une incompatibilité foncière entre pratique/croyance homosexuelle et foi catholique. En ce qui me concerne, j’ai découvert la grande liberté de parler ouvertement du désir homosexuel qui m’habite et d’être pleinement catho dans la continence et l’amour de l’Église catholique vaticane. Depuis que je suis continent (janvier 2011 : arrêt définitif du porno, de la drague homo et de la masturbation), je constate un rayonnement social, artistique, intellectuel, amical, spirituel, familial, ecclésial que je n’avais jamais connu. Et pourtant, avant, je n’avais déjà rien d’un asocial !

En vous présentant comme homosexuel et comme spécialiste de la culture homosexuelle, vous n’avez pas l’impression de vous enfermer dans un thème, et quelque part de vous contredire en justifiant l’homosexualité ?

Vous dites peut-être ça parce que vous croyez que dès que quelqu’un emploie le mot « homosexualité », il la justifie. Or moi, je ne fais qu’en parler et dire qu’elle est existante, pour précisément ne pas en justifier la pratique et pour laisser le désir homosexuel à sa juste place d’« élan parfois profond mais non fondamental. » Mes deux identités fondamentales sont celles de garçon d’une part et d’Enfant de Dieu d’autre part. C’est bien tout ! Je me définis aussi comme une personne homosexuelle, parce que l’attirance sexuelle que je ressens est bel et bien là dans mon corps, mais je ne me réduis pas définitivement à celle-ci. Je suis un mystère à moi-même. L’analyse du désir homosexuel m’apprend à la fois qui je suis et qui je ne suis pas.

Je reconnais que ma démarche d’appel à la valorisation de la culture homo peut sembler de l’extérieur paradoxale, voire dangereuse. Comme si je jouais avec le feu, ou que je m’enfermais dans une caricature de moi-même. Mais en réalité, je crois que plus on se voile la face par rapport à son désir homosexuel et on cherche à s’en éloigner théâtralement ou dans la révolte, plus on se donne des excuses et des risques pour l’actualiser : je le vois chez la grande majorité des individus homosexuels. Ils méprisent la culture homosexuelle et le « milieu », nient leur tendance ou au contraire la sacralise, pour, en douce, se justifier de pratiquer l’homosexualité soi-disant « pas comme le commun des homos ». Pour ma part, je préfère de loin m’approcher de mon désir homosexuel pour finalement mieux m’en distancer. C’est la liberté de l’approche distanciatrice, en quelque sorte : je ne nie pas la marque du mal dont je suis porteur et donc je ne risque pas de me confondre avec.

Enfin, il suffit de constater dans mes écrits à quel point je connecte l’homosexualité aux fractures les plus diverses de la société et à la violence universelle (divorces, non-rencontre entre l’homme et la femme, perte de vitesse de l’amitié, société matérialiste, prostitution, crise économique et morale, guerres, refus humain de Dieu, etc.) pour comprendre que mon travail d’identification du désir homosexuel n’est pas une tentative d’enfermement de l’homosexualité dans une espèce humaine particulière ou dans la justification voilée d’un « amour homosexuel formidable », mais bien un prétexte pour parler d’Humanité et de sexualité au sens large, pour faire comprendre aux non-croyants et aux croyants que l’Église catho a tout compris des blessures humaines de notre société.

Ça ne vous gêne pas d’être étiqueté « catho et homo » ? Vous n’avez pas peur d’être instrumentalisé par l’Église ?

La seule personne à qui j’accepte de m’offrir totalement, de qui je consens d’être l’objet et le sujet, c’est bien l’Église catho ! Alors allez-y, amis croyants pratiquants ! Servez-vous de mon témoignage, profitez-en ! Ceux qui ont peur que je serve de caution morale à mon Église sont finalement les mêmes qui méprisent les cathos et qui ne comprennent pas que stratégiquement, mon expérience ne peut absolument pas servir de matraque homophobe, de trophée ou de pommade pour se rassurer de ne pas être homo, car l’homosexualité est justement un miroir des relations homme-femme défectueuses, des divisions des êtres humains avec l’Église, et même au sein de l’Église catho, dont les personnes qui pourraient me récupérer sont responsables. Donc vouloir utiliser mon témoignage en vue de nier ses propres souffrances ou sa collaboration sociale aux pratiques homosexuelles, vraiment, c’est un mauvais calcul…

Vous considérez-vous comme un converti ?

Oui et non. Je veux bien qu’on parle de « conversion » à mon sujet, mais uniquement dans la mesure où mon choix de la continence n’est pas envisagé comme magique, volontariste, obligé, unique, par défaut, survenu après de grosses déceptions sentimentales. Au contraire, je le pose librement, positivement, progressivement, dans une continuité et l’incertitude. Ça, oui. Bref, ma conversion en est une parce qu’elle est non-spectaculaire. Au final, elle est comme le mystère de la Croix de Jésus : grave et joyeuse en même temps.

 Après, mis à part l’interview que j’ai faite en 2011 pour la revue La Croix avec la journaliste Joséphine Bataille ainsi que mon témoignage à l’aumônerie de la UCO à Angers (le premier témoignage où je parlais ouvertement du lien entre mon homosexualité et ma foi) qui ont agi comme de véritables déclics pour que je me mette à être vraiment continent et à me sentir responsable de ma cohérence, je ne peux pas dire qu’il y ait eu un avant et un après conversion. D’ailleurs, je ne me présente ni comme un « ex-gay », ni comme un « repenti de l’homosexualité ». Je n’ai pas de grand miracle paranormal à raconter. Je suis tous les jours converti par le Seigneur, et j’ai toujours été croyant pratiquant. Je n’ai rien d’un obsédé de la continence. Je ne fais qu’essayer d’aimer l’Église-Institution, et c’est ça qui me rend juste et bon, intègre et solide comme un roc dans l’abstinence. Même si je présente la continence et l’amitié désintéressée comme le chemin le meilleur pour les personnes homosexuelles, je ne dis pas pour autant que le reste (= le couple homosexuel), « c’est de la merde » ou « c’est mal ». Le meilleur n’est pas l’ennemi du bien. Il est juste… mieux !

Certains me demandent comment j’ai fait pour « m’imposer » la continence. Ils ne se doutent pas que le plus dur dans celle-ci, ce n’est pas de la vivre : c’est de savoir qu’on doit la pratiquer sans la pratiquer concrètement, parce qu’on négocie encore trop avec l’enfant capricieux qui est en nous. Le plus dur, c’est aussi de continuer à s’imposer le poids de la croyance en l’amour homosexuel. Ça, c’est le vrai boulet de l’histoire ! Mais sinon, une fois qu’on est vraiment continent, on se dit : « Ah bon ? Ce n’était que ça ? ». Le joug du Jésus est léger, je le rappelle ! Je n’ai jamais été aussi simple et heureux que depuis que je suis continent et que j’ai renoncé aux sentiments amoureux homosexuels !

Finalement, le miracle indéniable dont mon parcours homosexuel peut être le signe, c’est que la pétasse homosexuelle décervelée, le fan de Lorie et de Céline Dion que je suis, se met maintenant à être écouté passionnément des évêques ! Ça, oui, ça tient du surnaturel ! La pierre de l’homosexualité qui était le caillou dans la chaussure de certains ecclésiastiques devient la pierre d’angle actuelle de l’Église ! C’est à peine croyable… Je suis une folle de Dieu ! Et l’Église s’en réjouit avec moi !

Ari-Baba et les 40 violés

TOUT MAIS PAS L’INDIFFÉRENCE


 
 

Il était une fois, dans un Pays arc-en-ciel merveilleux, un jeune homme homosexuel appelé Ari-Baba (bon, moi, en fait) qui était entré innocemment dans la caverne du « milieu homosexuel » pour y rencontrer l’Amour et l’amitié. Il entendait dans la bouche de beaucoup de ses frères tellement d’horreurs et de drames, voyait dans les bars et les revues de la presse gay tellement de célébrations de la violence et des machos violeurs, observait tellement de femmes violées magnifiées par les œuvres de fiction homo-érotiques, qu’il s’est dit : comment est-ce possible qu’un tel enfer, présenté sous forme de trésor scintillant des mille et une nuits, puisse être à ce point caché par les personnes qui le connaissent et qui seraient logiquement censées le dénoncer ? comment se fait-il que socialement, on ait remplacé la réalité du VIOL pour le terme inexpliqué d’« HOMOPHOBIE ».

 
 

Comme certains censeurs gay friendly et preux défenseurs de la lutte contre l’homophobie ne veulent pas me croire, je vais vous présenter dans le détail le cortège de témoignages des personnes proches qui m’ont parlé tout simplement de ce qu’elles ont vécu et de ce qu’elles vivent encore. C’est pour vous, mes amis blessés, que j’écris ces lignes. Pour qu’on ne vous réduise pas au silence sous prétexte que « les homos ne souffriraient pas plus que les autres ». Pour qu’on ne vous oublie pas, et qu’on ne se serve pas de l’étiquette « Homophobie » pour nier ce que vous avez vraiment subi, et qui est ignoble. Pour que vous respectiez aussi votre liberté de ne pas reproduire ce viol.

 
 

1 ) HOMOSEXUALITÉ ET VIOL : UN LIEN HOMOPHOBE ?

 

 

Comment ça ? On ne vous a pas mis au courant ? On ne vous a pas dit pourquoi il faut « un peu » arrêter d’applaudir au coming out des personnes homosexuelles comme on le fait, arrêter de banaliser l’amour homosexuel comme s’il était équivalent à n’importe quel type de relations humaines à deux sous prétexte qu’on l’appelle « Amour », arrêter de vouloir faire signer à une nation entière le « mariage pour tous » comme s’il allait de soi ? Moi qui ai amorcé depuis 10 ans une étude (qui n’en est qu’à ses balbutiements, en plus) sur les liens non-causaux entre désir homosexuel et viol, moi qui suis parfois le dépositaire de confidences d’amis homos ayant été abusés sexuellement dans leur enfance (j’ai écrit « 40 » mais en réalité, à ce jour, j’en connais 70, ce qui commence à faire beaucoup ! … mais comme ces révélations sont soumises en général au secret amical, tous ceux qui « savent » se taisent !), je vous demande pour une fois de redescendre sur Terre et d’ouvrir bien grand vos oreilles au lieu de jouer aux hypocrites ou de vous satisfaire de l’ignorance.

 

 

Pour qui se prennent-ils, tous ces défenseurs des « droits des homos », partant en guerre contre l’homophobie, et qui osent me juger comme « un dangereux homophobe » et me regarder d’un œil torve comme si j’étais un criminel, pour la simple et bonne raison que j’ose parler de ce lien (évident mais mal connu) entre viol et homosexualité, un lien dont personne ne parle, pas même les victimes concernées !?! On marche sur la tête ! Ce sont ces militants homosexuels, hétéros, bisexuels et friendly, les vrais criminels et les vraies personnes homophobes ! puisqu’ils ne considèrent pas l’homophobie telle qu’elle est : un acte de viol ! Ils nient les faits pour les détourner en matraque identitaire diabolisante. Ils ont transformé l’ACTE violent à l’encontre des individus homosexuels et au nom de leur orientation sexuelle (= l’homophobie) en ACCUSATION DE PERSONNES (= les homophobes), en scotch à mettre sur la bouche de tout contradicteur. Ils sont capables d’une violence inouïe pour préserver leurs images de marque et leurs utopies amoureuses personnelles, pour censurer ces réalités violentes dont une minorité d’entre eux a été victime, et pour désigner comme « homophobe » tout individu qui révèlera au grand jour leur petite comédie de la croisade contre l’homophobie. Honte sur eux ! Et honte à ceux qui me conseillent, face à mes recherches, de « parler d’autre chose que d’homosexualité » (parce que ce thème m’enfermerait et qu’on en ferait vite le tour), ou de « parler d’autre chose que du viol » (parce que ça dévaluerait l’homosexualité) ! Honte à ceux qui me demandent de me taire parce que ce que je peux dire, « même si c’est juste, donne du grain à moudre » à ceux qui font l’amalgame entre homosexualité et pédophilie, ou homosexualité et criminalité ! Honte à ces censeurs qui me musèlent et qui me haïssent parce que je donnerais une mauvaise image des couples homos, des cathos homos, et que je pousserais même des jeunes en quête d’une image positive de l’homosexualité au suicide ! Honte à ces chroniqueurs-radio qui ricanent derrière mon dos et gloussent à propos de mes « codes » qu’ils ne comprennent pas ! Honte à ces critiques qui disent que mes livres sont mal écrits, qu’ils sont trop universitaires, « à la limite de la probité intellectuelle », et que je me sers du thème sensationnaliste du viol pour faire parler de moi ! Honte à tous ces gens ! Leurs actes parlent contre eux ! C’est leur silence sur l’homosexualité qui tue véritablement nos frères homosexuels, et non ce que je dis sur le viol ! Ras le bol de ceux qui inventent aux personnes homosexuelles des « discriminations » (= le refus de l’accès des couples homos au mariage, par exemple) pour ne pas traiter des vraies discriminations et violences qui leur sont faites/qu’elles reproduisent parfois (= le viol) !

 

Leur faut-il un dessin pour qu’ils comprennent ? Ne voient-ils pas qu’ils se servent du Sida, de l’« Homophobie », du soi-disant « devoir de cohésion communautaire », ou de la course aux « droits des homos », comme autant de cache-misère pour nourrir leur propre homophobie intériorisée et continuer à haïr leurs « amis » homosexuels dans un parfait semblant de camaraderie ? Par leur désinvolture, leur mollesse, leur ignorance, leur relativisme, ils cultivent le déni et le mensonge. Je suis en colère devant tant d’hypocrisie sociale sur le viol, hypocrisie qu’ils nourrissent en prétextant toujours que ce sont les autres les fautifs et eux les victimes ! Oublient-ils que tout violeur a été victime avant de violer (même si, heureusement, à l’inverse, toute victime ne violera pas) ???

 

Certains ne me croient pas, me disent obsédé morbidement/homophobiquement par le lien (non-causal) entre viol et homosexualité. D’aucun trouvent que j’extrapole, et soutiennent que je suis une voix extrêmement minoritaire dans le « milieu homosexuel », et peu représentative de ma communauté. Ils ne comprennent pas que mon étude ne vient pas de moi (je n’ai pas été violé dans mon enfance, en plus), n’est pas qu’un point de vue personnel et isolé : je ne fais que rapporter ce que mes nombreux amis m’ont dit. Ce n’est pas parce que je suis un des seuls à en parler ouvertement qu’il n’y a personne à mes côtés !

 

Le sociologue Daniel Welzer-Lang, dans ses recherches, s’en était lui-même étonné : « À les écouter, il n’est pas abusif de parler de TABOU. Il ne s’agit pas seulement de honte. […] Comment expliquer que des hommes – qui pour certains ont lutté des années ensemble, revendiquant le droit de disposer de leur corps, de leurs désirs, des hommes qui, contrairement à d’autres mâles, ont pris l’habitude de se rencontrer pour parler d’eux, de leur vie la plus intime…– n’aient jamais parlé de ces scènes de viol entre eux ? Énoncent même qu’ils n’en ont jamais discuté avec leurs compagnons après plusieurs années de vie commune… Quel est le sens de ce tabou ? » (Daniel Welzer-Lang, Le Viol au masculin, 1988)

 

 

Selon moi – et surtout selon les faits réels –, le désir homosexuel est le signe d’un viol réel, j’espère minoritairement vécu, et plus largement d’un fantasme de viol, partagé par l’ensemble des personnes homosexuelles, sans exception. À ce jour, je ne connais pas d’individu homosexuel qui n’ait pas choisi comme modèle d’identification la femme violée cinématographique (autrement dit la féminité fatale) et/ou le super-héros macho asexué (Superman). Plus une personnalité connaît un succès phénoménal mais paradoxalement une vie privée et amoureuse désastreuse (elle a perdu tous les hommes de sa vie autour d’elle, elle s’est fait avorter, elle est suicidaire, elle a connu l’inceste ou le viol, etc.), plus elle a des chances de devenir icône gay ! Judy Garland, La Callas, Barbara, Dalida, Madonna, Mylène Farmer, Lady Gaga, si vous m’entendez…

 

Après, je ne fais du viol ni une cause ni une généralité de l’homosexualité. Je cite prudemment les statistiques[1]. Pas de raison par conséquent, et j’insiste sur ce point, pour tenir ou me prêter ce genre de syllogismes absurdes : « Toute personne qui a été violée deviendra homosexuelle. » ou « Toute personne qui est homosexuelle a été violée et violera. » En revanche, au nom des drames réels dont le désir homosexuel est le signe, la société n’a pas à applaudir ou à banaliser l’homosexualité. Même les sujets homosexuels qui n’ont pas été objectivement violés – et ils sont heureusement nombreux ! – ont cependant tous connu un effondrement identitaire pendant l’enfance (la psychanalyse parle parfois d’« effondrement narcissique du Moi ») qui présage, s’il n’est pas identifié, d’une recherche de violence. L’énonciation d’une homosexualité a été pour eux la résolution de leur peur d’exister, ou bien de leur sentiment d’être méprisés/peu considérés par leur milieu familial, scolaire, amical, social, vécu comme une dictature.

 

Dans le vécu des personnes homosexuelles, le viol n’est pas forcément un fait réel au départ. Il peut être le fruit d’une peur d’être aimé, d’un fantasme enfantin face à l’« enjeu de vie » de la génitalité, d’un rapport complexé à son corps… que quelques médias malveillants se sont accaparés. Par exemple, je sais combien le dégoût des hommes homosexuels pour le corps de la femme s’origine souvent dans les icônes cinématographiques de la féminité fatale, du danger sexuel. J’entends dans la bouche de pas mal de femmes lesbiennes cette peur-panique de la génitalité avec les hommes : elles parlent de « se faire prendre par les mecs » comme si tous les mâles étaient des violeurs en puissance. La plupart, avant de s’être dit « lesbiennes », ont un passé hétéro assez lourd.

 

 

Je tiens enfin à préciser que le désir de viol, même s’il est particulièrement marqué dans le désir homosexuel, n’est pas non plus spécifique au désir homosexuel ; il est humain, également partagé par les personnes hétérosexuelles (mais pas les couples femme-homme aimants) et tous les individus à la sexualité blessée. Il n’y a pas lieu d’homosexualiser le viol (l’homosexualité n’est que le signe particularisé de viols sociaux que s’infligent les hommes et les femmes) ni de totalement dissocier viol et homosexualité.

 

Dans les débats sur l’homophobie, n’ayez pas peur d’appeler un chat « un chat ». Vous devez oser prononcer l’impressionnant mot « viol », toujours en lui préférant la périphrase « fantasme de viol » (elle causalise et diabolise moins notre discours) car parfois, ce sont vraiment des viols qui ont été perpétrés. Être attachés aux faits réels nous permettra d’être véritablement aimants, quand bien même il s’agisse parfois d’approcher une réalité souffrante et des contextes dramatiques. Parler du viol en lien avec l’homosexualité ne revient certainement pas à « violer à nouveau », à « désirer le viol », à « (le) provoquer » ou à « en suggérer l’idée aux autres ». Pas plus que ce n’est « s’haïr soi-même », « juger les personnes », « vouloir le mal des homos », « voir le mal partout » et être « homophobe » ! Quand il y a souffrance objective, il est plus que nécessaire de la dénoncer et de la juger/condamner sans détour. Ceux qui m’accusent actuellement d’être un exemple typique d’« homophobie intériorisée » et de « non-amour de moi-même » parce que je dénonce les viols vécus par un nombre beaucoup trop important de personnes homosexuelles (on a tenu le même procès à Frédéric Martel quand il a sorti Le Rose et le Noir en 1996… donc ça va, je le prends bien !), avouent à leur insu leur déni : ils essaient de cacher l’homophobie (leur propre homophobie) à l’intérieur de moi, comme une boulette de papier froissée qu’on glisse de force dans une bouteille pour ne surtout pas la lire, la comprendre, la rendre publique, la faire leur. Oui, en effet, cette homophobie est bien intériorisée. Mais ils oublient de dire par qui ! Moi, je ne demande qu’à ce que leur papyrus, où est inscrit leur haine d’eux-mêmes illustrée par leur désir homosexuel pratiqué (et parfois par le viol qu’ils ont réellement vécu !), sorte de moi et soit lu à haute voix ! Je suis fier d’être « homophobe » tel qu’ils l’entendent… car être « homosexuels » comme eux, cela reviendrait à être véritablement homophobe !

 
 

2 ) TÉMOIGNAGES VIVANTS D’AMIS

 

Peu de temps après la création de mon site L’Araignée du Désert fin 2008, alors que j’étais l’un des pionniers du traitement public de la relation non-causale entre l’homosexualité-hétérosexualité et le viol, j’ai reçu un mail très long d’un pédopsychiatre, maintenant ami, qui est tombé par hasard sur mes écrits, et qui m’encourageait à continuer d’écrire sur le viol, à diffuser mon message, parce qu’il suit beaucoup de jeunes patients homosexuels ; et il m’assure que la plupart d’entre eux ont été violés ou ont subi des attouchements sexuels dans leur jeunesse. Quand je lis ce genre de témoignages, qui viennent à moi sans que j’aie eu à les réclamer, je respire, parce que le vent de censure sur la souffrance est tel dans la communauté homosexuelle actuelle qu’à certains moments, j’en arriverais à douter de moi-même, à me dire que j’y vais un peu trop fort en parlant du viol en lien avec l’homosexualité, même si j’ai toujours veillé à minoriser cette coïncidence à une poignée de personnes homosexuelles pour ne pas le transformer en généralité sur « les » homos.

 

Ce n’est pas la première fois qu’un professionnel de l’enfance et de l’adolescence m’interpelle vivement à ce sujet. Déjà, en 2010, dans un hôpital public de Paris, lors d’une prise de sang « de contrôle », j’avais sympathisé avec une infirmière spécialisée dans les maladies infectieuses, qui m’avait confié qu’elle voyait défiler une flopée de personnes homosexuelles dans son cabinet. Dès qu’elle a entendu le thème que je traite dans mes livres, elle m’a coupé la parole : « Vous ne pouvez pas vous imaginer le nombre de patients homosexuels que je rencontre ici et qui me racontent leur viol ! C’est hallucinant ! » Quand je me suis retrouvé à témoigner à Lille en septembre 2012, une autre femme, psychologue cette fois, présente dans l’assistance où je parlais, m’a donné raison à propos du lien entre viol et homosexualité : 3 des 5 jeunes homosexuels qu’elle suit en thérapie ont été violés. Dans cette même ville, j’ai eu l’occasion de rencontrer en vrai le psychanalyste Jacques Arènes : il m’a confessé en privé qu’il avait lui-même observé chez ses patients homosexuels un forcing dans l’initiation à l’homosexualité ou dans le passage à l’acte, un manque de liberté… mais que s’il en parlait ouvertement, il se ferait lyncher en place publique ! Cette peur des thérapeutes de dévoiler le viol homosexuel (ou viol sur personnes homosexuelles), bien logique puisqu’ils sont soumis au secret professionnel, avait déjà été similaire à celle de Freud qui, en son temps, avait préféré (parce qu’il sentait la patate chaude que constituait ce dossier !) remplacer, concernant l’homosexualité et ses patientes autrichiennes souffrant d’hystérie, la thèse du viol par celle du complexe oedipien !

 

Mais pas besoin de trouver ses sources nécessairement bien loin, du côté uniquement scientifique, ni de chercher les petites bêtes, pour tomber nez à nez avec le viol. De ma propre expérience, ça s’est toujours fait dans des contextes banaux et amicaux. Dernièrement, une amie de 45 ans, qui vit en couple depuis 10 ans avec une femme de 20 ans de plus qu’elle, me faisait la réflexion : « C’est incroyable, parmi mes amies lesbiennes, le nombre de femmes qui ont été violées… ». Un jour, un ami homosexuel quarantenaire, un brin provocateur, et tout à fait d’accord avec ma théorie du viol homosexuel, a voulu tester mes dires sur un forum de discussion gay sur NRJ. Il a balancé sur ce dial Internet la question « Qui a déjà été violé ? ». Sur les 400 connectés, il a reçu en quelques minutes au moins une dizaine de réponses positives !

 

À chaque fois qu’un ami souscrit à mes découvertes, je tombe des nues. J’ai beau y être préparé, je n’arrive jamais à m’y faire. C’est quand même fou. Entendre le mot « viol » est toujours violent. Je suis pris entre la révolte de devoir taire ces révélations par respect de la confidentialité, et l’immense joie de recevoir le cadeau de la confiance que je n’attendais absolument pas et qui m’est spécialement offert, même s’il concerne un sujet très grave. Alors au fur et à mesure que j’avance dans la vie, j’emmagasine les preuves d’amour, j’emmagasine… (dans mon coffret à araignées étincelantes)… et à un moment donné, je n’en peux plus de garder tous ces bijoux pour moi ! Il n’y a plus de place. Ça déborde ! J’en détiens, des secrets lourds, qui bien souvent sont ignorés du conjoint de ces mêmes amis (qui ne lui ont rien dit du viol qu’ils ont vécu !), au point que je passe parfois aux yeux de leur « partenaire » pour un dangereux « briseur de couples » ou un « fouteur de merde » si je tente ne serait-ce que de soulever un peu le couvercle de leur tambouille conjugale explosive ! Mais je sais de quoi je parle, puisque j’ai entendu les faits de mes propres oreilles, vu en cachette des amis me parler du drame de leur vie (que parfois ils banalisent pour « aller de l’avant », pour « croire en l’amour homo quand même »). Et ça, ça ne s’oublie jamais.

 

 

J’ai en tête cet ami de l’Île de la Réunion, qui m’a révélé qu’un de ses moniteurs l’avait attouché sexuellement, alors qu’il était encore adolescent. Je repense à cette amie non-homosexuelle qui me raconte qu’elle est sous le choc car sa meilleure amie d’enfance vient de lui révéler qu’elle est lesbienne : quand elles avaient 9 ans toutes les deux, elles se sont fait agresser sexuellement alors qu’elles jouaient ensemble dans leur immeuble. Je me souviens de cet ami homo, la trentaine, qui m’a dit qu’il a été violé par son entraîneur de sport à l’âge de 12 ans… et les faits n’ont jamais été prouvés. Il a craché le morceau au moment où, terrassé par le sommeil, je m’apprêtais à clôturer précipitamment notre dialogue informel sur Facebook. Quand on voit ce beau jeune homme de l’extérieur, personne ne peut se douter qu’il a été violé : il est drôle, masculin, apparemment bien dans ses baskets ; il m’a expliqué que s’il a mis autant de temps à lire mon livre, ce n’était pas parce qu’il était dur à parcourir, mais uniquement parce que « … ben voilà… ». Je garde en mémoire ce dîner en tête à tête avec un autre ami homo de mon âge, qui, pareil, me lâche sa bombe : il a été violé et abusé par son oncle quand il était petit (rebelote !). S’en suit le père d’une très bonne amie à moi, particulièrement efféminé, et qui a été abusé par un homme pédophile de son entourage familial proche : cette amie a découvert à l’adolescence l’homosexualité cachée de son père quand elle est tombée sur un numéro de Têtu planqué dans son bureau… Dans ce cas précis, l’agresseur a également nié le viol et n’a jamais été inculpé. J’ai le souvenir de cette femme lesbienne de quarante ans, qui m’a remercié d’avoir écrit mon livre, et qui est venue spécialement de Belgique pour me rencontrer à Paris : elle m’a révélé qu’elle a été abusée étant jeune par un oncle, puis violée par son propre mari quelques années plus tard. Je connais un ami prêtre dont le frère est homosexuel et a une amie lesbienne qui leur a révélé qu’elle avait été violée dans son adolescence. On m’a également présenté le frère d’un ami, homosexuel, qui est sorti avec un jeune homme violé. Je me souviens de ce récent dîner intime avec un autre ami homo de mon âge, un grand artiste, et fin psychologue : lui aussi m’a raconté qu’il s’est fait violer à l’âge de 11 ans : il tenait pourtant la main de sa mère dans le métro, mais un inconnu a quand même réussi à le masturber sans que personne s’en aperçoive. Je me rappelle de cet ami de mon âge, originaire des DOM-TOM, qui est l’exubérance et l’humour même… mais qui m’a révélé aussi qu’il avait été abusé par un moniteur de centre aéré quand il était jeune. Je me remémore ce groupe de parole sur la « prévention suicide » lors d’un grand rassemblement national de l’association David et Jonathan (JAR) durant lequel j’avais proposé qu’on réfléchisse sur les liens probables entre désir homosexuel et viol. Le responsable du débat m’avait sèchement demandé de me taire… mais à la toute fin de l’échange, quand tout le monde est parti, une jeune femme lesbienne est venue me remercier chaleureusement d’avoir osé dire tout haut son drame personnel : « Quand tu as parlé des personnes homos violées, j’ai failli lever la main et crier fort : ‘Moi ! Moi ! C’est ce qui m’est arrivé ! Il a raison !!’ ». J’ai encore en mémoire ce garçon de mon âge, rencontré sur Internet, et qui, alors qu’on dînait tranquillement dans un McDo d’Orléans (sur un air de Star Academy…), a fondu en larmes devant moi pour me raconter le viol social qu’il avait subi dans son enfance. C’était une vraie fontaine de pleurs, surprenante mais pourtant magnifique : « Au collège, on se foutait de ma gueule parce que j’avais les oreilles en parabole… On m’appelait Dumbo… » Je me souviens aussi de ce garçon homo de 26 ans que j’ai rencontré en 2011 dans un RER parisien de la ligne C qui me conduisait à une soirée entre amis en banlieue. Ce jeune homme, particulièrement maniéré, venait de changer de train et avait l’air complètement paniqué quand je l’ai vu débarquer dans mon wagon vide. Il n’a pas tardé à se confier à moi en pleurant. En fait, il venait juste de se faire violer dans une précédent train du RER B par un type qui l’avait immédiatement identifié comme homo, qui l’avait frappé, volé, et forcé à faire une fellation. Et face à l’horreur de la situation, la première chose que nous avons été capables de faire tous les deux – avant d’aller au commissariat –, c’est de pleurer ensemble un bon coup ! Il n’en était pas à son premier viol. Il les enchaîne, et est connu des services de police. Je garde aussi en tête le témoignage hallucinant de mon ami Brahim Naït-Balk, l’animateur en chef de l’émission « Homo Micro » sur Radio Paris Plurielle, auteur d’Un Homo dans la cité (2010), une autobiographie où il raconte comment il s’est fait violer à l’âge adulte par les jeunes caïds qu’il encadrait en tant qu’éducateur. Je me rappelle aussi de cet homme de trente-cinq ans qui était mon voisin inattendu de sièges d’une pièce de théâtre que nous regardions ensemble au Festival de Théâtre Gay et Lesbien de Paris. Quand je lui ai parlé du titre de mon livre, qui devait initialement être Désir homosexuel et viol, il m’a sorti d’un air jovial : « Tiens ! C’est exactement ce qui m’est arrivé ! » Cet homme vit depuis très longtemps en couple avec son compagnon, et s’était effectivement fait violer quand il était jeune. Un autre ami homo de mon âge, qui a dévoré tous mes livres, m’a révélé qu’il s’est fait violer quand il était ado : son premier coït homosexuel forcé s’est déroulé dans les toilettes d’un bar. Un autre pote homo m’a confié que deux de ses amis à lui (dont son propre petit copain) ont été violés. Sinon, un ami homo m’a fait connaître, lors d’un apéritif, un jeune homme homosexuel, un peu androgyne, qu’il avait vu faire le tapin au Bois de Boulogne à Paris, et qu’il avait gentiment hébergé le temps d’une nuit. Ce garçon portait encore les traces de maquillage de la veille, et dès qu’il a entendu le thème de mon livre – les liens entre désir homo et viol –, il a sorti précipitamment un papier et un crayon pour noter les références. J’ai compris qu’il vivait le viol de près, et quotidiennement… Je me rappelle de cet autre ami homo quarantenaire, que j’ai connu dans la ville d’Angers, qui a été battu par son père quand il était petit, et abusé par son médecin de famille. Il m’a avoué qu’une fois, il s’était même fait violer par son amant régulier. Je me souviens encore de cet « ami d’ami », également homosexuel, qui a été violé et qui tombe dans l’enfer de la prostitution. Par ailleurs, j’ai reçu plusieurs mails d’hommes homosexuels m’annonçant qu’ils ont été violés : un homme d’âge mûr et catho venant de région parisienne, un autre de quarante ans domicilié au Canada, un autre de mon âge et libanais qui a été abusé dans son adolescence. Je viens également d’entendre dernièrement le récit du viol d’un ami ecclésiastique qui a découvert son homosexualité sur le tard, et qui a été abusé sexuellement à l’âge de 8 puis 12 ans : il m’a confié cela en tête à tête dans un petit salon de son monastère. J’ai eu l’occasion également de déjeuner avec un homme un peu plus âgé que moi, qui m’a été présenté par un pote, et qui m’a révélé qu’il avait été victime d’un homme pédophile dans son adolescence. Sinon, un ami journaliste sexagénaire m’a laissé clairement entendre qu’il avait été violé étant enfant par un homme plus âgé que lui. Il y a aussi cet ami martiniquais noir de 60 ans, Jean-Claude Janvier-Modeste, qui m’a dit qu’il avait été violé à trois reprises dans sa jeunesse, à 7 ans, puis 10 ans, puis 14 ans, par différents adultes (un copain de son grand frère, un entraîneur, puis un inconnu). Il m’a expliqué que les viols pédophiles étaient pratique courante en Martinique à son époque. Et le plus ahurissant, c’est que lorsque je lui ai demandé, devant témoins (c’était à la soirée « Négritude et Homosexualité » organisée au Théâtre du Temps le 11 octobre 2011 et consacrée à la sortie de son roman semi-autobiographique Un Fils différent), s’il voyait un quelconque lien entre la découverte de son homosexualité et les viols d’enfance qu’il avait subis, il m’a répondu catégoriquement que « non ». Que faire face à un tel déni de réalité… ? Dans la série des amis jadis abusés par des prêtres (qui ne font, à mes yeux, pourtant pas office de généralité sur le clergé catholique, puisque les prêtres abuseurs, anciens abusés, sont extrêmement minoritaires), j’ai aussi cet ami quinquagénaire qui a été violé par surprise par son confesseur. Autrement, je me souviens de ce garçon de mon âge, à présent séminariste catholique, qui m’a écrit tout de suite après mon passage à l’émission Dieu Merci ! (du 20 mai 2011) pour me dire qu’il voulait volontiers faire partie de ma bande d’amis homos pour m’accompagner à la messe dominicale. Par la même occasion, alors que nous prenions un bain de soleil aux Jardins du Luxembourg, il m’a appris qu’il a été violé par un prêtre de 40 ans alors qu’il venait juste de passer à l’âge adulte et qu’il ne se savait pas encore homo… J’ai en tête cet ami de 26 ans (encore séminariste) qui m’a dit qu’il s’était fait violer et sodomiser à l’âge de 14 ans par un prêtre de 30 ans complètement saoul (aujourd’hui incarcéré). Je repense aussi à cet ami – maintenant marié et qui garde son homosexualité secrète – et qui m’a avoué qu’il a été abusé par un prêtre dans sa jeunesse.

 

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le viol peut venir également de la personne dite « passive », qui se place en victime, qui est parfois plus jeune que la personne qu’elle force au viol, qui dit explicitement vouloir être violée. N’oublions pas que le viol est un acte qui a lieu dans le cadre d’une RELATION de personnes (plus ou moins) libres (plutôt moins que plus, d’ailleurs) : il n’est pas des PERSONNES à isoler d’une relation, à diaboliser ou à innocenter totalement. Par exemple, un ami de mon âge, né au Brésil, m’a confié qu’il avait été abusé par un petit cousin très efféminé qui avait insisté pour qu’il le sodomise (l’inceste étant une pratique assez courante et banalisée dans son pays) : ce cousin était pourtant plus jeune que lui. L’acte pédophile n’est pas nécessairement opéré par un adulte sur un enfant : il peut se perpétrer entre deux adolescents du même âge qui, avec angoisse et maladresse, se sont masturber ensemble. Parmi mes amis qui ont été violés, deux insistent sur les images de sexes drus de leurs camarades qu’ils ont vus se masturber devant eux, et qui les ont fortement marqués. Par la suite, ils ont cherché à violer à leur tour, pour retrouver cet acte d’impudeur qui a blessé leurs yeux d’enfants.

 

Le désir de viol existe, et n’est pas qu’une invention/projection du violeur qu’il faut à tout prix mépriser. Un ami homo quarantenaire m’a dit un jour que parmi ses « plans sexe » réguliers, il s’était retrouvé face à un amant beaucoup plus jeune que lui, et qui le forçait à lui faire revivre des scenari où il le violerait (genre « Prends-moi ! Piège-moi ! ») Et oui ! Le violeur peut être aussi le soi-disant « passif » du couple. Je me souviens de cet autre ami gay, écrivain à ses heures perdues, fils de bonne famille, qui s’est fait agresser dans le métro parisien (un homme s’est masturbé devant lui), qui s’est fait caillasser dans la rue en présence de son copain parce qu’ils se tenaient à lui de manière ultra-hautaine, ou encore qui s’est fait piquer son bel appareil photo dans un train par un groupe de trois garçons – blancs, je précise – qui l’ont traité de « sale pédé ! ». En discutant avec lui de son attitude provocante et de son déhanché de mannequin dans la rue, j’ai appris qu’il « recherchait explicitement le viol ». Plus tard, il a même accepté de se prostituer sur Internet et de faire des fellations à des bureaucrates bossant à la Défense. J’ai également un ami trentenaire qui a si peu de volonté et qui s’auto-victimise tellement qu’il ne voit pas qu’il s’offre comme la pute de son quartier en libre : n’importe quel internaute qui passe chez lui et qui insiste pour coucher arrive à son but. Il n’a aucune résistance. Et quand, avec mes amis, nous allions avec lui dans un bar gay, nous lui découvrions à chaque fois plein de nouveaux « ex » ! Je me rappelle également, en 2002-2003, de tous ces garçons que je croisais en première partie de soirées dans le bar homo angevin du Cargo, qui étaient là d’abord pour des « plans soft » avec des clients… et qui, s’ils n’avaient pas trouvé chaussures à leurs pieds, passaient la deuxième partie de soirée à « tapiner » dans la nuit glaciale du grand parking de la Rochefoucault : ni moi ni eux n’osions nous regarder dans les yeux tellement le choc des soirées était glauque. Je me souviens enfin de cet homme du Québec, qui a été abusé parce qu’il est tombé dans un guet-apens, et qui m’a écrit ces quelques lignes le 4 avril 2011 dernier (prouvant qu’on peut très bien être violé tout en se retrouvant en apparences dans la position de « l’actif ») : « La question sur l’homosexualité me secoue depuis plus de 14 ans aujourd’hui. Depuis bien longtemps, j’ai voulu comprendre cela. Je n’en savais pas grand-chose, jusqu’au moment ou par faiblesse, peur, – je ne sais pas comment le dire – je suis tombé, je dis bien, je suis tombé dans un piège. Une personne adulte, de plus de dix ans que moi, m’a introduit dans ce monde d’homosexualité. La personne m’a violé, bien que ce soit moi qui jouais le rôle de l’homme… »

 

Pour ce qui est de mon vécu personnel, même si je n’ai pas été violé à proprement parler dans mon enfance, je pense avoir subi une agression perturbante en 5e au collège (tous les garçons de ma classe m’ont encerclé dans un coin de la cour). Et plus tard, à l’âge adulte, je sais que dans ma recherche amoureuse, les hommes qui m’attiraient physiquement étaient des hommes mûrs, virils et poilus, qui allaient me dominer. Des bad boys paramilitaires de films pornos, en somme. Je me suis fait prendre d’ailleurs à mon propre jeu dans la période 2009-2011, puisqu’avec un des garçons avec qui je suis sorti, et qui était aussi passif que moi, j’ai été forcé d’être actif génitalement (= scénario connu de « l’arroseur arrosé »… ou plutôt ici, du « violeur violé »). Lors d’un de nos ébats amoureux, il m’a obligé, sans rien dire, à le pénétrer analement sans que la situation me laisse trop le choix (« Si ! T’as envie ! » me disait-il). Et une fois que je l’avais sodomisé (alors que ce n’était pas du tout mon truc), j’ai vu qu’il essayait absolument de me/se persuader que j’étais « 100 % actif », que « j’avais bien caché mon jeu » (coquinou, va !) et que « j’avais adoré ça ». Mouaif… Toujours pas convaincu…

Enfin, il existe d’autres types de viols qui ne s’appellent pas ainsi, parce qu’ils ne concernent qu’indirectement le viol par pénétration génitale, le viol-délit. Ils ne cessent pas pour autant d’être des viols, même s’ils méritent plutôt de s’appeler « violences » : je pense au visionnage d’images érotiques à la télé, au chantage psychologique, à la pression ou l’absence de liberté, à l’abus de confiance, à la maltraitance physique familiale, aux vols, au harcèlement moral, à l’isolement amical, aux tentatives de meurtre, ou carrément aux assassinats. J’inclus dans le tableau des violences l’inceste et les rapports incestuels : même si ça fait cliché, de nombreux amis homos me racontent les assauts violents et inquisiteurs de leur mère possessive. Concernant tous les chantages soumis à la tyrannie du consentement mutuel, je voudrais mentionner aussi tous ses amis qu’on a acculé à sortir avec des mecs qu’ils n’aimaient pas vraiment, ou qui vont au sauna pour s’oublier dans des étreintes semi-forcées, semi-consenties. Le viol démarre souvent par la banalité, et prend en compte non seulement l’acte posé, mais le ressenti de la personne qui le pose/le reçoit. Je me remémore par exemple ce jeune scout zozoteux à qui un camarade a mis une main au cul, geste anodin qui l’a pourtant beaucoup perturbé.

 

Toute la violence « innocente » et les atteintes à l’Amour que peut créer le porno dans le cœur d’un enfant sont parfois très présentes dans l’émergence du désir homosexuel. Je repense à cette amie lesbienne de 23 ans, me racontant l’impact démesuré et désastreux d’un film porno qu’elle avait vu avec ses deux grands frères à l’âge de 4 ans, en cachette des parents (qui possédaient ce genre de vidéos…). Je garde aussi en mémoire cet ami homo de mon âge, qui s’entêtait à me dire qu’il ne comprenait vraiment pas pourquoi je faisais autant le lien entre viol et désir homosexuel (il n’y mettait absolument pas de mauvaise volonté, pourtant !). Il estimait en toute bonne foi qu’il n’avait pas été violé, qu’il n’avait connu aucun traumatisme et que tout allait très bien dans son vie. Pourtant, récemment, un souvenir d’enfance – d’une violence grosse comme une maison – lui est revenu en tête, et lui a fait dire que « peut-être » il avait été l’objet d’un viol : en effet, quand il était pré-adolescent, avec son grand frère, ils avaient visionné des K7 VHS où leurs parents s’étaient filmés dans des scènes sado-masochistes. Et après ça, il osait encore me soutenir que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes !

 

 

Beaucoup plus graves sont les violences physiques populairement appelées « homophobie ». Par exemple, en 2003, à Angers, un de mes amis sexagénaires, Jacques, a été retrouvé mort étranglé dans son appartement. Après enquête de la police (qui est même allée interroger les locaux associatifs LGBT angevins), il fut prouvé que le meurtre est survenu au cours d’un jeu amoureux qui a mal tourné. J’ai aussi rencontré des amis qui ont été victimes d’actes homophobes, et qui à chaque fois endossaient une part de responsabilité dans l’agression, puisque soit ils avaient dragué par leur agresseur (par exemple, une de mes connaissances, assez allumeur, s’est fait balancer du haut d’un pont dans le fleuve de la Maine à Angers par un passant qui lui avait demandé du feu), soit ils sortaient d’un lieu de drague homo (ils se faisaient choper par des inconnus qui les avaient guettés à la sortie des bars gay), soit ils affichaient une fragilité suspecte qui, loin d’avoir provoqué le viol, l’a indirectement appelé car elle a fait écho à la fragilité sexuelle de leur violeur. Par ailleurs, un bon nombre de potes m’ont raconté aussi les vols d’objets que leurs amants de passage ont perpétrés à leur domicile… sans parler de ceux qui se sont fait harceler par téléphone par leur « ex » (qui se faisait passer pour un flic auprès de leurs parents pour leur soutirer des informations), ou bien ceux qui se sont fait courser en bagnole par lui ou suivre en filature. Les vrais scenari de films !

 

 

Je pense enfin à tous ceux qui, comme moi, au départ, n’étaient pas pré-destinés à violer/désirer être violés parce qu’ils n’ont effectivement pas été violés dans leur enfance, parce qu’ils ont grandi dans des draps de soie, parce qu’ils sont connus pour être des crèmes de garçons, et que l’idée même d’être dominés en « amour » ne leur effleure pas l’esprit… mais qui, de par leur fuite du Réel, leur manque de confiance en eux, leur idolâtrie des médias, se mettent, une fois arrivés à l’âge adulte, à rechercher des modèles amoureux de type « violeurs », qui pallieront à leur manque-à-être ou à leur fuite d’eux-mêmes. C’est exactement mon cas. Et je le vois aussi autour de moi. Par exemple, j’ai un ami homo de mon âge qui se salit dans des lieux de baise, et qui m’a avoué qu’il se reconnaissait exactement dans ma description du discours intérieur de l’homme qui s’auto-persuade que finalement « il l’a bien cherché et qu’il a aimé ça ». J’ai en mémoire un de mes anciens élèves de terminale, un garçon très efféminé, qui a sûrement grandi dans du coton (comme moi), qui était très ami des filles de sa classe, et qui, à défaut d’avoir été violé dans son enfance, se lançait pourtant dans une recherche amoureuse de type violent. Quand j’ai lu son « post » Facebook, son cri de révolte (« Mais pourquoi est-ce qu’ils me prennent tous pour une pute ? »), j’ai compris que si le viol n’avait pas précédé son coming out, il l’avait à coup sûr succédé. J’ai aussi parmi mes potes homosexuels un garçon particulièrement maniéré, qui s’offusquait dès que je parlais du viol en lien avec l’homosexualité : il ricanait… jusqu’au jour où j’ai deviné, sans qu’il m’en parle, qu’il avait été maltraité à l’école et que dans ses « plans cul » il mettait en scène des viols. Un jour que je me trouvais à la librairie parisienne LGBT Les Mots à la bouche, un jeune prof de lettres de mon âge, d’apparence fragile et sophistiquée, est venu m’accoster pour me draguer ouvertement : j’ai découvert que ce garçon bien sous tous rapports, était adepte des plan SM (Sado-Maso) où il était violé, dominé, maltraité. Il m’a même montré fièrement le collier piquant et la laisse canine que venait de lui offrir son copain du moment ! Voyez-vous, il ne suffit pas de faire son coming out ou bien d’avoir été nécessairement violé pour désirer le viol : c’est parfois l’effondrement identitaire, la panne de personnalité, ou le manque de liberté, qui sont à l’origine du fantasme de viol homosexuel.

 

 

Pourquoi ne sait-on pas tous ces liens entre homosexualité et viol ? Parce que le viol n’est pas un acte totalement subi, totalement dénué de liberté. Tous les cas que j’ai cités sont peu connus et reconnus par les victimes elles-mêmes (qui parfois n’ont même pas parlé du viol à leur propre compagnon de vie !) pour des raisons diverses. La dénonciation du viol a toujours été très difficile à faire car d’une part le viol est un fait caché et honteux prenant l’apparence d’un bien, et d’autre part sa dénonciation peut foutre un bordel-monstre dans les familles, les cercles amicaux et la société. N’oublions pas que le violeur n’est en général pas un étranger, mais un proche parent. Parler du viol demande une énergie phénoménale à la victime qui veut le dénoncer. De plus, le viol a du mal à être prouvé tant il est nié par l’agresseur et justifié par les bonnes intentions. En effet, la victime du viol a pu, par stratégie de survie, banaliser l’agression et ré-écrire les faits sous forme de jolie romance, en donnant crédit aux sentiments et aux cadeaux de son bourreau, ou en lui attribuant au moins la découverte de son homosexualité (« Si j’ai joui, c’est que j’ai quand même aimé ça, quelque part… L’homme qui m’a initié à la génitalité m’a révélé mon attrait pour les garçons, finalement. »). Et puis humainement il n’a jamais été facile, a fortiori à un âge où on a peu de recul, de remettre en cause une violence ou un manque de liberté, surtout quand socialement ces derniers sont remplacés par les mythes sucrés et politisés de « l’identité homosexuelle », de « l’amour homosexuel merveilleux » et de « l’homophobie » (le mot-épouvantail qui renvoie au viol sans même le dénoncer !).

 

Alors s’il vous plaît, amis lecteurs, concernant le désir homosexuel, ne causalisons pas le viol en l’homosexualisant, mais n’ignorons pas non plus son existence, minoritairement en tant que fait réel, majoritairement en tant que fantasme. C’est la plus belle assistance et amitié que vous nous offrirez à nous, personnes homosexuelles. Votre indifférence bienveillante et gay friendly qui nie nos souffrances et nos drames intimes, nous n’en voulons pas ! Que lumière soit faite sur la caverne de nos viols, fantasmés et parfois réels ! Foi d’Araignée.

 
 

N.B. : Cet article est étroitement lié aux codes « viol » et « homosexuel homophobe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Je vous suggère de compléter votre lecture par ces deux articles capitaux.


 

[1] Par exemple, le chercheur américain David Finkelhor affirme que les garçons agressés avant l’âge de 13 ans auraient quatre fois plus tendance que les autres à revivre des expériences homosexuelles (David Finkelhor, « Four Pre conditions : A Model », dans Child Sexual Abuse : New Theory and Research, 1984). D’après une enquête menée par le magazine gay The Advocate (n° 661-662, 23 août 1994) auprès de ses lecteurs (2500 questionnaires en retour), 21 % des répondants considéraient en effet avoir été victimes d’abus sexuels avant l’âge de 16 ans. « Les personnes ayant déjà eu des pratiques homo-bisexuelles ont beaucoup plus souvent que les autres subi des rapports sexuels contraints (tentatives ou rapports imposés) : 45,4 % des femmes homo-bisexuelles contre 14,9 % des femmes hétérosexuelles, 23,9 % des hommes homo-bisexuels contre 3,9 % des hommes hétérosexuels. » (Enquête sur la sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, p. 262) ; « Les personnes qui ont eu des partenaires du même sexe déclarent beaucoup plus de rapports forcés que les personnes qui n’ont eu que des partenaires de l’autre sexe. Ainsi, 44 % des femmes ayant eu des rapports homosexuels dans leur vie déclarent avoir subi des rapports forcés ou des tentatives (contre 15 % des hétérosexuelles), dont 31 % avaient moins de 18 ans la première fois ; c’est le cas de 23 % des hommes qui ont eu des rapports homosexuels (contre 4,5 % des hétérosexuels), dont 15 % avaient moins de 18 ans la première fois. » (idem, pp. 385-389)

 

Faut-il être nécessairement antipathique pour « être » lesbienne ?

(Je précise avant de commencer que cet article ne traite pas uniquement des femmes lesbiennes « butch« , c’est-à-dire cultivant un genre masculin : il parle et s’adresse justement aussi aux femmes lesbiennes féminines. J’apporte cette précision au cas où certains voudraient se désolidariser de mes propos du simple fait qu’ils s’imaginent que l’antipathie lesbienne serait exclusive aux femmes lesbiennes camionneuses et proportionnelle au degré de masculinité que les femmes lesbiennes cultivent. On peut être une femme lesbienne féminine ET antipathique : si si)

 

 

Rien qu’avec un titre pareil, je risque de me faire taxer de connard lesbophobe et misogyne d’office. Et j’en frétille d’avance !… car par son aspect caricatural et volontairement absurde, il est tellement une fausse question qu’il mérite à peine qu’on y réponde. Cette interrogation est plutôt faite pour qu’on l’encadre dans les toilettes afin d’amuser ceux qui tomberont par hasard dessus, pour qu’on la soumette en tête à tête à chaque femme qui se dit lesbienne pratiquante, comme une « grosse blague pas drôle » permettant de s’afficher mutuellement nos dentitions qu’on croyait à tort catastrophiques et laides, comme une réelle occasion amicale de démasquer un rôle, des peurs, des complexes, une blessure, une fausse assurance, la théâtralité de notre misandrie (= la haine des mecs) et de notre misanthropie (= la haine des humains en général). Oui, ce titre, tout provocant et piquant qu’il semble être, s’il est accueilli sans révolte et compris dans son second degré, peut dérider, mine de rien, beaucoup de gens qui se prennent trop au sérieux, et desserrer bien des string ! Moi, j’y crois !

 

 

Rassurez-vous, je ne pense pas qu’il faille être obligatoirement désagréable pour se dire lesbienne. Je connais suffisamment de femmes lesbiennes délicieuses, sympathiques, et ayant du recul sur la « Goudou Attitude », pour en être persuadé, et oser avec elles la correction fraternelle. En revanche, que ma question, sans être une affirmation, induise aussi un coup de gueule sérieux, une dénonciation face à une tendance comportementale inadmissible que j’ai observée à diverses reprises, et qui ne stigmatisera pas pour autant une catégorie de personnes précise (« les » lesbiennes, en l’occurrence), pas plus qu’elle ne dressera de généralités sur le lesbianisme, je ne peux pas le nier ! J’ai des choses à dire à mes camarades lesbiennes. Qu’elles le prennent mal ou non, j’ai des choses à leur dire.

 

 

Mal baisées, celles qui s’autodésignent parfois comme « gouines » ? Pas baisables ? Disgracieuses (voire carrément moches) ? Féministes radicales ? Vulgaires ? Crades ? Sans gêne ? Chiennes de garde ? Percées et tatouées de partout ? Croqueuses d’hommes et de femmes ? Putes ? Prostituées ? Rebelles ? Bûcheronnes ? Pas super drôles et affables ? Peu féminines ? Rondouillardes ? Droguées ? Alcooliques ? Brutales (voire criminelles) ? Mythomanes ? Possessives et psychopathes en amour ? Sadomasos ? Sauvages et indépendantes ? Bobos ? Bisexuelles ? Mal dans leur peau ? Autoritaires ? Femmes à poigne « ayant réussi l’amalgame de l’autorité et du charme » ? Ni oui ni non. Comme tout cliché attribué à des êtres humains, il contient une part de réalité qui ne sera jamais personnifiable, généralisable, absolue, mais juste probable, actualisable selon qu’on l’affronte ou pas. En revanche, trouillardes, bourrées de complexes, crispées, et pour le coup, possiblement agressives, là, je dis oui. Comme pour toute personne humaine qui joue la fière et la dure pour nier ses souffrances.

 

 

Les femmes lesbiennes, à l’instar des féministes et des prostituées, sont une catégorie de femmes qui nous prouve qu’on peut tout à fait être machiste sans être un mec. Le machisme, ce n’est pas fondamentalement une question de genre sexué. Il est humain, et peut être porté aussi bien par des hommes que par des femmes, d’autant plus les femmes lesbiennes, qui sont connues pour cacher leurs fragilités sous une carapace d’assurance cinématographique machiste. Le machisme n’est pas autre chose que la négation/diabolisation de ses limites et de ses faiblesses humaines, qui se résout généralement en refus de l’altérité sexuelle et en viol. Si l’accouplement lesbien ne dégageait aucune violence, il n’aurait pas envahi à ce point-là l’univers machiste du porno. Si les couples lesbiennes étaient vraiment aimantes et douces, elles auraient accueilli la différence des sexes ; elles favoriseraient davantage la mixité dans leurs cercles relationnels amicaux et amoureux, ce qui n’est franchement pas le cas. Minorité dans la minorité, elles jouent de leur double statut d’« exclues » (en tant que femmes et en tant que lesbiennes) pour s’isoler encore plus des hommes non-homosexuels (et des hommes gay en particulier), et pour radicaliser/consolider leur sexisme. Beaucoup d’entre elles n’ont aucune sympathie pour les « folles », ni pour les hommes que les personnes gay représentent. En général, ces derniers ne gardent de la femme lesbienne que l’image d’une Josiane Balasko qui les bouscule dans les bars sans même s’excuser, qui ne leur adresse pas la parole quand elle débarque dans leur groupe d’amis, qui ne fait la bise qu’aux filles (véridique ! C’est du vécu), qui les chasse de leurs universités, colloques, week-end « entre filles », festivals de cinéma, réseaux de rencontres, … sans parler de leur sexualité (cela va de soi !).

 

 

Que les choses soient claires. Si le couple lesbien (tout comme le couple gay) et les femmes lesbiennes ont du mal à être acceptés socialement, et font violence à beaucoup de monde, ce n’est pas pour des prunes. Le couple lesbien est le signe d’une exclusion radicale : une exclusion non de la féminité (il y a des femmes lesbiennes très féminines, baptisées fem), non de la maternité (il existe des femmes lesbiennes qui sont mères), mais de la différence des sexes désirante, autrement dit de LA condition de notre existence et de notre bonheur sur Terre. Une exclusion de l’autre moitié de l’Humanité, excusez du peu ! Et ça, c’est objectivement violent et discriminant, que les femmes lesbiennes le reconnaissent ou non. Par conséquent, que les héritières des belliqueuses amazones ne s’étonnent pas de susciter ensuite l’indignation autour de leurs couples, de s’attirer les foudres de leurs contemporains, et de passer pour violentes, iniques et antipathiques !

 

À leur décharge, il faut bien reconnaître aux femmes lesbiennes une inégalité de traitement et de nature avec les hommes, et au lesbianisme une précarité qui peut rendre les couples lesbiens objectivement plus fragiles, moins crédibles, et par conséquent plus volontaristes et plus agressifs que les couples gay (… encore que, au bout du compte, cette inégalité est une illusion d’optique, car la violence vécue dans les couples d’hommes sera tout aussi présente, sauf que cette fois, elle ne viendra pas de l’autre sexe : elle s’effectuera entre amants de même sexe. Dans les cas gay comme lesbien, on voit que ce n’est pas la différence des sexes qui fait violence, mais le rejet de celle-ci par l’homosexualité pratiquée). Mais en effet, à priori, comparé aux couples lesbiens, les couples d’hommes ont moins à subir de sollicitations à changer de bord (ils sont par exemple peu exposés aux viols correctifs de la part des membres de l’autre sexe : s’ils se violent, ce ne sera qu’entre eux ; par ailleurs, ils ne se font pas lourdement draguer en boîte), moins à prouver leur homosexualité (du fait de la soi-disant « passivité » des femmes par rapport à la soi-disant « activité » des hommes lors des coïts humains classiques ; du fait aussi de la plus grande capacité des femmes à simuler pendant l’acte sexuel – un homme qui ne bande pas devant la femme avec qui il couche, c’est plus décisif et problématique !), moins un passé « hétéro » à porter (contrairement aux filles lesbiennes, la plupart des garçons gay n’ont jamais goûté à une fille avant de se lancer tête baissée dans des relations amoureuses exclusives avec leurs semblables). De plus, on considèrera davantage le lesbianisme comme une passade, un entêtement gratuit, un caprice, une ignorance des plaisirs de la sexualité dite « naturelle », que l’homosexualité masculine. Socialement, on accorde aux couples d’hommes, à tort j’en conviens (c’est juste qu’ils sont anatomiquement plus armés pour cacher/justifier leur fuite de la différence des sexes), plus de crédit qu’aux couples de femmes parce que les accouplements des femmes entre elles sont par nature moins excluants que les accouplements d’hommes (par exemple, dans les films pornos, les ébats lesbiens ne sont en général qu’un gentil préliminaire pour laisser place à l’achèvement de l’orgasme par l’homme ; à l’inverse, on imagine mal le coït entre hommes conclu par l’arrivée d’une femme ! : en cela, l’homosexualité masculine donne l’illusion, dans l’inconscient collectif, d’être beaucoup plus achevée, irréprochable, indiscutable, que l’homosexualité féminine). Cela dit, la fragilité du lesbianisme, même si elle est plus visible, et apparemment plus disqualifiée socialement que l’homosexualité masculine (qui sera autrement plus fragile et qui se disqualifiera d’elle-même), n’excuse en rien l’agressivité misandre et sexiste de certaines femmes lesbiennes : les hommes n’ont pas choisi d’être homme, pas plus que les femmes n’ont choisi de naître femmes, jusqu’à preuve du contraire ! Je ferme ici la parenthèse de la victimisation des unions saphiques.

 

 

Même si les femmes lesbiennes ne sont bien évidemment pas toutes infectes du point de vue de l’attitude et du comportement (d’ailleurs, au final, je constate qu’elles ne deviennent désagréables que lorsqu’elles pratiquent leur homosexualité ; alors que prises individuellement, elles sont des filles géniales, agréables, drôles, libres, beaucoup plus épanouies que lorsqu’elles se forcent à vivre en couple lesbien), j’en connais un paquet qui sont râleuses, agressives, pessimistes, amères, grognonnes, mécontentes, rarement joyeuses (vous avez déjà réussi à voir un sourire radieux sur le visage d’une Caroline Fourest, par exemple ? Le jour où ça arrive, téléphonez-moi : 06 84 26 15 58), sexistes, misandres, racistes, franchement hautaines, désagréables, parfois hystériques et brutales, sans humour, opportunistes (souvent, elles se rapprochent des garçons uniquement quand ils peuvent leur servir d’appât pour draguer une fille en soirée, ou bien par intérêt matériel, législatif, professionnel, ponctuel). Il n’est absolument pas question ici de jugement de personnes, de considérations de nature ou de beauté physique (un laideron peut être beau uniquement parce qu’il est aimable) : je ne parle que de laideur d’attitude, que de mauvais usage de sa liberté, et de comportements. Quand je me retrouve face à une femme lesbienne désagréable, au bout d’un moment, j’ai juste envie de la regarder dans le blanc des yeux (quand c’est possible… car c’est souvent un bel exploit d’arriver à capter un regard aussi fuyant que le sien !), et de lui dire : « C’est QUOI, ton problème ? Est-ce qu’il faut que la Terre entière, et les méchants ‘mâles’ que je représente visiblement à tes yeux, paient pour ta mauvaise humeur, et surtout ton mépris de toi-même parce que tu diabolises tes fragilités ? Ça va durer combien de temps, ta comédie, ta peur des hommes, ta sacralisation des femmes, ton jeu de « fausse dure » que rien ne touche ? »

 

L’antipathie d’indifférence que l’on retrouve chez beaucoup de femmes lesbiennes (même si elle n’est pas propre au lesbianisme : faut pas exagérer non plus) s’explique assez bien : l’attirance amicale qu’aurait créée l’attraction sexuelle avec les membres de l’autre sexe n’est plus là. On se rend vite compte qu’entre femmes lesbiennes et hommes gay, ce manque de complémentarité symbolique des désirs sexuels influe même dans la qualité des relations simplement amicales. Chacune des parties a l’impression de passer bien après la recherche d’amant(e)s de l’autre, et de servir de « bouche-trou » lors des soirées. Pour le coup, la déférence gay envers les femmes lesbiennes vire souvent à une parodie de galanterie ou de copinage, qui indique parfois l’existence des braises d’un incendie qui ne demande qu’à s’étendre. La femme lesbienne et l’homme homosexuel simulent l’harmonie parfaite. En réalité, ils ne font que différer le moment de leur affrontement réel. Tant que leurs conquêtes pour les « droits sociaux des homos » ne cesseront de s’accumuler, ils joueront la comédie de l’amitié. Une fois qu’ils n’auront plus besoin l’un de l’autre et qu’ils auront souri ensemble pour la photo, ils risquent de se jeter/s’anéantir mutuellement s’ils ne travaillent pas ensemble à démasquer les ambiguïtés violentes de leur désir homosexuel. C’est déjà ce qui est en train de se produire, rien qu’en observant le fossé grandissant qui s’est creusé en seulement dix ans entre la communauté gay et la communauté lesbienne, qui passent de moins en moins de temps ensemble, dans des lieux communs.

 

 

« Quel gâchis ! » serais-je alors tenté de dire. Pas dans le sens génital ou conjugal de l’expression, mais déjà simplement amical et humain. Car l’agressivité réciproque entre femmes lesbiennes et hommes gay, ou même l’indifférence mal lunée/apathique de beaucoup de femmes lesbiennes à l’égard de leur entourage, signent toujours un constat d’échec de l’amitié, une victoire de l’isolement, de la misanthropie, et de la peur… et ça, c’est un peu désespérant. Pourtant, à de rares occasions, et dans le privé, il arrive que quelques femmes lesbiennes expriment le besoin d’avoir une bande d’amis garçons, même si elles soupirent à chaque fois qu’elles voient débarquer les groupes de « mâles » dans « leurs » bars.

Alors, oui, même si l’exclusion qui sévit dans le milieu lesbien, et qui surgit du milieu lesbien, ne m’empêche pas de dormir, j’ai envie de croire en cette « fausse indifférence » à l’encontre de la différence des sexes dont parlent la psychanalyste Virginie Mouseler, ou encore l’écrivain Philippe Besson dans son roman Un Garçon d’Italie (2003).

 

Et je finirai mon papier par une « spéciale dédicace » à nos amies lesbiennes qui me lisent à présent et qui auront eu le courage surhumain (l’humour surtout !) d’arriver jusqu’au bout de ce Phil de l’Araignée :

 

Les filles, ne vous sentez pas obligées d’être antipathiques et de jouer les bad girls pour (vous) plaire : ce n’est ni esthétique, ni séduisant. Je vous dis cela à la fois ironiquement et très sérieusement, parce que, aussi paradoxal que celui puisse paraître, beaucoup d’entre vous nourrissez l’illusion que le mal/mâle sur votre corps de femme est magnifique (comme moi j’ai longtemps imaginé que l’imitation de la femme-objet fatale et hautaine sur mon corps d’homme était beaucoup plus attrayante que ma propre sexuation, et qu’elle sublimait cette dernière). Cessez de croire que la noirceur de la courtisane saphique, du cow-boy statique et glacial, est la plus belle déclaration d’attraction qui puisse exister entre filles (« Les lesbiennes font la gueule pour draguer. », cf. la revue Têtu, n° 127, novembre 2007, p. 108), que la méchanceté machiste est d’un esthétisme ravageur. Je vous assure que tout cela est une illusion d’amour et de séduction : pour plaire et aimer vraiment, la grâce et la gentillesse, ça marche tout aussi bien (… voire mieux !). Il paraît même que ça facilite et adoucit la vie 😉 Alors si on n’arrêtait, au moins un court instant, tous ensemble, la comédie de la condescendance sexiste ?

 

Je suis plus gay friendly que ces militants-là !

Je suis plus gay friendly que ces militants-là !

 

 

Tout comme il existe beaucoup plus de Noirs racistes qu’on n’imagine, je ne rencontre quasiment que des personnes homophobes parmi les personnes homosexuelles de mon entourage, et ceci d’autant plus parce qu’aucune ne semble faire le lien (pourtant logique) entre adoration de soi et haine de soi. Sans doute sont-elles trop occupées à se sacraliser elles-mêmes et à s’innocenter dans la victimisation, trop focalisées sur leurs « bonnes » intentions et leur combat pour les « droits des homos » plutôt que sur la réalité, pour s’aimer vraiment elles-mêmes et se voir agir/parler… Méfiez-vous donc de l’homophobie inconsciente des soi-disants « plus grands défenseurs homos de l’homosexualité ». Elle est redoutable. Pas pour les autres. Mais d’abord pour eux-mêmes et leurs « semblables ». Méfiez-vous de ceux qui vous veulent du bien sans le faire.

 

Contrairement aux apparences ou à ce que j’ai pu entendre dernièrement d’ « amis » homos qui voient d’un très mauvais oeil mes investigations sur l’homosexualité, ou bien le lien – insensé et douteux à leurs yeux – que je fais entre ma foi catholique et mon désir homosexuel (ou entre fantasme de viol/viol réel et homosexualité : pour eux, un pur délire paranoïaque…), je suis bien plus pro-gay que la grande majorité des personnes homosexuelles. Je le clame haut et fort. Non pour cultiver un paradoxe identitaire provocateur et faire mon intéressant ; mais juste parce que je pense que c’est vrai. En essayant, par mes travaux et mes prises de position (que peu de mes pairs cherchent à comprendre et à découvrir) de dire aux personnes homos les limites de leur désir homo et de leur(s) amour(s), en les aidant à comprendre leurs créations artistiques et leurs propos, en mettant en résonance et en lien leurs vécus, en les invitant à s’écouter elles-mêmes et à se respecter plus, je fais davantage oeuvre de salut de l’homosexualité que tous ces gens – les membres de la communauté homo en première ligne – qui applaudissent à l’homosexualité sans réserve, et qui, au moment où l’on s’y attend le moins, retournent leur veste et se montrent d’une cruauté homophobe sans nom. Certains militants LGBT – que je côtoie maintenant de près grâce à des réseaux associatifs explicitement homosexuels -, qui se croient très gay friendly et homosexuels assumés du simple fait de défendre aveuglément une identité homosexuelle et un amour homosexuel qu’ils ne questionnent jamais (défense qui, en plus, s’est révélée historiquement désastreuse pour la communauté homo : les camps d’extermination nazis « pour homosexuels » suite aux thèses essentialistes et très « gay friendly » d’Hirschfeld, ça vous dit quelque chose ? et quid de l’effacement progressif de la spécificité du désir homosexuel dans la pensée « gender » et « queer » actuelle ? et la défense égalitiste et libertaire des « droits des homos » opérée au nom de tous les personnes homosexuelles à qui on n’a pourtant jamais demandé l’avis réel et dont on ne tient pas compte ? et la défense eugéniste et pourtant « pro-gay » d’un gène homo pour prouver que l’homosexualité n’est pas une anomalie ni un choix ? et que dire des outing via l’encouragement « généreux » et pressant au coming out ?), commencent ces temps-ci à me soupçonner de plus en plus d’homophobie. D’où viennent ces accusations infondées ? D’une part, je crois que ces fondamentalistes du désir homosexuel sentent inconsciemment et à raison que je suis 100 fois ami des personnes homos qu’eux, et que par mon amour/ma connaissance de la culture homosexuelle je suis capable de prouver leur homophobie inconsciente et l’incroyable censure qu’ils exercent sur la production artistique et intellectuelle de leur communauté. Et d’autre part, je pense qu’ils ne supportent pas de voir que leur amour des personnes homos est bien plus intentionnel qu’effectif. C’est en effet tellement contradictoire et douloureux d’admettre qu’on est son pire ennemi, qu’on aime mal quand on aime trop, et qu’on se cache derrière l’affichage de prétentions pro-gay sans consistance pour mieux se haïr soi-même à travers le soutien de ses soi-disant « camarades » qu’on ne cherche pas à connaître et qu’on n’aime que de loin…

 


 

Ces militants LGBT zélés et convaincus du bien-fondé indiscutable des « actions » de leur(s) Front(s) de Libération, ces animateurs-radio « bénévoles » (mais qui paradoxalement ne sont pas du tout là gratuitement, dans un esprit de service), ces journalistes de la presse communautaire (cyniques et insipides), ces porte-drapeaux d’une opérette nommée Gay Pride, ces libraires lâches et inquisitoriaux (qui se permettent de mettre à l’index des oeuvres qu’ils jugent « homophobes » pour ne privilégier que les navets narcissiques d’auteurs homos qui n’intéressent personne et qui vendront « beaucoup » juste le temps d’une rentrée littéraire), ces pseudos intellectuels/artistes qui croient défendre la culture homo de tout leur coeur (parce qu’ils côtoient des « stars » et empilent dans leur bibliothèque des ouvrages qu’ils ne questionnent pas au-delà de leurs petits goûts et leurs « impressions de 4ème de couverture ») mais qui en réalité en sont les premiers censeurs, me traînent en procès d’homophobie… alors que ce sont eux les véritables personnes homophobes ! Ils n’y connaissent pas grand-chose à la culture homo, appauvrissent les oeuvres qu’ils « lisent » (de travers) pour n’y entendre que ce qui les rassure, et vont diaboliser les seules consciences qui leur montreront leur auto-censure homophobe en les traitant d’ « homophobes » et en cherchant dans l’entourage de ces dernières les amitiés suspectes pour les diaboliser. Ceux qui ont vraiment lu mes écrits savent que je défends la culture homo comme personne. Ceux qui me voient en présence de mes amis homosexuels savent que non seulement je ne suis pas homophobe, mais que de surcroît je suis plus gay friendly qu’eux, que j’ai plus à coeur de les unir qu’eux, que j’ai la blague et la convivialité faciles, que je n’ai aucun complexe à me dire homo et à entrer en contact avec mes semblables d’orientation sexuelle (contrairement à eux qui se disent en général « hors milieu », anti-efféminés, anti-clichés homos, anti-ghetto gay, qui n’organisent jamais de soirées, et qui se haïssent sans se déclarer encore une guerre ouverte), que j’aime le Marais et les gens qui s’y trouvent, que je crois plus que la grande majorité d’entre eux en la force de l’amitié entre personnes homosexuelles. J’ai vu, à travers mes deux années à la radio, l’ignorance, et surtout la complaisance dans l’ignorance, de ces militants homosexuels qui se présentent comme les défenseurs de leur communauté, mais qui concrètement ne font rien pour l’aider à sortir de la victimisation, qui ne cherchent pas à comprendre le désir homosexuel tel qu’il est (dans son ambiguïté idolâtre et violente), qui n’aiment pas leurs auditeurs ni la culture homosexuelle (je me suis assez fait taper sur les doigts dès que je proposais des pistes de réflexion sur le désir homosexuel qui sortaient de l’habituelle justification/sacralisation bien-pensante de l’identité homo éternelle ou de l’ « incroyable beauté » des amours particulières, pour le dire!). J’ai vis à vis des personnes homosexuelles le même rapport que je pourrais avoir avec les membres de ma propre famille : je ne suis pas toujours d’accord avec eux (c’est peu de le dire…), parfois même je les trouve très cons et ne me sens pas compris par eux, mais malgré tout cela, ils restent quand même des frères dont je me sens solidaire, responsable, redevable, des frères que j’aime. Le conflit n’est pas que la haine : c’est parfois la vie et l’intérêt que l’on porte à l’autre. Le débat n’est pas qu’une opposition : c’est souvent le dialogue avec un enjeu de vie. La résistance n’est pas que le signe d’une rupture relationnelle : elle est parfois la condition à la relation, le refus d’une fusion mortifère. Et quand je m’oppose à l’amour homo et au désir homosexuel, j’aime vraiment les personnes homosexuelles. Bien plus qu’elles ne le croient !

 


 

On aime en vérité quand on prend le risque de dire parfois « non » à l’autre. Dans notre société actuelle, on veut nous faire croire à tort que l’amour est un « oui » béat et aveugle. Rien de plus faux ! L’amour vrai n’est pas un « oui » inconditionnel et démago. C’est un « oui » désirant et exigeant. C’est un « oui » qui propose une direction, un engagement entier et unique qui n’est pas confortable. C’est un « oui » du partage mais aussi un « oui » de l’unité dans ce partage (et cette unité restreint fatalement, regroupe, délimite, balise, nous frustre, qu’on le veuille ou non !). Les parents du monde entier, ou les histoires d’amitié vraie, nous apprennent que l’amour fort et juste, même s’il fait du « oui » sa priorité, sait parfois dire « non » avec fermeté pour guider et soutenir ceux qu’il aime. Et je pense que les militants homosexuels, qui ne savent pas se dire de temps en temps « non » parce qu’ils sont terrorisés d’apprendre qu’ils se détestent eux-mêmes et entre eux, non seulement ne s’aiment pas mais cherchent inconsciemment à se détruire… quand bien même ils jouent pour un temps très limité la comédie de la complicité amicale « entre pétasses », ou la parodie de l’amour-passion avec des amants de passage. Pour ma part, je pense aimer beaucoup plus les personnes homosexuelles en ne leur cédant pas tout, en m’opposant parfois avec poigne à leurs revendications irréalistes, à leur gourmandise égalitiste et mégalomaniaque, qu’en leur laissant tout faire et en validant passivement leurs utopies collectives, aussi sucrées et belles cinématographiquement soient-elles.

 


 

C’est très facile d’être intentionnellement pro-gay. Tout le monde, même le pire des hommes homophobes, peut être pro-gay et sincèrement tolérant, s’il s’agit simplement de signer une pétition et d’afficher pendant 5 minutes ses intentions humanistes sans avoir à les faire suivre des actes qui leur correspondent, s’il suffit de se dire ennemi du mal et preux défenseur de l’amour sans avoir à aimer concrètement, s’il faut juste sourire sur la photo rainbow en « faisant sa follasse » et continuer d’être ignoble avec soi-même et ses semblables en toute bonne conscience ! Moi aussi, je peux le faire ! Sauf que je ne suis pas assez homophobe – ces ignorants de militants LGBT diraient « assez gay friendly » – pour ça. Je rends véritablement service aux personnes homosexuelles en les bousculant dans leurs certitudes, car le désir homosexuel pose objectivement/moralement problème, et les encombre concrètement dans leur vie, quand bien même elles l’idéalisent et le défendent pour faire bonne figure et arborer l’orgueilleux visage du « Réconcilié-avec-lui-même ». L’homophobie des hommes/femmes publics identitaristes homosexuels ne se réduit pas à l’affichage télévisuel ou radiophonique de leurs intentions gay friendly : elle s’étend, à mon sens, au refus, chez eux, de se considérer comme possiblement homophobes parce qu’ils refusent de remettre en cause le violence qu’ils sont capables de déployer pour justifier la légitimité de leurs bonnes intentions au détriment des actions justes qu’ils pourraient poser… mais qu’en général ils ne posent pas. Combien de militants homosexuels je vois crier sur les toits le bonheur d’aimer homosexuellement, réclamer à cors et à cris le mariage gay… alors qu’ils trompent régulièrement leur copain ! Pour moi, les personnes homosexuelles les moins homophobes qui existent sont finalement celles qui ne se présentent pas uniquement comme « des » homosexuels, qui n’imposent pas l’amour ou le « couple » homo comme idéal, et qui savent tenir tête à la course folle aux « droits LGBT » conçus pour tuer l’ennui et certains différences fondatrices du Réel. Je les invite à lutter contre l’homophobie, mais cette fois en l’entendant comme ce qu’elle est vraiment : la haine de soi (déclinée en fierté publicitaire d’être homo). Pas un prétexte qui colporte le mensonge, qui est une parodie d’amour de soi à travers la victimisation, et qui encourage à la haine des autres.

Église catholique et personnes homos : l’absurde opposition, l’absurde amalgame

Église catho et personnes homos : l’absurde opposition ; l’absurde confusion

 

 

Dans la tête de beaucoup de gens, homosexualité et foi catholique ne peuvent pas aller ensemble. Un catho homo est soit un extra-terrestre, un maso, une « honteuse », une « folle bourgeoise »… ou alors carrément un prêtre ! Dans les profils dressés par les internautes gay sur les sites de rencontres homosexuels, quand l’appartenance religieuse est spécifiée, il est massivement écrit « Je suis athée » ou bien « croyant mais non pratiquant ». Il est extrêmement rare de trouver parmi la population homosexuelle des individus catholiques pratiquants et fiers de l’être, et surtout réconciliés avec l’institution catholique. La poignée de catholiques homos se revendiquent solidaires de Dieu mais non de son Église, dont ils se disent injustement rejetés. Cette frontière entre homosexualité et foi n’est pas uniquement le fait des personnes homosexuelles, croyantes ou non. Elle est aussi construite par les croyants catholiques dits « hétérosexuels » qui affirment défendre la famille et ne pas manger à la même table des êtres « au penchant mauvais ».

 

 

Les dissensions entre la grande majorité des personnes homosexuelles et l’Église catholique ne datent pas d’hier. Lorsque les artistes homosexuels abordent iconographiquement le sujet religieux, ils choisissent presque toujours en toile de fond la perte de la foi et le blasphème. Mais parfois, la frontière entre agression picturale envers le clergé et agression réelle est franchie, et ceci, de plus en plus ouvertement et impunément (c. f. l’interruption de la messe de Notre-Dame de Paris en 1991 par Act Up, le mépris quasi systématique des ecclésiastiques ou des théologiens moralistes lors des débats télévisés ; l’altercation entre des catholiques intégristes et les participants au récent « kissing » devant Notre-Dame de Paris ; etc.). Beaucoup de personnes homosexuelles dénigrent la religion, alors que leur désir de foi occupe paradoxalement une part importante de leur identité de femmes et d’hommes. Seul ce que nous idolâtrons et aimons mal en croyant l’aimer follement peut nous trahir, et donc mériter à nos yeux notre vengeance. Ce qu’écrit Marguerite Radclyffe Hall dans Le Puits de Solitude (1928) est, pour cette raison, d’une étonnante actualité : « De nombreux invertis étaient profondément religieux et c’était sûrement l’un de leurs plus amers problèmes. »[1]

 

L’Église catholique en veut-elle vraiment aux personnes homosexuelles ? Vu ce qu’en montrent certains media, elles ont apparemment toutes les raisons de le croire. Et dans les faits, quelques-unes ont fait l’objet de réels rejets de la part d’ecclésiastiques et de certains fidèles à une époque où elles cherchaient une main tendue. Par conséquent, elles en déduisent que foi et homosexualité sont totalement incompatibles. Du côté des Évangiles, rien ne sert d’euphémiser. Le peu que dit la Bible sur les actes sodomites est sans appel : les actes génitaux et érotiques homosexuels ne sont pas acceptés[2], et depuis 2000 ans, l’Église n’a pas changé d’un iota son discours les concernant. Le Pape actuel, Benoît XVI, a bien écrit, lorsqu’il était encore cardinal, que les actes homosexuels étaient « intrinsèquement désordonnés »[3]. Tout semble donc indiquer que l’Église actuelle ne changera pas d’orientation quant à l’homosexualité pour les années à venir.

 

Cependant, si l’on prend un peu le temps de s’y intéresser, on découvre que la plupart des exclusions de personnes homosexuelles au sein de l’Église catholique, quand elles ont réellement eu lieu et qu’elles ne sont pas le fruit de projections farfelues, de susceptibilités et de paranoïas en tout genre (ce qui est plutôt rare !), restent des cas très isolés. S’il y a rupture entre l’Église et la communauté homosexuelle, elle est due dans son ensemble à certains croyants et ecclésiastiques qui n’en méritent même pas le nom parce qu’ils utilisent la foi plus pour haïr les autres que pour les aimer, et à des personnes homosexuelles qui s’écartent de l’Église en se prenant pour leurs actes et en partant du principe qu’elles seront jugées avant même de vérifier concrètement si cela serait vraiment le cas.

 

Par ailleurs, il est très exceptionnel d’entendre un prêtre ou un fidèle catholique encourager une personne homosexuelle à se convertir à l’hétérosexualité ou à refouler ses penchants homosexuels « mauvais » et « transitoires ». Parmi les prêtres que nous sommes amenés à rencontrer (et qui se disent parfois ouvertement homosexuels, mais ces derniers sont plus rares que les media ne le croient), certains encouragent même à la conjugalité homosexuelle. La seule réaction négative qu’on peut parfois trouver n’est pas le rejet mais la déception ou la tristesse, surtout de la part de vieux prêtres peu à l’aise avec la question. Cette réaction s’explique en partie par le choc culturel ou générationnel : il n’est pas toujours facile pour certains clercs de s’adapter aux réalités d’un monde en mutation accélérée… En plus, ils ne voient pas beaucoup de jeunes croyants dans leurs églises occidentales. Quand ces derniers leur annoncent la bouche en cœur qu’ils sont homos, alors même que ces curés âgés les accueillaient avec un enthousiasme juvénile, d’un coup d’un seul, la baraque s’écroule à cause d’un petit mot, « homosexualité », qui leur évoque à la fois une réalité qu’ils ignoraient il y a encore cinquante ans de cela et qu’ils ne veulent pas, à juste titre, valider en tant qu’« identité profonde de l’individu », ou bien qui les renvoie directement à leur propre expérience – parfois vacillante – de la sexualité et aux curieux scandales de pédophilie qui secouent l’Église catholique (je dis « curieux » car en proportion, il y a très peu de prêtres pédophiles comparé d’une part à la population masculine dans sa majorité, et d’autre part à l’ensemble des prêtres qui fait aujourd’hui un travail admirable de par le monde et dont les media ne parlent jamais. Les religieux, par leur choix de vie particulier et leur expérience souvent heureuse de la chasteté et du célibat continent, rappellent à leur société ses propres frustrations et son enchaînement à la génitalité, … donc forcément, ils ne sont pas souvent appréciés à leur juste valeur).

 

 

Concernant plus particulièrement les textes évangéliques, il semble démesuré de dire qu’ils sont homophobes. Ils ne se réfèrent pas une seule fois à l’identité homosexuelle, aux personnes homosexuelles, ni à l’homosexualité – dans le sens où la société l’entend aujourd’hui, à savoir une union d’amour entre deux personnes adultes identitairement déterminées par leur orientation sexuelle –, mais uniquement à un certain désir et aux actes qu’il implique parfois ; et encore… La mention de ceux-ci est perdue dans une liste de pratiques répertoriées comme peccamineuses par saint Paul, dans le contexte très particulier des persécutions des premiers chrétiens. Les lignes traitant directement des actes sodomites dans un ouvrage aussi gigantesque que la Bible ne se comptent même pas sur les doigts d’une main. Il est donc erroné de croire que la Bible parle d’homosexualité. Les paroles de Jésus, d’ailleurs, n’en font jamais mention.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles ne retiennent que les passages bibliques où les actes homosexuels sont lourdement condamnés. Mais elles délaissent ceux qui leur offrent des perspectives plus larges, car elles ont réellement le désir d’être maudites par le Ciel[4]. Manque de chance : la Bible n’est pas aussi dure avec elles qu’elles ne le voudraient. Dans sa lettre aux Éphésiens (3, 2-3), saint Paul révèle ce qu’il appelle « le mystère du Christ » : « Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. » La Bible n’a jamais énoncé que toutes les personnes homosexuelles grilleraient en enfer, ni qu’elles seraient sauvées à la condition de revenir sur le droit chemin et d’arrêter d’être homosexuelles. Elle dit carrément qu’elles sont déjà les premières sur le chemin de la sainteté, puisque la sainteté est d’abord don de Dieu avant d’être une question d’actes et de mérites personnels : « En vérité je vous le dis, les publicains et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu »[5] déclare Jésus (J’aurais pu également vous citer Gen, 18, versets 20-32). Les prostituées évangéliques précèdent les justes dans le Royaume des Cieux, non parce qu’elles sont réellement exemplaires, mais parce qu’elles espèrent le Salut tout en sachant que leurs actes n’y donnent pas droit. Elles attendent avec plus de foi la miséricorde reçue de Dieu que de bons croyants pétris de certitudes, qui n’espèrent rien de Lui, et qui se font auteurs de leur propre rédemption. Dans la Bible, il est marqué noir sur blanc que Dieu ne choisit pas des gens parfaits pour annoncer son Royaume, mais des fous. Je crois personnellement que ce sont elles, les « folles », qu’Il élit pour le révéler. « Ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages. »[6]Toute personne homosexuelle est donc, selon les Saintes Écritures, élue par Dieu pour l’annoncer, au même titre que tous les Hommes. À entendre le discours biblique, il n’y a donc aucune incompatibilité entre sainteté et homosexualité !

 

De même pour le discours officiel de l’Église catholique, je ne pense pas que la présomption d’homophobie pesant sur la Curie romaine soit valide. Le Pape Jean-Paul II est considéré par certains militants gay comme « l’une des voix les plus clairement homophobes de notre temps »[7], alors qu’il n’a jamais prononcé une seule fois le mot « homosexualité » de son vivant, ni condamné les personnes homosexuelles. Trois petits articles du Catéchisme de l’Église Catholique de 1997[8] abordent le sujet directement, en des termes certes explicites mais qui ne se dirigent pas contre les personnes homosexuelles, et encore moins contre « les homosexuels », mais simplement contre les actes homosexuels.

 

L’Église catholique n’a jamais dit que les personnes homosexuelles étaient pécheresses du fait d’être homosexuelles. Au contraire, Elle est désireuse d’accueillir les personnes qui se disent « homosexuelles », en prenant soin de dissocier les actes des individus qui les posent, ou bien les individus de leurs désirs de surface. Selon Elle, la parole graciante de Dieu reçue dans la foi justifie le pécheur, jamais le péché. Il ne peut pas y avoir d’état de péché de l’homosexualité pour la bonne et simple raison que le péché réclame la liberté et que les personnes homosexuelles n’ont pas choisi d’être homos. Nous ne pouvons pécher qu’en actes et en désir ; pas en tant que personne humaine, étant donné que l’Humanité a été rachetée en Jésus. Toute la difficulté est dans cette distinction apparemment limpide entre être et faire. À une époque où les media nous invitent à définir l’individu par ses actes – surtout génitaux – et ses désirs violemment actualisés, il apparaît en effet complètement hypocrite de faire la distinction entre les actes homosexuels et la personne homosexuelle. Mais en réalité, c’est le fait d’opérer l’amalgame entre l’être et le faire qui enferme l’individu, et non la distinction entre les deux. Démêler l’être et le faire, c’est reconnaître l’existence de notre liberté, nous sauver du déni et de la diabolisation de nous-mêmes. Certes, nous sommes toujours un peu le reflet de nos actes dont nous avons à porter la responsabilité. Mais aux yeux de l’amour et de la foi, un Homme reste toujours plus grand que les actes qu’il a commis, si graves et honteux soient-ils. Pour l’Église catholique, ce qui compte d’abord, ce sont les personnes. Il me semble qu’Elle a tout à fait raison de dissocier la pratique sexuelle de l’identité sexuelle : c’est son entêtement à marquer la frontière qui crée le lien entre foi et homosexualité, qui dit que les personnes homosexuelles ont tout à fait leur place dans l’Église en tant qu’Hommes habités par un désir homosexuel réel et reconnu comme tel, et non simplement en tant qu’Hommes comme les autres ou en tant qu’« homosexuels ». Les personnes homosexuelles ne sont pas comme les autres, et l’Église ne tient absolument pas à ce qu’elles changent foncièrement. Elle souhaite simplement qu’elles mettent leur identité la plus profonde, celle d’Enfants de Dieu, avant leur identité secondaire de personnes homosexuelles.

 

Par ailleurs, à travers tous les motifs iconographiques mis en exergue dans mon livre pour montrer que le désir homosexuel est davantage un désir déstructurant qu’un désir humanisant[9], il nous est possible de mesurer l’intelligence et l’étonnante modernité du message ecclésial sur l’homosexualité. L’Église catholique a tout à fait raison de reconnaître le couple homosexuel comme une réalité fantasmée plutôt que comme une réalité positive à promouvoir universellement. Quand le Pape Benoît XVI énonce que les actes homosexuels sont « intrinsèquement désordonnés », j’abonde dans son sens. L’inclinaison homosexuelle tend en effet vers des comportements par nature unifiants-dispersants. C’est son essence. Il a osé le dire, ce qui est courageux de sa part.

 

Nous pourrions penser que le conflit entre la communauté homosexuelle et l’Église s’origine sur une accumulation complexe de débats concernant une infinité de sujets (et surtout ceux qui ne se rapportent qu’aux points de morale sexuelle : virginité avant le mariage, contraception, célibat des prêtres, ordination des femmes, préservatif, avortement, etc.). En réalité, c’est plus simple que cela. Il n’y a qu’un seul point doctrinal créant le litige entre la communauté homosexuelle et l’Église catholique : il s’agit de la divergence de compréhension du péché originel[10], et plus radicalement de la foi – ou le manque de foi – en la primauté du Bien sur le mal, en l’originalité-finalité radicale de Dieu. Pour l’Église catholique, le péché est postérieur à la création de l’Homme – il est secondaire et non-essentiel à l’être humain puisque Dieu, l’alpha et l’oméga de l’existence du monde, l’a vaincu –, alors que pour la grande majorité des personnes homosexuelles, il est antérieur et donc essentiel à l’Homme. Comme le souligne à juste raison Flora Leroy-Forgeot à propos du désir homosexuel, « la dualité entre inné et acquis ainsi qu’entre primaire et secondaire est sous-tendue par la référence culturelle au péché originel : pour l’Église, le bien est primaire et le mal est secondaire. »[11] En posant l’existence de Dieu et du Désir avant l’existence de l’Homme et de ses désirs humains mi-bons mi-mauvais, l’Église catholique affirme que le désir homosexuel n’est ni totalement inné ni totalement acquis – il est peut-être les deux –, mais en plus, qu’il n’est pas le désir profond qui a aimé l’Homme en premier, à savoir le Désir divin, ce qui ne manque pas de gêner la communauté homosexuelle qui voudrait diviniser le désir homosexuel et l’Homme qui le ressent pour les rendre totalement innés/auto-créés ou totalement acquis/objets, complètement bons ou complètement mauvais. L’Église catholique ne veut pas d’une part confondre l’Homme avec ses désirs de surface, ni d’autre part le considérer comme un fétiche. Elle souhaite au contraire lui reconnaître son identité profonde d’Enfant de Dieu, et insister sur le fait que le Bien est plus fort que le mal et que les désirs duels, chose qui paraît inconcevable à beaucoup de personnes homosexuelles qui pensent que le péché originel a séparé à jamais l’Homme de Dieu, et a fait de l’être humain un dieu tout-puissant divisé et un diable. La majorité des personnes homosexuelles postulent que le mal est premier et le Bien est second – ou, ce qui revient presque au même, qu’ils sont deux forces équivalentes s’annulant l’une l’autre[12] –, contrairement à l’Église qui place Dieu aux extrémités de l’existence humaine et qui ne parle pas du désir homosexuel en termes de mal ou de Bien, mais de désir secondaire par rapport au grand Désir qui a habité l’Homme en premier et qui, si l’être humain l’accepte, le consumera éternellement à la fin des temps. Là où l’Église dit qu’à l’origine est le Verbe de Dieu, c’est-à-dire la Parole de vie, la communauté homosexuelle réplique, comme Didier Éribon dans Réflexions sur la Question gay, qu’« au commencement il y a l’injure ». Seul le regard sur l’origine de la vie change.

 

Généralement, les personnes homosexuelles ne font que dresser sur le véritable visage de l’Église la toile de leurs propres fantasmes. Pour se venger de celle qu’elles ne connaissent que de loin ou trop mal, elles en constituent des clichés à la sauce libertine. Nous voyons toujours dans leurs fictions les mêmes personnages : les nonnes violées, les prêtres pervers ou rétrogrades, les gamins pissant dans les bénitiers, les femmes bigotes, leurs maris frustrés et angoissés, les croyants fondamentalistes illuminés, les papes homos, les Christs transsexuels, etc.. Ces portraits se veulent ultra-corrosifs et inédits, alors qu’en réalité, elles seules, avec la petite nébuleuse des catholiques intégristes dont elles pourraient gonfler (ou gonflent) sensiblement le nombre, arrivent encore à les trouver réalistes et à s’en offusquer. Nous les entendons figer l’Église à une époque virtuelle (médiévale… ou carrément futuriste, avec un Dieu-businessman !) par des abus de langage complètement caricaturaux et des anachronismes qui seraient risibles s’ils traduisaient une provocation lucide/utile. Seulement, les guerres de religion, les commandos anti-IVG, l’Inquisition, la colonisation sauvage, la misogynie de certains clercs, la collaboration aux régimes fascistes, le massacre de la Saint Barthélemy, le silence sur les camps de concentration, la période d’appât du gain et du pouvoir de l’Église-institution, l’interdiction absurde de certains ecclésiastiques sur le préservatif, les violations de la dignité humaine au nom de l’annonce de l’Évangile, les scandales au sujet des prêtres pédophiles (dont on entend énormément parler en ce moment), l’insupportable et racoleuse « papemania » JMJiste, la condamnation religieuse « des homos », certaines missives assassines de Tony Anatrella, le christianisme stigmatisant les plaisirs corporels, ne sont que des détournements de l’Église, qui ne disent rien de l’Église elle-même.

 

 

Seules certaines personnes homosexuelles, aux côtés de la poignée de croyants (méritent-ils de s’appeler « catholiques » ?) intolérants voulant envoyer la communauté homosexuelle en enfer à cause de leur interprétation littérale de la Bible, construisent la mystique catholique homophobe. En effet, qui, je vous le demande, se focalise sur le lien entre homosexualité et péché, avant d’attribuer leurs propos mensongers à l’Église réelle, sinon elles ?[13] L’Église catholique ne considère pas le péché comme originel – pour elle, seul l’amour est originel ! – ni comme proprement homosexuel. De même, jamais l’Église catholique n’a fait l’association du Sida à une punition divine, à un châtiment de Dieu bien mérité, comme cela est par exemple montré dans le documentaire « L’Homophobie, ce douloureux problème » (2000) de Lionel Bernard. Il n’y a que les sectes millénaristes et certains membres de la communauté homosexuelle qui ont transformé la maladie en matraque céleste destinée spécifiquement aux personnes homosexuelles.

 

Actuellement, la confusion qu’opèrent beaucoup d’individus homosexuels entre l’Église catholique et les sectes « chrétiennes » de souche protestante (ou catholique intégriste), particulièrement prolifiques aux États-Unis et dans le reste du monde, relève d’une profonde méconnaissance de la réalité religieuse actuelle[14]. Dans leurs films, un certain nombre de réalisateurs homosexuels tracent le portrait de membres complètement illuminés de ces protestantismes frelatés, cultivant ainsi les amalgames les plus caricaturaux dans l’esprit des spectateurs européens non-avertis qui, en mettant toutes les religions dans le même panier, sont tentés de les confondre avec les croyants catholiques. Les groupes Exodus, Homosexual Anonymous, Ex gay, Focus on the family, l’association mormone Evergreen, apparus aux États-Unis dans les années 1970, avec leurs télévangélistes, leurs grandes messes émotionnelles, et leurs thérapies collectives pour « soigner les homos », n’ont rien à voir avec l’Église catholique ni l’Église protestante traditionnelle. Quant aux associations homosexuelles chrétiennes actuelles en France – Devenir Un en Christ, David et Jonathan –, elles ne sont pas des associations d’Église, c’est-à-dire commanditées par le Vatican, mais simplement des confédérations créées à côté de lui pour bien souvent le contester. Quand on sait en plus qu’actuellement, elles ont tendance à se diriger massivement vers l’agnosticisme et le protestantisme, nous comprenons très vite qu’elles ne méritent même pas le titre d’« associations homosexuelles catholiques ».

 

Au lieu de se désintéresser de l’Église, beaucoup de personnes homosexuelles sont obsédées par elle, ou plutôt par l’image diabolisée ou sacralisée qu’elles s’en font et qu’elles cherchent à incarner. Comme elles ne veulent pas s’attacher à une institution ecclésiale en particulier, elles se plient à un fondamentalisme athée – elles disent « humaniste » –, à une religion qui n’est pas encore clairement cataloguée socialement comme telle, mais qu’elles pensent être la seule juste. Nous pourrions la baptiser comme on veut : « Home-made Gay Religion », ou bien « Culte de l’Être suprême (= l’androgyne) », « Spiritualités plurielles et cosmiques », « Religion désincarnée », « Individualisme hédoniste et universaliste », « Secte des Cultures homosexuelles », « Gay Church », etc. Elles sont assez portées sur l’ésotérisme, les spiritualités de supermarché, la religion à la carte. Ce qui les attire dans la foi, c’est en général l’émotionnel collectif, la sensiblerie, la superstition, la magie, le spectaculaire, la sensation de bien-être, le refuge contre les épreuves de la vie, le recentrement sur soi… bref, tout ce que la foi authentique n’est pas mais qu’elles prennent pour la foi réelle et qu’elles attribuent aux « mauvais croyants » (parce que le pire, c’est que beaucoup d’entre elles se prennent pour les seuls bons croyants !). Leur fascination pour la religiosité-loisir, l’occultisme, le paranormal, les bondieuseries, les miracles, les philosophies New Age, les messes noires, etc., est connue[15]. Le plus sérieusement du monde, elles composent une parodie ecclésiale censée faire contrepoids à la réalité religieuse qu’elles ne connaissent pas – ou de trop près –, et qu’elles ont diabolisée à force de l’idéaliser. Loin de parler de rejet par rapport à l’Église catholique, on pourrait dire qu’il s’agit plutôt d’une adoration inversée. Beaucoup de personnes homosexuelles construisent une version transversale de la religion pour se convaincre ensuite que la caricature nouvellement créée est fidèle à la vraie religion, et pour rejeter ouvertement devant les autres et la vraie religion et sa caricature… comme cela, elles se gargarisent de faire d’une pierre deux coups.

 

 

Cette passion inavouée pour l’« Ennemi catholique » se traduit en général chez elles par une imitation inconsciente et volontaire des caricatures qu’elles se sont faites de lui. Elles adoptent souvent de l’Église une version kitsch en ne choisissant de portraiturer que des grenouilles de bénitiers frustrées et superstitieuses auxquelles elles s’identifient, parce que ces grenouilles, ce sont partiellement elles quand elles obéissent à leur désir homosexuel : la bourgeoise-prostituée pénétrant dans une église après s’être fait violée est une icône gay classique[16]. Elles reprennent dans leurs écrits les thèses libertines traditionnelles – telles que l’union homosexuelle de Jésus et de saint Jean, la liaison entre Marie-Madeleine et Jésus, l’amitié biblique entre David et Jonathan, ou entre Ruth et Noémie, l’homosexualité de saint Paul, etc. –, utilisent abondamment les symboles christiques, fondent des congrégations – notamment les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence –, suivent fidèlement le Pape dans tous ses déplacements (l’Europride à Paris en 1997 juste après les Journées Mondiales de la Jeunesse ; la première Worldpride à Rome, toujours après les JMJ de Rome en 2000 ; la Worldpride de Jérusalem en 2005 ; la présence d’un groupe de militants homosexuels aux JMJ de Cologne en 2005 ; etc.), font de leurs rassemblements ou de leurs concerts de grandes messes-show. Elles réemploient (sans s’en rendre compte ?) le langage étiqueté religieux de leurs supposés ennemis, pour le détourner à leurs fins (on peut entendre des sujets transgenres dire avec une conviction grave qu’il nous faut « suivre le Droit Chemin de l’homosexualité »[17]). Elles ne font que reproduire ce qu’elles jugent aliénant chez les croyants pratiquants. La preuve qu’elles sont dans la projection par rapport au clergé, c’est qu’elles pensent que tous les prêtres catholiques sont des personnes homosexuelles refoulées[18]. Nous les entendons parfois dire avec assurance que 30 % des prêtres seraient « de la jaquette »[19]. Cette légende sur l’homosexualité refoulée des prêtres[20], parfois actualisée chez les ennemis des personnes homosexuelles ou chez leurs adorateurs, n’est majoritairement effective que sur les écrans, même si elle est relayée par les quelques figures cléricales médiatiques qui ont fait des coming out tapageurs (Salvador Guasch, José Montero, Jacques Perotti, Franco Barbero, Jacques Laval, Michel Bellin, Antonio Roig, Ernesto Jiménez, etc.)et qui se présentent comme les prophètes d’une nouvelle Église, plus « ouverte » et plus « tolérante » que l’Église de Rome[21]. Visiblement, beaucoup de personnes homosexuelles se sont confondues avec la caricature d’Église qu’elles ont créée…

 

 

Maintenant, concernant l’Église catholique – qui reste une masse humaine très hétéroclite, je le rappelle –, il faut reconnaître qu’il Lui reste aussi beaucoup de chemin à parcourir sur la question de l’homosexualité (… c’est peu de le dire !). Des penseurs catholiques comme Véronique Margron, Xavier Thévenot, Xavier Lacroix, ont fait énormément avancer la réflexion chrétienne sur le désir homosexuel par leurs écrits et leur douceur. N’en déplaisent à leurs détracteurs qui ne les ont même pas écoutés du simple fait qu’ils sont catholiques ou ecclésiastiques, ces intellectuels sont d’une ouverture étonnante[22]. Mais il reste des exceptions malheureusement.

 

Il ne faut cependant pas trop vite condamner les croyants catholiques. Je crois que leur fermeture et leur méfiance viennent plus d’une ignorance peureuse (qui repose parfois sur une croyance homophobe selon laquelle la connaissance de l’homosexualité n’appartiendrait qu’aux seuls « homosexuels ») que d’une fermeture ou d’une mauvaise volonté. Il faut reconnaître que la définition du désir homosexuel est objectivement difficile à faire (y compris la communauté homosexuelle la fuit ou l’empêche), car il ne s’agit ni d’un désir mauvais ni d’un désir pour autant idéal… donc avec ça, on a plutôt intérêt à tourner plusieurs fois la langue dans notre bouche avant d’en parler ! Personnellement, il m’aura fallu 6 ans pour définir ma gêne concernant l’homosexualité… alors je comprends aisément qu’une personne néophyte ou peu plongée dans la culture homosexuelle se sente démunie pour se positionner rapidement sur la thématique du désir homosexuel. Pour autant, je constate sur le terrain, étant moi-même une personne homosexuelle catholique-pratiquante, une frilosité et un retard considérable d’une grande partie de la population catholique, y compris de personnes éclairées et vivant dans des pays occidentaux. Il est, à mon avis, désolant d’entendre encore de la bouche de la majorité des personnes catholiques des arguments aussi simplistes que : « L’homosexualité, ce n’est pas dans le projet de Dieu car c’est dit dans la Bible. » ; «L’homosexualité n’est pas normale et le couple homosexuel rejète fondamentalement l’altérité. » ; « Dieu a créé l’homme ET la femme. Ce n’est pas par hasard. » Plus inaudibles encore sont les formules compassionnelles du genre : « L’Église, à la suite du Christ, nous apprend à toujours haïr le péché, mais à aimer les pécheurs. »J’ai l’impression qu’on est restés encore à l’âge de pierre quand j’entends ce type de discours. Intellectuellement, je les comprends, et parfois je pourrais les justifier. Mais je trouve qu’ils sont dénués de réflexion sur le désir homosexuel, sur les liens entre désir homosexuel et désir hétérosexuel, sur les liens non-causaux entre désir homosexuel et viol. Ce sont des arguments formulés par des individus qui se planquent derrière la Bible, derrière de beaux principes (la différence des sexes, l’accueil du pécheur, la guérison, etc.), pour ne considérer ni les personnes ni les drames qu’elles ont pu vivre. À propos de l’homosexualité, c’est comme si l’Église catholique arrivait au bon résultat par un mauvais chemin, un raisonnement bancal (… donc finalement, on n’est plus vraiment sûr de la justesse du résultat). Globalement, je trouve qu’Elle n’a pas encore trouvé ses mots pour parler d’homosexualité[23]. Par exemple, on ne sait pas ce qu’elle met derrière le terme flou et fourre-tout d’« actes homosexuels » (Pour moi, il n’y a pas qu’une seule manière de vivre son homosexualité ; tous les « actes homosexuels » ne sont pas mauvais : cela dépend de notre manière de vivre notre désir homosexuel, et celui-ci ne se vit pas qu’en termes génitaux ou violents). Autre exemple d’imprécision lexicale : l’Église fait trop souvent la grossière erreur d’employer le terme « hétérosexuel » comme synonyme de l’amour femme/homme alors qu’à la base, l’hétérosexualité est historiquement une défense de la bisexualité voire de l’homosexualité (Rappelons-le, le désir homosexuel et le désir hétérosexuel sont jumeaux ; et les couples hétérosexuels sont l’inverse des « couples femme/homme aimants »[24]) Et que dire des dérapages du Père Tony Anatrella, qui a pourtant beaucoup de mots justes, mais qui fait l’erreur de transformer l’amour homosexuel en parfaite antithèse de l’amour femme-homme en sacralisant la différence des sexes (« L’amour conjugal est le propre d’un couple formé entre un homme et une femme. L’attachement homosexuel est aux antipodes de ce type d’amour qui implique d’être dans l’altérité sexuelle. »[25]) ? … alors que chacun sait que d’une part il ne suffit pas que la différence des sexes soit là pour qu’elle soit respectée (bien des couples homosexuels s’aiment d’un amour plus fort que des couples composés d’une femme et d’un homme), et d’autre part que la différence entre couple homo et « couple femme/homme aimant » (je n’ai pas dit « hétérosexuel ») ne se dit pas en termes manichéens de « mal » et de « bien » mais se joue plutôt entre le « bien » et le « meilleur » (le bien ou le convenable – et quelques rares couples homosexuels de notre entourage sont « bien et convenables » – ne se convertit pas en « mauvais », en « laid » au contact du meilleur… même si la préférence pour le « meilleur », encouragée par l’éthique et la morale, hiérarchise forcément.)

Oui, parfois, j’ai mal à mon Église. Si imparfaitement humaine. Celle qui est formée des premiers pécheurs. Celle qui me suspecte parfois de « prosélytisme » ou de « relativisme » uniquement parce que j’évoque l’homosexualité sans la défendre. Celle qui ne parle que très rarement de nous, les « hommes homosexuels »… sauf pour nous dire qu’Elle nous accueille à la condition que nous changions, que nous nous taisions, que nous guérissions. J’aimerais que certains paroissiens que je connais n’aient pas peur d’appeler un chat « un chat », que par exemple ils ne remplacent pas la mention des personnes homosexuelles dans les intentions de prière universelle par des phrases passe-partout où la minorité homosexuelle a du mal à s’identifier (« Seigneur, nous te prions pour tous ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme. Apporte-leur ta lumière… »).

 

 

J’aime mon Église. Je l’aime à tel point que je comprends même qu’Elle se méfie du désir homosexuel, de son essentialisation sous forme d’« identité homosexuelle éternelle » ou d’« amour équivalent à l’amour femme/homme aimants ou à l’amour homme/Dieu ». Je comprends par exemple, non qu’Elle refuse, mais bien qu’Elle soit prudente concernant l’accueil des personnes homosexuelles dans les séminaires[26] (moi-même, je suis réticent à ce qu’une personne ayant une structure homosexuelle relativement fixe s’engage dans la prêtrise : pour qu’un homme soit un bon prêtre, bien dans ses baskets, il doit être suffisamment réconcilié avec son corps, son passé, avec les autres… et le désir homosexuel témoigne davantage d’un déséquilibre, d’une fermeture à la différence et au monde que d’une ouverture, en effet. Le désir homosexuel est le signe d’une blessure/fragilité qu’il convient de reconnaître, tout en privilégiant le cas par cas). Par ailleurs, je comprends que l’Église qualifie certains actes homosexuels d’« intrinsèquement désordonnés » (j’ai moi-même étudié dans mon livre la notion de désordre dans les œuvres homosexuelles et dans la vie des personnes homosexuelles). Et je cautionne l’appel ecclésial lancé aux personnes homosexuelles à la continence et à l’abstinence sexuelle (un appel pourtant scandaleux aux oreilles de beaucoup de personnes homosexuelles). Et c’est parce que j’aime mon Église, que je partage sa gêne concernant le désir homosexuel et que je La veux en voie de sanctification, que j’accepte encore moins l’idée qu’Elle puisse avoir raison sans savoir encore pourquoi, sans trouver les mots justes. Elle ne peut pas se permettre d’être peureuse face aux personnes homosexuelles. Elle ne peut pas fuir constamment le sujet et les individus homosexuels sous des prétextes fallacieux.

 

Je reprendrais pour finir les mots du jeune prêtre de 31 ans Pierre-Hervé Grosjean (un prêtre versaillais, pourtant… personne n’est parfait…^^) qui, lors d’une conférence sur l’affectivité en décembre 2006 à Saint Augustin à Paris, avait répondu à des questions tirées au chapeau… et il était tombé sur mon papier où j’avais écrit ce mot provocateur : « Est-ce qu’on peut trouver l’amour même quand on est homosexuel ? ». Il avait répondu de manière très juste à la question (je ne développerai pas ici sa réponse : autant lui demander directement), puis avait fortement encouragé l’assistance de jeunes petits bourgeois cathos (pas si « coincés » que ça…) à faire venir les personnes homosexuelles dans les églises : « Mais amenez-les-nous ! Invitez-les ! Si vous connaissez des personnes homosexuelles dans votre entourage, amenez-les-nous ! ». J’avais adoré. Moi, je n’attends qu’une chose : c’est qu’on nous invite, en effet ! J’attends toujours le carton d’invitation…

 


[1] Marguerite Radclyffe Hall, Le Puits de Solitude, Éd. Gallimard, Paris, 1928, p. 589.

[2] Pour ceux qui veulent aller vérifier, les seuls passages qui traitent de ces actes « homosexuels » sont Gn 19, 4-11 ; Lv 18, 22, 20, 13, et Jg 19, 22-30 ; 1 Sam 18-20 ; Rm 1, 26 ; 1 Cor 6, 9 ; et 1 Tm 1, 10.

[3] Joseph Card. Ratzinger, Déclaration Persona Humana sur certaines questions d’éthique sexuelle, Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 29 décembre 1975, n. 8.

[4] * Voir également la partie « Je suis maudit » de homosexualité noire et glorieuse et se prendre pour le diable dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

[5] Mt 21, 31.

[6] Paul, 1 Cor. 1, 27.

[7] Pierre Albertini, « France », dans Louis-Georges Tin, Dictionnaire de l’Homophobie, Éd. PUF, Paris, 2003, p. 184.

[8] Jean-Paul II, Lettre apostolique Laetamur Magnopere : 15 août 1997, La Documentation Catholique 94, 1997.

[9] * Voir également désir désordonné dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

[10] * Voir également la partie « péché ‘originel’ » de innocence dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

[11] Flora Leroy-Forgeot, « Décadence », dans Louis-Georges Tin, Dictionnaire de l’Homophobie, op. cit., p. 121.

[12] Je vous renvoie aux pages sur le manichéisme dans le chapitre II de mon livre Homosexualité sociale. * Voir également se prendre pour le diable et focalisation sur le péché dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

[13] Michel Dorais, Mort ou Fif, VLB éditeur, Québec, 2001, p. 75.

[14] * Voir également la partie « églises ‘protestantes’ » de attraction pour la « foi » dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

[15] * Voir également attraction pour la « foi » dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

[16] * Voir également la partie « bourgeoise-prostituée dans une église » de bourgeoise dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

[17] C. f. la phrase de conclusion de l’exposé de l’homme transsexuel Natacha aux Journées Annuelles de Réflexion (JAR) de l’association David et Jonathan au Mont Dore, en 2004.

[18] Je ne suis pas en train de dire que cette légende est totalement infondée : il n’y a pas de cliché sans feu, et j’ai été amené à rencontrer quelquefois dans le « milieu homosexuel » des personnes homos qui exerçaient le métier de prêtre ou de diacre. Comme le dit Thévenot, « Il n’est pas rare, quoique cela ne soit pas systématique (comme on l’a parfois affirmé), que l’homosexualité soit une des composantes de la prêtrise. » (Xavier Thévenot, Homosexualités masculines et morale chrétienne, Éd. du Cerf, Paris, 1985, p. 181)

[19] * Voir également curés gay dans le Dictionnaire des codes homosexuels. L’idée des prêtres gay ou du séminaire comme « repaire d’homosexuels » était déjà un des arguments avancés par les nazis pour persécuter les personnes homosexuelles : « J’estime qu’il y a dans les couvents 90 ou 95 ou 100 % d’homosexuels. (…) Nous prouverons que l’Église, tant au niveau de ses dirigeants que de ses prêtres, constitue dans sa majeure partie une association érotiques d’hommes, qui terrorise l’humanité depuis mille huit cents ans. » (Heinrich Himmler, discours du 18 février 1937, cité dans Jean Boisson, Le Triangle rose, Éd. Robert Laffont, Paris, 1988, p. 73)

[20] En plus de cela, l’homosexualisation systématique des prêtres dénote d’une certaine homophobie, y compris chez les apparents défenseurs gay friendly de la cause homosexuelle (amalgame entre homosexualité et pédophilie par exemple, ou bien association, chez les personnes qui ne voient dans le prêtre qu’un homme intolérant et mal dans sa peau, entre homosexualité et frustration, homosexualité et vice).

[21] On entend souvent de leur part l’idée selon laquelle Dieu les aurait voulu/créé homosexuels, qu’Il leur aurait donné leur petit copain, et qu’Il bénirait quand même leur union quoi qu’en dise l’Église officielle « poussiéreuse » de Rome. Autrement dit, ils font parler Dieu à sa place.

[22] Pour ne prendre qu’un seul exemple éloquent, je citerai le théologien moraliste catholique Xavier Lacroix qui non seulement défend un  large accueil des personnes homosexuelles, mais qui va jusqu’à conseiller parfois le couple homosexuel, comme en témoigne l’extrait d’un mail qu’il m’a adressé personnellement le 4 juillet 2007 : « Pourquoi désespérer d’un amour avec un homme ? Et s’il y a des passages sexuels dans la relation, qui pourraient ensuite être dépassés ou sublimés, serait-ce une catastrophe ? Comparer les biens en présence. Vous êtes bien averti des écueils et des limites d’une fascination par l’érotisme. Mais le passage par une expression charnelle de la tendresse vous est-il vraiment interdit ? Toutes les amours homosexuelles ont-elles l’aboutissement négatif que vous semblez évoquer ? C’est possible, je pose seulement la question. Vous êtes mieux placé que moi pour y répondre. » Lacroix se fait pourtant sabrer lors des émissions de télévision où il passe… mais beaucoup se leurrent totalement à son sujet.

[23] C’est d’ailleurs pour cela que dans mon livre, j’ai mis un point d’honneur à justifier ma gêne concernant le désir homosexuel autrement que par des arguments religieux. Je voulais être le plus humain, le plus terrestre, le plus cartésien, le plus homosexuel possible – c’est d’ailleurs pour cette raison que je n’ai fait que citer les personnes homosexuelles elles-mêmes !. Je voulais donner des mots nouveaux à mon Église. L’aider à être plus « dans le monde ».

[24] Plutôt que de désigner une norme sexuelle universelle, le mot « hétérosexualité » venait initialement défendre une sexualité non-normative et dissidente, une bisexualité naturelle, un « troisième sexe » posé comme « normal ». Jonathan Katz, dans son essai L’Invention de l’hétérosexualité (2001), nous montre qu’au départ, l’hétérosexualité était classée au rang des perversions au même titre que l’homosexualité : « En dépit de ce qui nous a été dit, l’hétérosexualité n’était pas synonyme de relation à visée reproductrice. Elle n’était pas, non plus, assimilable à la différence sexuelle et à la distinction de genre, pas plus qu’elle n’étaye l’équivalent de l’érotisme entre hommes et femmes. » Elle pouvait aussi bien qualifier une attirance pour les deux sexes qu’une pratique érotique (masturbation, sodomie, bestialité, adultère, etc.) excluant la procréation, le mariage, et la famille. Le terme « hétérosexuel » a été créé sous l’impulsion d’hommes et de femmes libertaires de la Nouvelle-Angleterre du XVIIe et du XVIIIe siècles, partisans de l’« amour vrai et libre », soucieux de justifier scientifiquement un érotisme en deçà du rapport sexuel et extérieur à toute institution d’État ou d’Église. « L’hétérosexuel » ne rentrait pas dans le cadre de la sexualité dite « normale » étant donné qu’il était jugé coupable d’ambiguïté. « On attribuait à ces hétérosexuels une disposition mentale appelée ‘hermaphrodisme psychique’. Les hétérosexuels éprouvaient une prétendue attirance érotique masculine pour les femmes et féminine pour les hommes. Ils ressentaient périodiquement du désir pour les deux sexes. » Que ce soit les mots « hétérosexuel » (synonyme à l’époque de ce qu’on appelle aujourd’hui « un bisexuel » », et qui était en 1892 un homme attiré par les deux sexes) ou « homosexuel » (personne qui devient après 1892 un individu attiré exclusivement par les individus de même sexe que lui), ils étaient tous les deux les expressions d’une absence de désir de se tourner exclusivement vers les membres du sexe opposé … donc bien loin de ce que nous assignons actuellement, surtout au premier ! Par la suite, le théoricien Krafft-Ebing a interprété le terme « hétérosexuel » à travers la grille de la différence sexuelle des partenaires. Il en détourna le sens initial pour le rendre synonyme de « sexualité normale entre un homme et une femme » et l’opposer à « homosexuel », même si paradoxalement, dans sa Psychopathia Sexualis (1886), le « Manifeste de l’hétérosexualité » pourrait-on dire, le terme « hétérosexuel » continua de signifier « instinct sexuel contraire », « hermaphrodisme psychique », « homosexualité » et « fétichisme ».

[25] Tony Anatrella, Documents Épiscopat, Éd. Secrétariat Général de la Conférence des évêques de France, Colombes, 2004, p. 12.

[26] Je vous renvoie au texte du Vatican, écrit par le Saint-Siège en 2002, dans lequel le cardinal Tarcisio Bertone, alors secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, présidée par le cardinal Joseph Ratzinger (l’actuel pape Benoît XVI), avait déclaré que « les personnes ayant une inclination homosexuelle ne devraient pas être admises au séminaire ». Cette décision avait fait parler d’elle en 2005.

On n’a rien compris à l’homophobie

On n’a rien compris à l’homophobie

 

 

Actuellement, la nouvelle marotte du militantisme homosexuel et de la société française gay friendly toute entière concernant l’homosexualité, c’est la LUTTE CONTRE L’HOMOPHOBIE. On nous force à la reprendre tous en chœur (… et malheur à celui qui la critique et qui n’y est pas sensible !) : « Les homosexuels sont victimes d’homophobie, en particuliers les jeunes adolescents. Il faut accepter les homosexuels ! C’est bien ! Ils ont le droit d’être qui ils sont et de s’aimer ! Et tous ceux qui n’acceptent pas cela sont des intolérants ! » La lutte contre l’homophobie a même fini par supplanter dans les discours la défense de l’identité gay/lesbienne, des amours homosexuelles, de l’homoparentalité, et y compris la lutte contre le Sida. On commence à voir défiler un peu partout depuis plus d’un mois sur les sites communautaires homosexuels ce flyer annonçant l’arrivée d’un événement intersidéral sans précédent : « Participez ! Cette journée VOUS appartient ! 17 mai 2009 : L’Homosexualité n’a pas de frontières. » Non non, ce n’est pas la bande-annonce pour le nouveau film « Star Trek »… C’est juste l’affiche créée à l’occasion de la prochaine Journée Internationale contre l’Homophobie ! Chouette ! Avec nos Marches des Fiertés, ça nous fait encore un autre rendez-vous annuel de plus dans le calendrier consacré à l’homosexualité ! On en a de la chance ! (… Mais dites-moi, est-ce qu’on n’est pas en train d’en faire un peu trop…. ?)

 

 

Je me trouvais à la représentation de Ma Double Vie de Stéphane Mitchell, à la Mairie du 3ème Arrondissement à Paris, le 15 avril dernier, dans le cadre de l’inauguration officielle du 3ème Festival parisien de Théâtre gay et lesbien au théâtre Côté Court. Cette pièce gentillette, jouée par une vingtaine d’adolescents tous aussi courageux et bien-intentionnés les uns que les autres, a été ovationnée à la fin par une salle enthousiaste qui a acquiescé aux mots pleins de verve et poignants du metteur en scène Anouchka Chenevard Sommaruga sur « l’urgence qu’il y avait à faire qu’une œuvre théâtrale aussi engagée et efficace que celle-ci circule dans un maximum de collèges et de lycées pour faire en sorte qu’enfin le massacre perpétré par cette monstrueuse homophobie (rappelez-vous les suicides des jeunes adolescents homosexuels…) s’achève une bonne fois pour toutes ! (merci, MERCI du fond du cœur, merci, MERCI du fond du cœur, merci, MERCI du fond du cœur, merci, MERCI du fond du cœur,…) » (Rideau) Résultat des courses : on croit et on nous fait croire que le simple fait de « parler d’homophobie » (sans même l’expliquer) et d’afficher qu’on est « contre » (sans expliquer non plus pourquoi), c’est ça le vrai et juste engagement. On nous fait croire que ce qu’on vient d’entendre, ça aborde à fond le sujet de l’homophobie… alors qu’en réalité cette pièce ne traite pas du tout des causes profondes de l’homophobie et n’est pétrie que de « bonnes intentions ». Mais sur quelle planète vivons-nous ? Les Bisounours ? Star Trek ? (… les deux, peut-être ? ;-)…) Qu’a-t-on compris de ce qu’est réellement l’homophobie ? de ses mécanismes ? Comment pouvons-nous, en applaudissant ce genre d’œuvres artistiques au message plat, comme l’immense majorité des discours anti-homophobie d’ailleurs, prétendre avancer réellement dans la lutte contre la réelle homophobie, celle qui ne vient pas justement « que des autres » mais qui se situe au cœur de notre propre désir homosexuel ?

Cette pièce, même si elle a le petit mérite de présenter l’homophobie comme un phénomène « mauvais » et « à combattre » – en plus d’informer et de sensibiliser (le militantisme homosexuel actuel raffole de ces deux mots : « sensibilisation » et « prévention »…) –, ne donne aucune piste sur les « pourquoi, comment, et contre quoi lutter », dans sa manière de simplifier le problème en ne cherchant pas à expliquer concrètement les choses autrement que par des arguments on ne peut plus simplistes sur ce qu’est l’homosexualité (« On naît comme ça, un point c’est tout ; on le choisit pas. L’homosexualité, c’est le nom donné à l’attirance amoureuse entre deux personnes de même sexe, et rien d’autre. ») et sur ce qu’est l’homophobie (« L’homophobie, c’est le rejet envers les personnes homosexuelles exercé par d’« intolérables Intolérants ». » – Je cite – ). En soi, « faire connaître l’homophobie » pour « faire connaître l’homophobie », sans donner l’explication qui va derrière – pire : en interdisant l’explication qui va avec (je vous renvoie au cortège de caricatures parentales de la fin du spectacle, ou bien au listing de toutes les plus grossières remarques étiquetées « classiquement homophobes » qui émaillent le texte de la pièce) –, sans dépasser le terrain de la bonne intention, n’est-ce pas une démarche inconsciemment homophobe ? Prévenir agressivement sans éduquer, cela ne revient-il pas au final à « pisser dans un violon », ou pire, à appeler à soi l’agression ? Je crois paradoxalement que oui. Ce n’est pas en taxant tous les opposants et indifférents aux causes homosexuelles d’« intolérable Intolérants » qu’on attire la sympathie et la compassion, et qu’on ouvre des espaces de dialogue avec nos soi-disant « ennemis ». Ce n’est pas non plus en chantant que l’amour homosexuel c’est merveilleux (hum hum… de quoi et de qui parle-t-on au juste ? du MERVEILLEUX couple formé par Verlaine et Rimbaud, cité généreusement comme exemple d’« amour homosexuel » dans la chanson-phare de Ma Double Vie ???…) – et que si ça ne l’est toujours pas, c’est uniquement à cause « des autres et de la société » et surtout jamais de la faute des personnes homosexuelles elles-mêmes –, qu’on comprendra vraiment les enjeux sociaux réels de l’homophobie. Et ce n’est pas en énonçant main dans la main, toutes générations et sexualités confondues (« hommes, femmes, homos, hétéros, bis, trans, qu’est-ce qu’on s’en fout, d’ailleurs… On est tous des anges asexués queer, non ? ») que « Tout le monde Il est gentil, que la diversité c’est magnifique et que ça doit l’être obligatoirement pour tous », qu’on fera avancer les mentalités sur l’homosexualité. Que reste-t-il de la lutte concrète contre l’homophobie et les discriminations humaines si ce combat se réduit en slogan publicitaire gay friendly manichéen « Alors, POUR ou CONTRE l’homophobie ? NOUS, ON EST CONTRE ! (… parce que l’homophobie, c’est MAL… Et même qu’on sait même pas pourquoi, d’abord… Et on emmerde tous ceux qui sont POUR parce que ce ne sont que des méchants homophobes !) » ?

 

 

J’ai toujours été convaincu que le détonateur de tout type de violence humaine était l’ignorance. Moins on s’intéresse au savoir et à la Réalité, moins on s’ouvre concrètement à soi-même et aux autres : on observe alors l’Humanité de loin, avec des lunettes déformantes, et on perçoit les différences qu’Elle nous offre comme des dangers à détruire, sans avoir cherché à expliquer combien infondées étaient nos peurs, nos caricatures, et notre haine à son encontre. La promotion du déni et de l’ignorance, le refus d’expliquer calmement les choses et de se regarder soi-même en vérité avant d’extérioriser systématiquement sur « les autres » les problèmes dans un processus d’auto-victimisation redoutable, ce sont des attitudes qu’il nous est très facile d’observer au sein de la communauté homosexuelle actuelle, que celle-ci se dise « intra » ou « hors-milieu » d’ailleurs. C’est la raison pour laquelle le monde homosexuel est en train de se gorger de violence en ce moment, tant intérieurement qu’extérieurement. Sale temps pour les personnes homosexuelles, qui, en acceptant cette violence sans broncher et sans l’expliquer, sont en train de préparer de beaux jours à l’homophobie ambiante autour d’elles…

 

Maintenant, pour faire avancer un peu les débats sur l’homophobie, je vous propose d’essayer de réfléchir ensemble sur ce qu’est réellement l’homophobie, puisque ceux qui utilisent à tue-tête et à toutes les sauces ce mot passe-partout n’ont même pas cherché à le comprendre vraiment.

 

La communauté homosexuelle traque l’homophobie sans même s’être interrogée sur le sens étymologique du terme. Celui-ci ne désigne pas la phobie de l’homosexualité, ni de « l’homosexuel », ni des personnes homosexuelles, mais bien du même (homo veut dire « même » en grec)[1]. « L’homophobie exprime une inquiétude face à l’autre indiscernable, équivoque, et dont les pratiques sont un peu les miennes. »[2] Elle n’est qu’une haine de soi se traduisant parfois par une agression opérée sur les Hommes reconnus comme jumeaux de fantasmes (parfois actualisés). C’est sûrement ce qui fait dire aux personnages homosexuels du film « Les Garçons de la Bande » (1972) de William Friedkin : « Si seulement nous pouvions ne pas nous haïr autant… C’est ça notre drame. » C’est une réalité difficilement audible dans nos sociétés contemporaines, mais qui s’impose à nous dans les faits : toutes les personnes homophobes sont homosexuelles, et les personnes homosexuelles, très souvent homophobes. Cela se vérifie fréquemment dans les œuvres de fiction – le personnage persécutant le ou les homosexuel(s) se trouve être au final homosexuel lui aussi –, et parfois dans les faits. « À 16 ans, je cassais la gueule aux pédés. À 20 ans, je couchais avec. »[3] Par expérience, on découvre à maintes reprises que ceux qui traitent les personnes homosexuelles d’« obsédés, de malades, de pervers, de détraqués »[4] sont à la fois homophobes et homosexuels. Il faut s’y faire au départ, mais une fois qu’on a compris cela, beaucoup de choses sur les mécanismes de la violence s’éclairent par la suite. Les individus homophobes sont finalement ceux qui reprochent aux personnes homosexuelles d’être homosexuels eux-mêmes. La personne homophobe et la personne homosexuelle se ressemblent dans la peur de leur ressemblance, et ne supportent pas de se renvoyer l’un à l’autre leur désir mutuel de mort. Les individus homophobes ont toujours d’excellents amis homosexuels, connaissent très bien le « milieu », disent ouvertement qu’ils ne sont pas homophobes/homosexuels, semblent trop au courant des pratiques homosexuelles et des blagues sur les pédés pour ne pas « en être ». L’Homme qui rejette l’homosexualité pour en faire une espèce humaine à part entière qui serait tout à fait lui ou pas du tout lui est le même qui, en croyant s’en débarrasser, l’intériorise.

 

Qui oblige les personnes homosexuelles à se cloîtrer dans la clandestinité ? Bien avant que ce soit « la société » qui les y ait contraints, c’est un mode de vie qu’elles ont elles-mêmes choisi. Qui pratiquent les sinistres outing ? Sûrement pas prioritairement « les hétéros homophobes ». Ceux qui outent les personnes homosexuelles sont les individus qui côtoient leurs bars, leurs réseaux Internet, leurs cercles amicaux ou amoureux, donc des personnes homosexuelles aussi. Qui critique le plus la visibilité homosexuelle à la télévision ou à la Gay Pride ? Qui empêche la communauté homosexuelle de se faire une place confortable dans la société et d’être forte ? Ses propres membres. « Comment y aurait-il un pouvoir gay ? Ils se détestent tous ! » ironise Frédéric Mitterrand[5]. Ceux qui défendent la cause homosexuelle dans les media s’étonnent que les seules lettres d’insultes qu’ils reçoivent proviennent presque exclusivement de leurs frères communautaires : « Je ne pensais pas qu’il y avait autant d’intolérance chez les homos. Ils se plaignent à longueur de journée de ne pas avoir tel ou tel droit et ils ne sont même pas unis entre eux. (…) Les seuls papiers méchants que j’ai eus dans la presse, c’était dans la presse gay. Quand je suis sorti de ‘La Ferme’, j’ai eu 10000 lettres de fans, et six lettres d’insultes qui venaient toutes de gays. »[6] ; « Curieusement, du côté hétérosexuel, je n’ai jamais eu d’ennemis. Évidemment, il existe toujours quelques vrais conservateurs. Mais mes pires ennemis, je me les suis fait parmi les homos. »[7] ; « Sache qu’on ne m’a pas classé dans une catégorie après mon passage à la télé. Certes, je suis l’homo de service à mon boulot et c’est pour rire que mes collègues balancent des blagues sur les pédés. Mais les gens veulent me connaître pour mes qualités et mes défauts, pas pour mon homosexualité. Ce qui est amusant, c’est que ce sont les homos qui me caricaturent en s’imaginant que j’aime les mêmes choses que les folles, qui fréquentent le milieu. Les homos sont intolérants. »[8]

 

 

Actuellement, les gens ne voient dans la figure de la personne homophobe que l’individu gay frustré, honteux, « follophobe », tristounet, frigide. Ils oublient d’inclure dans le portrait toutes les personnes homosexuelles « assumées », extraverties, tout sourire. Par exemple, certains sujets homosexuels se plaisent à imaginer qu’« il n’y a pas plus lesbophobe qu’une lesbienne qui s’ignore »[9]. Qu’ils se détrompent. Il y a tout aussi lesbophobe qu’une femme lesbienne refoulée : une femme lesbienne qui croit se connaître par cœur et qui, du fait de s’étiqueter éternellement lesbienne, refuse de reconnaître qu’elle puisse un jour devenir lesbophobe. On observe à bien des occasions des personnes homosexuelles, jouant en temps normal les grandes tapettes ou les militants de la première heure, se métamorphoser sans crier gare en brutes épaisses détestant leur communauté d’adoption. Bien des personnes homosexuelles, en disant qu’elles s’assument à 100 % en tant qu’« homos », rejoignent dans l’extrême les personnes homophobes qui nient en bloc leur homosexualité, puisqu’elles aussi essentialisent le désir homosexuel, se caricaturent, se figent en objet, et donc refoulent qui elles sont profondément. S’il arrive exceptionnellement que certaines personnes homosexuelles reconnaissent que leur désir homosexuel est en partie homophobe, c’est pour mieux se donner l’illusion que depuis leur merveilleuse conversion à la « cause gay », elles s’assument pleinement en tant qu’homosexuelles et que la triste page de leur passé homophobe est déjà bel et bien tournée. S’avouer « ex-homophobe », cela revient pour elles à combattre l’homophobie et à montrer patte blanche. Mais derrière la personne homosexuelle et agressivement fière de l’être se cache souvent une personne (ex)homophobe convaincue, qui affirme haut et fort que l’homosexualité est quelque chose de monstrueux ou de génial : cela dépend des époques, du sens du vent, et des caprices de son désir homosexuel.

 

Pourquoi une personne à l’homosexualité latente ou au contraire à l’homosexualité clairement déclarée en arrive-t-elle à devenir homophobe ? Voilà une question dont je n’ai pas encore percé tous les mystères. Ce que je peux dire, c’est déjà que ce surprenant turn-over s’explique surtout, je crois, par les ravages de la victimisation. En effet, la cristallisation de la victime en une étiquette béate, inoffensive, ou caricaturale, comporte deux risques majeurs : la fixation sur le statut de victime – encourageant dans la réalité concrète à la victimisation, à la substitution aux vraies victimes, et à la déresponsabilisation –, ou sur celui de bourreau – incitant à la diabolisation, à la déshumanisation des despotes, et aussi à la démobilisation. En effet, autant personne ne peut et ne doit assurer qu’une victime deviendra systématiquement bourreau, autant il ne faut pas perdre de vue qu’historiquement parlant tout bourreau a été jadis victime, soit concrètement, soit du fait de s’être convaincu par l’image et le fantasme qu’un martyr n’imitera jamais son oppresseur. Les personnes homosexuelles, comme tous les êtres humains, peuvent devenir ces « agneaux carnivores » dépeints par Agustín Gómez Arcos, c’est-à-dire des boucs émissaires qui se transforment en despotes parce qu’elles tiennent beaucoup plus à leur déguisement blanc tâché d’un sang réel ou fantasmé qu’à la justice en actes. « La terrible leçon du siècle, c’est ce retournement qui transforme les opprimés, une fois arrivés au pouvoir, en dictateurs. Les persécutés ont perdu leur innocence, ceux-là mêmes dont on attendait justice et rédemption ont fondé d’autres despotismes, d’autant plus redoutables qu’ils s’édifient sous les hospices de la liberté et de la justice. »[10]

 

Bien souvent, les personnes homosexuelles préfèrent se rêver innocentes colombes à l’abri de la faute plutôt que de voir qu’elles sont des êtres humains libres et en (défaillante !) évolution. Afin de s’assigner un destin grandiose de martyr, certaines vont se créer une identité d’éternelles victimes par l’intermédiaire de la diabolisation d’un ennemi « homophobe » décrit comme imbattable et humainement incarné.

 

Pour beaucoup d’entre elles, l’homophobie constitue une réalité indiscutable. Elle leur paraît d’autant plus vraie et perverse qu’elle est fantasmée et difficilement démontrable. Certaines qualifient – avec des guillemets pour « diaboliser sans paraître diabolisateur » – l’homophobie comme le « mal » suprême[11]. « La chose qu’on combat est abominable » dira Michel Foucault[12]. Les victimes de l’homophobie qu’elles recensent sont surtout des individus dont la mort est bizarrement plongée dans un mystère total. C’est pourquoi elles affectionnent particulièrement les suicides ou les crimes non-élucidés. L’issue des enquêtes judiciaires les intéresse peu. Ce qu’elles aiment, c’est la bonne vieille montée d’adrénaline et le plaisir de se scandaliser entre elles contre la monstrueuse homophobie afin de se délester de tous leurs problèmes personnels.

 

Se chevauche à leur mépris minorant de l’ennemi homophobe une sur-évaluation de sa puissance. À les entendre, le champ de leurs ennemis n’arrête pas de s’étendre. Hétérosexuels, bourgeois, religieux (surtout catholiques), scientifiques, politiciens (prioritairement de droite), familles, intellectuels… tout se mélange dans leur tête pour ne former qu’une unique pieuvre diabolique aux mille tentacules méconnaissables. Elles créent des mariages consanguins monstrueux, soit entre leurs supposés adversaires (« l’homophobe » et « l’hétérosexuel » par exemple, « le bourgeois » et « le catholique », « le scientifique » et « le prêtre »[13], etc.), soit entre eux et elles : l’Homme homophobe se trouverait aussi là parmi elles, dans leurs cercles d’amis, chez ceux qu’elles côtoient tous les jours et qui les « tolèrent sans les reconnaître », dans le rang des indifférents, des sympathisants, et même des ignorants, qui par leur aveuglement, rentreraient sans le savoir dans le jeu de l’homophobie sociale subtilement intériorisée.

 

Tandis qu’elles nourrissent le rêve de sa disparition complète, elles veulent la bête homophobe increvable. Il est fréquent qu’elles grossissent en image les agressions dont leurs héros homos pâtissent, en sombrant s’il le faut dans le scabreux et l’odieux[14]. En suivant leur élan manichéen, elles se mettent à transformer leurs opposants en terribles « monstres »[15] qui les cerneraient de tous côtés. C’est pourquoi la traque à l’homophobie demanderait un « travail constant exigeant une attention sans faille »[16], mais aussi – et voilà le paradoxe – une nécessaire défaite, un « constat d’impuissance »[17]. Elles s’offrent à l’ennemi homophobe en holocauste comme si elles étaient ses jouets. À les entendre, l’homophobie possèderait une invincible puissance. Elle s’adresserait à une « personnalité nécessairement inférieure »[18] (comprendre « elles-mêmes » !) qui n’aurait même pas le choix de la passivité. Pour mériter son titre de héros homosexuel, il faut être traîné dans la boue, être injustement incarcéré, vivre dans l’hémisphère Sud sous un régime totalitaire, ou bien mourir prématurément à cause du Sida ou d’une cruelle injustice contre laquelle la volonté humaine ne pourrait absolument rien.

 

 

Beaucoup de personnes homosexuelles éprouvent une sorte de « fierté paradoxale »[19] à revendiquer violemment les injures dont la société les affublerait. Le renversement du stigmate en orgueil, dont la Marche des Fiertés contemporaine ou bien les provocations des décadents du XIXe siècle se veulent les audacieuses manifestations, n’est en réalité qu’une auto-stigmatisation, une soumission rebelle à une image négative d’elles-mêmes à laquelle elles ont donné crédit tout en la jugeant ridiculement fausse. Elles réagissent comme Benigno dans le film « Parle avec elle » (2001) de Pedro Almodóvar : « Je suis un psychopathe ?!? Et bien, j’agirai comme un psychopathe ! » Elles prennent leurs agresseurs « au pied de la lettre »[20] en se lançant l’impossible défi d’incarner à elles seules l’injure, mais cette fois puissance dix. « Si nous sommes ce que vous dites, soyons-le, et si vous voulez savoir ce que nous sommes, nous vous le dirons nous-mêmes mieux que vous ! »[21] Mais dans le fait de penser qu’elles peuvent piéger leur ennemi à son propre filet, elles sous-entendent qu’elles croient plus en l’efficacité de son jeu qu’en la force du leur. Elles n’ont pas compris la règle d’or pour la réussite d’un combat pour le Bien : ne jamais utiliser des méthodes contraires au but bénéfique que l’on s’est fixé, ni les mauvaises armes de l’adversaire, même si l’épée de ce dernier tranche apparemment très bien à l’image et dans l’instant.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles se scandalisent trop systématiquement quand on les suspecte/suspecterait d’être monstrueuses pour ne pas valider les croyances mensongères qui pèsent/pèseraient sur elles. Par exemple, certaines finissent par revendiquer le port des emblèmes aliénants, tel que le triangle rose, qui fit jadis l’aliénation de nombreux individus homosexuels dont elles n’ont pourtant pas connu la tragique destinée. La décadence est souvent vue par elles comme une manière de revivre leurs fantasmes d’innocence en négatif. Elles ont la fâcheuse coutume d’associer dans leurs propres fictions les personnages homosexuels à des criminels voués à une mort atroce, à des malades mentaux, à des pestiférés, bref, à tous les clichés de « l’homosexualité noire », et ont du mal à s’avouer qu’elles se trouvent monstrueuses étant donné que leur complexe d’infériorité est enrubanné d’une carcasse de suffisance auto-parodique ou volontairement désespérée. Ce qui est difficile à comprendre, c’est qu’elles croient simultanément être des monstres et des victimes innocentes. Voilà le paradoxe de la victimisation : nous nous rabaissons pour nous élever ; et comme nous nous fions davantage à nos intentions qu’à nos actes, nous croyons nous élever, et nous sommes prêts à tout, même à l’humiliation volontaire, à la domination ou à la cruauté qui nous retirent notre identité de victime, pour être considérés comme des victimes.

Parce qu’elles s’imaginent que la souffrance fournit des passe-droits et qu’elle justifie tout, beaucoup de personnes homosexuelles se lancent dans une pathétique compétition au podium du malheur, aux côtés des autres Hommes qui souffriraient beaucoup moins qu’elles. Je souffre – ou je fais semblant d’être l’humain le plus souffrant de la Planète tandis que je nie ma souffrance réelle – donc j’existe. « Je suis content d’être le plus malade d’entre nous trois. Je crois que je ne supporterais pas d’être le moins malade. »[22] Par exemple, certaines femmes lesbiennes surveillent de près le moindre oubli d’attentions sexistes qui les confirment dans l’oppression machiste dont elles souffriraient. Il n’est pas question pour elles de gommer de l’ardoise une seule de leurs discriminations. Elles se croient rejetées à la fois en tant que femmes dans un monde soi-disant dirigé par les hommes, en tant qu’homosexuelles dans une société « hétérosexuelle », et en tant que lesbiennes dans le milieu majoritairement gay. Elles s’estiment pour cette raison au moins trois fois plus discriminées que les autres, si ce n’est plus quand elles s’identifient aux Noirs, aux enfants, aux ouvriers, aux prisonniers, aux morts, etc..

 

 

L’étiquette de victime n’est pas simplement défendue par des personnes homosexuelles. Maintenant, ces dernières ont de moins en moins besoin de tendre leur main (préalablement salie de suie) pour quémander des droits tant leurs « amis ‘hétérosexuels’ » sont disposés à miauler à leur place pour satisfaire leur propre narcissisme. C’est toujours l’argument de la solidarité envers les défavorisés, ou de la réparation pour tous les outrages historiques que la communauté homosexuelle a/aurait subis, qui revient. « Soyons généreux. Les homosexuels ont été persécutés pendant 2000 ans, ont eu le Sida. Ils ont lutté pour leurs droits. Donnons-leur leurs droits. »[23] Allez, un petit effort… « pour dépanner »…

 

Beaucoup de personnes homosexuelles rêvent secrètement d’être les ennemis n° 1 des personnes homophobes et des grandes dictatures qui salissent l’Histoire humaine. Or, navré de le leur apprendre, elles sont plutôt les ennemis-annexes quand cela chante aux dictateurs. Pour des raisons très simples : concrètement, la communauté homosexuelle est numériquement moins importante, donc moins dangereuse, que la majorité dite « hétérosexuelle » : elle ne constitue pas pour les dirigeants un enjeu géopolitique prioritaire, et est économiquement trop intéressante (tourisme sexuel, culture médiatique, etc.) pour que les régimes totalitaires la suppriment en priorité. Les individus homosexuels ne semblent constituer une cible des dictateurs que dans un climat de violence généralisée, quand déjà d’autres têtes sont tombées avant eux[24]. Ils ne sont en quelque sorte que des boucs émissaires en temps de vaches maigres. Le crime homophobe n’existe pas tout seul. Il vient en second lieu et s’explique par un contexte de conflit fratricide largement étendu à tous les membres d’une société[25]. De même, dans l’étiologie d’un suicide dit « homophobe » d’une personne homosexuelle, « souvent se superposent d’autres problèmes à celui de l’homophobie : deuils, séquelles d’abus sexuels, surconsommation de drogues, peines d’amour, etc. »[26]. Federico García Lorca a-t-il été assassiné pour son homosexualité ou pour ses sympathies républicaines ? Peut-être les deux, ou même pour 36 000 autres raisons : en temps de guerre civile où la folie meurtrière frappe tout le monde à l’aveuglette, comment le savoir ? Matthew Shepard a-t-il été torturé parce qu’il était homosexuel ou pour d’autres motifs (sa foi, sa belle gueule, son histoire personnelle, la jalousie ou la folie meurtrière de ses bourreaux, etc.) ? Pouvons-nous le savoir ? Sommes-nous habilités à trancher ? À mon avis, l’irrespect de la mémoire de ces hommes-martyrs se situe autant dans le refus de faire mémoire des crimes odieux dont ils ont été objectivement l’objet (peut-être en tant qu’« homosexuels », mais déjà en tant qu’Hommes !), que dans la quête effrénée de réponse par l’identitaire particulariste pour tirer la couverture à soi.

 

Aussi bizarre que cela puisse leur paraître, beaucoup de personnes homosexuelles désirent l’homophobie. Elles entretiennent avec elle un rapport ambigu d’attraction-répulsion. Elles sautent sur le premier exemple d’homophobie qui se présente à leurs yeux ou oreilles, comme si celle-ci avait le pouvoir de s’envoler, sans comprendre que leur précipitation est la preuve même, non que l’agression n’ait pas eu lieu, mais qu’elle a été grossie ou même provoquée en partie par elles. Elles désireraient tellement entendre le disque homophobe pour soupirer ou s’offusquer à chaque énormité qui serait prononcée qu’elles le devancent. L’argumentaire homophobe se doit d’être simplifié à l’extrême et ultra-stéréotypé. Elles veulent y retrouver toutes les phrases idiotes qu’elles ont elles-mêmes contribué à immortaliser en les apprenant par cœur (« Est-il vrai que dans un couple homo, il y en a toujours un qui fait l’homme et l’autre qui fait la femme? » ; « Pourquoi avez-vous choisi d’être homo ? » ; « Ne croyez-vous pas qu’il s’agit d’une passade ? » ; etc.). Mais c’est en général ainsi qu’elles cautionnent et donnent corps à la vraie homophobie : celle qu’elles couvrent par la caricature.

 

Elles louvoient avec les individus homophobes comme des frères homosexuels qu’ils sont en partie, dans l’ordre du fantasme. La personne homophobe, c’est justement celle qui utilise l’image des personnes homosexuelles à ses fins, qui est même prête à se la coller à elle-même s’il le faut, pour ensuite la détruire, et donc l’imiter en acte par iconoclastie[27]. Elle est donc bien la personne homosexuelle, ou son frère symbolique. Beaucoup de personnes homosexuelles sont irrésistiblement attirées vers l’ignominie homophobe : ce n’est pas sans raison que certains critiques parlent de l’« aspect sado-masochiste de leur relation avec l’hostilité homophobe de leur entourage »[28]. Elles préfèrent par exemple se focaliser sur les quelques slogans de la manifestation parisienne Anti-PaCS du 31 janvier 1999 qui les salissaient le plus injustement (« Pas de neveux pour les tantouzes ! », « Les homosexuels d’aujourd’hui sont les pédophiles de demain », et le fameux « Les pédés au bûcher ! ») plutôt que de voir qu’ils sont minoritaires et peu représentatifs de l’ensemble des résistances faites au PaCS. La diabolisation de l’action de l’ennemi dit surtout leur croyance en l’efficacité de son pouvoir sur elles. Si elles se sentent obligées de grossir la sottise homophobe, c’est non seulement parce qu’elles désirent diaboliser l’ennemi mais aussi parce qu’elles comptent inconsciemment se convaincre de sa puissance pour accroître leur « droit » de victimes à répliquer avec la même force et la même bêtise que celle qu’elles lui prêtent.

 

 

L’homophobie telle que beaucoup de personnes homosexuelles et hétérosexuelles se la représentent est majoritairement un mythe et une projection de fantasmes, car la véritable homophobie, c’est, je le crois de plus en plus parce que cela se vérifie relativement bien dans les faits, le désir homosexuel célébré/diabolisé, excessivement assumé/refoulé. Au niveau des désirs de réalités fantasmées, il peut exister une homophobie objective, mais dès lors qu’elle s’actualise, elle s’appelle tout simplement « violence humaine ». L’homophobie est un nom particularisé de la violence universelle, car celle-ci n’est jamais intégralement individualisable, n’appartient à aucune minorité humaine spécifique. En tant que telle, l’homophobie n’existe que d’être désirée. Certaines personnes homosexuelles soutiennent que depuis leur plus tendre enfance, elles se sont fait rejeter au collège parce qu’elles étaient homos. C’est parfois un fait… qu’elles se soient fait rejeter, je veux dire. Qu’elles se soient fait rejeter parce qu’elles étaient homos et uniquement pour cela, c’est une autre histoire ! Le meurtre ou l’agression sur une personne homosexuelle ne suffit pas à faire le crime homophobe, quelles que soient les motivations exprimées par ses commanditaires, ou les impressions ressenties par sa victime.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles désirent l’homophobie bien plus qu’elles ne veulent bien l’avouer. Elles s’inventent des ennemis imaginaires, pensent que les regards des passants sont centrés sur elles (parce qu’elles-mêmes passent leur temps à se regarder le nombril !), lisent des moqueries là où il n’y en a pas forcément eu. Elles attribuent leur auto-jugement dépréciatif et paranoïaque sur les autres en moralisant leur « différence ». Par exemple, quand Pierre Cardon souligne à juste titre en ce qui concerne l’imagerie classique des personnes homosexuelles dans les media que « représenter un garçon efféminé n’est pas forcément donner une mauvaise image » de l’homme homosexuel[29], comme le pensent bon nombre de membres de la communauté homosexuelle, il pose la question de l’origine du regard homophobe qui ne vient pas seulement du soi-disant agresseur mais aussi de celui qui se rêve agressé.

 

La communauté homosexuelle fait tout un pataquès autour des attaques homophobes qu’elle subirait pour ne pas regarder le désir homosexuel en face. Notamment, certains individus n’arrêtent pas de parler du ravage des suicides au sein du « milieu ». Pour les quelques cas de tentatives de suicide de personnes homosexuelles connus, ils sont tous généralement autant explicables par des phénomènes sociaux exogènes (hostilité de l’environnement familial, pression sociale, échec scolaire, etc.) que par des facteurs endogènes (déceptions amoureuses homosexuelles, drames issus du « milieu » homosexuel, comportements aberrants des personnes homosexuelles entre elles, médiocrité de l’accompagnement amical gay, manque de sens trouvé dans un certain mode de vie homosexuel, dégoût de soi et du monde, état dépressif, consommation de substances psychoactives ou d’alcool, angoisses dues à une infection par le VIH, difficile transition vers le troisième âge, etc.). L’homophobie, je le répète, n’est et n’agit jamais seule. L’insistance sur le suicide de(s) jeunes adolescents gay vient autant des individus homophobes qui souhaitent morbidement faire des sujets homosexuels les Hommes les plus malheureux du monde que des personnes homosexuelles qui décrivent un fléau bien plus fantasmé que réel. Même si, juste avant de se donner la mort, certains ont prétendu expliquer leur acte suicidaire par le rejet social de leur orientation sexuelle afin de camoufler les nombreuses raisons étrangères à l’homosexualité qu’ils n’ont pas souhaité affronter de leur vivant, cela ne prouve en rien que l’homophobie ou la société soient les uniques causes du suicide chez les personnes homosexuelles. En général, la communauté homosexuelle se garde bien de livrer les réels motifs de la mort tragique de ses membres car ils ont autant à voir avec leurs histoires de cœur et l’oppression exercée sur les personnes homosexuelles par les personnes homosexuelles, qu’avec des persécutions sociales, même si les deux sont imparfaitement liées. Ce qui empêche les personnes homosexuelles de désigner l’ennemi homophobe, ce n’est pas seulement le voile de mystère entourant l’acte homophobe : c’est surtout la découverte que les principaux ennemis des personnes homosexuelles, ce sont elles-mêmes. La plupart des personnes homosexuelles qui se font assassiner le sont par leurs pairs ou leurs partenaires amoureux. Si les anciennes dictatures traditionnellement connues comme telles maquillaient les meurtres en suicides, la nouvelle dictature homosexuelle, quant à elle, maquille les suicides en meurtres, et les règlements de compte entre communautaires en assassinats venus de l’extérieur. Ce n’est guère mieux…

 

Nous aurons, je crois, fait le premier grand pas contre l’homophobie le jour où nous comprendrons que, plus l’homosexualité sera tolérée socialement en tant qu’identité éternelle/idéal d’amour d’une part, et en tant que négatif parfait de l’homophobie d’autre part, plus la vraie homophobie s’accentuera. Non seulement les individus dits « hétéros » ne veulent aucun mal aux personnes homosexuelles, mais en plus de cela, à force de vouloir leur bonheur, l’écrivent parfois à leur place en ignorant totalement ce qu’elles vivent. C’est peut-être là leur seule homophobie : l’ignorance et l’indifférence sous couvert de respect des différences.

 

Nous, en tant que personnes homosexuelles mais tout d’abord en tant que personnes humaines, devons dès maintenant proposer à notre société une vraie réflexion sur la signification sociale du désir homosexuel pour sortir des faux débats (« À qui la faute ? » « POUR ou CONTRE ? ») qui entourent, cachent, et alimentent l’homophobie.

 


 

[1] Michel Schneider dit même que le terme « homophobie » est un contre-sens, et que, pour être exact, il vaudrait mieux parler de « phobie de l’homosexualité » ou « homosexualophobie » (Michel Schneider, La Confusion des Sexes, Éd. Flammarion, Paris, 2007, p. 39). Mais, quand bien même il ait raison, je préfère garder la signifiance de l’erreur de définition de l’« homosexualophobie », si éclairante pour comprendre le « phénomène miroir » de la haine.

[2] Frédéric Martel, Le Rose et le Noir, Éd. Seuil, Paris, 1996, p. 444.

[3] Jacques Nolot dans son film « La Chatte à deux Têtes » (2002).

[4] Sébastien, Ne deviens pas gay, tu finiras triste, Éd. François-Xavier de Guibert, Paris, 1998, p. 60.

[5] Frédéric Mitterrand interviewé dans « Y a-t-il une Culture gay ? », revue TÉLÉRAMA, n° 2893, le 22 juin 2005, p. 18.

[6] Vincent McDoom dans le magazine Egéries, n° 1, décembre 2004/janvier 2005, pp. 52-55.

[7] Rosa Von Praunheim dans le documentaire « 68, Faites l’amour et recommencez ! » (2008) de Sabine Stadtmueller.

[8] Extrait d’une lettre de Jérôme, un invité de l’émission « Jour après Jour » (France 2) de novembre 2000, écrite en 2001.

[9] Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ?, Éd. Odile Jacob, Paris, 2004, p. 15.

[10] Pascal Bruckner, La Tentation de l’Innocence, Éd. Grasset, Paris, 1995, p. 192.

[11] Mathieu André-Simonet, « Discrimination », dans Louis-Georges Tin, Dictionnaire de l’Homophobie, Éd. PUF, Paris, 2003, p. 134.

[12] Michel Foucault, « Préface » de L’Anti-Œdipe, dans Dits et Écrits II, 1976-1988, Éd. Quarto Gallimard, Paris, 2001, p. 136.

[13] Ce dernier est actuellement considéré comme le summum de la perversion : la profonde aversion que suscite chez certains militants homosexuels la double casquette de « prêtre-psychanalyste » de Tony Anatrella suffit à le montrer…

[14] Je vous renvoie à l’allusion aux « films chocs » dans le paragraphe « L’extériorisation des problèmes conjugaux » du chapitre III de mon essai Homosexualité intime.

[15] Éric Fassin, « Mariage », dans Louis-Georges Tin, Dictionnaire de l’Homophobie, op. cit., p. 277.

[16] Philippe Mangeot, « Discrétion/Placard », Idem, p. 130.

[17] Jean-Michel Rousseau, « Associations », Idem, p. 54.

[18] Daniel Borrillo et Thomas Formond, « Injure », Idem, p. 235.

[19] Sébastien Chauvin, « Honte », dans Louis-Georges Tin, Dictionnaire de l’Homophobie, op. cit., p. 226.

[20] Michel Foucault, « Non au Sexe roi », dans Dits et Écrits II, op. cit., p. 260.

[21] Idem.

[22] Hervé Guibert en parlant du Sida, dans Le Mausolée des Amants, Journal 1976-1991, Éd. Gallimard, Paris, 2001, p. 500.

[23] Élisabeth Roudinesco dans l’émission « Culture et Dépendances », France 3, le 9 juin 2004.

[24] Sandra Boehringer, Thierry Eloi, Flora Leroy-Forgeot, « Italie », dans Louis-Georges Tin, Dictionnaire de l’Homophobie, op. cit., p. 250.; ainsi que l’article « Le Soleil Wilde » d’Anne-Sylvie Homassel, dans Magazine littéraire, n° 343, Paris, mai 1996, p. 30.

[25] Par exemple le documentaire « Au-delà de la Haine » (2006) d’Olivier Meyrou montre bien que le meurtre de François Chenu à Reims perpétré par trois skinheads n’a rien d’homophobe puisque ces mêmes criminels s’étaient auparavant attaqués à des Arabes. L’agression ou le meurtre homophobe n’est jamais que l’illustration d’une intolérance aux différences universelles, et non uniquement à la « différence homosexuelle ». Plutôt que d’homophobie, il serait plus judicieux de parler de « sexophobie ».

[26] Michel Dorais, Mort ou Fif, VLB éditeur, Québec, 2001, p. 87.

[27] Le mécanisme de l’homophobie est particulièrement bien illustré par Frédéric Mitterrand dans son autobiographie La Mauvaise Vie (2005), quand il explique comment lui – et d’autres célébrités telles que Pier Paolo Pasolini, ou Ramón Novarro – en sont arrivées à être persécutées et même tuées par des amants homosexuels avec qui elles avaient été trop maternelles : « Les plus graves menaces surgissent quand on est trop gentil ; le garçon est troublé, il s’expose à éprouver de la sympathie, il ne peut plus mépriser commodément. Si sa nature est franchement mauvaise, il peut prendre peur, s’enrager et devenir incontrôlable avec des pulsions de meurtre pour se débarrasser du gêneur qui a bousculé son équilibre et ses habitudes. (…) Des Pelosi  la grenouille, j’en ai croisé pas mal dans des endroits glauques à Paris. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie, Éd. Robert Laffont, Paris, 2005, p. 163) ; « Je sais que je ne suis pas le seul à être hanté par ce crime et par tout ce qu’il laisse supposer. » (Idem, p. 164) Ce sont ces pages qui devraient circuler dans les établissements scolaires pour la lutte contre l’homophobie ! La vraie homophobie, ce n’est pas uniquement être trop méchant envers les individus homosexuels : c’est aussi être trop gentil. C’est pourquoi une société gay friendly et relativiste constitue une menace pour la communauté homosexuelle.

[28] Gian-Luigi Simonetti, « Pier Paolo Pasolini », dans Didier Éribon, Dictionnaire des Cultures gays et lesbiennes, Éd. Larousse, Montréal, 2003, p. 306.

[29] Patrick Cardon, « Caricature », dans Louis-Georges Tin, Dictionnaire de l’Homophobie, op. cit., p. 75.

 

Les Racines de la follophobie

 

Quand je me balade sur les sites de rencontres internet gay, je suis assez frappé de voir le nombre de fois où les annonces de profils précisent – plus ou mieux gentiment d’ailleurs – que « les folles » et « les efféminés » doivent débarrasser le plancher. Derrière ce type de propos, il faut comprendre : « Si je me case avec un homme qui ressemble à une nana, ou avec une de ses pétasses qui ‘fait milieu’, autant que je bascule hétéro tout de suite ! Moi, si je suis gay, c’est que je suis attiré par des mecs, des Vrais, des hommes virils ! J’ai pas du tout envie que mon couple devienne une parodie d’hétérosexualité ! ». On voit bien ici que le rejet des « folles » et la scission « milieu »/ « hors milieu » se font paradoxalement au nom de la défense de la pureté identitaire homosexuelle, d’une militance 100 % pro-gay, d’un soutien à la communauté homosexuelle… Quelle contradiction !

 

Alors la question qui se pose, c’est : Pourquoi tant de haine envers les personnes (homosexuelles) efféminées ? Qu’ont-elles fait de mal pour que le sobriquet « tapette » balancé sur une cour d’école soit fréquemment considéré comme la plus violente des insultes ? Pourquoi les individus homos ou hétéros, après avoir décerné la Palme de l’Humour aux « Grandes Folles » des cabarets télévisuels (« Quoi de plus désopilant qu’un spectacle de travesti ? » entend-on souvent…), après s’être roulés par terre de rire pour « La Cage aux Folles », finissent par traîner en procès pour « homophobie » leur incontournable Zaza (« Elle donne une image négative et caricaturale de l’homosexualité, qui nous dessert, NOUS, homosexuels ordinaires… »), par la conduire au bûcher, et par saluer les nouveaux modèles cinématographiques clean d’une homosexualité rangée et « intégrée socialement » – comprendre « une homosexualité invisible », voire « quasi hétérosexuelle » – ? (combien de fois a-t-on pu entendre à propos du film « Comme les autres » de Vincent Garenq, par exemple, le « bien fou » que procurait la vue du binôme Pascal Elbe/Lambert Wilson : « ENFIN on ne nous montre pas un couple homo composé de deux tantouzes Gay Pride, mais au contraire des homos NORMAUX, pas efféminés… » ?) Pourquoi ce sont généralement les personnes homosexuelles les plus machistes et les plus efféminées (« Il n’y a pas plus folles que les folles qui détestent les folles » déclare à juste raison Jacques Nolot dans son film « La Chatte à deux têtes »…) qui déchargent le plus violemment leur amertume agressive sur l’homme efféminé, cet être qui a pourtant été le petit garçon maniéré qu’ils ont été aussi, ce jeune homme militant des années 1950-60 qui fut le premier à s’assumer en tant qu’« homo » et à mener les combats pionniers pour leur future liberté de personnes homosexuelles, cet homme adulte qui travaillera jusqu’à la fin de sa vie à masquer son efféminement dans un engagement de couple où, dira-t-il, « aucun des deux membres ne fait l’homme ni la femme » ?

 

 

Pour répondre à ces questions, je me suis moi-même interrogé sur les sensations intérieures que me procurait la compagnie de mes amis gay les plus efféminés : un mélange de fascination, de lassitude, de tristesse, de révolte, d’amusement, et au final d’attendrissement. L’autre jour, en plein Paris, je me promenais précisément avec l’un d’entre eux – appelons-le Tristan. Tristan est un gars très maniéré, autant vestimentairement qu’au niveau des attitudes. Un peu artiste, chanteur et poète raté. Quand on le voit, on devine tout de suite son homosexualité latente. Il est très féminin. Non pas qu’il imite les vraies femmes ; mais il cherche constamment, dans son mode de vie, à reproduire, par anti-conformisme de principe, tous les traits de caractères misogynes de la femme cinématographique attribués à tort aux femmes réelles : la séduction manipulatrice, la vengeance doucereuse, la manigance cachée et esthétisée, l’émotion lacrymale travaillée, le caprice, le scandale, les cancans, la folie, l’hystérie, le viol, etc.. J’ai bien essayé d’intégrer Tristan à mes autres cercles amicaux ; je disais à mes connaissances : « Ne vous fiez pas à ses apparences de peste. Allez voir plus loin ! L’agression, ce n’est qu’un genre qu’il se donne pour se défendre et entrer en relation. Il se trouve beau comme ça, mais au fond, ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il ne s’aime pas vraiment comme ça. »)… mais sans succès : ils le trouvaient tous unanimement insupportable. Pour ma part, je n’avais pas honte de me balader seul avec lui dans la rue, ni peur d’affronter les regards de mépris des passants qui nous associaient instinctivement à un couple homosexuel en voyant chez mon voisin le sac à main en bandoulière, la chemise exagérément échancrée, le pantalon ultra-moulant, les santiagues « de tapette », et le déhanché de mannequin « de-la-mort-qui-tue » (en quelques sortes, marcher dans la rue avec Tristan, c’est comme faire son coming out, voire subir un outing !). Mais mes amis ont fait preuve de moins de patience à son égard. Je les comprends un peu… même si je ne les justifie pas car ils se sont arrêtés au vernis, au lieu de considérer la Personne réelle qui se cache derrière une image outrancière et surchargée, vernis que Tristan assume à la fois complètement – cette féminité médiatique singée sur son corps d’homme, c’est selon lui le « must » de la grâce séduisante, du pouvoir, de la provocation, de son originalité, de son identité – et qu’il n’assume pas du tout – il sera le premier à me dire qu’il n’est pas efféminé et qu’il n’a rien à voir avec ces autres « folles du Marais » ! – : ce va-et-vient entre défense et déni de son propre efféminement, qui est objectivement le signe de son inconstance, de sa lâcheté, de son vide identitaire, de son désarroi existentiel, lui apparaîtra paradoxalement comme un jeu exceptionnel, un trait de génie. La trahison (aux autres, mais d’abord à lui-même), c’est, croit-il, sa nature profonde.

 

Pour être honnête, je peux concevoir qu’intellectuellement on puisse devenir follophobe (c’est-à-dire anti-folles). Je constate en effet que plus un garçon est efféminé à l’âge adulte (mais ça marche aussi pour une femme à apparence très masculine – comme quoi, pour moi, le problème n’est pas d’abord une affaire de « genre(s) » et d’« apparence sociale féminine/masculine » comme l’avancent lesQueer Studies, mais bien plus profondément de refus de son propre sexe de naissance : ce n’est pas tant l’efféminement que la haine qu’illustre le rejet de son sexe et le rejet des images sociales de celui-ci, qui fait violence), plus il devient insupportable à vivre, soumis aux objets et aux regards des autres, cynique, misogyne, immature, agressif, asocial, radin, caractériel, fourbe, menteur, faussement mélancolique/euphorique, capricieux, théâtral, misanthrope, narcissique, paresseux, manipulateur, dandy, « langue-de-pute », … parce qu’il fuit le Réel, il fuit les autres et qui il est, il préfère vivre dans un monde fictionnel (littéraire ou cinématographique) que dans un monde vrai et exigeant, il hait les hommes et – même si c’est plus difficile à percevoir, car l’idolâtrie est une déclaration de haine dissimulée temporairement par la passion – les femmes. Cette haine de la femme réelle, à qui il préfère la femme-objet cinématographique courtisane mi-poupée Barbie mi-Catwoman, ce machisme peinturluré de rose, cette faiblesse agressive, cette laideur caricaturale orgueilleusement exhibée comme le summum du Goût et de l’esthétisme, a quelque chose de grotesque et d’insupportable en soi, c’est vrai.

 

Dans l’efféminement, je crois fondamentalement que l’os, c’est le rejet de la différence des sexes. À force d’être sublimée, à force d’être compressée en un seul individu, elle est menacée. Ce qui gêne le plus chez les mecs efféminés (pas forcément homos d’ailleurs), c’est qu’ils portent sur eux le désir de viol : en effet, l’identification à la femme-objet, réifiée par le cinéma et traitée comme une marchandise qu’on sublime sous forme de fétiche sacré ou d’automate ultra-sophistiqué, est objectivement violente sur la durée – même si, sur le moment, elle amuse –, et rend, pour sa société, l’homme efféminé coupable. Être violé ou avoir connu l’inceste d’un univers maternant trop pesant n’est pas un crime en soi, puisque le viol a été subi ; or à l’inverse, on pardonne peu le désir de viol, car une victime est toujours libre de ne pas soutenir voire reproduire l’agression qui lui a été faite. D’ailleurs, pour revenir au cas précis de Tristan, il me disait explicitement que le viol exerçait sur lui une sorte d’attraction irrésistible : il s’habillait très léger pour choquer et provoquer l’agression ; quand il se faisait insulter dans la rue, il prenait un malin plaisir à jeter verbalement de l’huile sur le feu en aboyant comme un petit roquet sur celui qui le menaçait (et moi, à côté, je le tirais par le bras, genre « Allez viens, Tristan, on y va, laisse tomber… [j’le connais pas, faites pas attention à lui, c’est mon p’tit frère…] ») ; il me racontait aussi les 4-5 agressions très violentes qu’il a subies à cause de son apparence efféminée – type qui se masturbe devant lui dans un recoin du métro parisien, jet de pierres, insultes, vol à l’arrachée dans le RER, etc. – ; moi qui n’ai jamais, en tant qu’adulte, été agressé du fait d’être efféminé, je ne suis pas loin de penser que Tristan a largement appelé le viol par l’affichage de son arrogance précieuse et par son désir inconscient d’être attaqué… Le fantasme du martyr a toujours été chez lui vraiment très marqué, même s’il est complètement irresponsable.).

 

Ce qui fait finalement sourire dans l’efféminement, qui le rend touchant et moins grave que ce que je viens de signaler plus haut, c’est que cette identification à la femme-objet est forcément incomplète, ratée, ridiculement orgueilleuse (un être humain ne deviendra jamais 100 % objet, qu’il le veuille ou non), et que bien des hommes homosexuels – les hommes travestis et transsexuels en 1èreligne – se rient de leur prétention (à se croire objet sacré, à changer magiquement de sexe ou à le perdre) et de leur naïveté (en parodiant sur eux-mêmes le massacre iconoclaste de l’idole féminine qu’ils ont au départ cherché à incarner sérieusement : je vous renvoie par exemple au portrait absolument camp de la chanteuse de music-hall handicapée jouée par Denis D’Arcangelo dans la comédie musicale « Le Cabaret des Hommes perdus » de Christian Siméon). Le problème, c’est que l’usage systématique du second degré laisse un sérieux doute sur le prétendu recul qu’ils ont par rapport à la violence de leur désir.

 

 

En fin de compte, nous devrions reconsidérer les bons côtés de l’efféminement chez les hommes : le petit garçon qui s’est identifié à des modèles féminisants par rejet des modèles machistes, a voulu, à la base, un monde plus juste, plus doux, plus fantaisiste, plus coloré, moins violent. C’est une démarche tout à fait louable… même si, dans sa fuite, cet enfant a rejoint une nouvelle violence, celle d’un monde inanimé, solitaire, déshumanisé, où règne le fantasme : en gros, il est passé sans s’en rendre compte de la sensibilité à l’inconfort de la sensiblerie. Il ne faut pas croire complètement à la comédie des « folles » comme elles souhaiteraient la croire à la fois vraie et futile, mais simplement y reconnaître l’expression d’une fragilité, d’une blessure qui se nie tout en s’exprimant, d’un viol – fantasmé mais parfois réel – : derrière le masque rose à paillettes du travesti homosexuel se dissimule souvent un homme violé. Oui, je ne vous le cache pas : pour aimer des êtres qui concrètement font tout pour se rendre détestables, qui sont les maîtres du chantage aux sentiments, de la douceur-poignard, notre patience est mise à rude épreuve. Mais justement, nous devons aider notre société à les valoriser, et nous forcer nous-mêmes à les aimer, car en dépit des apparences, ils sont vraiment très fragiles (beaucoup, même, se trouvent être dépressifs). Seulement voilà : ils masquent leurs faiblesses et leurs blessures par une carcasse d’autosuffisance afin de nous faire croire qu’ils sont forts et indestructibles : mais ils s’aiment bien peu au final. Ils sortent artistiquement l’artillerie lourde (maquillage, scalpel, somme astronomique en vêtements, régime alimentaire draconien, drogues, usage du ridicule et de la méchanceté, humour camp convivial, etc.) pour ne pas se faire aimer parce qu’ils s’imaginent que l’amour est une arme qui assujettit, qu’ils ne peuvent vraiment aimer profondément que dans l’agression, bref, parce qu’ils croient que l’amour est le viol.